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Lyon et la mer au XVIIIe siècle

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Olivier Le Gouic

Chapitre VII. Lyon et le commerce des Indes orientales

Texte intégral

  • 1 Le Bouëdec G. Nicolas B. (dir.), Le goût de l’Inde, Rennes, 2008, 175 p.
  • 2 Pétré-Grenouilleau O., op. cit., p. 125.
  • 3 Depitre A., La toile peinte en France aux XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, 1912, p. 14 et 64.
  • 4 Ibid., p. 72-73.

1Que ce soit avec la généralisation de l’utilisation des épices en cuisine ou dans la pharmacopée, le succès des cotonnades dans l’habillement, la literie et les linges d’intérieur, ou l’engouement pour les objets exotiques et pour les récits de voyage, le XVIIIe siècle européen est marqué par l’affirmation d’un goût prononcé pour les Indes orientales1. Les chiffres du « Tableau estimatif du commerce » dressé pour l’année 1792 permettent d’avancer que l’ensemble des produits du commerce avec les Indes orientales représente, à la fin de notre période, 20 % de la valeur globale des importations par voie maritime, tandis que les marchandises convoyées par les navires français qui partent pour l’océan indien entrent à hauteur de 8 % seulement dans la valeur globale des exportations2. Malgré ce déséquilibre, le commerce des Indes orientales est une composante importante du commerce extérieur du royaume, au point de demeurer pendant la plus grande partie du XVIIIe siècle sous le contrôle étroit de l’État. Mais, en 1769, la suspension du monopole de la Compagnie des Indes orientales offre aux armateurs de tous les grands ports du commerce atlantique l’opportunité d’armer à leur tour pour l’Île de France, Pondichéry ou Canton. Plus que jamais, les balles de cotonnades et de poivre, les caisses de porcelaine de Chine, les sacs de cafés de Moka et de Bourbon affluent donc à Lorient, d’où ils gagnent, par des circuits encore peu connus, les villes de l’intérieur qui, à l’instar de Lyon, sont en mesure de leur offrir des débouchés. Mais cela n’empêche pas un député du commerce lyonnais de fustiger, dès le début du siècle, le « goût dépravé » de ceux qui achètent des indiennes et des soieries de Chine, au point d’obliger les fabricants lyonnais à « fabriquer leurs étoffes à l’imitation de celles des Indes et de les enfermer avec du poivre pour tromper l’imagination blessée des femmes qui croient qu’une étoffe qui n’est pas des Indes ne peut pas être de bon goût3 ». « Le penchant naturel du beau sexe pour ce qui est étranger ou qui ne lui est pas ordinaire, ou qu’il ne peut avoir avec facilité, l’a fait pour ainsi dire se jeter à corps perdu sur les étoffes des pays étrangers, peut-on lire dans un mémoire que la Fabrique lyonnaise adresse en 1706 au Contrôleur général Pontchartrain. On ne voit aujourd’hui le sexe revêtu que de furies, satins des Indes, toiles peintes, karancas, indiennes et autres étoffes étrangères et l’on pourrait dire avec quelque espèce de raison que le nom de furies n’a été donné à ces sortes d’étoffes que par la fureur que toutes ces dames indistinctement ont eue de s’en habiller au préjudice des défenses de Sa Majesté4. »

Lyon et la Compagnie des Indes de Colbert

  • 5 AML, HH 307, Compagnie des Indes, copie de la Déclaration Royale pour l’établissement de la Compag (...)
  • 6 Ibid. ; article 10.

2Lorsque Louis XIV annonce, en août 1664, l’établissement d’une Compagnie des Indes orientales, Colbert attend certainement beaucoup des milieux d’affaires, et ce à travers tout le royaume. Les statuts de la Compagnie l’ont dotée d’un capital de départ de 15 millions de livres qui serait divisé en actions de 1000 l.t. payables par tiers sur trois ans5. Le roi ayant montré l’exemple en avançant à la Compagnie trois millions de livres, afin qu’elle puisse préparer ses premières expéditions, toutes les grandes places commerciales du royaume sont sollicitées pour assurer le financement de l’entreprise et les autorités escomptent certainement que Lyon et ses marchands y contribuent à la mesure de leur fortune et de leur réputation. D’ailleurs les statuts de la Compagnie tiennent compte des capacités de la ville de Lyon à investir, puisqu’ils prévoient que les intéressés lyonnais soient représentés auprès de la Chambre de Direction Générale par deux syndics contre trois pour Rouen et un seulement pour Nantes, Saint-Malo, La Rochelle, Marseille, Tours, Caen, Le Havre, Dieppe et Dunkerque6.

  • 7 AML, HH 307, Compagnie des Indes, discours du Prévôt des marchands Charrier aux négociants et comm (...)
  • 8 AML, HH 303, Compagnie des Indes, documents divers relatifs à la fondation de la Chambre de Lyon, (...)

3Reste à déterminer à quelle hauteur le négoce lyonnais est décidé à s’impliquer dans le projet. Pour convaincre le maximum d’investisseurs, la monarchie met à contribution le Prévôt des Marchands, qui réunit ses mandants à l’Hôtel de Ville au tout début du mois de septembre 1664. Après leur avoir présenté la nature du projet royal, le prévôt Charrier se fait le porte-parole des attentes d’un Louis xiv « persuadé que ce dessein ne peut réussir [...] que par le concours des villes de Paris, Rouen et Lyon, mais Lyon par dessus tout, tant par la faculté et les moyens de Messieurs les négociants que par leur souveraine intelligence dans le négoce », précisant même à l’intention de ceux qui en douteraient : « Il y a longtemps que vous êtes attendus, que vous êtes désirés et certainement que vous serez remarqués7. » Rappelant que le gouverneur de la province, le maréchal de Villeroy, et l’archevêque – « deux guides que nous sommes trop heureux de suivre » – ont respectivement investi dans la Compagnie des Indes 30 000 et 10 000 l.t., Charrier annonce son intention de s’engager personnellement à hauteur de 8 000 l.t., et invite ses interlocuteurs à faire de même. À l’issue de la réunion, 51 des quelques 500 négociants et commerçants présents signent un premier engagement à acquérir de une à dix actions8.

  • 9 . AML, HH 307, Compagnie des Indes, élection des syndics de la Chambre de Lyon, 7 décembre 1664.

4Dans les semaines qui suivent, conformément aux dispositions énoncées dans la Déclaration royale du mois d’août, une Direction particulière de la Compagnie des Indes voit le jour à Lyon. Elle est composée de six syndics élus par les actionnaires. Les premiers d’entre eux sont désignés le 7 décembre : il s’agit du Prévôt des marchands, Charrier, d’un ex-consul, François Lumagne, de deux marchands de soie, Jean Mathieu Dupuys et M. Blaus, d’un marchand épicier, Guillaume Perrier et d’un marchand drapier, Charles Perrin. Le même jour les deux syndics lyonnais qui doivent siéger à la Direction générale sont également élus : Dominique de Ponsainpierre, un ancien échevin, et le marchand Bais l’aîné, présentement échevin, tous deux ayant souscrit pour 10 000 l.t. d’actions9.

Les Lyonnais premiers souscripteurs de la Compagnie

  • 10 AML, HH 303, Compagnie des Indes, documents divers relatifs à la fondation de la Chambre de Lyon, (...)
  • 11 AML, HH 307, Compagnie des Indes, copie de la Déclaration Royale pour l’établissement de la Compag (...)
  • 12 Ibid., art. 7.
  • 13 Cormoreche S., Essai d’organisation d’une agence de la Compagnie des Indes orientales à Lyon, 1664 (...)

