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Les conseillers de François Ier

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Cédric Michon

Les anciens conseillers

Louis II de La Trémoille (1460-1525). Au service de François Ier

Laurent Vissière

Texte intégral

  • 1 Dijon, 3 février [1522]. Louis II à François Ier (Paris, BnF, ms frçs 2931, fos 28-29).
  • 2 Sur la vie de La Trémoille, je me permets de renvoyer à mon travail : « Sans poinct sortir hors de (...)

1« Sire, vous m’escripvez que […] vous avez prins ung grant cerf aussi vieulx que moy : il estoit courable par tout pays, et s’il eust eu encores aussi bonnes gembes que moy et aussi bonne voullenté de saulver sa vie comme j’ay de vous fere service, je croy qu’il fust encores aux boys1. » Dans cette lettre, qu’il adresse à François Ier en 1522, Louis II de La Trémoille parle avec le talent d’un courtisan consommé, mais l’autodérision, qu’il manie parfaitement, montre qu’à la cour, ce sexagénaire, vétéran des guerres de Bretagne et d’Italie, fait figure de vieillard. Un vieillard toutefois indéracinable, car il reste l’un de ces serviteurs de l’État, sur lesquels le nouveau roi sait pouvoir compter. En montant sur le trône, François Ier a en effet confirmé La Trémoille dans tous ses titres et fonctions, et durant la première décennie du règne, celui-ci joua un rôle très actif, tant à la cour qu’au Conseil et à la guerre. Comme souvent, les chroniques et les mémoires du temps mettent l’accent sur le chef militaire plutôt que sur le conseiller, si bien que son rôle et ses compétences spécifiques dans le gouvernement royal, ses sentiments d’amitié ou de haine à l’égard de ses pairs restent flous. Pour comprendre la place de La Trémoille à la cour, il convient donc de recourir à une documentation plus intime – en l’occurrence sa correspondance et les journaux de son hôtel –, qui montre à l’œuvre, non seulement le chevalier valeureux, celui qui mourut à Pavie, mais aussi et surtout un véritable homme d’État, soucieux de la sécurité du royaume, et n’hésitant pas à intervenir sans arrêt auprès du jeune souverain2.

La carrière d’un courtisan

2On ne s’improvise pas courtisan. Bien que le terme ait été par la suite bien discrédité, il désignait encore au XVIe siècle un véritable métier, théorisé en Italie par Baldassar Castiglione, mais pratiqué en réalité dans toute l’Europe. La Trémoille apprit très jeune à maîtriser cet art singulier.

Une riche carrière

3Né en 1460 au sein d’une famille en disgrâce, Louis II de La Trémoille chercha à reprendre son rang. Page à la cour de Louis XI, il entra dans la familiarité des Beaujeu, et c’est pendant leur gouvernement qu’il franchit les premières étapes du cursus honorum. Anne de Beaujeu avait en effet besoin de sang neuf pour tenir tête aux grands barons qui lui disputaient le pouvoir, et elle favorisa quelques jeunes gens prometteurs. En 1484, Louis II participa aux états généraux de Tours, intégra le Conseil du roi, reçut sans doute aussi sa première pension, et fut marié à une cousine éloignée des « régents » – Gabrielle de Bourbon-Montpensier (28 juillet 1484). Ce mariage, plus brillant que lucratif, lui permit d’entrer dans la parentèle du roi.

4Comblé de bienfaits, Louis II n’allait pas tarder à faire ses preuves au cours de la guerre civile, qui éclata en 1485, à tel point qu’il reçut, trois ans plus tard, sa première lieutenance générale (1488). En quelques mois, il mena une campagne remarquable, qui culmina avec la victoire de Saint-Aubin-du-Cormier, où il captura le duc d’Orléans et le prince d’Orange, chefs de l’armée rebelle. Après une éclipse relative, il mena, en 1491, la dernière campagne contre les Bretons, qui se conclut par le mariage du roi et de la duchesse Anne. Conforté dans la faveur royale, Louis II put enfin entrer en possession de la vaste vicomté de Thouars, que Louis XI avait jadis confisquée et que les La Trémoille réclamaient toujours ; il reçut en outre l’ordre de Saint-Michel, une charge de chambellan, ainsi qu’une confortable pension. Quelques années plus tard, en 1495, il fut récompensé de sa bonne conduite en Italie par le prestigieux office de premier chambellan du roi.

  • 3 Paolo Giovio, Dialogo dell’imprese militari e amorose, Maria Luisa Doglio (éd.) (d’après la 1re éd (...)
  • 4 Mémoires de Martin et Guillaume Du Bellay, Victor-Louis Bourrilly et Fleury Vindry (éd.), Paris, 19 (...)

5La Trémoille a résumé toute sa philosophie politique en adoptant une austère devise – Sans poinct sortir hors de l’orniere –, « pour signifier qu’il marchait par un chemin droit dans le service de son roi, sans se laisser dévier par aucun intérêt », explique Paolo Giovio3. Bref, c’est par le service royal et une fidélité indéfectible que l’on s’élève à la cour ; la fin lamentable des duchés de Bourgogne et de Bretagne, l’échec du Bien Public et plus tard de la Guerre folle avaient largement prouvé qu’il n’y avait aucun avenir dans la révolte contre la monarchie. Néanmoins, Louis II n’avait pas élaboré de stratégie à long terme, et la mort accidentelle du roi, le 7 avril 1498, le prit complètement au dépourvu, car il voyait monter sur le trône le duc d’Orléans, qu’il avait autrefois vaincu et humilié. On conseillait à celui-ci de punir ses anciens ennemis, mais Louis XII « feit responce que ce n’estoit à un roy de France de venger les injures faictes à un duc d’Orleans, et que s’ils avoient servy le roy contre luy, ils feroient le semblable pour luy estant roy4 ». Rapportées tardivement dans les Mémoires de Du Bellay, ces paroles sont peut-être en partie apocryphes, mais on dut en effet invoquer comme un modèle l’extraordinaire clémence du feu roi lorsqu’en 1515, lui succéda François Ier.

6De fait, La Trémoille fut d’emblée confirmé dans toutes ses charges par Louis XII ; il devint rapidement l’un de ses généraux préférés et l’un de ses intimes. Louis II reconquit le Milanais (1500), mais échoua à reprendre Naples (1503) ; il participa à la guerre de Venise (1509) et mena encore la désastreuse campagne de Novare (1513). La faveur royale lui valut les amirautés de Bretagne et de Guyenne (1502), ainsi que le gouvernement de Bourgogne (1506). Quant à son fils unique, Charles (1485-1515), il marchait sur ses brisées : ayant reçu une compagnie de 30 lances en 1506, il participa dès lors à la plupart des campagnes italiennes ; en 1512, le roi lui confia la châtellenie de Vergy en Bourgogne, et l’année suivante, la charge de lieutenant général en Bourgogne, en l’absence de Louis II.

La stratégie de Louis II

  • 5 La Trémoille avait manqué décéder d’une maladie contractée lors de la campagne de Naples, en 1503. (...)
  • 6 Anne de Bretagne, qui entendait sauver l’indépendance de son duché, était à l’origine des accords (...)

