Les mouvements gaullistes
|Chapitre IX. Les tribulations des gaullistes de gauche : entre atomisation groupusculaire et tentatives de recomposition partisane
Texte intégral
- 1 Cf. Y. Billard, « Les gaullistes de gauche », J.-J. Becker et G. Candar (dir.), Histoire des gauch (...)
- 2 J. Charbonnel, À la gauche du Général, Paris, Plon, 1996.
1Au sein de la famille gaulliste, une minorité s’est toujours définie comme étant « de gauche » par rapport à une majorité1. Ainsi, ces gaullistes se positionnent d’eux-mêmes « à la gauche du Général2 » et trouvent leur inspiration dans quelques grands discours de l’homme du 18 juin, comme celui de Saint-Étienne (4 janvier 1948) où il exaltait l’association capital-travail. Les principales figures de proue des gaullistes de gauche sont passées par les rangs de la Résistance (R. Capitant, L. Vallon, P. Dechartre, L. Hamon…) ou de la France libre (P. Billotte, R. Barberot…) avant de rejoindre le RPF. Certains d’entre eux ont fait leurs premières armes politiques dans la démocratie-chrétienne ou dans la famille socialiste pendant l’entre-deux-guerres, à l’instar d’Yvon Morandat, membre de la Jeune République et de Louis Vallon à la SFIO. À la Libération, quelques-uns ont rejoint des formations politiques de gauche, avant d’adhérer au RPF, comme L. Hamon à l’UDSR puis au MRP ou P. Dechartre qui retourne au parti radical. Dans l’ensemble, ils partagent une même approche du gaullisme fondée sur une détermination sans faille dans la recherche d’une troisième voie entre capitalisme et socialisme. Cette fibre sociale est constamment revendiquée par des hommes qui considèrent la majorité du mouvement gaulliste comme trop à droite. Sous la Ve République, ils entendent incarner une certaine orthodoxie en restant fidèles aux objectifs sociaux du RPF, afin d’œuvrer au rassemblement de tous les Français souhaité par le général de Gaulle. De ce fait, les gaullistes de gauche entretiennent des relations parfois tumultueuses avec l’UNR et ses pseudopodes, qu’ils considèrent comme des partis comme les autres. Ainsi, l’histoire des différents mouvements de ce rameau de la famille gaulliste oscille entre l’attraction et la répulsion vis-à-vis d’une formation mère, dont les dirigeants ont tendance à les considérer comme des compagnons sympathiques mais marginaux.
Les gaullistes de gauche au début de la Ve République : les sentiers de l’indépendance
Le Centre de la réforme républicaine (CRR)
- 3 Cf. G. Sabatier et P. Ragueneau, Le dictionnaire du gaullisme, Paris, A. Michel, 1994, p. 169.
- 4 FCDG, F 26/8, dossier CRR, La Réforme républicaine, bulletin mensuel du CRR, no 1, novembre 1958.
- 5 Ancien chef de cabinet de G. Mollet, P. Alduy (1914-2006) a été député socialiste des Pyrénées-Ori (...)
- 6 Député de la Saône-et-Loire (1946-1949), P. Bougrain est le père du journaliste Alain Bougrain-Dub (...)
- 7 FCDG, F 26/8, dossier CRR.
- 8 Ibid., annexe à la note no 1 du CRR, 18 juin 1958.
2La création du CRR le 23 juillet 1958 marque le début des tentatives de rassemblement des gaullistes de gauche sous la Ve République. Elle s’inscrit dans la lignée de l’éphémère Comité républicain et démocratique fondé par des gaullistes mendésistes en 1956. Le lancement du CRR est la conséquence d’un refus : celui de voir l’UNR représenter la famille gaulliste dans son intégralité. Ainsi, Henri Frenay, l’un des principaux dirigeants du CRR3 écrit dans un éditorial intitulé « Pourquoi nous ne sommes pas l’UNR ? » : « L’UNR est une tentative de parti unique, renaissance du RPF, mais cette fois-ci sans de Gaulle. Parce que nous sommes contre tous les fascismes et qu’il y a des fascistes dans l’UNR. […] Parce que l’UNR est une équivoque, doublée d’une opération électorale et que le jour est proche où elle éclatera4. » La composition du comité exécutif du CRR témoigne des attaches socialistes de certains de ses membres puisqu’on remarque la présence de Paul Alduy5 (secrétaire général), Patrice Bougrain6, Roger Barberot et Georges Bouvier comme secrétaires généraux adjoints et de Me Robert Tenger (trésorier)7. Cependant, le véritable chef de file du CRR est Jean de Lipkowski, dans la mesure où il se charge de l’organisation de cette nébuleuse gaulliste de gauche. Dès le 18 juin 1958, il avait d’ailleurs lancé un appel au « regroupement des forces démocratiques de la gauche française » placé sous le patronage de G. Anthonioz-de Gaulle8. Dans cette entreprise, J. de Lipkowski s’appuie sur R. Barberot et J. Debû-Bridel, ancien vice-président du comité directeur de la Seine du RPF.
- 9 AN, Fonds J. Foccart, carton no 401, dossier no 1185, note des RG sur le CRR, 14 octobre 1958.
- 10 Député MRP de la Mayenne (1946-1958), R. Buron a été ministre à plusieurs reprises sous la IVe Rép (...)
- 11 AN, Fonds J. Foccart, carton no 401, dossier no 1185, ibid.
- 12 J. Charbonnel, op. cit., p. 168.
3En octobre 1958, J. de Lipkowski revendique une « implantation sérieuse » du CRR dans une quarantaine de départements et un état-major constitué en majorité de Compagnons de la Libération9. Même si l’implantation du CRR en province est difficile, ses dirigeants s’appuient sur des réseaux d’amitié tissés au temps du RPF, notamment chez les anciens de l’Action ouvrière. Analysant ensuite les raisons de la création de ce mouvement politique, J. de Lipkowski affirme que le général de Gaulle l’a reçu, en compagnie de Robert Buron10, au cours de l’été et l’a encouragé à « poursuivre l’organisation d’une gauche républicaine susceptible de faire contrepoids à l’action d’extrémistes se prévalant indûment de son patronage11 ». Faut-il voir dans le lancement du CRR la volonté délibérée du Général de faire contrepoids à la future UNR ? À cette date, il va sans dire que le Général est inquiet de l’ascendant dont disposent J. Soustelle et ses proches sur la formation gaulliste qui est en train de se constituer. Préférant avoir plusieurs fers au feu, au cas où J. Soustelle prendrait en main la toute jeune UNR, le général de Gaulle a sans doute appuyé ceux dont il disait : « Ce sont mes meilleures bouteilles ; il est dommage qu’il n’y en ait pas davantage12. »
- 13 BNF, Patrie et Progrès, no 7, juin 1960.
- 14 AN, Fonds J. Foccart, carton no 401, dossier no 1185, ibid.
- 15 Polytechnicien, A. Boulloche a été sous la IVe République directeur de cabinet de P. Ramadier, pui (...)
- 16 I. de Lipkowski est la belle-fille de l’ancien sénateur et ministre radical de la IIIe République (...)
4Les dirigeants du CRR s’éloignent des positions de l’UNR sur deux points : l’Algérie française, à laquelle ils comptent bien substituer une forme d’association plus progressiste, d’où les liens tissés avec un club comme Patrie et Progrès13, et son positionnement « droitier » sur l’échiquier politique, dont ils ne se lassent pas de rappeler qu’il est en contradiction avec l’orientation sociale du gaullisme. Ces deux points d’achoppement entre le CRR et l’UNR conduisent les gaullistes de gauche à se lancer dans la bataille des élections législatives de novembre 1958 en présentant 39 candidats. H. Frenay souhaite que le CRR puisse bénéficier d’une expression parlementaire : « Nous ne signerons pas de chèque en blanc, même à de Gaulle et nous ne conclurons aucune alliance politique avec le gaullisme de droite qui est dépourvu de doctrine et n’a comme programme que les mots Algérie française14. » Il est difficile d’estimer le nombre d’adhérents que le CRR a pu rassembler, mais celui-ci n’a sans doute pas dépassé la centaine de membres actifs, avec une surreprésentation à Paris et en banlieue. Parmi les plus connus, on remarque la présence du journaliste-écrivain Maurice Clavel, du futur ministre de l’Éducation nationale André Boulloche15 et de Jacques Fonlupt-Esperaber, ancien député MRP. La majorité des candidats investis par le CRR se présentent dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise (21 sur 39). Par ailleurs, quelques-uns d’entre eux se présentent dans des circonscriptions de la banlieue parisienne ancrées à gauche, comme Irène de Lipkowski16 à Choisy-le-Roi. Faut-il considérer ces candidatures comme une concurrence pour l’UNR ? En fait, dans 32 circonscriptions sur 39, il y a déjà un candidat présenté par l’UNR, ce qui fait que les gaullistes de gauche apparaissent comme des dissidents. Toutefois, il ne semble pas que les candidats du CRR aient pris des voix à l’UNR. Dans 20 cas sur 32, le candidat investi par l’UNR l’a emporté au soir du second tour de scrutin et dans les 12 cas restants, il a été battu dans une circonscription difficile, car acquise à la gauche.
- 17 Sous la Ve République, P. Clostermann a été député UNR de la Seine-et-Oise (1962-1967), puis des Y (...)
- 18 Cf. E. Duhamel, L’UDSR ou la genèse de François Mitterrand, Paris, CNRS, 2007.