5240 à 250 Lyonnais se sont déclarés prêts à entrer dans le capital de la Compagnie des Indes orientales et 193 d’entre-eux sont même disposés à y engager d’emblée entre 1000 et 8 000 l.t. de capital, ce qui représenterait alors une participation globale de près d’un million de livres, alors que Rouen, de son côté, n’apporterait que 459 000 l.t., Bordeaux et la Guyenne 400 000 l.t., Nantes 186 000 l.t., Saint-Malo 80 000 l.t., Le Havre 60 000 l.t., Dunkerque 25 000 l.t. et Dieppe 22 000 l.t. Si 81 souscripteurs acquièrent une action de 1000 l.t., on recense 37 souscriptions de 1500 l.t., 16 de 2 000 l.t., 32 de 3 000 l.t., 27 comprises entre 5 000 et 8 000 l.t. (dont une majorité de 6 000 l.t.), 27 autres de 10 000 l.t. et une seulement de 30 000 l.t.10. Sans doute y a-t-il parmi eux quelques négociants attirés par la double perspective de réaliser des gains équivalents à ceux des actionnaires de la compagnie hollandaise et d’expédier leurs étoffes vers de nouveaux marchés, dans la mesure où la dimension commerciale de l’entreprise n’est pas négligeable. En effet, le roi accorde à la Compagnie le droit de « naviguer et négocier seule depuis le Cap de Bonne-Espérance jusque dans les Indes et les mers orientales, même depuis le détroit de Magellan dans toutes les mers du Sud, pour le temps de cinquante années consécutives », et lui cède « à perpétuité, en toute propriété, justice et seigneurie, toutes les terres, places et isles qu’elle pourra conquérir », lui garantissant même la protection de son armée et de sa marine11. Il y a bien là de quoi satisfaire quelques appétits mercantiles mais, si les uns rêvent déjà des profits qu’ils pourraient tirer de la soie et des épices, d’autres, plus pragmatiques, sont davantage sensibles à l’article vii de la Déclaration royale du 15 août précisant qu’à la réserve de Paris, Rouen, Bordeaux et Bayonne, « tous ceux qui mettront jusqu’à la somme de 8000 l.t. [...] acquerront de fait le droit de bourgeoisie dans la ville de leur demeure12 ». Sont-ils les plus nombreux ? Rien ne permet de l’affirmer et, sans aller jusqu’à partager totalement l’opinion de Simone Cormorèche pour qui « tous ceux qui ont pris part à la Compagnie l’ont fait par intérêt personnel et non dans le but d’aider le commerce13 », nous pouvons envisager qu’une partie des souscripteurs ait souhaité ainsi parachever son intégration au sein de l’élite urbaine.

  • 14 AML, HH 335, Compagnie des Indes, grand livre de raison commencé le 9 avril 1665.
  • 15 AML, HH 307, Compagnie des Indes, copie de la Déclaration Royale pour l’établissement de la Compag (...)

6Quoi qu’il en soit les souscripteurs lyonnais se retrouvent quelques mois plus tard au nombre de 281. Si 210 d’entre eux n’ont investi qu’entre 1 000 et 3 000 l.t., 34 en ont offert plus de 10 00014. Parmi eux il y a 115 marchands, dont huit parmi les plus gros souscripteurs ; mais près de un sur deux (53) n’a en fait investi que 1 000 ou 1 500 l.t. On ressent donc une certaine méfiance du monde des affaires lyonnais face à une entreprise qui lui paraît risquée, parce que maritime, et sûrement suspecte, parce qu’étatique. Il est normalement prévu que chacun verse un tiers de sa participation « au comptant pour le premier armement » et le reste en deux échéances fixées aux mois de décembre 1665 et décembre 166615.

De la déception au désengagement

  • 16 Sottas J., Histoire de la Compagnie Royale des Indes Orientales 1664-1719, Rennes, 1905 (réed. 199 (...)
  • 17 AML, HH 320, Compagnie des Indes, correspondance entre la Chambre particulière et la Direction gén (...)
  • 18 En février 1667, la Compagnie accuse un déficit de 1 794 270 L. Quatre premiers navires sont parti (...)

7La première flotte armée par la Compagnie quitte Brest en mars 1665 à destination de Madagascar et des Mascareignes. Il s’agit d’établir sur place une première implantation coloniale et de rapporter en France un échantillonnage de tous les produits qui peuvent être tirés de la région. Malheureusement, le 9 juillet 1666, la première cargaison de retour est perdue lorsque le navire qui la rapporte, La Vierge de Bon Port, est attaqué et coulé par des corsaires anglais près de Guernesey. Cette nouvelle n’est pas faite pour réjouir des actionnaires déjà échaudés par le coût très élevé des premiers armements, qui s’est monté à 560 000 l.t.16. À Lyon, le désappointement est réel. Dès le mois de mars 1665, les Directeurs de la Chambre particulière ont d’ailleurs amèrement regretté de n’avoir eu « ni contrôle ni contredit à donner aux emplettes et aux achats qui [avaient] été faits » pour l’armement de la première flotte17. L’engouement initial est donc retombé. D’ailleurs, lors du deuxième paiement qui, après avoir été retardé, s’étale entre 1666 et 1668, seulement 180 actionnaires (64 %) versent leur écot. On ne compte plus alors que 70 négociants parmi eux, les deux cinquièmes s’étant désistés. Alors que 4,9 millions de livres ont déjà été dépensés et que, depuis la perte de la Vierge de Bon Port, aucun des 19 navires envoyés dans l’océan indien n’a encore rapporté de cargaison des Indes18, les actionnaires commencent à se poser des questions et leur confiance s’émousse, à Lyon comme partout. Lors du paiement du troisième tiers, en février 1667, il manque encore quelques 5 millions de livres, 3 millions seulement ayant été versés sur les 8,2 millions de livres promises en 1664, et seulement deux souscripteurs sur trois acquittent leur deuxième paiement à la fin de l’année 1668.

  • 19 Bayard F, Vivre à Lyon sous l’Ancien Régime, Paris, 1997, p. 259 et 271.
  • 20 AML, HH 303, Compagnie des Indes, documents divers, année 1668.
  • 21 AML, HH 320, Compagnie des Indes, correspondance entre la Chambre particulière et la Direction gén (...)
  • 22 Cormoreche S., op. cit.

8Cette année là, la Direction lyonnaise a été partiellement renouvelée. Cinq syndics sont restés en fonction, Lumagne, Ponsainpierre, Dupuys, Perrier et Perrin, mais l’effectif de la Chambre particulière ayant été porté à onze membres, ils ont été rejoints par Paul Mascranny, le nouveau Prévôt des Marchands, Claude Pécoil, receveur de la ville19, et par les marchands Marc-Antoine Mazenod, Barthélemy Ferrus, Jean Carrette et Jean de la Forcade20. Porte-parole du négoce lyonnais auprès de la Direction générale, les syndics ont plusieurs motifs de mécontentement. Ils lui reprochent d’abord de ne pas suffisamment associer leur ville aux décisions prises concernant les armements en cours et, quelques jours après le départ de la première flotte, rappellent à quel point les connaissances qu’ont les Lyonnais en matière d’achats pourraient être précieuses dans la perspective de nouvelles expéditions. Les relations que les négociants lyonnais ont établies avec Marseille les autorisent également à avoir « quelques avis que l’on bâtit de bons vaisseaux dans la Méditerranée pour la navigation des Indes [...]. Ils sont plus chers mais ils valent mieux21 ». Ils contestent aussi le fait que les retours des Indes se font exclusivement dans les ports de la façade atlantique, d’abord au Havre puis, à partir de la guerre de Hollande, exclusivement à Port-Louis, et jamais « dans les côtes de Provence », et dénoncent aussi le fait que la vente des cargaisons de retour, dont ils sont prévenus par prospectus, ait lieu loin de chez eux, à La Rochelle, à Rouen ou au Havre. Mais le principal motif de mécontentement reste bien l’inquiétude suscitée par la perspective de nouvelles dépenses alors que les retours se font toujours attendre. Fort heureusement, en février 1669, le Saint-Jean-Baptiste, un navire de la première flotte armée en 1665, revient à Port-Louis chargé de marchandises. En rapportant 279 665 l.t., leur vente permet de verser aux intéressés un premier dividende. Initialement il devait être de 10 %, mais il est ramené à 6 % et limité aux seuls actionnaires ayant investi au moins 8 000 l.t. et acquitté la totalité de leur paiement. Il ne concernerait donc, sur la place de Lyon, guère plus d’une trentaine de souscripteurs, guère plus de un sur dix. Cela ne saurait suffire à rétablir la confiance, surtout chez des négociants qui rechignent à immobiliser des capitaux sur une longue période, sans retour. Aussi, en 1675, lors du paiement du troisième tiers, les effectifs ont encore fondu. Les intéressés lyonnais ne sont plus que 79, dont 36 négociants, soit à peine le tiers de l’effectif de départ. Quant au million qui avait été promis en 1664, nous en sommes loin puisqu’en 1678 Lyon n’en a pas encore versé la moitié. Sa contribution au capital de la Compagnie ne s’élève qu’à 465 266 l.t. 13 s. 4 d.22.

