Version classiqueVersion mobile

Vichy et la famille

 | 
Christophe Capuano

Première partie. De la Troisième République au régime de Vichy. Du sous-investissement au surinvestissement public du familial

Chapitre I. Vers la prédominance du familial

Texte intégral

  • 1 « […] Trop peu d’enfants, trop peu d’armes, trop peu d’alliés, voilà les causes de notre défaite.  (...)

1Avec le Code de la famille et de la natalité françaises de 1939, l’État républicain met en œuvre une politique aux objectifs natalistes et familiaux. Mais amorcée à la veille de la guerre, cette politique est très éphémère et ses effets sont limités. L’installation du régime de Vichy ne semble pas remettre en cause ces mesures initiales : une partie de l’historiographie récente a en effet insisté sur la poursuite accentuée de cette politique en matière de prestations familiales comme de lutte contre les « fléaux sociaux ». La rupture est pourtant bien réelle : le nouvel État fait un usage politique du familial contre la République, ses héritages et ses principes, mais aussi, dans le contexte de la défaite, contre les femmes accusées d’avoir oublié leur « rôle naturel » de procréatrices nationales, de mères et d’épouses1. Le familial devient le prisme exclusif par lequel l’État voit désormais la résolution des problèmes sociaux et démographiques. Les fondements de la politique familiale sous Vichy s’appuient sur les principes autoritaires et discriminatoires du régime avec une volonté d’exclusion de tous ceux qui ne correspondent pas au modèle de la famille pétainiste (célibataires, couples sans enfant ou vivant en union libre).

Une reconnaissance républicaine tardive de la Famille

2Quelle temporalité permet de comprendre la genèse de la politique publique de la famille ? Il s’agit d’un processus sur le long terme qui s’étend sur plus de quarante ans. Au début du vingtième siècle, le social est d’abord conçu par l’État républicain – loin de préoccupations familialistes – à travers la prévoyance et l’assistance fondées sur des considérations sanitaires et hygiénistes. La première mesure familiale n’est prise qu’avec la loi du 14 juillet 1913 : elle reconnaît à la famille nombreuse – comme groupe constitué – le droit à l’assistance. C’est surtout après le premier conflit mondial, dans un contexte politique favorable, qu’a lieu la première mais très limitée reconnaissance du familial par l’État. En 1920, trois familiaux entrent dans le gouvernement Millerand dont Auguste Isaac, ministre du commerce, et surtout Jean-Louis Breton, député socialiste du Cher, nommé à la tête du nouveau ministère de l’Hygiène, de l’Assistance et de la Prévoyance sociale. Une série de mesures, aux objectifs davantage natalistes que familialistes, est entreprise : mise en place d’un Conseil supérieur de la natalité (décret du 27 janvier 1920) et de commissions départementales de la natalité, création d’une section natalité au sein du Comité national de l’enfance (1923), instauration de la médaille de la famille française, mesures de réductions et de déductions en matière de transport et d’impôts pour les familles nombreuses, avantages divers. Jean-Louis Breton est également l’initiateur des mesures répressives contre la propagande anticonceptionnelle et les pratiques abortives (lois du 31 juillet 1920 et du 29 mars 1923) ainsi que des mesures incitatives en faveur de la natalité (loi dite « d’encouragement national aux familles nombreuses » en 1923). Mais il n’arrive pas à pérenniser cette politique. La loi du 11 mars 1932 sur les allocations familiales qui attribue une aide financière aux familles salariées relève moins d’une politique familiale que de principes de justice sociale et de solidarité financière.

  • 2 Paul-André Rosental, L’intelligence démographique, op. cit., p. 58-59.
  • 3 Louis de Bonald (1754-1840), Joseph de Maistre (1753-1821) et Fréderic Le Play (1806-1882). Voir J (...)

3Cette politique familiale est pourtant réclamée par deux grands types d’acteurs : les natalistes et les familialistes2. Les premiers considèrent la croissance de la natalité et l’importance du peuplement comme nécessaires au maintien de la puissance économique et militaire de la nation. Ils se rassemblent dans leur majorité au sein de l’Alliance nationale pour l’accroissement de la population française (créée en 1896 par Jacques Bertillon), devenue l’Alliance nationale contre la dépopulation. Ce mouvement d’experts (démographes, médecins) ne se fixe pas des objectifs en fonction de considérations morales mais de calculs et d’estimations démographiques – même si la natalité est encouragée au sein d’unions légitimes. Les seconds ont quant à eux une conception morale de la famille, de la maternité et de l’enfance qu’ils veulent défendre et promouvoir : ils veulent la diffusion dans la société d’un « climat familial », en fait un ordre moral favorable à la famille. Ils se mobilisent autour d’enjeux confessionnels – la défense des intérêts catholiques par le familial – et/ou d’une catégorie de familles spécifiques : les familles nombreuses. Ils restent divisés, entre mouvements laïcs et catholiques notamment, jusque dans les années trente. Natalistes et familialistes ont surtout des rapports très différents à l’État républicain : l’Alliance nationale soutient les valeurs de la République, notamment en matière de laïcité, et adhère à son mode de fonctionnement (elle réunit à l’origine des dreyfusards de droite et de gauche et de nombreux fonctionnaires). Le natalisme paraît ainsi comme une formulation républicaine – donc en des termes « recevables » par le régime – des questions familiales. Cette approche lui permet de jouer un rôle important dans le système politico-administratif républicain, surtout à partir de la création du Conseil supérieur de la natalité au sein duquel l’Alliance nationale joue un rôle de premier plan. Tout au long des années vingt et trente, ce mouvement entretient aussi des relations étroites avec les pouvoirs publics, ce qui lui permet d’étendre ses réseaux d’influence auprès du Parlement. À l’inverse les familialistes peinent à se développer dans le terreau républicain : leur conception de la famille est en effet une arme contre la République, utilisée notamment par la pensée contre-révolutionnaire3. Partisans d’un régime conservateur et d’ordre moral, les familialistes se servent de la famille pour s’opposer à l’individualisme hérité de la Révolution et des Droits de l’Homme et du citoyen. Leur influence est par conséquent plus limitée que les natalistes dans les milieux républicains.

