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Le pouvoir et la foi au Moyen Âge

 | 
Sylvain Soleil
, 
Joëlle Quaghebeur

Juger

Réflexions sur les aspects juridiques de la succession à la couronne ducale de Bretagne

Franck Bouscau

Texte intégral

  • 1 Pour le contexte historique général, la bibliographie est immense et nous n’avons aucune prétention (...)
  • 2 Harouel J.-L., Barbey J., Bournazel E., Thibaut-Payen J., Histoire des institutions de l’époque fra (...)
  • 3 Pour les aspects généalogiques, nous avons utilisé : Anselme P., Histoire généalogique et chronolog (...)

1Le but de la présente étude est de revisiter l’évolution du statut successoral des ducs de Bretagne1 à l’époque où, dans le royaume, se mettent en place des lois fondamentales qui distinguent profondément la transmission de la couronne des successions privées ou féodales2. Sans chercher l’originalité à propos d’épisodes historiques bien connus et bien étudiés par les historiens, il s’agit seulement de mettre en perspective les vicissitudes politiques qu’a connues le duché entre 1200 et 1400 afin de montrer comment la transmission de la dignité ducale s’est écartée du droit commun des fiefs et s’est vue dotée de règles particulières3.

  • 4 Morin S., Recherches sur la destinée de la principauté des comtes de Bretagne (1008-1214), thèse dr (...)

2Comme tout l’Occident, la Bretagne était divisée, à l’époque carolingienne, en plusieurs comtés. Ceux-ci étaient des « honneurs », des fonctions accordées à la nomination du roi. Mais l’affaiblissement du pouvoir royal a permis à leurs titulaires d’obtenir l’hérédité de ces honneurs, qui sont devenus des fiefs. Cette évolution a été d’autant plus nette que la péninsule armoricaine constituait, en marge de l’Empire carolingien, un royaume subordonné dirigé par des princes locaux comme Erispoé, et que, dès la disparition de Louis le Pieux, les liens avec le pouvoir franc, d’ailleurs difficilement établis, se sont distendus. La Bretagne a alors connu l’émiettement féodal. Puis, au xie siècle, une tendance au rassemblement des terres s’est manifestée autour des lignages princiers comme celui des comtes de Rennes et de Cornouaille, puis ducs de Bretagne, ou celui des Eudonides4.

  • 5 Sur cette question voir les ouvrages d’histoire des institutions, par exemple Dumas A., Histoire du (...)
  • 6 Histoire du droit français, op. cit. p. 91. Dans ce système, les cadets avaient tout au plus un apa (...)
  • 7 L’on sait que le royaume franc se partageait entre les fils du roi sous les Mérovingiens et les Car (...)

3Dans tout l’Occident, l’hérédité des fiefs n’allait cependant pas sans causer des difficultés en raison de leur nature de concessions à charge de services nobles – conseil et aide, et tout d’abord service militaire. Le droit des successions faisait éclater une contradiction entre les aspects militaire et patrimonial du fief dans le cas où il y avait pluralité d’enfants. Toute diminution du fief entraînant une réduction de la force combattante, la prise en compte d’un droit des puînés faisait difficulté. Fallait-il faire prévaloir l’intérêt militaire et opter pour le seul aîné, ou bien l’intérêt familial et partager le fief entre les enfants ? Des solutions diverses ont été admises selon les lieux5 : ainsi dans certains cas les enfants partageaient-ils droits et devoirs, seul l’aîné restant titulaire du fief ; dans d’autres encore, ils partageaient plus ou moins inégalement et, en général, l’aîné était avantagé car il était le premier à pouvoir porter les armes. En ce qui concerne les fiefs titrés, et notamment les duchés et comtés, l’indivisibilité se maintint et se traduisit par un droit d’aînesse absolu6, ce qui rapprochait leur statut de celui de la royauté7.

  • 8 Petot P., « Le mariage de la vassale », Revue Historique de Droit, 1978, p. 29-47.

4La question de l’hérédité des fiefs se compliqua encore lorsque l’acceptation coutumière de l’hérédité permit que succédassent des enfants en bas âge ou des femmes. Ici encore, il fallut élaborer des solutions qui respectaient l’aspect militaire de l’institution. Dans le cas des enfants, il y avait un tuteur ou « baillistre. » Dans le cas des femmes, les services nobles étaient remplis par le mari, d’où l’importance du choix de celui-ci, choix qui appartenait en dernière analyse au suzerain8. Et en principe le pouvoir du tuteur cessait lors de la majorité de son pupille, et celui du mari en cas de décès de sa femme.

  • 9 Viollet P., Histoire du droit civil français, 3e éd., Paris, 1905, p. 877-878.
  • 10 Rouche M., Clovis, Paris, 1996, p. 328-331, qui explique que les nombreux meurtres commis par ce ro (...)

5Enfin l’hérédité posait la question de la représentation : en ligne directe, un petit-fils pouvait-il succéder à son aïeul en remplacement d’un de ses parents prédécédé ? Et de même, en ligne collatérale, un frère héritait-il de son frère ? Chez les Indo-Européens, les frères restaient souvent groupés et les biens appartenaient à la communauté familiale : « Le droit des descendants ne semble pas avoir été à l’origine un droit exclusif9. » De fait, les frères excluaient parfois les fils, comme on peut l’observer dans le cas des querelles successorales de la famille mérovingienne10. Mais le droit des collatéraux a commencé à refluer dès l’époque barbare ; par exemple la loi des Wisigoths les excluait en présence de descendants. En matière féodale, ce droit des collatéraux recula plus lentement car il pouvait s’appuyer sur une aptitude plus précoce à porter les armes, déjà rencontrée à propos du droit d’aînesse.

6Les difficultés familiales étaient d’autant plus à craindre lorsque l’honneur en cause était aussi considérable que la principauté bretonne. Et surtout l’importance politique de la Bretagne, la présence de grands lignages rivaux et le voisinage de deux grands royaumes qui l’utilisaient, de la même façon que l’Écosse, comme point d’appui ou alliance de revers, impliquait une influence de la politique sur la dévolution du duché, influence qui pouvait aller jusqu’à la création de règles de succession nouvelles. Deux épisodes célèbres situés l’un au début du xiiie siècle et l’autre au milieu du xive, illustrent cette situation : entraînée dans l’orbite du royaume des lys par la tourmente du démembrement de l’empire des Plantagenêts, la Bretagne va connaître une rude guerre de succession dont le règlement se traduira par un droit public particulier à la couronne ducale.