7La Trémoille n’était certainement pas prêt à revivre l’expérience traumatique de 1498. Et voyant qu’après plusieurs années de règne, le roi n’avait toujours pas de fils, il se mit à courtiser Louise de Savoie, dont le rejeton restait l’héritier présomptif de la Couronne. Il avait, à vrai dire, déjà noué quelques liens familiaux, puisque son fils Charles avait épousé, le 7 février 1502, Louise (?-1553), fille unique de Charles de Coëtivy, comte de Taillebourg, et de Jeanne d’Orléans-Angoulême – tante du futur François Ier. Mais c’est de 1505 que débute leur véritable alliance : La Trémoille, remis d’une longue convalescence, opérait sa rentrée politique, tandis que le roi, abattu par la maladie, semblait condamné5. Dans le Conseil de régence, il siégeait en compagnie de quelques fidèles, de la reine et de Louise de Savoie. Dans le testament qu’il signa, le roi exigeait que sa fille unique, Claude, épousât, non plus Charles de Gand, comme on en avait convenu l’année précédente à Blois, mais bien François d’Angoulême (31 mai 1505)6. Il faut sans doute voir dans ce brusque revirement moins un remords de Louis XII que le premier acte du Conseil de régence : sans tenir compte de l’avis de la reine, les vieux courtisans comme La Trémoille rompaient avec une politique jugée absurde et préparaient l’avenir – un avenir qui verrait le très jeune François d’Angoulême accéder au trône sous la direction énergique de sa mère.

  • 7 Jean d’Auton, Chroniques de Louis XII, René de Maulde-La-Clavière (éd.), Paris, 1889, 4 vol., t. I (...)
  • 8 Journal de Louis II (mai 1514).
  • 9 Voir Louis et Scévole de Sainte-Marthe, Histoire généalogique de la Maison de La Trémoille, manusc (...)

8Certes, le roi finit par se remettre – un miracle –, mais La Trémoille n’en continua pas moins à fréquenter les Angoulême. Lors des fiançailles officielles de Claude et de François, Louis II, sa femme, son fils et sa belle-fille prirent part aux festivités (21 mai 1506)7 ; et Louis II fut présent encore à leurs noces définitives, célébrées à Saint-Germain-en-Laye, le 18 mai 15148. Lorsque Charles de La Trémoille eut un fils (septembre ou octobre 1505), il demanda d’ailleurs à François d’Angoulême d’être son parrain9.

La transition réussie

  • 10 Jean Bouchet, Le Panegyric du chevallier sans reproche, Poitiers, 1527, fo 146 vo (éd. scientifiqu (...)
  • 11 Montpipeau, 21 mai 1515 (1 AP 217, no 61-63. Louis-Charles, duc de La Trémoille, Chartrier de Thou (...)

9À la mort de Louis XII, le 1er janvier 1515, le roi qui lui succéda n’avait pas d’injures à oublier, bien au contraire. De fait, avant même son sacre, François Ier confirma les charges et les honneurs de la plupart des grands officiers du royaume, et La Trémoille fut parmi les premiers servis10 ; le roi ne lui accorda pas de nouvelle charge, mais donna tout de même peu après à Gabrielle les revenus du grenier à sel de Sully pour dix ans11.

  • 12 Les journaux de l’hôtel de Louis II permettent de préciser et de corriger l’itinéraire du roi, pub (...)
  • 13 Jean Bouchet, Panegyric, op. cit., fo 172 vo.
  • 14 Contrat de mariage et pièces annexes (1 AP 222, no 4-8. Analyse par Louis-Charles, duc de La Trémo (...)
  • 15 Une alliance entre Louis II et Philiberte de Savoie, demi-sœur de Louise et veuve de Julien de Méd (...)

10Cela dit, un changement de règne entraîne forcément une recomposition du corps politique, et le premier chambellan, attaché à son rang, ne quitta guère la proximité du roi durant les premiers mois de son gouvernement. Il participa aux obsèques de Louis XII, au sacre de François Ier, ainsi qu’à son entrée parisienne ; il l’accompagna ensuite dans tous ses déplacements autour de Paris – à Compiègne, Senlis, Chantilly, Écouen et Saint-Denis12. Puis il le suivit en Italie, dans la campagne qui vit le succès de Marignan et la rencontre de Bologne avec le pape. Victorieuse pour le roi, cette guerre s’acheva sur un désastre familial pour Louis II, car Charles, qui devait prendre sa relève à la cour, périt à Marignan. La maison même des La Trémoille se trouvait en péril, puisque seul François pouvait encore assurer la descendance ; or le petit garçon, de santé fragile, ne paraissait pas devoir survivre bien longtemps… Louis II n’eut plus alors d’autre objectif que de sauver sa lignée. Comme Gabrielle de Bourbon mourut peu après (30 novembre 1516), il en profita pour se remarier avec une femme très jeune et très riche – Louise de Valentinois, fille unique du malheureux mariage de César Borgia, duc de Valentinois, et de Charlotte d’Albret. Née vers 1500, orpheline depuis la mort de sa mère en 1514, elle vivait sous la haute protection de Louise de Savoie. La Trémoille la courtisa au tout début de l’année 1517, alors qu’il avait rejoint le roi à Paris, et, sans perdre de temps, réussit à convaincre Louise de Savoie de permettre le mariage13 : les noces furent célébrées à Saint-Maur-des-Fossés, en présence de François Ier et de sa mère (17 avril)14. Ce mariage révèle les liens profonds que La Trémoille avait noués avec Louise de Savoie15 – celle-ci récompensait ainsi la fidélité du vieux courtisan, et imitait peut-être en cela Anne de Beaujeu qui avait arrangé l’union de Louis II et de Gabrielle.

  • 16 Lors des cérémonies du sacre, Louise de Valentinois était l’une des douze dames qui tenaient la tr (...)
  • 17 Dijon, AM, I 28. Louis II offrit un diamant à Louise de Savoie, ainsi qu’à quatre demoiselles de s (...)
  • 18 Louis II portait le bassin en or (Marino Sanuto, Diarii, op. cit., t. XXV, col. 111-112).
  • 19 D’après les journaux de son hôtel, Louis II alla à leur rencontre, le 17 février, et la cour résid (...)
  • 20 Théodore et Denys Godefroy, Le cérémonial françois, op. cit., t. II, p. 139-143 ; Marino Sanuto, D (...)
  • 21 Marino Sanuto, Diarii, op. cit., t. XXVII, col. 395. Louis II, retenu par les impératifs de son go (...)

11Durant quelques années, la paix régna : Louis II et sa nouvelle femme, très présents à la cour, participèrent à toutes les grandes fêtes et cérémonies. Ils assistèrent au couronnement de la reine Claude (10 mai 1517)16, puis gagnèrent la Bourgogne, où, du fait de sa charge, Louis II devait séjourner fréquemment ; ils y accueillirent Louise de Savoie, pour laquelle ils organisèrent une superbe entrée dans Dijon (8 juin)17. En octobre, Louis II emmena son petit-fils à la cour, qu’il suivit à Moulins pour le baptême du fils du connétable de Bourbon, dont le roi était parrain (29 octobre)18. De Moulins, la cour s’en retourna vers la Loire, et Louis II put accueillir le roi dans son château de Sully-sur-Loire (7 novembre). En février 1518, il organisa de grandes chasses autour de Thouars, auxquelles participèrent le roi et le connétable19. À la fin du même mois, on célébra en grande pompe, à Amboise, la naissance du dauphin François : lors de son baptême, Louis II tenait dans les bras la petite Charlotte de France (qui avait moins de deux ans), et François portait la queue de la robe de Madame Renée, la sœur de la reine (25 avril)20. Le jeune homme commençait dès lors à représenter son grand-père à la cour, et il assista ainsi au baptême du second fils du roi, le futur Henri II (7 juin 1519)21.

  • 22 En annexe de ma thèse de doctorat, se trouve l’itinéraire complet de Louis II, tel que le révèlent (...)

12En fait, jusqu’en 1521, les La Trémoille partagèrent leur temps entre la cour et le gouvernement de Bourgogne – au détriment de la vicomté de Thouars où ils séjournaient de moins en moins. Bien que la série de ses journaux de comptes soit incomplète, on peut proposer un tableau sommaire qui récapitule par année le nombre de jours que Louis II passa à la cour. Il faut distinguer ici la cour au sens large, qui implique une relative proximité du roi (tel personnage loge dans le même lieu que lui, ou pas loin) et au sens étroit, qui implique une intimité réelle avec lui – le maître d’hôtel de Louis II a parfois indiqué dans son journal que celui-ci était « chez le roy » (autrement dit qu’il mangeait et logeait à ses dépens), mais cette note n’a visiblement rien de systématique22.