  • 4 Paul-André Rosental, L’intelligence démographique, op. cit., p. 28-29.
  • 5 Aux côtés du président du Conseil et des représentants des ministères intéressés (Justice, Intérie (...)

4À la veille de la Seconde Guerre mondiale, c’est pourtant bien un gouvernement républicain qui met en place une politique publique pour relever la natalité par la famille. Cette priorité accordée à la question démographique résulte d’une pluralité de facteurs. Fait d’abord figure de déclencheur le discours de Georges Pernot, sénateur du Doubs et président de la Fédération nationale des associations de familles nombreuses, au Sénat le 8 février 1938 interpellant le chef du gouvernement Camille Chautemps sur l’urgence de la question nataliste. S’ajoutent les effets de la propagande nataliste menée sur le long terme par l’Alliance nationale contre la dépopulation. L’action de lobbying qu’elle opère durant l’entre-deux-guerres auprès des élites sociales, économiques et politiques est en effet déterminante dans la promotion et la diffusion d’un discours nataliste élargi à de nouveaux enjeux sociaux au fur et à mesure de la construction de l’État social. Le contexte international occupe également une place essentielle : la dégradation de la situation démographique de la France à partir de 1935 – à l’inverse de l’Allemagne nazie dont le modèle est opératoire depuis l’arrivée d’Hitler au pouvoir – renforce l’impact des arguments natalistes. La guerre qui se profile après l’échec de la conférence de Munich (29 et 30 septembre 1938) sensibilise quant à elle le pouvoir à la propagande militariste de l’Alliance nationale. C’est finalement la pression de l’opinion publique (sociétés, associations, presse, partis politiques) gagnée dans sa majorité aux idées natalistes qui joue un rôle décisif dans le processus décisionnel. La Note au sujet de la dépopulation transmise par le Secrétariat général de la présidence du Conseil à Edouard Daladier le 12 novembre 1938 reflète ces aspirations. Elle indique d’emblée des mesures à prendre, natalistes mais aussi familiales, les moins onéreuses – surtout celles susceptibles d’être validées par le ministère des Finances : le relèvement des allocations familiales, indexé sur les hausses de salaires, la répression de l’avortement et la priorité à l’embauche des pères de familles nombreuses4. La première traduction de ce volontarisme politique est l’institution, le 23 février 1939, d’un Haut Comité de la population pour trouver et coordonner les moyens de relever les naissances. Par le biais de cette structure, des acteurs privés sont pour la première fois intégrés à la préparation de l’action collective dans le secteur social5. Des procédures similaires avaient vu le jour dans les années vingt – avec notamment le Conseil supérieur de la natalité – mais elles étaient cantonnées à un rôle consultatif. L’aboutissement législatif de ces travaux est le texte du 29 juillet 1939 qui constitue l’acte de naissance d’une politique familiale et nataliste en régime républicain

  • 6 Les naissances doivent avoir lieu durant les deux premières années du mariage.
  • 7 Elle est interprétée par Bernard Friot comme une forme d’extension du salariat. Bernard Friot, Pui (...)
  • 8 Elle peut être lue en effet, comme le souligne Michel Chauvière, comme un changement dans le règle (...)

5Le décret-loi du 29 juillet 1939 – dit Code de la famille et de la natalité françaises – apparaît comme le résultat d’un processus de codification par lequel des textes existants ont été regroupés, organisés et complétés par une série d’innovations. Il est composé de trois parties : « Aide à la famille » (Titre 1), « Protection de la famille » (Titre 2) et « Dispositions fiscales » (Titre 3). Il se veut explicitement nataliste mais c’est la famille qui est l’objet de ces mesures plurielles. En matière d’aide économique aux familles, l’une des principales nouveautés de ce texte est la prime à la première naissance (Titre 1, chap. 1). Il s’agit d’une mesure à la fois nataliste et familialiste : elle doit en effet encourager les naissances au sein des jeunes foyers6 et remplacer l’allocation au premier enfant mais cette naissance doit s’inscrire dans une famille définie socialement par sa nationalité et sa légitimité. Une autre grande innovation (Titre 1, chap. 2) est la généralisation, au nom du référentiel familial, des allocations familiales à l’ensemble des travailleurs – fonctionnaires, indépendants, salariés, employeurs – des professions agricoles, industrielles, commerciales et libérales (avec un taux uniformisé et des prestations augmentées)7. Cette généralisation doit surtout avoir, outre ses buts natalistes, des effets sociaux en instituant une régulation familiale des questions sociales8.

  • 9 La cellule familiale défendue par le texte n’est pas définie par des liens biologiques. La légitim (...)

