Version classiqueVersion mobile

Républiques sœurs

 | 
Pierre Serna

Deuxième partie. L'Amérique en question : des révolutions aux Républiques atlantiques

La République américaine vue par les républicains français sous le Directoire

Marc Belissa

Texte intégral

1La question mise au programme des concours d’enseignements en France il y a deux ans invitait les candidats à s’interroger notamment sur les passages, les modes de transmission des modèles politiques de l’Amérique (ou des Amériques) à l’Europe de la période de la Révolution française. Si on connaît bien l’influence des débats politiques et de l’expérience républicaine outre-atlantique sur la discussion constitutionnelle de 1789 en France, on suppose le plus souvent que cette influence diminue jusqu’à s’évanouir ensuite et que les rapports conflictuels entre la France et les États-Unis à partir de 1793 sonnent le glas d’une liaison particulière entre les deux républiques de l’Ancien et du Nouveau Monde. La question de la persistance d’une réflexion autour des modèles politiques américains en France et dans les Républiques sœurs sous le Directoire mérite néanmoins d’être posée, car la république directoriale se pense autant avec que contre les modèles républicains antérieurs.

2Comment les républicains « avancés » ou « démocrates », selon la terminologie d’Alphonse Aulard, voient-ils la République américaine entre novembre 1794 et 1800, c’est-à-dire entre la signature du traité anglo-américain connu sous le nom de son négociateur John Jay et la convention de Mortefontaine qui met fin à l’alliance franco-américaine ? Est-elle unilatéralement envisagée comme une république potentiellement alliée ? ou plutôt comme un contre-modèle républicain ?

  • 1 Ulane Bonnel, La France, les États-Unis et la guerre de course (1797-1815), Paris, 1961 ; Albert H (...)
  • 2 Max Fajn, « Le journal des hommes libres de tous les pays et les relations diplomatiques entre la (...)
  • 3 Par exemple, une lettre d’Amérique datée du 12 ventôse an VI est publiée par le Bien Informé (ci-a (...)

3La question des relations diplomatico-commerciales entre la France et les États-Unis pendant le Directoire a été largement traitée par l’historiographie française et américaine1, mais peu d’études, à part celle de Max Fajn sur le Journal des hommes libres il y a un peu plus de trente ans, ont cherché à utiliser la presse pour y trouver les éléments d’une vision particulière de la République fédérale américaine dans les débats politiques sous le Directoire2. Bien évidemment, un dépouillement exhaustif de la presse, même limité aux titres les plus clairement engagés du côté des républicains démocrates, aurait nécessité une thèse ou une recherche de longue haleine, je me suis contenté pour cette présentation de dépouiller deux des journaux les plus intéressants de ce point de vue, à savoir le Bien Informé qui compte notamment Thomas Paine parmi ses collaborateurs, et le Journal des hommes libres de tous les pays et ses avatars, qui, bien qu’ayant déjà été utilisé par Max Fajn, recèle encore bien des éléments intéressants à relire. Les deux titres sont particulièrement proches dans leur description des événements politiques en Amérique, il semble d’ailleurs que le Journal des hommes libres emprunte fréquemment des lettres ou des extraits d’articles au Bien Informé3.

4On peut délimiter trois grands moments dans lesquels la nature et l’évolution de la République américaine sont à l’agenda du débat politique sous le Directoire : tout d’abord, à la charnière de la Convention thermidorienne et de l’installation du Directoire en l’an III et au début de l’an IV, c’est la discussion autour des conséquences du traité Jay qui domine l’actualité des relations franco-américaines. Le thème de la trahison et de l’ingratitude américaines se combine avec une réflexion sur le pouvoir présidentiel dans une république. Le deuxième temps se situe au printemps 1797 avec l’offensive des cryptoroyalistes des Conseils contre la politique extérieure du Directoire. La presse républicaine défend contre les Clichyens la politique de représailles maritimes consécutives à l’adoption du traité anglo-américain. Enfin le troisième se situe pendant le pic de la quasi-guerre en l’an VI, au printemps et à l’été 1798. Dans ce dernier moment, c’est la division des Américains en deux partis hostiles – républicains et fédéralistes – et leur lutte pour ou contre la guerre avec la France qui est au centre des nouvelles d’Amérique.

5Après avoir rappelé les grandes lignes du contexte diplomatique et militaire, j’aborderai donc ici la manière dont la République fédérale américaine est décrite dans les nouvelles et les articles publiés dans les titres républicains qui forment ce corpus dans ces trois moments. Trois thèmes semblent particulièrement importants : celui de l’évolution des institutions républicaines, celui des factions et de l’influence de l’esprit mercantile et aristocratique anglais et enfin, celui de l’ingratitude à l’égard de la France et de la trahison des droits des peuples.

De la neutralité américaine à la convention de Mortefontaine

6Quand la France déclare la guerre au roi d’Angleterre et au stadhouder de Hollande le 1er février 1793, la question des rapports franco-américains devient cruciale pour la République française. Par le traité d’amitié et de commerce de 1778, les États-Unis sont en effet théoriquement tenus de garantir les possessions antillaises de la France contre les attaques anglaises, mais aussi de permettre aux corsaires français de vendre leurs prises et de se ravitailler dans les ports américains. Théoriquement seulement, car il est évident pour tout le monde que la flotte de guerre américaine quasi inexistante n’a en fait aucun moyen de remplir les engagements du traité face à la puissance britannique. Pour une partie des révolutionnaires français, le devoir de l’Amérique est de s’engager résolument en faveur de la jeune République française contre son ancien tyran qui occupe toujours les forts du Nord-Ouest et qui refuse de remplir les engagements contenus dans le traité de paix de 1783 tant que les États-Unis n’auront pas indemnisé les loyalistes, ni payé leurs dettes. Jefferson, alors secrétaire d’État aux affaires étrangères, est notoirement favorable à la France, mais il est également convaincu que seule une neutralité active des États-Unis – c’est-à-dire une neutralité imposant la liberté des mers aux Anglais – peut réellement aider la république naissante. Washington est largement hostile à la Révolution française et penche vers les anglophiles de son cabinet, comme Hamilton, qui souhaitent, au contraire, profiter de la crise pour rompre le traité de 1778 et pour se rapprocher de l’Angleterre. Washington arbitre entre les deux lignes en proclamant la neutralité des États-Unis le 22 avril 1793. On sait que l’arrivée du ministre plénipotentiaire Genet, envoyé par la République pour tenter d’associer les États-Unis à la guerre contre l’Angleterre et l’Espagne, tend à l’extrême les rapports entre Français et Américains. Jefferson lui-même se rallie à la demande de rappel de Genet en France. Pendant ce temps, les navires américains sont l’objet d’attaques de la marine et des corsaires anglais qui peuvent s’emparer des vaisseaux à destination de la France et de ses colonies ou bien qui portent des biens ennemis (selon la règle en vigueur dans le droit maritime anglais que les biens ennemis sur les bateaux neutres sont de bonne prise).

  • 4 En remplacement de gouverneur Morris, l’ambassadeur des États-Unis à Paris, un contre-révolutionna (...)