La Bretagne dans l’empire Plantagenêt

  • 11 Cf. aussi Kermabon N., Le douaire des duchesses de Bretagne. xiiie-xve siècles, thèse droit, univer (...)
  • 12 Louis VI le Gros, désireux d’être en paix avec Henri Ier d’Angleterre, duc de Normandie, a entériné (...)

7Aux xiie-xive siècles, le duché se transmettait comme un fief, et les femmes et les enfants pouvaient en hériter11. Sous la dynastie de Cornouaille, la Bretagne était devenue vassale de la Normandie12. À la mort du duc Conan III, en 1148, la situation successorale était confuse. Il laissait un fils désavoué, Hoël, et une fille, Berthe, mariée précédemment à un Eudonide, Alain, comte de Richemont, puis remariée après veuvage à Eudon de Porhoët. Une guerre opposa ce dernier, administrateur du duché, à Hoël, devenu comte de Nantes, et à Conan, fils issu du premier mariage de Berthe. Grâce à l’aide des Plantagenêts, ce fut ce dernier qui l’emporta et qui devint le duc Conan IV le Petit en 1156. Il était, en effet, parti en Angleterre où il avait obtenu l’appui du roi Henri II. L’on sait que ce prince, maître du comté d’Anjou, du Maine et de la Touraine, avait acquis par succession la Normandie et le royaume d’Angleterre. En outre, par son mariage avec Aliénor d’Aquitaine, récemment séparée du roi de France Louis VII, il se trouvait maître du Sud-Ouest. La Bretagne était alors encerclée par cette puissance « émergente » et le roi de France – qui avait accepté de faire de la Bretagne un arrière-fief – était loin et faible. Cependant le Plantagenêt avait encore d’autres ambitions : il fiança son troisième fils, Geoffroy, à la fille de Conan le Petit, Constance. Puis il força le duc à abdiquer et réclama la garde du duché jusqu’à la majorité de son fils. Déjà vassale, la Bretagne se trouvait donc intégrée à l’empire Plantagenêt mais l’on verra que, après les règnes de Geoffroy et de son fils Arthur, Jean Sans Terre échouera à l’y conserver.

  • 13 Texte dans Bourdot de Richebourg C.-A., Nouveau Coutumier général ou corps des coutumes, Paris, 172 (...)
  • 14 L’aînesse avait été appliquée à tous les fiefs normands par une ordonnance du duc Henri Beauclerc ( (...)
  • 15 La Bretagne féodale, op. cit. p. 109.

8En 1182 Geoffroy (II), époux de la duchesse Constance prit en main le gouvernement du duché. Sans rompre avec son père, il rechercha néanmoins l’alliance du roi de France. Son court règne (1182-1186) fut marqué par un important texte juridique, pris à la demande des évêques et des barons de Bretagne, l’Assise au Comte Geoffroy de 118513, qui réglait la succession des fiefs bretons sur un modèle appliqué depuis longtemps en Normandie14 : pour en limiter le morcellement, fréquent dans la Bretagne des xie et xiie siècles, l’Assise affirma le droit d’aînesse et posa le principe de l’indivisibilité dans la succession des fiefs les plus importants15. Il allait de soi que le duché lui-même était impartageable.

9Lorsque Geoffroy mourut à Paris, en 1186, sans doute à la suite d’un tournoi, il laissait deux filles, Aliénor et Mathilde, et une épouse enceinte. Constance accoucha ensuite d’un fils, Arthur, qui fut reconnu héritier de la couronne ducale. L’enfant fut envoyé à la cour de France pendant que sa mère gouvernait le duché. Henri II d’Angleterre imposa pour nouveau mari à Constance un de ses fidèles, Ranulf de Chester, dont elle se sépara après la mort du roi avant d’épouser Guy de Thouars dont elle eut trois filles. Ranulf et Guy furent successivement baillistres au nom d’Arthur.

  • 16 La reine Aliénor, qui était toujours en vie, reprit l’Aquitaine et le Poitou à la mort de Richard e (...)

10Cependant la succession bretonne allait être perturbée par les vicissitudes de l’empire Plantagenêt. Celui-ci n’était pas un État unifié ; c’était plutôt un agglomérat de territoires divers réunis sur une seule tête par le hasard des successions. C’est ce que les juristes appellent une « union personnelle » pour souligner que les différentes parties d’un tel assemblage restent étrangères les unes aux autres et peuvent, éventuellement, se séparer. À la mort d’Henri II, en 1189, deux des fils qu’il avait eus d’Aliénor d’Aquitaine étaient décédés, Henri Court Mantel et Geoffroy, duc de Bretagne, et deux survivaient, Richard Cœur de Lion, et Jean sans Terre. Richard, eut donc sans discussion, en tant qu’aîné des fils survivants, l’intégralité de la succession, c’est-à-dire la couronne d’Angleterre et l’ensemble des fiefs français de l’Ouest. En revanche, lorsque Richard mourut en 1199 sans laisser d’enfants, la situation s’avéra infiniment plus délicate : la succession devait être attribuée en ligne collatérale, et non plus directe, et il pouvait y avoir discussion sur la personne de l’héritier. La Bretagne, héritage d’Arthur, n’était pas directement concernée16, mais son jeune duc l’était. En effet, neveu de Richard, il était en compétition pour l’héritage de celui-ci avec son oncle Jean sans Terre.

  • 17 Yver J., Égalité entre héritiers et exclusion des enfants dotés. Essai de géographie coutumière, Pa (...)
  • 18 Très ancien coutumier de Normandie, XXXII, 2 ; Histoire du droit privé, op. cit. p. 396 ; Levy J.-P (...)
  • 19 Sur l’ensemble de cette question : Villers R., « De Hoveden à Shakespeare : les prétentions d’Arthu (...)
  • 20 Levy J.-P. et Castaldo A., Histoire du droit civil, op. cit., n° 829 : en Angleterre, la représenta (...)

11Fallait-il admettre la représentation au profit d’Arthur du fait que son père, Geoffroy, était né avant Jean, ou bien exclure le neveu au profit de l’oncle ? Les coutumes de l’Ouest de la France étaient favorables à la représentation à l’infini : la succession « descendait » dans la souche17. Pour la Normandie, il y a incertitude sur le point de savoir si un frère survivant du défunt pouvait écarter de la succession un neveu, même né d’un aîné. Si le Très ancien coutumier de Normandie, rédigé vers 1200 exclut la représentation en affirmant que « les frères sont plus près de l’héritage de leur père que le neveu18 », cette coutume ne semble pas ancienne19. La Summa de legibus, rédigée au milieu du xiiie siècle, qui en fait état, la critique et n’hésite pas à l’attribuer à la violence des puissants (« vi et oppressione potentium »). Il est vraisemblable que l’expression vise l’exemple de Jean Sans Terre, qui s’imposa par ruse et violence20. Quoi qu’il en soit, en raison de la dualité de prétendants, plus encore que des divergences entre les coutumes, le maintien de l’unité du grand rassemblement de terres opéré sur la tête d’Henri II et maintenu pendant le bref règne de Richard risquait de se réduire à un accident historique de peu de durée.