6Sont également prévues des dispositions spéciales pour la famille paysanne (Titre 1, chap. 3) ainsi qu’en matière d’assistance à la famille (Titre 1, chap. 4) – en remplacement du texte spécifique aux familles nombreuses (loi du 14 juillet 1913). Des mesures fiscales complètent ce dispositif (Titre 3) en allégeant les droits de succession des familles nombreuses et en instituant une « taxe de compensation familiale » frappant tout individu inscrit au rôle de l’impôt sur le revenu et n’ayant aucun enfant à charge. Ces différentes mesures donnent à la famille une place centrale. Le soutien matériel vise spécifiquement les familles les plus nombreuses, d’au moins trois enfants, celles dont la composition doit permettre une hausse de la population. Il est complété par des mesures visant la « protection de la famille » (Titre 2) sur un plan moral9. Le Haut Comité aurait voulu aller encore plus loin dans ce projet familialiste en instaurant le vote familial. Ce souhait n’est pas retenu par le gouvernement.

  • 10 Extraits du Rapport introductif du président de la République au décret-loi du 29 juillet 1939, JO(...)

7Le Code veut à la fois lutter contre les « habitudes immorales qui détournent les êtres du foyer familial » et s’opposer aux « problèmes sociaux » qui « constituent autant de dangers pour l’avenir de la race10 ». Ces deux pans, moralisateur et hygiéniste, se combinent ainsi pour assurer d’une part la « protection de la famille » (Titre 2), d’autre part celle de la « race » (Titre 2, chap. 3). Cela passe par des dispositions protectrices et sanitaires, en matière de protection maternelle et infantile notamment avec le contrôle des établissements d’accouchement et des maisons maternelles (Titre 2, chap. 1). Cela se traduit surtout par des mesures répressives contre les « fléaux sociaux ». Ainsi l’essentiel des décisions relatives à la « protection de la maternité » (Titre 2, chap. 1) est consacré au renforcement de la lutte contre l’avortement. La « protection de la race » (Titre 2, chap. 3), marquée par l’hygiénisme social, comprend quant à elle une série de dispositions réprimant la pornographie et les publications contraires aux « bonnes mœurs » – déjà punies dans une loi du 30 mars 1939 – mais aussi l’alcoolisme et les stupéfiants.

8Le contrôle du bon usage des primes à la première naissance (Titre 1, chap. 1, art. 6) et des allocations familiales (Titre 1, chap. 2, art. 16) conjugue quant à lui les aspects répressifs et protecteurs, moralisateurs et hygiénistes : l’État prévoit en cas de comportements familiaux « déviants » – c’est en fait l’alcoolisme des parents qui est principalement visé – la nomination de tuteurs aux allocations familiales, sans que les modalités des enquêtes d’information ne soient précisées. Le Code introduit toutefois une nouvelle forme d’action sociale en envisageant dans cette mesure un pan protecteur dans l’intérêt de l’enfant : les allocations auxquelles il a droit seraient gérées par des structures d’assistance publiques ou privées.

9Des mesures éducatives viennent compléter l’ensemble (Titre 2, chap. 4) avec l’enseignement des questions démographiques mais celles-ci doivent être liées à l’éducation aux questions morales et familiales.

10Ces différentes dispositions répondent aux revendications anciennes des hygiénistes, natalistes et familialistes, formalisées dans les congrès, études et associations depuis le début du XXe siècle. Principaux partisans de la répression des fléaux sociaux, les membres du Haut Comité à la population en 1939 jouent un rôle déterminant dans l’inscription et le renforcement de cette lutte au sein du Code. Il s’agit d’une étape cruciale en régime républicain d’un processus répressif qui est loin de s’achever.

  • 11 Cette période est marquée par la quasi-disparition de la capacité d’intervention du gouvernement e (...)
  • 12 Paul-André Rosental, op. cit., p. 41-45.
  • 13 Robert Debré est alors professeur à la Faculté de médecine, membre de l’Académie de médecine. Spéc (...)

11L’entrée en guerre en septembre 1939 perturbe l’application des mesures financières du Code de la famille et de la natalité françaises11. En revanche, la mise en œuvre de sa dimension répressive constitue l’un des principaux domaines d’action du Haut Comité à la population. Les derniers mois de la Troisième République sont en effet marqués par une première campagne de répression des « problèmes sociaux ». Elle est soutenue par le gouvernement avec notamment la loi du 30 mars 1939 – punissant de prison « toute contribution à la diffusion de matériel pornographique » –, les dispositions répressives du Code de la famille et de la natalité françaises (décret-loi du 29 juillet 1939), ainsi que par la circulaire Daladier du 21 décembre 1939 aux préfets leur enjoignant d’appliquer le Code et de s’opposer aux « crimes et délits contre la race et la natalité ». Le Haut Comité de la population est le principal artisan de cette répression, à la fois comme fournisseur d’« informations » auprès du gouvernement pour enclencher des actions contre toute atteinte aux « bonnes mœurs » et comme partisan d’une surveillance policière étroite, en particulier dans le combat contre l’avortement12. Avec la guerre, cette lutte contre les « fléaux sociaux » apparaît particulièrement urgente. Ainsi, en mai 1940, si Robert Debré, réfléchissant aux moyens « que doit prendre un pays qui veut l’augmentation du nombre de ses naissances et l’amélioration de la race », propose en premier lieu des initiatives d’ordre sanitaire pour lutter contre la mortalité infantile13, celles-ci sont à accompagner « d’un effort continu contre les fléaux sociaux, au premier rang desquels l’alcoolisme » et d’une amélioration du logement. Ces premières mesures, soutenues par une partie du corps médical, semblent être poursuivies, amplifiées et radicalisées par Vichy. Mais le régime de la Révolution nationale va développer une conception quasi exclusivement moralisatrice et familialiste de ces questions de population.

