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La rumeur au Moyen Âge

 | 
Myriam Soria
, 
Maïté Billoré

Première partie. La rumeur, matériau des constructions historiographiques et littéraires

La réputation face à la rumeur. Fama épiscopale et mémoires ecclésiales aux XIe-XIIe siècles

Delphine Boyer-Gardner

Texte intégral

Je tiens à remercier I. Cartron, M. Charageat, P. Henriet, M. Soria, C. Treffort et M. Vivas pour avoir accepté de relire cet article et contribué, par leurs remarques avisées, à sa finalisation.

  • 1 La dimension liturgique et commémorative de la memoria reste, depuis les premiers travaux de l’Éco (...)

1Au cœur du processus de construction et de fixation de la memoria des Églises diocésaines médiévales se trouvent les évêques, qui ont dirigé et incarné ces institutions. Cette memoria, entendue ici dans un sens large pour désigner le lien social entretenu autour de la mémoire des morts par une communauté de vivants à travers un ensemble d’initiatives orales, écrites et matérielles1, se fonde à la fois sur l’ensemble des évêques – depuis les origines du siège – et sur chacun d’entre eux, individuellement.

2Elle transparaît en particulier dans la documentation nécrologique des cathédrales et d’autres églises de la cité et du diocèse, où les évêques figurent régulièrement parmi les nombreux autres défunts dont on célébrait le souvenir. Parallèlement à ces commémorations individuelles ont pu exister des formes de célébration collective, comme semblent en témoigner certaines listes épiscopales médiévales. La fonction liturgique de ces listes est néanmoins bien souvent difficile à démontrer et la plupart ont visiblement été écrites dans une optique historiographique ; elles illustrent, avec les récits narratifs de type gesta episcoporum qui s’appuient aussi sur la succession, l’utilisation institutionnelle du souvenir des évêques. Par ailleurs, en matérialisant et prolongeant le souvenir des anciens prélats à l’intérieur de l’espace ecclésial et liturgique, les tombes, les inscriptions funéraires ou obituaires qui y sont parfois associées, ainsi que certains objets déposés dans les trésors – en particulier ceux des églises cathédrales qui conservaient quantité d’ornamenta et vestimenta épiscopaux – participent aussi de cette mémoire solennelle.

  • 2 Cl. Gauvard, « La Fama, une parole fondatrice », La renommée, dans Médiévales, 24, 1993, p. 5-13 ;(...)
  • 3 Voir en dernier lieu J. Théry, « Fama : l’opinion publique comme preuve judiciaire. Aperçu sur la (...)
  • 4 Les contributions recueillies dans Fama. The Politics of Talk and Reputation in Medieval Europe, T (...)
  • 5 Gauvard, « Rumeur », op. cit., p. 167-169.

3Assise entre mémoire individuelle et collective, la memoria des sièges épiscopaux médiévaux dépendait par conséquent de la dignité de tous et de chacun. Les évêques furent d’ailleurs très tôt et régulièrement exhortés à faire preuve d’une moralité exemplaire. De leurs mœurs et leur train de vie, scrutés par l’ensemble de la société laïque et ecclésiastique, dépendait leur réputation ; et celle-ci, à l’époque, se mesurait sur l’échelle de la fama. Le terme revêt une double valeur juridique et sociale qui a notamment été soulignée par Cl. Gauvard2 ; c’est néanmoins en tant que notion de droit, devenue, au XIIIe siècle, indissociable de la procédure inquisitoire, que la fama a le plus souvent retenu l’attention3. Sa dimension sociologique, liée à l’oralité – et par extension au bruit qui court, à la rumeur et à la conception d’une forme d’« opinion publique » – a été relativement peu abordée4. C’est pourtant cet aspect qui semble prédominer au XIe et durant une partie du XIIe siècle quand elle sert essentiellement à désigner la réputation personnelle mais aussi le bruit qui répand une nouvelle5.

4On peut alors se demander dans quelle mesure, régie par l’oralité, mouvante par essence et de fait, perméable aux manipulations, la fama des évêques a pu constituer un outil de pression utilisable par leurs opposants. De quelle manière et dans quel but a-t-elle pu faire l’objet d’attaques ? La rumeur intervenait-elle dans ces entreprises de déstabilisation ? Une mauvaise renommée pouvait-elle engendrer la déposition d’un évêque et, au-delà, le discréditer au point de rendre son souvenir illégitime aux yeux de son Église ? À côté de ceux dont on ne connaît l’existence que par leur seule insertion dans une liste, certains prélats ont inspiré à leurs contemporains davantage de commentaires écrits. Ces témoignages, seuls vestiges de ce qui s’est dit et pensé sur leurs choix et leurs actions, nous servent à cerner de manière plus ou moins exacte leur personnalité et leur réputation. L’exemple de quatre évêques aquitains du XIe siècle et du début du XIIe siècle, qui, de leur vivant et après leur mort, ont fait l’objet de commentaires acerbes, va permettre de proposer quelques éléments de réflexion sur les enjeux institutionnels et mémoriels de la fama au sein de l’Église.

Opinion personnelle et mécanisme de la rumeur

5Tout gouvernement étant sujet à critique, chaque évêque pouvait potentiellement faire l’objet d’attaques ou susciter des controverses et, à travers leurs écrits, certains auteurs véhiculent de mauvaises réputations sans que l’on puisse parfois dire s’ils se font les vecteurs d’une fama plus largement admise ou s’ils cherchent eux-mêmes à la façonner.

  • 6 Adémar de Chabannes, Chronique,iii, 39 : « Rex autem Robertus pro defuncto ordinavit abbatem Gauzl (...)
  • 7 Défendant ses prérogatives de métropolitain, Gauzlin avait notamment refusé de reconnaître l’élect (...)
  • 8 Les origines de Gauzlin ne sont jamais évoquées dans la Vita Gauzlini : André de Fleury, op. cit.,(...)

6Ainsi, dans sa chronique, Adémar de Chabannes écrit de Gauzlin, abbé de Saint-Benoît-sur-Loire (1004-1030) et archevêque de Bourges (1014-1030), qu’il était le fils bâtard du roi et d’une prostituée. Il ajoute que, pour cette raison, les moines de Fleury ont mal accueilli sa désignation à la tête de l’abbaye et que par la suite, les habitants de Bourges, refusant son élection au siège archiépiscopal, l’ont empêché d’accéder à la ville cinq années durant6. Cet extrait a suscité divers commentaires d’où il ressort qu’Adémar nourrissait, sans doute en raison de plusieurs désaccords, une certaine animosité à l’égard de Gauzlin7. La vraisemblable partialité du moine de Saint-Martial combinée à une inventivité décomplexée – illustrée vers la fin de sa vie par son activité de faussaire en faveur de la thèse de l’apostolicité de Saint-Martial – a pu, dans une certaine mesure, contaminer son récit historique et justifie les doutes émis par les historiens sur les origines de l’archevêque8.

  • 9 M. Pacaut, Louis vii et les élections épiscopales dans le royaume de France, Paris, 1957, p. 64 sq (...)
  • 10 Pon, « Introduction », Chauvin et Pon, op. cit., p. 30 ; sur le rapport d’Adémar aux Capétiens, cf. (...)
  • 11 Le principe semble avoir émergé vers le milieu du IXe siècle dans la province ecclésiastique de Re (...)
  • 12 Fulbert de Chartres évoque ces appuis dans une lettre adressée à l’archevêque Sens : Lettre à Liér (...)

7La question qui se pose n’est alors pas tant celle de la véracité de l’information que la manière dont il la présente. Pour contester la légitimité de Gauzlin au siège de Bourges, Adémar discute les fondements de son élection en faisant valoir deux arguments distincts, bien qu’étroitement imbriqués. Il y a tout d’abord l’accusation de bâtardise, qui sous-entend une nomination invalide d’un point de vue canonique. La désignation des évêques par le roi était, en effet, contraire au principe de l’élection théoriquement conférée clero et populo. Or, la proximité entre le roi de France et le métropolitain de la province ecclésiastique de Bourges, dont dépendait l’Église de Limoges, si elle a pu agacer le moine de Saint-Martial, était largement admise à cette époque9. Il est du reste notable que ce dernier ne fait pas, dans sa chronique, une critique systématique de l’interventionnisme encore courant au début du XIe siècle des grands laïcs sur les sièges épiscopaux ; de même qu’il ne s’y montre pas particulièrement virulent envers la politique de Robert le Pieux10. L’accusation de bâtardise, si elle touche indirectement le roi, semble donc avant tout personnellement dirigée contre Gauzlin. En faisant de lui un bâtard, Adémar avait aussi peut-être à l’esprit l’idée selon laquelle les fils illégitimes ne pouvaient accéder à l’épiscopat. Il ne s’agissait pourtant vraisemblablement pas, au début du XIe siècle, d’une condition préalable généralement admise dans l’Église latine11. Ces diverses restrictions, ajoutées au fait que le nouvel archevêque bénéficia de nombreux soutiens parmi le haut clergé12, nous incitent à relativiser la portée de l’argument d’une élection irrégulière – à la fois au niveau du processus et du choix de la personne – dans le commentaire d’Adémar.

  • 13 Adémar de Chabannes, op. cit.,iii, 39.
  • 14 Fulbert de Chartres, Lettre à Liéri, op. cit. Auparavant, Fulbert s’était déjà personnellement opp (...)
  • 15 André de Fleury, op. cit., 19a, p. 58-61.
  • 16 Jaffé, I (1885), no 3995, p. 507.