13Un calcul rapide montre que Louis II passait en moyenne un tiers de l’année auprès du roi – beaucoup plus, lorsqu’il faisait campagne avec lui (comme en 1515 et 1521), beaucoup moins, lorsqu’il était commis à la garde de la Bourgogne et des frontières du royaume (1519, 1522-1523). Quant à la durée de ces séjours, elle variait beaucoup : à la guerre, ils se prolongeaient parfois pendant plusieurs mois ; en temps de paix, La Trémoille pouvait venir en voisin, quand il séjournait sur ses terres et que la cour se fixait sur la Loire, ou quand il résidait en Bourgogne, et que le roi passait à Lyon ou en Champagne. Il restait en général auprès de lui au moins deux semaines, sans que l’on puisse toutefois déterminer exactement les raisons qui le poussaient à abréger ou allonger ce séjour.

Les compétences spécifiques

14Très présent à la cour, Louis II pesait d’un certain poids dans le gouvernement du royaume, mais les courtisans demeurent polyvalents par essence, et il n’est pas toujours facile de déterminer leurs compétences. Autrement dit, qu’est-ce que le roi attendait de lui ? En quoi lui-même s’estimait-il utile ou indispensable ?

L’homme du roi

15François Ier n’a pas jugé bon d’accorder de nouvelles charges à La Trémoille, mais en le confirmant dans celles qu’il possédait déjà, il lui réaffirmait sa confiance. Premier chambellan, amiral de Bretagne et de Guyenne, gouverneur de Bourgogne, plusieurs fois lieutenant général dans le passé, Louis II apparaissait comme l’un des plus fidèles défenseurs de la monarchie, aussi bien en France qu’à l’étranger.

  • 23 Marino Sanuto, Diarii, op. cit., t. XXI, col. 371. Jean Barrillon, Journal (1515-1521), Pierre de (...)
  • 24 Ibid., t. II, p. 79-80. Voir Roger Doucet, Étude sur le gouvernement de François Ier dans ses rapp (...)
  • 25 Jean Bouchet, op. cit., fos 177 vo -178 ro.
  • 26 Ibid., fo 178 vo. On conserve un cri public, ordonné par La Trémoille, le 5 novembre 1524 (Milan, (...)

16Le jeune roi utilisa à l’occasion cet homme déjà âgé, énergique et autoritaire, pour imposer plus fermement sa volonté. En décembre 1515 par exemple, Louis II s’occupa de marquer les logements de la cour à Bologne23. En 1518, comme le parlement de Paris refusait toujours obstinément le concordat, La Trémoille y prononça un discours lourd de menaces, et les parlementaires intimidés finirent par enregistrer le traité en sa présence (22 mars)24. En août 1524, il fut chargé avec La Palisse d’obtenir les clés d’Avignon, où le roi, qui marchait contre les Impériaux, voulait loger, et, ici encore, il sut vaincre l’opposition des consuls de la cité25. Enfin, ce fut lui que le roi nomma gouverneur de Milan reconquise, car il fallait un homme d’autorité pour remettre un peu d’ordre dans la cité affolée26.

  • 27 Traités de paix franco-anglais, en date des 23 mars 1510, 7 août 1514 et 5 avril 1515 (Jean Dumont (...)
  • 28 La Trémoille alla à leur rencontre, à Ardres. Il les festoya ensuite à Paris, le 1er janvier 1519 (...)
  • 29 Sur cet épisode richement documenté, Laurent Vissière, « Sans poinct sortir… », op. cit., p. 265-2 (...)
  • 30 Alors qu’il venait de quitter la cour, Louis II fut rejoint par un courrier royal lui annonçant la (...)

17La Trémoille ne semble pas avoir joué de rôle direct dans la grande diplomatie du règne, mais il fut cependant assez actif lors des négociations avec l’Angleterre. Régulièrement nommé parmi les conservateurs des différents traités signés depuis le début du siècle27, il s’occupa encore des ambassadeurs anglais venus en France en 151828, et prit une part très active au Camp du Drap d’Or en 152029. On note aussi que Louis II siégea au Conseil qui relança la candidature de François Ier à la couronne impériale30.

L’homme des frontières

  • 31 Le journal de Louis II permet de restituer le détail de ce voyage, qui dura d’août à octobre ; on (...)
  • 32 Louis II, très inquiet de la tenue de sa province, multiplia les conseils et les ordres aux Bourgu (...)

18Il s’agit là en fait d’affaires que l’on pourrait qualifier d’« extraordinaires », mais, en temps normal, Louis II possédait un véritable rôle, défini d’ailleurs par la nature de ses charges. Amiral de Bretagne et de Guyenne, il possédait une juridiction maritime sur une large section du littoral atlantique ; gouverneur de Bourgogne, il défendait l’une des frontières les plus menacées du royaume, face aux Suisses et aux Impériaux. Aux yeux du roi, La Trémoille restait donc un « homme de la frontière ». Dans les premières années de son règne, François Ier visita diverses provinces, et La Trémoille l’accompagna en général sur les frontières stratégiques : la Bretagne (été 1518)31, l’Aunis (février 1520), la Picardie (mai-juillet 1520), et enfin la Bourgogne (été 1521)32.

  • 33 En 1522, La Trémoille écrivit au roi pour lui annoncer la mort de son vice-amiral de Bretagne, M. (...)
  • 34 Claude Bouhier, « Les guerres franco-espagnoles de la première moitié du XVIe siècle et leurs répe (...)
  • 35 Il formula ce projet à deux reprises, la première en décembre 1521 (Dijon, 24 et 28 décembre [1521 (...)
  • 36 Dijon, 28 août [1521]. Louis II à François Ier ; lettre similaire à Florimond Robertet (BnF, ms fr (...)
  • 37 Dijon, 26 décembre [1521]. Louis II à Florimond Robertet (BnF, ms frçs 2975, fos 66-67).
  • 38 Jean Bouchet, Panegyric, op. cit., fo 174 vo.
  • 39 La trahison du connétable de Bourbon contraria les projets du roi en Italie, mais celui-ci ne four (...)
  • 40 La Trémoille « a, ce jourd’huy, envoyé deux cartelz de deffianse [au roi], luy alleguant et les dr (...)