  • 14 Dans son Journal de guerre, Georges Pernot explique les conditions de sa nomination. Proche de Dal (...)
  • 15 Paul Reynaud, S’unir ou périr, Paris, Flammarion, 1951, p. 703.
  • 16 Il préconise ainsi :
    « 1° Des mesures d’ordre sanitaire, parmi lesquelles il faut placer avant tout (...)
  • 17 Voir Paul-André Rosental, op. cit., p. 56. Ce ministère de la Famille constituerait le revirement (...)

12Une nouvelle étape dans la reconnaissance du référentiel familial par la Troisième République est franchie le 5 juin 1940, en pleine débâcle, par la création, dans le second gouvernement Reynaud, du premier ministère de la Famille française. C’est le familialiste Georges Pernot, vice-président du Haut Comité à la population et ministre du Blocus quelques mois auparavant sous Daladier, qui en prend la tête et semble jouer un rôle déterminant dans son intitulé14. Selon Paul Reynaud, ce ministère se serait inscrit dans la continuité des décisions prises par lui en novembre 1938 en faveur de la natalité et de la famille15. La préférence du Président du Conseil pour un ministère de la « Race » plutôt que de la « Famille » souligne toutefois l’importance de l’influence de l’hygiénisme social en matière de politique publique. Si le contenu politique de l’éphémère ministère de la Famille est très proche de celui de la Santé publique, ses principaux animateurs semblent être mus par des conceptions à la fois hygiénistes et familialistes. C’est le cas notamment de Robert Debré – considéré de facto par Georges Pernot, comme le Secrétaire général du ministère – dont le programme proposé quelques semaines auparavant dans la Revue de Paris reflète ces deux influences16. Ce ministère d’un point de vue symbolique et sémantique, est une nouvelle victoire pour les natalistes et les familialistes qui voient consacrer la famille comme espace d’action ministérielle en régime républicain17.

Vichy et la mise en place d’un ordre familial

13Vichy reprend les aspirations hygiénistes de la fin des années 1930 et se réfère explicitement au Code de la famille et de la natalité françaises. Mais l’instauration de la Révolution nationale change radicalement l’esprit et les principes de la politique familiale. Le nouveau régime politise le familial en faisant de cette question l’incarnation de sa philosophie sociale et politique à la fois organiciste et corporatiste, antirépublicaine et antérévolutionnaire.

L’instrumentalisation politique de la famille : une arme contre la République

14La famille a une position centrale dans la rhétorique réactionnaire de la Révolution nationale : utilisée contre l’individualisme républicain ou vecteur d’un retour à un ordre moral, elle est à la fois arme politique de la droite antirépublicaine, majoritaire à Vichy, contre les principes de 1789 et les Droits de l’Homme et outil d’une revanche des forces conservatrices contre le Front populaire.

  • 18 Philippe Pétain, « Politique sociale de l’avenir », in la Revue des deux mondes, 15 septembre 1940 (...)
  • 19 « Individualisme et nation », La Revue universelle, 1er janvier 1941 et Philippe Pétain, La France (...)
  • 20 William Garcin, in La Famille, étude de la communauté familiale, « Cahiers de formation politique  (...)
  • 21 Le Code civil français est condamné car il ne régit que des relations d’individu à individu. La co (...)
  • 22 Michel Chauvière et Virginie Bussat, op. cit., p. 94-96 ; Paul-André Rosental, op. cit., p. 65.
  • 23 René Savatier, « Une personne morale méconnue : la famille en tant que sujet de droit », Rec. Dall (...)
  • 24 André Rouast, La Famille dans la nation, PUF, « Bibliothèque du peuple », 1941. Rouast est égaleme (...)
  • 25 Fondée sur une démarche inductiviste, cette approche présente plusieurs difficultés mises en évide (...)

15En 1940 et 1941, la famille est d’abord employée dans les discours anti-républicains de Pétain et des idéologues de la Révolution nationale. Vichy reprend en effet à son compte la critique de l’individualisme républicain et des idéaux de 1789 dans la tradition de la pensée contre-révolutionnaire. Présentée comme « la cellule essentielle » et « l’assise même de l’édifice social18 », la famille devient l’instrument de lutte contre le suffrage universel et l’individualisme hérité des principes des Droits de l’Homme. L’individualisme « destructeur » est ainsi condamné – « destructeur de la famille dont il brise ou relâche les liens, destructeur du travail à l’encontre duquel il proclame le droit à la paresse, destructeur de la patrie dont il ébranle la cohésion quand il n’en dissout pas l’unité19 ». Cette dénonciation de l’individualisme et des Droits de l’Homme est reprise par certains hauts fonctionnaires du ministère de la Famille comme William Garcin chargé du service consacré au statut juridique de la famille à Vichy mais aussi secrétaire général de la Fédération nationale des associations de familles nombreuses et chef des services sociaux de la Légion française des combattants. « Il est encore des Français qui se proclament “fils de la Déclaration des Droits de l’Homme”. Singulier père ! La Déclaration des Droits de l’Homme déracine l’homme de sa famille, proclame que les hommes naissent libres et égaux en droits, en quelque sorte adultes et sans famille20. » La famille est à l’inverse l’incarnation de la communauté. Cette offensive contre l’individualisme et le Code civil de 1804 accusé de consacrer l’individu21 doit se traduire sur un plan juridique par la constitution de la famille comme personne morale, indépendante des membres qui la composent et dotée d’attributs en propre (nom, pouvoirs, patrimoine, etc.)22. Souhaité par l’administration de la famille, un projet ambitieux est élaboré en ce sens au sein de la société d’études législatives en lien avec le Centre national de la coordination et d’action des mouvements familiaux (section de la zone Sud). Les professeurs de droit civil, André Rouast et René Savatier en sont les principaux artisans, le premier comme président de la commission d’études, le second comme rapporteur. Cette thèse n’est pas nouvelle – Savatier a en 1939 défendu l’idée selon laquelle la famille serait globalement une personne morale dont l’existence juridique présente à l’état latent serait méconnue23 – mais devient pour la première fois projet politique. Le juriste catholique Rouast publie plusieurs pistes de travail en matière de réforme juridique24. Cependant ce programme ne peut aboutir en raison de difficultés d’ordre juridique considérables, liées à la fois aux difficultés propres à la démarche de Savatier25 et aux spécificités du droit civil français (celui-ci reposant dans son ensemble sur le concept d’individu, la reconnaissance de la famille comme sujet collectif aurait nécessité – tâche immense – sa refonte complète).

