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Le pouvoir et la foi au Moyen Âge

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Sylvain Soleil
, 
Joëlle Quaghebeur

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Le bijou d’émeraude Renaissance du Cabinet des Médailles

Lydwine Scordia

Texte intégral

1Hubert Guillotel aimait les objets. Ami des formes et des lignes, et fort curieux de leur élaboration et de leur histoire. C’est dans le vivier de l’histoire des objets d’art que j’ai puisé le thème de cet article en hommage à notre ami aussi passionné qu’avisé en ce domaine.

  • 1 Recherches en cours sur « Amour et désamour du roi (xiiie-xvie siècle »).

2Travaillant à définir la relation réciproque existant entre le roi et les sujets du royaume de France, j’ai rassemblé quelques motifs, points de départ d’une collection virtuelle sur l’« amour du roi1 ». L’un des plus extraordinaires est certainement ce bijou d’émeraude datant du xvie siècle ; ce sera le sujet de cet article.

  • 2 Chabouillet A., Catalogue général et raisonné des camées et pierres gravées de la Bibliothèque impé(...)
  • 3 On appelle « cuirs » les enroulements de plaques de métal au pourtour irrégulier imitant ceux que p (...)
  • 4 Hackebroch Y., « Catherine de Medici and her court jeweller François Dujardin », The Connoisseur, 1 (...)
  • 5 Instructions pour l’exécution de portraits et de bijoux, Paris, BnF, fr. 894, f. 75.
  • 6 Hackenbroch Y., Renaissance Jewellery, Londres, Sotheby Parke Bernet, 1979, p. 94.

3Le bijou appartient aux collections du Cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale de France, rue de Richelieu à Paris. Il est exposé dans une des vitrines du musée avec la notice : « Émeraude de Catherine de Médicis, monture en or émaillé. Pendentif commandé par la reine à l’orfèvre parisien François Dujardin, Noël 1571. » Il faisait partie, comme les autres objets du Cabinet des Médailles, des collections royales. Sa cote d’inventaire est « Chab. 2723 », car il a été répertorié par Anatole Chabouillet (1814-1899) dans son Catalogue de 18582. L’objet animé de motifs en relief est compliqué et intrigant : l’attention se porte tour à tour sur l’émeraude rectangulaire centrale, sur les putti émaillés de blanc aux ailes multicolores qui encadrent latéralement la pierre ; sur les deux mains nouées qui forment le soubassement de la pierre, puis sur le haut du bijou où l’on voit une autre émeraude triangulaire surmontée d’un masque féminin souriant. L’ensemble s’inscrit dans un hexagone à l’entourage contourné de cuirs ornementaux émaillés3. Pour en savoir plus, il faut consulter les recherches qu’Yvonne Hackenbroch avait rassemblées dans un article du Connoisseur4. En 1966, ce conservateur au Metropolitan Museum of Art de New York avait renouvelé les connaissances que nous avions sur l’objet en le rapprochant d’une lettre écrite de la main de Catherine de Médicis. Celle-ci y faisait la commande d’un bijou comprenant une émeraude enserrée par deux mains ; et la reine en donnait la symbolique5. D’autres papiers de même provenance faisaient état de commandes de bijoux pour Noël 1571 à François Dujardin. Yvonne Hackenbroch en avait déduit que la lettre de Catherine correspondait à l’objet du Cabinet des Médailles. Son article donnait des informations sur l’orfèvre François Dujardin et le dessin préparatoire d’Olivier Codoré. Catherine aurait offert le pendentif en cadeau à Charles IX6.

4Depuis 1966, cette thèse a été largement reprise et diffusée, même si le bijou du Cabinet des Médailles ne correspond pas exactement à la lettre de Catherine de Médicis.

5Ayant succombé au charme mystérieux du pendentif d’émeraude, je souhaiterais revenir sur l’objet lui-même (I), les savoir-faire qu’il révèle (II) et amorcer le bilan historiographique, point de départ d’une recherche à venir sur le sens dont il est porteur (III).

Un bijou exceptionnel

  • 7 Tous mes remerciements à Cécile Colonna, conservateur au Cabinet des Médailles.

6Le bijou exposé (cf. photo) rue de Richelieu est exceptionnel tant par ses motifs, ses matériaux que par ses couleurs. La consultation récente de l’objet hors de sa vitrine permet d’apporter quelques précisions quant à sa fiche signalétique7. L’objet mesure 55 mm de hauteur sur 40 mm de large ; il est épais de 14 mm. Il pèse 52,35 gr. Les différents motifs et décors s’inscrivent dans un hexagone ; le style évoque une scène architecturée où les lignes droites des pierres contrastent avec les volumes des motifs et les enroulements des décors.

7Le bijou monté sur de l’or jaune compte deux types de pierres : deux émeraudes et quatre diamants. L’élément principal, central, est une émeraude rectangulaire en cabochon qui mesure 21 mm x 16 mm. La pierre est entourée d’une bordure émaillée au motif d’oves alternativement rouges et bleus, cernés de noir sur fond blanc. Deux putti assez gras émaillés de blanc, aux cheveux d’or et aux ailes émaillées de vert, rouge et bleu, encadrent verticalement l’émeraude, en supports. Ils ont un visage joyeux tourné vers nous. Leur main est posée sur la pierre. Une autre émeraude (7 mm x 10 mm x 7 mm) taillée en cabochon, a été placée au dessus de la première, en fronton : elle est triangulaire et la pointe est tournée vers le bas ; elle a le même décor de bordure que la grande émeraude. Le triangle de l’émeraude contraste avec le fronton supérieur puisqu’ils sont inversés : le premier pointe en bas et le second pointe en haut. Les côtés du fronton sont dessinés par des diamants baguettes de 6 mm x 3 mm ; ils ont l’un et l’autre un petit diamant carré d’1 mm de côté, apposé ; quatre boutons émaillés de jaune, de turquoise et de verts, et deux fleurs rouges au cœur blanc en émail ornent les côtés de l’émeraude triangulaire.

