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Gaullisme et gaullistes

 | 
François Audigier
, 
Frédéric Schwindt

Troisième partie. Personnel politique et élections

Le général Koenig, une figure historique et nationale du gaullisme

Frédéric Turpin

Texte intégral

  • 1 Profession de foi de la liste conduite par Koenig lors de l’élection législative du 2 janvier 1956

« Fidèles à la France, vous voterez Koenig »
Général Koenig1

  • 2 Pour une vue d’ensemble de sa carrière, nous renvoyons à l’article de référence de Philippe Vial : (...)

1La vie du général Koenig constitue un bon exemple de ces destins individuels transfigurés par la France libre et la Seconde guerre mondiale. Dans la continuité de cet engagement fondateur, sa carrière parlementaire et ministérielle (1951-1958) se place tout aussi étroitement sous le sceau du gaullisme. Sa carrière politique ne supporte toutefois pas la comparaison avec ses brillants états de services militaires. L’échec de son ancrage dans le Bas-Rhin en porte notamment témoignage2.

Un héros de la France libre

2Ce fils de facteur d’orgue installé en Normandie mais de souche alsacienne s’engage volontairement pendant la Première guerre mondiale et y reçoit la médaille militaire. Après guerre, il choisit de rester dans l’armée. Mais, faute d’avoir fait Saint-Cyr, Koenig connaît un avancement laborieux. Capitaine en 1940, il est promis à une modeste fin de carrière. C’est la France libre, qu’il rallie dès juin 1940, qui transforme son destin. Jusqu’au printemps 1942, le général Koenig demeure un illustre inconnu pour les Français. Il est vrai qu’il occupe des fonctions à caractère essentiellement militaire. Koenig n’a donc pas les honneurs de la presse pas plus qu’il ne constitue alors un des dirigeants de la France libre et ce malgré sa participation très active aux principales actions militaires de la France libre (échec de Dakar, ralliement du Gabon, campagne de Syrie puis de Libye). Mais si Koenig n’apparaît pas nominalement dans la propagande de la France libre, il connaît parallèlement une carrière administrative fulgurante puisqu’en janvier 1941 il est promu colonel puis en juillet suivant général de brigade.

  • 3 Le Cape Argus du 5 juin 1942 écrit en ce sens : « Le général Joseph Pierre Koenig, le héros de Bir (...)
  • 4 Message du général de Gaulle, 10 juin 1942. Charles de Gaulle, Lettres, notes et carnets. Tome 4, (...)
  • 5 Émission radiophonique de la France libre, direction de l’Information, Londres, 30 mai 1942 : « L’ (...)

3C’est donc Bir Hakeim qui révèle aux Français le nom de Koenig puisque c’est lui qui commande la 1re brigade française libre qui résiste plusieurs jours (27 mai – 11 juin 1942) aux assauts répétés de l’Afrikakorps de Rommel. Il devient désormais et pour la postérité le héros de Bir Hakeim qui rend, aux yeux du monde entier3, son honneur perdu à l’armée française. Ce fait d’armes est toutefois présenté, sur le moment, par la propagande gaulliste et alliée, sous un angle collectif bien que toujours assorti de la mention du chef des « lions de Bir Hakeim4 » : Koenig. Seule note personnelle, la propagande insiste sur son origine : il est Alsacien. L’émission radiophonique de la France libre du 29 mai 1942 célèbre en ce sens le « jeune général » Koenig : « un des nôtres – Français d’Alsace – et qui ne rengainera pas son épée avant d’avoir rendu Strasbourg, Colmar et Mulhouse à la France5. » À partir de là, pour les besoins de la propagande, le nom de Koenig est associé à l’Alsace, bien qu’il n’y soit pas né – il naît à Caen en 1898 –, qu’il n’y ait pas vécu et qu’il ne soit pas dialectophone.