5Le premier baptême électoral de la République gaullienne est donc marqué du sceau de l’échec, puisque les candidats présentés par le CRR sont tous battus. Comment expliquer une telle déconvenue ? D’une part, dans l’esprit des électeurs, l’équation UNR égale de Gaulle a fortement pesé dans leur choix, même si les candidats du CRR se proclamaient gaullistes. D’autre part, la double investiture accordée par le CRR à quelques candidats a peut-être semé le trouble chez les électeurs pour qui ces partis symbolisaient la IVe République. C’est notamment le cas de P. Clostermann et P. Dechartre qui reçoivent l’investiture du parti radical et de R. Buron qui reçoit celle du MRP. Si l’échec électoral est patent, le CRR peut s’enorgueillir d’avoir présenté quelques candidats au passé glorieux, en l’occurrence des Compagnons de la Libération, comme le colonel Henri Romans-Petit, l’une des figures des maquis de l’Ain, P. Clostermann17, l’auteur du Grand Cirque et R. Barberot, « grande gueule » du gaullisme et ancien FFL. En outre, le CRR a rassemblé des personnes qui vont jouer un rôle de premier plan dans tous les mouvements gaullistes de gauche qui se constituent dans la première moitié des années 1960, comme l’écrivain Jean Dutourd ou la comtesse I. de Lipkowski et son fils Jean. Enfin, il convient de remarquer que quatre anciens membres de l’UDSR18 (G. Lepeltier, J. de Lipkowski, P. Clostermann et H. Frenay) ont appartenu au CRR. Celui-ci a donc été une structure d’accueil provisoire, parfois de courte durée (H. Frenay), entre le centre-gauche et la famille gaulliste avant la création de l’UDT.
L’Union démocratique du travail (UDT)
- 19 Cf. G. Brun, Louis Vallon ou la politique en liberté, Paris, Economica, 1986.
- 20 Cf. Espoir, « Louis Vallon 1901-1981 », no 39, juin 1982, p. 32-33.
6Alors que l’échec électoral du CRR aurait pu sonner le glas des gaullistes de gauche, une majorité d’entre eux se rassemblent dans l’UDT le 14 avril 1959, derrière L. Vallon19 et R. Capitant. Les deux porte-drapeaux de l’UDT se sont connus en 1936, lorsque le juriste R. Capitant était chargé de mission au cabinet de L. Blum et que le Président du Conseil avait confié au jeune polytechnicien Vallon la direction des émissions économiques et sociales de la Radiodiffusion. En février 1955, ils avaient fondé la première UDT, issue des « Groupes d’action pour l’indépendance nationale et le progrès social20 ». En 1959, il s’agit donc de la deuxième UDT et les deux promoteurs de cette opération entendent faire venir à eux les gaullistes qui sont restés en marge d’une UNR considérée comme un mouvement conservateur. Pour ce faire, ils se dotent d’un journal : Notre République, qui est le pendant de La Nation et d’un mouvement cadet, les Jeunes de l’Union démocratique du travail (JUDT) animés par Bernard Cahen, jeune diplômé de Sciences Po et futur avocat.
- 21 Notre République, no 16, 17 mars 1960.
- 22 Interview d’Y. Guéna, 30 mai 2002.
7L’orientation politique générale est claire puisqu’il s’agit de « créer un ordre social plus juste, se situant au-delà du communisme et du capitalisme et se fondant sur une croissance économique dûment orientée par les pouvoirs publics. Cette création, nous en sommes convaincus, sera l’œuvre originale de de Gaulle et des gaullistes soucieux de perpétuer le gaullisme par de Gaulle, ses œuvres et ses disciples21 ». En outre, les membres de l’UDT font bloc derrière la politique algérienne du chef de l’État. Yves Guéna, qui a rejoint l’UDT en avril 1961, se plaît ainsi à rappeler que les gaullistes de gauche suivaient sans rechigner le Général sur ce point, à l’inverse de l’UNR22. Enfin, l’UDT souhaite réconcilier le gaullisme avec la gauche. Ainsi, P. Billotte peut affirmer le 12 juin 1960 dans son discours de clôture de la 1re Convention nationale de l’UDT :
- 23 Discours reproduit dans Notre République, no 19, juillet 1960.
« Notre mouvement est né parce que les Français, qui étaient à la fois gaullistes et de gauche, ne pouvaient plus se reconnaître dans un parti qui, en période électorale, avait bien pris le label gaulliste, mais dont les tendances et les alliances le classaient, sans doute pour toujours et malgré la présence dans son sein de gaullistes authentiques et très proches de nous, comme un parti de droite. La gauche c’est le mouvement et le progrès, la droite c’est le conservatisme et c’est l’immobilisme23. »
- 24 B. Cahen, Les gaullistes de gauche (mai 1958-août 1962), mémoire de droit, Paris, 1962, p. 90.
- 25 Secrétaire général adjoint de l’UDT (1961-1962), J.-M. Royer est rédacteur en chef de Notre Républ (...)
- 26 Cf. P. Guiol, L’impasse sociale du gaullisme. Le RPF et l’Action ouvrière, Paris, FNSP, 1985, p. 2 (...)
8Si l’UDT n’a jamais été une organisation de masse, ne comptant sans doute pas plus de 5000 membres dans ses meilleurs jours24, elle a été en revanche un espace politique de rencontre pour des intellectuels et des hommes attachés au volet social du gaullisme. Toutefois, ce mouvement est principalement parisien et a du mal à s’implanter en province, même s’il existe quelques représentants à l’échelle locale. L’étude de la composition de son premier comité directeur témoigne d’un enchevêtrement de personnalités, où se mêlent journalistes, gaullistes de la première heure et hommes de gauche. Parmi les 45 membres du comité directeur, on remarque par exemple la présence des deux principaux fondateurs du mouvement de résistance Franc-Tireur, à savoir Georges Altman et Jean-Pierre Lévy, dont la sensibilité de gauche est clairement affirmée. Des journalistes sont également présents, comme Jean-Michel Royer, qui rejoint le comité directeur en avril 196125. À ce noyau de journalistes, il convient d’ajouter quelques hommes de lettres, comme l’écrivain Stanislas Fumet, directeur de Temps présent à la Libération et Pierre Sandahl. Le comité directeur comporte aussi des Compagnons de la Libération comme P. Billotte, G. Grandval et Y. Morandat. On remarque enfin la présence de compagnons investis à l’échelle locale à l’époque du RPF, à l’instar de René Caille dans le Rhône, employé aux usines Berliet, ancien vice-président de l’Action ouvrière26 et futur député.
- 27 Cf. J. Dauer, op. cit., p. 101-103.
- 28 Interview de J. Charbonnel, 11 avril 2002.
- 29 J. Charbonnel, Le gaullisme en questions, Paris, PUF, 2002, p. 85.
- 30 Interview d’André Fanton, 9 juin 2004.
- 31 AN, 103AS1, procès-verbal du comité central de l’UNR, 20 mai 1959.
- 32 Ibid.
- 33 J. Charbonnel, op. cit., p. 84 et A la gauche du Général, op. cit., p. 169.
9Au vu de ces quelques itinéraires, une constatation s’impose. L’UDT ne peut pas être considérée comme un ensemble homogène, mais plutôt comme une somme de personnalités aux parcours politiques divers, ce qui permet de comprendre les divisions ultérieures des gaullistes de gauche en autant de chapelles que de personnalités. De même, si tous partagent et revendiquent une même fibre sociale, ils ne l’expriment pas pour autant de la même manière. Si L. Vallon choisit d’« intellectualiser » l’UDT, afin qu’elle soit un mouvement de réflexion politique, dont les idées doivent servir d’aiguillon à la majorité, cette orientation élitiste lui est reprochée par quelqu’un comme J. Dauer qui refuse de le rejoindre et préfère garder son indépendance en lançant le MPC27. Pourtant au-delà de ces divergences, le socle social défendu par l’UDT dépasse le simple cadre de ses adhérents et les sympathisants sont nombreux, ce dont témoigne le dynamisme de Notre République. Ainsi, J. Charbonnel confie avoir « choisi d’adhérer à l’UNR plutôt qu’à l’UDT, bien qu’étant un gaulliste de gauche, car les membres de l’UDT étaient un peu des marginaux28 ». Si les gaullistes de gauche ont été perçus par l’opinion comme des « enfants terribles du gaullisme29 » aux idées sympathiques, certains compagnons n’hésitent pas à railler ces « gauchistes de salon qui vivaient dans les plus beaux arrondissements de la capitale30 » ou, comme J. Soustelle, qui condamne « la floraison de formations farfelues, comme l’UDT31 », qui sont pour lui la conséquence d’une certaine « carence doctrinale32 » du mouvement gaulliste. À l’inverse, le général de Gaulle, inquiet des risques éventuels d’éclatement de l’UNR, se montre plein d’égards pour ces quelques grognards. Au cas où la dissidence de J. Soustelle entraînerait une vague de démissions parmi les cadres de l’UNR, les gaullistes de gauche, avec le renfort des « inconditionnels » de l’AN, pourraient constituer le noyau d’une refonte du gaullisme et d’une reconquête du mouvement. Le chef de l’État a ainsi deux fers au feu, au cas où l’UNR viendrait à imploser sous les coups de boutoir des ultras. Ce n’est donc pas un hasard si le Général apporte une attention toute particulière à ce que l’UDT ne manque de rien. Il soutient sur ses fonds propres le journal Notre République et Etienne Burin des Roziers, secrétaire général de l’Élysée, veille à distribuer des subsides aux dirigeants de l’UDT33.
La fusion de l’UDT et de l’UNR : le retour au bercail des gaullistes de gauche ?
- 34 Interviews d’Y. Guéna, 30 mai 2002 et C. Poncelet, 26 avril 2002.
10À l’approche des élections législatives de novembre 1962, le chef de l’État demande à L. Terrenoire, secrétaire général de l’UNR, de trouver un accord avec l’UDT, afin de présenter des candidats avec la double investiture. Cet accord électoral doit permettre de rééquilibrer vers la gauche la majorité, afin que l’UDT soit le pendant des quelques ralliés républicains indépendants (R. Mondon, V. Giscard d’Estaing) qui soutiennent la majorité Ve République. Yves Guéna, qui fait partie des membres du comité directeur de l’UDT qui rencontrent L. Terrenoire pour les investitures, confirme que ces négociations n’ont pas été difficiles, dans la mesure où le Général tenait beaucoup à ce rapprochement34. Ainsi, le mouvement de L. Vallon et R. Capitant fusionne avec l’UNR le 10 novembre 1962 en échange de quelques places dans les instances de direction du mouvement gaulliste, avant d’être absorbé au lendemain des élections. L’UDT obtient des investitures dans 34 circonscriptions électorales où les gaullistes de gauche se présentent donc sous l’étiquette « UNR-UDT ».