8L’ascendance maternelle du prélat semble d’ailleurs davantage retenir l’attention de ce dernier. Il explique, en effet, que c’est précisément parce que Gauzlin était le fils d’une prostituée que les moines de Fleury avaient été réticents à le voir devenir abbé et que les habitants de Bourges, dénonçant « d’une seule voix » (una voce) son arrivée à la tête du diocèse, s’étaient révoltés pour lui barrer la route13. D’autres sources témoignent de troubles effectivement survenus lors de sa prise de fonction : Fulbert de Chartres, reprochant à l’archevêque Liéri de Sens d’avoir accepté de consacrer un prélat si mal élu, comprend la réaction de la population14. L’auteur de la Vita Gauzlini évoque aussi des difficultés, mais occasionnées selon lui par le vicomte Geoffroy de Bourges qui, pour avoir retardé l’entrée de l’archevêque et s’être accaparé les biens de l’église berruyère, fut menacé d’excommunication par le pape Benoît VIII15. Il est malaisé d’estimer d’après ces informations divergentes, émanant pour l’une d’un détracteur et pour l’autre d’un partisan, qui prit véritablement part à la contestation ni quelles en furent les raisons et l’ampleur réelle ; l’hagiographe recopie néanmoins une lettre pontificale qui tendrait à accréditer la version d’une action imputable au vicomte mais dont on ne conserve toutefois aucune autre trace16.

9Adémar évoque, à l’instar de Fulbert de Chartres, un soulèvement populaire ; il va cependant plus loin que celui-ci en y rattachant le motif grave d’une naissance scandaleuse. Sans la nommer, Adémar de Chabannes se sert de la fama pour argumenter l’illégitimité de Gauzlin. Dans son récit, il ne s’attaque pas simplement à la réputation de l’archevêque et met à contribution plusieurs rouages caractéristiques de la rumeur porteuse de fama : il situe notamment, à l’origine de la révolte, une information qui, aux fondements plus qu’incertains, verse dans la diffamation. Celle-ci s’est ensuite propagée d’une façon qu’il ne précise pas ; le bruit aurait toutefois rapidement circulé dans la ville où la population s’est mobilisée avant que le nouvel archevêque n’y arrive. Enfin, la tension découlant de ces révélations aboutit à un mouvement de vindicte populaire que seule l’intervention du roi permet d’enrayer.

  • 17 Sur ces questions, voir notamment J. A. Brundage, Law, Sex and Christian Society in Medieval Europ (...)

10Ce texte illustre bien la double dimension de la fama : en pointant du doigt une sexualité condamnable mêlant adultère et prostitution – deux comportements proscrits par les autorités laïques et ecclésiastiques dès le XIe siècle17 –, Adémar entache la réputation de Gauzlin et porte, par conséquent, atteinte à son honneur d’archevêque. Il s’attaque donc à la renommée personnelle de ce celui-ci mais montre aussi comment sa mauvaise fama serait parvenue jusqu’à la population. En invoquant le consensus social des clercs et du peuple, Adémar s’efforce de diluer son opinion personnelle dans une opinion plus vaste et apte, de fait, à renforcer ses propos ; ce faisant, peut-être entendait-il dépasser le cercle des initiés au droit canon agités par des querelles de candidats pour insinuer le doute dans l’esprit de ses lecteurs.

11Les textes s’accordent sur l’existence de complications survenues à la prise de fonction de Gauzlin et bien qu’on ne puisse en situer l’origine, ce fond historique sur lequel il s’appuie empêche de considérer cet extrait de la chronique comme le simple récit d’une désinformation fictive germée dans son esprit imaginatif. Il y manipule avec habileté la mécanique d’une rumeur qui ne prit probablement jamais corps mais qu’il espérait peut-être, en soulignant son consensus social et en la transposant à l’écrit, porter au rang de vérité.

  • 18 André de Fleury, op. cit., 19 a, p. 48-49, 92-93, 136-137.
  • 19 C’est à cette époque que l’on peut situer la rédaction – ou la copie – de la plus ancienne liste h (...)

12Rien ne laisse néanmoins préjuger que Gauzlin ait souffert d’une mauvaise renommée. Sa Vie, écrite par le moine André de Fleury au début des années 1040, donne de lui une image très positive en tant qu’abbé à la fama reconnue par tous18 et il figure sans surprise dans la liste archiépiscopale de l’Église de Bourges dont on conserve des témoignages à partir de la fin du XIe siècle19.

  • 20 Adémar de Chabannes, op. cit.,iii, 36, éd. p. 158-159 et trad. p. 247-248 (et commentaire p. 30).
  • 21 Historia pontificum et comitum Engolismensium, J. Boussard (éd.), 1957, § 22, p. 14.

13Ailleurs dans sa chronique Adémar de Chabannes se montre particulièrement virulent à l’encontre d’un autre de ses contemporains, Grimoard de Mussidan. Ce dernier était abbé du monastère de Saint-Cybard d’Angoulême avant de devenir évêque de cette cité (990/991-1018) ; il a en commun avec Gauzlin de Bourges d’avoir conservé sa charge abbatiale après son élection à la tête d’un diocèse. Adémar, formé à Saint-Cybard, connaissait bien Grimoard sous l’abbatiat duquel il avait été reçu enfant ; il avait apparemment des raisons de lui en vouloir et condamne longuement son attitude opportuniste20. Cette image peu flatteuse ne trouve pas son pendant dans l’Histoire des comtes et évêques d’Angoulême, rédigée à la fin du XIIe siècle par un clerc de la cathédrale Saint-Pierre d’Angoulême qui connaissait et utilise par ailleurs souvent la Chronique d’Adémar. Il élude pourtant l’abbatiat de Grimoard et le présente uniquement dans le cadre de ses fonctions épiscopales21. Une telle orientation relève certes d’une visée historiographique axée sur l’histoire des évêques mais, dans la mesure où l’abbaye de Saint-Cybard est très présente dans le texte angoumois, on peut penser que ce portrait traduit avant tout une sélection délibérée visant à lisser la renommée de Grimoard et à le rapprocher, près de deux siècles après sa mort, du stéréotype de l’évêque idéal.

14Les critiques d’Adémar de Chabannes envers Grimoard de Mussidan et Gauzlin de Bourges n’ont pas véritablement détérioré l’image de ces prélats que d’autres textes présentent sous leur meilleur jour. Elles laissent cependant entrevoir le danger que pouvait constituer l’atteinte à la renommée contre l’honneur épiscopal mais aussi le risque, pour l’historien disposant uniquement de sources émanant d’un parti adverse, de se méprendre sur la réputation d’un prélat.

La Fama entre rumeur et vérité

  • 22 Epistola abbatum Lemovicensium ad Richardum archiepiscopum Bituricensem de electione Humbaldi epis (...)
  • 23 Epistola abbatum Lemovicensium : « Verum pervenit ad nos fama vos tandem Humbaldum absolvisse a co (...)
  • 24 Dom J. Becquet a souligné que l’intervention de l’abbé de Saint-Martial dans le choix de l’évêque, (...)
  • 25 Epistola abbatum Lemovicensium : « si tamen electio dici potest quae sine nostro consilio, sine co (...)

15À Limoges, à la fin du XIe siècle, l’entreprise de déstabilisation conduite par l’abbé Adémar de Saint-Martial contre l’évêque Humbaud de Sainte-Sévère illustre mieux encore les enjeux et l’utilisation de la fama au sein des gouvernements ecclésiastiques. Dans une lettre, datée de 1086 ou 1087 et adressée en commun avec les abbés de plusieurs grands monastères bénédictins du diocèse et le vicomte de Limoges, Adémar entretient longuement l’archevêque de Bourges Richard II (1071-1093), le priant d’éclaircir sa position au sujet d’Humbaud, récemment élu au siège épiscopal22. L’archevêque aurait en effet ordonné, dans un premier temps, de ne pas le reconnaître, avant de changer d’avis et demander à ce qu’il soit accepté comme évêque légitime par le clergé du diocèse. Adémar, hostile à cette nouvelle directive, considère que l’information lui étant parvenue, non pas de manière officielle, mais sous la forme d’une rumeur (fama) « sans rapport avec la vérité » (a veritate aliena), il ne saurait s’en satisfaire23. Il exprime ensuite son mécontentement en invoquant une procédure d’élection viciée – Humbaud aurait selon lui été choisi sans consensus, sans l’approbation populaire et sans sa consultation24 – mais de manière détournée, se contentant, sans doute afin de ne pas se heurter à la décision du métropolitain, de le questionner sur la régularité de cette élection25.

  • 26 Ibid. : « Homo nobis vita et moribus incognitus noster repente efficeretur episcopus. Quanto magis (...)

16L’abbé insiste dans sa lettre sur un autre point : la mauvaise renommée d’Humbaud. Ce dernier, selon lui, ne remplit pas les conditions morales requises pour devenir évêque. Outre divers méfaits, dont celui d’avoir usé des armes contre la population de la ville, il signale son origine étrangère – il était berrichon – et son manque de formation et de valeurs morales : « voilà tout ce qui nous interdit de donner notre accord en cette affaire : une vie déréglée et indigne, une élection irrégulière et une réputation déplorable et détestable ! (fama terribilis et perversa)26 ». Ainsi, après avoir rejeté la rumeur (fama) lui étant parvenue sur la décision de l’archevêque, l’abbé de Saint-Martial construit une grande part de son argumentaire sur la renommée de l’évêque. Si, à cette époque, la fama n’avait pas encore force d’argument juridique pour contester une décision déjà confirmée par les autorités compétentes, elle semble néanmoins constituer une valeur sociale apte à fonder l’honneur et par conséquent, la légitimité de l’évêque. Dans une démarche comparable à celle adoptée par Adémar de Chabannes envers Gauzlin de Bourges, il combine les deux arguments de l’illégitimité canonique de l’élection et de l’illégitimité sociale de l’élu, tout en insistant davantage sur celui-ci que sur la procédure.

  • 27 Ibid. : « de his quae scripsimus si quis vobis aliter voluerit suggerere non credat, quia teste ve (...)