La contribution de Lyon aux premiers approvisionnements23

  • 23 Le Gouic O., op. cit., p. 74-77.
  • 24 AML, HH 320, Compagnie des Indes, correspondance entre la Chambre particulière de Lyon et la Direc (...)
  • 25 Ibid., 6 et 10 mars 1665.
  • 26 Ibid., 15 mai 1665.
  • 27 AML, HH 328, Compagnie des Indes, « Journal d’achats et ventes pour Messieurs des Intéressés en la (...)

9Le retour du Saint-Jean-Baptiste donne néanmoins un nouvel élan à la Compagnie, dont témoignent l’agrandissement de l’enclos du lieu dit de l’Orient en juin 1669 et l’aménagement de magasins, l’armement de deux nouveaux vaisseaux au Port-Louis en avril et en juillet, et la préparation de la grande expédition voulue par Louis xiv pour 1670. Mais dans cette perspective, la Chambre particulière de Lyon n’est guère sollicitée pour la composition des cargaisons expédiées aux Indes, la direction parisienne se contentant de faire appel à ses services pour l’avitaillement des navires uniquement. Il a d’abord été demandé aux syndics lyonnais de se procurer du chanvre au meilleur prix, ce qu’ils ont fait dès 1665, en se tournant vers le marché bressan. Depuis Pont-de-Vaux, « sur le bord de la rivière Saosne24 » et Tournus, où la Chambre a eu essentiellement recours aux services de Jacob Trembly, marchand à Mâcon, les premières balles de chanvre ont été transportées par des charrettes jusqu’à Pouilly-sur-Loire, « qui est à deux lieues au dessous de Roanne », d’où elles ont été expédiées vers Nantes « en droiture », sans rupture de charge à Orléans, pour éviter des frais inutiles25. Puis, toujours en passant par Pouilly, elles sont envoyées vers Paris, d’où elles sont peut être ensuite dirigées vers Le Havre où la Compagnie a installé ses toutes premières bases. Nous ne savons pas si ce chanvre devait servir à la confection de voiles et de cordages, mais une lettre que le prévôt des marchands de Lyon adresse en mai 1665 à la Direction de Paris, nous apprend que des ouvriers lyonnais s’essayent alors à la fabrication de toiles qui ressemblent aux noyales, ces toiles de chanvre très solides produites en Bretagne, entre Rennes et Châteaugiron, et qui sont utilisées en voilerie. Mais, de l’aveu même de Charrier, ces ouvriers ne sont « pas encore stylés [et ne sont] pas encore venus au but souhaité26 », même si au mois de juillet suivant, la Chambre de Lyon expédie à Paris 15 pièces « façon d’olonne et de noyale », bientôt suivies par 13 autres en septembre27.

  • 28 Ibid.
  • 29 AML, HH 313, Compagnie des Indes, lettres de Port-Louis et de Nantes 1670-1672, Berryer et Grillea (...)
  • 30 AML, HH 312, Compagnie des Indes, correspondance entre les directeurs de la Chambre de Nantes et l (...)
  • 31 AML, HH 313, Compagnie des Indes, lettres de Port-Louis et de Nantes 1670-1672, Guilhen de Port-Lo (...)
  • 32 Sottas J., op. cit., p. 54.
  • 33 AML, HH 328, Compagnie des Indes, « Journal d’achats et de ventes pour Messieurs les intéressés en (...)

10La contribution de Lyon aux armements des années qui précèdent le déclenchement de la guerre de Hollande consiste avant tout en la fourniture de « draps » produits dans le Lyonnais, mais aussi en Languedoc et en Dauphiné28, des draps dont la qualité est très vite appréciée par les représentants de la Compagnie à Port-Louis qui écrivent à leur propos : « C’est la meilleure marchandise que nous y puissions envoyer [aux Indes] et le débit cause de l’utilité au royaume29. » Comme ils en redemandent, la Chambre de Lyon fait procéder, au cours des cinq années qui suivent, entre 1670 et 1675, à l’expédition de 366 balles de draps, dont nous pouvons estimer la valeur autour de 305 000 l.t., soit en moyenne plus de 75 000 l.t. par an30. Dès lors il n’y a rien d’étonnant à lire sous la plume de Guilhen, agent de la Compagnie à Port-Louis, alors que Le Dauphin Couronné, Le Phénix et Le Vautour Couronné s’apprêtent à appareiller pour l’océan indien, que « les draperies de Lyon font le plus considérable chargement de [la] flotte31 ». Relativisons toutefois cette satisfaction apparente en observant que, si la valeur totale des draps expédiés en 1669 est pratiquement de 30 000 l.t., l’intégralité des cargaisons de ces trois vaisseaux est quant à elle évaluée à 990 164 l.t.32. À côté des draperies, d’autres marchandises sont expédiées à Port-Louis par la Chambre de Lyon : des « quincailles », un assortiment de couteaux, de canifs et de ciseaux achetés à Lyon et à Moulins, et des armes à feu, carabines, mousquetons, fusils et pistolets, provenant surtout de Saint-Étienne ; du fromage de parmesan pour l’avitaillement des navires et du jus de citron ou « jus de limon », indispensable à bord des vaisseaux à l’époque où le scorbut est le principal fléau de la navigation au long cours33.

  • 34 AML, HH 321, Compagnie des Indes, correspondance entre la Chambre particulière de Lyon et la Direc (...)

11Nous n’avons par contre aucune information sur l’arrivée à Lyon de marchandises des Indes tirées des premières ventes de la Compagnie. Les toiles de coton figurent déjà certainement, dans leur grande variété, en bonne place si on en croit un mémoire de la Chambre de Lyon daté de décembre 1682 et complété par un addenda du 3 février suivant, qui dresse la liste des toiles qui conviennent le mieux au marché lyonnais34 :

  • Les Salamporis « fortes de fil, serrées et bien blanchies », surtout celles de Masulipatam et de la côte de Coromandel ;
  • les Guinées de même qualité que les Salamporis « parce qu’elles servent au même usage » ;
  • les Chavonis d’Ornail, toile « à demi claire qu’il faut unie avec le fil de trame aussi fin que celui de la chaîne » ;
  • les Betilles d’Ornail (sur la côte de Coromandel), toile à demi claire, « bien unie, bien tissée et bien blanchie » ;
  • les Betilles caranatanes, toile « fort claire » au fil droit et « non crêpé » dont « la beauté [...] consiste à être unie et bien égale » ;
  • les Malemoles « surtout bien blanchies et unies » ;
  • les Cassebengales qui doivent être « plus serrées que les Malemoles [...], clairettes et bien unies » ;
  • les casses betilles « pareilles à celles qui viennent d’Angleterre [...], plus serrées que claires, unies partout » ;
  • un assortiment de Mauris, qu’elle soit « serrée, unie ou blanche » ;
  • des ramans, des Percalles, des Sanas, des Mamodis ;
  • des Adataïs, « une bonne toile quand elle est fine et forte » ;
  • des cravates de la côte de Coromandel, de toile claire, « que les Anglais appellent Neck clothes » ;
  • des mouchoirs de soie et de coton de diverses couleurs ;
  • des mouchoirs de toile de coton fine, « barrés à petites rayures de diverses couleurs » ;
  • des Adatays, des Guigans, des Garras, des Mercolles, des Kannekins ;
  • de la toile de couteline de Surate de couleur bleue, « bonne pour Lyon, Languedoc, Provence, Forez et Auvergne » ;
  • des mouchoirs de toile peinte comme les Seronges et Amadabas.