« Le bijou d’émeraude » du Cabinet des Médailles (Paris, BnF)

« Le bijou d’émeraude » du Cabinet des Médailles (Paris, BnF)

8Le sommet du fronton supérieur est occupé par un masque féminin émaillé de blanc aux cheveux d’or, hérissé de plumes rouges ; un point d’émail rouge en relief est posé au sommet du front du masque. Des cuirs émaillés de bleu pointillé d’or, de vert et de rouge s’enroulent en bordure.

9Le bas de l’émeraude est occupé par deux avant-bras placés horizontalement ; ils sont émaillés de bleu et de mauve avec des revers de manches aux motifs d’or repoussé imitant la dentelle ; les deux mains émaillées de blanc sont nouées. Là aussi, les cuirs émaillés de rouge et de bleu ornent le contour inférieur du bijou, qui se termine par des feuilles d’acanthe couvrant un fruit d’émail rouge et deux boutons, l’un vert clair, l’autre turquoise ; une fleurette aux pétales ciselés fait le lien avec l’anneau.

10Le dessin du revers est un semis cloisonné de losanges soulignés de blanc sur émail noir, dans lesquels ont été dessinées des formes géométriques émaillées : cercles verts, losanges mauves et bleus, fleurs quadrilobées bleues et rouges et octolobées bleus et jaunes, étoiles à six branches. Des palmes ciselées d’or décorent les fonds d’émail noir.

11Malgré une mise en scène complexe, les trois éléments principaux du bijou (cabochons d’émeraude rectangulaire et triangulaire, mains nouées blanches) ressortent bien.

  • 8 À comparer avec la fixation du camée Ier siècle apr. J.-C. à la monture en or émaillé attribué à Ét (...)

12L’état général de conservation est bon. L’édifice de l’émeraude rectangulaire bouge un peu. L’émail est sain, un peu écaillé à divers endroits : masque ; visages et mains des putti ; mains nouées ; rouge du fruit inférieur ; bleu de la fleurette. La partie supérieure du revers n’est plus recouverte d’émail, comme si il y avait eu frottement à cet endroit : le chaud métal d’or est à nu. Les deux petites boules verte et turquoise sont percées d’un trou. Manque-t-il un motif, un point d’émail ? L’anneau inférieur de suspension est vide ; il supportait probablement une perle comme tant d’autres pendentifs de la même époque. Un reste de crochet est visible latéralement ; un autre plus petit de l’autre côté, mais pas à la même hauteur. Au revers, on distingue 4 encoches circulaires d’origine, creusées à équidistance les unes des autres, qui devaient servir à fixer la face en relief à la plaque de revers8.

  • 9 Bapst G., Histoire des joyaux de la Couronne de France d’après des documents inédits, Paris, 1889. (...)

13Ces différents éléments (crochets, encoches, usure du revers) nous amènent à la question de l’enregistrement de notre bijou. À l’époque, on devait l’appelait une « bague ». C’est le nom qui est donné au xvie siècle à tous les objets qu’on peut emporter avec soi : joyaux montés ou pas, habillement, orfèvrerie de voyage… Lorsque François Ier modifie en 1530 le statut des bijoux et pierres de la Couronne et en fait des pièces inaliénables, le mot utilisé pour qualifier la collection royale est : « bagues de la Couronne de France9 ».

  • 10 Portrait de François Ier par Francesco di Pellegrino sur un dessin de Jean Clouet (1528, Paris, Lou (...)

14Les tableaux et gravures peuvent nous aider à identifier le bijou d’émeraude car ils montrent de quelles manières les joyaux étaient portés dans la seconde moitié du xvie siècle. Pour les hommes, c’est la mode des enseignes accrochées au chapeau, des chaînes pourvues de pendentifs, des aiguillettes fermant les manches à crevés, telles qu’en portent François Ier sur le fameux portrait du Louvre10. Le visage et le cou du roi sont posés au-dessus d’un somptueux vêtement royal à la carrure extraordinaire. Le roi porte plusieurs enseignes de perles et d’or sur son chapeau à plume blanche, le collier de l’ordre de Saint Michel dont il est le grand-maître, et de nombreuses aiguillettes à ferrets, plus décoratives qu’indispensables, sur sa veste. Les femmes portent de plus en plus de bijoux. Leurs têtes sont couvertes de bonnets ou de bandeaux ornés de perles en arceaux. Autour des cous s’enroulent des chaînes à plusieurs rangs et des carcanets qui font alterner pierres de couleur et diamants en pointe ou en table. Les pendentifs peuvent être fixés au col, épinglés aux manches ou pendre à une chaîne. Les bonnets, vestes, manches et jupes sont ornés de boutons et de paires d’aiguillettes. Du collier ou de la ceinture pendent des objets comme des flacons, des livres de prière ou de poésie… On porte des bagues à tous les doigts.

  • 11 Paris, BnF, Cabinet des Médailles (Chab. 2721).
  • 12 Voir le pendentif en forme de gondole, attribué à Giovanni Battista Scolari (vers 1568, Florence, M (...)
  • 13 Paris, Musée des Arts Décoratifs, Galerie des Bijoux (n° 41 866).
  • 14 Il manque un élément au-dessus du masque.