  • 6 Raymond Triboulet, Un gaulliste de la IVe, Paris, Plon, 1985, p. 117-118.
  • 7 Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La France libre : de l’appel du 18 juin à la Libération, Paris, Galli (...)

4Koenig n’est pas seulement une grande figure du gaullisme historique, qui appartient à la catégorie des combattants, le « héros de Bir Hakeim ». Il acquiert également, au cours de la Seconde guerre mondiale, une stature qui lui est propre. En effet, en avril 1944, il est nommé commandant des Forces françaises de l’Intérieur (FFI). Jusqu’à la libération de Paris, en août, son rôle s’avère « décisif pour fusionner armée et résistance6 ». Peut-être plus qu’aucun autre dirigeant de la France libre, il bénéficie de l’aura de la résistance intérieure et entretient avec elle de bons rapports. Le style de commandement de Koenig y est certainement pour beaucoup : le « vieux lapin », comme ses hommes le surnomment7, sait rester humble et proche de ses troupes tant au sein de la France libre qu’avec les FFI.

  • 8 Claude Mauriac, Un autre De Gaulle. Journal 1944-1954, Paris, Hachette, 1971, p. 243.

5Mais, Koenig est et demeure avant tout fidèle à son chef : le général de Gaulle. En juillet 1945, celui-ci le nomme commandant des Forces françaises en Allemagne, fonction qu’il occupe jusqu’en août 1949. Pour le Général, il s’agit de disposer à des postes stratégiques d’hommes sûrs comme il l’explique à Gaston Palewski, le 11 décembre 1946 : « Dans l’actuelle, et il faut l’espérer, provisoire défaillance de l’État, il y a trois points vitaux qui sont essentiels à préserver : l’Allemagne, l’Afrique du Nord, l’Indochine. Or, trois triumvirs y sont heureusement placés : Koenig, Leclerc, d’Argenlieu8. »

Du gaullisme de guerre au gaullisme politique

  • 9 Lettre du général Koenig au secrétaire d’État aux Forces armées « Guerre », 24 février 1951. Servi (...)

6Proconsul de France en Allemagne, Koenig ne participe pas à l’aventure militante du Rassemblement du Peuple Français dans ses premières années d’existence. Il appartient à cette catégorie de gaullistes demeurés à des postes sensibles dans l’État, ce qui suscite méfiance et suspicion de la part des responsables gouvernementaux de la « troisième force ». Il est vrai que l’homme affiche ouvertement sa fidélité au Général en étant présent à ses côtés à Bayeux, le 16 juin 1946, ou encore à Strasbourg les 6 et 7 avril 1947. Le mouvement le revendique d’ailleurs comme un des siens. Par exemple, L’Étincelle du 30 mai 1947 consacre une page entière à l’anniversaire de Bir Hakeim avec une grande photo du général Koenig. Dans la lutte à mort à laquelle se livrent les tenants de la IVe République et le RPF, le général Koenig voit bientôt sa carrière barrée par sa fidélité gaulliste. Ainsi, lorsqu’il quitte son commandement en Allemagne, il est nommé inspecteur général des Forces (interarmées) d’Afrique du Nord et, parallèlement, vice-président du Conseil supérieur de la Guerre. De son propre aveu, « privé de toute responsabilité » et simplement « habilité à donner des conseils9 », Koenig décide de franchir le pas et d’entrer pleinement dans l’arène politique aux côtés du général de Gaulle et de son mouvement.

  • 10 Carrefour, 29 mai 1951, cité dans Louis-Gabriel Robinet, Koenig, un chevalier, Paris, Éditions Fra (...)