  • 21 Levy J.-P. et Castaldo A., Histoire du droit civil, op. cit.
  • 22 Pernoud R., Richard Cœur de Lion, Paris, 1988, p. 236 et 251.
  • 23 Cité par Luchaire A., Philippe Auguste et son temps, Paris, 1980 (rééd. du t. III, 1re partie de l’ (...)
  • 24 Duby G., Guillaume le Maréchal ou le meilleur chevalier du monde, Paris, 1984, p. 172.

12Mais la politique allait avoir son mot à dire. Richard avait d’abord reconnu Arthur comme son héritier en 119021. Mais par la suite, et alors même que Jean l’avait trahi pendant sa captivité, il avait pardonné à son frère et, au moment de sa mort, avait recommandé à ses vassaux de lui jurer fidélité22. Cette circonstance facilita probablement la reconnaissance de Jean comme successeur en Angleterre. Au surplus, Arthur était encore un jeune homme et il vivait à la cour du roi de France. Le choix des barons anglais se comprend donc assez aisément. L’on a à ce sujet un écho dans la Chronique de Guillaume le Maréchal qui prête à ce chevalier, discutant avec l’archevêque de Cantorbéry, l’opinion suivant laquelle il faut se hâter d’« élire » [sic] un roi pour maintenir le trône et qu’il faut écarter Arthur qui est « en félon conseil » et qui « n’aime pas ceux de la terre » (c’est-à-dire les Anglais23). Et il ajoute à propos de Jean : « De son père il est plus près que ne l’est le petit-fils24. »

  • 25 Neveux F., La Normandie des ducs aux rois xe-xiie siècle, Rennes, 1998, p. 560-565.
  • 26 Sur les événements des années 1200-1202 voir notamment : CHédeville A. et Tonnerre N.-Y., La Bretag (...)
  • 27 Références dans Delisle L., Catalogue des actes de Philippe Auguste, Paris, 1856, rééd. Genève, 197 (...)

13Pratiquant la politique du fait accompli, Jean obtint aussi d’être reconnu sans difficulté en Normandie dès 119925. Quant à l’Anjou, le Maine et la Touraine, où l’application des règles coutumières aurait dû jouer en faveur d’Arthur, son oncle franchit l’obstacle en s’entendant directement avec Philippe Auguste, suzerain des domaines français des Plantagenêts26. Au traité du Goulet (1200)27, le roi de France fit bon marché des droits de son protégé, Arthur. Jean était reconnu comme roi d’Angleterre et héritier des fiefs Plantagenêts, les revendications qu’il formait sur l’Anjou et même sur la Bretagne devant toutefois être soumises à la cour du roi. En contrepartie, le roi de France obtenait notamment la renonciation de Jean à tous droits sur le Berry et l’Auvergne.

  • 28 « Traité de Gournay », cf. Villers R., « De Hoveden à Shakespeare… », op. cit., p. 563. Arthur ne r (...)

14Après le mariage de Louis, fils de Philippe Auguste (futur Louis VIII) et de Blanche de Castille, petite-fille d’Henri et Aliénor, le 23 mai 1200, Jean vint à Paris compléter l’accord. Arthur se vit alors forcé de renoncer à ses prétentions sur les fiefs français des Plantagenêts, et il était même prévu qu’il rendrait hommage pour la Bretagne à son oncle en qualité de duc de Normandie (ce qu’il refusa de faire). La situation allait cependant changer du tout au tout et, en peu de temps, Jean allait perdre les avantages acquis. Dès 1200, il se rendit en effet coupable d’un crime contre le droit féodal en enlevant et en épousant Isabelle Taillefert, fille et héritière du comte d’Angoulême et fiancée du comte de la Marche Hugues IX de Lusignan. S’il empêchait ainsi la conclusion d’une alliance matrimoniale entre deux familles de puissants barons, le geste de Jean provoqua l’indignation de sa noblesse. Le roi de France ayant cité Jean à comparaître devant sa cour, l’accusé fit défaut et, le 28 avril 1202, la cour des pairs prononça la commise, c’est-à-dire la confiscation féodale, de toutes les terres tenues en France par le roi d’Angleterre. Arthur fut alors admis à prêter hommagelige à Philippe Auguste28 pour la Bretagne, ainsi délivrée de la suzeraineté normande, et pour la Touraine, le Maine et l’Anjou, que la cour des pairs lui avait attribués en qualité d’héritier de Richard. Il rendit même hommage pour le Poitou « si Dieu permettait que le roi ou lui-même puisse l’acquérir ». C’est dans cette contrée que le jeune duc se lança ensuite imprudemment dans le siège de Mirebeau, localité où se trouvait alors sa grand-mère, la vieille duchesse-reine Aliénor. C’est là qu’il fut pris par Jean, le 1er août 1202, avec d’autres seigneurs de marque, dont Hugues IX.

  • 29 Un chroniqueur prétendit même qu’il avait été tué des propres mains de son oncle Le récit est rappo (...)
  • 30 L’autre fille de Geoffroy et Constance, Mathilde, avait déjà disparu.
  • 31 Duchesse de Bretagne du fait de sa mère, Alix n’avait, à la différence d’Arthur, son demi-frère, au (...)
  • 32 Abbé Poisson, Histoire de Bretagne, op. cit., p. 77.
  • 33 Morice H. dom, Mémoires pour servir de Preuves… op. cit., t. I, col. 812-813.
  • 34 Le comté de Richemont (= Richmond), donné par Guillaume le Conquérant à l’un de ses compagnons, fil (...)