19À la fin du règne de Louis XII, au cours des années critiques 1512-1513, La Trémoille s’était démené sur tous les fronts : il avait mis en défense la Normandie et la Picardie, mené une ambassade en Suisse, envahi le Milanais, défendu la Bourgogne ; il avait même songé à attaquer l’Espagne et à prendre le commandement d’une flotte contre les Anglais. Or, si l’on examine la nature de ses missions sous le règne de François Ier, on s’aperçoit que son champ d’action a bien diminué. En premier lieu, il avait entièrement délégué ses charges maritimes et ne s’occupait plus directement de ses amirautés : si, en Bretagne, il ne trouva pas d’homme à son gré33, il envoya en Guyenne l’un de ses fidèles, Regnaud de Moussy, qui sut mettre en défense un littoral menacé par les Espagnols34. La Trémoille possédait par ailleurs un navire de guerre, La Katherine, qui servait à l’occasion dans les guerres du roi, et qui participa, en 1524, à la défense de Marseille. Fort de ces atouts, il essaya de conseiller le roi en matière navale. En 1521-1522, il lui proposa par exemple d’armer une flotte chargée de couler Charles Quint, qui devait quitter les Flandres par la mer35, mais il ne fut pas écouté. En revanche, François Ier tenait compte de son avis pour la mise en défense des frontières terrestres – d’ailleurs n’était-ce pas le rôle des vétérans que de rester à la garde du royaume, pendant que les « jeunes » menaient la guerre aventureuse ? La campagne de 1515 constitue peut-être une exception, mais le roi avait emmené avec lui des hommes d’expérience, comme Trivulce ou La Trémoille, qui étaient les derniers à avoir combattu en Milanais. Durant les années de paix qui suivirent, Louis II s’employa surtout à moderniser les fortifications de sa province, et à gagner le cœur des Bourguignons, sujets réputés rebelles, ou tout au moins plus proches des Habsbourgs que des Valois. Au vu de son efficacité, le roi eut tendance à le cantonner dans ce rôle. Ainsi, lorsque la guerre reprit, en 1521, il lui ordonna de rester à la garde de la Bourgogne. Mais La Trémoille ne l’entendait pas de cette oreille, et à peine la pression s’était-elle relâchée sur sa province qu’il écrivit au roi pour se plaindre : « Sire, par les lettres que m’escripvez, il semble que entendez que je demoure icy, que je trouve bien estrange, veu que m’avez dit que vouliez que feusse avec vous. Je vous supplie, Sire, de ne me faire point ceste honte de me fere demourer, car il n’y a homme autour de vous qui ait meilleur vouloir de vous fere service, et vouldroie myeulx estre mort que de vous habandonner en cest affaire36. » Il fit dès lors toute la campagne avec l’ost royal jusqu’à l’hiver. En décembre, il conseillait au roi d’engager en Italie une campagne d’hiver, appuyée sur les seuls Suisses37, mais en vain, et au printemps suivant, ce n’est pas lui qui fut chargé de reconquérir le Milanais ; le roi lui demanda seulement de rejoindre le duc de Vendôme, gouverneur de Picardie, pour parer à la menace anglo-impériale38. En 1523, François Ier, qui s’apprêtait à passer en Italie, laissa La Trémoille et Vendôme à la garde des frontières septentrionales, qu’ils eurent cette fois bien du mal à tenir39. En 1524, La Trémoille défendait à nouveau la Bourgogne, jusqu’à ce qu’il fût rappelé par le roi pour contrer l’offensive de Bourbon en Provence – il fit ensuite toute la campagne avec lui jusqu’à Milan. Mais le roi le nomma alors gouverneur de la ville, tandis que lui-même allait mettre le siège devant Pavie. Quand la bataille parut inévitable, La Trémoille exigea une dernière fois de combattre40.

20En fait, durant ces années de guerre, La Trémoille se montra un vieillard singulièrement offensif, souvent prêt à risquer la bataille et croyant à la guerre de mouvement. Le roi, considérant son âge, ne voyait cependant pas en lui le jeune chef à qui l’on confie une armée, mais plutôt un homme de confiance à qui l’on réserve la garde des frontières stratégiques – la Bourgogne, la Champagne, la Picardie, voire la ville de Milan.

Le gouverneur de Bourgogne et le maître espion

  • 41 Côté français, le traité fut en fait signé par Georges de La Trémoille, frère cadet de Louis II et (...)

21François Ier accorda toute latitude à La Trémoille pour administrer la Bourgogne, et celui-ci y mena une politique autonome. C’est lui en effet qui relança les négociations de neutralité entre les deux Bourgognes, qui aboutirent au traité de Saint-Jean-de-Losne (8 juillet 1522) : dans une Europe en guerre, Bourgogne et Franche-Comté allaient désormais respecter une stricte neutralité, ce qui soulagea grandement la frontière orientale du royaume41.

  • 42 En 1522, il annonçait avec quelque fierté qu’il avait réussi à corrompre un secrétaire du maréchal (...)
  • 43 Marguerite de Navarre, L’Heptaméron, Michel François (éd.), Paris, 1943 (réimpr. 1996), p. 134-136 (...)
  • 44 Cette affaire, qui a longtemps troublé les spécialistes de la reine de Navarre, est éclairée par l (...)

22Craignant toujours quelque « surprise » de la part de ses voisins, La Trémoille développa aussi un réseau de renseignement, actif en Suisse et en Franche-Comté, et il avait, de l’autre côté de la frontière, nombre d’agents, occasionnels ou permanents42. Cette spécialité lui valut sans doute l’admiration de la cour, ce dont témoigne en tout cas Marguerite de Navarre qui, dans L’Heptaméron, le présente ainsi : « Le gouverneur de Bourgoingne, seigneur de La Trimoille, ancien chevalier et loyal serviteur du Roy, comme celluy qui estoit soupçonneux ou crainctif du mal et dommaige de son maistre, avoit tousjours espies à l’entour de son gouvernement, pour sçavoir ce que ses ennemys faisoient ; et s’y conduisoit si saigement que peu de chose lui estoient celées43. » La 17e nouvelle rapporte comment, grâce à ses espies, La Trémoille démasqua les manigances du comte Guillaume de Fürstenberg : sous prétexte de servir le roi, celui-ci était apparemment venu l’assassiner ; mais il avait eu le tort de s’installer quelque temps à Dijon, en août 1521, et le gouverneur, suspicieux, le mit sous surveillance ; le comte partit rejoindre la cour en Champagne, et La Trémoille découvrit son complot au début du mois de septembre. Il envoya au roi et à ses proches une série de lettres, avant de gagner à son tour la Champagne. Selon Marguerite de Navarre, le roi se serait alors arrangé pour se retrouver seul à seul avec le reître et lui demander des explications. Ce dernier, intimidé, décampa sans demander son reste44

23L’affaire, malgré son aspect romanesque, témoigne de l’efficacité des services de Louis II, probablement uniques en leur genre dans la France de son temps.

Les La Trémoille à la cour

24Les solitaires n’existent pas en milieu aulique : on fait partie d’un groupe de parents et d’alliés, dont la composition se renouvelle sans cesse.

Proches parents

  • 45 Le 3 novembre 1517, Georges fut nommé lieutenant général en Bourgogne, en l’absence de Louis II et (...)
  • 46 Saint-Just-lès-Lyon, 17 janvier [1525]. Louise de Savoie à la municipalité de Dijon (Dijon, AM, B (...)
  • 47 Il n’obtint que l’office de châtelain de Dijon, le 9 mai 1525 (CAF, V, 18300).

25Dès 1483, à la mort de son père, Louis II prit la tête de sa maison et se chargea de pousser ses frères cadets – ses sœurs étaient déjà mariées ou entrées en religion. En 1515, la situation avait bien changé : Jean (v. 1461/1462-1507), qui avait mené une brillante carrière ecclésiastique, était mort depuis longtemps ; Jacques (v. 1463/1464-1515) avait occupé des charges militaires à l’ombre de son aîné, mais il revint malade de la campagne de Marignan, pour mourir chez lui en décembre de la même année. Seul le puîné, Georges, seigneur de Jonvelle (v. 1465/1466-1526), joua un rôle durant le nouveau règne. Possessionné en Bourgogne, il était devenu ipso facto l’un des lieutenants de son frère, gouverneur de la province45 ; il y mena, au début des années 1520, une politique fort active, marquée notamment par la signature du traité de Saint-Jean-de-Losne en 1522, et la défense du pays en 1524-1525, sous la régence de Louise de Savoie46 ; mais il ne succéda pas à son frère en tant que gouverneur47, et mourut d’ailleurs assez vite.

  • 48 Dans l’immédiat, François n’eut que la capitainerie de Vergy, concédée dès le 8 avril 1525 (CAF, V (...)
  • 49 CAF, VII, 19156.
  • 50 Anet, 4 avril 1528 (n. st.). Louis-Charles, duc de La Trémoille (éd.), Inventaire de François de L (...)
  • 51 Peut-être en raison de sa faible constitution, François ne fit pas une belle carrière au service d (...)
  • 52 Antoinette, qui épousa Charles de Husson, comte de Tonnerre († 1492), en eut cinq filles et deux f (...)