7Dans une lettre au Congrès du 5 décembre 1793, Washington proclame sa volonté d’obtenir réparation de l’Angleterre pour les dommages subis par les navires américains. Jefferson, isolé au sein du gouvernement, démissionne. Au début de 1794, la guerre avec l’Angleterre semble sur le point d’éclater. C’est le moment que choisit Hamilton pour contre-attaquer et exiger des négociations avec l’Angleterre. Le cabinet cède. Hamilton rédige les instructions remises au président de la Cour suprême John Jay. Quand celui-ci arrive à Londres, les victoires françaises du printemps 1794 ont modifié la situation, la coalition donne des signes d’essoufflement : les Anglais accueillent donc l’émissaire américain à bras ouverts. Le texte final, signé en novembre 1794, est remarquablement favorable à l’Angleterre : les États-Unis n’obtiennent presque rien, si ce n’est l’évacuation des postes anglais dans le Nord-Ouest, et concèdent tout. Les instructions de Jay exigeaient des indemnités pour la saisie des navires, la fin de la presse des matelots américains, la reconnaissance des droits étendus des neutres. Jay n’obtient satisfaction sur aucun de ces points. Les négociations sont menées en grand secret. Alors même que Jay signe un traité très défavorable à la France, Randolph envoie innocemment James Monroe à Paris pour assurer la Convention de l’amitié indéfectible des États-Unis4 ! Celui-ci est reçu par la Convention avec un enthousiasme proche du délire le 14 août 1794. Monroe qui ignore tout de ce qui se trame à Londres fait un grand discours sur l’alliance naturelle et indéfectible des Républiques, il déchante très rapidement !

8L’annonce de la signature du traité Jay soulève une vague d’indignation chez les républicains américains. Gallatin et Madison attaquent le traité devant le Congrès : selon eux, les États-Unis n’ont obtenu que ce qui avait déjà été acquis en 1783 mais ont abandonné toute perspective de sanctions économiques en garantissant le remboursement de la dette américaine quoiqu’il arrive et en s’interdisant des sanctions en cas d’atteinte aux droits des neutres. Le traité Jay est, selon Madison, la plus grande violation jamais admise en Amérique du principe de réciprocité, fondement du droit des gens. Les États-Unis ont même accepté la définition extensive de la contrebande selon les Anglais (incluant la nourriture) violant ainsi les droits des nations et des devoirs de l’humanité en permettant que l’on affame un peuple pour détruire sa liberté.

9Pour les Français, c’est la manifestation éclatante de l’ingratitude atroce de l’Amérique. Le 2 juillet 1796, le Directoire annonce dans un décret que désormais, il traiterait les navires américains et neutres comme le faisait l’Angleterre, ce qui revenait à dire qu’il ne reconnaissait plus les droits des neutres. Monroe est humilié par le rôle qu’on lui avait fait jouer. Francophile convaincu, on l’avait envoyé pour donner le change, il est finalement rappelé le 22 août 1796.

10Le 17 septembre 1796, Washington rendait publique la Farewell Adress (rédigée avec Hamilton) par laquelle il annonçait sa retraite et proposait un programme de politique extérieure. Il insistait tout particulièrement sur la nécessité de rejeter les influences étrangères. Il est vrai que Genet, mais aussi ses successeurs, Fauchet et Adet, avaient tout fait pour le discréditer et le présenter comme un tyran anglophile en puissance. Fauchet avait essayé d’empêcher la ratification du traité Jay et Adet faisait ostensiblement campagne contre Washington et John Adams. Washington appelait les Américains à ne jamais conclure d’alliance exclusive avec quelque nation que ce soit, ce qui était une manière de dire que l’alliance franco-américaine devait être annulée d’une manière ou d’une autre.

11Ulcérés par le traité Jay, les Français avaient appliqué une rigoureuse réciprocité quant au traitement des navires américains à destination de l’Angleterre. En un an, de juin 1796 à juillet 1797, plus de trois cents vaisseaux avaient été capturés par les corsaires français. Charles Pinckney, envoyé pour faire des réclamations à ce sujet, n’avait pas été reçu par le Directoire : les relations diplomatiques étaient virtuellement rompues.

12Sous la présidence du fédéraliste John Adams, la crise atteint son paroxysme avec ce que les historiens américains appellent la Quasi War ou la Undeclared War. Dans un premier temps, John Adams fait adopter une série de mesures d’embargo du commerce avec la France et de défense des navires américains en mai 1797. Il semble alors que les États-Unis s’apprêtent à rompre unilatéralement les traités franco-américains, même au prix d’une guerre, mais le président ne franchit pas le Rubicon et résiste aux plus francophobes de ses amis fédéralistes. En octobre 1797, il décide d’envoyer une commission de trois membres à Paris – Marshall, Pinckney et Gerry, pour tenter un ultime arrangement. Le Directoire fait la sourde oreille et refuse de recevoir la délégation. C’est alors que se produit l’affaire dite XYZ : trois intermédiaires, envoyés, semble-t-il par le ministre des Affaires étrangères Talleyrand, demandèrent aux émissaires non seulement un pot-de-vin, mais aussi un prêt de plusieurs millions de florins hollandais. Dans le rapport officiel, les noms des trois agents français étaient remplacés par les lettres XYZ, d’où le nom donné à cette affaire de corruption qui n’arrangea pas les relations franco-américaines. Ce n’est d’ailleurs pas tant la tentative de corruption qui provoqua la rupture – on y était habitué – que l’énormité du prêt demandé et le fait qu’un tel prêt revenait à passer sous les fourches caudines du Directoire. Pinckney et Marshall quittèrent la France tandis que le républicain Gerry restait pour tenter de recoller les morceaux, sans succès.

13Le président Adams eut beau jeu de mettre en valeur le vice de la diplomatie française en rendant publique la correspondance des négociateurs devant le Congrès. Une vague patriotique, largement entretenue par la presse fédéraliste, traverse le pays. Des milliers d’exemplaires des dépêches diplomatiques sont diffusés, les journaux des républicains sont étouffés, les téméraires qui portent des cocardes tricolores sont molestés, des manifestations anti-françaises se produisent tous les jours, les chaires des pasteurs résonnent de prêches contre le supposé « athéisme » des Français. La guerre semble être sur le point d’être déclarée. En mai et juillet 1798, le Congrès autorise la capture des vaisseaux français armés, mais pas des navires de commerce. La Marine américaine capturera plusieurs dizaines de bateaux, presque tous des corsaires. À l’intérieur, le gouvernement fait également adopter une législation répressive sans précédent (les Alien and Sedition Acts). Le 13 juin, les relations commerciales avec la France sont suspendues, enfin le 7 juillet 1798, les traités de 1778 sont unilatéralement rompus : l’alliance franco-américaine n’a duré que vingt ans.

14Malgré la tonalité martiale des discours fédéralistes, John Adams n’était pas favorable à une guerre contre la France et se rendait bien compte que le Directoire n’en voulait pas non plus. Des contacts par le biais du réseau consulaire informel qui avait été maintenu permirent de rapprocher les deux bords. Talleyrand fit savoir que le Directoire était prêt à recevoir dans les formes un émissaire américain. À la grande fureur de son propre parti, Adams nommait, le 18 février 1799, William Vans Murray au poste de ministre plénipotentiaire à Paris. En octobre, il réussit à envoyer une commission de trois membres qui, en arrivant à Paris en mars 1800, trouvèrent un nouveau régime, celui du Premier consul Bonaparte.

15Les négociations sont difficiles : les Américains veulent une annulation formelle des traités de 1778 et une large indemnisation pour les navires pris par les corsaires français, les Français ne veulent pas entendre parler d’une annulation sans contrepartie. Finalement les discussions aboutissent le 30 septembre, avec la signature de la Convention de Mortefontaine qui met formellement fin à l’alliance franco-américaine, mais les Américains n’obtiennent pas l’indemnisation qu’ils souhaitaient, ils décrochent en revanche un nouveau traité de commerce qui leur est favorable. Rétrospectivement, on peut dire qu’avec cette Convention, les Américains ont surtout préparé le terrain pour l’opération qui se révélera absolument déterminante pour le développement futur des États-Unis : l’achat de la Louisiane.

16Dans ce contexte de tensions quasi permanentes entre les deux républiques, comment les républicains démocrates parisiens rendent-ils compte de la situation américaine ?

Une république dérivant vers la monarchie

  • 5 Thomas Jefferson, Writings, New York, 1894, t. VI, p. 153-156, lettre du 3 janvier 1793.