15Loin de profiter de sa victoire sur le terrain, Jean attisa encore, par les mauvais traitements infligés à ses prisonniers, la révolte ou la défection de la noblesse, et cela à une époque où le contribuable anglais se lassait de l’effort de guerre. Dès lors, inexorablement, le Capétien, s’appuyant sur la sentence de confiscation, envahissait l’Anjou, le Maine et la Touraine et la Normandie… Pour desserrer l’étau, Jean tenta d’intervenir en Bretagne en octobre 1203, mais en vain. Quant à Arthur, on ne le revit jamais en vie29. Sans nouvelles de lui, les évêques et barons bretons, réunis à Vannes à la fin de 1203, constatant son empêchement et celui de sa sœur Aliénor, prisonnière en Angleterre -où elle devait rester jusqu’à sa mort30 – reconnurent Alix, l’aînée des filles que Constance avait eues de Guy de Thouars, comme duchesse31, et confièrent le gouvernement du duché à Guy. La Bretagne sortait du domaine Plantagenêt et l’allégeance normande était brisée. L’autorité de Guy de Thouars était d’ailleurs nominale, et le pouvoir réel appartenait à Philippe Auguste qui disposait même du domaine ducal pour récompenser ses fidèles32. Le roi usa aussi du droit du suzerain pour marier Alix : en 1212 Philippe, écartant la candidature d’Henri d’Avaugour, un Penthièvre et un descendant des Eudonides33, préféra l’unir avec un Capétien, Pierre de Dreux, dit Mauclerc, arrière-petit-fils de Louis VI, à qui il imposa un hommage lige. Par la suite, malgré les difficultés surgies entre la royauté et la maison de Dreux – souvent alliée au roi d’Angleterre, ne serait-ce que dans le but de conserver ou de récupérer le comté de Richemont34 – la Bretagne fut élevée au rang de duché-pairie par Philippe le Bel (1297) : dangereuse promotion qui, en fait, révélait surtout une influence croissante du voisin français sur la principauté armoricaine.

16En résumé, au plan du droit successoral qui intéresse notre étude, l’on observe que la loi de succession du duché de Bretagne aux xiie-xiiie siècles était celle d’un fief et ne se singularisait pas par l’existence de lois fondamentales dérogatoires. Il ne se divisait pas. Les femmes – Berthe ou Constance – pouvaient y accéder à défaut d’homme au même degré, leur mari exerçant la charge ducale à leur place. Par ailleurs, le système de la garde par un baillistre était appliqué aux mineurs. Cependant la politique perturbait le déroulement régulier de la succession par rapport au droit coutumier et féodal. Ainsi Hoël avait-il été évincé de la succession paternelle. De même Henri Plantagenêt a-t-il forcé Conan le Petit à l’abdication. Quant à la difficile succession de Richard, qui avait pour enjeu la reconnaissance du droit de représentation dans les domaines des Plantagenêts, elle a affecté la Bretagne par ricochet, puisque ce duché ne faisait pas partie des domaines du feu roi et appartenait déjà à Arthur. Ainsi sa mort et la captivité de sa sœur Aliénor amenèrent-elles les Bretons à choisir une princesse qui a fait entrer le duché dans la maison capétienne. De ce fait, la Bretagne n’a échappé à l’encerclement anglo-angevin et normand que pour subir l’influence croissante du roi de France. Au xive siècle, dans le contexte de la Guerre de Cent Ans, cette inclusion dans le jeu des rivalités franco-anglaises allait se confirmer et se traduire par l’ébauche d’une loi de succession.

L’influence de la guerre de succession de Bretagne sur la succession ducale

17Une étape de l’évolution du droit successoral du duché va être franchie au xive siècle avec la succession de Jean III, descendant de Pierre Mauclerc. À cette occasion s’est déclenchée la célèbre guerre de Succession de Bretagne qui s’est déroulée de 1341 à 1364, en marge de la Guerre de Cent Ans. Comme toutes les guerres de ce type, celle-ci se fonde sur des revendications opposées de parents proches. Dans sa première phase la maison de Penthièvre, soutenue par le roi de France, l’emporte. Puis la maison de Montfort, aidée par le roi d’Angleterre, prend l’avantage, mais doit trouver un modus vivendi avec le Capétien.

  • 35 Le Penthièvre est un vaste apanage situé dans le nord de la Bretagne. Il a été érigé en faveur des (...)

18Le duc Arthur II s’était marié deux fois, la première avec Marie, comtesse de Limoges, et la seconde avec Yolande de Dreux, comtesse de Montfort l’Amaury, descendante de Simon de Montfort, chef de la croisade contre les Albigeois. Du premier mariage étaient nés trois fils : le duc Jean III, Guy et Pierre (ce dernier mort sans alliance). Jean III, quoique marié trois fois, n’eut pas de postérité légitime. Guy avait épousé, Jeanne d’Avaugour, héritière du Penthièvre, et de ce mariage était née une fille, Jeanne de Penthièvre, dite Jeanne la Boiteuse, laquelle épousa Charles de Blois, neveu du roi Philippe VI35. De son second mariage, avec Yolande de Dreux, Arthur avait eu un fils, Jean de Montfort, et cinq filles.

  • 36 Levy J.-P. et Castaldo A., Histoire du droit civil, op. cit., n° 829.
  • 37 Yolande de Dreux avait d’ailleurs pris ses précautions : par lettres datées du 24 septembre 1309, P (...)

19En 1341, à la mort de Jean III, qui n’avait pas réglé sa succession à l’avance, Charles de Blois et Jean de Montfort prétendirent tous deux hériter de la couronne ducale et rendre hommage au roi de France. Charles tenait ses droits de son épouse, Jeanne de Penthièvre. Précédemment, des femmes avaient accédé à la couronne ducale à quatre reprises et fait de leur mari un duc. Au surplus, Jeanne tenait elle-même ses droits de son père par représentation. La Très ancienne coutume de Bretagne, compilée entre 1312 et 1320, l’admettait expressément en ligne directe (« et est assavoir que toute la seigneurie doit aller à l’aîné des enfants ès barons et ès chevaliers et aînés qui en sont issus »), ce qu’une enquête par turbe confirma d’ailleurs36. De leur côté, les partisans de Jean de Montfort soutenaient d’une part que, en droit naturel, le frère est le plus proche parent, à défaut d’héritier direct (ce qui revenait à nier le principe de représentation), et, d’autre part, que la Bretagne, étant devenue un duché-pairie français37, il convenait d’appliquer le droit français, favorable aux mâles, en faisant passer les fils puînés avant les filles d’un l’aîné prédécédé, dans la succession.

  • 38 Mieux encore : cette revendication aurait été soufflée à Édouard par Robert d’Artois qui contestait (...)

20Chacun des prétendants était soutenu par un roi, mais les positions respectives étaient surprenantes. En effet, le roi de France, Philippe VI de Valois, soutenait son neveu Charles de Blois qui prétendait au duché du fait de sa femme. Or Philippe n’était monté sur le trône de France en 1328 que du fait de l’exclusion des femmes de la succession à la couronne, adoptée en 1316 et 1322, et de son extension aux descendants par les femmes. En revanche son compétiteur, Édouard III, roi d’Angleterre, qui soutenait les Montfort, avait revendiqué en 1328 et revendiquait de nouveau depuis 1337 la couronne de France au nom des droits qu’il prétendait tenir de sa mère, Isabelle, fille de Philippe le Bel38. La logique aurait dû amener le roi de France à soutenir le droit des mâles, donc Montfort, et le roi d’Angleterre celui des femmes, donc Blois, mais la politique les conduisit à faire l’inverse et à agir à fronts renversés par rapport à leur engagement dans la Guerre de Cent Ans.