26Vu son exceptionnelle longévité, Louis II eut aussi à promouvoir les générations suivantes de ses parents. En 1515, son fils Charles était en passe de lui succéder tant à la cour que dans certaines de ses charges, mais sa mort brutale obligea Louis II à revoir toute sa stratégie. Son petit-fils François, né en 1505, commença à l’accompagner à la cour dès qu’il fut âgé d’une douzaine d’années, mais il était trop jeune pour briguer une charge dans l’immédiat. Il combattit à Pavie, où il fut fait prisonnier48 ; par la suite, il mena encore campagne en Italie en 1527-1528 ; le roi le récompensa en lui donnant l’ordre de Saint-Michel49 et en le nommant lieutenant général de Poitou, Saintonge et ville de La Rochelle50. François ne récupéra aucune des hautes charges de son grand-père51, mais fit une belle carrière régionale – sa position étant encore renforcée par le mariage qu’il avait conclu en 1522 avec Anne, fille du très puissant Guy XVI de Laval. Louis II protégea aussi les enfants et les petits-enfants de ses sœurs mariées, Antoinette et Anne52 ; si aucun d’entre eux n’a joué un rôle de premier plan à la cour, ils firent une carrière honorable, dans la compagnie de Louis II, ou comme capitaines de places en Bourgogne.

  • 53 Elle apparaît au détour d’une nouvelle scatologique de Marguerite de Navarre, qui pourrait bien ai (...)
  • 54 En 1525, elle évoque ainsi « le malheur que j’ay receu en la mort de feu Monseigneur de La Tremoil (...)
  • 55 Ce n’est pas un hasard si, en 1528, Louise fit partie de l’escorte qui accompagna Renée de France (...)

27Il faut dire aussi un mot de ses femmes : Gabrielle de Bourbon détestait apparemment la cour, où elle n’accompagna presque jamais son mari, et ne joua donc aucun rôle politique. En revanche, Louise de Valentinois ne connaissait que la cour, et se sentait mal à l’aise à Thouars. Personnalité, semble-t-il, assez falote53, elle resta proche de Louise de Savoie, vers qui elle revint après la mort de son mari54, avant de se remarier avec Philippe de Bourbon-Busset, en 1530. Elle resta toujours proche de Ferrare, dont sa tante, Lucrèce Borgia, avait été duchesse55.

Alliés et ennemis

28Dans sa jeunesse, Louis II avait fait ses premières armes comme une créature des Beaujeu, mais très vite, il arriva à entrer dans la familiarité des souverains qu’il servait. Quand il devait s’éloigner physiquement de la cour, il gardait un contact direct avec le roi, en lui écrivant de très longues missives, en général doublées à Florimond Robertet, et parfois à Louise de Savoie. C’est par cette correspondance, malheureusement très lacunaire, et les journaux de son hôtel que l’on arrive à deviner les réseaux d’amitié et d’alliance des La Trémoille à la cour.

29On peut essayer de distinguer plusieurs cercles, même si ceux-ci, inévitablement, se recoupent.

  • 56 Dans ses lettres à Robertet, Louis II signe « le tout vostre alyé et amy ».
  • 57 Le 7 décembre 1498, Arthus de Boisy, qui venait d’hériter de son père, fit l’hommage d’Oiron à Lou (...)
  • 58 Les journaux de comptes montrent de fréquentes visites à Oiron.
  • 59 La tradition veut, depuis Guicciardini et Brantôme, que la bataille de Pavie ait été livrée sur le (...)

30En premier lieu, on note une certaine solidarité entre les anciens fidèles de Louis XII : Louis II entretenait des liens avec des hommes de sa génération, comme Florimond Robertet (1458-1527)56, et ses compagnons d’armes, comme Gian Jacopo Trivulzio (1442-1518) ou son cousin Teodoro Trivulzio (1454-1532), Artus Gouffier, seigneur de Boisy (1474-1519) ou Jacques de Chabannes, seigneur de La Palisse (1465-1525). Il faut tenir compte ensuite de la géographie : vicomte de Thouars, Louis II était l’un des seigneurs les mieux possessionnés du Bas-Poitou, et il avait fait entrer dans son orbite nombre de petites familles nobles de la région, dont on retrouve les membres parmi ses officiers et ses proches. Il se trouvait naturellement en relation avec les Gouffier, dont le château d’Oiron se trouvait à proximité de Thouars57. Arthus, qui combattit en Italie dès la campagne de 1494, devint, en 1505, le gouverneur de François de Valois. Ce dernier, en montant sur le trône, le nomma grand maître de France (1515), et l’année suivante, donna l’amirauté de France à son frère cadet, Guillaume, seigneur de Bonnivet (1488-1525). Louis II semble avoir entretenu avec Arthus de bonnes relations58, beaucoup moins avec Bonnivet – qui représentait en fait la nouvelle génération, celle des compagnons de François Ier59.

  • 60 Florange, op. cit., t. I, p. 112 ; Guillaume de Marillac, Vie du connétable Charles de Bourbon (149 (...)
  • 61 Marino Sanuto, Diarii, op. cit., t. XVIII, col. 469 ; Mémoires de Martin et Guillaume Du Bellay, o (...)
  • 62 Marino Sanuto, Diarii, op. cit., t. XXV, col. 111-112.
  • 63 Mémoires de Martin et Guillaume Du Bellay, op. cit., t. I, p. 265.
  • 64 Jean Bouchet, Panegyric, op. cit., fo 175.
  • 65 Théodore et Denys Godefroy, Le cérémonial françois, op. cit., t. II, p. 455-463.
  • 66 Cette indication est donnée dans une lettre de Jean Joachim de Passan, seigneur de Vaux, ambassade (...)
  • 67 François de Bourbon, comte de Saint-Pol (1491-1545), frère cadet de Charles, combattit avec La Tré (...)
  • 68 Louis était l’oncle de Charles, duc de Vendôme ; il épousa en 1508 Louise, une fille de Gilbert de (...)

31Un autre réseau, plus complexe à saisir, tourne autour des Bourbons. Louis II devait sa carrière aux Bourbon-Beaujeu ; il avait épousé Gabrielle de Bourbon-Montpensier, et s’entendait assez bien avec sa belle-famille : il combattit régulièrement avec son beau-frère Gilbert, jusqu’à ce que celui meure, en 1496, vice-roi de Naples ; il prit alors ses trois neveux sous son aile – Louis, Charles et François. Louis mourut en 1501, François, en 1515, à Marignan, et il ne demeurait donc plus que Charles, qui secoua très tôt cette tutelle. En 1505, son mariage avec sa cousine Suzanne de Bourbon avait fait de lui le plus puissant des féodaux du royaume ; apprécié de Louis XII, il entra en rivalité avec son oncle dès 1513, à propos de l’armée qu’on envoyait en Milanais : La Trémoille réussit à en obtenir le commandement à la place de Charles, primitivement nommé à cette charge60 ; l’année suivante, après l’échec de La Trémoille, le roi prépara une nouvelle expédition, hésitant à nouveau entre les deux hommes61. À Marignan, Charles de La Trémoille tomba alors qu’il luttait sous les ordres de Charles, et ce décès ne dut pas améliorer les rapports du nouveau connétable avec le vieux courtisan… Louis II tint cependant une place d’honneur au baptême de son fils, en octobre 151762. Lors de la trahison du connétable, en 1523, le roi marqua sa méfiance à l’égard de Charles de Bourbon-Vendôme (1480-1537), gouverneur de Picardie, parce qu’il était « de la maison de Bourbon63 », et envoya à sa place La Trémoille, qui protesta, parce qu’il s’entendait bien avec le duc64. Celui-ci, rapidement blanchi, allait désormais combattre avec La Trémoille sur les frontières de Picardie et de Champagne. Dans cette affaire, Louis II, pourtant proche parent du connétable, non seulement ne fut pas soupçonné, mais fut en plus l’un des présidents de séance du lit de justice qui condamna Charles par contumace (mars 1524)65. La rivalité des deux hommes n’oblitéra pas totalement les liens du sang, puisqu’il semble qu’au lendemain de Pavie, Charles ait proposé à François de La Trémoille, prisonnier, de passer à son service66. Louis II eut en revanche d’excellents rapports avec les Bourbon-Vendôme, en la personne du duc Charles, son compagnon d’armes dans les années 152067, mais aussi en celle de Louis, prince de La Roche-sur-Yon (1473-1520)68 – ce dernier avait établi sa résidence principale à Champigny-sur-Veude, où les La Trémoille venaient souvent en voisins.