Les raisons d’un échec

  • 35 Cormorèche S., op. cit.
  • 36 AML, HH 312, Compagnie des Indes, correspondance entre les directeurs de la Chambre de Nantes et l (...)
  • 37 Cormorèche S., op. cit.
  • 38 AML, HH 320, Compagnie des Indes, correspondance entre la Chambre particulière de Lyon et la Direc (...)

12Il semble qu’au delà de 1674 la Direction de la Compagnie ne se soit plus guère adressée aux Lyonnais pour ses fournitures. Simone Cormorèche attribue cette interruption des exportations lyonnaises à trois facteurs principaux : la faible qualité des toiles du Dauphiné, qui ne pouvaient soutenir la comparaison avec les toiles bretonnes et la fragilité des draps lyonnais sujets aux vers ; la hausse des prix sur la place de Lyon ; enfin l’éloignement des ports et les fréquents retards dans l’acheminement des marchandises35. Il est vrai qu’à plusieurs reprises, par exemple en décembre 1669 et en février 1672, il est fait mention dans les lettres adressées à la Chambre de Lyon par celle de Nantes du gel ou des glaces qui, dans la région d’Orléans, bloquent toute navigation sur la Loire36. La Chambre de Lyon se retrouve donc en 1674 avec plus de 600 pièces de draps dont elle ne sait que faire. Une bonne partie d’entre elles va être embarquée sur deux navires en 1674 et 1675, le reste, soit une soixantaine de pièces, devant être revendu à Lyon même37. Alors qu’une dizaine d’années plus tôt on se plaisait à espérer de belles commissions – « nous voyons qu’on y envoie [aux Indes] beaucoup de choses assez précieuses et qu’on en rapporte de même. Nous saurons bien fournir au premier ce qu’on nous commettra et travailler aussi avantageusement pour la débite des retours38 » – cette première participation du négoce lyonnais aux affaires de la Compagnie des Indes se termine donc sans gloire.

13Du côté des actionnaires, l’échec des premières expéditions en a échaudé plus d’un, et beaucoup d’entre eux ne se pressent pas pour acquitter leur troisième versement. Il est vrai que les premiers résultats sont loin des bénéfices mirifiques que certains avaient espérés et que leur modestie est inversement proportionnelle à la durée d’immobilisation du capital investi. Pour qui recherche un profit sûr, rapide et conséquent, l’investissement maritime révèle donc rapidement ses limites. Aussi le négoce lyonnais se détourne-t-il assez rapidement de cette forme de spéculation, d’autant qu’on ne lui laisse avoir que peu d’emprise sur les choix stratégiques qu’il conviendrait de faire pour augmenter la rentabilité de l’affaire.

La tentation des Indes orientales au XVIIIe siècle

14Réorganisée en 1685, déclarée ruinée en 1708, la très colbertienne Compagnie des Indes renaît de ses cendres encore chaudes sept ans plus tard à l’initiative du négoce malouin et du financier parisien Crozat, animateurs de la Compagnie des Indes orientales de Saint-Malo, avant que Law, en 1719, ne l’englobe dans son système et ne manque de la conduire à sa perte. Rescapée de la débâcle, elle est de nouveau réformée en 1730 par le Contrôleur général Orry qui la réorganise, renforce la tutelle étatique et recentre ses activités sur le commerce des Indes orientales exclusivement. Les années 1720 marquent le début de l’essor des armements français pour les Indes. Pendant sept décennies, les lourds vaisseaux armés pour les Mascareignes, l’Inde et la Chine rapportent à Lorient des cargaisons fabuleuses. De plus en plus de balles de cotonnades viennent s’empiler dans les magasins de la Compagnie, jusqu’à 300 000 pièces par an au milieu du XVIIIe siècle, dont la moitié de cotonnades blanches, le reste mêlant mousselines, cotonnades bleues et, objet de toutes les convoitises, ces belles indiennes tant admirées pour leurs somptueux motifs floraux et animaliers et que l’on s’arrache malgré la prohibition qui, depuis 1686, pèse sur les toiles peintes. Parmi les denrées les plus demandées, le café de Bourbon s’impose après 1730 et supplante rapidement le Moka si apprécié à la fin du grand règne. Chaque année, la Compagnie en vend entre 1,5 et 2,2 millions de livres-poids contre 300 000 livres-poids de Moka. Autre drogue réputée, le thé tient également une place de choix et il s’en rapporte des quantités toujours plus importantes, 500 000 livres par an dans les années 1730, deux millions de livres annuelles quelques décennies plus tard. Outre les balles de toile, les caisses de thé et les sacs de café, les navires de la Compagnie transportent également du poivre, épice reine loin devant la cannelle, de somptueuses porcelaines de Chine, dont deux tiers de « bleu et blanc », des soieries de Chine et du Bengale, des bois de teinture, des rotins, du salpêtre, des cauris, ces petits coquillages des Maldives qui servent de monnaie d’échange pour la traite négrière, et toute une variété de petites curiosités qui viennent apporter une touche d’exotisme dans les intérieurs de ceux qui les achètent.

  • 39 528 navires quittent le port breton entre 1720 et 1769, représentant près de 330 000 tx. Haudrère (...)
  • 40 Ibid., p. 248.

15Chaque année, en temps de paix, la Compagnie arme entre 15 et 20 vaisseaux dans le port de Lorient39. Ils emportent dans leurs cales, en plus de l’avitaillement nécessaire à l’équipage et des effets de marine indispensables à l’entretien du bateau, du charbon de terre, des lingots de métal et du sel, utilisés comme lest. Le reste de la cargaison, qui représente un peu plus de la moitié de tout ce qui est chargé à bord, est constitué de marchandises destinées à l’approvisionnement des colonies des Mascareignes et des comptoirs de l’Inde et au commerce proprement dit. Il s’agit d’abord de denrées alimentaires (farine, vin et eau de vie, viande salée) et de produits métallurgiques, de textiles et de divers articles permettant aux expatriés de vivre à l’européenne, ainsi que des effets de marine pour assurer sur place l’entretien des vaisseaux. Quant aux marchandises destinées aux marchés orientaux, elles consistent en métaux (fer, cuivre, étain, plomb, en barres ou en lingots), en draps de qualité et en lainages plus communs, mais aussi en petites quantités de fil d’or et de soieries luxueuses, essentiellement produits par la Fabrique de Lyon. Il n’est malheureusement pas possible d’évaluer la part de ces dernières marchandises dans la valeur globale des cargaisons d’envoi mais, même si elle demeure infime, il est fort probable qu’elle ait progressé avec le temps, au regard de la valeur moyenne des marchandises de France qui, dans le dernier quart du XVIIIe siècle, représentent plus de la moitié du total, contre 10 % seulement au début du siècle, quand les navires de la Compagnie emportaient surtout des piastres d’Amérique40.