7Le général Koenig intègre donc dans une deuxième vague le RPF, comme par exemple un autre héros de la France libre, le général Billotte, une fois épuisées les possibilités d’action au sein de la IVe République et sa « placardisation » effective. Pour le « héros de Bir Hakeim », il s’agit d’apporter une nouvelle et plus efficace contribution au redressement de la France, notamment en matière de défense. « J’ai quitté – se justifie-t-il – la “Grande Muette” pour dire la vérité au pays. Une France mal défendue appelle l’invasion. Il faut réarmer sans délai pour que celle-ci ne soit ni “coréanisée” ni “soviétisée”10. » En cela, il inscrit parfaitement sa démarche personnelle dans l’action engagée depuis 1947 par le général de Gaulle et ses compagnons du RPF. Ardent patriote marqué au fer rouge par la défaite de 1940 et inquiet des risques encourus par la France face au danger soviétique, Koenig est et demeure fidèle au général de Gaulle et à « une certaine idée de la France ».

  • 11 Jean Charlot, Le gaullisme d’opposition. 1946-1958. Histoire du gaullisme, Paris, Fayard, 1983, p. (...)
  • 12 Ils ont été élus lors du scrutin du 10 novembre 1946 sur une liste UDSR-Union gaulliste et rejoign (...)
  • 13 Nancy Oudenot, Le Rassemblement du Peuple Français dans le Bas-Rhin, Mémoire de maîtrise sous la d (...)
  • 14 Note de Jacques Baumel sur le résultat des élections de Sarre-Union et la situation du Bas-Rhin, P (...)
  • 15 André Astoux, L’oubli. De Gaulle. 1946-1958, Paris, Jean-Claude Lattès, 1974, p. 255-256. Nancy Ou (...)

8À la demande du Général, il accepte, après une longue hésitation, de se présenter aux élections législatives de juin 195111. Fort de sa stature nationale, il lui faut trouver une circonscription qui puisse lui apporter ses suffrages. La rue de Solférino le « parachute » dans le Bas-Rhin. Le choix est assez judicieux puisqu’il peut se réclamer de son origine alsacienne. De plus, le RPF y dispose d’une solide implantation avec trois députés membres du groupe gaulliste « Action démocratique et sociale » (Pierre Clostermann, Michel Kauffmann et Camille Wolff12). Bien sûr, comme cela se produit dans d’autres départements, l’arrivée de Koenig n’est pas sans provoquer quelques grincements de dents de la part des dirigeants de la fédération départementale qui goûtent fort peu les ukases parisiens13. Mais le départ du sortant Pierre Clostermann pour la Marne libère la tête de liste pour Koenig. Son élection n’est pas pour autant gagnée d’avance. En effet, les gaullistes ont fort à faire avec le MRP conduit par Pierre Pflimlin. Le département du Bas-Rhin présente, selon Jacques Baumel14, un « bloc catholique très solide bien antérieur à la guerre et à la naissance du MRP, bloc catholique encadré fortement par de nombreuses organisations chrétiennes de jeunesse, de secours social, de famille, d’anciens combattants ». L’influence des parlementaires républicains populaires y est prépondérante d’autant que le RPF apparaît plus proche des milieux protestants. Le clergé catholique ne ménage d’ailleurs pas son appui aux candidats du MRP lors des différents scrutins15.

  • 16 Carrefour, op. cit.
  • 17 André Astoux, op. cit., p. 258. Nancy Oudenot, op. cit., p. 49-50.

9Koenig joue néanmoins sur sa stature de héros national dans un département marqué par la guerre et qui aspire à ne plus l’être. Il axe ainsi sa campagne, outre les grands thèmes nationaux du RPF, sur les questions de défense nationale : « L’Alsace – écrit-il - ne veut à aucun prix être considérée comme un glacis et c’est pourquoi, une fois élu, je ferai tout ce qui se trouve en mon pouvoir pour que la défense du pays soit reportée le plus loin possible vers l’est, le plus loin possible du Rhin français16. » Il peut aussi compter sur l’appui personnel du général de Gaulle qui achève sa tournée électorale dans l’est en prenant la parole à Strasbourg la veille du scrutin17.

  • 18 Diethelm devient vice-président de l’Assemblée nationale. Voir Frédéric Turpin, André Diethelm. 18 (...)