15Tel qu’il est exposé dans la vitrine du Cabinet des Médailles, le bijou d’émeraude aux mains nouées pourrait être une enseigne, c’est-à-dire un insigne cousu par les hommes et les femmes sur leur chaperon, leur coiffe, leur chapeau. Ces bijoux sont très largement répandus : tout le monde en porte, du bourgeois au roi. Elles peuvent atteindre des tailles importantes, comme celle qui fut exécutée pour François Ier en 1538 par Simon Gaudyn (70 mm x 65 mm11) qui est décrite comme « une ymage d’or où y a une bataille esmaillée ». Les quatre anneaux de fixation sur l’envers ne laissent aucun doute sur la destination de l’objet. Ce qui n’est pas le cas de notre bijou. L’usure du revers par frottement pourrait indiquer qu’il s’agit d’un pendentif, fixé à une chaîne par deux ou trois points, comme on le voit pour les pendants Renaissance en forme de bateaux12 ou pour le « pendentif de l’Agneau pascal » exposé dans la galerie des bijoux du Musée des Arts décoratifs13, dont le corps est une perle baroque complétée par une tête et des pattes émaillées d’or ; les bélières accrochées à la tête de l’animal et à sa queue relient le pendentif à une double chaîne. L’absence de bélière de notre objet, les crochets rudimentaires qui ne sont peut-être qu’un système de fixation, ne nous permettent pas pour l’instant de conclure14. Le bijou a peut-être connu plusieurs usages.

Savoir-faire

  • 15 L’École de Fontainebleau, Paris, 1972 ; L’Art de Fontainebleau, éd. André Chastel, Paris, CNRS, 197 (...)

16Motifs profanes antiques, décors et lourde mise en scène apparentent le pendentif d’émeraude au style de l’école de Fontainebleau, c’est-à-dire au milieu du xvie siècle français15.

17La réalisation du bijou a nécessité le travail d’un groupe d’artisans et d’artistes différents : un dessinateur, un lapidaire, un orfèvre et un émailleur, qui ne sont pas forcément quatre personnes différentes.

  • 16 « Cist tytres parle des orfevre et de l’ordinance de leur mestier », Lespinasse R. de et Bonnardot (...)

18La commande a été passée auprès d’un orfèvre. Maître d’œuvre du bijou, c’est à lui qu’il incombe de proposer dessins et pierres à son client. Le métier d’orfèvre est organisé depuis longtemps en France : les premiers statuts des orfèvres parisiens leur accordant privilèges et devoirs datent de 768 et le livre des métiers d’Étienne Boileau de 1268 en précise l’ordonnance. Les orfèvres français jouissent d’une grande réputation en Occident16.

  • 17 Hackenbroch Y., « New knowledge on jewels and designs after Étienne Delaune », The Connoisseur, 162 (...)
  • 18 Catherine de Médicis utilise ce terme dans une de ses commandes de bijoux, Paris, BnF, fr. 894, f. (...)

19Le dessin fait partie du long apprentissage (huit ans) de l’apprenti auquel le maître enseigne à « portraire et dessiner ». L’orfèvre doit en effet savoir exécuter des dessins de présentation pour les commandes prestigieuses. Mais il y a une différence entre un dessin de présentation et la création de modèles de bijoux qui inspireront les orfèvres. On dispose des gravures d’orfèvres réputés qui étaient à la fois concepteurs et réalisateurs de leurs modèles. Citons le fameux Étienne Delaune (1518-1583), orfèvre d’Henri II, qui s’installe à Strasbourg après 157217, et l’orfèvre et graveur lorrain, Pierre Pierre Woeriot (1532-1589/99), qui a laissé un Livre d’anneaux d’orfèvrerie (1561). Le dessin a donc une place importante dans l’histoire des bijoux parce qu’il en constitue l’étape préliminaire, et qu’il est souvent le seul témoin lorsque les objets ont disparu. On trouve quelquefois les maquettes de plomb ou de cuivre fabriquées après l’étape du dessin ; on les appelle des « patrons18 ».

  • 19 Caron A., Flora et amours (Musée des Beaux Arts, Orléans) ; du même Le triomphe de l’hiver (1564/8  (...)
  • 20 Charles IX accorde à « Olivier Codoré, tailleur et graveur de pierres précieuses » la « permission (...)
  • 21 François Dujardin, maître en 1563 ; orfèvre de la reine en 1569 ; orfèvre et lapidaire du roi de 15 (...)
  • 22 Hackenbroch Y., Renaissance Jewellery, op. cit., p. 77 : dossier de trois pendants signés « Guido f (...)

20Plusieurs artistes peintres et orfèvres sont susceptibles d’avoir fait ou inspiré le dessin du pendentif d’émeraude : Antoine Caron (1521-1599)19 ; Olivier Codoré20 ; Étienne Delaune déjà cité ; François Dujardin21 ; « Guido22 » qui ont tous travaillé à des commandes royales.

  • 23 Princely magnificence : court jewels of the Renaissance (1500-1630), Londres, 1980, p. 4 ; « Penden (...)
  • 24 Bimbenet-Privat M., L’orfèvrerie parisienne de la Renaissance. Trésors dispersés, Paris, Centre Cul (...)
  • 25 Hackenbroch Y., « Catherine de Medici and her court jeweller François Dujardin », art. cit., note 4 (...)

21La composition architecturée est dans l’air du temps, elle correspond à une architecture miniature avec un motif central encadré de supports en relief23. On connaît plusieurs pendentifs, y compris dans d’autres cours européennes, dont le centre est occupé soit par une pierre soit par un camée antique, et qui est entouré de supports (putti, satyres et bacchantes, vertus24…). On peut parler d’un style international, comme on l’a fait pour désigner le « gothique international » du xve siècle ; ce qui complique l’identification du pays d’exécution. La construction centre-supports-perle en pendentif du bijou d’émeraude est très apparentée à un dessin d’Étienne Delaune : tant pour la ligne générale que pour la présence d’un masque à aigrette25. L’objet est dans sa manière ou de ses suiveurs.

  • 26 Gravure au burin d’un atelier d’orfèvre (8, 4 cm x 12 cm), signée d’Étienne Deleaune (« Stephanus f (...)