17La lettre se termine par une solennelle mise en garde à l’archevêque : « si l’on veut présenter les choses autrement que nous le faisons par écrit, il ne faut pas le croire car, au témoignage de la vérité qui est Dieu, ce que nous écrivons est vrai, nous le savons bien, et s’il est nécessaire, nous sommes prêts à en faire la preuve par le serment » ; l’abbé lui demande, enfin, de ne pas se prononcer sur cette affaire en l’absence des signataires de la lettre27. Cette dernière requête traduit un véritable effort de distinction entre rumeur et vérité. En proposant le serment comme preuve et la mise par écrit comme garantie d’authenticité des informations qu’il transmet à l’archevêque, l’abbé Adémar entend différencier la fama – canal d’information non officiel – de la fama-réputation d’un homme, laquelle, documentée et appuyée par plusieurs témoins d’autorité, se détache de la rumeur pour devenir une – la – vérité. Pourtant, au-delà de ces précautions de forme, la nuance est en pratique difficile à saisir : aucune autre source ne vient conforter les accusations portées contre l’évêque Humbaud qui reflètent, avant tout, l’opinion d’un groupe d’influents détracteurs et s’apparentent à une campagne de désinformation.

  • 28 À propos de ce conflit, voir M. Soria, « Un évêché agité : les violences anti-épiscopales dans le (...)
  • 29 Bulle d’Urbain II, no 18 (c. 1094), éd. J. Becquet, « Le bullaire du Limousin », Bulletin de la So (...)
  • 30 La déposition d’Humbaud n’est attestée par aucun document contemporain mais évoquée dans la Chroni (...)
  • 31 Bibliothèque de Leyde, Voss. lat. in-8° 15, f. 193 ; éd. L. Delisle, Notices et extraits,xxxv, 1re(...)
  • 32 Nécrologe du premier livre du chapitre de l’abbaye Saint-Martial (ap. 1063-av. 1073), Paris, BNF, (...)

18Le statut et le nombre des plaignants laissent en outre supposer qu’une requête d’invalidation d’élection épiscopale n’avait de chance d’aboutir que si elle était appuyée par les plus grandes instances ecclésiastiques et laïques du diocèse. L’affaire, qui prend plus globalement place dans un conflit de pouvoir ayant opposé la cathédrale à la grande abbaye Saint-Martial aux XIe-XIIe siècles, ne s’en tint pas là et fut portée à l’arbitrage du pape Urbain II28. Ce dernier confirma d’abord l’évêque par une bulle – dans laquelle la bonne réputation des témoins ayant prêté serment en sa faveur est mise en avant29 –, avant de se ranger à l’avis de l’abbé Adémar, clunisien tout comme lui30. Guillaume d’Huriel, prieur de Saint-Martial, fut finalement installé en lieu et place d’Humbaud. Par la suite, le discrédit porté sur ce dernier semble avoir eu des répercussions au-delà de sa mise à l’écart du siège en affectant sa réception dans la memoria de l’Église de Limoges ; il est en effet remarquable que les continuateurs de la liste épiscopale d’Adémar de Chabannes ne l’y ont pas inscrit à sa mort31 ; et systématiquement écarté des commémorations de Saint-Martial, il ne figure pas non plus dans la documentation nécrologique de la cathédrale Saint-Étienne32.

  • 33 Gasmand, Les évêques, op. cit., p. 350 et Pontal, Les conciles, op. cit., p. 176.
  • 34 Au Puy, on ne conserve pas de liste épiscopale ou de nécrologe où apparaîtraient de manière contin (...)

19Avec la réforme grégorienne, l’application plus rigoureuse des prescriptions canoniques en matière d’accession à l’épiscopat a mis un frein aux transferts abusifs et engendré la destitution de nombreux prélats illégalement parvenus sur les sièges épiscopaux. Ainsi, pour avoir quitté, moyennant une somme d’argent, son siège pour celui du Puy, Étienne de Polignac, évêque d’Auvergne (v. 1053-1073), fut excommunié et destitué par le légat du Saint-Siège, Hugues de Die, au concile de Clermont (1076-1078). Guillaume de Chamalières, au profit duquel Étienne avait délaissé Clermont, fut quant à lui accusé de simonie33. Certaines sources laissent entrevoir la façon dont leur souvenir fut intégré ou, au contraire, dénié : Guillaume de Chamalières ne figure dans aucun des documents nécrologiques connus de la cathédrale de Clermont ; on peut en revanche y suivre un Stephanus episcopus régulièrement réinscrit aux vi et ix des calendes de janvier. Il ne saurait strictement être identifié à Étienne de Polignac dans la mesure où deux de ses prédécesseurs portèrent le même nom au XIe siècle mais il n’est pas impossible qu’il ait été, malgré son abandon de siège, admis dans la memoria de l’Église cathédrale en raison de son accession régulière à l’épiscopat34.

  • 35 G. Pon, Les évêques de Poitiers des origines au XIIe siècle, Étude dactylographiée déposée au CESC (...)
  • 36 Bordeaux pendant le haut Moyen Âge, Ch. Higounet (dir.), Bordeaux, 1963, p. 93.
  • 37 Isembert figure sur toutes les listes épiscopales médiévales connues de Poitiers, mise à part cell (...)
  • 38 Goscelin de Parthenay était commémoré au xiii des calendes de juillet dans le nécrologe de la cath (...)
  • 39 J. Dufour, Les évêques d’Albi, de Cahors et de Rodez des origines à la fin du XIIe siècle, Paris, (...)
  • 40 R. Favreau, Les évêques de Saintes des origines au XIIe siècle, Étude dactylographiée déposée au C (...)
  • 41 Dufour, Les évêques, op. cit., p. 32 et 83 ; J.-L. Biget, « L’épiscopat du Rouergue et de l’Albigeo (...)
  • 42 À Rodez, plus aucun évêque des XIe et XIIe siècle ne figure dans la documentation nécrologique con (...)

20Plusieurs évêques élus ont échappé de peu à la mise en ordre grégorienne, tel Isembert II à Poitiers, excommunié un temps par Grégoire VII35, ou Goscelin de Parthenay à Bordeaux, suspendu pour avoir refusé de se rendre aux conciles de Clermont et d’Autun (1077)36. Rentrés dans le rang, on ne s’étonne pas de rencontrer leurs noms dans les listes épiscopales37 ou la documentation nécrologique38. D’autres durent se rendre à Rome pour défendre leur élection soupçonnée d’irrégularité, avec plus ou moins de succès. Foulques de Cahors obtint gain de cause auprès du pape Alexandre II lors d’un concile tenu entre 1062 et 106539 ; le même pape déposa Arnoul II de Saintes40. Frotard de Lautrec, évêque d’Albi, fut déposé pour simonie et excommunié lors du concile de Toulouse en 1079, en même temps que Pierre de Rodez, qui avait quitté son siège pour s’emparer de l’archevêché de Narbonne41. À défaut de liste épiscopale ou de document nécrologique ancien, il est très difficile d’estimer l’exclusion ou l’intégration mémorielle de ces prélats42.

  • 43 Geoffroy de Vigeois, Chronique, 29 : « Viduam urbem irritatus pastor reliquit », Ph. Labbe (éd.), (...)
  • 44 On le rencontre aux xvi et xvii des calendes de juin dans les textes de la cathédrale Saint-Étienn (...)

21D’autres exemples montrent que le non-respect des règles canoniques par un évêque élu et consacré – abandon de siège ou transfert illégal, manque de responsabilité ou attitude trahissant un défaut de moralité – n’aboutissait que très exceptionnellement à une mise au ban mémorielle. Pierre, évêque de Limoges (1100-1104/05), est décrit à la fin du XIIe siècle par Geoffroy de Vigeois comme un homme instruit mais ambitieux et profiteur, qui abandonna lâchement sa ville en période de trouble43. Il n’en est pas moins inclus dans la succession épiscopale et inscrit dans la documentation nécrologique des églises de la ville44. Les cas d’évêques déserteurs mais cependant commémorés par le clergé de leur siège abandonné tendent à montrer que les manquements aux obligations de la fonction ne constituaient pas des raisons suffisantes pour exclure un prélat du souvenir de son Église. à défaut d’étude approfondie, souvent limitée par le manque de documentation, il est encore délicat de conclure sur le sort des évêques excommuniés. Il semble toutefois, d’une manière plus générale, que la consécration par les autorités reconnues comme légitimes constituait, plus que le respect des règles canoniques d’élection, la condition première à la réception d’un évêque dans la memoria de son Église.

  • 45 Actes des évêques de Limoges : des origines à 1197, J. Becquet (éd.), Paris, 1999.
  • 46 L’influence de Guillaume d’Huriel, mort en 1100 peu après son accession au siège épiscopal sur le (...)
  • 47 Paris, BNF, ms. lat. 11019 (Parisinus 1338), f. 236 v°-237, Bernard Itier, Chronique, J.-L. Lemaît (...)

22Le cas d’Humbaud évoqué précédemment se révèle par conséquent assez singulier. Consacré par l’archevêque et, dans un premier temps, confirmé par le pape, il a exercé ses fonctions d’évêque de Limoges pendant une dizaine années45. Il peut donc être considéré comme légitime en dépit des revendications de l’abbé de Saint-Martial en faveur de son immixtion dans le choix de l’évêque. Sa mise à l’écart de la memoria de l’Église de Limoges – y compris à la cathédrale dont le clergé l’avait élu – serait alors, plutôt qu’une conséquence de sa destitution, à envisager comme le résultat de la campagne de diffamation conduite par l’abbé Adémar46. Celle-ci n’eut toutefois que des effets temporaires et c’est d’ailleurs à l’intérieur même de la grande abbaye qu’Humbaud réapparaît dans l’historiographie ecclésiastique limougeaude quand, au début du XIIIe siècle, Bernard Itier l’inclut dans sa liste épiscopale. Au-delà d’une simple volonté de garantir, dans un souci de perfection, la continuité de la liste depuis les origines, il est possible que cette intégration traduise l’effacement, avec le recul, de la mauvaise réputation d’Humbaud et la reconnaissance de son épiscopat légitime47. Il est désormais retenu parmi les évêques de Limoges.

23La lettre des abbés du Limousin illustre la dimension sociale de la fama et son rapport étroit à la rumeur. Manipulée par des personnages d’influence parvenant à la confondre avec la vérité, elle pouvait devenir un dangereux outil de déstabilisation contre les détenteurs d’honneurs ecclésiastiques et les principaux intéressés l’utilisaient donc autant qu’ils s’efforçaient de la préserver.

