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Les labyrinthes de verre

 | 
Isabelle Danic
, 
Patricia Loncle

Politiques et pratiques d’orientation des professionnels

Isabelle Danic et Magali Hardouin

Texte intégral

Introduction

1Après la présentation des politiques éducatives, des organisations scolaires et des transitions formation-emploi dans le mouvement de transformation néolibérale émanant du cadre européen (Loncle et al., supra), débute une réflexion sur l’incidence de l’orientation à l’issue du premier cycle sur les trajectoires éducatives qui se poursuit dans la contribution de Danic et Filhon et celle de Becquet, infra. La présente contribution examine les politiques d’orientation et leurs mises en œuvre par les professionnels en développant plus précisément le cas de la France. La contribution suivante (Danic et Filhon) étudie en vis-à-vis l’élaboration des choix des adolescents et de leurs parents dans les différents pays investigués et en particulier en France. La contribution de Becquet considère les manières dont la participation des élèves et des parents dans les établissements peut influer sur la constitution des trajectoires éducatives.

2Les travaux français et internationaux ont pointé comme origine des différences sociales entre les trajectoires éducatives, d’une part, les inégalités de réussite scolaire selon le milieu social et, d’autre part, des inégalités d’orientation (Duru-Bellat, 2002). En matière d’acquisitions, les enfants entrent à l’école maternelle avec des niveaux très inégaux (en logique verbale, structuration spatiale, organisation temporelle, cf. Leroy-Audouin et Duru-Bellat, 1993), et si la préscolarisation atténue les écarts, les acquisitions évaluées en CE2 sont globalement corrélées à l’origine socio-culturelle, et en particulier au niveau d’instruction de la mère (de Singly, 2002). De ce fait, au collège, les adolescents arrivent avec des bagages scolaires disparates pour partie liés au milieu social, qui vont favoriser ou au contraire freiner les apprentissages ultérieurs (Duru-Bellat et Mingat, 1993). Le processus d’apprentissage étant cumulatif, les élèves en réussite continuent à progresser tandis que les adolescents en difficultés ne parviennent pas à suivre. Ces processus sont amplifiés par le regroupement d’élèves semblables dans les établissements et dans les classes (par le choix de langue ou d’option) et vont s’articuler avec les choix d’orientation qui s’opèrent en fin de 3e. Bien sûr, le niveau scolaire pèse dans les décisions d’orientation, dirigeant les meilleurs vers les filières les plus cotées. Mais à niveau scolaire comparable, le genre (Caille et Lemaire, 2002 ; Vouillot, 2010), les origines sociales (Jarousse et Labopin, 1999 ; Lemaire, 2004) et nationales (Dhume et al., 2011) des adolescents influencent le choix du cursus ultérieur.

3Les approches macro-sociologiques bourdieusiennes ou boudonniennes ont donné la primauté explicative des trajectoires éducatives à l’appartenance sociale des familles, dans le premier cas, par l’intériorisation des probabilités objectives liées à leurs capitaux (Bourdieu et Passeron, 1970 ; Bourdieu, 1974), dans le second cas, par un calcul coût/bénéfice d’une formation selon leur position sociale (Boudon, 1973 ; Cherkaoui, 1982). Si le rôle de la famille reste souligné dans les choix d’orientation (Duru-Bellat et Mingat, 1993), et nous le développons dans la contribution suivante, il est articulé depuis le début des années 1980 avec le rôle de l’institution scolaire appréhendé de façon moins homogène et abstraite, à des échelles méso ou micro. Des chercheurs ont mis en évidence l’importance de l’institution dans la définition du parcours scolaire (Grisay, 1997 ; Cousin, 1993 ; Mingat, 1991) et en particulier lors des choix d’orientation (Nakhili, 2005 ; Felouzis, 2003). Dans cette perspective, Briand et Chapoulie (1993) révisent le poids accordé à la demande scolaire des familles au profit de celui de l’offre de formation qui oriente et pondère les décisions d’orientation vers tel ou tel établissement et telle ou telle formation. Dans son approche ethnographique « de l’intérieur », Masson (1994) révèle comment les décisions d’orientation résultent des interactions et des négociations entre élèves, parents et professionnels (principaux et enseignants) au vu de l’offre de formation de proximité.

4Dans notre recherche, nous n’avons pas investigué les processus d’apprentissage scolaire. Nous avons fait le choix d’examiner la transition à la fin du premier niveau du secondaire, en prenant en compte les régulations et les contextes institutionnels nationaux, les fonctionnements des établissements, les points de vue et les pratiques d’orientation des professionnels, ainsi que les aspirations et les décisions des adolescents et de leurs parents. Cette contribution et la suivante rendent compte de cette transition pour la France, comparée aux autres pays.

Données mobilisées et rappel des terrains détude

  • 1  Pour garantir l’anonymat des principaux interviewés, nous avons enlevé leur marque de genre.

5Le protocole méthodologique d’ensemble étant détaillé dans la première contribution, cette partie expose uniquement les matériaux sur lesquels s’appuie la présente contribution et remémore les terrains. L’investigation des politiques et des pratiques d’orientation à l’issue du secondaire premier niveau s’appuie sur l’enquête documentaire sur les systèmes éducatifs, et en particulier les procédures d’orientation, sur le questionnaire destiné aux chefs d’établissement dans les huit pays, et sur la base des données qualitatives collectées par nos trois terrains dans des établissements défavorisés : un établissement de Rennes, un collège de Montpellier et un à Montreuil (entretiens menés sur ces trois terrains français avec dix-neuf enseignants, les trois principaux, vingt-six autres personnels – conseillers d’orientation psychologues, surveillants, conseillers principaux d’éducation, assistants sociaux, infirmières, professionnels de structures socio-éducatives partenaires)1.

6Rappelons que ces trois collèges enquêtés en France ont été volontairement choisis parmi les établissements socialement défavorisés en vue d’y cerner les mécanismes de constitution de parcours globalement plus courts et plus souvent professionnels. Au moment de l’enquête, ces collèges accueillent de 30 à 40 % d’élèves défavorisées (catégories et décomptes des rectorats). Mais la perception des personnels tient davantage aux transformations du public : dégradation sociale des collèges de Montpellier et de Rennes, revitalisation du collège de Montreuil. Depuis l’assouplissement de la carte scolaire, les personnels des deux collèges étudiés à Rennes (30 % d’élèves de catégorie défavorisée) et à Montpellier (40 %) constatent une transformation de leur public : les familles de classe moyenne et du haut de la classe populaire se détournent de leur établissement.

« Ils [les parents] peuvent court-circuiter la carte scolaire et aller voir ailleurs. Et c’est dommage parce que ça participe un peu à la ghettoïsation du collège ; ça n’arrange pas les choses. Je n’ai pas de recul mais on perd la mixité sociale, clairement. Le changement, il se fait dans la proportion d’élèves qui ont des problèmes. Problèmes, c’est très général, évidemment, des problèmes dans leur vie, de famille, des problèmes sociaux, des problèmes d’argent. J’ai cru comprendre que la proportion de boursiers dans le collège explose. Donc ça veut bien dire qu’on perd la mixité sociale » (enseignant, Rennes).

7A contrario, le troisième collège qui a donné lieu à un terrain en France, situé à Montreuil, a bénéficié d’une rénovation d’importance, avec un changement de nom et un changement de direction, afin d’enrayer son déclin d’effectif. Et cette stratégie semble avoir opéré :

« C’est un collège avec une population très hétérogène, avec vraiment une mixité sociale puisqu’on est en gros à 39 % de catégorie défavorisée, 33 % de moyenne et le reste en catégories favorisées A et B », explique le principal.

8Les taux de réussite au brevet sont de 84 % dans le collège rennais (pour un taux de 88 % dans le département), de 75 % dans le collège de Montpellier (pour un taux de 80 % dans ce département), et de 69 % dans le collège de Montreuil (pour un taux de 77 % dans ce département).

9La présente contribution montre les politiques et les pratiques des professionnels en matière d’orientation à l’issue du premier niveau du secondaire en vue de cerner leur contribution à la fabrication des trajectoires. La première partie présente les politiques d’orientation dans les huit pays membres de GOETE. Elle s’appuie à la fois sur une enquête documentaire réalisée sur les systèmes éducatifs et les procédures d’orientation, ainsi que sur le questionnaire complété par les chefs d’établissement. La deuxième partie approfondit le cas de la France sur la base d’une enquête qualitative réalisée dans trois collèges implantés dans des quartiers défavorisés (présentés dans Danc et Loncle, supra) : qui sont les professionnels en charge d’aider les adolescents à choisir la suite de leur cursus ? Comment assument-ils cette fonction ? De quelles ressources disposent-ils pour celle-ci ? La troisième partie de la contribution, s’appuyant sur cette même enquête qualitative, met en évidence le regard des professionnels sur leurs élèves et leurs familles de ces quartiers populaires et les scénarios qu’ils imaginent pour eux à l’issue de la 3e.

L’orientation à la fin du premier niveau du secondaire dans les huit pays étudiés

10Avant d’examiner les pratiques et représentations des professionnels vis-à-vis de l’orientation de leurs élèves, cette partie caractérise synthétiquement les politiques d’orientation dans les huit pays à partir d’une enquête documentaire et d’un questionnaire auprès des chefs d’établissement.

Présentation générale2

  • 2  Cette partie se réfère à l’article de Laetitia Mellottée et Ilse Julkunen, 2012, « Career guidance (...)
  • 3  Notons que quel que soit l’âge de cette orientation majeure, les principaux, les adolescents, mais (...)

11Dans la perspective européenne de construire une économie de la connaissance performante (Stratégie de Lisbonne), d’accroître le nombre de diplômés du supérieur et de réduire les sorties précoces du système de formation, l’information et l’orientation relatives aux formations et aux métiers sont envisagées comme les principaux moyens d’action par la Commission européenne et par l’OCDE (2004). Ces organismes internationaux ont réalisé des états de la question qui concluent à la diversité nationale des dispositifs d’orientation en lien avec de nombreux paramètres tels que le niveau de développement du pays et son marché de l’emploi, l’attribution de ces services aux secteurs public ou privé, l’organisation du système scolaire (long tronc commun versus organisation précoce en « tuyaux d’orgue ») (OCDE, 2004). En outre, chaque pays a privilégié soit la préparation aux choix de formation, soit celle aux choix de métiers. Les rapports de la Communauté européenne et de l’OCDE mettent en question la qualité des services publics d’orientation et préconisent de les moderniser et de les décloisonner pour assurer « l’orientation tout au long de la vie ». Malgré cette préconisation européenne des années 2000 de relier l’accompagnement à l’orientation scolaire et la guidance professionnelle, les deux préparations aux choix de formation et aux choix d’une profession sont encore largement séparées. De plus ces préparations sont concentrées aux moments de bifurcations potentielles : aucun pays enquêté ne réalise un accompagnement aux choix de formation et de métiers sur l’ensemble du cursus scolaire. S’il y a généralement une première transition entre le primaire et le secondaire (à l’exception de la Finlande), celle-ci n’est pas considérée comme nécessitant un accompagnement spécifique. C’est la transition qui suppose de choisir entre la filière générale et les voies professionnelles, qui est appréhendée dans les huit pays comme l’étape cruciale requérant un accompagnement. En conséquence, la préparation prend généralement place durant le premier niveau du secondaire ; seule la Finlande poursuit cet accompagnement durant le second niveau du secondaire. Ce passage, perçu comme majeur, a lieu vers 15 ans avec des variations entre les pays : les choix de filière sont plus précoces en Allemagne (10 ans), en Italie (14 ans), en Grande-Bretagne (13 ans) et aux Pays-Bas (12 ans) et plus tardif en Finlande (16 ans)3.

12Depuis le début des années 2000, l’Europe préconise d’intégrer l’orientation dans les cursus et les textes nationaux reprennent cette voie en promouvant soit l’intégration de l’orientation dans les programmes comme une partie propre du curriculum, soit le développement des compétences nécessaires à la prise de décision intégré dans les autres cours. Dans le premier cas, on peut citer l’exemple de l’Allemagne qui a édicté des modules de découverte du monde du travail. Le second cas est beaucoup plus difficile à cerner puisqu’il relève de la bonne volonté des personnels à introduire un travail sur les compétences dans un cours de français, de mathématiques ou autre. Concrètement, il apparaît dans nos enquêtes que l’orientation est encore peu intégrée dans le curriculum. Ainsi, l’aide se réalise plutôt sous forme d’entretien individuel avec les élèves et/ou les parents et est complétée également par une information collective. Dans les deux cas, on remarque qu’il s’agit d’une information assez technique sur l’étape qui se joue à court terme. Avant de détailler davantage, il convient de présenter les acteurs de l’orientation auprès des élèves.