22On peut avoir une idée assez précise d’un atelier d’orfèvre en regardant la gravure, gravée au burin par le même Étienne Delaune, en 157626. Une grande fenêtre éclaire l’atelier animé de cinq personnes. Toute la hiérarchie du métier est visible sur l’image, du jeune apprenti au maître, ils sont tous très appliqués et concentrés sur leur travail. La multitude d’outils utilisés ou accrochés aux murs révèle la complexité du métier. Un très jeune apprenti fait tourner le moulinet d’un banc à étirer. Un autre apprenti place un objet dans le four ou l’en retire ; il est chargé de faire marcher la forge. D’un côté de la table, deux apprentis plus avancés, assis sur des tabourets, travaillent, de l’autre se trouve le maître plus âgé portant lunettes. On reconnaît l’établi marqué par une échancrure en demi-cercle au centre de laquelle une cheville amovible sert d’appui au bijoutier ; la peau de mouton attachée sous l’établi est utile pour récupérer tout ce qui peut glisser : pierre, pièces, outil… La claie au sol permet de recueillir la poudre de métal précieux.

  • 27 Bimbenet-Privat M., Les orfèvres parisiens de la Renaissance : 1506-1620, Paris, Commission des tra (...)
  • 28 Bimbenet-Privat M., « Dessins inédits de François Dujardin, orfèvre de Catherine de Médicis », art. (...)

23Le bijou d’émeraude aux mains nouées est un bon exemple des points forts et points faibles des orfèvres français de la Renaissance. Cela fait déjà plusieurs générations que les orfèvres français sont réputés dans tout l’Occident. Orfèvrerie et joaillerie ont atteint le même niveau d’excellence que les autres arts27. Les princes ecclésiastiques et séculiers commandent des dessins aux plus grands artistes du temps. Les thèmes médiévaux (religion, courtoisie, héraldique, énigmes…) sont réinvestis et complétés par un recours massif aux thèmes mythologiques et historiques de l’Antiquité. Dans le cas du bijou d’émeraude, les motifs sont apparemment tous profanes. Le maître orfèvre le plus fameux est Benvenuto Cellini (1500- 1571), installé à Paris en 1537, puis de 1540 à 1545. Le roi lui a concédé en jouissance le Petit-Nesle ; le Florentin y implante son atelier. Les orfèvres les plus réputés sont à Paris. François Dujardin est établi en 1551 dans une maison à l’enseigne des Deux-Écus, rue Saint-Germain-l’Auxerrois, puis dans une nouvelle maison à partir de 1564, rue des Lavandières, toujours à Paris28. Quel que soit le lieu où la Cour est posée, les orfèvres restent dans la capitale, chacun disposant d’une écurie pour aller à Fontainebleau ou à Blois. La réputation des orfèvres français est telle que la reine Elisabeth Ire (1558-1603) demande à son ambassadeur à Paris de lui acheter des bijoux et des montres. Les artisans français sont appelés par les cours européennes ; celle des Médicis leur est particulièrement accueillante.

  • 29 Ead., n. 20, p. 196. Voir Nocq H., Le poinçon de Paris. Répertoire des maîtres orfèvres de la jurid (...)

24Le métier d’orfèvre est très réglementé par les statuts internes et par le contrôle royal du titre des métaux, exposé dans les ordonnances et les édits des souverains. Les objets sont identifiables par le poinçon du maître depuis 1355 : une fleur de lys plus un signe personnel ; par le poinçon de la jurande qui a pour forme une lettre couronnée qui change chaque année. Le titre de Paris est le plus élevé d’Europe. La marque personnelle du poinçon de Dujardin comporte un « F » dans un anneau29. Mais rien n’est visible pour le bijou du Cabinet des Médailles. L’orfèvrerie parisienne est donc à la fois la plus précieuse et la plus coûteuse. Mais le problème de la fourniture des métaux précieux ne se pose plus au xvie siècle : l’or et l’argent viennent d’Amérique du Sud ; l’abondance a succédé à la pénurie de métal de la fin du Moyen Âge.

  • 30 L’émail est une matière siliceuse colorée par des oxydes métalliques vitrifiées.

25Le pendentif est décoré d’émaux mat et translucide. Bleu et rouge dominent, mais la liste des couleurs est longue : noir, blanc, bleu clair, bleu roi, rouge, vert, jaune, or, rose et mauve. L’émail est une des spécialités des orfèvres français, célèbres dans tout l’Occident depuis des siècles. Le goût des émaux est typiquement français. Les couleurs les plus fréquentes sont le blanc opaque, le vert, le bleu, le rouge translucide – le fameux « rouge cler » français à l’éclat semblable au rubis. La technique de l’émail remonte à la plus haute Antiquité : l’émailleur associe le métal et une substance vitreuse colorée qui imite les pierreries30. Le décor émaillé rehausse les œuvres de couleurs variées. Nous disposons de renseignements précis sur les techniques des émailleurs grâce au Traité de l’orfèvrerie (1568) de Benvenuto Cellini.

  • 31 Voir le « Cheval d’or » en or, émail, argent doré, saphirs, rubis, perles (Altötting, Bavière, Kape (...)

26L’émaillage nécessite une alvéole préformée pour contenir l’élément décoratif. Dans le cas du bijou d’émeraude, l’émailleur a mis en œuvre plusieurs manières, ce qui montre une maîtrise remarquable des techniques. Certains motifs sont totalement recouverts, « peints » d’émail, d’autres parties ont une décoration cloisonnée. Le masque féminin, les putti et les mains sont recouverts d’émail blanc, c’est le fameux émail en ronde bosse qui donne au motif un aspect plus réaliste31. On voit même les petits bouts roses des tétons des putti. Les ailes des putti sont cloisonnées, comme si elles étaient recouvertes de rubis, saphir et émeraude, ce qui était l’effet souhaité. L’habileté de l’émailleur est telle qu’on hésite parfois à décrire la décoration des cuirs, celle du bas du pendentif : émail rouge ou rubis calibrés ? Les enroulements sont multicolores : bleu pointillé d’or sur une face et rouge sur la face latérale, pour les cuirs de l’émeraude triangulaire.