  • 39 Morice H. dom, Mémoires pour servir de Preuves…, op. cit., t. I, col. 1421-1424.

21Dans l’immédiat, alors que Charles de Blois restait à Paris, attendant de prêter hommage, Jean de Montfort préféra saisir des gages : il se fit acclamer duc à Nantes et se rendit à Limoges – fief des Penthièvre sur lequel il n’avait aucun droit – pour s’emparer du trésor ducal qui s’y trouvait. Puis, alors que les deux adversaires devaient comparaître devant la cour des pairs, qui devait arbitrer le litige, Montfort préféra prendre la fuite. Et, par l’arrêt de Conflans du 7 septembre 134139, le roi débouta Montfort et accepta de recevoir l’hommage de Charles de Blois. La sentence fut appliquée manu militari en Bretagne : Nantes fut prise et Montfort capturé. Néanmoins sa femme, Jeanne de Flandre (« Jeanne La Flamme »), continua la guerre avec énergie, et résista dans Hennebont. En 1342 fut conclue la trêve de Malestroit et, en 1343, Jean de Montfort fut libéré.

  • 40 Abbé Poisson, Histoire de Bretagne, op. cit., p. 127 ; Leguay J.-P. et Martin H., Fastes et malheur (...)

22Au cours de la deuxième phase de la guerre, qui se déroula entre 1345 et 1362, le roi d’Angleterre allait se porter au secours du droit des mâles, de même que le roi de France avait précédemment soutenu le droit des femmes. À cette époque, marquée par les grandes défaites françaises de la première partie de la Guerre de Cent Ans, le théâtre militaire breton n’avait qu’une importance secondaire. Les Anglais ayant repris les opérations militaires, Jean de Montfort, revint en Bretagne malgré sa promesse, et mourut en 1345. Son épouse emmena alors en Angleterre son héritier, Jean, qui fut placé sous la tutelle d’Édouard III. Charles de Blois fut, à son tour, fait prisonnier. Sa captivité à la tour de Londres dura deux ans, et il fut libéré contre rançon. En 1363, un projet de paix fut élaboré par les évêques, qui envisageaient de partager la Bretagne en d’attribuant le sud à Montfort et le nord à Blois40. L’intransigeance de Jeanne de Penthièvre fit échouer ce projet de règlement politique.

  • 41 Morice H. dom, Mémoires pour servir de Preuves… op. cit., t. 1, col. 1588-1599.
  • 42 Sur ce duc : Jones M., Recueil des actes de Jean IV, duc de Bretagne, Rennes, 1980.
  • 43 Le roi persista cependant ensuite à la nommer duchesse de Bretagne (Planiol, M. Histoire des instit (...)

23Finalement, le 19 septembre 1364, la querelle fut vidée par les armes à la bataille d’Auray. Charles de Blois fut tué et le clan Montfort l’emporta. Le roi Charles V en tira alors les conséquences et imposa aux parties le (premier) traité de Guérande le 12 avril 136541. Jean de Montfort, reconnu duc sous le nom de Jean IV42, était admis à prêter hommage à Charles V en cette qualité. Une véritable loi dynastique prévoyait que la succession ducale ne pourrait désormais passer à une femme tant qu’il y aurait un héritier mâle. Si Jean IV ou l’un de ses successeurs ne laissait pas d’héritier mâle, la lignée masculine des Penthièvre passerait avant la lignée féminine des Montfort. Le traité n’envisageait pas le cas de concurrence entre deux lignes féminines. De son côté, Jeanne de Penthièvre renonçait aux droits acquis à Conflans43. Outre sa vicomté de Limoges, elle conservait son comté de Penthièvre et recevait une rente confortable. Par ailleurs elle était dispensée d’hommage au duc sa vie durant. Enfin le traité réglait diverses questions pendantes comme l’amnistie des partisans de Charles de Blois et la restitution des biens confisqués.

  • 44 Fastes et malheurs de la Bretagne ducale…, op. cit., p. 123. Le roi de France provoqua notamment un (...)
  • 45 Fastes et malheurs de la Bretagne ducale…, op. cit., p. 123-124. L’Abbé Poisson (op. cit., p. 150-1 (...)
  • 46 Morice H. dom, Mémoires pour servir de Preuves…, op. cit., t. II, col. 285, 294, 298-301.
  • 47 Symétriquement le comté de Montfort, confisqué par le roi de France en 1362 fut rendu à Jean IV en  (...)

24Le traité avait mis fin à la guerre, mais Jean IV, élevé en Angleterre, y avait gardé des sympathies et des intérêts, notamment le comté de Richemont. Il ressentait douloureusement le culte posthume de son rival, Charles de Blois, dont les partisans réclamaient la canonisation44. La discussion sur le caractère lige ou simple de l’hommage prêté à Charles V souligna les divergences entre les parties45. Si bien que, après la reprise des hostilités franco-anglaises, Jean IV fit hommage lige au roi d’Angleterre en 1372. L’armée française envahit le duché l’année suivante, et le roi tenta alors d’agir comme Philippe Auguste envers Jean Sans Terre. Il cita le duc, qui avait fui outre-Manche, devant sa cour, laquelle prononça sa déchéance et la confiscation du duché. Or celui-ci n’était pas un fief démembré de la couronne de France ou un apanage, et la tentative d’annexion fit contre elle l’union des Bretons. Une ligue bretonne rappela Jean IV. Jeanne de Penthièvre elle-même – mesurant que les droits éventuels de son lignage reconnus par le traité de Guérande auraient été anéantis par la confiscation – protesta. Finalement, le 15 janvier 1381, fut conclu un traité qui mettait fin à la guerre et qui fut ratifié par le duc le 4 avril 1381 (second traité de Guérande46). Jean IV obtenait son pardon moyennant un hommage lige à Charles V. En revanche, obligé de renoncer à l’alliance anglaise, il subit en 1384 la confiscation du comté de Richemont, récupéré en 137247.

  • 48 Marcel Planiol écrit (Histoire des institutions de la Bretagne…, op. cit., t. 3, p. 33) : « … le tr (...)
  • 49 Favier J., Dictionnaire de la France médiévale, Paris, 1993, v° Salique (loi).
  • 50 À degré égal les hommes l’emportent. Par exemple Arthur est passé avant ses sœurs aînées. Cette règ (...)
  • 51 Lobineau G.-A. dom, Histoire…, op. cit., t. II, p. 1447 ; Van Kerrebrouck P., Les Capétiens, op. ci (...)