Préserver la fama, préserver l’institution

  • 48 D’après P. Pallas, Les archevêques d’Auch : rôle politique (XIe-début XVIe siècle), mémoire de maî (...)
  • 49 Cartulaire de la cathédrale de Dax, Liber rubeus (XIe-XIIe siècle) : « Hoc audito, miratus sum vehe (...)
  • 50 Ibid., n. 752, p. 304-305.

24Le cas de Roger de Sentes, qui occupa le siège d’Oloron de 1102 à 1114, permet de mieux comprendre l’attitude des autorités ecclésiastiques lorsqu’était mise en cause l’intégrité morale d’un évêque. Deux documents versés au cartulaire de la cathédrale de Dax révèlent son implication dans une sombre histoire de faux privilège pontifical – qu’il aurait fait exécuter au bénéfice de son Église et au détriment de celle de Dax – et son meurtre par empoisonnement. Le premier texte est un témoignage de l’archevêque d’Auch, Guilhem d’Andozille (1126-117048), qui explique avoir enquêté sur les agissements de l’évêque Roger après son décès et obtenu des informations accablantes auprès des chanoines de la cathédrale d’Oloron. L’un d’eux affirmait avoir personnellement assisté à la fabrication du faux privilège au monastère d’Alet. L’archevêque Guilhem, « ne voulant pas que l’opinion (opinio) que l’on se faisait de l’évêque défunt soit marquée du bruit (fama) de cette affaire », fit secrètement détruire le document49. Un autre témoignage a été copié à la suite dans le cartulaire ; il s’agit de celui de l’évêque de Bayonne, Raymond, qui rapporte des propos de l’abbé Pierre de Simorre, lequel aurait affirmé devant lui et l’évêque Roger de Comminges avoir absout un clerc qui avait confessé publiquement la fabrication d’un faux privilège pontifical à la demande de l’évêque Roger50.

  • 51 Ibid., n. 736, p. 300.
  • 52 Ibid., no 145 [1168-1169], p. 304-307, no 152 [1058-fin XIe siècle], p. 322-351 ; Soria Audebert, (...)
  • 53 Cartulaire de la cathédrale de Dax, op. cit., no 144 [1123-1125], p. 302-305.

25Il est notable que le premier témoignage, celui de l’archevêque, présente des incohérences chronologiques qui lui ôtent une part de crédibilité51 : Roger de Sentes, qui siégea à Oloron jusqu’en 1114, est dit avoir été empoisonné lors du concile de Nogaro, tenu en 1141, tandis que Guilhem ne devint archevêque qu’en 1126. Ce document pourrait donc résulter, soit d’une réécriture partielle, soit d’une construction élaborée de toute pièce à la rédaction du cartulaire entre la fin du XIIe siècle et le début du XIIIe siècle Les événements dont il traite sont, en outre, à situer dans un contexte de désaccord prolongé entre l’Église de Dax et celle d’Oloron au sujet de la délimitation des deux diocèses52 et le statut particulier de Guilhem d’Andozille, prélat réformateur qui siégea plus de trente ans, pourrait expliquer qu’on ait, dans l’hypothèse d’un document composé à l’époque du cartulaire, choisi d’associer son nom à cette querelle. Par ailleurs, le témoignage de l’évêque de Bayonne, daté de 1123-1125, est antérieur à celui de l’archevêque et laisse supposer qu’une enquête sur l’évêque Roger était déjà ouverte avant une quelconque intervention du métropolitain53. Beaucoup plus précis sur les circonstances de la fabrication du faux, il pourrait avoir inspiré le premier témoignage dont la principale originalité réside dans le récit de la destruction du faux compromettant.

  • 54 Ibid., n. 736, p. 300.

26Le témoignage de l’archevêque vient, en effet fortuitement, expliquer cette absence54. L’histoire fut peut-être inventée de toute pièce mais il est toutefois intéressant de s’attarder sur le motif choisi pour expliquer l’initiative de l’archevêque de détruire le document : il dit avoir agi pour préserver la fama du défunt évêque Roger, « un homme de cette importance », contre l’opinio. Cette « opinion » est délicate à définir mais renvoie certainement au partage d’un même jugement par un nombre important de personnes ; le clergé des Églises de Dax et d’Oloron ainsi que les évêques des diocèses voisins étant visiblement tous au courant de ces agitations internes, elle pourrait peut-être désigner plus largement la population des villes et des diocèses concernés. La nécessité d’étouffer l’affaire afin d’éviter la circulation de la mauvaise fama semble avoir été une explication suffisante pour justifier l’anéantissement du faux privilège et le choix de l’anecdote laisse entrevoir le danger potentiel que pouvait représenter la propagation de la compromission de l’évêque Roger au sein de la société ; c’est-à-dire le discrédit sur la renommée, non seulement d’un homme, mais aussi, par extension, de son Église. Ce n’est donc pas une rumeur qu’évoque ce texte, mais la crainte de la rumeur porteuse de fama.

  • 55 Ibid, no 143 [ap. 1226] : « Hujus rei et scriptura et voce viva testimonium perhibeo coram Deo et (...)

27La contradiction qui réside entre cette volonté affichée d’étouffer l’affaire et la publicité qui en est faite par l’insertion des deux témoignages dans le cartulaire trouve une réponse dans le récit de l’archevêque, qui explique avoir finalement décidé de révéler la supercherie et son acte de dissimulation au grand jour pour imposer la vérité face aux informations fausses et dangereuses et « pour éviter qu’à l’occasion de ce privilège ne puisse naître aucun dommage à l’égard de quiconque55 ». La copie de ces deux témoignages illustre le temps de la vérité révélée qui succède à celui de l’enquête orale, du secret et des fantasmes. La source de chaque information y est clairement identifiée et étayée par des témoins réputés fiables en raison de l’honneur lié à leur fonction. La démonstration a pour point de départ l’aveu public de l’auteur du faux, relayé par l’évêque de Bayonne d’après l’abbé de Simorre ; tandis que le témoignage des chanoines de l’Église d’Oloron – dont celui du témoin oculaire de la falsification – s’efface derrière celui de l’archevêque d’Auch. Pour l’Église de Dax, ce dernier, dont la parole est mise en avant dans le cartulaire, représentait l’autorité seule apte à arbitrer le conflit qui opposait les évêques et Églises de Dax et d’Oloron, ses suffragants.

  • 56 On ne conserve pour le siège d’Oloron ni liste épiscopale ni document nécrologique médiévaux.
  • 57 Cartulaire de la cathédrale de Dax, op. cit., no 143 [ap. 1126], p. 302.

28Ces accusations portées contre Roger de Sentes et présentées comme avérées par l’Église de Dax ne semblent curieusement pas avoir eu d’incidence néfaste sur sa réception mémorielle ; il est en effet qualifié de « frère » défunt et évêque « de bonne mémoire » dans le témoignage de l’archevêque Guilhem56. Le clergé d’Oloron, essentiellement préoccupé par la défense de ses prérogatives, le désigne certes comme coupable, mort dans le péché « sans testament, ni confession57 », mais en prenant toutefois soin de ménager son souvenir et sa fama et ainsi la dignité épiscopale. Son cas souligne par conséquent assez bien la complexité des rapports entre la memoria des Églises et la réputation de ceux qui les ont servies.

Une memoria soumise au déshonneur ?

  • 58 M. Soria Audebert, « La propagande pontificale et sa réception au temps des schismes (XIe-XIIe siè (...)

29La fama, manipulée par les parties adverses, marquée par la rumeur, a pu être utilisée à des fins de propagande pour inciter à l’exclusion canonique et mémorielle de certains évêques. C’est en ce sens que l’on peut envisager l’opération de diabolisation conduite au XIIe siècle pendant et après le schisme d’Anaclet contre Girard d’Angoulême, irrégulièrement élu au siège métropolitain de Bordeaux. Les témoignages des partisans d’Innocent ii, en particulier des biographes de Bernard de Clairvaux, se révèlent comme autant d’atteintes à la renommée de ce prélat, accusé, entre autres maux, de corruption, d’incompétence et d’ambition démesurée. L’orientation particulièrement négative de ces portraits de schismatiques et leur diffusion dans la société a été nuancée à juste titre58. On peut toutefois se demander quelles conséquences le scandale du schisme, amplifié et colporté par leurs détracteurs, a eu sur la réception du souvenir de Girard dans la memoria ecclésiastique.

  • 59 Une bonne partie de l’abondante bibliographie sur Girard d’Angoulême est donnée dans R. Favreau, L (...)
  • 60 Cette excommunication est mentionnée dans trois lettres reproduites dans le Patriarchum Bituricens (...)
  • 61 Pontal, Les conciles, op. cit., p. 311.
  • 62 Arnaud de Bonneval, Vita prima s. Bernardi, 1. ii, cap. vi, 39 : « Pace itaque omni Aquitaniae Ecc (...)
  • 63 Gérard Malard († 1043), enterré à Saint-Denis de Paris, fait exception : Historia pontificum et co (...)
  • 64 Arnaud de Bonneval, op. cit., 1. ii, cap. vi, 39, col. 290-291.

30Évêque d’Angoulême dès 1102 et légat pontifical pour l’Aquitaine à partir de 1107, Girard se rangea en 1130 avec Guillaume x d’Aquitaine au parti de l’antipape Anaclet. Ce choix lui coûta sa légation, soustraite par Innocent ii. En 1131, il accepta du duc l’archevêché de Bordeaux dont il prit la tête tout en conservant le siège d’Angoulême59. Girard ne trouva personne pour le consacrer et fut excommunié, d’abord par Vulgrin, archevêque de Bourges et primat d’Aquitaine (1120-1137)60, puis par Innocent ii lors du concile de Reims (18-29 octobre 1131)61. Agissant malgré tout en métropolitain, il destitua les évêques de Poitiers et Limoges pour y placer des hommes de son entourage. En 1135, après que Bernard de Clairvaux ait obtenu le ralliement du duc d’Aquitaine à Innocent ii, tombé en disgrâce, il rentra à Angoulême où il finit ses jours. Dans la Vita prima de Bernard de Clairvaux, Arnaud de Bonneval fait un récit de la mort de Girard à l’image de sa vie, honteuse et misérable : il aurait rendu l’âme dans l’impénitence, sans confession ni viatique et, comble de l’infamie, son corps, déposé sur un lit funèbre, aurait considérablement enflé pendant ses funérailles62. Le clergé d’Angoulême l’inhuma ensuite à l’intérieur de la cathédrale Saint-Pierre à l’instar de tous les évêques depuis le début du XIe siècle63. Selon Arnaud de Bonneval, Girard n’y trouva cependant pas longtemps le repos car Geoffroy de Chartres, légat du Saint Siège aurait fait exhumer ses restes pour les enterrer en un autre lieu, non renseigné64.