27L’artiste a réalisé un revers polychrome ravissant fait d’un cloisonnage d’émail (champlevé) aux lignes blanches, sur fond noir ciselé de palmes. Le pendentif est caractéristique de l’habileté des artisans qui travaillent métaux et émaux. Il révèle aussi leur infériorité concernant la taille des pierres.

28Dans la seconde moitié du xvie siècle, de nombreux orfèvres et lapidaires flamands arrivent à Paris pour des raisons politiques et religieuses. Ils travaillent clandestinement dans la capitale française : « sous le poinçon de… » Leur arrivée coïncide avec la création du nouveau métier de lapidaires qui vivifie l’ancien métier des cristalliers, créé sous saint Louis. Les Français y sont peu nombreux, mais tous les orfèvres de Paris sont aussi joailliers, c’est-à-dire monteurs de pierres ; certains sont aussi lapidaires.

29Les pierres étaient rares avant le xviie siècle et les voyages de Jean-Baptiste Tavernier en Inde. Diamant, rubis, émeraudes et saphirs n’avaient pas la même valeur. Cellini les hiérarchisait en fonction du précieux rubis : un rubis d’un carat vaut deux fois plus qu’une émeraude ; un rubis d’un carat vaut huit fois plus qu’un diamant. La magnifique couleur des émeraudes du pendentif nous indique qu’elles ont été extraites des mines d’Amérique du Sud. Jusqu’aux voyages de Colomb, les émeraudes venaient du continent indien. Les découvertes du xvie siècle transforment la géographie de leur extraction. Les émeraudes du bijou proviendraient d’un cadeau de l’empereur aztèque Montezuma II à Cortès qui les auraient données à Charles Quint. Ce dernier les aurait offertes à la cour lors de son élection à l’empire en 1519 ; à moins qu’elles n’aient été données lors du mariage de Philippe II avec Élisabeth de Valois, fille d’Henri II et de Catherine de Médicis en 1559.

30Les émeraudes ont été taillées en cabochon : la face supérieure a été polie et ne comporte aucune facette. La table de l’émeraude rectangulaire est assez épaisse, on le constate lorsqu’on regarde le bijou latéralement : l’émeraude est présentée sur un soubassement émaillé d’or sur fond noir de 3,5 mm d’épaisseur. La pierre est fixée par un serti clos ; elle est assurée aux angles par quatre griffes. La taille en cabochon est légèrement irrégulière : la pierre est renflée à l’angle droit supérieur. La pierre a quelques érisures et petits chocs. La taille en cabochon atténue la profondeur et l’éclat des deux émeraudes. Les mauvaises reproductions photographiques du bijou donnent même l’impression que la pierre rectangulaire est presque noire, mais un peu de lumière fait apparaître une belle couleur verte et la transparence du jardin de la pierre. L’émeraude triangulaire a un très bel éclat, elle est plus claire et sa couleur est plus uniforme. Son état est exceptionnel.

  • 32 L’histoire de la taille en facettes est encore aujourd’hui peuplée de légendes : le joaillier paris (...)
  • 33 Il faut attendre la fin du xviie siècle pour que le Vénitien Vincenzo Perruzzi découvre le « brilla (...)

31Les deux diamants latéraux ont été taillés en table. La surface supérieure est plane, à quatre faces, la culasse importante. C’est la technique que mettent en œuvre les Italiens de Venise et de Milan depuis le xive siècle. Leur savoir-faire gagne Bruges, Anvers et Lisbonne. Seuls les Flamands et les Portugais possèdent la technique de la taille à facettes32. Les diamants viennent d’Inde depuis les premiers siècles de notre ère, d’abord taillés en octaèdre ou en cabochon par la méthode de l’usure. À partir de 1520, le choix de l’éclat l’emporte sur le poids ; les facettes réfléchissent et réfractent la lumière : le diamant est taillé en « rose simple », c’est-à-dire 16 facettes et 2 tables33. Mais ce n’est pas le cas des deux diamants du pendentif, érisés et ternes. Chacun d’eux est accompagné d’un petit carré de diamant, lui aussi taillé en table. Les diamants sont sertis clos.

32Le pendentif d’émeraude est un bijou du xvie siècle français, dont les pierres et le métal sont mis en scène dans un travail d’orfèvrerie et d’émail compliqué dans ses motifs et ses couleurs. La composition est-elle encore intelligible ?

Bilan historiographique

33Offerts aux dieux, parant les princes, marquant les grands moments de la vie (mariage, naissance, mort), les bijoux ont toujours un sens, y compris utilitaire, lorsqu’ils servent à accrocher un vêtement. Le bijou n’est pas, – osons le mot anachronique – un « accessoire ». Il symbolise le respect, la puissance de celui qui donne ou qui le porte. Sa beauté est orientée.

34Le bijou participe de la vie du royaume. Il est un des acteurs des relations entre princes. En 1538, François Ier offre à Charles Quint une bague avec un diamant de 30000 écus. L’anneau est gravé des mots : Dilectionis testis et exemplum (Témoignage et exemple d’amour). Manière de rapprocher pacifiquement des souverains qui se sont beaucoup combattus. Le bijou épouse et soutient l’action royale : il est un moyen de gouvernement. Le roi offre des bijoux aux ambassadeurs des cours étrangères et aux voyageurs venus de loin…

  • 34 Hindman S. et al., Toward an Art History of Medieval Rings ; A Private Collection, Londres, 2007.
  • 35 Lecoq A.-M., François Ier imaginaire, préface Marc Fumaroli, Paris, 1987 ; Denis Crouzet, Le haut c (...)