- 35 Cf. Notre République, no 64, 29 novembre 1962.
- 36 Compagnon de la Libération, le colonel P. Rivière avait été attaché à l’état-major particulier du (...)
- 37 Cf. Y. Guéna, Le temps des certitudes 1940-1969, Paris, Flammarion, 1982, p. 111-116.
- 38 Cf. L. Hamon, Vivre ses choix, Paris, R. Laffont, 1991, p. 401-402.
- 39 Cf. F. Sarda, Le Fléau de la balance, Paris, L’Archipel, 2005.
11Au soir du second tour, quinze candidats issus des rangs de l’UDT sont élus35, en l’occurrence Pierre Billotte (Seine), René Caille (Rhône), René Capitant (Seine), Diomède Catroux (Alpes-Maritimes), Alban Fagot (Isère), Yves Guéna (Dordogne), Jacques Hébert (Manche ; maire de Cherbourg), Jean de Lipkowski (Charente-Maritime), Pierre Marquand-Gairard (Bouches-du-Rhône), Edmond Nessler (Oise), Christian Poncelet (Vosges), Robert Richet (Côtes-du-Nord), Paul Rivière36 (Loire), Antonin Tirefort (Tarn) et Louis Vallon (Seine-et-Oise). Certains d’entre eux sont élus dans une circonscription dans laquelle il y avait un député sortant élu sous la bannière UNR en 1958, mais qui avait quitté celle-ci sur la question algérienne, comme Y. Guéna qui bat le Dr Raoul Rousseau à Périgueux37 et R. Caille élu contre Jean Miriot à Lyon. En outre, d’autres candidats l’emportent dans des circonscriptions difficiles, longtemps acquises à la gauche, comme L. Vallon qui bat le maire communiste de Goussainville Roger Gaston. Parmi les battus de l’UDT, on remarque quelques compagnons de route des gaullistes de gauche, comme Léo Hamon, battu à Toulouse38, Victor Rochenoir battu par M. Thorez ou encore Me François Sarda, un proche de J. Tiberi, qui ne parvient pas à l’emporter dans sa ville natale de Perpignan39.
- 40 Notre République, no 67, 10 janvier 1963.
- 41 Cf. J.-C. Casanova, « L’amendement Vallon », Revue française de science politique, vol. xvii, no 1 (...)
12Partis en véritables « moines soldats » du gaullisme, sur des terres où la gauche était solidement implantée, comme dans les départements du Sud-Ouest et la banlieue rouge de Paris, les gaullistes de gauche parviennent à obtenir quelques sièges. Si la stratégie des candidats dissidents du CRR a échoué en 1958, celle consistant à réserver quelques circonscriptions à des membres de l’UDT s’est révélée payante. Certes, les gaullistes de gauche ont perdu leur indépendance en rejoignant l’UNR, mais ils font leur entrée à l’Assemblée nationale, ce qui leur offre une tribune de premier plan. Le nouveau secrétaire général du mouvement gaulliste, J. Baumel, célèbre cette union : « Les élections législatives ont provoqué le regroupement des gaullistes, qui ne forment plus désormais qu’une seule et même famille40. » À partir de 1962, les gaullistes de gauche tentent d’infléchir la politique de leur famille depuis l’intérieur et non en restant en marge de celle-ci. Leur principal défi repose sur la nécessité de faire entendre leur voix, mais également d’orienter la politique du gouvernement dans une autre voie. Ainsi, lors des assises de Nice de l’UNR-UDT en novembre 1963, une dizaine de représentants de cette sensibilité entrent au comité central, dont L. Hamon et J.-C. Servan-Schreiber. Enfin, à l’Assemblée nationale, L. Vallon dépose en 1966 un amendement à l’article 33 de la loi du 12 juillet 1965, modifiant l’imposition des entreprises et des revenus des capitaux immobiliers. Le 18 mars 1966, une commission ayant mission d’étudier les modalités de réalisation de l’amendement Vallon est nommée par M. Debré, ministre de l’Économie et des Finances. Malgré le rapport de la commission Mathey, qui vise à abandonner ou à limiter la réforme prévue, le chef de l’État signe l’ordonnance du 17 août 1967 sur l’intéressement des salariés aux bénéfices dans l’entreprise41.
L’éparpillement des gaullistes de gauche dans les années soixante
Du Mouvement pour la communauté (MPC) au Front du progrès (FDP)
- 42 J. Dauer, op. cit., p. 103.
- 43 Maire de Saint-Maur-des-Fossés, G. Noël est le suppléant de P. Billotte, élu député en 1962. Il le (...)
- 44 G. Quetel est délégué du MPC dans le Calvados.
- 45 Démocratie combattante paraît de juillet 1961 à décembre 1962, puis de septembre 1964 à 1970. À pa (...)
- 46 Destinée aux cadres du MPC, cette lettre est publiée de 1961 à 1964.
13Créé le 7 juin 1959 par J. Dauer, le MPC entend placer au cœur du processus décisionnel les militants, dont l’effectif total se serait situé autour de 250042, à la différence de l’UDT qui s’appuie sur ses notables. Le 1er congrès annuel se réunit les 10 et 11 octobre 1959 et les adhérents élisent un comité directeur de 75 membres, qui à son tour nomme le bureau national, composé d’une dizaine de membres. Celui-ci est le véritable organe décisionnel du mouvement, composé d’un président (J. Dauer) et de trois vice-présidents : Gilbert Noël43, Gaston Quetel44 et Raymond Schmittlein, député UNR de Belfort. À ces personnalités, viennent se joindre Jean-Claude Brouard (secrétaire général), Michel Rodet, Jean Dufour et Jean-François Chabasse. L’équipe du MPC organise deux autres grandes réunions nationales à Paris dans la période 1959-1962, un conseil fédéral sur « l’avenir franco-africain » le 15 mai 1960 et un second congrès national les 15 et 16 avril 1961. Le MPC se dote d’un organe de liaison à la parution irrégulière, baptisé Démocratie combattante45 et d’une lettre d’informations interne, les Notes d’information du Mouvement pour la Communauté46.
14Dans ces deux publications, J. Dauer ne ménage pas l’UNR qu’il accuse d’être le « fossoyeur de l’idéal gaulliste », en préférant l’immobilisme au mouvement :
- 47 AP J. Caley, Notes d’information du MPC, no 4, 25 juillet 1961.
« Au sein de l’UNR, une tendance diffuse mais puissante, voit l’avenir dans un certain immobilisme politique et institutionnel, autour d’un gaullisme vidé de sa substance populaire et privé de son chef, mais cristallisé autour des places prises, jouant les cadres contre la masse, attirant à lui comme feu le radicalisme les ambitions sans étiquette précise, à cause des facilités offertes par un appareil soigneusement mis en place pour durer47. »
- 48 Ibid., Démocratie combattante, no 1, juillet 1961.
15En outre, J. Dauer se montre critique à l’encontre des partis politiques traditionnels : « Les vieux partis se survivent encore, mais ils n’ont pas d’avenir face à la montée des jeunes responsables et des animateurs. La nation se remodèle devant nos yeux et nous avons le regret de voir le pouvoir toujours plus à l’écart de cette révolution à laquelle nous avions voulu le mettre48. » Le MPC se présente ainsi comme une structure de renouveau politique, en prise avec les réalités quotidiennes, au sein de laquelle les gaullistes peuvent défendre leur idéal, à l’inverse d’une UNR compromise avec le parlementarisme, même si un député comme Joël Le Tac appartient aux deux mouvements.
- 49 CHSP, JD2, note du MPC, « Nature et objectifs d’un Front du Progrès », 1964.
- 50 Cf. F. Denord, Le Front du Progrès (1964-1976) : un proto-parti de gaullistes de gauche, mémoire d (...)
- 51 CHSP, JD2, statuts du FDP.
- 52 Cf. B. Lachaise, « André Philip et le gaullisme », G. Morin et C. Chevandier (dir.), André Philip, (...)
16Le 5 avril 1964, le MPC se transforme en Front du progrès (FDP) et propose d’« offrir un lieu de rencontre aux gaullistes de progrès intégrés à l’UNR-UDT » en se définissant comme un « mouvement politique à base militante49 ». Dans les faits, le FDP est une structure souple, dont le fonctionnement et les activités sont semblables à celles d’un club, qui parvient à rassembler entre 3 000 et 4 000 adhérents selon les périodes50, sachant que la double appartenance avec d’autres mouvements est permise51. J. Dauer, son secrétaire général de 1964 à 1971, organise régulièrement des « Tables rondes pour le progrès » et invite des conférenciers comme André Astoux et Pierre Le Brun (CGT), qui rejoint le FDP avec André Philip52. L’équipe dirigeante rassemble des anciens du RPF qui suivent J. Dauer depuis l’aventure du Télégramme de Paris, mais elle voit également venir à elle des responsables de l’UDT qui ont refusé de fusionner avec l’UNR, comme Charles d’Aragon, collaborateur avant-guerre de L’Aube et élu député MRP en 1945, l’homme de lettres Jean de Beer ou encore le futur parlementaire UDR Jacques Mercier. Si la fondation du FDP est mal perçue par J. Baumel, qui y voit une entreprise de séparatisme, elle comble néanmoins un vide dans les limites stricto sensu de la famille gaulliste, puisqu’elle fonde sa doctrine sur le thème de la promotion sociale et propose une réforme de l’entreprise comme réponse au problème de la condition ouvrière, ce qui constitue un retour aux sources du discours gaullien sur l’association capital-travail.
Une floraison de formations groupusculaires
17Aimant entretenir un certain bouillonnement intellectuel et organisationnel, les gaullistes de gauche constituent le rameau d’une famille politique sur lequel les bourgeons groupusculaires sont les plus nombreux. Une myriade de comités, cercles, associations, clubs et conventions en tout genre fleurissent dans les années soixante et se partagent un espace politique restreint qu’ils revendiquent fièrement. Certes, la plupart de ces mouvements relèvent plus de l’acte de témoignage partisan, à l’espérance de vie éphémère, que de structures pérennes viables. Néanmoins, leur existence traduit une volonté de se rassembler dans des structures plus souples, dans lesquelles les échanges seraient facilités, à la différence d’un parti politique.