Les acteurs de l’orientation

13Dans notre enquête, trois organisations relatives à l’orientation apparaissent et peuvent être schématisées (tableau page suivante) : la mission d’orientation peut relever soit d’un professeur, soit d’un spécialiste de l’orientation interne à l’établissement ou bien encore d’un spécialiste d’orientation externe à celui-ci, selon les pays.

Tableau 1. – L’organisation de l’orientation

Modèles

Pays

Organisation

Professeur avec fonction d’orientation

Allemagne, France (mixte), Italie, Pays-Bas

Un professeur est chargé de l’orientation en plus de ses enseignements

Spécialistes de l’orientation dans l’école

Finlande, France (mixte), Slovénie

Un spécialiste de l’orientation qui a reçu une formation spécifique

Spécialistes de l’orientation en dehors de l’école

Royaume-Uni

Un spécialiste de l’orientation qui a reçu une formation spécifique

Source : Mellottee et Julkunen, 2012, p. 98.

14Quatre pays (Allemagne, Italie, Pays-Bas, France) assignent la mission d’orientation, principalement ou exclusivement, aux enseignants. Se pose alors la question de la place que tiennent ces questions dans leur formation (cf. tableau ci-dessous réalisé sur la base de la documentation disponible et des entretiens dans chacun des pays).

Tableau 2. – Place de l’orientation dans la formation des enseignants

Tableau 2. – Place de l’orientation dans la formation des enseignants

Source : Mellottee et Julkunen, 2012, p. 96.

15Plusieurs différences se font jour entre pays. Aux Pays-Bas, l’orientation est précoce et elle est dévolue aux enseignants, ces derniers recevant une formation complète pour assumer cette charge. Par contre, dans les autres pays, il apparaît que les enseignants ne sont que très peu formés, voire pas du tout (Pologne, Slovénie). Le cas de la Slovénie peut s’expliquer par le fait que ce pays ayant institué des spécialistes de l’orientation, ce rôle n’incombe pas aux enseignants. En revanche, pour les autres pays, alors que les enseignants sont les principaux accompagnateurs des élèves (comme en Italie et en France) ou que l’orientation est précoce comme en Allemagne, le manque de formation pose question quant à la volonté ou à la capacité politique de privilégier cette mission du système éducatif.

16Avant d’examiner la mise en œuvre des politiques d’orientation par les professionnels dans le cas français, éclairons davantage le contexte d’action des professionnels grâce à l’enquête par questionnaire auprès des chefs d’établissement.

La transition du point de vue des chefs d’établissement

17En tant qu’acteur et témoin de la mise en œuvre des politiques d’orientation, les points de vue des chefs d’établissements nous informent de la préparation de la transition dans leur établissement. Ce sont des informateurs précieux sur l’accompagnement réalisé dans leur école et sur la formation des enseignants en matière d’orientation. En outre, leurs représentations influencent leurs pratiques et leurs décisions (Barberis et Buchowicz, 2012).

Une transition expliquée d’abord par des facteurs individuels

18Comme facteurs principaux dans la transition d’un niveau à un autre du secondaire, les chefs d’établissement dans leur ensemble pointent d’abord des causalités individuelles : problèmes de comportement, de santé mentale, de déficience cognitive des élèves. Ils y ajoutent la démission parentale et les problèmes familiaux. Les facteurs sociaux tels que la pauvreté socio-économique des familles ou les facteurs institutionnels tels que le manque de place dans les formations du niveau ultérieur ou la localisation des établissements ne sont considérés que comme moyennement importants. Autrement dit, les représentations que les chefs d’établissement se font de la transition valorisent des facteurs explicatifs individuels alors que les recherches pointent en premier lieu des facteurs structurels tels que le niveau socio-économique des familles, l’offre locale de formation, la composition sociale des établissements. Ces représentations des chefs d’établissement amènent à rendre responsable les élèves et leur famille de la transition réalisée et à négliger les facteurs structurels.

19Si l’on se réfère à la catégorisation d’Allmendinger, des différences entre les pays se font jour sans qu’il y ait de tendance propre à chaque catégorie de pays.

20Les chefs d’établissement français désignent aussi en premier lieu les facteurs sanitaires, et en particulier l’usage de stupéfiants par les élèves. Toutefois ils soulignent davantage que les autres chefs d’établissement le niveau socio-économique des familles, ainsi que les facteurs institutionnels (emplacement et réputation de l’établissement, manque de places dans la formation souhaitée). On peut faire l’hypothèse qu’ils tentent de ce fait d’agir davantage sur ces aspects que leurs homologues européens. Voyons alors quelles actions les chefs d’établissement mettent en œuvre dans leur propre école en matière d’orientation.

Tableau 3. – Les facteurs affectant la transition en fin de secondaire selon les chefs d’établissement

Tableau 3. – Les facteurs affectant la transition en fin de secondaire selon les chefs d’établissement

21La question était : « À partir de votre expérience, indiquez l’importance des facteurs suivants dans la transition d’un niveau à un autre » : aucune = 1 ; très grande = 5. Source : The view from the Principal’s office. The opinions of Principals from 8 European countries. Comparative analysis institutional survey, GOETE working paper, Turku/Varsovie/Francfort, Université de Turku/école d’économie de Varsovie/Université de Francfort, p. 69.

Un accompagnement varié selon les pays

22Les chefs d’établissement indiquent qu’eux-mêmes et les enseignants réalisent diverses actions pour préparer la transition des élèves vers le niveau ultérieur (par exemple soutien et conseil auprès des parents pour 79 % d’entre eux). C’est le cas de tous les directeurs enquêtés en Pologne, d’une écrasante majorité aux Pays-Bas (95 %) et en Slovénie (93 %) mais de seulement 44 % des Britanniques et 42 % des Français enquêtés. Une autre action très répandue est le conseil sur les métiers auprès des élèves que plus des ¾ des établissements organisent : dans 95 % des établissements de Pologne et de Slovénie, dans 90 % en Finlande et aux Pays-Bas. À l’inverse, ils ne sont que 35 % des établissements enquêtés en France à organiser ce type d’aide. Par ailleurs, visiter l’établissement du niveau secondaire supérieur est souvent mis en œuvre en Finlande, en Slovénie, en Italie et en France, et moins fréquemment aux Pays-Bas. La communication entre pairs (peermentoring) et la visite des bureaux de placement d’emploi sont les actions les moins citées. Seuls les établissements polonais (à 89 %) et finlandais (à 71 %) rapportent significativement les pratiques de communication entre pairs. Quant à la visite de bureau de placement d’emploi, elle se réalise au Royaume-Uni (39 %) et en Finlande (38 %) mais très peu dans les autres pays.

Tableau 4. – Actions réalisées dans l’établissement selon les chefs d’établissement

Tableau 4. – Actions réalisées dans l’établissement selon les chefs d’établissement

23La question était : « Quelles actions sont menées dans votre école ? » Source : The view from the Principal’s office. The opinions of Principals from 8 European countries. Comparative analysis institutional survey, GOETE working paper, Turku/Varsovie/Francfort, Université de Turku/école d’économie de Varsovie/Université de Francfort, p. 71.

Améliorer la formation des enseignants

24Les chefs d’établissement considèrent que la formation des enseignants est pertinente du point de vue de l’orientation des élèves en terme de scolarité et de métiers, sans être perçue comme pleinement satisfaisante dans aucun pays. Les chefs d’établissements français sont les plus réservés quant à la formation de leurs enseignants : ils notent mal l’orientation scolaire (2,16/5) et l’orientation professionnelle (2,06/5).

Tableau 5. – L’avis des chefs d’établissement sur la formation des enseignants

Tableau 5. – L’avis des chefs d’établissement sur la formation des enseignants

25La question était : « Indiquez à quel degré les enseignants de votre établissement sont formés sur les aspects suivants » ; 1 = pas formés du tout ; 5 = très bien formés. Source : The view from the Principal’s office. The opinions of Principals from 8 European countries. Comparative analysis institutional survey, GOETE working paper, Turku/Varsovie/Francfort, Université de Turku/école d’économie de Varsovie/Université de Francfort, p. 77.

L’orientation dans leur établissement

26Les chefs d’établissement enquêtés devaient exprimer leur accord ou leur désaccord avec plusieurs assertions sur leur établissement. Comme le montre le tableau ci-dessous, ils sont globalement satisfaits de la préparation à l’orientation faite dans leur établissement (3,81/5 en moyenne). Cependant si les Allemands et les Polonais manifestent une satisfaction importante (4,25/5 et 4,21/5 respectivement), les Français sont à nouveau les moins positifs (2,93/5). Deux hypothèses sont à envisager : les chefs d’établissement français seraient plus pessimistes que les autres dans l’appréhension de leur établissement ou l’orientation serait effectivement moins bien prise en charge dans les établissements français.

Tableau 6. – Point de vue des chefs d’établissement sur l’attention accordée à l’orientation dans leur école

Tableau 6. – Point de vue des chefs d’établissement sur l’attention accordée à l’orientation dans leur école

27La question était : « Votre école accorde une attention suffisante à la préparation aux choix de formation ultérieure » ; 1 = totalement en désaccord ; 5 = totalement d’accord. Source : The view from the Principal’s office. The opinions of Principals from 8 European countries. Comparative analysis institutional survey, GOETE working paper, Turku/Varsovie/Francfort, Université de Turku/école d’économie de Varsovie/Université de Francfort, p. 83.

28Par ailleurs, nos enquêtes de terrain pointent le fait que les conseils des personnels d’orientation internes à l’établissement peuvent être biaisés lorsque l’établissement propose des formations du niveau supérieur et que leurs financements dépendent du nombre d’élèves (Grande-Bretagne, Pays-Bas et Pologne).

29Si l’Europe incite les pays membres à développer l’accompagnement de l’orientation des élèves en vue d’augmenter le nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur, de réduire les décrochages précoces, et plus globalement de développer ainsi l’intégration sociale, les critiques émises par le rapport de l’OCDE en 2004 et par Sultana et Watts (2004) semblent encore d’actualité. Le rapport de l’OCDE (2004) pointait des déficiences des politiques d’orientation en Europe : un manque de cohérence, de coordination et de transparence pour les usagers ainsi qu’une déficience du dispositif d’orientation dans la perspective d’éducation tout au long de la vie. De leur côté, Watts et Sultana (2004) constataient que, dans les pays européens, les acteurs de l’orientation ne sont souvent ni spécialisés, ni formés, et ajoutent cette fonction à leur fonction principale d’enseignant, de conseiller ou de psychologue. Précisons que la Finlande, la Slovénie et la France ont des spécialistes à temps plein. Ceux-ci sont cependant décrits, dans nos enquêtes de terrain, comme surchargés, avec pour conséquence une faible efficacité dans le processus. Les Pays-Bas est le seul pays à missionner et à former véritablement les enseignants. Dans les pays étudiés dans la recherche GOETE, l’accompagnement est limité au premier niveau du secondaire, à l’exception de la Finlande où elle se poursuit dans le second niveau du secondaire.

30Examinons maintenant plus précisément la préparation de la transition en fin de collège en France.

L’accompagnement à l’orientation en France

31En France, à la fin des années 1960, se constituent des services publics spécialisés en orientation scolaire. Dans les années 1980, ceux-ci vont s’institutionnaliser en services cloisonnés selon les publics : scolaires/demandeurs d’emploi/salariés, en lien avec les politiques éducatives et les politiques d’emploi. Les années 1990 voient apparaître des structures d’orientation scolaire et professionnelle privées qui co-existent avec les structures publiques. En 2000, quand l’Union européenne se positionne fortement vis-à-vis de la formation et de l’emploi en considérant l’orientation comme un outil majeur et en privilégiant l’« orientation tout au long de la vie », la France examine son orientation scolaire et commande plusieurs rapports (Henoque et Legrand, 2004 ; Tharin, 2005 ; MENESR, 20007 ; Reiss, 2007). Avant même ces évaluations, à partir des années 1990, et en lien avec les lois de décentralisation, des pouvoirs publics régionaux ont mené les premières réformes visant à décloisonner ou à coordonner les services spécialisés selon les publics à l’échelle de leur territoire. Ces actions régionales ont été peu relayées au niveau central (Borras et Romani, 2010) et une bonne articulation des actions de l’état et des régions reste un objectif des politiques actuelles en matière d’orientation. Un schéma national de l’orientation est rendu public en 2007 et promeut notamment la réduction des sorties sans qualification et le développement de la connaissance des métiers et du monde de l’emploi dans l’enseignement secondaire. En 2009, la loi no 2009-1437 du 24 novembre, relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, est votée pour améliorer la qualité de l’information et de la formation professionnelle des jeunes sortis du système scolaire et des adultes. Au sein du système scolaire, les orientations européennes en matière d’orientation ont été déclinées en France dans le Code de l’éducation qui instaure le droit au conseil en orientation et à l’information sur les enseignements, sur l’obtention d’une qualification professionnelle, sur les professions ainsi que sur les débouchés et les perspectives professionnels. Pour autant, l’orientation en elle-même incombe à l’élève :

« L’orientation est le résultat du processus continu d’élaboration et de réalisation du projet personnel de formation et d’insertion sociale et professionnelle que l’élève de collège, puis de lycée, mène en fonction de ses aspirations et de ses capacités »
article D. 331-23 du Code de l’éducation.