  • 65 Historia pontificum et comitum Engolismensium, § 35, op. cit., p. 36-37 et p. xxxiii.
  • 66 Ibid., § 35 : « Die autem proxima mortis suae, accepimus quod in confessione sua sacerdotibus dixe (...)
  • 67 Le fait est en outre suggéré par Geoffroy de Vigeois, op. cit., 46 : « Geraldi vero legati corpus (...)

31Une version très différente des événements nous est livrée dans l’Histoire des comtes et évêques d’Angoulême, contemporaine de la Vita prima. Dans la notice qui lui est consacrée, Girard est avant tout remémoré en tant que grand ecclésiastique et reconstructeur de la cathédrale à laquelle il légua de nombreuses richesses65. L’épisode du schisme n’y est pas éludé mais le récit détaillé de sa mort s’ouvre sur sa pénitence pour ses choix contraires à la volonté de Dieu. Le texte se conclut par une véritable plainte : « ainsi s’éteignit cet astre magnifique qui avait rempli l’Occident de l’éclat de sa lumière, Oh douleur ! C’est en dehors de l’église qu’il a bâtie qu’il gît obscur sous une vile pierre66 ». Contrairement à Arnaud de Bonneval, l’auteur de l’Histoire des comtes et évêques d’Angoulême écrit simplement que sa tombe se trouve à l’extérieur de la cathédrale. Néanmoins, l’acceptation du pardon de Girard par le clergé angoumois laisse croire qu’il fut, en accord avec la Vita prima, originellement inhumé à l’intérieur de l’église67.

  • 68 M. Vivas, « La mise en scène de l’outrage dans la mort à travers l’étude de la privation de sepult (...)
  • 69 Théry, « Fama », op. cit., p. 130-135, 140-142, 145-146.

32L’exhumation peut ici être entendue comme un acte dépassant la stricte application de la règle en matière d’excommunication pour s’apparenter à une punition dégradante68. La première Vie de saint Bernard et l’Histoire des comtes et évêque d’Angoulême ont été rédigées à une époque où la notion juridique d’infama facti est désormais bien définie et où la fama commence à déborder de la sphère sociale pour devenir un véritable argument dans la pratique quotidienne du droit69. Dans le même temps, la papauté, qui ne dispose pas encore de la procédure inquisitoire pour juger les évêques, prononce et fait appliquer l’excommunication avec des résultats somme toute relatifs en termes de contrôle des Églises locales. Oter le corps de Girard de la cathédrale – entreprise exceptionnelle que l’on imagine spectaculaire – revenait non seulement à signifier symboliquement au plus grand nombre son indignité mais aussi à le soustraire au sanctuaire funéraire épiscopal et aux commémorations dont bénéficiaient les évêques à l’intérieur de l’édifice. L’outrage posthume que cela pouvait représenter expliquerait que l’auteur de l’Histoire des comtes et évêques d’Angoulême, qui délivre d’un point de vue historiographique un contrepoids substantiel à son image ternie par les partisans d’Innocent ii, ait passé l’épisode sous silence.

  • 70 Ils ne figurent ni l’un ni l’autre dans les listes épiscopales et la documentation nécrologique de (...)
  • 71 Rome, Bibl. Apost. Vat., ms. Vat. Reg. 1127, f° 161-162 v°: « ij. Girardus episcopus ac sancte Rom (...)
  • 72 Extraits pris au XVIIe siècle d’un document qui pourrait, dans sa rédaction originelle, remonter X (...)
  • 73 Sa tombe avait été identifiée à une sépulture épiscopale anonyme découverte en 1864 dans l’espace (...)
  • 74 P. Pommarede, « Les tribulations d’un squelette épiscopal ou la quatrième inhumation d’un chanoine (...)

33L’absence de Girard dans la memoria de l’Église métropolitaine de Bordeaux s’explique par l’irrégularité de sa prise de fonction ; il en va de même pour Pierre de Châtellerault et Renoul du Dorat qu’il avait placés sur les sièges de Poitiers et Limoges70. À Angoulême en revanche, en dépit de l’exhumation et des attaques répétées contre la réputation de Girard par les milieux innocentin et claravallien, le clergé de la cathédrale Saint-Pierre n’a pas exclu l’évêque de sa mémoire solennelle. Légitime par son élection et sa consécration en règle, il fut ajouté à la liste épiscopale commencée sous l’épiscopat de Grimoard entre 990 et 1018 et continuée aux XIe et XIIe siècles71. Sa mort y est fixée aux calendes de mars, date à laquelle on rencontre par ailleurs un Gerardus Encolismensus episcopus dans le nécrologe de l’abbaye de Brantôme au diocèse de Périgueux72. Girard s’est cependant longtemps posé en dilemme pour le clergé angoumoisin, tiraillé entre la reconnaissance de ses hauts faits et le respect de l’autorité pontificale. En témoigne l’attitude de deux de ses lointains successeurs, Mgr Cousseau (1850-1872) et Mgr Dagens, actuel évêque de la ville. Le premier avait, au XIXe siècle, réorganisé les sépultures des évêques de la cathédrale à l’issue des travaux de restauration par P. Abadie, sans toutefois oser réintégrer les restes supposés de Girard à l’intérieur de l’édifice73. Plus récemment, en 2004, Mgr Dagens, replaçant l’épisode du schisme dans une perspective plus large et considérant Girard comme un serviteur dévoué de la cathédrale, prit sur lui, en dépit de l’excommunication toujours courante, de réintégrer dans l’édifice les ossements déposés par Mgr Cousseau74.

Conclusion

34Les exemples présentés tendent à démontrer que la fama, en tant que référence sociale, était étroitement liée à l’exercice de la fonction épiscopale et qu’elle a pu, à une époque où les actions juridiques contre les hauts dignitaires ecclésiastiques étaient encore très limitées, constituer un angle d’attaque opératoire contre les évêques.

35Dans ces textes, les atteintes portées contre la renommée émanent toutes de témoins clairement identifiés. L’origine même de ces informations voudrait qu’on les situe hors du cadre de la rumeur et pourtant, le caractère diffamatoire de leur contenu et l’impossibilité à les étayer les y rattachent. Ce rapport étroit tend à se confirmer dans l’attitude des accusateurs qui éprouvent le besoin, quand ils invoquent et utilisent la fama-réputation, de la différencier du bruit qui court ; car, selon un principe qui, même dans un cadre juridique, ne se modifiera pas par la suite, la fama n’est pas la vérité et ceux qui font appel à elle connaissent le risque d’être confondus avec des colporteurs de rumeur. Ils usent alors de précautions particulières pour se défendre de ce travers et, pour se positionner du côté de la vérité, en appellent à l’opinion communément partagée au sein d’un groupe social. Ainsi procède Adémar de Chabannes qui évoque l’unanimité de la population cléricale et laïque pour contester, sur la base d’une accusation infamante et probablement fausse, la légitimité de Gauzlin de Bourges. Les abbés du Limousin, pour faire tomber l’évêque Humbaud, font valoir le serment qu’ils s’engagent à prêter devant l’archevêque. De telles attitudes montrent que la véracité des accusations portées passe avant tout par le nombre et le statut social des témoins. Ces textes mettent aussi en avant la valeur de l’écrit qui, permettant d’échapper à l’oralité et au bruit, dresse une barrière entre rumeur et vérité ; l’idée se lit clairement dans la postface de la lettre adressée à l’archevêque de Bourges par les abbés du Limousin ou les paroles attribuées à l’archevêque d’Auch dans le cartulaire de la cathédrale de Dax. Mais au-delà de ces gages d’authenticité, de telles initiatives n’en demeurent pas moins des entreprises de déstabilisation portées contre des dignitaires élus et les textes qui en découlent et contribuent à fixer des réputations individuelles dans le temps ne s’éloignent jamais véritablement du processus de la rumeur.

  • 75 Soria Audebert, La crosse brisée, op. cit., p. 110-118, 160-163.

36La démonstration d’une mauvaise renommée accompagne souvent l’argument canonique de non-respect des règles d’élection pour appuyer des contestations en faveur d’une invalidation. La fama ainsi employée se révèle, à l’instar des violences anti-épiscopales étudiées par M. Soria, un moyen de pression efficace contre les évêques75. Le cas d’Humbaud de Limoges montre qu’à terme, un évêque pouvait risquer d’être mis à l’écart de la memoria de sa propre Église. Le fait demeure cependant exceptionnel, ou du moins, il est rarement mis en évidence. L’intégration, avec le recul, du souvenir d’Humbaud, ou encore, sans le moindre hiatus, de celui du schismatique Girard d’Angoulême dans les mémoires solennelles des Église de Limoges et Angoulême, confirme que l’action de personnalités et d’institutions fortes tel l’abbé de Saint-Martial ou l’entourage de Bernard de Clairvaux – cautionnés par le pape – ne suffisait pas à bousculer durablement le processus de mise en œuvre du souvenir des Églises locales qui, en construisant leur histoire, ont fait passer l’œuvre pastorale avant les motifs politiques. L’exemple de Roger d’Oloron, dont le souvenir est ménagé pas ses propres accusateurs, laisse supposer que l’exclusion mémorielle d’un évêque pouvait avoir des conséquences autrement plus négatives en termes d’image et de cohésion institutionnelle que l’acceptation de mauvais comportements individuels, somme toute ponctuels à l’échelle du temps.

  • 76 L’existence de portrait négatifs d’évêques dans les gesta episcoporum ne remettait pas en cause la (...)