17La République fédérale est d’abord décrite dans la presse démocrate comme évoluant rapidement vers une forme de plus en plus monarchique. On sait que chez les anti-fédéralistes de 1787 et chez les républicains ensuite, l’un des points les plus critiqués de l’organisation constitutionnelle était justement la forme présidentielle de l’exécutif et l’étendue des pouvoirs du président et du Sénat. Depuis longtemps, les opposants à Washington critiquaient violemment la dérive personnelle du pouvoir exécutif vers ce qu’ils qualifiaient de régime « monocratique5 » tendant à rétablir la monarchie. Pour Jefferson et les républicains, la Révolution française a justement empêché cette évolution par la radicalisation induite dans la politique américaine. La Constitution anglaise vers laquelle les monocrates voulaient faire rétrograder l’Amérique est désormais impossible à imposer. Les républicains français partagent en grande partie la même approche de la fonction présidentielle.

  • 6 JHL, no 5, 12 brumaire an IV, p. 18.
  • 7 Ibid., no 17, 24 brumaire IV, p. 65. Jumonville était un officier français tué en 1753 par un détac (...)

18Les correspondances des États-Unis et les articles publiés dans la presse républicaine parisienne diffusent d’ailleurs une image toute monarchique de l’action de George Washington, puis de John Adams. Le Journal des hommes libres de tous les pays fustige la signature du traité Jay par George III d’Angleterre et « George Ier » d’Amérique. Washington s’entoure d’une « cour philadelphiane6 » et identifie le gouvernement américain avec sa personne. La dénonciation de Washington est l’occasion d’une vigoureuse attaque contre les « grands hommes » : « Français quel grand exemple pour vous ! Le colossal Washington, le héros des deux mondes, le messie des nations libres n’est plus qu’un esclave de la Grande-Bretagne. Est-ce donc par de telles expiations qu’on devait apaiser les mânes du malheureux Jumonville7 ? »

  • 8 BI, no 71, 22 brumaire an VI.
  • 9 Thomas Paine, « Letter to George Washington », The Thomas Paine reader, Londres, Penguin, 1987, p. (...)

19La lettre de Thomas Paine à George Washington datée du 30 juillet 1796 est une attaque en règle du traité Jay, du président lui-même et de la dérive des institutions américaines. La presse républicaine parisienne en donne des extraits, fait savoir que cette lettre est « lue avec avidité » en Amérique et qu’elle suscite les calomnies des anglophiles8. Paine y réaffirme son opposition de toujours à un exécutif incarné par un seul individu. Un tel homme ne peut qu’être un chef de parti au service d’intérêts particuliers. Par ailleurs, la fonction présidentielle laisse subsister les relents du monarchisme en habituant les citoyens à paraître obéir aux ordres d’un seul9. Paine accuse également Adams et Jay de vouloir rétablir un pouvoir héréditaire et un Sénat à vie. La personnalité et le passé du président sont violemment fustigés : Washington est un caméléon qui ne pense qu’en termes de prudence dont il fait le principe de sa politique. Cette prudence est, selon Paine, si proche de l’hypocrisie qu’elle se confond souvent avec elle, comme en témoigne selon lui l’envoi simultané de Monroe à Paris et de Jay à Londres.

  • 10 JHL, no 32 du 9 frimaire, p. 125.

20L’exécutif et le Sénat sont complices dans la dérive « monocratique » de la république fédérale : le président est l’artisan d’une série d’usurpations exécutives qui liquident les garde-fous prévus par les institutions républicaines et la hiérarchie des pouvoirs. Ainsi le Journal des hommes libres remarque le 2 frimaire an IV que la Constitution américaine n’autorise pas le président ou le Sénat à négocier sans le Congrès au sujet des frontières de la fédération, ce qu’ils ont fait, selon eux, dans le traité Jay, « Washington et sa vingtaine sénatoriale ont donc encouru la forfaiture », et le président viole journellement l’esprit et la lettre de la Constitution10 :

  • 11 Ibid., no 25 du 2 frimaire an IV, p. 97.

« Ce sont 22 personnes qui traitent avec l’ennemi mortel des États-Unis, contre la volonté de treize républiques, représentées par la Convention nationale de 1787, contre la volonté de la chambre des représentants, et de dix sénateurs vertueux, contre la volonté du commerce américain, ruiné par l’Angleterre, contre la volonté des quinze vingtièmes de la nation11. »

  • 12 Ibid., no 31 du 8 frimaire an IV, p. 121.
  • 13 Ibid., no 33 du 10 frimaire an IV, p. 129.
  • 14 Ibid., no 41 du 18 frimaire an IV, p. 161.

21L’exécutif usurpe également le pouvoir judiciaire, et surtout celui de la Cour suprême. Un discours du Chief Justice de la Caroline du Nord reproduit dans le numéro du 8 frimaire an IV, l’affirme sans détours12. L’article du traité Jay qui prévoit le paiement intégral des dettes américaines est anticonstitutionnel, car c’est aux tribunaux « naturels » qu’il revient de trancher. Au lieu d’être réglée par les formes ordinaires de la justice, la question de la dette a été « confisquée » par l’exécutif : « Washington et ses vingt sénateurs ont touché au pouvoir judiciaire, en formant un conciliabule de cinq commissaires [prévus dans l’article VI du traité], vraiment anglo-américains, une chambre mi-partie13… » à l’image des commissions juridiques extraordinaires des monarchies européennes. Or, selon la Constitution des États-Unis, ni le président ni le Congrès n’ont le droit de dépouiller la Cour suprême de quelque pouvoir que ce soit. Le Congrès peut bien créer un nouveau tribunal, mais forcément inférieur à la Cour suprême. Washington et Jay ont décidé seuls de la composition des commissions d’arbitrage « contre le vœu de la partie saine du Sénat, le droit de la Chambre des représentants, l’opinion du peuple colombian [sic], et la volonté de sa Constitution ». En vérité, ajoute l’article, « on n’agirait pas mieux avec un sceptre et des sujets14. » Le but de toutes ces usurpations est in fine la restauration de la monarchie anglaise :

  • 15 Ibid., no 8 du 8 messidor an V.

« La tyrannie veut faire de ce conseil (la Chambre des représentants) une chambre des communes, du Sénat, une chambre haute, de la présidence quadriennale, une royauté élective et peut-être héréditaire, des hommes puissants et riches, une grandesse, de la classe mitoyenne, une réserve opprimée et opprimante, de ses milices, une gendarmerie féodale et nobiliaire, de la masse du peuple, un vil troupeau de brutes et d’esclaves15. »

  • 16 BI, no 25, 6 vendémiaire an VI.

22En l’an VI, le Bien Informé tient le même langage à l’égard de John Adams. Une lettre de juillet 1797 écrit ainsi : « Le Président John Adams, sa femme et une suite nombreuse voyagent dans les principales villes de la fédération américaine. Ils y sont accueillis, comme on accueillait jadis dans votre France, Louis XIV ou Henri IV16. » La traduction d’une brochure américaine, intitulée Second Warning, contre le discours prononcé par John Adams à l’ouverture du Congrès au mois de novembre, rappelle que le nouveau président passe pour un partisan déclaré du « dogme si funeste de l’hérédité du pouvoir » et de la Constitution anglaise. L’Amérique doit revenir aux principes défendus par Thomas Paine et rejeter solennellement le « droit absurde de gouverner les peuples, acquis à un scélérat ou à un imbécile, uniquement parce qu’il est le fils d’un individu couronné ».

23Ces critiques féroces contre le régime présidentiel et contre la dérive supposée des institutions américaines expliquent sans doute le très petit nombre de réflexions dans la presse républicaine parisienne sur une possible influence de l’expérience politique et constitutionnelle américaine pour tous les peuples. Il semble que le modèle américain a trouvé ses limites et qu’il a en quelque sorte épuisé ses potentialités démocratiques. On trouve néanmoins dans le Bien Informé, quelques mentions de publication de recueils législatifs en Amérique dont on souhaite qu’ils soient traduits, car « c’est ainsi que les nations libres peuvent se faire un mutuel présent de leur sagesse et de leur expérience ».