32Concrètement en classe de 3e, les adolescents doivent formuler au maximum trois vœux d’orientation au deuxième trimestre, parmi les voies ultérieures au collège :

    • 4  215 spécialités dans les domaines suivants : artisanat, mode, spectacle, BTP, commerce, accueil, v (...)

    soit une première année de CAP (certificat d’aptitude professionnel), qui est une formation en deux ans pour exercer un métier déterminé, associant enseignement général et formation professionnelle, à choisir parmi les 215 CAP proposés4 ;

  • soit une seconde professionnelle qui conduit l’élève à un baccalauréat professionnel sur un cycle de 3 ans, à choisir parmi les 80 spécialités proposées ;

    • 5  Les spécialités des baccalauréats technologiques sont STMG, STI2D, STL, ST2S, STAV, TMD, hôtelleri (...)

    soit une seconde générale à l’issue de laquelle l’élève doit opter pour une première menant vers un baccalauréat général (L, S ou ES), ou vers un baccalauréat technologique5.

  • 6  Ceci est le calendrier national usuel mais il diffère de façon expérimentale dans quelques départe (...)
  • 7  L’affectation par ce logiciel a remplacé l’affectation manuelle en 2008 officiellement pour assure (...)

33Ces vœux formulés par l’élève et ses parents sont examinés par le conseil de classe qui, au troisième trimestre de l’année de 3e, émet une décision d’orientation en acceptant une des formations souhaitées par la famille ou en les refusant6. En cas de désaccord avec la décision du conseil de classe, la famille peut ensuite négocier avec le principal (voir ci-dessous), ou si le désaccord persiste, faire appel. Les élèves sont ensuite affectés à un établissement par le rectorat qui utilise le logiciel Affelnet (pour affectation des élèves par le net)7. Pour ceux qui vont en seconde générale ou technologique, leur lieu de résidence détermine le lycée d’affectation (sectorisation). Pour les élèves de 2de professionnelle, de 2de internationale, ou encore de CAP, les notes de l’élève et sa motivation sont les critères d’affectation. Les cas particuliers et les contestations des familles sont examinés par une commission d’affectation.

34Manifestement, les textes et les procédures d’information et d’orientation laissent des marges d’interprétation et de mise en œuvre aux acteurs de terrain. En deçà des régulations et des modalités d’orientation, il est nécessaire d’examiner comment elles sont mises en œuvre dans les établissements investigués pour cerner la réalité de l’accompagnement des adolescents pour définir leur transition en fin de collège.

Des accompagnements à lorientation disparates et peu formalisés dans les collèges

  • 8  Voir Danic et Loncle, supra, pour une présentation détaillée de la collecte de données – pour mémo (...)

35Cette partie présente les constats relatifs aux pratiques d’orientation des professionnels réalisés dans trois terrains effectués en France le cadre de la recherche GOETE8 : des pratiques différenciées selon les établissements, le rôle majeur du principal, les difficultés de la mission d’orientation du professeur principal.

Une norme locale de gestion des transitions

  • 9  On ne peut pas parler de politique d’orientation de l’établissement dans la mesure où il n’y a pas (...)

36Bien que fréquentés tous les trois par des publics modestes, les établissements enquêtés n’ont pas les mêmes usages d’orientation9.

37La majorité des élèves de classe de 3e des établissements de Montpellier et de Rennes continuent en filière professionnelle ou en apprentissage :

« On envoie un cinquième des élèves en 2de générale, peut-être, sur une classe de vingt, on va en envoyer quatre ou cinq […]. Il y a beaucoup d’orientations en lycée professionnel. La majorité sur une classe, oui » (enseignant, Rennes).

38En conséquence, ces collèges n’envoient que des bons ou très bons élèves en filière générale :

« Ceux qu’on envoie en 2de générale ne sont que des bons élèves, pratiquement […]. Alors que les collèges qui sont autour de nous vont envoyer les élèves au lycée, même s’ils ont dix de moyenne. »

39En contraste, au collège de Montreuil, le principal incite à orienter vers la filière générale, y compris des élèves ayant demandé des filières professionnelles :

« L’an dernier, il y a eu 69 % en 2de générale […]. Et il y a eu cinq redoublements mais parmi ceux-là, il y en a qui ont eu une orientation professionnelle mais qui n’ont pas voulu y aller. Ce redoublement qui ne sert pas à grand-chose en général mais bon… […] L’an dernier, au conseil de classe, on en a fait passer cinq en 2de générale qui avaient fait des vœux de 2de professionnelle et qui ont accepté […]. Une fois qu’ils ont passé le cap de la 2de, sur quatre ans en moyenne, tous ceux qui sont passés au lycée obtiennent le bac et puis il y a quelques réorientations en lycée pro à l’issue de la 2de qui restent à la marge. »

40Cette disparité entre des établissements de quartiers défavorisés en termes d’orientation converge avec celle décrite et analysée par Chauvel (2012) : dans les trois collèges enquêtés se constituent des normes et des usages en fonction des conceptions des principaux et/ou des équipes pédagogiques, et en fonction de l’offre locale de formation. Considérant son rôle majeur dans la guidance des élèves de son établissement, examinons plus précisément les actions des principaux puis des autres professionnels impliqués dans l’orientation.

Les principaux comme « représentants placiers »

41Les principaux rencontrés expriment le souci de placer leurs élèves dans la formation qui leur convient mais cela se fait dans un cadre contraint par l’architecture du système éducatif et par l’offre de formation, ainsi que par les directives hiérarchiques. À cet égard, l’expression de « représentants placiers » a été utilisée par l’un des principaux interviewés. Dans la transition à l’issue du collège, les principaux jouent un rôle majeur puisque la procédure d’orientation leur assigne la responsabilité de l’information et de l’orientation et leur accorde la décision finale en cas de désaccord entre le conseil de classe et les familles. Selon une responsable d’un service d’information et d’orientation académique, le souhait d’orientation des familles est enregistré par le conseil de classe, ou en cas de désaccord, par le principal : « C’est presque : “La famille demande, le chef d’établissement prend la décision.” » Et les recherches confirment cette tendance au suivi d’un choix des familles (Duru-Bellat, 2002).

  • 10  Les principaux, comme les responsables de la fonction publique, touchent des primes qui durant les (...)

42La volonté ministérielle d’accroître le dialogue avec les parents et de réduire l’écart entre les demandes d’orientation des familles et les décisions prises se développe depuis 1985. Elle est relayée aux échelles académiques sous forme de circulaires ou d’instructions académiques à destination des principaux. Les principaux ne peuvent que répondre aux directives de leur ministère, même s’ils le font de façon plus ou moins appliquée et fidèle selon leur avancée dans la carrière, selon leur âge, et selon leur adhésion aux options prises par leur tutelle (Masson, 1994 ; 1997). Les primes individuelles10 qui leur sont accordées constituent un élément de persuasion, même si la méthode ne fait pas l’unanimité parmi les principaux :

« Il va y avoir des primes aux résultats, on est cadre donc il faut des primes aux résultats pour les cadres. C’est des conneries parce que ça veut dire que pour avoir ces primes, il va falloir qu’on se soumette à un certain nombre de choses, donc ça veut dire qu’on donne au pouvoir un moyen supplémentaire de pression sur les chefs d’établissement […]. Moi l’argent, ce n’est pas là que je le veux, c’est sur les budgets d’établissement » (un des principaux enquêtés).

43À cette directive de réduction de l’écart entre les vœux des familles et les décisions prises s’ajoute une injonction ministérielle d’orienter davantage vers le baccalauréat technologique et le baccalauréat professionnel en vue d’augmenter le taux de bacheliers. Un des principaux interviewés critique cette consigne et considère que les adolescents ont raison de viser la filière générale puisque les autres filières n’amènent pas à des emplois reconnus et bien rémunérés :

« On nous sensibilise, ah oui vous avez un gros rôle sur l’orientation, il faut réorienter les gens vers le technologique, la noblesse de la voie technologique, ça fait trente ans qu’on a le même discours, trente ans que c’est du pipeau et que les gens veulent faire des 2des générales et je les comprends. Parce que le jour où les salaires seront corrects à la sortie du technologique ou du professionnel, le jour où le système français sera pas tellement rigide que si vous n’avez pas fait de bonnes études vous n’avez aucun espoir d’arriver aux postes de direction […]. Moi après je vous fais une politique d’orientation super » (un des principaux enquêtés).

  • 11  Cependant ces informations de suivi ne descendent pas systématiquement jusqu’aux enseignants ce qu (...)
  • 12  Le ratio nombre de demandes/nombre de places de l’année précédente permet de jauger la difficulté (...)

44Au-delà des consignes de leur administration, les principaux gèrent des flux scolaires à la fois à l’intérieur de leur établissement (assurer que toutes leurs classes soient remplies correctement, ni trop ni trop peu) et à l’extérieur (contribuer à remplir correctement les possibilités de formation offertes dans des établissements proches). Afin d’assumer correctement leur mission d’orientation, les administrations des collèges reçoivent les informations de suivi de leurs anciens élèves par la voie hiérarchique11 ainsi que les informations sur la sélectivité12 des formations du territoire. Un des principaux interviewés explique :

« Après [le travail individuel avec les cas compliqués], on prend des documents et puis on regarde le taux, il y a des choix, il y a un moment où on est plus, comment dire, représentant placier, qu’autre chose. Il y a des places dans tel établissement, il faut qu’on convainque les gamins de s’y inscrire » (un des principaux rencontrés).

45Une autre contrainte des principaux est constituée par l’architecture du système éducatif français qui est conçu de façon standardisée de la maternelle à la 3e. Les principaux expliquent leur faible marge de manœuvre pour les élèves en difficultés scolaires : les solutions alternatives au sein du système éducatif sont limitées en nombre, en places proposées et chacune d’elles est cadrée par des conditions d’accès drastiques.

  • 13  La 3e de découverte professionnelle 3 h est une option facultative de découverte des métiers 3 heu (...)
  • 14  Le site éduscol du ministère de l’éducation nationale présente ainsi les sections SEGPA : « Au col (...)

« L’orientation, après la 4e, il y a deux possibilités [pour les élèves en difficulté] : en 3e d’alternance ou en 3e découverte professionnelle 6 heures mais il faut que l’enfant ait un an de retard et il y a des conditions pour la 3e découverte professionnelle 6 et l’alternance13. Ça c’est les possibilités en fin de 4e. En fin de 6e et en fin de 5e, il peut y avoir pour des élèves en très grandes difficultés scolaires, une orientation en SEGPA [sections d’enseignement général et professionnel adapté]14, s’ils ont aussi un an de retard. On entre parfois dans l’absurde en faisant redoubler sa 6e à un élève pour qu’il ait un an de retard, pour pouvoir aller ensuite en SEGPA » (principal).

46Les chefs d’établissement constatent le manque d’accueil alternatif dans le système scolaire, mais également hors du système scolaire :

  • 15  Selon le site éduscol du ministère de l’éducation nationale : « Les dispositifs relais (classes et (...)

« C’est tellement long d’obtenir une place en institut médico-éducatif et il y a tellement peu de places. On bricole. Oui, c’est du bricolage. C’est comme les classes relais15, ça peut être parfois très bien pour des enfants s’ils y restent que quelques semaines sauf qu’à partir du mois de janvier il n’y a plus de places » (principal).

  • 16  Créé en 2008 dans le plan Espoir Banlieue, les internats d’excellence visent l’accueil de collégie (...)

47L’un des principaux mentionne les Internats d’excellence16 dont peuvent bénéficier quelques élèves qui ne posent pas de problèmes scolaires ou de comportement majeurs :

« Il y a une élève en 5e et un en 4e qui sont partis en internat d’excellence. Mais bon il y avait des problèmes sociaux aussi. Mais ce n’était pas des très grandes difficultés sinon ils n’auraient pas été pris » (principal).