35Les bijoux précieux sont parfois porteurs de messages chiffrés (acrostiches, rébus, anagrammes)34. À l’époque qui nous intéresse, ils en sont surchargés, c’est le goût d’alors : à la fois ostentatoire, allusif et secret. Les périodes de tensions attisent ces tendances. Et l’on voit se multiplier des objets symbolisant l’amitié, l’amour, la concorde, la justice, comme par compensation d’un temps qui en est dépourvu. Le bijou-idéal contrastant avec la discorde-réalité. Le goût des princes, de François Ier à Catherine de Médicis, pour un double sinon un triple sens est bien documenté35.

36Le catalogue Chabouillet comprend la description de 3520 objets parmi lesquels, le conservateur-adjoint du Département des médailles et antiques de la Bibliothèque nationale – il sera nommé conservateur en chef en 1859 et restera à ce poste jusqu’en 1890 – a décrit et interprété notre bijou dans la notice suivante :

  • 36 Babelon E., « Notice sur Anatole Chabouillet », Revue numismatique 1899, p. 390-408. Chabouillet A. (...)

« Joyau figurant l’autel de la Concorde. Une table d’émeraude en forme de carré long, représente l’autel que caractérisent deux mains jointes en or émaillé placées au-dessous. Dans le riche encadrement de cette table figurent deux amours qui lui servent de supports. Un triangle d’émeraude est placé au-dessus de la table. H : 55 mm ; L : 40 mm. Bon travail du xvie siècle36. »

  • 37 Voir de Tervarent G., Attributs et symboles dans l’art profane, Genève, 1997, notamment p. 407.

37Au moment où Chabouillet écrit, Antiquité, Moyen Âge et Renaissance jouissent d’un attrait extraordinaire auprès des artistes. Archéologues et historiens mettent au jour et étudient une multitude de documents originaux. C’est le temps de « l’historicisme ». La notice du bijou d’émeraude est descriptive et n’émet aucun doute sur la thématique de l’objet : le joyau figure, dit-elle, un autel de la Concorde. La pierre rectangulaire est effectivement posée – encastrée – sur une base concave émaillée de quelques millimètres de haut. Il faudrait revenir sur d’autres représentations pour accréditer la notice de 185837. Chabouillet qualifie le joyau de « bon travail du xvie siècle ». Rien n’est dit sur le commanditaire et le destinataire.

  • 38 Lire le catalogue de l’exposition Princely magnificence : court jewels of the Renaissance, 1500-163 (...)

38La recherche a associé le pendentif à Marie de Médicis (1573-1647) à cause du monogramme « M A » formé par l’émeraude triangulaire et les deux diamants baguettes38. L’association n’est pas satisfaisante car le style du bijou est antérieur à l’époque de Marie ; de plus, on ne voit pas le « A », même si l’on voit bien le « M » ; enfin on ne saisit pas pourquoi « M A » serait le monogramme de « Marie ».

39La plus intéressante étude du bijou d’émeraude revient à l’Américaine Yvonne Hackenbroch. Dans son article de 1966, elle rapprochait le bijou d’une note autographe de Catherine de Médicis dont le verso portait la mention « memoire de la Reyne », écrite d’une autre main.

  • 39 Paris, BnF, fr. 894, f. 75r° et 75v°.

« L’esmeraulde ayst piere fragile qui cet case aysement et yl y a deu mayns qui signifie une foys qui enserre l’esmeraulde, et fault un mot qui die que la foys et l’amitié qui desire celle qui donne cete bague ne souit come la piere, mes come lay deus mayns qui sont ynseparable, et la coleur de quoy ayst aymallé la bague qui est iane qui ayst pardurable san se ayfasser39. »

40L’orthographe est tellement curieuse et les phrases si contournées qu’il n’est pas inutile de traduire la note de Catherine de Médicis :

« L’émeraude est une pierre fragile qui se casse facilement ; et il y a deux mains qui signifient la confiance qui enserrent l’émeraude ; et il faut un mot qui dit que la confiance et l’amitié que désire celle qui donne ce bijou ne soient pas comme la pierre mais comme les deux mains qui sont inséparables et comme la couleur de l’émail du bijou qui est jaune, [couleur] éternelle qui ne s’efface pas. »

41La coïncidence entre la lettre et le bijou du Cabinet des Médailles est forte ; elle tient à la présence de la pierre d’émeraude et des deux mains nouées. Le style du bijou est compatible avec le règne de Catherine de Médicis. Quand au goût pour les symboles, les doubles sens – ici apparenceréalité – il reflète bien la personnalité de la reine savante et secrète.

42Yvonne Hackenbroch a utilisé les papiers rassemblés dans le manuscrit français 894 (f. 71 à 79) pour préciser la date de la commande : 16 novembre 1571 (f. 78r) ; identifier l’artisan auquel la note est adressée : « Monsieur du Jardin, orphevre du Roy Monsieur mon filz » (f. 78r-78v) ; et le contexte immédiat : la « bague » aurait été commandée en vue des cadeaux de la Noël 1571, par Catherine pour son fils, Charles IX, roi depuis 1560 (f. 78r).

  • 40 Hackenbroch Y., Renaissance Jewellery, op. cit., p. 94 : « which was soon to be drowned forever in (...)

43Le bijou serait pour la reine une manière d’exprimer ses sentiments à l’égard de son fils, sorte de résurrection de l’affection que Catherine éprouvait pour lui quand il était enfant, ultime signe d’humanité de celle qui va succomber aux délires religieux entraînant le massacre de la Saint-Barthélemy (24 août 1572), selon Y. Hackenbroch40.