  • 17 Ibid., no 28, 9 vendémiaire an VI, p. 2.

« Ainsi, ajoute l’article, dans la fraternité des peuples, on ferait tourner au profit de tous, les lumières législatives de chacun ; où l’on verrait marcher les destinées humaines avec et par les progrès de l’esprit humain. Les anciens rois s’envoyaient des énigmes […]. Les gouvernements républicains doivent s’envoyer des solutions. Ainsi l’ordre social s’avancera vers la perfection17. »

24Mais cette tonalité favorable à l’expérience américaine est très peu présente dans les commentaires de la presse démocrate.

25Si la présidence tend à la monarchie, si l’exécutif se personnalise et usurpe le pouvoir du peuple, c’est, entre autres, par la persistance des préjugés anciens sur l’excellence de la monarchie limitée britannique. Malgré la défaite de 1783, les Anglais sont encore présents – matériellement et politiquement – en Amérique du Nord.

Une république travaillée par la faction et les mœurs anglophiles

  • 18 Thomas Paine, Letter…, op. cit., p. 492.

26Les États-Unis apparaissent comme une république en péril, car divisée entre une faction anglophile et « monocrate » au pouvoir et une opinion francophile et républicaine dépourvue de relais dans les institutions fédérales. Seule la Chambre des représentants semble être le lieu où les vrais républicains peuvent s’exprimer. Selon Paine, malgré l’indépendance, l’influence de l’Angleterre est encore présente dans les institutions républicaines : la Constitution fédérale est dérivée de la forme du gouvernement anglais et ses défauts originels ont produit les mêmes effets. La corruption des institutions impulsée par les anglomanes aboutit à une imitation des vices de la Constitution britannique18.

27La division d’intérêts, d’opinion et de mœurs entre la nation et son gouvernement se double d’une fracture au sein même de l’opinion influencée par l’esprit de commerce hérité de la domination anglaise s’opposant au républicanisme des propriétaires de terres. Cette division se manifeste, selon le Journal des hommes libres, dès la proclamation de neutralité d’avril 1793. En prenant cette décision, « au lieu de prendre le seul parti dicté par l’intérêt personnel, l’honneur et la reconnaissance » (c’est-à-dire en soutenant la République française),

  • 19 JHL, no 135 du 23 ventôse an IV.

« […] le conseil philadelphien fut tout à coup changé en cour européenne. On s’attendait à le voir exprimer, et la vigueur d’une république adulte, et la magnanimité d’une nation neuve et généreuse. Ce gouvernement ne montra qu’une séparation bien décidée entre ses intérêts et ceux du peuple qu’il eût dû servir19 ».

  • 20 Ibid., no 137 du 25 ventôse an IV.

28En prostituant les intérêts nationaux à son anglophilie aristocratique, le gouvernement est devenu rien de plus qu’un groupe de « directeurs américains d’une factorerie anglaise20 ».

  • 21 Journal des Francs, no 5 du 22 messidor an VI.
  • 22 Le résident Adet serait accusé d’être à l’origine de la vague d’incendies qui ravagent les ports a (...)
  • 23 Ibid., no 220 du 21 germinal an VI.
  • 24 Journal des Francs, n ° 5 du 22 messidor an VI.

29Mais le gouvernement américain jouit du soutien d’un « parti anglais très méprisable21 » qui, au fil des numéros, semble prendre de l’assurance. On apprend que ce parti anglophile fait circuler des rumeurs contre les agents français en Amérique22, qu’il poursuit de sa vindicte les Irlandais qui ont échappé aux persécutions23, qu’il tente par tous les moyens d’allumer la guerre entre la France et les États-Unis24, qu’il envoie des adresses de félicitations au président Adams, etc. De l’autre côté, les républicains sont, certes, de bonne volonté, mais ils semblent peu efficaces, du moins en l’an IV et en l’an V. Ainsi, la minorité républicaine du Sénat n’a guère protesté contre les usurpations du pouvoir exécutif. Si elle l’avait fait,

  • 25 JHL, no 33 du 10 frimaire an IV, p. 129.

« […] elle eût terrassé les intrigants et les ambitieux, les corrupteurs et les corrompus qui, là, comme en France, vous parlent toujours de Constitution, mais pour la renverser, qui, là, comme ici, royalistes dans le cœur, et constitutionnels de bouche, traitent les républicains d’anarchistes et d’exagérés, qui, à Philadelphie, comme à Paris, ont des conjurations à tiroir pour l’occasion25… »

  • 26 BI, no du 29 fructidor an V.
  • 27 Ibid., no 19, lettre du 4 août 1797.
  • 28 Ibid., no 25, Lettre de Paine au Bien Informé, p. 2.

30Le vrai républicanisme se trouve dans les clubs, les réunions patriotiques, chez les quelques dirigeants républicains qui n’ont pas encore été destitués. Le Bien Informé rend régulièrement compte des réunions patriotiques, comme celle se tenant, par exemple, à New York le 4 juillet 1797. La « société démocratique » de la ville y porte des toasts à « la paix et la liberté de toutes les nations républicaines », à Thomas Jefferson l’« homme du peuple », à Buonaparte « plus grand encore comme pacificateur que par ses innombrables triomphes militaires », à Thomas Paine, aux patriotes irlandais. On fait des vœux tels que ceux-ci : « Puisse le génie de la liberté ne permettre pas que le gouvernement des États-Unis affecte le ton impérieux de la Maison d’Autriche, pour ne pas éprouver les fatales injures de cet empire dégradé » ou plus simplement « que la bonne entente à l’instant se rétablisse entre les républiques sœurs, l’Amérique et la France26 ! » La presse parisienne s’intéresse en particulier à Monroe, en butte aux attaques de la faction anglophile après son retour en Amérique. Sa correspondance avec le secrétaire d’État Pickering est reproduite. En se défendant d’avoir mal rempli sa mission à Paris, Monroe fait le procès de la faction dirigeante et sape la légitimité du traité Jay27. C’est la raison pour laquelle Paine écrit une lettre de soutien qui accuse la faction anglophile de vouloir faire porter le chapeau de la dégradation des rapports franco-américains à Monroe, celui-là même qui voulait les améliorer28.

  • 29 Ibid., no 261 du 2 prairial an VI.
  • 30 Ibid., no 199 du 30 ventôse an VI.
  • 31 Ibid., no 278 du 19 prairial an VI
  • 32 JHL, no 38 du 8 messidor an V.
  • 33 Ibid.

31Le « parti français », c’est-à-dire le « parti américain » comme l’écrit le Bien Informé en prairial an VI29, est invariablement présenté comme l’expression de l’opinion majoritaire du peuple des États-Unis, opprimée par la faction anglophile au pouvoir ; mais malgré la répression, elle est toujours plus forte si l’on en croit les nouvelles publiées par les démocrates30. Les sept huitièmes des Américains sont « amis des républicains français » et l’Amérique va retrouver ses « véritables couleurs » quand les monocrates auront été chassés du pouvoir31. La plupart des officiers de la marine militaire et de l’armée de terre sont attachés à la France32. La France a pour elle « les cultivateurs, tous liberticoles », l’Angleterre ne compte parmi ses partisans que « la pépinière du Peerage, composée de riches planteurs, de négociants avides, de propriétaires d’hommes et d’émigrés pardonnés, c’est-à-dire la canaille par excellence33 ».

32Le Bien Informé reproduit une correspondance de Boston, datée du 2 février 1798, qui montre comment le gouvernement anglophile enfreint, mais sans succès, la liberté d’expression :

  • 34 BI, no 202 du 3 germinal an VI.