48En retirant les cas les moins problématiques d’un établissement, ce dispositif peut avoir pour effet de concentrer les difficultés dans les établissements concernés.

49Pour envisager une place aux collégiens en fin de 3e, les principaux ont le choix entre la seconde générale, technologique ou professionnelle. Les trois principaux rencontrés rapportent le manque de places en lycée professionnel :

« Il n’y a pas assez de places de lycée professionnel par rapport aux nombres d’élèves qui sont orientés en lycée professionnel en France » (l’un des principaux rencontrés).

50La question de l’offre de formation ne faisait pas partie des objectifs de la recherche GOETE et elle est apparue dans les discours des enquêtés comme élément structurant les orientations en fin de 3e. Dès 1993, Briand et Chapoulie soulignaient l’importance de l’offre de formation pour comprendre les transitions des jeunes en fin de collège : l’éventail des formations oriente et pondère les décisions d’orientation vers tel ou tel établissement et tel ou tel diplôme. Dans son approche ethnographique « de l’intérieur », Masson (1994) montrait comment les décisions d’orientation résultent des interactions et des négociations entre les acteurs concernés (élèves, parents, professionnels) au vu de l’offre de formation de proximité. En 2006, une étude de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance pointait la forte corrélation entre l’offre de formation et le choix d’orientation. L’offre de formation influence les niveaux scolaires des académies : plus l’offre est variée, plus ceux-ci s’améliorent (DEPP, 2006).

  • 17  Cf. sites du ministère de l’éducation : Education.gouv et Eduscol.

51Les textes17 confèrent aux principaux la décision finale d’orientation, sur proposition du conseil de classe, et les directives ministérielles les incitent à limiter les refus de vœux des familles et à augmenter les orientations vers les filières technologiques. Les directives rectorales les poussent, quant à elles, à remplir les formations du secteur géographique. Avec ces différentes contraintes et en fonction des places dans les formations, du dossier scolaire de l’élève et des probabilités d’accès que ce dossier lui confère, le principal va enregistrer la décision du conseil de classe ou accepter un vœu familial contre cette décision. Par ses prérogatives, le principal est donc un acteur majeur des trajectoires des élèves.

52Un autre acteur important de l’orientation en fin de 3e est le professeur principal qui doit accompagner la réflexion des adolescents et coordonner la proposition d’orientation du conseil de classe.

La mission d’orientation des professeurs principaux de 3e : une lourde tâche pas toujours souhaitée

  • 18  Depuis notre enquête, le rôle du professeur principal a été encore renforcé dans les textes en tan (...)

53En France, l’accompagnement des adolescents dans leur choix de transition incombe essentiellement au professeur principal de 3e18. Dans tous les cas, la désignation du professeur principal de 3e émane du chef d’établissement (Chauvel, 2012). Dans nos entretiens, on constate que certains enseignants étaient candidats à cette fonction mais que d’autres ont été poussés par leur hiérarchie.

54Dans le choix de postuler à la fonction de professeur principal de 3e, la variable « ancienneté dans la fonction d’enseignant » est importante. Pour un enseignant interviewé au collège de Montreuil, devenir professeur principal d’une classe de 3e a été un choix pleinement réfléchi. Celui-ci avait treize ans d’ancienneté lorsqu’il a décidé de diversifier ses activités pour ne pas tomber dans ce qu’il qualifie de routine. C’est pourquoi, lorsque l’occasion de devenir professeur principal d’une classe de 3e s’est présentée, il a postulé à cette fonction et l’a obtenue. Il était primordial, pour lui, d’être suffisamment à l’aise dans sa discipline et dans son établissement, de bien connaître les élèves et d’avoir l’expérience nécessaire :

« J’ai attendu quelques années pour me sentir les épaules pour le faire parce que c’est quand même une forme de responsabilité […]. Ça demande quand même quelques années d’expérience. »

55La volonté d’innover dans sa carrière est également la motivation citée par un professeur d’anglais de Montpellier pour postuler à cette responsabilité « pour voir différentes choses ; parce qu’au bout de douze ans prof d’anglais, j’ai l’impression d’avoir fait le tour de la question ».

56À l’inverse des collègues précédents, un enseignant du collège de Montpellier a fait le choix de prendre en charge cette fonction alors qu’il est jeune enseignant, car, selon lui, cela permet d’acquérir un certain statut vis-à-vis des élèves : « L’étiquette “prof principal” donne autorité, c’est indéniable. »

  • 19  Sur le rôle du professeur principal dans les collèges et lycées, voir la circulaire no 93-087 du 2 (...)

57Cependant les enseignants volontaires pour cette fonction de professeur principal de 3e sont insuffisamment nombreux du fait de la charge de travail, de la faible reconnaissance financière et de l’absence de formation préalable. Les tâches d’un professeur principal sont, en effet, multiples : transmettre aux élèves toutes les informations qui les concernent (règlement intérieur, fonctionnement, sorties), régler les éventuels problèmes relationnels, assurer la liaison avec les autres collègues de l’équipe pédagogique ainsi qu’avec l’administration, préparer les conseils de classe et en faire le compte rendu avec les élèves, assurer la présidence des conseils de classe, remplir les bulletins et les dossiers des élèves pendant les conseils, suivre individuellement les élèves en difficulté et rencontrer leurs parents, et enfin l’information sur l’orientation19. Pour toutes ces activités, les professeurs principaux ne disposent que d’une heure de « vie de classe » hebdomadaire avec les élèves. En classe de 3e, l’aide à l’orientation est la mission prépondérante du professeur principal, inscrite dans ce calendrier restreint :

« Il y a sans arrêt quelque chose à organiser, des contacts à avoir avec d’autres établissements pour envoyer des élèves dans d’autres établissements […]. C’est hyper dense »
professeur principal, Montreuil.

58Cette charge de travail explique que la fonction soit peu recherchée :

« On n’est pas nombreux à se bousculer au portillon […]. Parce que c’est vrai que ça fait peur à beaucoup de monde »
enseignant, Montreuil.

« Il n’y a pas foule, à la porte. […] c’est vrai que ce sont des postes qu’en général, on conserve jusqu’à ce que l’on ne souhaite plus nous-mêmes les occuper »
enseignant, Montpellier.

  • 20  La prime de professeur principal diffère pour les agrégés et pour les certifiés et selon le niveau (...)

59La prime « Suivi et orientation des élèves20 » accordée aux professeurs principaux ne suffit pas à les motiver car elle paraît insuffisante aux intéressés. Compte tenu de la charge de la fonction d’orientation, plusieurs enquêtés considèrent d’ailleurs qu’une grande part de cette activité est bénévole, et en particulier la collecte d’informations :

« On parle avec les anciens, les profs principaux de 3e qui l’étaient l’année précédente. On essaye de glaner des informations avec l’administration, ce qu’eux peuvent nous dire. Après c’est pareil, c’est la formation individuelle et bénévole. Est-ce qu’on veut bien aller aux journées portes ouvertes les week-ends ? Est-ce qu’on veut bien se donner la peine d’aller visiter tel ou tel établissement et se renseigner ? Là c’est pareil c’est du bénévolat »
professeur principal, Montpellier.

  • 21  En Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) au moment de notre enquête, et jusque se (...)
  • 22  Cette faiblesse dans la formation initiale des enseignants est loin d’être unique en Europe comme (...)

60Un autre élément qui explique les réticences des enseignants à accepter la fonction de professeur principal est certainement la faiblesse, voire l’absence de modules de formation et d’information relatifs à l’orientation en formation initiale dans les instituts de formation des enseignants21. Comme l’indiquaient les chefs d’établissement, les enseignants de leur établissement ne sont pas formés à cette mission. La professeure principale au collège de Montpellier expose que les professeurs principaux des classes de 3e font un gros travail sur l’orientation mais qu’ils ne disposent pas de toutes les informations nécessaires22.

61Cette faible attractivité de la fonction de professeur principal explique que des chefs d’établissement doivent inciter des enseignants. Plusieurs enquêtés se sont retrouvés propulsés dans ce rôle par le biais d’une incitation hiérarchique. C’est au début de sa deuxième année de fonction qu’un enseignant au collège de Montpellier a été sollicité par le principal de son collège pour prendre une classe de 3e en responsabilité, ce qui n’a pas manqué de l’effrayer :

« Pour moi, c’était le pire qu’on pouvait me demander. Je trouvais ça énorme […]. J’avais l’impression de ne rien connaître. »

62C’est ce même sentiment de peur et d’appréhension qu’a ressenti une professeure principale à Rennes, lorsque le principal de son établissement lui a suggéré de prendre cette fonction, alors qu’elle évitait le poste depuis longtemps, craignant de ne pas être à la hauteur : « C’est une responsabilité et une charge de travail énorme surtout en 3e. » Cependant, la promesse de son chef d’établissement, ancien COP, de l’épauler dans cette fonction, l’a finalement convaincue et rassurée :

« Ça m’a un peu flattée et j’ai décidé de me lancer, en me disant que c’est uniquement en me lançant que je finirai par être à la hauteur. »

63Quant à un professeur principal à Rennes, la fonction ne l’intéressait nullement, mais elle lui a été attribuée à la faveur d’une tactique d’un collègue, lui-même professeur principal d’une classe de 3e et qui souhaitait se débarrasser de la fonction :

« Il est allé voir la directrice et lui a dit que je voulais être professeur principal, alors que ce n’était pas du tout vrai […]. Donc, c’est un peu bizarre comment ça s’est fait. »

64L’accompagnement concret des adolescents en fin de 3e pour s’orienter incombe essentiellement aux professeurs principaux. Notre enquête montre que les enseignants sont réticents à assumer cette fonction en particulier en classe de 3e du fait de la charge de travail et de la responsabilité de l’orientation – l’enquête confirme que les enseignants ne sont pas formés à cette fonction (Cramer et al., 2012). D’anciens enseignants sont volontaires pour diversifier leur activité mais les plus jeunes doivent être sollicités par la direction et l’acceptent pour permettre à l’institution de fonctionner plus que pour la prime qui y est attachée. Une fois nommés, comment ces professeurs principaux assument-ils leur mission d’orientation ?

Une mission réalisée en tâtonnant et en collaborant

65Avec une formation initiale sur l’orientation très limitée, les professeurs principaux élaborent leurs pratiques d’orientation en 3e au fil de leur expérience. Plusieurs témoignent des difficultés rencontrées la première année (démarrage trop tardif, difficulté à s’accorder avec certains parents…). Les actions des enseignants prennent place principalement pendant l’heure hebdomadaire de vie de classe qui permet surtout de transmettre des informations à tous les élèves. Une enseignante au collège de Rennes leur demande de mettre par écrit leurs souhaits, leurs projets d’avenir. Dans l’un des collèges, la conseillère d’orientation psychologue (COP, voir section ultérieure) intervient aussi durant ce créneau. Des échanges individuels peuvent aussi avoir lieu entre l’élève et le professeur principal, ce dernier renvoyant les cas qui lui semblent compliqués (élèves qui ne formulent aucun souhait, ou un souhait trop décalé vis-à-vis de son niveau scolaire) vers le COP. Concrètement cependant, tant les professeurs principaux que les COP n’ont guère de temps à consacrer à chacun des adolescents. Souvent, disent les enseignants, ils répondent aux questions des élèves sur le seuil de la porte de la classe, à la fin d’un cours. Dans les trois collèges, les enseignants incitent les élèves à s’informer sur les sites dédiés de l’éducation nationale, à lire la documentation de l’ONISEP, à aller aux journées « portes ouvertes » des lycées pour s’informer des formations qu’ils proposent.

  • 23  Ce parcours de découverte des métiers et des formations a été remplacé, après notre enquête, par u (...)