- 53 Le Monde, 5 novembre 1966.
- 54 Interview de P.-M. de La Gorce, 26 octobre 2004.
- 55 Cité par M. Winock, Le Siècle des intellectuels, Paris, Le Seuil, 1999, p. 687-688.
- 56 Le Monde, 5 novembre 1966.
- 57 Cf. E. d’Astier de la Vigerie, La Semaine des quatre jeudis, Paris, Éd. Le Félin, 2001.
- 58 Passé par plusieurs cabinets ministériels socialistes à la Libération, dont ceux de F. Gouin et J. (...)
- 59 Jacques Vernant est le frère aîné de Jean-Pierre Vernant, historien spécialiste de la Grèce antiqu (...)
- 60 Cf. J. Dauer, op. cit., p. 175-177.
- 61 Interview de P.-M. de La Gorce, 26 octobre 2004.
18Créé en octobre 1966, le « Mouvement des 29 » s’inscrit dans la continuité de l’Appel lancé par 29 personnalités le 10 mai 196653. Les signataires, qui devaient être 30 à l’origine – Germaine Tillion n’ayant pu se rendre à la réunion constitutive54 – ont soutenu le général de Gaulle lors de la campagne présidentielle de 1965 et approuvent la politique étrangère du chef de l’État : « En accord avec un grand nombre d’électeurs de gauche et en accord avec la majorité des forces de progrès dans le monde, nous soutenons une politique internationale de paix fondée sur le refus d’intégration à des blocs hégémoniques, sur une Europe élargie et réconciliée, et sur la coopération avec les pays du tiers-monde et des nations non engagées55. » En outre, ils prétendent « montrer que la gauche peut être, sans mauvaise conscience, gaulliste. Mais aussi donner au gaullisme une conscience de gauche56 ». Rédigé principalement par Jean-Marie Domenach, le texte réunit entre autres les noms d’E. d’Astier de La Vigerie57, P. Dechartre, J. Dauer, P.-M. de La Gorce, L. Junillon58, P. Le Brun, Y. Morandat, A. Philip, D. Rousset, G. Sénéchal, R. Stéphane, J. Vernant59 et A. Weil-Curiel. La constitution du groupe des 29 s’est effectuée selon la logique du réseau. L’instigateur de l’entreprise est l’infatigable J. Dauer60, ce qui explique que neuf signataires de l’Appel soient membres du FDP. À cela, il faut ajouter le fait qu’Y. Morandat est un ami personnel de J. Dauer depuis l’époque du RPF. Quant à P.-M. de La Gorce, c’est E. d’Astier de La Vigerie, dont il est l’ami depuis la guerre, qui le fait rejoindre la petite équipe et l’intéressé se charge alors de rallier D. Rousset61.
- 62 J.-M. Domenach, « À propos d’un manifeste sur la politique extérieure », Esprit, juin 1966.
- 63 AN, Fonds J. Foccart, carton no 402, dossier no 1195, note des RG sur le Mouvement des 29, 20 octo (...)
- 64 CHSP, JD 13, lettre sur les objectifs du Mouvement des 29, 2 octobre 1967.
19Le 12 mai 1966, J.-M. Domenach, directeur de la revue Esprit, précise que cet appel n’est pas un manifeste électoral et qu’il ne préfigure aucun regroupement politique62. Toutefois, le groupe des 29 recueille plus de 200 signatures sur son appel et fort de ce succès, il se transforme en un mouvement. Le 19 octobre, il organise une réunion à la salle Pleyel, qui parvient à rassembler près de 600 personnes63. Les participants condamnent la politique des États-Unis au Vietnam, dans la droite ligne du discours de Phnom Penh du général de Gaulle. Cercle de réflexions et d’échanges, dans lequel les membres travaillent en commissions spécialisées, sur des sujets aussi différents que la construction européenne ou la participation des salariés aux bénéfices de l’entreprise64, le secrétaire général du mouvement est Me François Sarda, l’ancien président de la Fédération française des Etudiants catholiques (FFEC), proche des mendésistes dans les années cinquante. Les relations avec l’UNR-UDT sont tendues et la majorité des 29, à l’instar de F. Sarda, n’apprécie guère que certains d’entre eux rejoignent ouvertement le mouvement gaulliste, à l’instar de P.-M. de La Gorce.
- 65 J. Dauer, op. cit., p. 178.
20En 1966, un autre mouvement appartenant à la mouvance gaulliste de gauche est créé, en l’occurrence le « cercle Jules Vallès ». Le choix du nom de cette figure emblématique de la Commune illustre à lui seul l’aspect « révolutionnaire » que compte incarner son fondateur. Créé en 1966 par Gabriel Cordoin, un ami de l’écrivain Georges Bernanos, ce cercle est une expérience mort-née65. Ancien du CRR et suppléant de J. Dutourd aux élections législatives de 1958, G. Cordoin a appartenu au comité directeur de l’UDT avant de rejoindre le FDP. En fait, ce cercle lui permet tout simplement d’exister sur la scène gaulliste et d’obtenir l’investiture de l’UDVe pour les législatives de 1967 en Ille-et-Vilaine où il est finalement battu.
- 66 Ibid.
- 67 Cf. J. Cotillon, op. cit., p. 133.
21Dans une même veine, l’association « Nouveau Régime » a une place particulière, dans la mesure où elle prétend rassembler des dissidents maurrassiens qui seraient attachés à la politique gaullienne, ce qui paraît pour le moins surprenant. Fondée en 1956 par Jean-Jacques Meïer, Nouveau Régime rassemble quelques « monarchistes de gauche66 » qui soutiennent les institutions de la Ve République. Collaborateur dans les années cinquante de revues pétainistes, notamment Les Idées et les faits67, J.-J. Meïer est ainsi un exemple curieux d’un néo-pétainiste passé au gaullisme par l’intermédiaire d’un club fantomatique apparenté aux gaullistes de gauche. Le plus connu des membres de cette association est sans doute Christian Perroux, un ancien de l’Action française qui rejoint en 1966 la Convention de la Gauche Ve République, avant d’en être exclu trois ans plus tard pour avoir signé un article antisémite. Quant au président-fondateur de l’association, il rejoint également cette fédération de mouvements gaullistes de gauche, dans laquelle il se refait une certaine virginité politique.
- 68 E. Michelet, La querelle de la fidélité. Peut-on être gaulliste aujourd’hui ?, Paris, Fayard, 1971 (...)
22Le foisonnement de ces différents groupuscules proches des gaullistes de gauche souligne à la fois la grande richesse de cette mouvance, mais en même temps sa principale faiblesse. En effet, cette aile sociale du gaullisme semble incapable de se rassembler dans une seule formation et préfère se répartir dans une multitude de microstructures, aux caractères flous, aux limites incertaines et aux objectifs plus ou moins vagues. Cette absence de coordination tend à faire d’eux la « frange anarchiste68 » du gaullisme et rend leur action inaudible sur la scène politique, malgré quelques tentatives de fusion dans la seconde moitié des années 1960 et surtout au début des années 1970.
De la Convention à l’Union de la gauche Ve République
- 69 J. Dauer, op. cit., p. 178-179.
- 70 Combat, 10 octobre 1966.
- 71 Cf. C. Hodeir, « Parcours parallèles mais singuliers : Jacques Foccart et Gilbert Beaujolin, deux (...)
- 72 Cf. P. Chairoff, op. cit., p. 83.
23Le 8 octobre 1966, la naissance de la Convention de la gauche Ve République, à l’initiative de P. Dechartre et J. Dauer, scelle le rapprochement d’un certain nombre de formations. Dans les faits, la Convention est une fédération qui regroupe autour du Front du progrès, qui en constitue l’épicentre69, les quelques « survivants » du CRR, le cercle Jules Vallès, l’association Nouveau Régime et les clubs Ve République de Gilbert Beaujolin70, un ancien du CRR. Si la présidence de la Convention est assurée par P. Dechartre, la vice-présidence revient à J.-J. Meïer et le poste de trésorier au très expérimenté G. Beaujolin, un homme des réseaux Foccart71. Membre du réseau Alliance pendant la guerre, il est à la tête de plusieurs entreprises de négoce qui commercent avec l’Afrique, dont certaines servent de prête-nom à des ventes d’armes ou de couverture à des agents du SDECE72. Enfin, la Convention dispose d’un bulletin, Le Conventionnel, qui se transforme après quelques numéros en Courrier de la Convention.
- 73 CHSP, JD13, « Déclaration de la Convention », 8 octobre 1966.
- 74 Le Front travailliste a été créé le 15 novembre 1965 et regroupe des personnes qui viennent pour l (...)
- 75 Cf. S. Troisier, Une sacrée bonne femme, Paris, Éd. La Palatine, 2003, p. 169-172.
24La nouveauté de cette fédération réside d’une part, dans la tentative de regroupement des gaullistes de gauche au sein d’une même chapelle et d’autre part, dans son ambition affichée d’être une composante de la majorité dans la perspective des élections législatives de 196773. Ainsi, la Convention serait le troisième volet de la majorité aux côtés de l’UNR-UDT et des Républicains indépendants, ce qui permettrait de rééquilibrer la majorité vers la gauche et de limiter les effets d’un tropisme conservateur. Composé de sept membres et d’un secrétaire général, P. Dechartre, le bureau exécutif représente les différents mouvements antérieurs à sa création, avec une prédominance des membres du FDP. Suite aux travaux du Comité d’action pour la Ve République, la Convention obtient une dizaine d’investitures dont celles de Ch. d’Aragon en Haute-Garonne et J. Mercier dans la Nièvre, mais au final aucun de ses membres n’accède au Palais-Bourbon. De plus, la Convention doit faire face à la concurrence du Front travailliste74 (FT), qui obtient également quelques investitures, comme celle de Solange Troisier, la petite-fille d’Émile Ollivier, parachutée dans le XXe arrondissement de Paris pour remplacer le député sortant M. Saintout, qui devient son suppléant75, mais elle est battue par la communiste C. Vergnaud.
- 76 CHSP, JD2, circulaire de J. Dauer, 8 novembre 1967.