« Il vient de se manifester dans l’état de Vermont, des symptômes alarmants. Plusieurs particuliers ont planté l’arbre de la liberté à Wallingford, et pendant cette cérémonie, on a parlé du Congrès, et surtout du Président des États-Unis, à peu près comme on parlait à Paris de la Cour de France en 1789. Les amis du gouvernement se sont avancés en force pour dissiper cette réunion républicaine, la lutte a été des plus violentes, mais le nombre a fini par l’emporter. Les alarmistes vainqueurs ont coupé l’arbre de la liberté, l’ont livré aux flammes, et en ont dispersé les cendres dans les airs. Il paraît que des scènes à peu près semblables ont eu lieu dans l’état de New York. Au surplus, la dissension et le mécontentement sont à l’ordre du jour dans les États-Unis. Le parti français acquiert de jour en jour une prépondérance imposante34. »

33Comme en France, suggère la presse démocrate parisienne, les atteintes à la liberté de réunion et d’expression sont vouées à l’échec, malgré la promulgation des Alien and Sedition Acts en juin-juillet 1798 qui semble prouver que les États-Unis ne sont plus une terre de liberté, mais l’ignoble imitateur de l’Angleterre de l’Alien Bill. La défense des libertés de réunion et d’expression en Amérique sont bien évidemment un clin d’œil appuyé adressé au Directoire qui surveille d’un peu trop près la presse républicaine à Paris même.

  • 35 JHL, no 5 du 12 brumaire IV, p. 18.

34L’aristocratie américaine tend naturellement à se rapprocher de sa contrepartie anglaise, y compris dans les formes de communication entre elles. Dans la longue critique du traité Jay publiée par le Journal des hommes libres en l’an IV, l’auteur insiste sur le caractère aristocratique du langage employé par le négociateur américain : Jay « a préféré le style menteur, ampoulé et astucieux des tyrans » au lieu du langage républicain35. Les termes d’« excellences », l’étiquette ridicule respectée par le président de la Cour suprême dans sa négociation à Londres sont autant de preuves d’une volonté des monocrates d’imposer un style aristocratique à la République fédérale.

  • 36 Ibid., no 36 du 23 thermidor an VI.
  • 37 BI, no 227 du 28 germinal an VI.

35Les mœurs républicaines sont-elles déjà affectées par l’aristocratisme des dirigeants fédéraux ? On en cherche les indices, y compris dans les petits détails de la vie politique. Ainsi, une lettre rendant compte de l’accueil enthousiaste réservé à Kosciuszko par une partie du peuple, fustige l’« usage anglais » qui consiste à s’atteler à la voiture d’une personnalité pour lui faire honneur. De vrais républicains ne devraient pas se ravaler à la bestialité pour un général ou un ambassadeur. La conclusion de ce fait divers est sévère : « républicains d’Amérique, vos mœurs dégénèrent ». De même, le spoil system à l’anglaise se manifeste dans les emplois a priori les moins exposés. Témoin, cette affaire qui touche un certain Howard, chapelain de la Chambre des représentants du New Hampshire, et « connu pour un zélé partisan de la France » qui « s’étant servi […], dans la prière qu’il a faite à l’ouverture des séances, de certaines expressions qui ont déplu à la Chambre, et ayant omis de prier pour le président des États-Unis, elle a voté qu’elle ne voulait plus de ses services36 ». Les mœurs anglaises et la lutte des factions accentuent la violence de la vie politique américaine. Les prétendus sages et flegmatiques américains en viennent aux mains : « Dignes amis, écrit une lettre publiée le 28 germinal an VI, vous rougiriez de nos derniers débats. Coups de poing, coups de bâton, coups de pincettes ; Lyon de l’État de Vermont, a craché au visage de Greswold de l’État de Connecticut37. » On se bat, mais on n’écrit plus par peur des représailles, dit une lettre du 12 ventôse an VI :

  • 38 Ibid., no 231 du 2 floréal an VI.

« Il y a ici famine de la parole, comme aux temps désastreux de la plus atroce tyrannie. Lisez les pamphlets dégoûtants de tant de plumes serviles, prostituées à Pitt, à son cher John Adams, vous y verrez la rage et l’esprit de vengeance, réunis à l’obéissance passive et à la non-résistance envers l’oppresseur. Il faut se taire, parler est trahison38. »

36La société américaine est donc travaillée par la dégénérescence anglaise qui se manifeste même dans la recrudescence du crime, comme l’écrit une lettre du 13 prairial qui évoque la déchéance de l’esprit républicain :

  • 39 Ibid., no 313 du 24 messidor an VI.

« Il s’est commis dans l’Amérique septentrionale, depuis quinze mois, plus de meurtres, de suicides, de vols, etc. que dans le cours des sept années précédentes. Nos papiers, devenus trop semblables à ceux de l’Angleterre, rapportent chaque jour des exemples révoltants de l’excès d’immoralité auquel nous sommes parvenus39. »

  • 40 Ibid., no 123 du 14 nivôse an VI

37Formant un contrepoint à cette déliquescence politique et sociale, on met en valeur la simplicité – et la francophilie supposée – des nations indiennes. Ainsi, le Bien Informé publie une correspondance de Baltimore datée du 11 novembre 1797 qui fait état de l’adoption des « couleurs nationales de la République française » par le peuple des Kaskaskias qui se nomment eux-mêmes les « sans-culottes » ! La même lettre affirme qu’une grande partie de la contrée des Natchez arbore aussi les couleurs françaises. L’auteur en conclut que « ces mouvements aux frontières des États-Unis, rapprochés du mécontentement de l’intérieur et de l’obstination du gouvernement en faveur de l’Angleterre semblent présager une secousse politique ». C’est pourquoi les partisans de l’Angleterre ont trouvé cette action exécrable et un de leurs journalistes a osé imprimer « qu’il était à désirer que le général Wilkinson décorât un poteau des têtes de quelques-uns de ces rebelles, pour tenir lieu de bonnets de la liberté40 ».

38L’influence du « parti anglais » est renforcée par la politique du gouvernement américain qui tente par tous les moyens de se rapprocher de Londres et favorise ainsi la pénétration des principes liberticides venant de Grande-Bretagne. En témoigne selon la presse parisienne, les articles du traité Jay consacrés aux ci-devant loyalistes. En effet, il leur permet, ainsi qu’aux Tories et aux Anglais proprement dits, de faire leur retour sur le sol américain. Ils peuvent ainsi s’infiltrer et prospérer aux États-Unis, menaçant ainsi d’infecter la république de leurs mœurs aristocratiques. Le traité Jay prévoyait effectivement l’indemnisation des loyalistes, assimilés par les journaux républicains aux émigrés français, et permettait aux Anglais de s’installer et de commercer librement :

  • 41 JHL, no 18 du 25 brumaire an IV.

« L’Amérique, à peine cicatrisée de ses blessures, aime et embrasse ses assassins anglais, royalistes, émigrés. […] Elle souffre dans son sein un noyau de conspirations, un principe cancéreux de révolte, en permettant que des sujets britanniques restent sur le territoire américain […]. Les sujets de George, sans aucune exception de lieu et de personnes, peuvent se répandre dans tous les États de l’Union, y renouer d’horribles intrigues, y souffler le feu dévastateur de la royauté et y éteindre la flamme sacrée du républicanisme41. »

  • 42 Ibid., no 42 du 19 frimaire an IV, p. 165.
  • 43 Ibid., no du 16 vendémiaire an VIII.

39Conséquence : les marchands anglais vont s’emparer de tout le commerce intérieur de l’Amérique. La corruption engendrée par la permission accordée aux Anglais de posséder des terres en Amérique prépare une invasion silencieuse et une sorte de restauration rampante de la domination anglaise, de l’aristocratie et de la monarchie, d’autant que les riches Américains pourront désormais, eux aussi, posséder des terres réputées nobles dans les possessions anglaises, important en Amérique le poison de la noblesse42. L’influence « mercantile », funeste conséquence des liaisons historiques entre l’Angleterre et l’Amérique a jeté de « profondes racines dans les cœurs de la partie commerçante » des Américains43. C’est elle la cause fondamentale de l’activité de la faction anglaise.