44La thèse a plusieurs points convaincants. La lettre autographe de Catherine fait effectivement mention d’une émeraude et de deux mains, appelées « foi », c’est-à-dire nouées. La symbolique expliquée par la reine, dans le contexte de l’année 1571, alors que la France vit dans ce que les historiens appellent la deuxième guerre de religion, est très séduisante. Et l’on a envie de croire que le bijou participe à la complexe politique de concorde de la reine, quelques mois avant la Saint-Barthélemy. Le Cabinet des Médailles a repris cette thèse et placé le bijou dans une vitrine sous l’ombre tutélaire d’une médaille à l’effigie de Catherine de Médicis, réalisée par Germain Pilon.

  • 41 Absence que signalait le catalogue Princely Maginificence, op. cit., p. 56.
  • 42 Laissons également pour une prochaine étude l’analyse et l’interprétation des couleurs : le « iane (...)

45Arrêtons-nous là pour ce premier travail sur le bijou d’émeraude qui reste énigmatique (déroulement de la commande, élaboration, genre, interprétation). La description de l’objet montre que la note de Catherine de Médicis ne correspond qu’en partie à notre bijou : la note ne fait mention ni de l’émeraude triangulaire41, ni du masque féminin à aigrette au sommet, ni des quatre diamants, ni des deux putti. De plus, les mains n’enserrent pas l’émeraude et elles ne sont pas émaillées de jaune42. Il faudrait par ailleurs reconstituer l’histoire du manuscrit français 894, car le volume est composite et sa double foliotation est parfois incohérente (pièces ajoutées ou enlevées).

46En conclusion provisoire, on peut dire qu’il existe bien une note rédigée de la main de Catherine de Médicis à propos d’une émeraude et de deux mains symbolisant l’amitié et la confiance. Le projet correspond-il au pendentif d’émeraude de Paris ? A-t-il été réalisé par François Dujardin ? A-t-il été offert au roi Charles IX pour Noël 1571 ? Il est difficile de répondre à ces questions. Le dossier de la « bague » exposé au Cabinet des Médailles (Chab. 2723) mérite donc d’être repris. Aussi cet article d’hommage à un ami n’est-il que la première étape d’une recherche sur le sens du bijou d’émeraude, clé vraisemblable de son histoire.

Notes

1 Recherches en cours sur « Amour et désamour du roi (xiiie-xvie siècle »).

2 Chabouillet A., Catalogue général et raisonné des camées et pierres gravées de la Bibliothèque impériale, suivi de la description des autres monuments exposés dans le Cabinet des médailles et antiques, Paris, 1858, n° 2723, p. 406. Son numéro d’inventaire est aujourd’hui : 53336.

3 On appelle « cuirs » les enroulements de plaques de métal au pourtour irrégulier imitant ceux que peut faire le cuir. Cette technique d’encadrement est fréquente sous la Renaissance et au xixe siècle.

4 Hackebroch Y., « Catherine de Medici and her court jeweller François Dujardin », The Connoisseur, 163, septembre 1966, p. 28-33.

5 Instructions pour l’exécution de portraits et de bijoux, Paris, BnF, fr. 894, f. 75.

6 Hackenbroch Y., Renaissance Jewellery, Londres, Sotheby Parke Bernet, 1979, p. 94.

7 Tous mes remerciements à Cécile Colonna, conservateur au Cabinet des Médailles.

8 À comparer avec la fixation du camée Ier siècle apr. J.-C. à la monture en or émaillé attribué à Étienne Delaune, vers 1580 (Paris, Cabinet des Médailles, Bab. 197).

9 Bapst G., Histoire des joyaux de la Couronne de France d’après des documents inédits, Paris, 1889. Le premier inventaire des Joyaux de la Couronne comprenaient huit « bagues », provenant en partie de l’ancien trésor de Bretagne transmis par la duchesse Anne à sa fille Claude († 1524), femme de François Ier, soir un grand collier de onze gros diamants et perles fixés sur des canetilles d’or ; un pendentif en forme de « A » (pour Anne) orné de la Prant-Poincte (diamant de 28 carats) et d’un rubis d’Orient ; le diamant Poincte-de-Bretagne associé en pendentif à une grosse perle noire ; un diamant carré taillé en table associé à une perle noire ; deux gros rubis balais polis (la Côte-deBretagne, spinelle rouge de 206 carats, retaillée et gravée en 1756 à 107, 88 carats en forme de dragon – Louvre, MV 1018, et la future Fève-de-Naples) ; un rubis balai taillé à faces et une émeraude taillée en table.

10 Portrait de François Ier par Francesco di Pellegrino sur un dessin de Jean Clouet (1528, Paris, Louvre, Départements des peintures françaises).

11 Paris, BnF, Cabinet des Médailles (Chab. 2721).

12 Voir le pendentif en forme de gondole, attribué à Giovanni Battista Scolari (vers 1568, Florence, Museo degli Argenti).

13 Paris, Musée des Arts Décoratifs, Galerie des Bijoux (n° 41 866).

14 Il manque un élément au-dessus du masque.

15 L’École de Fontainebleau, Paris, 1972 ; L’Art de Fontainebleau, éd. André Chastel, Paris, CNRS, 1975, notamment l’article d’Yvonne Hackenbroch, « Bijoux de l’école de Fontainebleau », p. 71-75.

16 « Cist tytres parle des orfevre et de l’ordinance de leur mestier », Lespinasse R. de et Bonnardot F., Le livre des métiers d’Etienne Boileau, Paris, 1879, titre XI, p. 32-34.

17 Hackenbroch Y., « New knowledge on jewels and designs after Étienne Delaune », The Connoisseur, 162, juin 1966, p. 82-89 ; Pollet C., Les gravures d’Étienne Delaune (1518-1583), Lille, thèse à la carte, 1995, 2 vol.

18 Catherine de Médicis utilise ce terme dans une de ses commandes de bijoux, Paris, BnF, fr. 894, f. 72.

19 Caron A., Flora et amours (Musée des Beaux Arts, Orléans) ; du même Le triomphe de l’hiver (1564/8 ou 1570/2 ; Renaissance Jewellery, op. cit., n° 263, p. 103.