L’hostilité du négoce lyonnais à la Compagnie des Indes

  • 41 CCIL, reg. des délibérations (1702-1703), fo 23 à 29, 20 août 1702.
  • 42 Ibid., fo 52, 16 décembre 1702.
  • 43 CCIL, reg. des délibérations (1704-1705), fo 143, 31 janvier 1705.
  • 44 « Toutes les soies venantes des pays étrangers par mer ne pourront entrer dans le royaume que par (...)
  • 45 CCIL, reg. des délibérations (1708-1715), 14 juin 1710.

16Au début du XVIIIe siècle, le négoce lyonnais, qui craint de voir les soieries et les cotonnades d’Inde et de Chine arriver en grandes quantités sur le marché français, s’oppose ouvertement à la réapparition de la Compagnie. Dès sa création, en 1702, la Chambre de Commerce dénonce le préjudice considérable que les importations de soie causent à la Fabrique et accuse la Compagnie d’avoir « presque entièrement détruit à Lyon la manufacture de soieries, de manière qu’il n’y reste pas trois mille ouvriers des douze mille qu’on y a vu travailler autrefois ». D’où la demande faite au Roi de « défendre dans ses États l’usage et le port des étoffes des Indes41 ». Cette requête est entendue. La Chambre de Commerce en remercie d’ailleurs le Contrôleur général en décembre 1702, après qu’il ait été interdit non seulement « de faire commerce, vendre et débiter dans le royaume [...] des étoffes de soie pure ou mêlée de soie, or et argent », mais aussi « à toutes personnes de porter, s’habiller ou faire aucun vêtement ni meuble des dites étoffes après le dernier décembre 170442 ». En janvier 1705, c’est Danycan de l’Épine, – « Delépine d’Ahliquant de Saint-Malo » (sic) – « chef des membres de la société de Chine en cette ville » qui est pris pour cible par la Chambre de Commerce, pour avoir vendu à Tours 400 balles de soie de Chine. « Sa compagnie a déjà fait de si grands maux à la France [et] achèvera bientôt de la ruiner » affirme-t-on alors à Lyon, où on plaide fermement en faveur des « soies originaires [du Languedoc, de Provence et du Dauphiné], celles qui donnent plus de profit à l’État », et où on réclame des mesures en faveur de la culture du mûrier43. Mais les Lyonnais ne sont surtout pas prêts à laisser introduire librement dans le royaume des soies qui ne passeraient pas par la Douane de Lyon et qui n’acquitteraient pas le droit de 5 % ad valorem qui, depuis 1540, pèse sur toute balle de soie à son entrée dans le royaume. En juillet 1687, un arrêt du Conseil avait réaffirmé les principes du passage par Lyon et du paiement de la douane44. Impôt royal, la Douane de Lyon est aussi un octroi municipal et une manne financière pour une ville qui n’entend donc pas laisser sans réagir des soies importées de Chine entrer dans le royaume en franchise, à fortiori pour le compte d’une compagnie privée comme l’est la Compagnie de la Chine de Saint-Malo. Et les tensions sont d’autant plus vives sur les bords du Rhône que la Fabrique traverse alors une crise face à la concurrence des productions avignonnaises et nîmoises, crise qui incite la toute nouvelle Chambre de Commerce à défendre ardemment auprès du pouvoir royal les privilèges liés à l’activité soyeuse. Pourtant, quand le Roi autorise la fabrication d’étoffes de lin « à l’imitation de celles des Indes », Lyon sait profiter de l’occasion et, lorsqu’en 1740 il est question de revenir sur cette autorisation, la Chambre de Commerce exprime son scepticisme en assurant qu’« on ne saurait donner une attention trop exacte à interdire l’usage de tout ce qui peut entretenir le goût bizarre des dames45 ».

Quelques actionnaires de la Compagnie des Indes

  • 46 AML, HH 350, « Registre pour servir à l’enregistrement des actions de la Compagnie des Indes qui d (...)

17Malgré ces préventions du monde du négoce à l’égard de la Compagnie, un certain nombre de Lyonnais se portent néanmoins acquéreurs d’actions émises par Law. C’est ainsi qu’une liste de 1721 énumère 29 souscripteurs lyonnais qui acquièrent ensemble 124 actions. Deux ressortissants suisses et trois banquiers vénitiens complètent la liste et, ensemble, ils reçoivent 145 actions, 139 étant numérotées de 27 401 à 27 539, quatre de 29 691 à 29 694 et les deux dernières 28 969 et 28 970. Mais le nombre d’actions par personne reste limité, dans la mesure où les deux tiers d’entre eux, 19 sur 29, n’ont en effet pas acheté plus de cinq actions46.

Noms des souscripteurs souscrites

Nombre d’actions

– Duthil, trésorier de France

10

– Jeanne Rolin

9

– André Rivière

8

– Marguerite Sabatier

8

– Jean Brouzet

8

– Jean Large

6

– André Jacquier

6

– Émery Legrand

6

– Simon Claperon

6

– Jean Delabaumelle

6

– Benoît Laurent

5

– Jacques Bonnet

5

– Damien de Saint-Priest

4

– Joseph Desvignes

4

– Jean Berthou

4

– Jean Claude Reydellet

4

– Veuve Descombles et Soubry

4

– Françoise Duret

3

– Mathieu Payot de la Buissière, Président au Bureau des trésoriers de France

2

– Mathieu Bodin, conseiller du Roi, Lieutenant de l’Élection de Lyon

2

– Françoise Jacquier

2

– Paul Alexandre Daubarère

2

– Rodolphe Ardieu

2

– Christophle Halder

2

– Jacques Lanfans

2

– Veuve Paquet

1

– Adrian Fourrier

1

– Claudine Trollier Merle

1

– Jacques Crapone

1

  • 47 ADR, Actes notariés, 3E 6914b, Patrin, fo 16, procuration de Huguette Breteau à Dufour Mallet et C(...)
  • 48 ADR, Actes notariés, 3E 2858, Bertholon, procuration de Jean Michel Jandin à Antoine Vauclaire, 30 (...)
  • 49 ADR, Actes notariés, 3E 3225, fonds Cabaret, procuration de Pierre Duc à Naville, 14 juillet 1770.

18Nous avons pu également, au gré des sondages effectués dans les fonds notariaux, retrouver de manière ponctuelle les noms d’autres actionnaires lyonnais de la Compagnie des Indes : en 1753, Huguette Breteau, « femme séparée de biens de Ferdinand baron de Netz » charge les banquiers parisiens Dufour Mallet et Cie de rechercher dans la succession de leur confrère Pictet tous les documents qui lui appartiennent, parmi lesquels des actions de la Compagnie des Indes47 ; en 1737, Jean Michel Jandin, marchand sur le quai Saint-Antoine, en détient aussi quelques unes ; Joseph Fontenay, négociant rue de l’Arsenal, en possède onze en 1759 ; Étienne Devillas, un négociant membre de la Nation suisse, qui pratique le commerce avec les Îles françaises de l’Amérique et avec Cadix sous la raison Devillas et Cie, en détient également en 176248 ; le 14 juillet 1770, Pierre Duc, un négociant du quai de Retz, demande à Naville, son banquier parisien, de « convertir à son profit le quart à lui appartenant dans six billets de la loterie de la Compagnie des Indes aux nos 6540, 7741, 5743, 5745, 5746 et 5747, sortis avec vingt livres de rente viagère chacun, dans un autre billet sous le no 5742 sorti avec cent cinquante livres de même rente et à la fin d’un autre billet sous le no 5744 sorti avec quarante livres de même rente, en un rente annuelle et viagère de soixante dix-sept livres dix sols sur la tête et pendant la vie de Monseigneur le duc de Bourbon49 ».

Lyon, pôle d’approvisionnement de la Compagnie

  • 50 Le Bouëdec G., Les approvisionnements de la Compagnie des Indes (1737-1770). L’horizon géographiqu (...)