40La République américaine apparaît donc comme une république divisée, faible, en sursis, rongée de l’intérieur par les mœurs, les pratiques et les idées anglomanes. La résistance des « vrais républicains », auxquels les républicains démocrates s’identifient et apportent leur soutien, est la seule cause de la persistance de la République fédérale, qui sans eux, s’abîmerait sans retour dans une restauration monarchique et anglaise.

Une république traîtresse à la cause de l’humanité

41Le thème le plus fréquent dans la presse des démocrates parisiens est évidemment celui de l’ingratitude envers la France. Il se combine avec celui de l’abandon de la cause du droit des gens et de l’humanité dont la République française se veut l’avant-garde.

  • 44 Alan Potofsky, « The Transatlantic Political Economy : French “Interests” and the Debate Over the (...)

42Il serait assez fastidieux d’accumuler les citations qui mettent en avant l’ingratitude du gouvernement américain envers la France. Le thème est un véritable leitmotiv des écrits sur les États-Unis depuis 1793. L’importante dette financière des États-Unis depuis la guerre d’Indépendance est évidemment rappelée, comme la participation militaire et politique à l’émancipation des Treize colonies44. En l’an IV, le Journal des hommes libres défend l’action de Genet qui s’est dépensé pour renouer les liens entre la France et les États-Unis « pour obtenir des à-comptes [sic] d’une dette arrosée de notre sang », mais la gratitude est une vertu trop républicaine pour George Ier d’Amérique : « Ah ! fi donc ! Est-il du bon ton des monarchiques [sic] et des gouvernements, d’être fidèles à leurs promesses, de pratiquer les vertus démocratiques, d’être reconnaissants. Oh ! Cela ressemblerait par trop à la bourgeoisie des républiques. » L’ingratitude américaine produira le remords et peut-être sera-t-elle une amère leçon pour tous les peuples, faisant ainsi reculer l’esprit de solidarité qui doit les animer :

  • 45 JHL, no 26 du 3 frimaire an IV, p. 101.

« Combien il est amer pour vous que la nation qui méritait au plus haut degré votre confiance, et votre amour, vous reproche tout ce que vous avez fait contre elle. Pourquoi, faisant un pacte avec le geôlier de la Tour de Londres, dira-t-elle, avez-vous dédaigné de renouveler vos traités avec les destructeurs des Bastille ? Enchaînée, je rompis vos fers – vous êtes libres, et vous traitez avec mes ennemis et les vôtres ! Déterrez les corps de mes fils, morts pour votre liberté, et renvoyez-les dans une terre plus digne de les posséder. Ainsi la République française vous parlera, et vous vous direz, en vous frappant la poitrine : il n’est point de remords plus cuisant que ceux qu’aiguise l’ingratitude45. »

43En proclamant la neutralité, le gouvernement américain est directement coupable de la poursuite de la guerre entre la France et l’Angleterre :

  • 46 Ibid., no 133 du 21 ventôse an IV, p. 533.

« Si le gouvernement américain des États-Unis avait, en février 1793, embrassé la cause de la République française, si, alors que nous saisissions les bâtiments anglais immobilisés dans nos ports, le génie de Philadelphie se fût entendu avec le nôtre pour l’imiter, si, profitant de la plus belle occasion depuis son indépendance, il eût puni son ancien tyran de sa mauvaise foi à exécuter le traité de 1783, en s’emparant de 7 000 matelots disséminés dans ses havres, de 800 navires et de leurs cargaisons, des propriétés britanniques mobiliaires [sic] et territoriales, des postes du Nord-Ouest et du Canada, une commotion épouvantable se fût fait sentir à Londres, la gangrèneuse banqueroute, qui menace depuis si longtemps cette ville altière, eût hâté ses mortels ravages, la paix eût été le seul palliatif, l’unique ressource du Neptune imbécile de la Tamise, et Washington eût eu la gloire de rendre l’Europe à sa tranquillité, et les nations à leur libre arbitre46. »

  • 47 Ibid., no 7 du 14 brumaire an IV, p. 25.

44Pourtant la Chambre des représentants avait voté dès 1793, le principe des représailles contre l’Angleterre en cas d’infraction aux droits des neutres, mais « Georges Ier » et le Sénat ont répliqué par la signature du traité Jay et en « foulant aux pieds le traité avec la France, leur alliée naturelle, et à laquelle ils devaient une indissociable amitié, une reconnaissance éternelle47 ».

  • 48 Ibid., nos 37 et 38 des 7 et 8 messidor an V.

45Le 2 messidor an V, le clichyen Pastoret prononce un long discours contre la politique extérieure du Directoire et en particulier contre sa politique de représailles contre les navires américains après la signature du traité Jay. Cette campagne suscite de longs commentaires dans la presse démocrate qui accuse le gouvernement américain et affirme leur soutien au Directoire. Le Journal des hommes libres affuble Pastoret du surnom de « Pastorello Fantoccini » et fustige sa sollicitude envers les Américains comme une misérable pantalonnade. L’ingratitude est encore au centre du discours républicain : le gouvernement américain est perfide et faible et a cherché à poignarder la République dans le dos en utilisant « toutes les manouvres obscures et indélicates48 ». Le journal défend intégralement l’action de Genet et de ses successeurs, Fauchet et Adet. La campagne de Pastoret, Ségur et consorts n’est que le fruit de l’agitation des « stipendiés » de Washington et « d’un grand nombre de contre-révolutionnaires français qui ont placé dans la banque de Philadelphie, ou leur numéraire ou le fruit de leurs dilapidations ». Ces bandes s’unissent aux « prédicateurs britanniques » et aux colons de Saint-Domingue, « lâches caméléons » qui ont juré fidélité aux Anglais, aux Américains et à la République, pour accuser injustement le Directoire.

  • 49 BI, no 261 du 2 prairial an VI.
  • 50 Ibid., no 280 du 21 prairial an VI, p. 3 sqq. + supplément.

46À l’automne 1797, la presse républicaine soutient toujours la politique américaine du Directoire et approuve le renvoi des émissaires américains. Même lors de l’affaire XYZ, pourtant peu glorieuse pour le Directoire et Talleyrand, la presse républicaine défend, dans un premier temps, sans état d’âme, le point de vue de l’ingratitude américaine. Le président Adams est dépeint comme un boutefeu cherchant tous les moyens pour déclarer la guerre à la France qui se refuse à combattre une autre république, quand bien même celle-ci serait en proie aux agissements d’une faction monocrate et anglophile, soutenue par les agioteurs et les « guerroyeurs49 ». Progressivement, à partir de prairial an VI, les démocrates admettent néanmoins que des « erreurs » ont été commises. On rejette la faute non sur le Directoire, mais sur les fameux XYZ dont les Américains auraient dû se méfier, puis sur Talleyrand, bête noire de la presse « avancée ». La France doit rechercher à rétablir l’harmonie républicaine pour rassembler les peuples libres contre les oppresseurs de l’humanité. Une guerre entre la République française et les États-Unis ne doit pas se déclencher sur un tel malentendu. La France doit refuser de porter le coup fatal, elle appelle l’univers comme juge de la querelle franco-américaine et cherche à défendre le bonheur des deux Républiques50.

  • 51 Ibid., no 338 du 19 thermidor an VI, supplément p. 2 sqq., no 346 du 28 thermidor an VI.

47Pour aboutir à un apaisement, la presse met en valeur les écrits et la correspondance de Gerry resté en France51, mais aussi l’activité du parti républicain en faveur de la paix. Le va-t-en-guerre Adams peut bien mobiliser sa marine, le peuple ne se presse pas pour s’enrôler :

  • 52 Ibid., no 364 du 15 fructidor an VI.