10Le 17 juin 1951, la liste RPF qu’il conduit recueille 94 970 voix, soit 31 % des suffrages exprimés, et remporte trois députés, contre cinq sièges pour la liste apparentée MRP – Union des indépendants, des paysans et des républicains nationaux. Koenig doit néanmoins attendre le 21 juin pour connaître les résultats définitifs car les listes apparentées ont raté la majorité absolue à 230 voix près. Une fois élu au Palais-Bourbon, le député RPF Koenig, à l’instar d’un André Diethelm18 (ancien ministre de la Guerre en 1944-1945), de par ses fonctions passées et son rôle dans la guerre, mais aussi du fait de sa personnalité, est moins mis à l’index que le reste du groupe parlementaire gaulliste. Fait rarissime, Koenig devient président d’une commission, celle de la Défense nationale, poste qu’il occupe jusqu’à son entrée dans le gouvernement de Pierre Mendès France en juin 1954. Il apparaît ainsi comme une des « stars » du Rassemblement qui, par son passé, peut dépasser les clivages et les attaches partisanes traditionnelles même s’il partage pleinement la condamnation gaullienne du « mauvais régime ».

Une figure locale secondaire

  • 19 FCDG, RPF248. Voir aussi Le Républicain lorrain du 25 novembre 1951 : « Aux assises RPF de Nancy, (...)
  • 20 Voir notamment son intervention à l’Assemblée nationale le 13 février 1952 (L’année politique 1952 (...)
  • 21 Claude d’Abzac-Épezy : « Le RPF et les questions de défense », p. 569-584, dans FCDG, université d (...)

11Membre du conseil de direction du Rassemblement depuis janvier 1952, député, Koenig n’en est pas pour autant une personnalité influente au sein du Rassemblement, tant au niveau national que local. L’homme se spécialise dans les questions de défense et réserve ses interventions au Parlement ou dans la presse sur ce thème qui lui tient à cœur. Lors des quatrièmes assises nationales du mouvement qui se tiennent à Nancy, les 23-24 et 25 novembre 1951, il présente ainsi le rapport sur la défense nationale dans lequel il condamne les insuffisances du réarmement français et, surtout, le projet d’armée européenne19. Cette spécialité le propulse sur le devant de la scène à l’heure où la guerre d’Indochine bat son plein et où la question de la sécurité de la France se pose avec acuité. Il est alors un des orateurs attitrés dans la lutte à mort que mènent les gaullistes contre la CED et s’occupe tout particulièrement des aspects techniques20. Koenig n’est pourtant pas le responsable des questions de défense au sein du RPF puisque c’est à Pierre Guillain de Bénouville que le général de Gaulle confie la responsabilité de ce dossier21.

  • 22 André Bord, « Un état d’esprit ». Propos recueillis par Dominique Wirtz-Habermeyer, Illkirch, Le V (...)
  • 23 Synthèse des rapports mensuels des préfets, mois d’octobre 1953 (AN, 4AG66). Jean Charlot, op. cit (...)
  • 24 FCDG, RPF574.
  • 25 PV du conseil départemental du Rassemblement à Strasbourg, 5 mars 1955 (FCDG, RPF574).
  • 26 André Bord, op. cit., p. 49.