  • 69 Sur toute l’affaire, Francis Decrue, Anne de Montmorency, grand maître et connétable de France, à (...)
  • 70 Apprenant qu’Anne était tombé malade, Louis II lui envoya par exemple une lettre très affectueuse, (...)

32Les Montmorency occupent une place privilégiée dans l’univers de Louis II : sans lien particulier avec cette famille, il s’intéressa dès les années 1510 à Anne de Montmorency (1493-1567), qui faisait alors ses premières armes. Tenu en haute estime par François Ier, le jeune homme apparut comme une étoile montante du nouveau règne, et Louis II vit en lui un fils selon son cœur. Après la mort de Charles de La Trémoille et en l’absence de toute descendance mâle de ses frères, le nom même de sa maison paraissait devoir se perdre : il négocia donc un avantageux mariage entre Anne et sa nièce Jacqueline – fille unique de son frère Georges. Le 20 février 1517, un contrat de mariage prévoyait qu’Anne épouserait celle-ci, dès qu’elle aurait atteint 17 ans ; si Louis II et Georges de La Trémoille mouraient sans descendance mâle, Anne de Montmorency reprendrait le nom, les armes, les titres et les biens de toute leur maison. Mais l’affaire se gâta très vite : Louis II se remaria peu après, et son petit-fils, jusque-là très malade, se rétablit, avant de se marier également et d’avoir un fils dans la foulée (décembre 1522). En outre, la mort de son frère aîné, en 1516, avait fait d’Anne le principal héritier de sa propre maison et rendait l’union avec une La Trémoille beaucoup moins intéressante. Malgré tous ses efforts, Louis II n’arriva pas à convaincre le jeune homme de respecter ses engagements, et finit par y renoncer complètement, au début de l’année 152369. Ce camouflet n’entama cependant jamais l’estime que portait Louis II à celui qu’il continua d’appeler son « nepveu » et son « amy »70. Durant les années de guerre, de 1521 à 1525, les deux hommes combattirent souvent ensemble et entretinrent une correspondance fournie et chaleureuse. Si Louis II avait pu voir en Anne un successeur selon son cœur, il servit également sans aucun doute de modèle au jeune courtisan.

*

33Louis II laissa à sa mort les affaires de sa maison en ordre – il avait enfin des descendants, le nom ne se perdrait pas. Mais il n’avait pas surmonté le vide causé par la mort de son fils : lui-même n’était plus, en 1525, qu’un vieillard, remarquablement efficace sans doute, mais en décalage avec les jeunes gens de la cour, et son petit-fils était, de son côté, trop jeune pour véritablement prendre en charge sa succession. De fait, les La Trémoille ne jouèrent plus qu’un rôle très modeste à la cour de France jusqu’à la fin du règne.

Notes

1 Dijon, 3 février [1522]. Louis II à François Ier (Paris, BnF, ms frçs 2931, fos 28-29).

2 Sur la vie de La Trémoille, je me permets de renvoyer à mon travail : « Sans poinct sortir hors de l’orniere ». Louis II de La Trémoille (1460-1525), Paris, 2008. L’essentiel des papiers de famille se trouve dans le chartrier de Thouars, aujourd’hui aux Archives nationales, sous la cote 1 AP. Les comptes journaliers des maîtres d’hôtel, assez bien conservés pour la période 1515-1525, permettent de restituer l’itinéraire de La Trémoille et le temps qu’il passa réellement auprès du roi (1 AP 1371-38) ; en revanche, sa correspondance reste très lacunaire : on ne possède de séries épistolaires pertinentes que pour les années 1521-1523, et seulement avec le roi, Florimond Robertet et Anne de Montmorency (ces lettres se trouvent pour la plupart dans les fonds anciens de la BnF). La BnF (ms frçs 3925) conserve aussi les débris du chartrier de Jean V d’Aumont, lieutenant général de La Trémoille en Bourgogne : il contient quelques éléments intéressants de leur correspondance (à noter que la calamiteuse édition de Pierre de Vaissière est presque inutilisable : « Une correspondance de famille au commencement du XVIe siècle : lettres de la maison d’Aumont, 1515-1527 », Annuaire-bulletin de la Société de l’histoire de France, t. 46 (1909), p. 239-304). Si l’on note depuis peu un regain d’intérêt pour les correspondances de la période, marqué par quelques excellentes monographies, il n’existe en revanche aucune étude sérieuse sur la pratique épistolaire au temps des premières guerres d’Italie.

3 Paolo Giovio, Dialogo dell’imprese militari e amorose, Maria Luisa Doglio (éd.) (d’après la 1re édition de 1555), Rome, 1978, p. 102.

4 Mémoires de Martin et Guillaume Du Bellay, Victor-Louis Bourrilly et Fleury Vindry (éd.), Paris, 1908-1919, 4 vol., t. I, p. 51-52.

5 La Trémoille avait manqué décéder d’une maladie contractée lors de la campagne de Naples, en 1503. Pendant deux ans, il ne joua pratiquement aucun rôle politique, et ne semble pas avoir pris part aux intrigues de Louise de Savoie contre le maréchal de Gié.

6 Anne de Bretagne, qui entendait sauver l’indépendance de son duché, était à l’origine des accords de Blois, qui donnaient à l’héritier de Maximilien de Habsbourg la main de Claude et une dot ahurissante, comprenant, entre autres, la Bretagne, la Bourgogne, toutes les possessions italiennes, et jusqu’au comté de Blois…

7 Jean d’Auton, Chroniques de Louis XII, René de Maulde-La-Clavière (éd.), Paris, 1889, 4 vol., t. IV, p. 50 et note.

8 Journal de Louis II (mai 1514).

9 Voir Louis et Scévole de Sainte-Marthe, Histoire généalogique de la Maison de La Trémoille, manuscrit (1 AP 11, fo 347). Il faut noter que Charles avait eu pour parrain Charles VIII.

10 Jean Bouchet, Le Panegyric du chevallier sans reproche, Poitiers, 1527, fo 146 vo (éd. scientifique Laurent Vissière et François Cornilliat en préparation aux éditions Honoré Champion). Des actes similaires, datés du 7 janvier, conservaient à Louis II son gouvernement de Bourgogne, ses amirautés de Guyenne et de Bretagne (CAF, I, 17-19). Il demeurait en outre premier chambellan. Le 28 octobre 1515, à l’issue de la campagne d’Italie, Louis II récupéra aussi la châtellenie de Vergy, qui avait appartenu à son fils (CAF, I, 369).

11 Montpipeau, 21 mai 1515 (1 AP 217, no 61-63. Louis-Charles, duc de La Trémoille, Chartrier de Thouars, documents historiques et généalogiques, Paris, 1877, p. 44. CAF, I, 264).

12 Les journaux de l’hôtel de Louis II permettent de préciser et de corriger l’itinéraire du roi, publié à la suite du CAF, VIII, 412 sq.

13 Jean Bouchet, Panegyric, op. cit., fo 172 vo.

14 Contrat de mariage et pièces annexes (1 AP 222, no 4-8. Analyse par Louis-Charles, duc de La Trémoille, dans Les La Trémoille pendant cinq siècles, Nantes, 1890-1896, 5 vol., t. II, p. 130).