66Si la 3e est la classe directement concernée par l’orientation, d’autres initiatives sont prises en amont de cette classe, comme cela est prescrit dans le Parcours de découverte des métiers et des formations (circulaire de 2008)23. Outre les professeurs principaux de 3e, les professeurs principaux des autres niveaux de classe ont aussi un rôle à jouer. Ainsi, dès la classe de 5e, le professeur principal au collège de Rennes commence à expliquer la procédure d’orientation et prescrit à ses élèves des recherches sur les métiers. En classe de 4e, le professeur principal à Rennes travaille beaucoup sur l’orientation durant son heure de vie de classe, car il estime qu’en 3e, le calendrier est beaucoup trop serré :

« Parce qu’en 3e, ça vient super vite, quasiment au second trimestre, les vœux sont presque bouclés, les fiches navettes sont renvoyées. Au début, car on part de loin : “Quels sont tes goûts ? Qu’est-ce que tu aimes, n’aimes pas ? […] Qu’est-ce que tu aimerais faire plus tard ?” Et j’ai des docs, depuis plusieurs années : “Qu’est-ce que j’aime ? J’aime bien travailler dehors, dans un bureau, j’aime bien l’informatique, être au contact des petits enfants, des personnes âgées.” […] Pour essayer de trouver la voie qui leur plaît. De manière à ce qu’en 3e, ce soit beaucoup plus confort. “C’est ça qui me plaît bien”, donc du coup après le collègue qui les a en 3e peut dire : “Dans ce lycée-là tu auras cette voie.” »

67Durant la 3e, le stage d’observation obligatoire de cinq jours dans le monde professionnel (entreprise, administration, association…) permet aussi d’ouvrir les élèves à certains débouchés professionnels. Cependant, dans les trois établissements enquêtés, il apparaît que l’accès à différents milieux professionnels est encore tributaire du réseau social de la famille de l’élève. Ceci limite fortement les possibilités de découverte de métiers pour les enfants de familles démunies. De plus, les associations qui visent à pallier ce problème n’apportent qu’un nombre limité d’offres de stage (une dizaine au collège de Rennes).

68Enfin, dans certains collèges, comme celui de Montpellier, l’option facultative découverte professionnelle 3 heures hebdomadaires (DP3) est proposée aux élèves de 3e pour découvrir les formations et les métiers, avec une description du monde de l’entreprise au premier trimestre, l’organisation d’un forum des métiers au deuxième trimestre et la visite d’entreprises au troisième trimestre.

69Dans les établissements où les enseignants décrivent des relations de solidarité entre eux, nos enquêtés soulignent l’importance de la coopération avec d’autres professeurs principaux ainsi qu’avec les autres collègues, tant pour l’information collective que pour le conseil individualisé. Selon les interviewés, l’entraide leur permet l’échange d’information :

« Si j’ai un dossier et que je n’arrive pas à trouver d’idées pour l’enfant, ça m’arrive d’en parler à d’autres professeurs principaux de 3e qui font les mêmes recherches que moi et qui peut-être ont abouti sur certaines choses que moi, je n’ai pas réussi à gérer » (enseignant, Montreuil).

70Dans le collège de Rennes, où les enseignants se considèrent comme une véritable équipe, d’autres professeurs offrent leur aide et leurs conseils en matière d’orientation aux élèves de 3e :

« Si un élève choisit d’aller faire un bac pro électronique, comme c’est mon domaine, je vais aller proposer de l’aider, de le renseigner sur ce qui se fait dans ces filières-là, de… Par les relations parmi les collègues que je connais dans différents établissements, etc. Voilà, je propose mon aide »
enseignant, Rennes.

  • 24  C’est la seule professionnelle qui nous ait parlé d’un logiciel d’aide à l’orientation. Le logicie (...)

71Conformément aux circulaires en vigueur, d’autres personnels en interne de l’établissement peuvent contribuer à la mission d’orientation. Dans les trois collèges, les documentalistes mettent ainsi à disposition des élèves de la documentation dédiée à l’orientation au sein du centre de documentation et d’information (CDI). En outre, la documentaliste du collège de Montpellier utilise le logiciel Guide pour l’orientation (GPO) pour relier les centres d’intérêt des élèves avec les possibilités de formation24. Dans les collèges enquêtés, la secrétaire qui saisit chaque année les vœux des élèves par informatique est devenue aussi une personne-ressource pour les enseignants au fil des années d’expérience, puisqu’elle connaît les coulisses et rouages du processus d’orientation. Toutefois, ces collaborations informelles trouvent leurs limites et les professeurs principaux souhaiteraient formaliser le travail collectif dévolu à cette mission avec des regroupements, une concertation, l’analyse et l’échange de pratiques :

« Si on pouvait être un peu plus organisé entre profs principaux de 3e, dire : “Toi, tu t’occupes des mini-stages. Toi, c’est les stages professionnels. Toi, tu vas nous trouver tel lycée pour ça.” Mutualiser nos efforts car actuellement, on se parle entre deux couloirs, entre deux galères »
enseignant, Montreuil.

72Sur la base du volontariat, quelques actions d’information collectives se réalisent à plusieurs collègues de façon plus formelle : mise en place d’actions d’information sur les formations et les métiers, réunion d’information avec les proviseurs, visite d’établissement, stages en milieu professionnel, mini-stages en lycée, forum des métiers. Ainsi, en 2011, les enseignants du collège de Montreuil ont organisé un forum des métiers.

« Cette année, il y a des enseignants qui organisent au sein du collège un forum sur les métiers des services, de la santé et du social. Alors ils l’organisent avec des élèves. Tout au long de l’année avec le principal de la classe […]. C’est de l’investissement donc si on a la chance d’avoir une équipe de professeurs qui prennent en main le dossier comme pour le forum des métiers de la santé. C’est une équipe de professeur qu’a pris le dossier en main. C’est vrai que c’est beaucoup d’investissement, si on n’a pas d’équipe volontaire pour monter un forum des métiers, c’est difficile », relate le principal de Montreuil.

73Dans le même type d’action, les professeurs principaux de Rennes organisent un « Carrefour des métiers » où, sur une demi-journée, quelques dizaines de professionnels (bouchers, chauffeurs de poids lourds, professeurs, médecins, etc.) sont présents pour détailler leur métier :

« En classe, on a préparé des petites interviews et les élèves vont voir, de métier en métier, essayer de collecter les infos. Ils sont obligés d’aller voir un métier qu’ils aimeraient bien faire ou qui leur plaît et un métier qu’ils n’aiment pas du tout ou qu’ils ne connaissent pas. Parce que des fois, là ils se disent : “Je ne veux pas aller, ça a l’air nul.” Et puis ils se rendent compte que ça peut être sympa, qu’il y a plein de choses positives dans ce métier »
professeur principal de Rennes.

74Une autre initiative des professionnels peut être l’organisation du « jour des ambassadeurs », organisé dans notre échantillon par le collège de Montreuil, où d’anciens élèves viennent témoigner de leur transition entre collège et lycée. Cela semble utile aux principaux pour valoriser des métiers manuels. Cependant, S. Chauvel se questionne sur la pertinence de ce type de dispositif : « On peut […] se demander si l’expression du sentiment du découragement face à la poursuite d’études n’est pas orchestrée par l’institution elle-même, via le discours d’anciens élèves. » L’extrait de son journal de terrain rapporte le propos d’un élève de la filière générale qui conclut : « Y’a plus de travail, je n’ai plus le temps de sortir, je ne peux plus rien faire », et le récit d’un élève de filière professionnelle tout aussi dissuasif. À quoi les élèves de 3e réagissent : « Ils veulent nous décourager, c’est dur ! » (Chauvel, 2011).

75Sans porter la même appellation, ce type d’action existe aussi dans d’autres départements. Un principal enquêté s’en fait l’écho d’une façon positive :

« On rencontrait des anciens élèves de BTS structure métallique, chaudronnerie, qui étaient devenus chefs d’entreprise et qui avaient trente ans, trente-cinq ans. Ils avaient fondé leurs petites boîtes. Et on leur disait [aux élèves] : “Ils étaient dans votre section de BEP, à l’époque c’était des BEP, structures métalliques, qui était une des sections les plus mal aimées dans laquelle on avait énormément de mal à envoyer les élèves, ils étaient en BEP, ils travaillent dans l’aluminium, c’est de la chaudronnerie qui est propre, et ils gagnent plus d’argent que nous, professeurs et même directeurs ou même proviseurs.” Et là, le discours… là ça portait et les mômes ils avaient trente ans. Y’en avait un qui était un peu plus âgé qui est arrivé en Mercedes. La classe, quoi ! »

76Cette initiative peut être un soutien aux choix des élèves lorsque les anciens collégiens ont une expérience positive à partager.

77Dans ces contextes, où nombre de familles sont démunies, privilégient l’offre de formation de proximité et doivent souvent choisir une spécialité professionnelle, les enseignants rencontrés individuellement et en focus-groupe dans les trois collèges considèrent que les élèves ne sont pas suffisamment suivis pour préparer leurs choix d’orientation ; ils déplorent leur propre manque de formation et la faible présence, voire l’absence, de COP, ainsi que le manque de temps dédié à l’orientation au sein du collège. De plus, les enseignants considèrent que ce sont souvent des choix par défaut qui sont faits, en raison du manque de places en formation professionnelle. Ils soulignent que ces choix sont non réversibles.

78Dans le système français, les professeurs principaux peuvent mobiliser diverses ressources pour les aider à assumer l’accompagnement à l’orientation. La section suivante complète donc le tableau de la transition en fin de collège en examinant les divers soutiens et la façon dont les enseignants les utilisent.

D’autres ressources pour lorientation

79Dans le système français, la mission d’orientation incombe aux professeurs principaux qui peuvent escompter le soutien des conseillers d’orientation psychologues, des outils du ministère et d’éventuels moyens des collectivités locales.

La coopération avec les COP

80Après une licence de psychologie, les COP ont réussi un concours qui débouche après deux ans de formation sur ce diplôme d’état. Une fois diplômés, les COP sont affectés dans un centre d’information et d’orientation (CIO) où ils reçoivent des élèves scolarisés en collège, lycée, ou dans l’enseignement supérieur. La moitié de leur temps, ils se déplacent dans les établissements, à raison de deux ou trois établissements par COP, ce qui leur permet, normalement, une présence d’une journée dans chaque établissement et une entrevue de quinze minutes par élève de 3e dans l’année. Tous les enseignants interviewés font part du fait que la fonction de COP est majeure et qu’ils ne peuvent jouer le même rôle :

« Moi, je suis prof principal, mais je ne connais pas tout, les orientations possibles, les établissements, et puis elle, elle a des outils qui sont… quand un élève ne sait pas du tout quoi faire, elle a des outils qui permettent d’établir des profils d’orientation, d’après ce que j’ai compris. Des choses… “J’aime les gâteaux, j’aime faire du cheval.” Et du coup, aider un élève à cerner son projet. Des outils dont moi je ne dispose pas »
enseignant, Rennes.

81La plupart des enseignants enquêtés ont bien cerné le rôle du COP et ont de bonnes relations avec le conseiller de leur établissement : ils le sollicitent pour des informations précises, des adresses ou pour un avis sur des cas. Au collège de Montreuil, cette collaboration avec le COP peut s’effectuer de visu, par mail ou par téléphone (enseignant, Montreuil).

82Mais il existe parfois une distance entre les protagonistes, distance amplifiée par la rotation du COP dans l’établissement :

« Je n’ai aucun lien avec les conseillères d’orientation. Aucun atome crochu, parce que depuis que je suis là, ça n’a jamais été la même »
enseignant du collège Montpellier.

83Quelques enseignants ont déploré l’inadéquation entre le discours du COP et son public :

« Elle est venue nous prêcher la bonne parole pour que nous soyons aptes à faire son travail, en gros, et on s’est rendu compte au bout de dix minutes qu’elle n’était pas du tout au fait du public que nous avions […]. Par exemple, lors d’une réunion relative à l’orientation avec les parents, une COP a commenté un Powerpoint pendant une heure et demie »
enseignant, Montreuil.

84La collaboration entre les enseignants et les COP n’est pas instituée dans les collèges et elle est compliquée du fait de la faible présence des COP (2 demi-journées dans les collèges de Rennes et de Montreuil), ce que déplorent les principaux et les professeurs : « Deux demi-journées [par semaine] pour 125 élèves de 3e ! » (enseignant, Montreuil).

  • 25  Source : communiqué commun en 2010 de quatre syndicats (Snes-FSU, SUD-éducation, la CGT éduc’actio (...)

85Avec le remplacement d’un poste de COP sur six départs en retraite25, le nombre d’établissements qu’un COP doit gérer dans son secteur augmente, rendant, par là même, sa fonction de plus en plus difficile à exercer correctement, surtout auprès des élèves en difficulté :

« Ça ne s’est pas arrangé de leur côté, puisqu’elles ont une charge de travail de plus en plus importante. Non, c’est sûr, elles ne passent sans doute pas assez de temps avec les jeunes, surtout les gamins qui ont des difficultés à s’orienter, il faudrait construire une orientation avec eux, et ça prend du temps. Ça c’est long. Vu le nombre d’établissements qu’elles ont à faire, elles n’ont plus le temps, c’est clair »
professeur de technologie, Rennes.