  • 26 Un premier projet préparé par William Garcin est soumis le 12 janvier 1941, un second au mois d’av (...)
  • 27 Projet de constitution issu du Conseil national, le 19 juillet 1941. Cette inscription de la famil (...)
  • 28 Article 3 du projet de constitution du Conseil national du 19 juillet 1941.
  • 29 Article 53 du projet de constitution du Conseil national du 19 juillet 1941.
  • 30 Article 1 du projet d’acte constitutionnel du 12 janvier 1941 de William Garcin. AN, 2AG605.
  • 31 Selon Michèle Bordeaux ce premier principe explique la non promulgation des deux projets d’acte co (...)
  • 32 Article 3 du projet d’acte constitutionnel du 12 janvier 1941 de William Garcin. AN, 2AG605.

16Avec la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940, Vichy annonce que la constitution future garantirait les droits de la Famille. Pétain dans ses discours parle du droit des familles qui « l’emporte sur les droits de l’État et de l’individu ». Mais sous quelle forme la Famille doit-elle être insérée dans la nouvelle constitution ? Cette question occupe le service législation de l’administration de la Famille sous la direction de William Garcin26 et constitue l’un des principaux horizons de l’action publique en matière de législation familiale. Elle est également au centre des réflexions du Conseil national de Vichy chargé d’élaborer la future constitution27. Les projets affirment le primat des « groupes naturels ou spontanés28 » et donnent à la famille une place de choix : elle est considérée comme « le groupe social de base29 » et le « fondement de l’édifice social30 ». Les propositions de William Garcin – qui ne reconnaissent que les familles légitimes (constituées par le mariage et la filiation) – défendent en outre plusieurs principes fondamentaux : l’antériorité et la supériorité de la Famille sur l’État31, la propriété familiale et la reconnaissance d’un corps politique familial. De ce dernier impératif doit découler l’assurance par l’État de « la représentation [de la famille] aux diverses assemblées » et la « substitution du suffrage familial au suffrage universel32 ». Mais aucun de ces projets ne se traduira en actes par manque de volontarisme politique du gouvernement.

  • 33 Philippe Pétain, allocution du 13 août 1940.
  • 34 Plusieurs éminents juristes qui participent aux travaux des Semaines sociales de France soutiennen (...)
  • 35 « Projet de loi portant création de l’Union nationale des foyers de France (bureau Législation). » (...)

17Le familial prend également place dans le plan organiciste et corporatiste de la Révolution nationale. La famille est présentée comme « la cellule essentielle de la société et de la patrie33 », et la plus petite entité « naturelle » dont relèvent les individus. Elle devrait ainsi constituer l’un des « corps » intermédiaires à travers lesquels ces individus seraient exclusivement représentés ou perçus. Cette conception s’articule à une vision corporatiste de la société – négation de la division sociale et de la lutte des classes – dont le principe unificateur doit présider à la réorganisation sociétale34 : dans le monde agricole, c’est la formule du « syndicat unique » qui est prévu par la loi du 2 décembre 1940. Dans le monde du commerce et de l’industrie, ce sont des « corporations » qui doivent se mettre en place pour organiser les professions de manière verticale en rassemblant patrons, cadres et ouvriers dans le cadre de la Charte du travail (4 octobre 1941). L’institution du familial s’inscrit dans ce plan d’ensemble. Les familles devront elles-aussi former un corps familial unique chargé de les représenter devant les pouvoirs publics. Mais cela prendra la forme spécifique d’associations semi-publiques hiérarchisées, chapeautées par une Fédération nationale des familles. Ce modèle sera issu d’un compromis entre les attentes des familiaux – exprimées au cours des réunions du Comité consultatif à la famille française – et les volontés de l’État comme le montre un projet de loi issu du bureau Législation de la Direction de la famille. Celui-ci est envoyé en juillet 1941 au Commandant Sautriau, représentant le chef de l’État auprès du Comité consultatif de la famille française35.

Nouvelles valeurs et nouvelles normes d’action publique : ordre moral et construction d’un modèle familial

  • 36 Discours de Philippe Pétain du 20 juin 1940.
  • 37 Raymond Postal, « Le Chef, la Nation, les Hommes », in France 1941, La Révolution nationale constr (...)
  • 38 « Les familles françaises restent les dépositaires d’un long passé d’honneur. Elles ont le devoir (...)
  • 39 « Famille d’abord », La Revue de la famille, janvier 1942, p. 3.
  • 40 « Retour à la famille » par J.-F. Paul Leclercq, La Revue de la famille, septembre 1940, p. 3.