15 Une alliance entre Louis II et Philiberte de Savoie, demi-sœur de Louise et veuve de Julien de Médicis, avait, semble-t-il, été envisagée (Marino Sanuto, I Diarii dal 1496 al 1532, Federico Stefani et al. (éd.), Venise, 1879-1903, 58 vol., t. XXIII, col. 405). Mais le projet n’eut pas de suite parce que Louis II ne voulait pas épouser de veuve (Jean Bouchet, Panegyric, op. cit., fo 173 ro).

16 Lors des cérémonies du sacre, Louise de Valentinois était l’une des douze dames qui tenaient la traîne de Claude, et Louis figurait dans le cortège des Grands, qui précédait le couple royal (Marino Sanuto, Diarii, op. cit., t. XXIV, col. 248 et 301-302 ; Théodore et Denys Godefroy, Le cérémonial françois, Paris, 1649, 2 vol., t. I, p. 472-473).

17 Dijon, AM, I 28. Louis II offrit un diamant à Louise de Savoie, ainsi qu’à quatre demoiselles de sa compagnie (1 AP 203, et 1 AP 13731. Éd. partielle Les La Trémoille…, op. cit., t. II, p. 78-79).

18 Louis II portait le bassin en or (Marino Sanuto, Diarii, op. cit., t. XXV, col. 111-112).

19 D’après les journaux de son hôtel, Louis II alla à leur rencontre, le 17 février, et la cour résida à Thouars du 18 au 20.

20 Théodore et Denys Godefroy, Le cérémonial françois, op. cit., t. II, p. 139-143 ; Marino Sanuto, Diarii, op. cit., t. XXV, col. 405-407.

21 Marino Sanuto, Diarii, op. cit., t. XXVII, col. 395. Louis II, retenu par les impératifs de son gouvernement de Bourgogne, avait toutefois fait organiser de grandes réjouissances à Dijon pour la naissance d’Henri (Auxonne, 6 avril 1519, n. st. Louis II à la municipalité de Dijon. Dijon, AM, B 451, no 121).

22 En annexe de ma thèse de doctorat, se trouve l’itinéraire complet de Louis II, tel que le révèlent ses journaux et divers documents annexes (Louis II de La Trémoille ou le dernier Moyen Age (1460-1525), thèse dactyl. Paris IV, 3 vol., t. III, p. 709-811). Le présent tableau restitue de manière probable le temps passé à la cour, par la comparaison méthodique des itinéraires de Louis II et du roi. Vu les lacunes de la documentation, ces chiffres sont de toute façon inférieurs à la réalité.

23 Marino Sanuto, Diarii, op. cit., t. XXI, col. 371. Jean Barrillon, Journal (1515-1521), Pierre de Vaissière (éd.), Paris, 1897-1899, 2 vol., t. I, p. 164-165.

24 Ibid., t. II, p. 79-80. Voir Roger Doucet, Étude sur le gouvernement de François Ier dans ses rapports avec le parlement de Paris, Paris, 1921-1926, 2 vol., t. I, chap. 3. Doucet a utilisé le registre des délibérations du Parlement (Paris, AN, X1A 1520, fos 113-126).

25 Jean Bouchet, op. cit., fos 177 vo -178 ro.

26 Ibid., fo 178 vo. On conserve un cri public, ordonné par La Trémoille, le 5 novembre 1524 (Milan, AdS, Autografi 206, no 75. La Trémoille).

27 Traités de paix franco-anglais, en date des 23 mars 1510, 7 août 1514 et 5 avril 1515 (Jean Dumont [dir.], Corps universel diplomatique du droit des gens…, Amsterdam, 1726-1731, 8 vol., t. IV, part. 1, nos 58, 87 et 95).

28 La Trémoille alla à leur rencontre, à Ardres. Il les festoya ensuite à Paris, le 1er janvier 1519 (Mémoires du maréchal de Florange, dit le Jeune Adventureux, Robert Goubaux et Paul-André Lemoisne [éd.], Paris, 1913-1924, 2 vol., t. I, p. 227-230 ; Marino Sanuto, Diarii, op. cit., t. XXVI, col. 349-352 ; Jean Barrillon, op. cit., t. II, p. 113-114).

29 Sur cet épisode richement documenté, Laurent Vissière, « Sans poinct sortir… », op. cit., p. 265-267.

30 Alors qu’il venait de quitter la cour, Louis II fut rejoint par un courrier royal lui annonçant la mort de Maximilien, et il rentra aussitôt en poste à Paris (journal de janvier 1519).

31 Le journal de Louis II permet de restituer le détail de ce voyage, qui dura d’août à octobre ; on note qu’à la mi-août, le roi s’était embarqué à Brest, sur un navire qui prit feu.

32 Louis II, très inquiet de la tenue de sa province, multiplia les conseils et les ordres aux Bourguignons, et organisa une pompeuse entrée royale dans Dijon, le 16 avril (cf. Laurent Vissière, « Sans poinct sortir… », op. cit., p. 268-269).

33 En 1522, La Trémoille écrivit au roi pour lui annoncer la mort de son vice-amiral de Bretagne, M. de Bonnet, et lui demander d’y nommer « ung homme qui se congnoisse en cest affere » (Dijon, 7 février [1522]. BnF, ms frçs 2931, fos 30-31).

34 Claude Bouhier, « Les guerres franco-espagnoles de la première moitié du XVIe siècle et leurs répercussions à Noirmoutier », Bulletin historique et philologique du Comité des travaux historiques et scientifiques (1969), p. 271-281.

35 Il formula ce projet à deux reprises, la première en décembre 1521 (Dijon, 24 et 28 décembre [1521]. Louis II à Florimond Robertet. BnF, ms frçs 2975, fos 75-76 ; et ms frçs 3029, fos 131-132) ; la seconde en février suivant (Dijon, 7 février [1522]. Louis II à François Ier et à Florimond Robertet. BnF, ms frçs 2931, fos 30-31 ; et ms frçs 3029, fos 117-118).

36 Dijon, 28 août [1521]. Louis II à François Ier ; lettre similaire à Florimond Robertet (BnF, ms frçs 2985, fos 55-56 ; et ms frçs 3060, fos 60-61).

37 Dijon, 26 décembre [1521]. Louis II à Florimond Robertet (BnF, ms frçs 2975, fos 66-67).

38 Jean Bouchet, Panegyric, op. cit., fo 174 vo.

39 La trahison du connétable de Bourbon contraria les projets du roi en Italie, mais celui-ci ne fournit pas pour autant des renforts pour la Picardie, et les Anglais menacèrent directement Paris, avant de battre en retraite devant l’hiver (cf. Stephen J. Gunn, « The Duke of Suffolk’s march on Paris in 1523 », English historical Review, t. 101 [1986], p. 596-634).

40 La Trémoille « a, ce jourd’huy, envoyé deux cartelz de deffianse [au roi], luy alleguant et les droits et les privilleges de son office de premier cham[bellan] et aussi d’autres raisons… » (Pavie, 1er février 1525. Philibert Babou à Louise de Savoie. Aimé Champollion-Figeac [éd.], Captivité du roi François Ier, Paris, 1847, p. 50-52, no 30).

41 Côté français, le traité fut en fait signé par Georges de La Trémoille, frère cadet de Louis II et son lieutenant (Jean Dumont, Corps universel…, op. cit., t. IV, part. 1, no 165).

42 En 1522, il annonçait avec quelque fierté qu’il avait réussi à corrompre un secrétaire du maréchal du Comté, « qui me faict sçavoir beaucoup de nouvelles » (Dijon, 7 février [1522]. Louis II à François Ier. BnF, ms frçs 2931, fos 30-31).

43 Marguerite de Navarre, L’Heptaméron, Michel François (éd.), Paris, 1943 (réimpr. 1996), p. 134-136 (2e journée, dix-septième nouvelle).