12Au niveau du département du Bas-Rhin, sa position n’est guère plus solide. L’homme en impose par sa stature historique et nationale, ainsi que par ses qualités humaines : « C’était un homme – rapporte son secrétaire particulier André Bord – qui se mettait à la portée de tout le monde, il était très simple22. » Mais, au regard des archives de la fédération RPF du Bas-Rhin déposées à la Fondation Charles de Gaulle, il paraît peu participer à la vie de la fédération de son département pourtant très active23 et ce malgré le reflux du RPF qui s’amorce dès 1951. Son rôle consiste surtout à rassembler autour de son nom et, le cas échéant, à servir d’arbitre au-dessus de la mêlée locale. Par exemple, le 28 mars 1953, il préside le conseil départemental RPF du Bas-Rhin qui procède à l’élection du président du Bureau et des commissions24. En fait, il siège de droit dans ce conseil en sa qualité de parlementaire mais, d’après les archives RPF, honore peu cette instance de sa présence. Par contre, il relaie sur place les mots d’ordre nationaux du RPF. En 1954, il prononce, par exemple, une conférence au Palais des Fêtes de Strasbourg dans le cadre de sa campagne contre la CED25. C’est sur une affaire qui secoue la France tout entière – le procès des onze Alsaciens incorporés de force dans la division SS « Das Reich » qui ont participé au massacre de la population d’Oradour-sur-Glane – qu’il s’illustre le plus en faveur de l’Alsace en réclamant la clémence. Il met alors toute sa stature de héros de la France libre dans la balance26.

  • 27 Louis Terrenoire, De Gaulle. 1947-1954. Pourquoi l’échec ?, Paris, Plon, 1981, p. 248-250.
  • 28 Jacques Vendroux, Cette chance que j’ai eue… souvenirs de famille et journal politique, Paris, Plo (...)
  • 29 Note des Renseignements généraux, 19 juin 1953 (AN, 4AG91).

13Koenig se réserve pour la scène nationale dont il ne dédaigne pas les premières places. Il est vrai que sa stature nationale, qui transcende les clivages partisans, pourrait lui permettre un autre destin. En décembre 1953, il se serait bien vu succéder à Vincent Auriol comme président de la République. Le Général se montre peu réceptif ce qui met fin à cette tentative27. Au sein du groupe parlementaire gaulliste en pleine crise à partir de l’investiture d’Antoine Pinay en mars 1952, Koenig se classe parmi les fidèles sans pour autant être des orthodoxes comme Jacques Vendroux ou Léon Noël28. En fait, comme beaucoup de parlementaires RPF devenus républicains sociaux depuis mai 1953, il a soif d’action constructive et pas seulement d’obstruction systématique. Il se montre lui aussi de plus en plus sensible à l’appel d’une participation ministérielle tandis que le conseil départemental du Bas-Rhin demeure sur une ligne nettement anti-participationniste29.

L’échec de Koenig en politique

  • 30 Frédéric Turpin, De Gaulle, les gaullistes et l’Indochine. 1940-1956, Paris, Les Indes savantes, 2 (...)
  • 31 Louis Terrenoire, op. cit., p. 283 et 292. André Astoux, op. cit., p. 369-370 et 386.
  • 32 PV du conseil départemental du 5 mars 1955, op. cit.

14Dans le contexte difficile de la fin de la guerre d’Indochine30, Koenig franchit le Rubicon et entre dans le gouvernement de Pierre Mendès France le 19 juin 1954. Il occupe le ministère de son choix : la Défense nationale. Il sert à la fois de caution gaulliste et de caution militaire car, en fait, il ne gère pas les dossiers cruciaux du moment, Mendès se réservant les affaires indochinoises et la question de la CED. Il participe néanmoins activement au sabordage de la CED. Il donne sa démission le 12 août avec Jacques Chaban-Delmas et Maurice Lemaire. Toutefois, Koenig nourrit des regrets par rapport à sa participation ministérielle, qu’il juge peu efficace et dont il craint qu’elle ne l’ait perdue aux yeux du Général31. En septembre, il ne reprend pas place sur les bancs du Gouvernement, ce qui contente le conseil départemental du Rassemblement qui ne trouve de justification à sa participation ministérielle que dans le fait d’avoir « forcé la solution contre la CED32 ». Cela ne l’empêche pas pour autant de redevenir quelques mois plus tard ministre de la Défense nationale dans le gouvernement d’Edgar Faure en 1955. Seconde participation ministérielle qui se solde, comme la première, par une démission collective des ministres gaullistes, le 6 octobre, opposés à la politique marocaine du Président du Conseil.