- 77 AGP, discours de clôture de G. Pompidou aux assises de l’UGVe, 18 novembre 1967.
25L’échec électoral de la Convention relance les dissensions entre gaullistes de gauche, notamment au sujet du combat à l’intérieur ou en dehors de la majorité. Ce débat oppose P. Dechartre, partisan de la première solution, à J. Dauer, qui ne souhaite pas être englobé dans le « magma plus ou moins informe76 » de l’UNR-UDT. Le 28 juin 1967, lorsque la Convention se transforme en Union de la Gauche Ve République (UGVe), elle est rejointe par le mouvement des 29, alors que le FDP préfère pour sa part rester à l’écart. À partir de cet instant, on entre dans une opposition larvée entre des gaullistes de gauche favorables à G. Pompidou, à l’instar des responsables de l’UGVe qui participent aux assises de Lille de l’UNR-UDT et une frange qui lui est hostile, comme les fidèles de J. Dauer. En novembre 1967, le Premier ministre se rend aux assises de l’UGVe et prononce un discours dans lequel il soutient leur démarche et affirme : « On pourrait se demander après tout s’il est possible d’être à la fois gaulliste et de gauche. Je crois au contraire que pour de multiples raisons, les hommes de gauche peuvent se retrouver au sein du gaullisme77. »
L’échec du rassemblement des gaullistes de gauche
Le pari manqué de l’Union travailliste
- 78 J. Dauer, op. cit., p. 210.
- 79 CHSP, JD9, Le Télégramme de Paris, no 33, janvier 1970.
- 80 F. Denord, op. cit., p. 163.
26L’élection de G. Pompidou peut être considérée par les gaullistes de gauche comme l’heure du choix. Quelle attitude adopter face à celui qui compte incarner le « changement dans la continuité » ? Certes, quelques mouvements se sont déjà ralliés à lui avant son élection, comme l’UGVe de P. Dechartre, mais il n’en est pas de même de toutes les chapelles de cette sensibilité politique. Néanmoins, ils saluent tous la nomination de J. Chaban-Delmas à Matignon, en qui ils voient celui qui pourrait mettre en place la phase sociale du gaullisme qu’ils appellent de leurs vœux. Le nouveau Premier ministre dispose d’un capital de sympathie qui n’est pas négligeable, notamment après son discours sur la Nouvelle Société et quelqu’un comme J. Dauer considère qu’il est dans « l’esprit du gaullisme et dans la ligne d’action qu’aurait voulu mener de Gaulle après 196878 ». Face aux attaques qui viennent de l’aile droite de l’UDR, en particulier de la très conservatrice association Présence et action du gaullisme, le locataire de Matignon tente de s’assurer du soutien des gaullistes de gauche, mais aussi des cadets de l’UJP. Ainsi, en janvier 1970, le Premier ministre accorde un entretien au Télégramme de Paris79 et le 7 juillet, il reçoit une délégation du FDP, afin qu’elle lui fasse part des travaux du conseil national du mouvement et débatte de la situation politique générale80.
- 81 C. Maus, Du Front du Progrès à l’Union travailliste, étude sur le gaullisme de gauche, DES de scie (...)
- 82 L’Union gaulliste populaire (UGP) a été créée par R. Capitant au début du mois de mai 1969, mais e (...)
- 83 L’Union populaire progressiste (UPP) a été fondée en mai-juin 1969 par J. Debû-Bridel. Elle rassem (...)
- 84 Le Front des jeunes progressistes (FJP) est créé le 18 mai 1969 par Dominique Gallet, un ancien de (...)
- 85 À savoir J. Dauer pour le FDP, J. Debû-Bridel (UPP), D. Gallet (FJP), H. Bonneville (UGP) et G. No (...)
- 86 AN, 645AP39, statuts de l’Union travailliste.
- 87 Cf. L. Hamon, op. cit., p. 473-477.
27Toutefois, J. Chaban-Delmas souhaite passer à la vitesse supérieure et unifier les différents mouvements dans une même formation. Pour mener à bien ce projet, qui peut sembler quelque peu chimérique, au regard des conflits de personnes qui règnent chez les gaullistes de gauche, il fait appel à Gilbert Grandval, ancien ministre du Travail, qui possède ses entrées dans ces différents mouvements. Celui-ci organise un congrès de l’unité à Toulon (2-3 octobre 1971), qui regroupe le FDP81, l’Union gaulliste populaire82 (UGP), l’Union populaire progressiste83 (UPP), le Front des jeunes progressistes84 (FJP) et la majorité des militants du Front travailliste (FT). Ce congrès donne naissance à l’Union travailliste (UT), qui est une fusion de tous ces mouvements et non une confédération, même si le bureau politique de l’UT est composé d’un représentant de chaque mouvement85. L’UT a pour objectif « de définir et de promouvoir une politique nouvelle essentiellement fondée sur l’instauration de la Participation dans tous les domaines, réalisant et prolongeant ainsi l’œuvre inaugurée par le général de Gaulle86 ». En revanche, P. Dechartre refuse de dissoudre l’UGVe dans l’UT et lance avec la minorité du FT et « Démocratie et Travail » (L. Hamon ; P. Billotte) le Mouvement pour le socialisme par la participation87 (MSP). L’histoire ultérieure de l’UT, dont la création peut sembler à première vue encourageante, se résume aux efforts incessants de G. Grandval pour maintenir une discipline partisane entre des personnalités qui sont pour le moins étrangères à cette approche de la politique.
- 88 Le Monde, 5 octobre 1971.
- 89 Op. cit., 8 mars 1972.
- 90 AN, Fonds J. Foccart, carton no 131, dossier no 402-1, lettre de R. Tomasini à J. Foccart et J. Ch (...)
28Rapidement, les tensions antérieures ressurgissent au sein de l’UT, entre partisans d’un soutien à J. Chaban-Delmas, tout en gardant leur liberté d’action et une marge de manœuvre par rapport à l’UDR, et ceux qui adoptent une position intransigeante vis-à-vis du mouvement gaulliste. Favorable à la première option, G. Grandval affirme ainsi : « Notre mouvement doit se situer dans la majorité et développer sa propre personnalité, afin d’y peser de tout son poids, d’en changer le visage et d’en modifier certains objectifs. L’alternance n’existe qu’au sein de la majorité88. » L’UT risque donc d’imploser à tout moment, ce qui se produit sur la question de l’élargissement du marché commun à la Grande-Bretagne. G. Grandval et J. Dauer sont partisans du « oui » au référendum (23 avril 1972), alors que J. Debû-Bridel, D. Gallet et L. Vallon prennent position pour le « non ». Le 4 mars 1972, les dirigeants du FJP et de l’UPP, suivis de leurs maigres troupes, démissionnent de l’UT car J. Debû-Bridel craint que celle-ci « s’enlise dans le marécage majoritaire89 ». L’éclatement de l’UT, dont la création tenait à cœur au Premier ministre, est interprétée par R. Tomasini comme la preuve que ces mouvements sont « à la solde des communistes et qu’il faut donc leur couper les vivres90 ».
- 91 AN, 645AP39, Le Télégramme de Paris, no 57, juillet 1972.
- 92 Le Figaro, 4 décembre 1971.
29Privé de ses éléments « gaullo-gauchistes », l’UT devient une structure moribonde, dont la colonne vertébrale est constituée par les anciens du FDP. Le départ de Matignon de J. Chaban-Delmas met un terme aux derniers espoirs des dirigeants de l’UT de pouvoir être l’aiguillon rénovateur et social de la majorité. L’UT se divise alors sur la stratégie à adopter pour les élections législatives de mars 1973. Partisan de présenter des candidats contre ceux investis par l’UDR – ce que refuse G. Grandval – et persuadé que « le gaullisme a tout à perdre à voir retourner à l’Assemblée nationale une cohue réactionnaire semblable à celle de 196891 », J. Dauer et ses compagnons du FDP quittent l’UT au début de l’année 1973, ce qui met un terme à cette aventure. Malgré leurs efforts pour se rassembler dans une structure viable, les gaullistes de gauche obéissent naturellement à une logique d’individualisme groupusculaire. Toute proportion gardée, l’atomisation de cette sensibilité gaulliste est proche de celle que l’on peut observer alors chez les mouvements d’extrême gauche. D’ailleurs, le fait qu’un ancien trotskyste comme D. Rousset soit particulièrement à son aise dans ce type de groupuscules n’est pas lié au seul fait du hasard. Quant aux militants de l’UDR, ils ne comprennent pas pourquoi les gaullistes de gauche ne les rejoignent pas. Ainsi, lors des assises de Strasbourg (20-21 novembre 1971), L. Hamon, pourtant membre du gouvernement de J. Chaban-Delmas, n’est pas reconduit au comité central du mouvement92.
Réserves et hostilité à l’égard de Georges Pompidou
- 93 Parmi les collaborateurs réguliers de Notre République, dont tous n’adhérent pas à l’anti-pompidol (...)
- 94 AN, 645AP38, Notre République, no 350, octobre 1969.
- 95 L. Vallon, L’Anti de Gaulle, Paris, Le Seuil, 1969.
- 96 Le Monde, 3 novembre 1969.
30Si la majorité des gaullistes de gauche voient d’un bon œil la nomination de J. Chaban-Delmas à Matignon, ils sont en revanche beaucoup plus réservés envers G. Pompidou, soupçonné avant même son entrée en fonction de vouloir brader l’héritage gaullien. On assiste donc à la relance et à la création de quelques formations hostiles au nouveau chef de l’État, comme l’UDT que L. Vallon et R. Capitant font renaître de ses cendres le 19 septembre 1969. Après l’épisode de la candidature avortée de R. Capitant à l’élection présidentielle, les chantres du gaullisme de gauche entendent bien faire entendre leur voix. Notre République, qui avait cessé de paraître à la fin du mois d’avril 1969, est à nouveau disponible en octobre93, avec en première page une photo du général de Gaulle et pour titre « Résister », ce qui a le mérite d’être clair. L’éditorial de R. Capitant est incisif et explique les raisons de la relance de l’UDT : « Pour défendre la politique du général de Gaulle, dont le moins que l’on puisse dire est que l’actuel exécutif la remet en cause. Pour dénoncer l’imposture qui consiste à placer sous le signe du gaullisme les entreprises de la réaction. Pour répondre au vœu de tous ceux, militants ou non, qui estimaient le moment venu de réaliser l’unité des gaullistes94. » Il apporte également son soutien à L. Vallon, qui a été exclu de l’UDR le 28 octobre, suite à la parution de son pamphlet L’Anti de Gaulle95, qui aurait dû s’intituler Le Grand Clamart si E. Burin des Roziers n’était pas intervenu directement auprès de l’intéressé. L’ancien garde des Sceaux estime en effet que « l’UDR n’a pas qualité pour exclure Louis Vallon du gaullisme96 », montrant ainsi que le gaullisme ne se résume pas à un seul mouvement politique, aussi puissant soit-il.