86De ce fait, certains COP privilégient l’information collective au détriment d’échanges individuels : la COP du collège de Montreuil indique qu’elle rencontre trois fois par an l’ensemble des élèves de 4e et de 3e. Ensuite, elle rencontre quelques-uns d’entre eux en entretien individuel sur demande de rendez-vous de l’élève, et ce dans la limite des créneaux disponibles. Ceci a pour effet que beaucoup d’élèves, malgré leurs difficultés d’orientation, négligent de demander un rendez-vous et/ou le demandent trop tardivement pour obtenir cette entrevue.

  • 26  L’Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV) est une association nationale créée e (...)

87Dans le collège de Rennes, l’association AFEV26 épaule les élèves dans leur demande d’entretien avec la COP et les y accompagne. Pour autant, cela n’augmente pas la disponibilité de la COP.

88Dans le troisième collège enquêté, le poste de COP, vacant suite à un départ, n’a pas été pourvu. Un enseignant du collège de Montpellier souligne :

« La responsable du CIO est venue nous expliquer qu’elle avait eu un départ imprévu, qu’il fallait sacrifier un collège et que donc, ça serait le nôtre. Au lieu de revoir son planning, de faire passer les autres conseillers d’orientation du secteur à 80 % sur tous les bahuts pour que nous on en ait un aussi à 80 %, elle n’a pas voulu revoir son planning, elle a sacrifié le collège. Alors le collège J., que vous connaissez peut-être de réputation, un conseiller d’orientation à plein temps, le collège C. un conseiller d’orientation à plein temps et nous, nous n’en avons pas. Et tout le monde trouve ça normal ! »

89Du fait de la présence réduite des COP dans les collèges, professeurs principaux et COP ont peu l’occasion de se rencontrer dans le collège. Les collaborations ne tiennent qu’à la volonté des individus, ce qui les rend fragiles et précaires.

90Si la mission d’aide à l’orientation est avant tout une affaire interne à l’établissement, un certain nombre de dispositifs ou de structures extérieures peuvent contribuer à faire découvrir aux élèves la réalité du monde du travail et les différentes voies de formation.

Des ressources du ministère de l’Éducation nationale et des collectivités locales

91Dans notre recherche, pour mener à bien leur mission d’information et d’orientation auprès des élèves de 3e, les professionnels enquêtés (principaux, enseignants, COP) s’appuient sur un certain nombre de ressources relatives à l’orientation émanant de leur administration de tutelle, des collectivités territoriales et des associations. Si les supports nationaux sont accessibles sur tout le territoire, les soutiens des collectivités et des associations sont diversement proposés et mobilisés selon les établissements considérés et aboutissent à la constitution de réseaux d’acteurs locaux très disparates dans leur composition, leur taille et leur capacité à aider les jeunes à s’orienter en fin de 3e (Barberis et Loncle, 2016).

Les supports limités des autorités publiques

92Dans les trois sites enquêtés en France, les interviewés nous ont nommé les ressources de documentation de la tutelle, les centres d’information et d’orientation, et le dispositif départemental « Orientibus » pour le site rennais.

93Le ministère de l’éducation nationale et les rectorats mettent à disposition des professionnels et des familles des brochures papier et des sites web informatifs. Pour les personnels, le site Eduscol du ministère de l’éducation nationale présente les textes en vigueur en matière d’orientation et propose des « fiches-ressources » pour les enseignants. Cependant, certains professionnels pointent le fait que les fascicules sont très denses et difficiles à utiliser, tant ceux pour eux-mêmes que ceux pour les élèves. En outre, certains déplorent que de plus en plus de brochures de l’ONISEP à destination des jeunes soient payantes. Par ailleurs, les sites des rectorats informent les familles sur la procédure d’orientation et d’affectation (système de points, critères…) par leurs sites numériques. Mais la responsable du Service d’information et d’orientation reconnaît elle-même que « c’est encore des outils d’initiés ». Au final, les outils fournis par le ministère à destination des jeunes et de leur famille font l’objet de critiques de la part des professionnels quant à leur accessibilité matérielle et culturelle.

  • 27  « Le fonctionnement des services d’information et d’orientation », Rapport de l’Inspection général (...)

94Théoriquement, les CIO complètent l’action de guidance scolaire et professionnelle menée au sein des collèges. Les CIO sont des équipements financés pour la moitié d’entre eux par l’état et pour l’autre moitié par les départements ; leurs personnels, principalement des COP, sont rémunérés dans tous les cas par l’état27. Ils ont vocation à accueillir prioritairement les jeunes scolarisés et leur famille pour leur recherche d’informations sur les formations et les métiers. Cependant, dans les trois collèges enquêtés, les enseignants constatent que les CIO sont peu visités spontanément par leurs élèves. En outre, si la consultation de documents est libre dans un CIO, l’obtention d’un rendez-vous avec un COP peut être relativement longue. Parfois même, les CIO sont inconnus des élèves – notons que dans les trois terrains, les CIO ne sont pas proches des collèges. Ces dernières années, plusieurs CIO ont fermé et d’autres sont menacés de fermer du fait d’un désengagement financier des conseils départementaux, qui eux-mêmes désignent l’état comme responsable d’une dotation budgétaire insuffisante au regard de leurs actions.

95Au-delà de ces soutiens émanant de l’état et du ministère de l’éducation nationale, soulignons que dans les trois collèges, les enseignants rencontrés déplorent la baisse globale de moyens depuis la fin des années 1980, qui se traduit selon eux par l’impossibilité de concertation et la disparition de plusieurs dispositifs de soutien aux élèves en difficulté.

Des collectivités locales plus ou moins investies dans l’éducation et l’orientation

  • 28  Le conseil départemental semble privilégier ce soutien à l’orientation puisqu’il fait savoir simul (...)

96Dans les territoires, les collectivités locales ont développé des politiques éducatives, au-delà de leurs compétences obligatoires, au travers notamment des contrats éducatifs locaux et des programmes de réussite éducative (Joly-Rissoan, Glasman, Berthet et Kakpo, 2006). Ces collectivités territoriales peuvent aussi parfois contribuer au processus d’orientation. Ainsi, le collège de Rennes enquêté a bénéficié de la visite de « l’Orientibus » mis en place par le département d’Ille-et-Vilaine. Grâce à un investissement annuel de 130000 euros28, un salarié dans un gros bus de 70 m2 transformé en espace de documentation se déplace dans les collèges volontaires et reçoit les classes de 4e et de 3e pour leur présenter les métiers de l’industrie.

97Notons qu’aucun des enquêtés des deux autres sites (Montreuil, Montpellier) n’a signalé de partenariat avec les collectivités locales en matière d’orientation. Par ailleurs, les professionnels rencontrés ne signalent pas de coopération avec le Réseau information jeunesse ou avec une mission locale – le rapport Le fonctionnement des services d’information et d’orientation de 2005 ne constatait d’ailleurs que des collaborations informelles et ponctuelles entre ces structures publiques partageant pourtant des objectifs d’information et d’orientation des jeunes.

98Au-delà des ressources (limitées) émanant des autorités publiques, nationales ou locales, les collèges s’appuient sur des partenaires associatifs pour aider les jeunes à anticiper la transition, que ce soit par des actions au sein de l’établissement ou dans l’environnement du collège.

Le travail des associations

99Dans les trois établissements enquêtés en France, les partenaires extérieurs aux établissements qui aident dans la procédure d’orientation sont principalement des associations. Ce travail partenarial peut être salué comme une ouverture mais, selon l’un des principaux, il découle aussi du manque de moyens internes.

  • 29  Le Relais est un secteur de l’association La Sauvegarde de l’enfant à l’adulte en Ille-et-Vilaine, (...)
  • 30  L’Association de prévention spécialisée 34 intervient auprès des jeunes et des familles dans les t (...)

100À titre d’exemple, le collège enquêté à Rennes travaille notamment avec l’AFEV et Le Relais29. Des bénévoles de l’AFEV prennent les rendez-vous avec la COP et sont présents durant la rencontre avec les élèves qu’ils suivent. Des éducateurs de l’association Le Relais interviennent auprès des élèves signalés par le collège et tentent d’élaborer un projet avec l’adolescent, avec le consentement parental. Dans le collège enquêté à Montpellier, l’Association de prévention spécialisée 3430 intervient dans le cadre des programmes de réussite éducative. En 2011, ces travailleurs sociaux ont animé un atelier théâtre qui visait à faire découvrir les métiers. Dans les trois sites, des partenariats nombreux ont été instaurés avec diverses associations qui peuvent être des antennes locales d’association nationale (par exemple l’AFEV), ou de petites structures récemment créées dans l’environnement du collège.

101Si ce travail avec les associations peut s’avérer riche, il n’est pas sans poser des problèmes de pérennité et d’adéquation au public en particulier pour les moins professionnalisées d’entre elles. En outre, il requiert un travail relationnel exigeant, ainsi que l’exprime le principal de Rennes :

« Le problème c’est que la multitude (des partenaires) ça fait que statistiquement y’a plus de chance d’avoir des changements à la tête de telles organisations, donc ça multiplie la nécessité de renouer des contacts, de rétablir… Bon puis c’est souvent des associations qui sont pas très grosses, donc la personnalité des gens qui les dirigent est très importante parce que c’est ce qui va colorer toute l’action de l’association en question, tout son positionnement, etc. Donc chaque fois que quelqu’un arrive dans une de ces petites associations dans un quartier, ça peut modifier ce mode de fonctionnement et les modes de relations que l’on a avec elle. Par conséquent, c’est enquiquinant qu’il y en ait cinquante [associations]. Ou c’est enquiquinant qu’elles soient si petites qu’une personne puisse modifier tout le mode de fonctionnement. »

102Les principaux acceptent les coopérations avec les associations pour, disent-ils, suppléer les (faibles) ressources internes et pour « ouvrir l’école ». Néanmoins, dans les trois terrains, l’action des associations relative à l’orientation est peu cadrée, peu contrôlée et se juxtapose à celles des professeurs principaux et des COP qui restent à distance de ces initiatives. Ceci place les élèves face à plusieurs sources d’informations peu coordonnées et hétérogènes.

103Le soutien des collectivités locales et des associations est à la fois précaire et parcellaire : une action peut disparaître d’une année à l’autre et des pans de l’orientation ne sont pas couverts. Malgré la reprise des objectifs ambitieux de l’Europe pour l’orientation, l’état n’investit pas davantage en la matière, voire même réduit les moyens. En vis-à-vis, des collectivités locales développent leurs politiques éducatives dont certaines concernent l’orientation – on a vu ici le financement d’associations qui interviennent dans les collèges, et l’Orientibus en Ille-et-Vilaine. Pour autant, cet investissement local ne peut compenser le faible investissement d’état et est source d’inégalités territoriales.

104Après ce tableau de leurs ressources pour leur mission d’orientation, l’investigation des pratiques de guidance des professionnels se termine par l’analyse des différenciations opérées vis-à-vis des élèves des collèges défavorisés enquêtés.

Le regard dévaluatif des professionnels sur leurs élèves de milieu défavorisé

105Pour terminer cette approche des politiques d’orientation et des pratiques des professionnels en charge de l’accompagnement de la transition en fin de 3e, cette partie examine les représentations que les professionnels se font de leurs élèves de quartier défavorisé et de leur avenir. Les effets des représentations des enseignants sur les acquisitions des élèves sont connus depuis les travaux de Rosenthal et Jakobson (1971), mais ils ont été moins investigués relativement à l’orientation. Duru-Bellat a pointé l’influence de l’origine sociale sur les décisions d’orientation (Duru-Bellat, 2002), Dhume, Dukic et Chauvel (2011) ont révélé l’influence de l’origine ethnique, et Mezza, Vouillot et Steinbruckner (2011) ont analysé l’incidence du genre de l’élève sur le processus d’orientation. De façon plus resserrée sur nos trois terrains d’enquête, cette partie analyse d’abord les représentations que se font les professionnels de leurs élèves, puis comment celles-ci se traduisent en scénarios de transition.

Une différenciation selon les origines sociales, nationales et le genre des élèves

106De façon convergente avec les constats des travaux ci-dessus mentionnés, dans les trois collèges enquêtés, les professionnels acteurs de l’orientation (COP, enseignants, principaux), mobilisent l’origine sociale, mais également l’origine nationale, réelle ou supposée, ainsi que le genre, pour caractériser les élèves et envisager leur parcours ultérieur.

107Dans ces trois collèges implantés dans des quartiers défavorisés, les professionnels opèrent une typification de leur public comme population en difficultés économiques, sociales et sanitaires :

« La plupart du temps, les élèves de ce quartier-là, qu’on a ici, les problèmes, ce sont des problèmes de différentes sortes : chômage, financier, de maladie, d’alcoolisme, de dépression, de culture »
enseignant, Rennes.