20 Charles IX accorde à « Olivier Codoré, tailleur et graveur de pierres précieuses » la « permission de faire imprimer, graver, vendre » les figures de l’entrée royale dans Paris (9 février 1571), Philippe de Chennevières, « Commandes de bijoux », Archives de l’art français, 5, 1855, p. 39-40 ; Hackenbroch Y., « Catherine de Medici and her court jeweller François Dujardin », art. cit., p. 30-32 ; Renaissance jewellery, op. cit., p. 95.

21 François Dujardin, maître en 1563 ; orfèvre de la reine en 1569 ; orfèvre et lapidaire du roi de 1570 à sa mort. A travaillé sur les couronnes de mariage de Marie Stuart et François II en 1560 et Elisabeth d’Autriche avec Charles IX le 26 novembre 1570, Hackenbroch Y., Renaissance Jewellery, op. cit., p. 94. Dujardin devient le garde du Trésor royal. Nombreux et précieux éléments biographiques sur Dujardin dans Michèle Bimbenet-Privat, « Dessins inédits de François Dujardin, orfèvre de Catherine de Médicis », Gazette des Beaux-Arts, mai-juin 1987, p. 191-196. Lire la notice « Bijoux de la Couronne », Dictionnaire international du bijou, dir. Marguerite de Cerval, Paris, p. 154.

22 Hackenbroch Y., Renaissance Jewellery, op. cit., p. 77 : dossier de trois pendants signés « Guido fecit », 1550-1560 (Kunstbibliothek Berlin der Staatlichen Museen Preussischer Kulturbesitz).

23 Princely magnificence : court jewels of the Renaissance (1500-1630), Londres, 1980, p. 4 ; « Pendent architectural », Dictionnaire international du bijou, op. cit., p. 428.

24 Bimbenet-Privat M., L’orfèvrerie parisienne de la Renaissance. Trésors dispersés, Paris, Centre Culturel du Panthéon, 1993, p. 120.

25 Hackenbroch Y., « Catherine de Medici and her court jeweller François Dujardin », art. cit., note 4 supra.

26 Gravure au burin d’un atelier d’orfèvre (8, 4 cm x 12 cm), signée d’Étienne Deleaune (« Stephanus fecit in augusta 1576), Paris, BnF, Cabinet des Estampes, Ed. 4. a. Rés., in-folio. L’atelier d’orfèvre dans l’Encyclopédie de d’Alembert et Diderot à la fin du xviiie siècle n’est pas très différent.

27 Bimbenet-Privat M., Les orfèvres parisiens de la Renaissance : 1506-1620, Paris, Commission des travaux historiques de la Ville de Paris, 1992.

28 Bimbenet-Privat M., « Dessins inédits de François Dujardin, orfèvre de Catherine de Médicis », art. cit., p. 194.

29 Ead., n. 20, p. 196. Voir Nocq H., Le poinçon de Paris. Répertoire des maîtres orfèvres de la juridiction de Paris depuis le Moyen Âge jusqu’à la fin du xviiie siècle, Paris, 1926-1931, 5 vol., t. II, p. 125.

30 L’émail est une matière siliceuse colorée par des oxydes métalliques vitrifiées.

31 Voir le « Cheval d’or » en or, émail, argent doré, saphirs, rubis, perles (Altötting, Bavière, Kapellstifung, Schatzkammer der Heiligen Kapelle), Paris 1400. Les arts sous Charles VI, dir. Taburet-Delahaye E. et Avril F. (dir.), Paris, 2004, p. 175-176.

32 L’histoire de la taille en facettes est encore aujourd’hui peuplée de légendes : le joaillier parisien d’origine flamande, de Berquem R., publie en 1661 un traité sur les gemmes et perles intitulé les Merveilles des Indes orientales et occidentales ou Nouveau traité des pierres précieuses et perles, où il affirme que la taille en brillant a été inventée à Bruges en 1476 par son ancêtre Ludwig de Berquem qui aurait taillé des diamants pour Charles le Téméraire, duc de Bourgogne.

33 Il faut attendre la fin du xviie siècle pour que le Vénitien Vincenzo Perruzzi découvre le « brillant triple » ou la « taille brillant » de 56 facettes et 2 tables (58), réparties en 33 facettes sur la couronne et 25 sur le pavillon.

34 Hindman S. et al., Toward an Art History of Medieval Rings ; A Private Collection, Londres, 2007.

35 Lecoq A.-M., François Ier imaginaire, préface Marc Fumaroli, Paris, 1987 ; Denis Crouzet, Le haut cœur de Catherine de Médicis : une raison politique aux temps de la Saint-Barthélemy, Paris, 2005.

36 Babelon E., « Notice sur Anatole Chabouillet », Revue numismatique 1899, p. 390-408. Chabouillet A., « Bagues, bijoux et joyaux du Moyen Âge à la Renaissance », Catalogue général et raisonné, op. cit., n. 2723, p. 407.

37 Voir de Tervarent G., Attributs et symboles dans l’art profane, Genève, 1997, notamment p. 407.

38 Lire le catalogue de l’exposition Princely magnificence : court jewels of the Renaissance, 1500-1630, op. cit., p. 56.

39 Paris, BnF, fr. 894, f. 75r° et 75v°.

40 Hackenbroch Y., Renaissance Jewellery, op. cit., p. 94 : « which was soon to be drowned forever in a frenzzy of misguided religious zeal ».

41 Absence que signalait le catalogue Princely Maginificence, op. cit., p. 56.

42 Laissons également pour une prochaine étude l’analyse et l’interprétation des couleurs : le « iane pardurable » de la lettre de Catherine de Médicis est à commenter.

Table des illustrations

Titre « Le bijou d’émeraude » du Cabinet des Médailles (Paris, BnF)
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