19Pour constituer ses cargaisons d’envoi, la Compagnie des Indes dispose d’un réseau de correspondants et de fournisseurs installés dans le royaume et dans les pays voisins, essentiellement dans des places portuaires étirées sur tout le littoral européen, de Cadix à Saint-Pétersbourg, y compris en Angleterre et en Irlande. Par leur intermédiaire, elle peut drainer vers Lorient tout ce qui lui permet de préparer dans ses magasins ses envois vers les Indes, mais aussi de construire et d’armer ses vaisseaux. Dans ses travaux sur les approvisionnements de la Compagnie des Indes, Gérard Le Bouëdec a montré comment cette dernière a progressivement tissé ce solide réseau commercial, remarquablement structuré et hiérarchisé. Il définit la région lyonnaise comme un sous espace dépendant de l’espace nantais50, Lyon étant en effet, du fait de sa position de carrefour, chargé de réceptionner les marchandises qui remontent la vallée du Rhône ou qui arrivent de Genève et de Saint-Étienne, puis de les faire suivre vers Orléans par la Loire, via Roanne. Aussi la Compagnie entretient-elle des correspondants à Lyon : Jacques Benière dans les années 1750, Tronchin et Camps jusqu’en 1765, puis Couderc et Passavant. Choisis par la Direction parisienne, ils sont directement chargés de rechercher auprès des meilleures fabriques de leur ville, les marchandises qui leur sont commises par le bureau des achats : diverses soieries, des velours, des étoffes en dorures et des fils d’or principalement.

  • 51 SHML, 1P 279b-38, correspondance adressée aux directeurs du port de Lorient, Jacques Benière à God (...)
  • 52 SHML, 1P 292a-36, correspondance adressée aux directeurs du port de Lorient, fo 70-71, Tronchin et (...)
  • 53 Ibid., fo 50-51, Couderc et Passavant à Lavigne-Buisson, 25 juin et 16 juillet 1766.
  • 54 Ibid., fo 53, Couderc et Passavant à Lavigne-Buisson, 5 novembre 1767.
  • 55 Ibid., fo 55,56, 58 et 60, Couderc et Passavant à Lavigne-Buisson, 18 novembre et 2, 22 et 31 déce (...)
  • 56 Ibid., fo 56, Couderc et Passavant à Lavigne-Buisson, 2 décembre 1768.
  • 57 Ibid., fo 70, Tronchin et Camps à Lavigne-Buisson, 21 septembre 1764.
  • 58 Ibid., fo 52, Couderc et Passavant à Lavigne-Buisson, 26 novembre 1766.
  • 59 Ibid., fo 54, Couderc et Passavant à Lavigne-Buisson, 16 décembre 1767.
  • 60 Ibid., fo 55, Couderc et Passavant à Lavigne-Buisson, 18 novembre 1768.
  • 61 Ibid, fo 62, 64, 65 et 66, Couderc et Passavant à Lavigne-Buisson, 3 et 17 mars, 1er mai et 28 jui (...)

20Parmi les marchandises de Lyon expédiées à Lorient pour le compte de la Compagnie, nous avons pu repérer : quatre lots de velours pour une valeur globale de 80 945 l.t. expédiés par Jacques Benière, vraisemblablement au cours de l’année 175451 ; « douze caisses d’étoffes de soie et dorures fines » expédiées par Tronchin et Camps en 1764, pour un montant global de quelques 111 000 l.t.52 ; une caisse de filés or et argent et une autre contenant des étoffes de soie expédiées en juin 1766 par Couderc et Passavant qui, le mois suivant, font partir sept nouvelles caisses « destinées pour l’Isle Bourbon », lesquelles contiennent pour 44 881 l.t. 7 s. de marchandises53 ; cinq caisses de velours, une de filés, une de taffetas, deux d’étoffes de soie, deux d’étoffes riches et quatre d’étoffes diverses, toutes expédiées en novembre 1767, des marchandises encore destinées à l’Île Bourbon car Couderc et Passavant demandent au directeur Lavigne-Buisson de veiller à ce qu’elles soient mises « dans les endroits du vaisseau les moins exposés à l’humidité, autant que cela sera possible54 » ; douze caisses d’étoffes « de soieries de Lyon » expédiées en novembre 1768 et, le mois suivant, sept autres caisses contenant également des étoffes en dorures et des velours, pour une facture totale de 279 372 l.t. 3 s. 3 d. ; neuf autres caisses suivent encore à la fin du mois de décembre, avec cette fois pour environ 100 000 l.t. de soieries55. Si Couderc et Passavant envoient toutes leurs caisses vers Paris, où elles arrivent dans un délai de 16 jours, leurs prédécesseurs Tronchin et Camps les adressent à Chassaing, commissaire à Orléans, lequel les fait certainement suivre vers Nantes. La valeur des soieries les conduit à prendre un soin particulier pour l’emballage des caisses, surtout quand elles sont transportées par la voie fluviale. Ainsi Couderc et Passavant font emballer toutes leurs caisses « en triple toile cirée grasse, dans de telles précautions qu’elles pourraient séjourner plusieurs jours sous l’eau sans crainte de s’endommager » et renouvellent des recommandations particulières pour le chargement de cette précieuse et fragile cargaison à bord des vaisseaux de haute mer, en précisant à Lavigne-Buisson qu’il serait « néanmoins convenable de les embarquer sur les vaisseaux de façon qu’elles fussent exposées le moins possible à l’humidité et aux mauvaises odeurs56 ». C’est également par Orléans qu’ils font acheminer les pièces de gruyère et le papier qui leur arrivent respectivement de Genève et de la manufacture Montgolfier d’Annonay. Le 8 septembre 1764, Tronchin et Camps font partir pour Orléans huit boucauts contenant 40 pièces de fromage de gruyère chacun57. En novembre 1766, Couderc et Passavant expédient par la même voie 45 cuveaux de fromage arrivés de Genève58. 26 autres suivent en décembre de l’année suivante59 puis, en novembre 1768, « quatorze cuveaux contenant chacun cinq fromages de gruyère reçus de Gando de Genève », qu’ils expédient à Roanne « avec ordre de les faire passer tout de suite par la Loire à l’adresse de M. Claude Horace Barbier d’Orléans60 ». Enfin, dans la première moitié de l’année 1769, ils assurent la réexpédition de 69 caisses de papier d’Annonay, 36 en mars, 23 en avril et 10 en juin, toujours à l’adresse de Jars et Prost, les correspondants de la Compagnie à Roanne, charge ensuite à eux de les faire suivre pour Orléans61.

Les exportations lyonnaises vers l’océan indien au temps du commerce libre

21L’ouverture des Indes orientales au commerce libre ne change rien à la nature des exportations lyonnaises vers ces marchés lointains. Comme au temps de la Compagnie, elles consistent toujours en étoffes de luxe et en fils d’or, en quantité peut-être plus importante cependant car, progressivement, la population des îles de France et de Bourbon augmente et sa structure évolue avec l’affirmation, à Port-Louis en particulier, d’une classe urbaine d’administrateurs et de négociants davantage attachée aux contingences matérielles, notamment en matière de représentation. De ce fait la demande en produits manufacturés européens se développe et les articles de l’industrie textile prennent davantage de place dans les cargaisons des navires armés pour l’océan indien.

  • 62 Rambert G., op. cit., t. vi, p. 593-594.
  • 63 Louis Dermigny estime ainsi que les piastres ont représenté en moyenne 40 % de la valeur des carga (...)
  • 64 Rambert G., op. cit., t. vi, p. 604-605.
  • 65 Ibid., t. VI, p. 615-616.