37Bien que la fama ait été étroitement liée à la définition du bon évêque, l’étude de l’historiographie épiscopale et de la documentation nécrologique montre que les prélats vivement critiqués pour leur opportunisme, leur incompétence, leur attitude belliqueuse et parfois même destitués pour des actions contraires à la morale de leur fonction, étaient intégrés dans la succession de leur Église, côtoyant dans la liste les saints évêques, et autres figures exemplaires76. Si les opinions s’expriment et se cristallisent dans les textes, les réputations ainsi fondées ne paraissent pas avoir durablement entravé la bonne réception de ces évêques dans la memoria ecclésiastique, l’Église assumant et intégrant a priori de manière systématique tous ses représentants régulièrement élus et consacrés au sein d’un corps social unifié.

Notes

1 La dimension liturgique et commémorative de la memoria reste, depuis les premiers travaux de l’École allemande, la mieux étudiée. Les perspectives de ce vaste champ de recherche ont plus récemment été élargies à d’autres aspects de sa mise en œuvre : O. G. Oexle (dir.), Memoria als Kultur, Göttingen, 1995 ; M. Lauwers, La mémoire des ancêtres, le souci des morts. Morts, rites et société au Moyen Âge (Diocèse de Liège, XIe-XIIIe siècle), Paris, 1996, p. 283-284 ; id., « Memoria. À propos d’un objet d’histoire en Allemagne », Les tendances actuelles de l’histoire du Moyen Âge en France et en Allemagne, J.-Cl. Schmitt et O. G. Oexle (dir.), Paris, 2003, p. 105-126 (p. 109) ; M. Borgolte, « Memoria, bilan intermédiaire d’un projet de recherche sur le Moyen Âge », ibid., p. 53-69 (p. 62-65) et R. Le Jan, « Introduction », Sauver son âme et se perpétuer : transmission du patrimoine au haut Moyen Âge, F. Bougard, C. La Rocca et R. Le Jan (dir.), Rome, 2005, p. 1-6 (p. 2).

2 Cl. Gauvard, « La Fama, une parole fondatrice », La renommée, dans Médiévales, 24, 1993, p. 5-13 ; ead., « Rumeur et stéréotypes à la fin du Moyen Âge », La circulation des nouvelles et les réseaux de communication au Moyen Âge, Paris-Rome, 1994, p. 157-177 ; ead., « Fama », Dictionnaire du Moyen Âge, Cl. Gauvard, A. de Libéra et M. Zink (dir.), Paris, 2002, p. 515.

3 Voir en dernier lieu J. Théry, « Fama : l’opinion publique comme preuve judiciaire. Aperçu sur la révolution médiévale de l’inquisitoire (XIIe-XIVe siècle) », La preuve en justice de l’Antiquité à nos jours, B. Lemesle (dir.), Rennes, 2003, p. 119-147 et C. Leveleux-Texeira, « Fama et mémoire de la peine dans la doctrine romano-canonique (XIIIe-XVe siècle) », La peine : discours, pratiques, représentations, J. Hoareau-Dodinau (dir.), 2005, Limoges, p. 45-61.

4 Les contributions recueillies dans Fama. The Politics of Talk and Reputation in Medieval Europe, Th. Fenster et D. Lord-Smail (dir.), Ithaca, 2003, bien qu’axées sur le droit, s’attachent plus particulièrement à la diffusion de la fama dans la sphère sociale.

5 Gauvard, « Rumeur », op. cit., p. 167-169.

6 Adémar de Chabannes, Chronique,iii, 39 : « Rex autem Robertus pro defuncto ordinavit abbatem Gauzlenum, licet repugnarent monachi, nolentes sibi preesse filium scorti. Erat enim ipse nobilissimi Francorum principis filius manzer, a puero in monasterio Sancti Benedicti nutritus. Quem etiam rex suprascriptus archiepiscopum Bituricensibus fecit postea, defuncto Dacberto archiepiscopo. Sed et ipsi quinquennio seditionem agentes, noluerunt eum intra urbam recipere, clamentes una voce : “Non decet dominari ecclesiae filium scorti”. Postmodum tamen sequestro Odilone abbate regis voluntas praevaluit, et Dei nutu in sede susceptus est », P. Bourgain (éd.), G. Pon et R. Landes (coll.), Turnhout, 1999, p. 160 (Corpus Christianorum, Continuatio mediaevalis,cxxix) ; Y. Chauvin et G. Pon (trad.), Adémar de Chabannes, Chronique, Turnhout, 2003, p. 250.

7 Défendant ses prérogatives de métropolitain, Gauzlin avait notamment refusé de reconnaître l’élection de Jourdain, choisi par le duc d’Aquitaine Guillaume le Grand – dont Adémar était proche – et consacré par l’archevêque de Bordeaux, Islon, au siège de Limoges (Adémar de Chabannes, op. cit.,iii, 57, éd. p. 178-179 et trad. p. 275-277) ; voir en particulier André de Fleury, Vie de Gauzlin, abbé de Fleury, R.-H. Bautier et G. Labory (éd. et trad.), Paris, 1969, « Introduction », p. 18-20, et les commentaires de G. Pon, « Introduction », dans Chauvin et Pon, op. cit., p. 13-14 et M. Soria Audebert, La crosse brisée. Des évêques agressés dans une église en conflits (royaume de France, fin Xe-début XIIIe siècle), Turnhout, 2005, p. 61-62, 101.

8 Les origines de Gauzlin ne sont jamais évoquées dans la Vita Gauzlini : André de Fleury, op. cit., « Introduction », p. 18.

9 M. Pacaut, Louis vii et les élections épiscopales dans le royaume de France, Paris, 1957, p. 64 sq. ; M. Gasmand, Les évêques de la province ecclésiastique de Bourges (milieu Xe-fin XIe siècle), Paris, 2007, p. 128-129.

10 Pon, « Introduction », Chauvin et Pon, op. cit., p. 30 ; sur le rapport d’Adémar aux Capétiens, cf. p. 37-38.

11 Le principe semble avoir émergé vers le milieu du IXe siècle dans la province ecclésiastique de Reims : il est intégré dans la collection des fausses décrétales pseudo-isodoriennes et mentionné par Hincmar de Reims dans sa lettre aux clercs de Beauvais, entre autres conseils pour choisir un bon évêque (PL, 126, epistolaxxxix, col. 258-261). L’obligation d’être issu d’une union légitime pour recevoir les ordres sacrés apparaît par la suite dans les canons des conciles réformateurs de Poitiers (1078 ou 1079) et Clermont (1095, c. 5) parmi d’autres mesures visant à améliorer le recrutement clérical (cf. O. Pontal, Les conciles de la France capétienne jusqu’en 1215, Paris, 1995, p. 181-182, 230). Malgré tout, des fils naturels continuèrent encore d’accéder à l’épiscopat : P. Imbart de la Tour, Les élections épiscopales dans l’Église de France du IXe au XIIe siècle. Étude sur la décadence du principe électif (814-1150), Paris, 1890-1891, p. 40-41 ; L. Musset, « Les évêques normands envisagés dans le cadre européen (Xe-XIIe siècle) », Les évêques normands du XIe siècle, P. Bouet et Fr. Neveux (dir.) Caen, 1995, p. 35-65 (p. 57-58). Cette condition fut enfin clairement notifiée à l’intention de tous les futurs évêques au concile de Latran III en 1179 : Les conciles œcuméniques de Nicée à Latran V. Les décrets, 2-1, G. Alberigo (dir.), Paris, 1994, p. 458-459.

12 Fulbert de Chartres évoque ces appuis dans une lettre adressée à l’archevêque Sens : Lettre à Liéri, archevêque de Sens (1014), F. Behrends (éd. et trad.), The letters and Poems of Fulbert of Chartres, Oxford, 1976, no 26, p. 148-151. Pour une analyse de ce texte, consulter Soria Audebert, La crosse brisée, op. cit., p. 62, 115-116. Le pape confirma par ailleurs Gauzlin dans ses fonctions d’archevêque et prit son parti contre le vicomte de Bourges : André de Fleury, op. cit., 19a, p. 58-61.

13 Adémar de Chabannes, op. cit.,iii, 39.

14 Fulbert de Chartres, Lettre à Liéri, op. cit. Auparavant, Fulbert s’était déjà personnellement opposé à Gauzlin au sujet de l’exemption de l’abbaye de Fleury. Ce dernier avait, comme son prédécesseur Abbon, persisté à défendre l’autonomie de son établissement face aux prétentions juridictionnelles de l’évêque d’Orléans : Lettres de Fulbert de Chartres à Gauzlin et à Foulques d’Orléans au sujet de l’exemption de Fleury (1008),Bautier et Labory (éd.), dans : André de Fleury, op. cit., p. 153-157 et id., 18, p. 50-59.

15 André de Fleury, op. cit., 19a, p. 58-61.

16 Jaffé, I (1885), no 3995, p. 507.

17 Sur ces questions, voir notamment J. A. Brundage, Law, Sex and Christian Society in Medieval Europe, Chicago, 1987, p. 207-212.

18 André de Fleury, op. cit., 19 a, p. 48-49, 92-93, 136-137.

19 C’est à cette époque que l’on peut situer la rédaction – ou la copie – de la plus ancienne liste historiographique connue des archevêques de Bourges (Paris, BNF, ms. lat. 4280 (Parisinus 4280), f. 56 v °). La liste inscrite sur le diptyque consulaire en ivoire de la cathédrale Saint-Étienne (Paris, BNF, Département des Monnaies, Médailles et Antiques, Inv. 55 no 296 bis), qui servit probablement de modèle à celle insérée dans le cartulaire de la cathédrale dans la première moitié du XIIIe siècle (Paris, BNF, ms. nouv. acq. lat. 1274, f. 367 v °, éd. L. Delisle, « Étienne de Gallardon, clerc de la chancellerie de Philippe Auguste », Bibliothèque de l’École des Chartes,lx, 1899, p. 42-44), est aujourd’hui quasiment illisible et difficilement datable ; il est en outre malaisé de certifier son utilisation liturgique.