  • 33 André Bord, op. cit., p. 51-52.

15L’échec du RPF et la retraite politique du général de Gaulle conduisent à l’effritement du gaullisme et de la position de Koenig dans le Bas-Rhin. Lors des élections législatives du 2 janvier 1956, sa liste ne recueille plus que 24285 voix, soit seulement 7,1 %. Malgré cette perte de plus de 70 000 voix et la « trahison » d’un de ses colistiers, Koenig parvient néanmoins à se faire réélire grâce à un apparentement avec le MRP (qui remporte sept sièges) et les Indépendants (un siège). Mais, pour le « héros de Bir Hakeim », « il y avait – écrit André Bord – quelque chose de cassé entre lui et l’Alsace […] Il était déçu par les hommes en général, par les Alsaciens en particulier33 ».

  • 34 Frédéric Turpin, Le Rassemblement du Peuple français et l’Outre-Mer, Cahier de la Fondation Charle (...)

16Koenig n’échappe pas à l’évolution générale de ce qui reste des parlementaires républicains sociaux. Ils sont manifestement de plus en plus orphelins du magister du Général tout en se voulant ses héritiers en matière de vision de la France. Attaché à « la plus grande France » et à l’Algérie française34, il appuie donc pleinement le retour au pouvoir du général de Gaulle en mai-juin 1958. Mais la rupture se consomme progressivement entre lui et le Général sur l’affaire algérienne ainsi que, par la suite, sur la question d’Israël dont il est devenu un fervent défenseur. Quant au département du Bas-Rhin, Koenig décide de mettre un terme à sa carrière politique et ne se représente pas en 1958, ce qui clôt l’aventure alsacienne du « héros de Bir Hakeim ».

Notes

1 Profession de foi de la liste conduite par Koenig lors de l’élection législative du 2 janvier 1956.

2 Pour une vue d’ensemble de sa carrière, nous renvoyons à l’article de référence de Philippe Vial : « Un ministre paradoxal, le général Koenig (19 juin/14 août 1954 – 23 février/6 octobre 1955) », dans Éric Duhamel, Olivier Forcade, Philippe Vial (dir.), Militaires en République. 1870-1962, Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, p. 255-289.

3 Le Cape Argus du 5 juin 1942 écrit en ce sens : « Le général Joseph Pierre Koenig, le héros de Bir Hakeim […] a fait tressaillir de fierté les Français libres du monde entier. » Archives nationales, fonds René Cassin, 382AP35.

4 Message du général de Gaulle, 10 juin 1942. Charles de Gaulle, Lettres, notes et carnets. Tome 4, juillet 1941 – mai 1943, Paris, Plon, 1983, p. 147.

5 Émission radiophonique de la France libre, direction de l’Information, Londres, 30 mai 1942 : « L’armée du refus de l’armistice » (AN, 382AP49).

6 Raymond Triboulet, Un gaulliste de la IVe, Paris, Plon, 1985, p. 117-118.

7 Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La France libre : de l’appel du 18 juin à la Libération, Paris, Gallimard, 2006, p. 355.

8 Claude Mauriac, Un autre De Gaulle. Journal 1944-1954, Paris, Hachette, 1971, p. 243.

9 Lettre du général Koenig au secrétaire d’État aux Forces armées « Guerre », 24 février 1951. Service historique de la défense, département Air, papiers Léchères, E1564 ; citée dans Philippe Vial, op. cit., p. 262.

10 Carrefour, 29 mai 1951, cité dans Louis-Gabriel Robinet, Koenig, un chevalier, Paris, Éditions France-Empire, 1973, p. 236-237.