18Dès son discours du 20 juin 1940, Pétain dénonce l’« esprit de jouissance36 » et l’abandon des valeurs fondamentales comme l’une des premières causes de la défaite. Il s’agit d’un nouveau mode de condamnation politique, par la droite antirépublicaine de Vichy, de la Troisième République en général et du Front populaire en particulier37, accusés d’avoir établi un climat défavorable pour la famille avec des mœurs licencieuses, de la pornographie, de la prostitution, de nombreux divorces, l’alcoolisme, etc. C’est une revanche des forces conservatrices, dont les différentes composantes sont représentées à Vichy, contre le Front Populaire et les mouvements de gauche des années trente. C’est aussi une condamnation de la société industrielle qui prend sa source d’inspiration dans les travaux de Frédéric Le Play et du catholicisme social (Albert de Mun, René de la Tour du Pin). Les valeurs familiales symbolisent au contraire l’âge d’or antérévolutionnaire auquel veut revenir Pétain38. Au sein de la vulgate des publications familiales populaires, la « décadence » de l’esprit de famille sous la République est déclinée à l’infini. Partout livres, journaux, revues soulignent la dimension moralisante, religieuse et patriotique de la croisade familialiste, rappelant ainsi que la « France a failli périr par où elle avait péché et qu’elle avait surtout péché contre la famille39 ». La défaite est présentée par Pétain comme l’occasion d’une régénération. Au temps « d’expiation » et de « contrition » doit suivre celui de la rédemption par la famille dont les valeurs sont établies comme la référence de toute action publique. Vichy les construit comme valeurs naturelles, éternelles et apolitiques. Il les oppose aux valeurs républicaines et individualistes. Dès septembre 1940, La Revue de la famille consacre de cette façon son éditorial au Retour à la famille – « comme les fils prodigues des paraboles les Français reviennent aujourd’hui à la famille40 ».

  • 41 « La France rajeunie veut que l’enfant remplisse vos cœurs de l’espoir qui vivifie et non plus de (...)
  • 42 Mais cette politique sera rapidement abandonnée en raison de la pénurie de main-d’œuvre masculine (...)
  • 43 Muel-Dreyfus Francine, op. cit., p. 127.
  • 44 « De nombreux ménages se dérobaient au devoir sacré de se perpétuer ; d’autres n’avaient qu’un enf (...)

19Vichy impose aussi de nouvelles normes comme principes d’action publique. Dans la poursuite de la politique nataliste entreprise par le gouvernement Daladier, Pétain entend accroître la population dans le cadre de la famille41. Cependant, le Maréchal fait désormais de la lutte contre la dénatalité un instrument pour asseoir son nouvel ordre familial. Présentée comme l’une des causes de la défaite et associée à « l’esprit de jouissance », la dénatalité est ainsi utilisée contre les coupables désignés a priori par le régime, au premier rang desquels se trouvent les femmes : elles auraient oublié leur rôle « naturel » de mères et de ménagères. Celles-ci sont l’objet d’une politique coercitive avec notamment leur exclusion de la sphère professionnelle. Ainsi l’acte du 11 octobre 1940 dit relatif au travail féminin interdit l’embauche des femmes mariées dans la fonction publique et parapublique42. Francine Muel-Dreyfus montre bien comment en vantant les mérites de la mère au foyer, glorifiée lors de la « journée des mères », Vichy a placé la femme en position de sujétion, incarnant le sacrifice, l’enfermant dans un rôle social d’épouse, de mère et d’éducatrice, la renvoyant aux lieux du féminin : le foyer et la maternité. La figure de la mère de famille est ainsi construite par l’État français mais aussi l’Église, les intellectuels de la défaite, les associations et la presse catholiques, natalistes, familialistes et féminines comme la « seule identité féminine légitime43 ». D’autres catégories de la population sont conspuées par le régime : les célibataires, les unions libres, les couples sans enfant ou à enfant unique44. À l’inverse Vichy institue des normes en matière de modèle familial à privilégier : d’une part la famille « légitime » – fondée sur le mariage et les conceptions catholiques du foyer (rôle naturel de chacun des époux dans le foyer, sacralisation et permanence du mariage) – d’autre part la famille nombreuse (de quatre enfants et plus). Cette dernière est mise à l’honneur notamment lors de l’attribution des médailles de la famille française et utilisée par la propagande comme indicateur de puissance de la nation pétainiste :

  • 45 Éditorial, La Famille dans l’État, nouvelles dispositions juridiques, principes d’action, réalisat (...)

« Tout le monde est d’accord pour dire qu’une nation ne peut ni se perpétuer ni maintenir son rang, ni conserver la paix, sans produire des familles plantureuses et fortement constituées. Mais comment favoriser la constitution de ces familles ? En deux mots il s’agit d’aménager la France pour la commodité des familles nombreuses et non pour celle des familles stériles45. »

20Selon les messages officiels, ces familles doivent également occuper une nouvelle place dans l’organisation sociale vichyste en bénéficiant notamment d’une représentation spécifique dans les conseils municipaux. Privilégiées par l’instauration du suffrage familial, elles pourront aussi jouer un rôle déterminant dans la nation.

21Cette rhétorique construit l’image du familial et de son rôle dans la société. À partir de cette image Vichy va élaborer sa politique publique. Il lui donne pour la première fois un caractère exclusif et prédominant : les problèmes sociaux et les questions de population sont désormais abordés à travers son prisme. Cette représentation de la réalité, avec ses nouvelles valeurs et ses nouvelles normes, devient un référentiel de l’action publique à partir de l’été 1940. Ainsi élaboré, et malgré ses liens avec la doctrine de la Révolution nationale – même lorsque celle-ci n’est plus à l’ordre du jour –, le familial reste le référentiel de la politique publique de la famille jusqu’à l’été 1944. Il subit cependant certains changements au cours de la période en fonction de sa place dans les stratégies politiques gouvernementales. Nous devrons en analyser les modalités.