- 97 Cf. R. Capitant, Écrits politiques 1960-1970, Paris, Flammarion, 1971.
- 98 L’Année politique 1969, Paris, PUF, 1970, p. 96.
- 99 AN, 645 AP 38, Notre République, no 352, décembre 1969.
- 100 L’Année politique 1969, Paris, PUF, 1970, p. 96.
- 101 Ibid.
31R. Capitant entre alors dans une fuite en avant contre G. Pompidou et sa politique, multipliant sans cesse les déclarations l’accusant de freiner les avancées sociales97. Le 9 décembre 1969, lors d’une réunion publique de l’UDT, il justifie son départ de l’UDR : « Parce que nous ne voulons pas être dupes, nous avons jugé nécessaire de reprendre notre liberté. Pour arriver aux réformes, il faudra nécessairement renverser le gouvernement actuel98. » Dans Notre République, il réitère ses attaques en écrivant : « L’UDT ne saurait se rallier à un pouvoir politique suspect par ses origines, et qui est sans nul doute le plus réactionnaire que la France ait connu depuis le 16 mai 187799. » Ces attaques répétitives amènent à des condamnations verbales de La Nation, qui déplore « l’hostilité systématique de l’UDT100 ». Quant à P. Dechartre, il publie un communiqué de presse au nom de l’UGVe, dans lequel il dénonce les « leaders aveugles et sourds de l’UDT101 ». Jusqu’à sa disparition le 23 mai 1970, R. Capitant se cantonne dans une opposition stérile, dont les propos démesurés accentuent sa marginalisation à l’intérieur de la famille gaulliste.
- 102 M. Loichot, La Réforme pancapitaliste, Paris, R. Laffont, 1966.
- 103 AN, 645AP12, rapport de l’AG constitutive de l’Union pancapitaliste, 6 mai 1966.
- 104 Ibid., Union pancapitaliste, no 9, mars 1967.
- 105 Ibid., compte-rendu de la réunion de l’UP du 18 décembre 1969.
- 106 Ibid., note sur le congrès constitutif du MSP les 13-14 novembre 1971.
- 107 L. Boutbien a été député SFIO de l’Indre (1951-1956).
32Des réserves à l’encontre de la politique sociale de G. Pompidou sont également émises, mais dans un style plus policé, par un mouvement comme l’Union pancapitaliste (UP). Créée le 6 mai 1966 par le polytechnicien Marcel Loichot, auteur de La Réforme pancapitaliste102, l’UP entend promouvoir les thèses participationnistes de son fondateur103. Promoteur dans l’entreprise de l’association aux bénéfices, au capital et aux prises de décision des employés, M. Loichot préconise un dépassement du capitalisme par l’association entre le capital et le travail dans le cadre de la Participation. La mise en place de cette « réforme pancapitaliste » devrait permettre d’assurer une juste participation des salariés aux fruits de la croissance et de les associer à la conduite de l’entreprise. Depuis qu’il a inspiré l’amendement Vallon, M. Loichot est en odeur de sainteté chez les gaullistes de gauche, notamment auprès des dirigeants de l’UDT104. L’UP édite un bulletin de liaison éponyme et en 1969, elle prend le nom d’« Union pancapitaliste pour désaliéner le salariat », avant de se transformer en « Union pour le partage du capital » (UPC) en décembre 1975. Même si ce mouvement n’a sans doute pas rassemblé plus d’une cinquantaine de membres105, il dispose d’une écoute attentive dans les milieux économiques. Outre M. Loichot, l’homme fort de l’UP est A. Weil-Curiel, son secrétaire général, qui multiplie les contacts avec le MSP de P. Dechartre106 – ce qui montre qu’il n’est pas totalement en rupture de ban avec l’Élysée – avant d’accéder à la vice-présidence de « Présence socialiste », mouvement fondé en 1971 par Léon Boutbien107.
- 108 AN, 645AP13, notes sur le MPP.
- 109 Ibid., MPP - Bulletin de liaison mensuel, no 3, 14 avril 1970.
- 110 Ibid., notes sur le CRIPE.
- 111 Ibid., correspondance avec les entreprises appliquant l’intéressement et la participation (1968-19 (...)
33La diffusion des thèses de M. Loichot est aussi assurée par le Mouvement pour la participation (MPP), créé à l’automne 1968 et dont le secrétaire général est Philippe Luc-Verbon108, futur fondateur avec R. Capitant de l’Union gaulliste populaire (UGP) en mai 1969. Le MPP publie le bulletin La Participation, qui reçoit un accueil favorable de l’UDR et dont le premier éditorial est reproduit par Jacques de Montalais dans La Nation109. Afin de faire pénétrer ses idées dans le monde de l’entreprise, le MPP crée une structure annexe, le Centre de recherche et d’informations pour la participation dans les entreprises et l’économie110 (CRIPE), dont les réunions sont fréquentées par J. Tiberi – suppléant à l’Assemblée nationale de R. Capitant – et A. Dutaret. Le CRIPE met ainsi en œuvre, pour le compte du MPP, une action de lobbying envers des entreprises qui s’inspirent des idées sur l’intéressement des salariés, à l’instar du groupe Édouard Leclerc et de Texas Instruments111.
La dérive des « gaullo-gauchistes »
- 112 Cf. D. Villemot et de Combles de Nayves, Le gaullo-gauchisme, mémoire de l’IEP de Paris, 1975.
- 113 Le Monde, 6 février 1973.
- 114 Le suppléant de J.-L. Delecourt est alors Patrick Guiol, futur auteur de L’impasse sociale du gaul (...)
- 115 La Nation, 23 novembre 1967.
34Née en mars 1973 de la fusion entre l’Union populaire progressiste (UPP) de J. Debû-Bridel et le Front des jeunes progressistes (FJP) de D. Gallet, le Front progressiste (FP) rassemble les éléments les plus extrémistes des gaullistes de gauche, que l’on peut qualifier de « gaullo-gauchistes112 ». Le FP se définit comme un mouvement de gaullistes de gauche hostile à l’UDR et présente un peu plus de 80 candidats sous ses propres couleurs aux élections législatives de mars 1973. En effet, D. Gallet déclare aux membres du FP qu’il faut « assurer la victoire des candidats d’opposition se réclamant du socialisme autogestionnaire113 ». La plupart des candidats investis par le FP sont d’anciens membres de l’UJP, comme Jean-Louis Delecourt114 qui se présente contre L. Hamon dans l’Essonne. Cette candidature montre bien l’état d’esprit dans lequel se trouvent les dirigeants du FP, puisqu’il s’agit à présent de s’opposer systématiquement aux candidats de l’UDR, y compris lorsqu’il s’agit de l’ancien secrétaire d’État à la Participation. Favorable à l’union de tous les gaullistes de gauche, L. Hamon avait participé aux assises de Lille de l’UNR-UDT et déclaré à cette occasion : « L’influence politique ne s’obtient pas et ne s’exerce pas par des groupuscules, même brillants115 », ce qui avait été moyennement apprécié par les dirigeants desdits groupuscules.
- 116 Le Monde, 3 mars 1973.
- 117 AN, 645AP39, Le Sursaut populaire, 1973-1976.
35Après avoir obtenu des résultats dérisoires, qui reflètent bien le poids réel et l’absence de rayonnement politique de leur mouvement, les candidats du FP se désistent en faveur de la gauche et appellent à faire battre l’UDR116. Toutefois, l’échec de la stratégie d’opposition frontale du FP à l’UDR, ne scelle pas pour autant la fin de son aventure. J. Debû-Bridel, qui dirige le mensuel du FP, intitulé Le Sursaut populaire117, se livre à des attaques d’une rare violence contre G. Pompidou et justifie sa position intransigeante :
- 118 Ibid., Le Sursaut populaire, no 1, octobre 1973.
« Les successeurs de De Gaulle, qui ne sont en rien ses héritiers, ont définitivement abandonné le grand projet de participation qui avait effrayé la bourgeoisie française et provoqué l’échec du référendum de 1969. Pompidou n’a pour but que de sauvegarder à tout prix le système capitaliste. Or comme le disait René Capitant – les objectifs du gaullisme postulent l’abolition du capitalisme – il ne peut donc revivre que dans une opposition catégorique au régime qui représente l’argent […]. Le Front progressiste entend regrouper tous ceux qui refusent le capitalisme oppresseur et le communisme totalitaire118. »
- 119 Cf. F. Georgi, « Un conflit autogestionnaire sous Georges Pompidou : les pouvoirs publics face à l (...)
- 120 Cf. J. Charbonnel, A la gauche du Général, Paris, Plon, 1996, p. 224-228.
- 121 Le Monde, 13 octobre 1973.
36La dérive gauchiste du FP trouve un sujet d’affrontement à la mesure de ses ambitions avec l’affaire Lip. Depuis l’été 1973, le conflit qui se déroule entre les salariés et la direction de l’entreprise horlogère de Besançon conforte les gaullistes de gauche dans leur idée que la participation est le seul moyen d’éviter ce type de crise. Les hommes politiques se mêlent tardivement de l’affaire Lip119 et le rejet du premier plan de relance proposé par J. Charbonnel120, ministre du Développement industriel, ne rassure pas les gaullistes de gauche. De plus, l’évacuation de l’usine par les forces de l’ordre en août, alors que J. Charbonnel est en train de négocier avec les syndicats, provoque un véritable tollé. Enfin, la déclaration de P. Messmer (12 octobre) semble laisser penser qu’une reprise de Lip est improbable : « Lip, c’est fini en ce qui me concerne […] l’obstination et l’aveuglement de certains dirigeants syndicaux ont porté à cette entreprise un coup mortel121. »
- 122 F. Georgi, op. cit., p. 173.