11 Jean Charlot, Le gaullisme d’opposition. 1946-1958. Histoire du gaullisme, Paris, Fayard, 1983, p. 223.

12 Ils ont été élus lors du scrutin du 10 novembre 1946 sur une liste UDSR-Union gaulliste et rejoignent en décembre 1948 le groupe parlementaire « Action démocratique et sociale ». Éric Duhamel : « La trace et le sillon. L’UDSR et le RPF », p. 633-652, dans FCDG, université de Bordeaux 3, De Gaulle et le RPF. 1947-1955, Paris, Armand Colin, 1998, p. 648-649). Le MRP compte quatre députés, la SFIO et le PCF respectivement un.

13 Nancy Oudenot, Le Rassemblement du Peuple Français dans le Bas-Rhin, Mémoire de maîtrise sous la direction du professeur Christian Baechler, université de Strasbourg, 1995, p. 45-46.

14 Note de Jacques Baumel sur le résultat des élections de Sarre-Union et la situation du Bas-Rhin, Paris, 8 mai 1950 (FCDG, RPF574).

15 André Astoux, L’oubli. De Gaulle. 1946-1958, Paris, Jean-Claude Lattès, 1974, p. 255-256. Nancy Oudenot, op. cit., p. 40-41. Voir aussi la communication de Jean-Louis Clément.

16 Carrefour, op. cit.

17 André Astoux, op. cit., p. 258. Nancy Oudenot, op. cit., p. 49-50.

18 Diethelm devient vice-président de l’Assemblée nationale. Voir Frédéric Turpin, André Diethelm. 1896-1954. De Georges Mandel à Charles de Gaulle, Paris, Les Indes savantes, 2004, p. 213-214.

19 FCDG, RPF248. Voir aussi Le Républicain lorrain du 25 novembre 1951 : « Aux assises RPF de Nancy, Koenig et de Gaulle font le bilan (négatif) du réarmement français » et Le Rassemblement du 30 novembre au 6 décembre 1951 : « Koenig : “notre défaillance a provoqué et hâté la rentrée en scène de l’Allemagne”. »

20 Voir notamment son intervention à l’Assemblée nationale le 13 février 1952 (L’année politique 1952, Paris, PUF, 1953, p. 310) ou encore lors de la réunion organisée par le RPF salle Wagram (Paris) le 17 juin 1952 (Note des Renseignements généraux, AN, 4AG90).

21 Claude d’Abzac-Épezy : « Le RPF et les questions de défense », p. 569-584, dans FCDG, université de Bordeaux 3, op. cit., p. 573-574.

22 André Bord, « Un état d’esprit ». Propos recueillis par Dominique Wirtz-Habermeyer, Illkirch, Le Verger éditeur, 1993, p. 48.

23 Synthèse des rapports mensuels des préfets, mois d’octobre 1953 (AN, 4AG66). Jean Charlot, op. cit., p. 186.

24 FCDG, RPF574.

25 PV du conseil départemental du Rassemblement à Strasbourg, 5 mars 1955 (FCDG, RPF574).

26 André Bord, op. cit., p. 49.

27 Louis Terrenoire, De Gaulle. 1947-1954. Pourquoi l’échec ?, Paris, Plon, 1981, p. 248-250.

28 Jacques Vendroux, Cette chance que j’ai eue… souvenirs de famille et journal politique, Paris, Plon, 1974, p. 353-354, 377 et 391.

29 Note des Renseignements généraux, 19 juin 1953 (AN, 4AG91).

30 Frédéric Turpin, De Gaulle, les gaullistes et l’Indochine. 1940-1956, Paris, Les Indes savantes, 2005, p. 498-499.

31 Louis Terrenoire, op. cit., p. 283 et 292. André Astoux, op. cit., p. 369-370 et 386.

32 PV du conseil départemental du 5 mars 1955, op. cit.

33 André Bord, op. cit., p. 51-52.

34 Frédéric Turpin, Le Rassemblement du Peuple français et l’Outre-Mer, Cahier de la Fondation Charles de Gaulle no 13, 2004, p. 89-90.

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