Notes

1 « […] Trop peu d’enfants, trop peu d’armes, trop peu d’alliés, voilà les causes de notre défaite. » Discours de Philippe Pétain, le 20 juin 1940.

2 Paul-André Rosental, L’intelligence démographique, op. cit., p. 58-59.

3 Louis de Bonald (1754-1840), Joseph de Maistre (1753-1821) et Fréderic Le Play (1806-1882). Voir Jacques Dupâquier et Antoinette Fauve-Chamoux, « La famille », in Jean-François Sirinelli (éd.), Histoire des droites en France, tome 3, Paris, Gallimard, 1992, p. 23-28.

4 Paul-André Rosental, L’intelligence démographique, op. cit., p. 28-29.

5 Aux côtés du président du Conseil et des représentants des ministères intéressés (Justice, Intérieur, Santé publique, Travail, Agriculture, Finances) sont nommés cinq membres dont trois importants natalistes et/ou familialistes : Fernand Boverat, Georges Pernot et Adolphe Landry.

6 Les naissances doivent avoir lieu durant les deux premières années du mariage.

7 Elle est interprétée par Bernard Friot comme une forme d’extension du salariat. Bernard Friot, Puissance du salariat : emploi et protection sociale à la française, Paris, la Dispute, 1998.

8 Elle peut être lue en effet, comme le souligne Michel Chauvière, comme un changement dans le règlement des questions sociales par les pouvoirs publics. Alors que le Front populaire avait utilisé une régulation salariale et syndicale, le gouvernement Daladier privilégie quant à lui une régulation familiale. Michel Chauvière et Virginie Bussat, Famille et codification : le périmètre du familial dans la production des normes, Paris, La Documentation française, 2000, p. 66 et p. 76.

9 La cellule familiale défendue par le texte n’est pas définie par des liens biologiques. La légitimation adoptive est en effet étendue par le Code et l’adoption facilitée (Titre 2, chap. 2). Comme l’a bien analysé Michel Chauvière, la combinaison de ces deux dimensions fait du Code un texte à la fois nataliste et familialiste puisqu’« il décline désormais le familial, comme vecteur global d’intérêts sociaux légitimes consubstantiels et communs à toutes les familles, des intérêts tout à la fois matériels et moraux. C’est du reste la première institutionnalisation, hors du Code civil, de cette formule à double effet nataliste et moralisatrice sur la vie sociale ».

10 Extraits du Rapport introductif du président de la République au décret-loi du 29 juillet 1939, JO du 30 juillet 1939, p. 9507-9509.

11 Cette période est marquée par la quasi-disparition de la capacité d’intervention du gouvernement en ce domaine et, par conséquent, l’inadéquation entre son projet politique, nataliste et familialiste, et ses capacités pécuniaires. Ainsi l’application des articles du Code de la famille et de la natalité françaises est repoussée pour l’essentiel au 1er avril 1940 (seuls quinze articles sont mis en œuvre en 1939, neuf articles au 1er janvier 1940).

12 Paul-André Rosental, op. cit., p. 41-45.

13 Robert Debré est alors professeur à la Faculté de médecine, membre de l’Académie de médecine. Spécialiste en pédiatrie, il est particulièrement influencé par les idées hygiénistes.

14 Dans son Journal de guerre, Georges Pernot explique les conditions de sa nomination. Proche de Daladier, il dit avoir repoussé la proposition de prendre la tête du ministère de la Santé publique en mars 1940 lors du premier gouvernement Reynaud. Georges Pernot, Journal de guerre, Paris, Belles Lettres, 1971, p. 62-63 et Paul-André Rosental, op. cit., p. 56.

15 Paul Reynaud, S’unir ou périr, Paris, Flammarion, 1951, p. 703.

16 Il préconise ainsi :
« 1° Des mesures d’ordre sanitaire, parmi lesquelles il faut placer avant tout, une lutte vigoureuse contre la mortalité infantile et la mort des sujets jeunes ; un effort continu contre les fléaux sociaux, au premier rang desquels l’alcoolisme ; une amélioration du logement ; la répression de l’avortement.
2° Des mesures financières, qui transformeraient la venue d’un enfant dans une famille, actuellement lourde charge, en un véritable avantage.
3° Des mesures fiscales pesant sur les célibataires et les ménage sans enfant ou n’ayant qu’un seul enfant.
4° En temps de guerre surtout, des mesures militaires telles que « l’enfant protège son père » [charges militaires allégées pour ceux qui ont des enfants, pères de familles nombreuses libérés des obligations militaires].
5° La nécessité d’une atmosphère morale favorable à un idéal familial. » Robert Debré, « Sur l’hygiène de l’enfance et la natalité française pendant la guerre », Revue de Paris, 15 mai 1940, no 10, p. 317.

17 Voir Paul-André Rosental, op. cit., p. 56. Ce ministère de la Famille constituerait le revirement final de la Troisième République au profit de la « famille » alors que la « population » prédominait depuis février 1939 grâce à l’instance du Haut Comité de la population. Ibid., p. 17-56.

18 Philippe Pétain, « Politique sociale de l’avenir », in la Revue des deux mondes, 15 septembre 1940 et Philippe Pétain, La France nouvelle, principes de la communauté, Appels et Messages, Fasquelle, 1941, p. 60-62.