25En conclusion, les crises des xiiiexive siècles ont abouti à doter la Bretagne d’une loi de succession sui generis et distincte sur plusieurs points du droit coutumier et féodal. La succession d’Arthur Ier a réaffirmé la possibilité, déjà appliquée précédemment, pour les femmes de ceindre la couronne conformément au droit commun des fiefs. Mais c’est le premier traité de Guérande qui a créé un droit public de la couronne. Cet accord, qui voulait mettre fin à une violente rivalité, a-t-il définitivement réglé, d’une manière d’ailleurs juridiquement contestable48, la question du statut de la couronne bretonne ? Jean Favier semble le penser en écrivant : « elle (la loi salique) est en revanche introduite théoriquement en Bretagne par le traité de Guérande (1365) : si la descendance masculine de Jean de Montfort vient à s’éteindre, la descendance de Jeanne de Penthièvre succédera au duché. En fait il n’en sera pas question lors de l’avènement de la duchesse Anne49 ». Cette appréciation nous paraît trop rapide. D’une part la « loi salique », ou loi de masculinité (de mâle en mâle par ordre de primogéniture) n’a jamais été complètement établie en Bretagne, ni avant, ni après 1365 : il a toujours été admis que les femmes pouvaient régner à défaut d’hommes50. D’autre part, en 1488, quand la mort du duc François II posa la question d’une succession féminine pour les Montfort, la lignée des Penthièvre, déjà éteinte dans les mâles, était représentée par une femme, Nicole de Blois. Le traité de Guérande n’avait rien prévu en cas de concurrence entre deux lignées féminines et Anne, fille du dernier duc, passa avant Nicole51.

  • 52 Choffel J., Le dernier duc de Bretagne, François II, Paris, 1977, p. 186-187.
  • 53 Fastes et malheurs de la Bretagne ducale…, op. cit., p. 399. Ce rachat en date du 3 janvier 1480 fa (...)
  • 54 Sans compter les candidats à la main d’Anne, un autre compétiteur, au trône, Jean II de Rohan, dont (...)
  • 55 Jean de Brosse a épousé Nicole de Blois, Sa fille, Charlotte, a été la mère de Sébastien de Luxembo (...)
  • 56 Sur la « princerie » cf. Antonetti G., La proche ascendance des rois capétiens de François Ier à He (...)

26Cet épisode illustre la permanence des prétentions des Penthièvre. Leur seigneurie avait été confisquée par Jean V, fils et successeur de Jean IV, à la suite d’une embuscade dans laquelle le lignage concurrent l’avait fait tomber. Cette mesure de rétorsion avait ensuite été annulée lors d’une réconciliation entre Jean, héritier du Penthièvre – qui cédait discrètement ses droits ducaux – et le duc François Ier, fils de Jean V52. Cependant le duc François II avait de nouveau confisqué le Penthièvre en 1465, sous prétexte que Jean de Brosse, mari de Nicole, nièce et héritière de Jean de Penthièvre, avait pris le parti du roi pendant la Ligue du Bien Public. De ce fait, les prétentions de Nicole avaient été ravivées et elle céda ses droits à la couronne ducale à Louis XI pour cinquante mille livres53. Cette opération supposait d’ailleurs que les droits de succession au duché fussent cessibles, à la différence des droits à la couronne de France. Quoi qu’il en soit, comme dans la fable « le chat, la belette et le petit lapin », l’Universelle Aragne envisageait de mettre d’accord les deux parties en préparant le rattachement de la principauté bretonne à la couronne. Poursuivant la politique de son père, Charles VIII ne manqua pas de se poser en héritier potentiel du duché face à Anne à la mort du duc François II54. Par la suite les héritiers de Nicole occuperont plusieurs fois la haute charge de gouverneur dans la Bretagne royale55 tandis que les Rohan, en raison de leurs liens familiaux avec les ducs de Bretagne et les Capétiens, bénéficieront de la « princerie56 ».

27Enfin l’on peut observer que, à côté de la loi salique complète, excluant totalement les successions féminines, qui est à l’époque une particularité française, il est une autre règle protectrice qui sera adoptée par la monarchie au début du xve siècle, mais qui n’aura aucun équivalent dans la principauté bretonne, à savoir l’indisponibilité de la couronne. À l’opposé, les ducs de Bretagne ou prétendants à cette couronne ont pratiqué renonciations, abdications, cessions de droits et changements de branches… Il y a sans doute un lien entre l’inachèvement des lois de succession bretonnes et l’accord de 1532 qui a établi une union réelle entre le duché et le royaume voisin.

Notes

1 Pour le contexte historique général, la bibliographie est immense et nous n’avons aucune prétention à l’exhaustivité. L’on pourra se référer à Gauvard C., de Libera A. et Zink M., (dir.), Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, 2002, v° Bretagne (article de J. Kerhervé et bibliographie citée) ; Chedeville A. et Tonnerre N.-Y., La Bretagne féodale, Rennes, 1987 ; Leguay J.-P. et Martin H., Fastes et malheurs de la Bretagne ducale, 1213-1532, Rennes, 1982 ; Favier J., Les Plantagenêts, Paris, 2004 ; Planiol M., Histoire des institutions de la Bretagne, Rennes, 3 vol., 1953-55. Nous avons aussi utilisé : Poisson (abbé H.), Histoire de Bretagne, 6e éd., Rennes, 1975, et Croix A. et Guiffan J., Histoire des Bretons des origines à 1532, t. I, Paris, 1977. Parmi les sources imprimées, l’on a recouru à dom Lobineau G.-A., Histoire de Bretagne, Paris, 1707, 2 vol. et dom Morice H., Mémoires pour servir de preuves à l’Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, Paris, 1742-1746, 3 vol.

2 Harouel J.-L., Barbey J., Bournazel E., Thibaut-Payen J., Histoire des institutions de l’époque franque à la Révolution, Paris, 1987 (et rééd.), n° 309 et suiv. et n° 330 (renvois bibliographiques).

3 Pour les aspects généalogiques, nous avons utilisé : Anselme P., Histoire généalogique et chronologique de la Maison royale de France, t. 1, Paris, 1726 ; L’Art de vérifier les dates, Paris, 1770 ; Cuny H., Les Bretagne (tome XIII de l’Encyclopédie généalogique des maisons souveraines du monde du docteur G. Sirjean), Paris, 1972 ; Van Kerrebrouck P., les Capétiens (t. II de la Nouvelle histoire généalogique de l’auguste Maison de France), Villeneuve d’Ascq, 2000.