20 Adémar de Chabannes, op. cit.,iii, 36, éd. p. 158-159 et trad. p. 247-248 (et commentaire p. 30).

21 Historia pontificum et comitum Engolismensium, J. Boussard (éd.), 1957, § 22, p. 14.

22 Epistola abbatum Lemovicensium ad Richardum archiepiscopum Bituricensem de electione Humbaldi episcopi Lemovicensis, J. D. Mansi (éd.), Stephani Baluzii Tutelensis Miscellanea, II, Continens monumenta sacra, Lucques, 1761, p. 182 ; trad. Lettre des abbés du Limousin, sauf ceux de Saint-Augustin et Saint-Martin de Limoges, à l’archevêque de Bourges Richard II (fin 1086 ou début 1087), J. Becquet, « Les évêques de Limoges aux Xe, XIe et XIIe siècles », Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, 106 (1979), p. 100-102.

23 Epistola abbatum Lemovicensium : « Verum pervenit ad nos fama vos tandem Humbaldum absolvisse a conspectu Ecclesiae et in isto mense sacerdotalem gradum vos ei velle contradere. Sed quia multa dicuntur quae a veritate aliena esse probantur, petimus vestram excellentiam quatinus pro respectu Dei omnipotentis et vestrae auctoritatis, quae nullo suco debet obnubilari, vos ab ejus ordinatione suspendatis donec ejus mores et actus modumque electionis subtilius cognoscatis », ibid.

24 Dom J. Becquet a souligné que l’intervention de l’abbé de Saint-Martial dans le choix de l’évêque, revendiquée par Adémar, n’était sans doute pas une prérogative très ancienne : Becquet, « Les évêques de Limoges », op. cit., p. 109-110 et id., « L’élection épiscopale de Limoges et l’abbé de Saint-Martial au XIIe siècle », Revue Mabillon, LX (1982), p. 193-200.

25 Epistola abbatum Lemovicensium : « si tamen electio dici potest quae sine nostro consilio, sine communi arbitrio, sine populi voto facta est. Nonne canones contradicunt ut nullus invitis detur episcopus ? Nonne auctoritas romana et canonum instituta prohibent ut si in ecclesia cui episcopus debet praefici idonea persona potest inveniri, nullatenus de alia ecclesia quispiam, cujuslibet sit dignitatis, alteri ecclesiae debeat subrogari ? », ibid.

26 Ibid. : « Homo nobis vita et moribus incognitus noster repente efficeretur episcopus. Quanto magis nunc, quando ille qui electus est nulla litterarum eruditione sit sutsultus, sed contra variis sceleribus et criminibus irretitus esse apertissime convincatur. Quae omnia nobis contradicunt ne in hac re debeamus praebere consensum. Et vita incomposita et inhonesta, et electio injusta, et fama terribilis et perversa ».

27 Ibid. : « de his quae scripsimus si quis vobis aliter voluerit suggerere non credat, quia teste veritate, quae Deus est, ea quae scripsimus vera esse scimus, et si necesse fuerit sub jurejurando haec probare parati sumus. Quapropter petimus obnixe ne ullam diffinitionem faciatis super hoc negotio absentibus nobis ».

28 À propos de ce conflit, voir M. Soria, « Un évêché agité : les violences anti-épiscopales dans le diocèse de Limoges, XIe-XIIe siècle », Bulletin de la Société des antiquaires de l’Ouest,xv (2001), p. 163-180 ; ead., « Les évêques de Limoges face aux abbés : la question du soutien nobiliaire (milieu XIe-fin XIIe siècle) », Saint-Martial de Limoges. Ambition politique et production culturelle (Xe-XIIIe siècle), Cl. Andrault-Schmitt (dir.), Limoges, 2006, p. 101-113 (p. 105-107).

29 Bulle d’Urbain II, no 18 (c. 1094), éd. J. Becquet, « Le bullaire du Limousin », Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, 100 (1973), p. 111-149 (p. 119-120) ; trad. Becquet, « Les évêques de Limoges », op. cit., p. 102-103 (et commentaire p. 109-110). Selon J. Becquet, il n’y a pas lieu de considérer cette bulle d’investiture comme un faux dont Humbaud serait l’auteur ; l’accusation de falsification portée par Geoffroy de Vigeois à la fin du XIIe siècle dans sa chronique relèverait d’une version extrapolée des événements (ibid., p. 104 et commentaire p. 110-111, et Becquet, « Le bullaire du Limousin », op. cit., no 19, p. 120). Sur le statut et la fama des témoins: Chr. Wickham, « Fama and the law in the twelfth century Tuscany », Fama. The Politics of Talk, op. cit., p. 15-26.

30 La déposition d’Humbaud n’est attestée par aucun document contemporain mais évoquée dans la Chronique de Saint-Maixent, compilée vers 1126 ; elle serait survenue lors du passage du pape à Limoges après le concile de Clermont (1095). Le récit de Geoffroy de Vigeois est davantage détaillé : Becquet, « Les évêques de Limoges », op. cit., p. 103-105.

31 Bibliothèque de Leyde, Voss. lat. in-8° 15, f. 193 ; éd. L. Delisle, Notices et extraits,xxxv, 1re partie, p. 313, reprise par L. Duchesne, Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, II, l’Aquitaine et les Lyonnaises, Paris, 1900, p. 47.

32 Nécrologe du premier livre du chapitre de l’abbaye Saint-Martial (ap. 1063-av. 1073), Paris, BNF, ms. lat. 5257, f. 44 v °-69, Synopse der cluniacensischen Necrologien, J. Wollasch (éd.), Munich, 1982, 2 vol. ; Nécrologe du deuxième livre du chapitre de l’abbaye Saint-Martial (1115-1120), Paris, BNF, ms. lat. 5243, f. 93-136, ibid. ; Martyrologe-nécrologe de la cathédrale Saint-Étienne (XIIe ou XIIIe siècle), Paris, BNF, ms. lat. 17118, p. 555-562 (copie XVIIe siècle). Notons qu’il est quelquefois impossible de distinguer un simple oubli d’une mise à l’écart volontaire : par exemple Guillaume Grandin († 1104), qui n’apparaît pas dans le Fragment des évêques de Périgueux, histoire des évêques de la ville composée à la fin du XIIe siècle (M. Laharie, « Évêques et société en Périgord du Xe au milieu du XIIe siècle », Annales du Midi,xciv [1982], p. 343-368 [n. 10, p. 345, 351]).

33 Gasmand, Les évêques, op. cit., p. 350 et Pontal, Les conciles, op. cit., p. 176.

34 Au Puy, on ne conserve pas de liste épiscopale ou de nécrologe où apparaîtraient de manière continue les évêques antérieurs au XIIIe siècle permettant de savoir si Étienne fut intégré à la mémoire solennelle.

35 G. Pon, Les évêques de Poitiers des origines au XIIe siècle, Étude dactylographiée déposée au CESCM à Poitiers, s. l., s. d.

36 Bordeaux pendant le haut Moyen Âge, Ch. Higounet (dir.), Bordeaux, 1963, p. 93.

37 Isembert figure sur toutes les listes épiscopales médiévales connues de Poitiers, mise à part celle de la collection de Robert de Torigny (c. 1180) qui comporte plusieurs erreurs et omissions pour le XIe siècle et la première moitié du XIIe siècle (Paris, BNF, ms. lat. 6042, f. 2 v) ; L. Delisle, « Anciens catalogues des évêques des églises de France », Histoire littéraire de la France,xxix, Paris, 1885, p. 390-391, 396-397 ; L. Duchesne, « La liste épiscopale de Poitiers », Revue poitevine et saintongeaise, no 31 (1886), 11 p. ; id., Fastes épiscopaux, op. cit., p. 75-77.

38 Goscelin de Parthenay était commémoré au xiii des calendes de juillet dans le nécrologe de la cathédrale Saint-André de Bordeaux (XIIIe siècle ; AD Gironde, 4 J 73, f. 43 r °) et celui de l’abbaye de la Sauve Majeure (extraits du XVIIe siècle ; Paris, BNF, ms. lat. 12771, p. 193).

39 J. Dufour, Les évêques d’Albi, de Cahors et de Rodez des origines à la fin du XIIe siècle, Paris, 1989, p. 61-62.

40 R. Favreau, Les évêques de Saintes des origines au XIIe siècle, Étude dactylographiée déposée au CESCM à Poitiers, s. l., s. d., p. 17.

41 Dufour, Les évêques, op. cit., p. 32 et 83 ; J.-L. Biget, « L’épiscopat du Rouergue et de l’Albigeois (Xe-XIe siècle) », Catalunya i França meridional a l’entorn de l’any mil. La Catalogne et la France autour de l’an Mil, X. Barral i Altet et D. Iogna-Prat (dir.), 1991, p. 181-199 (p. 196) et Pontal, Les conciles, op. cit., p. 183.

42 À Rodez, plus aucun évêque des XIe et XIIe siècle ne figure dans la documentation nécrologique connue des églises de la ville, datée du bas Moyen Âge et de l’époque moderne. À Albi, on ne trouve pas d’évêque antérieur au XIIe siècle dans les obituaires de la cathédrale, tous composés entre le XIIe et le XVe siècle. L’évêque nommé Arnoul inscrit à l’obituaire de N.-D. de Saintes, mis au propre au XIVe siècle, pourrait correspondre à Arnoul II, présent à la dédicace de cette église en 1047 ; on ne peut cependant exclure qu’il puisse s’agir de son prédécesseur indirect Arnoul I († 1040) : J.-Cl. Bonnin, « L’obituaire de l’abbaye aux Dames de Saintes », Revue de la Saintonge et de l’Aunis,xxxi (2005), p. 7-20. Aucune liste épiscopale médiévale n’est conservée pour ces trois sièges.

43 Geoffroy de Vigeois, Chronique, 29 : « Viduam urbem irritatus pastor reliquit », Ph. Labbe (éd.), Novae Bibliothecae manuscriptorum librorum, II, Rerum Aquitanicarum praesertim Bituricensium uberrima collectio, Paris, 1657, p. 296 ; trad. Becquet, « Les évêques de Limoges », op. cit., p. 109.