22Selon Rambert, les vaisseaux marseillais qui partent pour l’océan indien emportent d’abord dans leurs cales une grande variété de denrées comestibles destinées aux îles de France et de Bourbon, des productions méditerranéennes surtout – huile et olives, câpres, fruits secs, raisin, thon mariné – et du « bon vin de Provence », ainsi que des produits semi-ouvrés comme du fer, du plomb, du cuivre, du marbre, du brai et du goudron. Mais ils chargent également une liste infinie de produits manufacturés, tant métallurgiques que textiles, parmi lesquels il cite des taffetas, des rubans et des chapeaux62. Rien en cela n’est donc foncièrement différent du commerce antillais, si ce n’est toutefois qu’aux côtés de ces marchandises « classiques », ils emportent également, comme le faisaient les navires de la Compagnie des Indes orientales, des caisses de piastres, monnaie indispensable aux échanges en terre d’Asie63. Pour le commerce d’Inde proprement dit, ils chargent également quelques marchandises spécifiques répondant à des demandes propres à certaines régions comme, par exemple, pour celles qui concernent les productions de la manufacture lyonnaise, des fils d’or, très recherchés au Bengale, ou des soieries et autres étoffes légères pour la Cochinchine64. En 1776, année qui fut, au cours de la première décennie du commerce libre, la meilleure pour les exportations marseillaises vers l’Inde, les « galons et dorures » ont représenté 4 % de la valeur des cargaisons de départ et la « quincaillerie et mercerie » 6 %65. Bien sûr, il ne s’agit là que de données très générales, naturellement approximatives et qui ne préfigurent en rien de l’importance réelle que prennent alors les marchandises de Lyon dans ces exportations. Le détail des comptes d’armement des vaisseaux armés par Solier Martin Salavy permet cependant de se faire une idée plus précise de la nature des marchandises de Lyon qui, depuis Marseille, sont chargées pour l’océan indien :

  • en 1781, sur la polacre L’Agilité (300 tx) à destination des îles de France et de Bourbon est embarquée une malle contenant 44 parasols de taffetas et 14 douzaines de bourses à cheveux, ainsi que trois tonneaux contenant 36 formes de fromage de gruyère66 ;
  • en 1782, Le Consolateur (600 tx), armé pour l’Île de France, la côte de Coromandel et le Bengale, emporte 81 caisses de fromage de gruyère expédiées par Rigollet de Lyon ainsi qu’une caisse de 72 parasols, 24 pièces de taffetas et 10 habits de drap brodés achetés par l’intermédiaire de la maison Duffour et Martin67 ;
  • en 1786, la corvette L’Intimité envoyée aux îles de France et de Bourbon embarque une caisse reçue de Duffour et Martin et qui contient douze pièces de taffetas d’Angleterre68 ;
  • cette même année 1786, Le Consolateur effectue un deuxième voyage à l’Île de France ; il emporte lui aussi une caisse de chez Duffour et Martin, dans laquelle se trouvent 24 pièces de taffetas, ainsi qu’une autre caisse contenant 180 douzaines de rubans, six balles de 300 couvertures de laine et une malle contenant 8 douzaines de bas de soie et 36 douzaines de bas de fil, marchandises qui proviennent en partie de Lyon et en partie de Montpellier69 ;
  • en 1787, pour son premier voyage à l’Île de France, L’Olympe transporte une caisse de chez Duffour et Martin contenant 23 pièces de taffetas et, dans un coffre, sept cartons de rubans fournis par Nodet et Cie70 ;
  • toujours en 1787, Le Prince de Piémont est armé pour l’Inde. Parmi sa cargaison se trouvent quatre caisses fournies par Duffour et Martin, contenant 400 marcs de fils d’or71 ;
  • enfin, en 1788, Le Roi de Sardaigne, dernier armement indien de Solier Martin Salavy, emporte, à destination de l’Île de France, deux caisses expédiées par Duffour et Martin, la première contenant 24 pièces de taffetas et la seconde 300 marcs de fils d’or, une troisième caisse avec 200 marcs de fils d’or de chez Chirat père et fils et huit malles de gazes envoyées par Berlier, de Lyon lui aussi72.
  • 73 Rambert G., op. cit., t. VI, p. 605.

23Pour se fournir en marchandises de Lyon, Solier et ses associés se tournent donc presque toujours vers les mêmes correspondants, Duffour et Martin, qui exécutent leurs commandes moyennant une commission de 2 %, mais sans prendre d’intéressements spécifiques dans les cargaisons. Par contre, parmi les trois autres fournisseurs lyonnais, seule la maison Nodet et Cie se risque à une petite spéculation, en chargeant en pacotille 116 pièces de rubans pour une valeur de 941 l.t. Il semblerait enfin qu’une partie au moins du fromage de Gruyère chargé sur ces navires ait transité par Lyon. Si la chose est sûre lors des deux premiers armements, en 1781 et 1782, par contre on ne peut l’affirmer pour les 100 caisses qu’emporte Le Consolateur en 1786, ni pour les 50 formes qui se trouvent à bord de L’Olympe, ni pour les 50 autres qui sont embarquées sur Le Roi de Sardaigne. À la même époque, en 1784, les frères Grenier arment pour les côtes de l’Inde un navire de 510 tx, La Félicité. Son voyage va le mener à Bombay, à Goa, Mangalore et Calicut, puis à Pondichéry. Parmi les marchandises de Lyon qu’il emporte, on trouve cette fois des bas de soie, des gants, du fil et des fleurs artificielles qui sont vendus à Bombay, des rubans qui trouvent preneurs au Bengale et, en plus de bas et de gants de soie, du taffetas et du fil d’or pour Pondichéry. Quatre ans plus tard, un deuxième navire du même armement, le Duc de Chablais (440 tx) apporte lui aussi du fil d’or, des bas, des gants et autres « modes » à Pondichéry et à Calcutta73. Dans leur composition, ces exportations lyonnaises ressemblent beaucoup à celles qui ont lieu vers les Antilles, comme le montre le contenu des caisses de chez Duffour et Martin. Il s’agit à la fois de répondre à la demande d’une société coloniale qui se met en place à l’Île de France et à Bourbon et de continuer à approvisionner le commerce d’Inde en Inde en soieries et en fils d’or. Mais les débouchés offerts par les établissements français de l’océan indien restent faibles et ces marchés n’absorbent qu’une fraction marginale des exportations lyonnaises. Seul le chargement de fils d’or contribue à renforcer leur valeur relative, comme on le voit pour Le Prince de Piémont et Le Roi de Sardaigne.

  • 1 Les valeurs reportées dans ce tableau correspondent aux valeurs déclarées dans les états des carga (...)

Armement Année

Valeur de la cargaison

Valeur des marchandises de Lyon1 (hors gruyère)

Part des marchandises de Lyon dans la valeur de la cargaison

L’Agilité (1781)

77808 l.t. 15 s.

963 l.t. 13 s.

1,23 %

Le Consolateur (1782)

605436 l.t. 9 s.

8349 l.t. 4 s.

1,37 %

L’Intimité (1786)

59723 l.t. 13 s. 6 d.

3700 l.t.

6,19 %

Le Consolateur (1786)

294935 l.t. 15 s. 4 d.

10079 l.t.

3,41 %

L’Olympe (1787)

100978 l.t. 8 s.

7727 l.t. 18 s.

7,65 %

Le Prince de Piémont (1787)

396374 l.t. 11 s. 6 d.

26988 l.t. 18 s.

6,80 %

Le Roi de Sardaigne (1788)

483988 l.t. 12 s. 1 d.

47777 l.t. 6 s.

9,87 %

Total

2 019 946 l.t. 4 s. 5 d.

105 585 l.t. 19 s.

5,22 %

  • 74 Dermigny L, op. cit., t. 2.