- 123 AN, 645AP39, Le Sursaut populaire, no 1, octobre 1973.
- 124 Ibid.
- 125 Cf. J. Foccart, Foccart parle, op. cit., t. 2, p. 42-43.
- 126 Cf. J. Charbonnel, op. cit., p. 225.
37Tout compte fait, le conflit s’achève le 29 janvier 1974 avec un accord pour la relance de Lip par une holding coiffant deux filiales (horlogerie et mécanique), aidée financièrement par l’État, même si le 4 janvier 1974, P. Messmer avait failli faire capoter les négociations en déclarant à nouveau : « Lip, c’est fini122. » Quel bilan tirer de l’affaire Lip pour la famille gaulliste ? En ce qui concerne les gaullistes de gauche, ceux-ci ont accueilli favorablement la tentative d’autogestion des salariés. En revanche, la fermeté des déclarations successives de P. Messmer est instrumentalisée par le FP pour dénoncer la politique du président Pompidou. Paraphrasant Gambetta, J. Debû-Bridel n’hésite pas à intituler son éditorial du Sursaut populaire : « Le Pompidolisme, voilà l’ennemi123 ! » et d’ajouter : « Les forces armées mobilisées contre les travailleurs de Lip, voilà l’événement essentiel de l’actualité, discréditant à jamais le pompidolisme124 ! » Au sein de l’UDR, le conflit des Lip réveille l’opposition larvée entre l’aile libérale et l’aile sociale du mouvement, qui éclate le 15 janvier 1974, au cours de la réunion du groupe à l’Assemblée nationale. Claude Labbé, président du groupe UDR, organise la fronde d’une partie des députés contre J. Charbonnel. En effet, à l’instar de nombreux militants gaullistes125, une majorité de parlementaires pense que l’action du gouvernement est trop modérée vis-à-vis des grévistes126 et qu’il faut laisser faire les lois du marché, sans que l’État intervienne. Cette réunion agitée du groupe UDR oppose deux conceptions du gaullisme et de la société, mais témoigne également des crispations qui touchent cette famille politique dans un climat de fin de règne. Les rebondissements de l’affaire Lip révèlent les ambiguïtés de la politique gaulliste, entre conservatisme économique et aspirations participationnistes.
- 127 Le FP revendiquait fièrement 8000 adhérents, mais dans les faits, ceux-ci ne devaient pas être plu (...)
- 128 Le Monde, 17 avril 1974.
- 129 AN, 645AP39, Le Sursaut populaire, no 6, 29 avril 1974.
- 130 D. Villemot et D. Combles de Nayves, op. cit., p. 37-38.
- 131 AN, 645AP39, Le Sursaut populaire, no 10, mai-juin 1975.
38Après l’affaire Lip, le FP tente de poursuivre son implantation, même si celle-ci reste décevante, puisqu’il ne dispose de délégués que dans 25 départements et que son nombre d’adhérents tend à devenir dérisoire127. En outre, il s’achemine progressivement vers une sortie de la famille gaulliste. Le 7 avril 1974, D. Gallet annonce sa candidature à l’élection présidentielle, avant de se désister une semaine plus tard et de se rallier à F. Mitterrand128. Les éditoriaux du Sursaut populaire vantent les qualités du candidat socialiste et vilipendent J. Chaban-Delmas, représentant selon eux de l’« Union Des Résignés129 ». Cette position jusqu’au-boutiste entraîne de nombreux départs dans les rangs du FP, dont les adhérents semblent désorientés par les propos de leurs dirigeants. De ce fait, les assises nationales d’octobre 1974 ne réunissent qu’une petite centaine de militants130, au sein d’une structure de plus en plus moribonde. L’élection de V. Giscard d’Estaing à l’Élysée est vécue par ces « gaullo-gauchistes » comme l’entrée dans une nouvelle Résistance, face à une politique, qui devrait conduire, selon leurs propres termes, « du néocapitalisme au néofascisme131 ».
*
- 132 P. de Saint-robert, « Au temps de Notre République », Espoir, no 39, juin 1982, p. 34-36.
39L’aventure des gaullistes de gauche tout au long de la Ve République montre à quel point il fut difficile de faire vivre une certaine idée du gaullisme en dehors de l’UNR, puis de l’UDR. Les tentations hégémoniques de la rue de Lille expliquent en partie que ces différentes formations sont restées, pour la plupart d’entre elles, à l’état groupusculaire. Trop proches de l’UNR, ces mouvements ne sont pas à même d’attirer à eux des éléments extérieurs à la famille gaulliste. À l’inverse, lorsque les liens avec le mouvement gaulliste sont plus lâches, ils sont perçus comme des rassemblements de marginaux infiltrés par des éléments socialistes. Les gaullistes de gauche ont trouvé dans ces groupuscules l’horizon indépassable de leurs guerres picrocholines, dont les motifs sont liés pour la plupart à des questions de personnes. Ainsi, comme a pu l’écrire Philippe de Saint-Robert : « Nous nous sommes chamaillés 20 fois et embrassés 21132. »
Notes
1 Cf. Y. Billard, « Les gaullistes de gauche », J.-J. Becker et G. Candar (dir.), Histoire des gauches en France, t. 2, Le XXe siècle : à l’épreuve de l’histoire, Paris, La Découverte, 2004, p. 190-196 et B. Lachaise, « Les clous de girofle du gaullisme », G. Richard et J. Sainclivier (dir.), Les partis et la République. La recomposition du système partisan 1956-1967, Rennes, PUR, 2007, p. 63-73.
2 J. Charbonnel, À la gauche du Général, Paris, Plon, 1996.
3 Cf. G. Sabatier et P. Ragueneau, Le dictionnaire du gaullisme, Paris, A. Michel, 1994, p. 169.
4 FCDG, F 26/8, dossier CRR, La Réforme républicaine, bulletin mensuel du CRR, no 1, novembre 1958.
5 Ancien chef de cabinet de G. Mollet, P. Alduy (1914-2006) a été député socialiste des Pyrénées-Orientales (1956-1981) et maire de Perpignan (1959-1993).
6 Député de la Saône-et-Loire (1946-1949), P. Bougrain est le père du journaliste Alain Bougrain-Dubourg.
7 FCDG, F 26/8, dossier CRR.
8 Ibid., annexe à la note no 1 du CRR, 18 juin 1958.
9 AN, Fonds J. Foccart, carton no 401, dossier no 1185, note des RG sur le CRR, 14 octobre 1958.
10 Député MRP de la Mayenne (1946-1958), R. Buron a été ministre à plusieurs reprises sous la IVe République avant de rejoindre le gouvernement du général de Gaulle en juin 1958.
11 AN, Fonds J. Foccart, carton no 401, dossier no 1185, ibid.
12 J. Charbonnel, op. cit., p. 168.
13 BNF, Patrie et Progrès, no 7, juin 1960.
14 AN, Fonds J. Foccart, carton no 401, dossier no 1185, ibid.
15 Polytechnicien, A. Boulloche a été sous la IVe République directeur de cabinet de P. Ramadier, puis de M. Bourgès-Maunoury.
16 I. de Lipkowski est la belle-fille de l’ancien sénateur et ministre radical de la IIIe République Charles Dumont Elle a appartenu à l’équipe de direction de l’Union gaulliste, puis a été adjointe au maire d’Orly (1947-1959) et députée RPF de la Seine (1951-1956).
17 Sous la Ve République, P. Clostermann a été député UNR de la Seine-et-Oise (1962-1967), puis des Yvelines (1967-1969).
18 Cf. E. Duhamel, L’UDSR ou la genèse de François Mitterrand, Paris, CNRS, 2007.
19 Cf. G. Brun, Louis Vallon ou la politique en liberté, Paris, Economica, 1986.
20 Cf. Espoir, « Louis Vallon 1901-1981 », no 39, juin 1982, p. 32-33.
21 Notre République, no 16, 17 mars 1960.
22 Interview d’Y. Guéna, 30 mai 2002.
23 Discours reproduit dans Notre République, no 19, juillet 1960.
24 B. Cahen, Les gaullistes de gauche (mai 1958-août 1962), mémoire de droit, Paris, 1962, p. 90.
25 Secrétaire général adjoint de l’UDT (1961-1962), J.-M. Royer est rédacteur en chef de Notre République (1961-1966). Par la suite, il poursuit sa carrière de journaliste à RMC et collabore à différents hebdomadaires.
26 Cf. P. Guiol, L’impasse sociale du gaullisme. Le RPF et l’Action ouvrière, Paris, FNSP, 1985, p. 270.
27 Cf. J. Dauer, op. cit., p. 101-103.
28 Interview de J. Charbonnel, 11 avril 2002.
29 J. Charbonnel, Le gaullisme en questions, Paris, PUF, 2002, p. 85.
30 Interview d’André Fanton, 9 juin 2004.
31 AN, 103AS1, procès-verbal du comité central de l’UNR, 20 mai 1959.
32 Ibid.
33 J. Charbonnel, op. cit., p. 84 et A la gauche du Général, op. cit., p. 169.
34 Interviews d’Y. Guéna, 30 mai 2002 et C. Poncelet, 26 avril 2002.
35 Cf. Notre République, no 64, 29 novembre 1962.
36 Compagnon de la Libération, le colonel P. Rivière avait été attaché à l’état-major particulier du Gal de Gaulle à Londres.
37 Cf. Y. Guéna, Le temps des certitudes 1940-1969, Paris, Flammarion, 1982, p. 111-116.
38 Cf. L. Hamon, Vivre ses choix, Paris, R. Laffont, 1991, p. 401-402.
39 Cf. F. Sarda, Le Fléau de la balance, Paris, L’Archipel, 2005.
40 Notre République, no 67, 10 janvier 1963.
41 Cf. J.-C. Casanova, « L’amendement Vallon », Revue française de science politique, vol. xvii, no 1, Paris, 1967, p. 97-109 et Cahiers de la Fondation Charles de Gaulle, La Participation dans l’entreprise, no 5, 1998.