19 « Individualisme et nation », La Revue universelle, 1er janvier 1941 et Philippe Pétain, La France nouvelle, op. cit., p. 112, 116.

20 William Garcin, in La Famille, étude de la communauté familiale, « Cahiers de formation politique », 6, Vichy, s. d. Cité par Francine Muel-Dreyfus, Vichy et l’éternel féminin, Contribution à une sociologie politique de l’ordre des corps, Paris, Seuil, 1996, p. 194.

21 Le Code civil français est condamné car il ne régit que des relations d’individu à individu. La conception de la famille qu’il consacre est donc individualiste.

22 Michel Chauvière et Virginie Bussat, op. cit., p. 94-96 ; Paul-André Rosental, op. cit., p. 65.

23 René Savatier, « Une personne morale méconnue : la famille en tant que sujet de droit », Rec. Dalloz, 1939, Chronique XIII, p. 49-52. Cette thèse repose sur l’analyse des droits et des prérogatives spécifiques à la famille qu’il s’agisse des droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux ou des organes existant pour s’exprimer au nom de la famille.

24 André Rouast, La Famille dans la nation, PUF, « Bibliothèque du peuple », 1941. Rouast est également membre de la commission générale des Semaines sociales de France qui soutient ce projet.

25 Fondée sur une démarche inductiviste, cette approche présente plusieurs difficultés mises en évidence par Éric Millard : la première est qu’elle ne donne aucune définition juridique du groupe personnalisé ; la deuxième est qu’elle ne repose pas sur un consentement des membres qui la composent. Enfin Millard souligne le paradoxe d’une personnalité juridique qui serait fondée par le législateur sans qu’elle ne soit explicitée par lui. Éric Millard, Famille et droit public. Recherches sur la construction d’un objet juridique, thèse de droit, 1994 p. 40-42.

26 Un premier projet préparé par William Garcin est soumis le 12 janvier 1941, un second au mois d’avril 1941 intitulé « Charte constitutionnelle de la famille ». Archives nationales (AN), 2AG605.

27 Projet de constitution issu du Conseil national, le 19 juillet 1941. Cette inscription de la famille dans la constitution sera l’une des principales revendications des familiaux.

28 Article 3 du projet de constitution du Conseil national du 19 juillet 1941.

29 Article 53 du projet de constitution du Conseil national du 19 juillet 1941.

30 Article 1 du projet d’acte constitutionnel du 12 janvier 1941 de William Garcin. AN, 2AG605.

31 Selon Michèle Bordeaux ce premier principe explique la non promulgation des deux projets d’acte constitutionnel. Il aurait été considéré comme incompatible avec la conception d’un État autoritaire reposant sur la supériorité de l’État. Michèle Bordeaux, op. cit., p. 58-59.

32 Article 3 du projet d’acte constitutionnel du 12 janvier 1941 de William Garcin. AN, 2AG605.

33 Philippe Pétain, allocution du 13 août 1940.

34 Plusieurs éminents juristes qui participent aux travaux des Semaines sociales de France soutiennent, au moins dans sa forme initiale, cette approche corporatiste. Sur le projet de Charte du travail, le président des Semaines sociales, le doyen de la faculté catholique de droit de Lille, Eugène Duthoit publie ainsi Rénovation française, l’apport des Semaines sociales, Paris, Flammarion, 1942.

35 « Projet de loi portant création de l’Union nationale des foyers de France (bureau Législation). » AN, 2AG605.

36 Discours de Philippe Pétain du 20 juin 1940.

37 Raymond Postal, « Le Chef, la Nation, les Hommes », in France 1941, La Révolution nationale constructive, un bilan et un programme, op. cit., p. 15.

38 « Les familles françaises restent les dépositaires d’un long passé d’honneur. Elles ont le devoir de maintenir à travers les génération, les antiques vertus qui font les peuples forts. » Discours aux Français, Philippe Pétain, 11 juillet 1940.

39 « Famille d’abord », La Revue de la famille, janvier 1942, p. 3.

40 « Retour à la famille » par J.-F. Paul Leclercq, La Revue de la famille, septembre 1940, p. 3.

41 « La France rajeunie veut que l’enfant remplisse vos cœurs de l’espoir qui vivifie et non plus de la crainte qui dessèche », Discours aux Français, Philippe Pétain, 10 juillet 1940. « Nous voulons bien des enfants, mais par la famille. » Éditorial de la Revue de la famille, juillet 1942.

42 Mais cette politique sera rapidement abandonnée en raison de la pénurie de main-d’œuvre masculine puis des différentes formes de travail obligatoire pour l’Allemagne à partir de 1942 (réquisitions des célibataires puis des femmes mariées sans enfant). Cf. Miranda Pollard, « La politique du travail féminin », in Jean-Pierre Azéma et François Bédarida (éd.), Vichy et les Français, Paris, Fayard, 1992, p. 242-250.

43 Muel-Dreyfus Francine, op. cit., p. 127.

44 « De nombreux ménages se dérobaient au devoir sacré de se perpétuer ; d’autres n’avaient qu’un enfant – souvent accepté comme un accident qu’on n’avait pu éviter – encore étaient-ils incapables d’élever cet enfant, de lui donner, avec des principes, l’exemple d’une vie sans reproche. » L’Almanach des Foyers de France, Paris, Clermont-Ferrand, éditions Dargaud, 1942, p. 65.

45 Éditorial, La Famille dans l’État, nouvelles dispositions juridiques, principes d’action, réalisations pratiques, Les Documents français, juillet 1942, p. 1.

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search