108Sur le plan scolaire, ils relient les difficultés d’acquisition et de comportement à l’école avec leur situation socio-économique :

« Il y a un certain pourcentage d’élèves qui nous pose problème. Mais ça les problèmes, ils sont liés aux difficultés scolaires, liés la plupart du temps aux difficultés sociales »
principal.

109Les professionnels ont tendance à polariser leur attention sur les élèves qui leur posent problème et à associer toutes les difficultés rencontrées. Les interviewés évaluent à 30, 40, voire 50 % pour certains, les élèves qui sont en difficultés dans leurs classes ; ils les décrivent comme défavorisés et difficiles, démotivés, ne travaillant pas chez eux, n’étant pas suivis par leurs parents. Ils ajoutent souvent la non-maîtrise de la langue, des troubles familiaux (divorce, parents absents ou dépassés, désordre relationnel, isolement des mères, alcoolisme…).

110Concernant l’orientation, les professionnels rencontrés considèrent que leurs élèves et leurs parents ne connaissent ni l’ensemble des options possibles en fin de collège, ni les modalités de la procédure d’orientation qui supposent de choisir stratégiquement leurs trois vœux :

« Pour certains parents c’est incompréhensible. Il y a une multiplicité de parcours et d’établissements différents ; ils ont du mal à réaliser les exigences liées à l’orientation… Ils ont beaucoup de questions, c’est très vaste, et l’orientation reste un vrai labyrinthe. Certains ne réalisent même pas qu’il y a une orientation qui se joue à la fin de la 3e. Beaucoup se disent qu’après la 3e on va en 2de, tout simplement »
enseignante, Rennes.

111Plusieurs enseignants expriment l’idée que le choix d’orientation attendu des élèves suppose le soutien parental mais que celui-ci manque pour beaucoup. En outre, la distance de la formation est souvent anticipée comme un obstacle pour les élèves et les parents de quartiers populaires :

« Il y en a [des élèves] aussi qui définissent leur orientation sur des critères géographiques, parce qu’ils n’ont pas envie de quitter le département, qui n’ont pas envie d’avoir des transports en commun trop éloignés. Et du coup, ça restreint les choix qu’ils peuvent avoir […]. Ils préfèrent rester ici, donc, c’est souvent des orientations qui se font par défaut »
enseignante, Montpellier.

« Il y en a un qu’a été affecté dans une classe relais à G. Déjà qu’ils ont du mal à quitter leur quartier, ils vont pas aller à G. tous les matins. C’est sûr [10 km entre le domicile et G.]. L’an dernier, c’était R. [5 km entre le domicile et R.], il a pas voulu y aller. Ça c’est un problème aussi, ils sont très ancrés sur le quartier »
principal.

112Dans les représentations des personnels, ce lien probabiliste entre milieu social et trajectoires scolaires, devient un lien déterministe et quasi mécanique, une sorte de loi vouant les enfants de milieu populaire à une formation professionnelle.

  • 31  Nous nous focalisons ici sur nos terrains français, mais des constats convergents ont été faits da (...)

113Dans notre enquête, il apparaît que les acteurs de l’orientation distinguent aussi les élèves sur la base de l’origine nationale de leurs parents, perçue, dans le cas de parents immigrés, comme un obstacle à un parcours scolaire et social d’intégration31.

« Vocabulaire, culture, références, etc., tout ça, ça manque et puis ils sont en situation d’insécurité telle que c’est difficile de les stabiliser, de leur dire qu’il n’y’a pas de problème on va travailler, il faut que tu travailles, tu laisses tes problèmes à la porte, bon pour un gamin standard gaulois de bonne famille, etc., bon il n’y a pas de souci, on y arrive, même si de temps en temps il y a des problèmes d’adolescence qui sortent ce qui, c’est bien, c’est pas un problème, bon voilà, on y arrive. Là c’est autre chose quand même »
principal.

114Les difficultés de parcours scolaires des enfants de parents immigrés sont supposées insurmontables sur la base d’interprétations culturalistes et en toute méconnaissance des constats de la recherche – à caractéristiques sociodémographiques semblables, les inégalités d’origine face au baccalauréat s’estompent (Brinbaum, Moguerou et Primon, 2012). Ce processus d’altérisation – othering (Spivak, 2001) – différencie les élèves et les parcours scolaires attendus pour « eux » : « les filles de familles musulmanes », les « garçons africains », les « jeunes gitans », comparés à « nous ».

115Outre les critères des origines sociale et nationale, les professionnels différencient aussi les parcours sur le critère du genre. Dans leurs comportements scolaires quotidiens comme dans leurs façons d’anticiper leur avenir, les filles sont supposées s’adapter davantage au fonctionnement scolaire que les garçons.

« Parce que déjà les garçons c’est toujours plus problématique que les filles, ça c’est clair, à l’école au moins, et puis avant qu’ils se réveillent. Les garçons se mettent à travailler plus tard. Ici, culturellement, le défaut je dirais génétique ou mi-biologique, il est accentué. Du coup, on a un boulot. On a un boulot énorme. Ça veut pas dire qu’on n’a pas de filles qui nous posent problèmes au niveau comportement, on a quelques louloutes sérieuses, c’est des clientes mais on a ce problème-là des garçons, 50 % qui font rien, qui sont à la traîne, 60 % des garçons qui sont derrière »
principal.

116Plusieurs recherches corroborent cette meilleure adaptation des filles à la scolarité (Duru-Bellat, 2004), sans que l’on puisse faire la part des attentes et de la prise en charge des professionnels depuis le tout début de la scolarité, autrement dit de la socialisation genrée à l’école d’une part, et de la socialisation genrée hors école, dans les sphères familiale et amicale, d’autre part. Mais il est certain que cet ajustement génère une meilleure réussite scolaire, et ce faisant une orientation plus fréquente vers les formations générales.

117Si, pour la clarté du propos, nous avons distingué les différenciations opérées vis-à-vis de l’origine sociale, de l’origine nationale et du genre, les discours ainsi que les représentations les combinent.

Des scénarios d’orientation liés aux origines sociale et nationale et au genre

118Le concept de scénario est emprunté à Goffman qui l’utilise en 1976 dans un article intitulé « Gender Display ». Dans cet article, Goffman théorise que les humains considèrent que chacun a « une nature essentielle », qui peut être interprétée en lisant « des signes naturels dégagés ou exprimés par eux » (p. 75). En interprétant ces signes, une supposée nature masculine ou féminine est envisagée. Non seulement le genre est souvent déterminé par les autres relativement facilement, mais cette détermination établit souvent les façons dont les individus interagissent entre eux. Goffman affirme que, parce que nous fonctionnons habituellement dans de tels scénarios genrés, ils sont pris pour preuve d’une nature sexuée. Sur cette base, West et Zimmerman (1987) développent la notion de Doing gender (performer le genre) que West et Fenstermaker (1995) élargissent ensuite à Doing difference (« performer les différences sociales, ethniques » en suivant les scénarios sociaux pour répondre aux attentes sociétales).

119Compte tenu de leurs catégorisations des élèves, de l’information dont ils disposent sur l’offre de formation proche et sur son accessibilité (capacité d’accueil, attractivité, niveau scolaire requis), les professionnels des collèges enquêtés conseillent les élèves de 3e sur la formation qui leur semble appropriée, et définissent au fil des échanges avec leurs collègues la décision finale qui sera formulée en conseil de classe de troisième trimestre. Les catégorisations qu’opèrent les enseignants, les COP, les principaux amènent des scripts de transition plus ou moins nombreux pour les unes et les autres et préfigurent ainsi les passages des divers élèves du collège vers des formations professionnelles, technologiques ou générales. Les scénarios de transition diffèrent pour les filles et les garçons, pour les élèves d’origine immigrée ou nationale et façonnent la façon dont les principaux, les enseignants, les conseillers d’orientation agissent à leur égard.

  • 32  Ces éléments ne sont pas sans lien puisqu’il apparaît que les résultats scolaires croissent statis (...)

120Durant l’enquête réalisée en 2011, nous faisons le même constat que Masson à la fin des années 1990 : « Les enseignants ont la conviction qu’ils peuvent prédire le degré de réussite scolaire ultérieure de l’élève » (Masson, 1997, p. 173). Les enseignants prennent bien sûr en compte le niveau scolaire pour envisager la transition appropriée32. Mais avec une représentation globalement déficitaire des adolescents de familles populaires, les enseignants sont persuadés que le destin scolaire de ces jeunes de niveau faible ou moyen est dans la voie professionnelle courte. Pour les jeunes filles de milieu populaire n’ayant pas de bons résultats, les formations courtes du tertiaire ou des soins à la personne sont perçues comme adaptées ; alors que pour les jeunes garçons de milieu populaire n’ayant pas de bons résultats, sont envisagées des formations courtes industrielles ou artisanales.

« D’un autre côté, à Montpellier, on sait que pour les garçons, il y a des bacs pro dans le bâtiment, grosso modo, sans entrer dans le détail ; et pour les filles, peut-être des bacs pro de secrétariat et de CAP, tout ce qui tourne autour de la petite enfance. Donc, ça restreint un petit peu les choix. Il y a aussi la vente. Donc, il n’y a pas vraiment un éventail très large et certains ne veulent pas quitter Montpellier »
enseignante, Montpellier.

121Les professionnels peuvent encourager un bon élève de milieu populaire mais ne « poussent » pas un élève de niveau moyen ou faible de milieu populaire, en contradiction avec leur discours égalitariste ainsi que le souligne cette responsable académique :

« Vous ne trouverez personne qui vous dira le contraire. Tout le monde travaille pour l’égalité des chances, promouvoir les élèves, etc. Après on sait bien que, au-delà de ces discours… – mais je ne dis pas qu’ils ne sont pas sincères, c’est des discours sincères – il y a aussi des pratiques, des pratiques des professionnels, que ce soit les acteurs de l’orientation, de l’enseignement, les personnels des directions, d’inspection, etc., qui visent à une forme quand même de répartition qui n’est pas tout à fait égalitaire des élèves, dans les filières, dans les séries, dans les enseignements d’exploration, dans les options, dans… L’offre n’est parfois pas toujours lisible et les hiérarchies qui existent étant fréquentées surtout par nos enfants. Je me dis qu’il y a quelque chose qui est de l’ordre de l’incohérence entre ce que nous affichons et ce que nous… [faisons] »
responsable du service académique d’information et d’orientation.

122Ces limitations des aspirations des jeunes générées par les enseignants sont aggravées par le manque de places dans certaines formations professionnelles. Pour les jeunes de faible niveau scolaire, les enseignants leur expliquent qu’ils ne seront pas acceptés dans les formations professionnelles les plus demandées du fait des capacités d’accueil.

« Ils [les élèves] demandent des choses qui sont à leur niveau mais qu’ils ne pourront pas obtenir faute de place […]. Effectivement, on a des élèves qui nous demandent des BAC pro ou des CAP, qu’ils pourraient obtenir au vue de leurs résultats mais où il n’y a que très peu de places et qu’ils n’auront forcément pas parce que même si leurs notes ne sont pas très bonnes, les appréciations ne sont pas bonnes non plus. S’il n’y a pas beaucoup de places, ils ne les auront pas. Là, notre rôle est de leur faire comprendre qu’ils ne les auront pas, donc qu’ils peuvent les mettre, ils ont trois vœux à faire, ils peuvent les mettre sur les premiers vœux au cas où s’ils ont un peu de chance et qu’ils l’obtiennent tant mieux mais qu’après il faut faire des vœux, ce n’est pas forcément ce qui leur plaît mais ce qui leur déplairait le moins » (enseignant, Montpellier).

123En fonction de leur représentation du jeune et selon les possibilités locales, les professionnels en charge de l’orientation envisagent des scénarios d’orientation qu’ils considèrent comme appropriés. Les bons élèves de tous milieux sociaux demandent pour la plupart la filière générale ; ceux qui ne le font pas auront parfois la chance d’être incité à le faire par un professionnel, voire par le conseil de classe comme dans le collège de Montreuil. Les autres élèves de familles populaires de niveau moyen ou faible se voient généralement conseillés d’opter pour la filière professionnelle et reçoivent une décision d’orientation en ce sens.