« Ils ont déjà dans leurs armées quelques volontaires à bas de soie, mais les planteurs, mais les agriculteurs, mais les véritables Américains n’ont pas encore été séduits, et le gouvernement ne pourra jamais les déterminer à prendre les armes sous la tente, tant que la guerre ne sera pas déclarée au peuple américain52… »

  • 53 Ibid., no 370 du 21 fructidor an VI.

48Malgré l’infernale activité du parti anglais « pour jeter au sein de l’Amérique, tous les ferments d’une haine éternelle et nationale entre la France et l’Amérique », les républicains empêcheront la guerre53.

  • 54 JHL, no 21 du 28 brumaire an IV, p. 77.
  • 55 Marc Belissa, « La diplomatie américaine et les principes du droit des gens », Revue d’histoire di (...)
  • 56 JHL, no 49 du 26 frimaire an IV sqq.

49Le gouvernement américain n’est pas seulement ingrat envers la France, il est aussi traître envers les droits de tous les peuples. Avec le traité Jay, le principe premier du droit des gens – l’égalité des nations – est remis en cause. Le numéro du 19 brumaire an IV du Journal des hommes libres publie une lettre dans laquelle des citoyens assemblés en Caroline du Nord le déclarent nul du fait qu’il ne possède « aucun caractère de réciprocité qui doit être la base de tout contrat ». Il s’agit d’un traité inégal, puisque par exemple les Anglais peuvent commercer librement, mais les Américains sont exclus du trafic de la baie d’Hudson et n’obtiennent pas la libre navigation des navires de tous tonnages sur les fleuves du Canada54. Ce faisant, le gouvernement américain tourne le dos à toute la stratégie de défense des droits des nations, et en particulier des neutres, au centre des principes de la politique extérieure américaine depuis l’origine55. Les commentateurs français du traité remarquent ainsi que les Américains capitulent totalement sur le principe du free ships free goods, et même sur la définition de la contrebande qui inclut les provisions de bouche, contrairement au traité franco-américain de 1778, extrêmement libéral en la matière56.

50Les dirigeants américains ne trafiquent pas seulement les droits des neutres, mais aussi ceux des droits territoriaux des Indiens. Dans son commentaire sur l’article IV du traité Jay, le rédacteur du Journal des hommes libres en fait un crime capital contre le droit des gens, comparant cette attitude avec celle, passée en mythe, de William Penn :

  • 57 Ibid., no 24 du 1er frimaire IV, p. 93.

« Comment le chef de la justice d’une nation émancipée ose-t-il traiter de la propriété des Indiens de la Nord-Amérique, donner au roi anglais ou aux États-Unis, d’un coup de plume, le territoire des nations aborigènes, des nations aussi indépendantes que la République française ? En 1700, Guillaume Penn traite avec les Indiens la vente de leurs terres, et leurs anciens (sachems) en reçoivent le prix. En 1795, John Jay, le ministre représentatif de 15 républiques, se partage avec l’Angleterre un territoire immense, et les sociétés ou tribus, auquel il appartient. Ainsi, le Pape donnait à l’Espagne les découvertes des hommes et des terres à l’Occident, et au Portugal celles de l’Orient. La Pologne n’a point été partagée aussi lestement57. »

51Le crime profite d’abord aux agioteurs et aux spéculateurs qui peuplent les allées du gouvernement :

  • 58 Ibid., no 25 du 2 frimaire an IV, p. 97.

« O servants des nations et des républiques, quand cesserez-vous de les vendre à l’encan, de les écorcher […] ? Et vous, John Jay, l’ami pacificus de Benedict Arnold, Hamilton, le Calonne des États-Unis, n’avez-vous pas assez de beaux titres, sans envier encore ceux de marchands d’hommes et de brocanteur de terres ? Si vous eussiez refusé d’agioter sur les sauvages et sur le lac des Bois, craigniez-vous que l’orfèvre de la couronne eût dépareillé la magnifique argenterie que votre excellence a apportée à New York58 ? »

Conclusion

52L’image de la République fédérale américaine dans la presse démocrate sous le Directoire est donc très négative : la présence d’un exécutif individuel incarné dans le président, une dérive des institutions allant dans le sens d’une personnalisation du pouvoir, des factions se constituant en « partis » dominant le pouvoir législatif, un esprit mercantile et semi-aristocratique influencé par l’Angleterre, un mépris des principes des droits de l’humanité et des neutres, une ingratitude élevée au rang de principe, tous ces éléments fonctionnent plutôt comme des repoussoirs pour l’opinion « avancée », et ce malgré une confiance sans cesse réaffirmée dans la capacité des « vrais républicains » américains à renverser le rapport de forces en leur faveur. Les États-Unis sont donc une république en danger, mais qui peut encore se reprendre grâce à l’action énergique des vrais amis du peuple. Même si formellement, les institutions et l’expérience américaines ne sont pas directement utilisées dans la réflexion sur les modèles républicains dans la presse démocrate, la question du rôle de l’exécutif et celle de la légitimité ou non des « partis » dans une république bien ordonnée est évidemment influencée par l’image qu’on se fait des États-Unis chez les républicains sous le Directoire. La revendication démocratique des républicains parisiens à l’égard de ce qu’ils analysent comme une tentation « modérée » permanente du Directoire est nourrie par l’expérience de la dérive « monocratique » de la République américaine. Certes, la République française n’a pas de président, mais elle est également travaillée par les factions, clichyenne, modérée, royaliste, etc. Elle est également en danger de succomber à leurs coups. Comme les républicains américains, les démocrates parisiens ont, eux aussi, à combattre sur deux fronts, contre l’ennemi contre-révolutionnaire et contre les tentations autoritaires de leur propre gouvernement. Les démocrates parisiens voient donc dans les républicains comme Monroe, Jefferson ou Madison des amis du peuple, combattant pour la même cause.

  • 59 Depuis la rédaction de cette communication, Bronislaw Baczko a largement traité des usages de la f (...)

53Les effets de miroir entre Républiques américaine et française sont tout aussi évidents dans les mois qui suivent Brumaire59.

54Quand William Vans Murray arrive à Paris pour négocier la fin de la Undeclared War, la république directoriale est tombée et Bonaparte entend prendre un tournant spectaculaire dans les relations franco-américaines. Ce tournant n’est pourtant pas à mettre à son seul crédit. En effet, pendant la crise franco-américaine, les discussions informelles se sont poursuivies à l’initiative de Talleyrand entre autres, et surtout l’évolution de la situation politique aux États-Unis a quelque peu adouci l’attitude martiale du président Adams.

55Pour Bonaparte qui entend réintégrer la « famille » des États européens, il faut donner une image pacifiée de la diplomatie française. Un des aspects du tournant diplomatique du Consulat est justement la normalisation des rapports avec les puissances neutres, et avec les États-Unis en tête. Pour cela, il faut répudier l’image sombre d’une République américaine sur la voie de la dégénérescence anglophile et monocrate, et au contraire, réhabiliter les relations transatlantiques (en relation évidemment avec les projets coloniaux du moment). La mort de Washington le 14 décembre 1799 est l’occasion rêvée de manifester ce tournant tout en utilisant l’image du grand homme de guerre devenu chef de l’exécutif civil après la paix, comme pour donner une légitimité supplémentaire à l’autre apprenti Cincinnatus : Bonaparte lui-même. Le Premier consul ordonne donc un deuil national, des hommages particuliers sont rendus au buste du grand homme, etc.

  • 60 Ibid., no 125 du 11 germinal an VIII.