44 Cette affaire, qui a longtemps troublé les spécialistes de la reine de Navarre, est éclairée par la correspondance de Louis II (cf. Laurent Vissière, « Les espies de La Trémoille et le comte Guillaume de Fürstenberg. À propos d’une nouvelle de Marguerite de Navarre », Bibliothèque de l’École des chartes, t. 167 [2009] ; p. 465-486).

45 Le 3 novembre 1517, Georges fut nommé lieutenant général en Bourgogne, en l’absence de Louis II et de son lieutenant, Jean d’Aumont (Chartrier de Thouars…, op. cit., p. 227 ; cf. CAF, I, 744).

46 Saint-Just-lès-Lyon, 17 janvier [1525]. Louise de Savoie à la municipalité de Dijon (Dijon, AM, B 171, no 46).

47 Il n’obtint que l’office de châtelain de Dijon, le 9 mai 1525 (CAF, V, 18300).

48 Dans l’immédiat, François n’eut que la capitainerie de Vergy, concédée dès le 8 avril 1525 (CAF, V, 18234). C’est Philippe Chabot, seigneur de Brion (1480-1543), qui bénéficia le plus de la mort de Louis II, recevant en 1526 l’amirauté de Bretagne, le gouvernement de Bourgogne et celui de la ville de Concarneau (CAF, I, 2306 et 2349 ; V, 18591) ; Odet de Foix, seigneur de Lautrec, obtint pour sa part l’amirauté de Guyenne (CAF, I, 2309), et Louis de Brézé, comte de Maulévrier, l’office de premier chambellan (CAF, V, 18627).

49 CAF, VII, 19156.

50 Anet, 4 avril 1528 (n. st.). Louis-Charles, duc de La Trémoille (éd.), Inventaire de François de La Trémoille (1542), Nantes, 1887, p. viii-xii (cf. CAF, I, 2941).

51 Peut-être en raison de sa faible constitution, François ne fit pas une belle carrière au service du roi, mais cela paraissait anormal. Ainsi, le 22 avril 1531, Jean de Ravenel, qui gouvernait le petit Louis III de La Trémoille à la cour, pouvait écrire au père de celui-ci que sa présence serait souhaitable, d’autant que Louis de Brézé, devenu premier chambellan en 1526, était mourant, et qu’il était temps de réclamer cette charge, autrefois détenu par Louis II (lettre éditée par Alphonse de Ruble : « 22 avril 1531. La cour des enfants de France sous François Ier », dans Notices et documents publiés pour la société de l’Histoire de France à l’occasion du cinquantième anniversaire de sa fondation, Paris, 1884, p. 323-330).

52 Antoinette, qui épousa Charles de Husson, comte de Tonnerre († 1492), en eut cinq filles et deux fils. Anne se maria trois fois, avec Louis d’Anjou, Bâtard du Maine et baron de Mézières († 1489), Guillaume de Rochefort, chancelier de France († 1492), et Jacques de Rochechouart. Ce népotisme, traditionnel et accepté, se traduit par diverses lettres de recommandations au roi, qui n’entrent pas tout à fait dans le cadre de cette étude.

53 Elle apparaît au détour d’une nouvelle scatologique de Marguerite de Navarre, qui pourrait bien ainsi se moquer d’elle de manière détournée (L’Heptaméron, op. cit., p. 88-89 : deuxième journée, onzième nouvelle).

54 En 1525, elle évoque ainsi « le malheur que j’ay receu en la mort de feu Monseigneur de La Tremoille, lequel a esté tel et si grand que soustenir ne l’eusse peu, n’eust esté le secours et consolation que m’a donnee Madame la mere du roy en me retirant auprés d’elle, où de present je suis, et bien fort d’elle favorablement traictee » (s. l. n. d. [après février 1525]. Louise à Alfonso d’Este, duc de Ferrare. Modène, Archivio estense, Particolari, 209, doss. Luigia Borgia).

55 Ce n’est pas un hasard si, en 1528, Louise fit partie de l’escorte qui accompagna Renée de France vers Ferrare (Louise s’arrêta à Grenoble). Elle reçut du roi une indemnité de 1 000 £ pour ses frais (CAF, I, 3155).

56 Dans ses lettres à Robertet, Louis II signe « le tout vostre alyé et amy ».

57 Le 7 décembre 1498, Arthus de Boisy, qui venait d’hériter de son père, fit l’hommage d’Oiron à Louis II (Père Anselme, Histoire généalogique et chronologique de la maison royale de France…, Paris, 1726-1733, 9 vol., t. VIII, p. 384).

58 Les journaux de comptes montrent de fréquentes visites à Oiron.

59 La tradition veut, depuis Guicciardini et Brantôme, que la bataille de Pavie ait été livrée sur les désastreux conseils de Bonnivet et contre l’avis plus sage des vieux chefs, comme La Trémoille, La Palisse, Teodoro Trivulzio et divers autres (Francesco Guicciardini, Histoire d’Italie, trad. Jean-Louis Fournel et Jean-Claude Zancarini, Paris, 1996, 2 vol., t. II, p. 302-303 : liv. XV, chap. 14 ; Brantôme, Grands Capitaines françois, dans Œuvres complètes, Ludovic Lalanne (éd.), Paris, 1864-1882, 11 vol., t. II, 375-378, et t. III, p. 64-65).

60 Florange, op. cit., t. I, p. 112 ; Guillaume de Marillac, Vie du connétable Charles de Bourbon (1490-1521), Jean Alexandre Buchon (éd.), Panthéon littéraire…, vol. 11, p. 124-184, Paris, 1836 (p. 149).

61 Marino Sanuto, Diarii, op. cit., t. XVIII, col. 469 ; Mémoires de Martin et Guillaume Du Bellay, op. cit., t. I, p. 52.

62 Marino Sanuto, Diarii, op. cit., t. XXV, col. 111-112.

63 Mémoires de Martin et Guillaume Du Bellay, op. cit., t. I, p. 265.

64 Jean Bouchet, Panegyric, op. cit., fo 175.

65 Théodore et Denys Godefroy, Le cérémonial françois, op. cit., t. II, p. 455-463.

66 Cette indication est donnée dans une lettre de Jean Joachim de Passan, seigneur de Vaux, ambassadeur en Angleterre, à Thomas Lark, confesseur de Wolsey (Gilbert Jacqueton [éd.], La politique extérieure de Louise de Savoie. Relations diplomatiques de la France et de l’Angleterre pendant la captivité de François Ier (1525-1526), Paris, 1892, p. 316-318). En revanche, le duel à mort de Louis II et de Charles de Bourbon, tel que le relate Robert Macquériau, relève du pur fantasme (Histoire générale de l’Europe depuis la naissance de Charle-Quint jusqu’au cinq juin MDXXVII, Paquot et Nélis [éd.], Louvain, 1765, p. 221).

67 François de Bourbon, comte de Saint-Pol (1491-1545), frère cadet de Charles, combattit avec La Trémoille lors de la campagne de 1521, mais on ne sait rien de leurs rapports.

68 Louis était l’oncle de Charles, duc de Vendôme ; il épousa en 1508 Louise, une fille de Gilbert de Montpensier, ce qui lui permit plus tard de prendre le titre de duc de Montpensier.

69 Sur toute l’affaire, Francis Decrue, Anne de Montmorency, grand maître et connétable de France, à la cour, aux armées et au Conseil du roi François Ier, Paris, 1885, p. 68-70. Jacqueline épousa finalement, en 1527, Claude Gouffier, marquis de Boisy, le fils aîné d’Artus. L’alliance entre les deux familles se fit longtemps après, en 1549, lorsque Louis III de La Trémoille épousa Jeanne de Montmorency, fille du connétable.

70 Apprenant qu’Anne était tombé malade, Louis II lui envoya par exemple une lettre très affectueuse, où il se présentait comme l’un de ses proches amis (Dijon, 17 mai [1524]. Paris, BnF, ms frçs 2915, fo 107).

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