Conclusion

124À partir de notre enquête, cette contribution présentait les politiques et les pratiques d’orientation en fin de secondaire premier niveau dans les huit pays étudiés, puis celle de la France en particulier. La mission d’orientation, bien que priorité européenne dans les textes, n’est assumée par des spécialistes que dans quatre des huit pays, pour une période généralement limitée en fin de secondaire premier niveau et sous la forme d’informations et de conseils relatifs à la transition proche. Les textes français, à la suite des incitations européennes, accordent un rôle majeur à l’orientation des élèves dans la réduction des décrochages scolaires, dans l’allongement des formations, et ce faisant, dans l’amélioration de l’intégration sociale et professionnelle des jeunes générations. En France, cette mission d’orientation est cadrée par la politique d’orientation portée dans les textes du ministère de l’éducation nationale et à l’échelle de l’établissement par le principal du collège. Ceux-ci se conforment plus ou moins aux directives ministérielles de réduire les écarts entre les demandes des familles et les décisions d’orientation, au besoin en acceptant une orientation refusée par le Conseil de classe mais des usages distincts apparaissent dans les collèges enquêtés. Malgré un public comparable, l’un des collèges oriente les2/3 des élèves vers la filière générale, alors que les deux autres orientent une large majorité des élèves vers la filière professionnelle. Au niveau des enseignants, notre enquête montre que leur accession à la fonction de professeur principal n’est pas préparée institutionnellement et que beaucoup l’ont acceptée sans l’avoir véritablement souhaitée. Pour autant, nos enquêtés font part d’un investissement dans cette mission, en lien avec leurs collègues quand des relations de coopération existent dans l’établissement, et en lien avec le COP dans la limite de leur temps de présence dans le collège. Notre enquête montre cependant l’hiatus entre l’ambition des objectifs en matière d’orientation et la baisse des moyens (réduction du nombre de COP, fermeture de CIO, pas de dotation horaire aux établissements pour le travail d’orientation individuel ou collectif, pas de formation à l’orientation dans la formation initiale des enseignants). En vis-à-vis, les collectivités locales investissent de plus en plus dans les politiques éducatives et parfois en matière d’orientation. Les associations sont également investies dans les collèges et contribuent pour certaines à l’information sur les formations, les métiers et/ou la procédure. Ces deux derniers éléments entraînent des inégalités territoriales réelles entre des établissements et entre des secteurs où les collectivités et les associations soutiennent très différemment l’orientation des collégiens. Dans ces conditions, les professionnels informent et orientent les élèves en fin de 3e en prenant en compte leur niveau scolaire, mais également leurs origines sociale et nationale et leur genre. Cette catégorisation des jeunes, qui s’avère une altérisation de beaucoup des élèves de quartiers populaires, contient une destinée socio-professionnelle qui alimente le scénario d’orientation proposé. Du fait de leur manque de formation, des conditions de leur mission d’orientation et de leurs représentations, les professionnels agissent bien souvent en participant à leur insu à la reproduction sociale en orientant préférentiellement les jeunes de milieu populaire, et/ou de familles immigrées, et les garçons en formation professionnelle. Pour cerner le processus d’orientation en fin de collège, ce tableau des politiques et des pratiques professionnelles doit être complété par l’examen des points de vue et des actions des élèves et de leurs parents, ce qui est l’objet de la contribution qui suit.

Notes

1  Pour garantir l’anonymat des principaux interviewés, nous avons enlevé leur marque de genre.

2  Cette partie se réfère à l’article de Laetitia Mellottée et Ilse Julkunen, 2012, « Career guidance in transition. Looking at policies and practices in eight European countries », in Altinyelken Hülya Kosar et Julkunen Ilse (dir.), Coping and support in educational transitions, Université d’Helsinski et université d’Amsterdam.

3  Notons que quel que soit l’âge de cette orientation majeure, les principaux, les adolescents, mais aussi les familles et les professionnels enquêtés par GOETE considèrent qu’elle est prématurée et que les jeunes ne sont pas en mesure de faire des choix éclairés.

4  215 spécialités dans les domaines suivants : artisanat, mode, spectacle, BTP, commerce, accueil, vente, environnement, agriculture, esthétique, beauté, hôtellerie, restauration, industrie, automobile, maintenance, entretien, installation, transport, logistique, travail social, métiers du bois, métiers de la mer, métiers de bouche, service social, métiers du football. Le CAP se prépare en lycée professionnel ou dans un centre de formation des apprentis.

5  Les spécialités des baccalauréats technologiques sont STMG, STI2D, STL, ST2S, STAV, TMD, hôtellerie.

6  Ceci est le calendrier national usuel mais il diffère de façon expérimentale dans quelques départements, notamment celui de Seine-Saint-Denis où les vœux définitifs doivent s’exprimer au deuxième trimestre. Les professionnels du collège de Montreuil regrettent que les élèves de ce département doivent énoncer leurs vœux définitifs si tôt, et plus largement que ce département de Seine-Saint-Denis soit souvent le « laboratoire d’expérimentation brumeuse » (enseignant).

7  L’affectation par ce logiciel a remplacé l’affectation manuelle en 2008 officiellement pour assurer plus de transparence et de cohérence au processus. Chaque académie définit ses critères d’affectation et le barème afférent. Par exemple, l’académie de Paris en 2009-2010 avait pour critère : le lieu de résidence dans le district du lycée demandé (600 points), les résultats scolaires (600 points), être boursier (300 points), avoir des frères ou sœurs dans le lycée demandé (50 points). Le logiciel répartit les demandes des élèves dans les places offertes selon leur score.

8  Voir Danic et Loncle, supra, pour une présentation détaillée de la collecte de données – pour mémoire, il s’agit d’établissements implantés dans des quartiers défavorisés connaissant une surreprésentation d’élèves de familles modestes.

9  On ne peut pas parler de politique d’orientation de l’établissement dans la mesure où il n’y a pas de véritable politique discutée et adoptée officiellement dans les collèges en la matière. Ces usages se constituent dans la configuration relationnelle de l’établissement : les enseignants du collège de Rennes témoignent de solidarité et de coopération entre eux et d’une bonne entente avec la direction ; à l’inverse du collège de Montpellier où des enseignants se plaignent du manque de collaboration. Dans celui de Montreuil, il y a plutôt un hiatus entre la direction et l’équipe enseignante.

10  Les principaux, comme les responsables de la fonction publique, touchent des primes qui durant les années 2000 ont été augmentées et individualisées dans une logique inspirée du New Public Management (voir Loncle et al., supra).

11  Cependant ces informations de suivi ne descendent pas systématiquement jusqu’aux enseignants ce qui ne leur permet pas d’opérer de retours réflexifs sur les décisions prises.

12  Le ratio nombre de demandes/nombre de places de l’année précédente permet de jauger la difficulté d’accès aux différentes formations.

13  La 3e de découverte professionnelle 3 h est une option facultative de découverte des métiers 3 heures hebdomadaires. La 3e de découverte professionnelle 6 h est un module destiné à découvrir les métiers 6 heures par semaine (suppression des langues vivantes). La 3e alternance propose aux élèves peu scolaires de suivre une formation privilégiant la découverte du monde professionnel au travers de stages d’observation. Les places sont destinées aux élèves qui ont des difficultés scolaires mais ce en nombre très limité, accessible après un entretien, durant lequel l’élève s’engage à ne pas être absentéiste et à être sérieux et motivé.

14  Le site éduscol du ministère de l’éducation nationale présente ainsi les sections SEGPA : « Au collège, les sections d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) accueillent des élèves présentant des difficultés scolaires graves et persistantes auxquelles n’ont pu remédier les actions de prévention, d’aide et de soutien. »

15  Selon le site éduscol du ministère de l’éducation nationale : « Les dispositifs relais (classes et ateliers) accueillent des élèves de collège, éventuellement de lycée, entrés dans un processus de rejet de l’institution scolaire qui peut se traduire par des manquements graves et répétés au règlement intérieur, un absentéisme chronique non justifié, une démotivation profonde dans les apprentissages, voire une déscolarisation. […] 454 dispositifs ont fonctionné en 2010-2011 dont 311 classes relais et 143 ateliers relais. Le nombre d’élèves concernés était d’environ 8880. »

16  Créé en 2008 dans le plan Espoir Banlieue, les internats d’excellence visent l’accueil de collégiens et de lycéens « méritants mais défavorisés ». Il en existait seulement 12 en 2010. La politique actuelle vise à transformer les anciens internats en internats d’excellence pour répondre aux besoins et couvrir le territoire.

17  Cf. sites du ministère de l’éducation : Education.gouv et Eduscol.

18  Depuis notre enquête, le rôle du professeur principal a été encore renforcé dans les textes en tant que « coordinateur d’animation d’équipe ». Cf. BO, no 13, 29 mars 2012, circulaire de rentrée 2013, ministère de l’éducation nationale.

19  Sur le rôle du professeur principal dans les collèges et lycées, voir la circulaire no 93-087 du 21 janvier 1993 parue au BO no 5 du 4 février 1993 et en ligne sur le site [circulaires. gouv.fr] (donc toujours en vigueur actuellement conformément au décret no 2008-1281 du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires).

20  La prime de professeur principal diffère pour les agrégés et pour les certifiés et selon le niveau concerné, mais elle est en moyenne de 1200 euros pour l’année.

21  En Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) au moment de notre enquête, et jusque septembre 2013, puis en écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE).

22  Cette faiblesse dans la formation initiale des enseignants est loin d’être unique en Europe comme on l’a vu dans la première section. Hormis aux Pays-Bas, la place des questions d’orientation dans la formation des enseignants est, au mieux, faible, au pire, absente (Pologne, Slovénie).

23  Ce parcours de découverte des métiers et des formations a été remplacé, après notre enquête, par une circulaire de 2013, par le parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel.

24  C’est la seule professionnelle qui nous ait parlé d’un logiciel d’aide à l’orientation. Le logiciel GPO est en vente entre 150 euros (pour un poste informatique) et 500 euros (postes illimités dans le collège). Il est réalisé par un directeur de CIO et est constitué : des modules d’apprentissage sur notre système scolaire ; des modules de tests de connaissances et de réflexion ; des présentations claires d’une large palette de métiers et de secteurs professionnels ; des questionnaires permettant de dégager les principaux intérêts professionnels d’un élève.

25  Source : communiqué commun en 2010 de quatre syndicats (Snes-FSU, SUD-éducation, la CGT éduc’action et le SNFOLC) que confirme le nombre de postes ouverts au concours.

26  L’Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV) est une association nationale créée en 1991 pour organiser des actions de solidarité (soutien scolaire, et ouverture culturelle) de la part d’étudiants bénévoles à destination des scolaires dans les quartiers populaires.

27  « Le fonctionnement des services d’information et d’orientation », Rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale, no 2005-101, octobre 2005.

28  Le conseil départemental semble privilégier ce soutien à l’orientation puisqu’il fait savoir simultanément qu’il veut se retirer du financement de plusieurs CIO du département.

29  Le Relais est un secteur de l’association La Sauvegarde de l’enfant à l’adulte en Ille-et-Vilaine, secteur constitué d’équipes d’éducateurs de prévention réparties sur les différents quartiers rennais auprès des 12-18 ans. Le Relais est conventionné avec le conseil départemental, sur la base d’un financement de l’aide sociale à l’enfance.

30  L’Association de prévention spécialisée 34 intervient auprès des jeunes et des familles dans les territoires pauvres du département de l’Hérault.

31  Nous nous focalisons ici sur nos terrains français, mais des constats convergents ont été faits dans tous les sites d’enquête.

32  Ces éléments ne sont pas sans lien puisqu’il apparaît que les résultats scolaires croissent statistiquement avec le niveau socio-culturel des familles. Et que les acquisitions, ou les lacunes, se cumulent au fil des parcours (Broccholichi et Sinthon, 2011 ; Duru-Bellat, 2004).

Table des illustrations

Titre Tableau 2. – Place de l’orientation dans la formation des enseignants
Crédits Source : Mellottee et Julkunen, 2012, p. 96.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/148722/img-1.jpg
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Titre Tableau 3. – Les facteurs affectant la transition en fin de secondaire selon les chefs d’établissement
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/148722/img-2.jpg
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Titre Tableau 4. – Actions réalisées dans l’établissement selon les chefs d’établissement
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/148722/img-3.jpg
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Titre Tableau 5. – L’avis des chefs d’établissement sur la formation des enseignants
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/148722/img-4.jpg
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Titre Tableau 6. – Point de vue des chefs d’établissement sur l’attention accordée à l’orientation dans leur école
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/148722/img-5.jpg
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Auteurs

Maître de conférences en sociologie à l’université Rennes 2 et chercheure au laboratoire Espaces et sociétés (ESO), a contribué à plusieurs programmes européens et français relatifs à la socialisation et aux parcours éducatifs des enfants et des jeunes.

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