56Alors que la presse républicaine sous le Directoire vouait aux gémonies « George Ier d’Amérique », complice des anglophiles et chef des monocrates, la mort de l’ancien président suscite une foule d’articles laudateurs. On publie son testament dans le Journal des hommes libres et dans le Bien Informé (tous deux encore en sursis pour quelque temps) et on n’hésite pas à écrire que Washington est « l’éternel honneur de son pays et de son siècle60 » Du rejet du président-roi, des factions et de la dérive autoritaire sous le Directoire, la presse républicaine – sous surveillance étroite désormais – est passée en 1800 à l’apologie du grand homme qui incarne l’exécutif et la nation sous le Consulat. On le voit, la République américaine est donc bien un des miroirs dans lesquels la République directoriale, puis consulaire, s’est regardée.

Notes

1 Ulane Bonnel, La France, les États-Unis et la guerre de course (1797-1815), Paris, 1961 ; Albert Hall Bowman, The Struggle for Neutrality : Franco-American Diplomacy during the Federalist Era, Knoxville, University of Tennessee Press, 1974 ; Alexandre De Conde, The Quasi-War, the Politics and Diplomacy of the Undeclared War with France, 1797-1801, New York, 1966 ; David C. Hendrickson et Robert W. Tucker, The Empire of Liberty, New York, Oxford University Press, 1990 ; Lawrence S. Kaplan, Colonies into Nation : American Diplomacy 1763-1801, New York, 1972 ; Ernest W. Lyon, « The Directory and the United States », American Historical Review, XLII, 1938, no 3 ; Peter et Nicholas ONUF, Federal Union, Modern World. The Law of Nations in an Age of Revolution 1776-1814, New York, 1993 ; Marie-Jeanne Rossignol, Le ferment nationaliste. Aux origines de la politique extérieure des États-Unis 1789-1812, Paris, Belin, 1994 ; Grégory Solovieff, « Les relations franco-américaines entre 1775 et 1800 », Annales historiques de la Révolution française, 1983, p. 114-129.

2 Max Fajn, « Le journal des hommes libres de tous les pays et les relations diplomatiques entre la France et les États-Unis en 1792 et 1800 », Revue d’histoire diplomatique, 1971, p. 116-126 ; The Journal des hommes libres de tous les pays (1792-1800), Paris, La Haye, 1975.

3 Par exemple, une lettre d’Amérique datée du 12 ventôse an VI est publiée par le Bien Informé (ci-après BI) du 2 floréal et reprise telle quelle par le Républicain (un des titres avatars du Journal des hommes libres de tous les pays, ci-après JHL) du lendemain.

4 En remplacement de gouverneur Morris, l’ambassadeur des États-Unis à Paris, un contre-révolutionnaire notoire qui protégeait les émigrés et avait organisé un plan d’évasion de Louis XVI.

5 Thomas Jefferson, Writings, New York, 1894, t. VI, p. 153-156, lettre du 3 janvier 1793.

6 JHL, no 5, 12 brumaire an IV, p. 18.

7 Ibid., no 17, 24 brumaire IV, p. 65. Jumonville était un officier français tué en 1753 par un détachement anglo-américain commandé par Washington, alors, semble-t-il, qu’il cherchait à entamer une négociation. L’affaire avait été utilisée par les Français pour illustrer la « barbarie » anglaise dans la guerre de Sept Ans. La réputation de Washington était donc exécrable parmi les Français d’Amérique.

8 BI, no 71, 22 brumaire an VI.

9 Thomas Paine, « Letter to George Washington », The Thomas Paine reader, Londres, Penguin, 1987, p. 491.

10 JHL, no 32 du 9 frimaire, p. 125.

11 Ibid., no 25 du 2 frimaire an IV, p. 97.

12 Ibid., no 31 du 8 frimaire an IV, p. 121.

13 Ibid., no 33 du 10 frimaire an IV, p. 129.

14 Ibid., no 41 du 18 frimaire an IV, p. 161.

15 Ibid., no 8 du 8 messidor an V.

16 BI, no 25, 6 vendémiaire an VI.

17 Ibid., no 28, 9 vendémiaire an VI, p. 2.

18 Thomas Paine, Letter…, op. cit., p. 492.

19 JHL, no 135 du 23 ventôse an IV.

20 Ibid., no 137 du 25 ventôse an IV.

21 Journal des Francs, no 5 du 22 messidor an VI.

22 Le résident Adet serait accusé d’être à l’origine de la vague d’incendies qui ravagent les ports américains ! Voir le BI, no 25 du 6 vendémiaire an VI.

23 Ibid., no 220 du 21 germinal an VI.

24 Journal des Francs, n ° 5 du 22 messidor an VI.

25 JHL, no 33 du 10 frimaire an IV, p. 129.

26 BI, no du 29 fructidor an V.

27 Ibid., no 19, lettre du 4 août 1797.

28 Ibid., no 25, Lettre de Paine au Bien Informé, p. 2.

29 Ibid., no 261 du 2 prairial an VI.

30 Ibid., no 199 du 30 ventôse an VI.

31 Ibid., no 278 du 19 prairial an VI

32 JHL, no 38 du 8 messidor an V.

33 Ibid.

34 BI, no 202 du 3 germinal an VI.

35 JHL, no 5 du 12 brumaire IV, p. 18.

36 Ibid., no 36 du 23 thermidor an VI.

37 BI, no 227 du 28 germinal an VI.

38 Ibid., no 231 du 2 floréal an VI.

39 Ibid., no 313 du 24 messidor an VI.

40 Ibid., no 123 du 14 nivôse an VI

41 JHL, no 18 du 25 brumaire an IV.

42 Ibid., no 42 du 19 frimaire an IV, p. 165.

43 Ibid., no du 16 vendémiaire an VIII.

44 Alan Potofsky, « The Transatlantic Political Economy : French “Interests” and the Debate Over the US Debt 1777-1795 », Transatlantica, 2, 2002, revue en ligne, « The Political Economy of the French-American Debt Debate : The Ideological Uses of Atlantic commerce, 1787 to 1800 », William and Mary Quaterly, 3e série, vol. LXIII, no 3, juillet 2006, p. 489-515.

45 JHL, no 26 du 3 frimaire an IV, p. 101.

46 Ibid., no 133 du 21 ventôse an IV, p. 533.

47 Ibid., no 7 du 14 brumaire an IV, p. 25.

48 Ibid., nos 37 et 38 des 7 et 8 messidor an V.

49 BI, no 261 du 2 prairial an VI.

50 Ibid., no 280 du 21 prairial an VI, p. 3 sqq. + supplément.

51 Ibid., no 338 du 19 thermidor an VI, supplément p. 2 sqq., no 346 du 28 thermidor an VI.

52 Ibid., no 364 du 15 fructidor an VI.

53 Ibid., no 370 du 21 fructidor an VI.

54 JHL, no 21 du 28 brumaire an IV, p. 77.

55 Marc Belissa, « La diplomatie américaine et les principes du droit des gens », Revue d’histoire diplomatique, 1997, no 1.

56 JHL, no 49 du 26 frimaire an IV sqq.

57 Ibid., no 24 du 1er frimaire IV, p. 93.

58 Ibid., no 25 du 2 frimaire an IV, p. 97.

59 Depuis la rédaction de cette communication, Bronislaw Baczko a largement traité des usages de la figure de Washington sous le Consulat dans son dernier ouvrage Politiques de la Révolution française, Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire », 2008, p. 535 sqq.

60 Ibid., no 125 du 11 germinal an VIII.

Auteur

Maître de conférences HDR en histoire moderne, à l’université de Paris X Nanterre, membre du CHISCO, chercheur associé à l’IHRF. Il travaille actuellement sur les représentations de l’Europe, les républicanismes, les relations internationales au siècle des Lumières et pendant la Révolution française. Son dernier ouvrage paru est l’édition, l’introduction et les notes de Du gouvernement et des lois de Pologne de Gabriel Bonnot de Mably, Paris, Kimé, 2008.

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search