4 Morin S., Recherches sur la destinée de la principauté des comtes de Bretagne (1008-1214), thèse droit, université de Rennes 1, 2004.

5 Sur cette question voir les ouvrages d’histoire des institutions, par exemple Dumas A., Histoire du droit français, réed. Marseille, 1978, p. 90-91 ; Timbal P.-C., Histoire des institutions publiques et des faits sociaux, Paris, 1970, n° 347.

6 Histoire du droit français, op. cit. p. 91. Dans ce système, les cadets avaient tout au plus un apanage.

7 L’on sait que le royaume franc se partageait entre les fils du roi sous les Mérovingiens et les Carolingiens. Cette coutume tomba en désuétude à l’époque de la royauté élective et ne réapparut pas sous les Capétiens. Sur ce point un sens « étatique » tendait à l’emporter sur des considérations strictement familiales.

8 Petot P., « Le mariage de la vassale », Revue Historique de Droit, 1978, p. 29-47.

9 Viollet P., Histoire du droit civil français, 3e éd., Paris, 1905, p. 877-878.

10 Rouche M., Clovis, Paris, 1996, p. 328-331, qui explique que les nombreux meurtres commis par ce roi dans sa parenté avaient pour but d’assurer le trône à sa descendance au détriment de ses collatéraux.

11 Cf. aussi Kermabon N., Le douaire des duchesses de Bretagne. xiiie-xve siècles, thèse droit, université de Rennes I, 2007.

12 Louis VI le Gros, désireux d’être en paix avec Henri Ier d’Angleterre, duc de Normandie, a entériné la suzeraineté normande sur la Bretagne, Bournazel E., Louis VI le Gros, Paris, 2007, p. 124.

13 Texte dans Bourdot de Richebourg C.-A., Nouveau Coutumier général ou corps des coutumes, Paris, 1724, 4 vol., t. IV, p. 289-290.

14 L’aînesse avait été appliquée à tous les fiefs normands par une ordonnance du duc Henri Beauclerc (1110-1135) ; Ourliac P. et Gazzaniga J.-L., Histoire du droit privé français de l’an mil au Code civil, Paris, 1985, p. 325.

15 La Bretagne féodale, op. cit. p. 109.

16 La reine Aliénor, qui était toujours en vie, reprit l’Aquitaine et le Poitou à la mort de Richard et, peu après, les remit à Jean (Art de vérifier les dates, op. cit. p. 719 ; Favier J., Les Plantagenêts, op. cit. p. 653.

17 Yver J., Égalité entre héritiers et exclusion des enfants dotés. Essai de géographie coutumière, Paris, 1966, p. 130-131 et note 246 ; Ourliac P. et Malafosse J. de, Histoire du droit privé, Paris, t. III, 1968, p. 397.

18 Très ancien coutumier de Normandie, XXXII, 2 ; Histoire du droit privé, op. cit. p. 396 ; Levy J.-P. et Castaldo A., Histoire du droit civil, Paris, 2002 , n° 829.

19 Sur l’ensemble de cette question : Villers R., « De Hoveden à Shakespeare : les prétentions d’Arthur de Bretagne à la succession du roi Richard », Revue Historique de Droit, 1949, p. 562-598. Cet auteur observe que la jurisprudence de l’Échiquier de Normandie a admis la représentation au profit du neveu jusqu’en 1235, et ne l’a rejetée qu’ensuite, et ce jusqu’à la fin du xive siècle.

20 Levy J.-P. et Castaldo A., Histoire du droit civil, op. cit., n° 829 : en Angleterre, la représentation était en principe admise, mais jusqu’au milieu du xiiie siècle, le roi pouvait trancher différemment entre un oncle en possession et un neveu réclamant. Les auteurs voient là une répercussion de la « mauvaise coutume » normande.

21 Levy J.-P. et Castaldo A., Histoire du droit civil, op. cit.

22 Pernoud R., Richard Cœur de Lion, Paris, 1988, p. 236 et 251.

23 Cité par Luchaire A., Philippe Auguste et son temps, Paris, 1980 (rééd. du t. III, 1re partie de l’Histoire de France d’Ernest Lavisse), p. 137, note 2 ; Favier J., Les Plantagenêts, op. cit. p. 652.

24 Duby G., Guillaume le Maréchal ou le meilleur chevalier du monde, Paris, 1984, p. 172.

25 Neveux F., La Normandie des ducs aux rois xe-xiie siècle, Rennes, 1998, p. 560-565.

26 Sur les événements des années 1200-1202 voir notamment : CHédeville A. et Tonnerre N.-Y., La Bretagne féodale, op. cit. p. 100-101 ; Favier J., Les Plantagenêts, op. cit. p. 659 et p. 664-665.

27 Références dans Delisle L., Catalogue des actes de Philippe Auguste, Paris, 1856, rééd. Genève, 1975, n° 604 ; Abbé Poisson, Histoire de Bretagne, op. cit., p. 76 ; Chédeville A. et Tonnerre N.-Y., La Bretagne féodale, op. cit., p. 100.

28 « Traité de Gournay », cf. Villers R., « De Hoveden à Shakespeare… », op. cit., p. 563. Arthur ne rendait pas hommage pour la Normandie, que le roi de France désirait sans doute conserver lui-même en vertu de la sentence de confiscation.

29 Un chroniqueur prétendit même qu’il avait été tué des propres mains de son oncle Le récit est rapporté, mais mis en doute par Achille Luchaire, Philippe Auguste et son temps, op. cit., p. 147-148. Ce crime aurait entraîné une nouvelle citation à la cour des pairs ou Jean, toujours défaillant, aurait, cette fois, été condamné à mort (Longnon A., La formation de l’unité française, Paris, 1922 et rééd. 1969, p. 107 ; abbé Poisson, Histoire de Bretagne, op. cit., p. 76). Favier J., Les Plantagenêts, op. cit., p. 666 et suiv., étudiant cet épisode ne parle pas d’un second jugement. L’on trouvera les références à cette querelle d’historiens, dans Viollet P., Histoire des institutions politiques et administratives de la France, Paris, t. II, 1898, p. 148, note 2, et dans Petit-Dutaillis C., La Monarchie féodale en France et en Angleterre, Paris, rééd. 1971, p. 215 et note 582, ces deux auteurs contestent l’existence d’une seconde sentence.