42 J. Dauer, op. cit., p. 103.
43 Maire de Saint-Maur-des-Fossés, G. Noël est le suppléant de P. Billotte, élu député en 1962. Il le remplace à l’Assemblée nationale en 1966-1967 et 1967-1968.
44 G. Quetel est délégué du MPC dans le Calvados.
45 Démocratie combattante paraît de juillet 1961 à décembre 1962, puis de septembre 1964 à 1970. À partir de 1964, il devient l’organe du Front du progrès (FDP). Toutefois, Démocratie combattante ne remplace pas le Télégramme de Paris, qui continue toujours d’être publié.
46 Destinée aux cadres du MPC, cette lettre est publiée de 1961 à 1964.
47 AP J. Caley, Notes d’information du MPC, no 4, 25 juillet 1961.
48 Ibid., Démocratie combattante, no 1, juillet 1961.
49 CHSP, JD2, note du MPC, « Nature et objectifs d’un Front du Progrès », 1964.
50 Cf. F. Denord, Le Front du Progrès (1964-1976) : un proto-parti de gaullistes de gauche, mémoire de l’IEP de Paris, 1998, p. 36.
51 CHSP, JD2, statuts du FDP.
52 Cf. B. Lachaise, « André Philip et le gaullisme », G. Morin et C. Chevandier (dir.), André Philip, socialiste, patriote, chrétien, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2005, p. 313-322.
53 Le Monde, 5 novembre 1966.
54 Interview de P.-M. de La Gorce, 26 octobre 2004.
55 Cité par M. Winock, Le Siècle des intellectuels, Paris, Le Seuil, 1999, p. 687-688.
56 Le Monde, 5 novembre 1966.
57 Cf. E. d’Astier de la Vigerie, La Semaine des quatre jeudis, Paris, Éd. Le Félin, 2001.
58 Passé par plusieurs cabinets ministériels socialistes à la Libération, dont ceux de F. Gouin et J. Moch, Lucien Junillon a été conseiller socialiste de l’Union française (1948-1958), avant de devenir le suppléant du sénateur socialiste Marius Moutet.
59 Jacques Vernant est le frère aîné de Jean-Pierre Vernant, historien spécialiste de la Grèce antique. Agrégé de philosophie, J. Vernant dirige la revue Politique étrangère depuis 1945.
60 Cf. J. Dauer, op. cit., p. 175-177.
61 Interview de P.-M. de La Gorce, 26 octobre 2004.
62 J.-M. Domenach, « À propos d’un manifeste sur la politique extérieure », Esprit, juin 1966.
63 AN, Fonds J. Foccart, carton no 402, dossier no 1195, note des RG sur le Mouvement des 29, 20 octobre 1966.
64 CHSP, JD 13, lettre sur les objectifs du Mouvement des 29, 2 octobre 1967.
65 J. Dauer, op. cit., p. 178.
66 Ibid.
67 Cf. J. Cotillon, op. cit., p. 133.
68 E. Michelet, La querelle de la fidélité. Peut-on être gaulliste aujourd’hui ?, Paris, Fayard, 1971, p. 119.
69 J. Dauer, op. cit., p. 178-179.
70 Combat, 10 octobre 1966.
71 Cf. C. Hodeir, « Parcours parallèles mais singuliers : Jacques Foccart et Gilbert Beaujolin, deux gaullistes d’Afrique à la lumière du Journal de l’Élysée », Cahiers du Centre de recherches historiques, EHESS, no 30, Foccart : entre France et Afrique, octobre 2002, p. 137-141.
72 Cf. P. Chairoff, op. cit., p. 83.
73 CHSP, JD13, « Déclaration de la Convention », 8 octobre 1966.
74 Le Front travailliste a été créé le 15 novembre 1965 et regroupe des personnes qui viennent pour la plupart de la SFIO, mais qui acceptent les institutions de la Ve République. Les principaux dirigeants du FT sont Y. Morandat, L. Junillon, B. Farbmann et J. Mattéoli (AN, Fonds J. Foccart, carton no 180, dossier no 518, note sur la constitution du Front travailliste, 9 décembre 1965).
75 Cf. S. Troisier, Une sacrée bonne femme, Paris, Éd. La Palatine, 2003, p. 169-172.
76 CHSP, JD2, circulaire de J. Dauer, 8 novembre 1967.
77 AGP, discours de clôture de G. Pompidou aux assises de l’UGVe, 18 novembre 1967.
78 J. Dauer, op. cit., p. 210.
79 CHSP, JD9, Le Télégramme de Paris, no 33, janvier 1970.
80 F. Denord, op. cit., p. 163.
81 C. Maus, Du Front du Progrès à l’Union travailliste, étude sur le gaullisme de gauche, DES de sciences politiques, Paris II, 1973.
82 L’Union gaulliste populaire (UGP) a été créée par R. Capitant au début du mois de mai 1969, mais elle est en fait dirigée par P. Luc-Verbon.
83 L’Union populaire progressiste (UPP) a été fondée en mai-juin 1969 par J. Debû-Bridel. Elle rassemble les scories du Comité de la démocratie combattante (CDC), mouvement qui était né en mai 1968 et qui voyait d’un bon œil les revendications étudiantes. On retrouve dans les rangs de l’UPP des dissidents de l’UJP, comme Michel Cazenave, des jeunes proches de J. Dauer et P. de Saint-Robert.
84 Le Front des jeunes progressistes (FJP) est créé le 18 mai 1969 par Dominique Gallet, un ancien de l’UJP et entretient des liens étroits avec l’UPP.
85 À savoir J. Dauer pour le FDP, J. Debû-Bridel (UPP), D. Gallet (FJP), H. Bonneville (UGP) et G. Noël (FT).
86 AN, 645AP39, statuts de l’Union travailliste.
87 Cf. L. Hamon, op. cit., p. 473-477.
88 Le Monde, 5 octobre 1971.
89 Op. cit., 8 mars 1972.
90 AN, Fonds J. Foccart, carton no 131, dossier no 402-1, lettre de R. Tomasini à J. Foccart et J. Chaban-Delmas, 27 avril 1972.
91 AN, 645AP39, Le Télégramme de Paris, no 57, juillet 1972.
92 Le Figaro, 4 décembre 1971.
93 Parmi les collaborateurs réguliers de Notre République, dont tous n’adhérent pas à l’anti-pompidolisme de R. Capitant, il convient de souligner la présence depuis 1968 de Bernard Volker, qui écrit des articles consacrés aux affaires internationales. Par la suite, B. Volker poursuit une carrière de journaliste, comme envoyé spécial permanent de TF1 à Bonn (1975-1982), avant de diriger en 2007 son service de politique étrangère.
94 AN, 645AP38, Notre République, no 350, octobre 1969.
95 L. Vallon, L’Anti de Gaulle, Paris, Le Seuil, 1969.
96 Le Monde, 3 novembre 1969.
97 Cf. R. Capitant, Écrits politiques 1960-1970, Paris, Flammarion, 1971.
98 L’Année politique 1969, Paris, PUF, 1970, p. 96.
99 AN, 645 AP 38, Notre République, no 352, décembre 1969.
100 L’Année politique 1969, Paris, PUF, 1970, p. 96.
101 Ibid.
102 M. Loichot, La Réforme pancapitaliste, Paris, R. Laffont, 1966.
103 AN, 645AP12, rapport de l’AG constitutive de l’Union pancapitaliste, 6 mai 1966.
104 Ibid., Union pancapitaliste, no 9, mars 1967.
105 Ibid., compte-rendu de la réunion de l’UP du 18 décembre 1969.
106 Ibid., note sur le congrès constitutif du MSP les 13-14 novembre 1971.
107 L. Boutbien a été député SFIO de l’Indre (1951-1956).
108 AN, 645AP13, notes sur le MPP.
109 Ibid., MPP - Bulletin de liaison mensuel, no 3, 14 avril 1970.
110 Ibid., notes sur le CRIPE.
111 Ibid., correspondance avec les entreprises appliquant l’intéressement et la participation (1968-1969).
112 Cf. D. Villemot et de Combles de Nayves, Le gaullo-gauchisme, mémoire de l’IEP de Paris, 1975.
113 Le Monde, 6 février 1973.
114 Le suppléant de J.-L. Delecourt est alors Patrick Guiol, futur auteur de L’impasse sociale du gaullisme.
115 La Nation, 23 novembre 1967.
116 Le Monde, 3 mars 1973.
117 AN, 645AP39, Le Sursaut populaire, 1973-1976.
118 Ibid., Le Sursaut populaire, no 1, octobre 1973.
119 Cf. F. Georgi, « Un conflit autogestionnaire sous Georges Pompidou : les pouvoirs publics face à l’affaire Lip (1973-1974) », A. Beltran et G. Le Béguec (dir.), Action et pensée sociales chez Georges Pompidou, Paris, PUF, 2004, p. 157-176.
120 Cf. J. Charbonnel, A la gauche du Général, Paris, Plon, 1996, p. 224-228.
121 Le Monde, 13 octobre 1973.
122 F. Georgi, op. cit., p. 173.
123 AN, 645AP39, Le Sursaut populaire, no 1, octobre 1973.
124 Ibid.
125 Cf. J. Foccart, Foccart parle, op. cit., t. 2, p. 42-43.
126 Cf. J. Charbonnel, op. cit., p. 225.
127 Le FP revendiquait fièrement 8000 adhérents, mais dans les faits, ceux-ci ne devaient pas être plus de 500 (Le Monde, 20 février 1973).
128 Le Monde, 17 avril 1974.
129 AN, 645AP39, Le Sursaut populaire, no 6, 29 avril 1974.
130 D. Villemot et D. Combles de Nayves, op. cit., p. 37-38.
131 AN, 645AP39, Le Sursaut populaire, no 10, mai-juin 1975.
132 P. de Saint-robert, « Au temps de Notre République », Espoir, no 39, juin 1982, p. 34-36.
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