44 On le rencontre aux xvi et xvii des calendes de juin dans les textes de la cathédrale Saint-Étienne de Limoges, connus par des extraits pris au XVIIe siècle (Paris, BNF, ms. lat. 17118, p. 558 ; É. Baluze, Ex martyrologio Lemovicensi, Paris, BnF, Coll. Baluze, vol. 41, f. 79 v°) ainsi que dans les nécrologes de la cathédrale de Bordeaux, dont il avait été le doyen (XIIIe siècle ; AD Gironde, 4 J 73, f. 42 v°), et de l’abbaye de la Sauve Majeure (extraits pris par dom Cl. Estiennot au XVIIe siècle ; Paris, BnF, ms. fr. 12771, p. 193).

45 Actes des évêques de Limoges : des origines à 1197, J. Becquet (éd.), Paris, 1999.

46 L’influence de Guillaume d’Huriel, mort en 1100 peu après son accession au siège épiscopal sur le chapitre cathédral est sans doute à relativiser.

47 Paris, BNF, ms. lat. 11019 (Parisinus 1338), f. 236 v°-237, Bernard Itier, Chronique, J.-L. Lemaître (éd.), Paris, 1998, p. 78-81. Cette liste fut vraisemblablement rédigée sous l’abbatiat et Pierre de Naillac et l’épiscopat de Jean de Veyrac († 1218 ou 1219) ; elle fut continuée jusqu’à la fin du XIIIe siècle. La mise à l’écart, en tête de succession, des disciples de saint Martial intégrés en son temps par Adémar de Chabannes, témoignerait d’un certain souci de « vérité historique » de la part du bibliothécaire de Saint-Martial.

48 D’après P. Pallas, Les archevêques d’Auch : rôle politique (XIe-début XVIe siècle), mémoire de maîtrise, dir. F. Boutoulle, université Bordeaux 3, 2005, p. 104.

49 Cartulaire de la cathédrale de Dax, Liber rubeus (XIe-XIIe siècle) : « Hoc audito, miratus sum vehementer tanti viri prudentiam tam enormiter excessisse. Nolens autem ut opinio defuncti pontificis hujus rei fama siggilaretur, scriptum illud ignibus concremandum esse decrevi, et ut in occulto atque sine mora sic fieret, precipiendo precepi », J. Cabanot et G. Pon (éd.), Dax, 2004, no 143 [ap. 1226], p. 298-303 (p. 302).

50 Ibid., n. 752, p. 304-305.

51 Ibid., n. 736, p. 300.

52 Ibid., no 145 [1168-1169], p. 304-307, no 152 [1058-fin XIe siècle], p. 322-351 ; Soria Audebert, La crosse brisée, op. cit., p. 151.

53 Cartulaire de la cathédrale de Dax, op. cit., no 144 [1123-1125], p. 302-305.

54 Ibid., n. 736, p. 300.

55 Ibid, no 143 [ap. 1226] : « Hujus rei et scriptura et voce viva testimonium perhibeo coram Deo et hominibus, quia scire volenti non est meum celare veritatem hujus facti, ne ex occasione privilegii illius aliquod alicui possit emergere dispendium », p. 302.

56 On ne conserve pour le siège d’Oloron ni liste épiscopale ni document nécrologique médiévaux.

57 Cartulaire de la cathédrale de Dax, op. cit., no 143 [ap. 1126], p. 302.

58 M. Soria Audebert, « La propagande pontificale et sa réception au temps des schismes (XIe-XIIe siècle). Innocent II, Anaclet II : la mémoire d’une guerre de libelles, lectures et débats », Comunicazione e propaganda nei secoli XII e XIII, R. Castano, F. Latella et T. Sorrenti (dir.), Messine, 2007, p. 589-606 et ead., « Le schismatique est-il un traître ? Portraits affrontés dans la propagande pontificale au début du XIIe siècle », La trahison au Moyen Âge. De la monstruosité au crime politique, M. Billoré et M. Soria (dir.), Rennes, 2009, p. 105-125.

59 Une bonne partie de l’abondante bibliographie sur Girard d’Angoulême est donnée dans R. Favreau, Les évêques d’Angoulême des origines au XIIe siècle, Étude dactylographiée déposée au CESCM à Poitiers, s. l., s. d., p. 20.

60 Cette excommunication est mentionnée dans trois lettres reproduites dans le Patriarchum Bituricense (XVIe siècle), Ph. Labbé (éd.), Novae Bibliothecae manuscriptorum, op. cit., p. 93-95.

61 Pontal, Les conciles, op. cit., p. 311.

62 Arnaud de Bonneval, Vita prima s. Bernardi, 1. ii, cap. vi, 39 : « Pace itaque omni Aquitaniae Ecclesiae reddita, solus Gerardus perseverat in malis : sed non multo post, adveniente die irae, in domo sua miserabiliter exstinctus est. Et cum dicat Scriptura, Est peccatum ad mortem, pro eo non dico ut roget quis (I Joan. V, 16), impoenitens et subito mortuus, mcviii sine confessione et viatico, de corpore egredientem spiritum ei reddidit, cujus minister usque in finem exstiterat. Corpus ejus a nepotibus suis, quos in ecclesia illa honoribus sublimaverat, inventum in lectulo suo exanime, et enormiter tumidum, in basilica quadam humatum est : sed postea a Gaufrido Carnotensi episcopo Sedis apostolicae legato inde extractum, alioque projectum est », PL, 185, col. 290-291.

63 Gérard Malard († 1043), enterré à Saint-Denis de Paris, fait exception : Historia pontificum et comitum Engolismensium, § 28, op. cit., p. 24.

64 Arnaud de Bonneval, op. cit., 1. ii, cap. vi, 39, col. 290-291.

65 Historia pontificum et comitum Engolismensium, § 35, op. cit., p. 36-37 et p. xxxiii.

66 Ibid., § 35 : « Die autem proxima mortis suae, accepimus quod in confessione sua sacerdotibus dixerit, si partem Petri Leonis contra voluntatem Dei ignorans manu tenuerit, se confiteri et poenitere. Omnia autem illa quae habebat fere in vita sua, vel ecclesiae dedit, vel pauperibus erogavit. Sabbato autem, missam celebrans maxima devotione, effusione lachrymarum, sequenti die Dominica migravit a saeculo, mcxxxvi anno ab Incarnatione Domini [...] et illud magnificum sidus quod claritate sui partes occiduas illustraverat, proh dolor ! extra ecclesiam quam ipse aedificavit, sub vili latet lapide. Cessavit episcopatus usque xiv. Kalendas julii », p. 38 ; trad. Abbé Maratu, « Girard, évêque d’Angoulême, légat du Saint-Siège (v. 1060-1136) », Bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique de la Charente, 1864, p. 1-394 (p. 323).

67 Le fait est en outre suggéré par Geoffroy de Vigeois, op. cit., 46 : « Geraldi vero legati corpus Romanus Pontifex de Monasterio Engolismensi, qui ipse vivens multa bona contulerat, foras eiecit, quia ipsum pro excommunicato habebat », p. 302.

68 M. Vivas, « La mise en scène de l’outrage dans la mort à travers l’étude de la privation de sepultura ecclesiastica et des sépultures atypiques (XIe-XIVe siècle) », Corps outragés, corps ravagés. De l’Antiquité au Moyen Âge, L. Bodiou, V. Melh et M. Soria (dir.), Turnhout (à paraître).

69 Théry, « Fama », op. cit., p. 130-135, 140-142, 145-146.

70 Ils ne figurent ni l’un ni l’autre dans les listes épiscopales et la documentation nécrologique de ces deux sièges épiscopaux.

71 Rome, Bibl. Apost. Vat., ms. Vat. Reg. 1127, f° 161-162 v°: « ij. Girardus episcopus ac sancte Romane Aecclesie legatus qui sedit in episcopatu annos xxx. iii | anno ab Incarnatione Domini m°c°xxx°v°. Obiit autem kal. martii », G. de Puybaudet (éd.), « Une liste épiscopale d’Angoulême », Mélanges d’archéologie et d’histoire de l’École française de Rome, 17 (1897), p. 279-284, reprise par Duchesne, Fastes épiscopaux, op. cit., p. 65.

72 Extraits pris au XVIIe siècle d’un document qui pourrait, dans sa rédaction originelle, remonter XIe siècle : Dom Cl. Estiennot, Antiquitates in pago Petragoricensi et dioecesibus Petrocorium ac Serelatensium benedictinae, Paris, BnF, ms. lat. 12759, p. 185.

73 Sa tombe avait été identifiée à une sépulture épiscopale anonyme découverte en 1864 dans l’espace de l’ancien cloître au nord de la cathédrale ; Mgr Cousseau fit déposer ces restes, en attendant mieux, dans une logette, scellée par une inscription, à l’extérieur du mur nord de l’édifice : Anonyme, La semaine religieuse d’Angoulême, no 39, 27 novembre 1864, p. 595, reproduit dans Bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique de la Charente, 1864, p. 417-418 ; Mgr Cousseau, « Discours pour le service funèbre des anciens évêques et chanoines d’Angoulême à l’occasion de la clôture de leurs tombeaux (5 novembre 1867) », Œuvres historiques et archéologiques de Mgr Cousseau,iii, Angoulême, 1892, p. 61 et s.

74 P. Pommarede, « Les tribulations d’un squelette épiscopal ou la quatrième inhumation d’un chanoine de Périgueux », Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, CXXXIV (2007), p. 237-242. Mgr Dagens fit exécuter une nouvelle épitaphe pour l’occasion.

75 Soria Audebert, La crosse brisée, op. cit., p. 110-118, 160-163.

76 L’existence de portrait négatifs d’évêques dans les gesta episcoporum ne remettait pas en cause la sainteté globale de la succession : Liber, gesta, histoire. Écrire l’histoire des évêques et des papes de l’Antiquité au XXIe siècle, F. Bougard et M. Sot (dir.), Turnhout, 2009.

Auteur

Université de Poitiers, UMR 6223

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