30 L’autre fille de Geoffroy et Constance, Mathilde, avait déjà disparu.

31 Duchesse de Bretagne du fait de sa mère, Alix n’avait, à la différence d’Arthur, son demi-frère, aucun droit à l’héritage Plantagenêt qui tombait dans l’escarcelle du roi de France.

32 Abbé Poisson, Histoire de Bretagne, op. cit., p. 77.

33 Morice H. dom, Mémoires pour servir de Preuves… op. cit., t. I, col. 812-813.

34 Le comté de Richemont (= Richmond), donné par Guillaume le Conquérant à l’un de ses compagnons, fils du premier Eudon de Penthièvre (Planiol M., Histoire des institutions…, op. cit., p. 39) était une possession des ducs de Bretagne en Angleterre. De ce fait exposé à des confiscations périodiques en fonction des variations de la politique franco-anglaise.
Sur le comté de Richmond cf. Morin S., Recherches…, op. cit., notamment p. 154 sq., et ses références aux travaux de Michael Jones.

35 Le Penthièvre est un vaste apanage situé dans le nord de la Bretagne. Il a été érigé en faveur des puînés de la famille ducale en 1034 et de nouveau en 1317. La seconde maison de Penthièvre est issue de Guy et de son épouse, héritière de la première. (Planiol M., Histoire des institutions de la Bretagne…, op. cit. p. 16).

36 Levy J.-P. et Castaldo A., Histoire du droit civil, op. cit., n° 829.

37 Yolande de Dreux avait d’ailleurs pris ses précautions : par lettres datées du 24 septembre 1309, Philippe le Bel avait accueilli la requête par laquelle elle demandait que l’érection en duché-pairie ne porte pas préjudice à ses droits et à ceux de ses enfants (dom Lobineau G.-A., op. cit., t. 1, p. 295 et t. II, p. 459.

38 Mieux encore : cette revendication aurait été soufflée à Édouard par Robert d’Artois qui contestait le pouvoir du Valois parce qu’il s’estimait injustement évincé de son comté au profit de sa tante Mahaut !

39 Morice H. dom, Mémoires pour servir de Preuves…, op. cit., t. I, col. 1421-1424.

40 Abbé Poisson, Histoire de Bretagne, op. cit., p. 127 ; Leguay J.-P. et Martin H., Fastes et malheurs… op. cit., p. 107.

41 Morice H. dom, Mémoires pour servir de Preuves… op. cit., t. 1, col. 1588-1599.

42 Sur ce duc : Jones M., Recueil des actes de Jean IV, duc de Bretagne, Rennes, 1980.

43 Le roi persista cependant ensuite à la nommer duchesse de Bretagne (Planiol, M. Histoire des institutions de la Bretagne, op. cit., . t. 3, p. 35).

44 Fastes et malheurs de la Bretagne ducale…, op. cit., p. 123. Le roi de France provoqua notamment une enquête en vue de cette canonisation, mais Jean IV intervint pour faire traîner l’affaire, pensant sans doute qu’il était peu flatteur d’avoir conquis son pouvoir sur un saint… (Planiol M., op. cit., t. 3, p. 35). Le dossier de canonisation aboutit finalement, mais seulement au début du xxe siècle, sous le pontificat de Pie X.

45 Fastes et malheurs de la Bretagne ducale…, op. cit., p. 123-124. L’Abbé Poisson (op. cit., p. 150-151), qui relate le refus du duc Arthur III de faire hommage lige à Charles VII en 1458, note que cette scène « se renouvelait à peu près à chaque avènement d’un duc. »

46 Morice H. dom, Mémoires pour servir de Preuves…, op. cit., t. II, col. 285, 294, 298-301.

47 Symétriquement le comté de Montfort, confisqué par le roi de France en 1362 fut rendu à Jean IV en 1381. Quant à Richemont, le duc le récupéra en 1398 (Van Kerrebrouck P., Les Capétiens, op. cit., p. 385-386 et 391, note 18).

48 Marcel Planiol écrit (Histoire des institutions de la Bretagne…, op. cit., t. 3, p. 33) : « … le traité de Guérande, en donnant le duché au fils de Jean de Montfort, sanctionna une véritable usurpation… pour légitimer les droits du maître, il fallut changer le droit successoral du duché et restreindre l’aptitude des femmes à succéder à la couronne. »

49 Favier J., Dictionnaire de la France médiévale, Paris, 1993, v° Salique (loi).

50 À degré égal les hommes l’emportent. Par exemple Arthur est passé avant ses sœurs aînées. Cette règle est toujours appliquée en Grande-Bretagne.

51 Lobineau G.-A. dom, Histoire…, op. cit., t. II, p. 1447 ; Van Kerrebrouck P., Les Capétiens, op. cit., p. 425, note 5.

52 Choffel J., Le dernier duc de Bretagne, François II, Paris, 1977, p. 186-187.

53 Fastes et malheurs de la Bretagne ducale…, op. cit., p. 399. Ce rachat en date du 3 janvier 1480 fait suite au refus du duc d’aider le roi en guerre contre Maximilien d’Autriche (Croix A. et Guiffan J., Histoire des Bretons…, op. cit., p. 134).

54 Sans compter les candidats à la main d’Anne, un autre compétiteur, au trône, Jean II de Rohan, dont la femme, Marie, était la fille du duc François Ier, se manifesta, Fastes et malheurs de la Bretagne ducale…, op. cit., p. 399 et 407. Cf. aussi Planiol M., op. cit., t. 3, p. 34 qui dit que cette prétention était fondée sur la revendication récurrente du droit des femmes, restreint par le premier traité de Guérande et que les ducs François Ier et Pierre II avaient réaffirmé la préférence masculine. Ces précautions, prouvent que l’exclusion des femmes n’était pas facilement admise (Croix A. et Guiffan J., op. cit., p. 131).

55 Jean de Brosse a épousé Nicole de Blois, Sa fille, Charlotte, a été la mère de Sébastien de Luxembourg, gouverneur de Bretagne (mort en 1569) ; la fille de celui-ci, Marie, a épousé Philippe de Lorraine, duc de Mercoeur, gouverneur de Bretagne pendant la Ligue (Abbé Poisson, op. cit., p. 193 et 208).

56 Sur la « princerie » cf. Antonetti G., La proche ascendance des rois capétiens de François Ier à Henri IV, Paris, 1988-1, p. 19-26. Les Rohan descendent à la fois des rois de France et des ducs de Bretagne, notamment par leur ancêtre Béatrix de Bretagne, fille du duc Arthur II (mort en 1312) et de Yolande de Dreux, (Martin G., Histoire et généalogie de la maison de Rohan, Lyon, 1998, p. 37).

Auteur

Professeur d’histoire du Droit, université de Rennes 1

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