Tableau IX. – Marchandises lyonnaises et cargaisons indiennes (1781-1787)74

Lyon et la « Compagnie de Calonne » (1785-1790)

24Le 14 avril 1785, le Contrôleur général Charles-Alexandre de Calonne met fin à l’expérience du commerce libre dans l’océan indien et restaure la Compagnie des Indes orientales. Le système du monopole est rétabli « pour sept années de paix », en limitant toutefois ses privilèges au seul commerce des Indes, au delà des Mascareignes. Le capital de la nouvelle société est d’abord fixé à 20 millions de livres, dont 14 millions sont proposés en souscription publique sous la forme de « portions d’intérêts » de mille livres chacune. Puis, quelques mois plus tard, le 21 septembre 1786, par un second arrêt, ce capital est doublé, passe à 40 millions de livres, tandis que la durée du monopole, doublée elle aussi, est portée à « quinze années de paix ». Entre temps, pour favoriser les entreprises de la Compagnie, un arrêt du 10 juillet 1785 a interdit l’importation dans le royaume des toiles de coton blanches ou imprimées de provenance étrangère, à l’exception bien entendu des toiles blanches qui arrivent à Lorient à bord des bateaux de la « Compagnie de Calonne ». C’est là un coup direct porté en direction des indienneurs suisses dont les productions inondent le marché intérieur et qui ont été, nous l’avons rappelé, les principaux soutiens financiers des armateurs du commerce libre. Il s’agit aussi de protéger l’indiennage français qui commence à se développer et dont les toiles souffrent de la concurrence des toiles de production helvétique ou britannique qui entrent alors dans le royaume en grande quantité et très souvent en contrebande.

  • 75 Favier R., Les Européens et les Indes orientales au XVIIIe siècle. Aspects maritimes, commerciaux (...)
  • 76 Conan J., La dernière Compagnie des Indes, Paris, 1942, p. 41.
  • 77 Dermigny L., op. cit., t. 1, p. 251-255.
  • 78 ADR, 8B 631-3, Auriol, Grand Livre D (1788-1793).

25Jules Conan a recensé autrefois 725 actionnaires dans cette nouvelle Compagnie des Indes, 52 d’entre eux possédant plus de 200 actions et 68 autres entre 100 et 200. Mais 30 % du capital est détenu par des investisseurs suisses, dont les deux tiers par des Genevois qui restent donc très impliqués dans le financement du commerce français avec les Indes orientales75. Parmi les actionnaires français, les Parisiens sont les plus nombreux, mais en province « ce sont les villes sièges des correspondants qui se distinguent » et, parmi elles, Lyon où se trouve d’ailleurs l’un des gros actionnaires, la maison de Guillaume Couderc et d’André Passavant, autrefois correspondants de la deuxième Compagnie, qui détiennent 106 actions, soit un capital de 106 000 l.t.76. Les autres actionnaires lyonnais connus ont eux aussi un rapport avec le commerce des Indes et celui des toiles en particulier : Henry Scherer, le banquier de Saint-Gall, déjà intéressé dans les armements Solier et Rabaud à Marseille et dans ceux de Bérard et Pourtalès et Cie à Lorient, qui posséde 100 actions en 1790 ; Georges Chaillet, correspondant puis associé de Pourtalès et Cie, qui en détient 12 en 1793 ; puis Jules et David Pornaret père et fils en 1792-179377 ; quant au banquier René François Auriol, il achète 25 actions à Doessner et Cie le 18 juin 1790, au prix de 27 529 l.t. 9 s. 6 d. et les revend huit mois et demi plus tard, le 4 mars 1791, contre 35102 l.t. 5 s. 9 d., réalisant dans cette opération un bénéfice d’un peu plus de 7 572 l.t.78. Mais à Marseille comme à Lorient, la création de la troisième Compagnie des Indes orientales ne décourage pas les armateurs privés qui continuent, en s’appuyant toujours sur les mêmes réseaux financiers à armer pour les Mascareignes, mais sous pavillon étranger. Ainsi en est-il, nous l’avons vu, de Solier et Cie qui, en 1788 et 1789, envoient aux Indes, sous pavillon savoyard, Le Prince de Piémont et Le Roi de Sardaigne, dans lesquels sont intéressées six maisons lyonnaises.

La consommation de produits des Indes à Lyon

26À Lyon comme dans toute grande ville, sous l’influence de la mode, la société cède au « goût de l’Inde » et la consommation de marchandises indiennes progresse au cours du XVIIIe siècle : le poivre, le café de Moka et le thé se retrouvent dans les boutiques des épiciers, les porcelaines de Chine, les cabarets vernis et les palempores dans les intérieurs bourgeois, tout comme les étoffes de coton dans les garde-robes, tandis que les manufactures de toile réclament de la matière première et que, ponctuellement, les fabricants de soieries peuvent aussi travailler la soie du Bengale ou de Chine. Quant aux bénéfices générés par cette branche du grand commerce, ils intéressent surtout ceux qui, dans les dernières décennies du siècle, dominent le monde de la banque et de l’indiennage lyonnais, ceux la même que nous avons identifiés parmi les bailleurs de fonds de l’armement marseillais pendant les quinze années du commerce libre et qui, à partir de 1785, s’associent à la reprise en main du commerce indien par l’État en participant au financement de la Compagnie de Calonne.

  • 79 ADR, 1C 279, affaires économiques, procédure extraordinaire contre la veuve et frères Lescalier, 1 (...)
  • 80 AMN, HH 219 – HH 222, Compagnie des Indes, vente, 1719-1722.
  • 81 AMN, HH 226, Compagnie des Indes, ventes, 1733, lettre de Védier à M. de la Tour, 1732.
  • 82 Cousquer C., Nantes, une capitale française des indiennes au XVIIIe siècle, Nantes, 2002, p. 37-38

27Nous avons déjà eu l’occasion de signaler plus haut comment, pendant la plus grande partie du XVIIIe siècle, Nantes contribue à approvisionner le marché lyonnais en marchandises des Indes orientales. Tant que les ventes de la Compagnie des Indes s’y tiennent, quelques marchands lyonnais font le voyage jusqu’à Nantes pour participer aux ventes de la Compagnie. C’est le cas, par exemple, des frères Lescalier, des marchands toiliers établis « vis-à-vis la petite rue mercière, faisant le coin de la rue de l’orangerie », près de la place Saint-Nizier, qui déclarent y avoir acheté des guinées bleues et des mousselines en 1716 et 171779, mais aussi de Chabasol, dont la présence est attestée en 1719, tout comme celle de Boyer l’année suivante, ou de Peyrusse et Gascon en 1721 et 172280. Ils y achètent surtout des cotonnades et de la porcelaine de Chine bleue et blanche. Une lettre de 1732 nous apprend d’ailleurs que lors des ventes, les marchands lyonnais prennent place sur les bancs installés au premier rang de la salle, face à la tribune où siègent les syndics et les directeurs de la Compagnie. Leurs confrères nantais leur reprochent d’ailleurs vivement, ainsi qu’aux Parisiens et aux Montpelliérains, de ne reculer devant aucun stratagème pour accaparer les meilleures places, notamment en envoyant « dès les 4 à 5 heures du matin des portefaix et autres gens de cette espèce garder leurs places », ce qui ne manque pas de provoquer parfois quelques bousculades ou échauffourées81. Mais faute d’informations suffisantes sur les ventes à cette époque, nous ignorons dans quelle proportion ils participent réellement à l’approvisionnement du marché lyonnais, dans la mesure où le commerce de redistribution des marchandises des Indes vers les provinces de l’intérieur du royaume dépend alors en grande partie des négociants nantais, par l’intermédiaire de qui drogues, épiceries et cotonnades remontent la Loire pour être livrées à ceux qui, de Lyon, les ont commises82. Cependant les quantités ne doivent pas être considérables, compte tenu de la plus grande proximité de Marseille et des liens qui unissent certains négociants lyonnais et le commerce avec le Levant, pourvoyeur de denrées similaires.

Les Lyonnais aux ventes de Lorient

28Bien que Nantes offrit tous les avantages liés à la fois à sa position à l’estuaire de la Loire, formidable voie de pénétration vers les marchés de l’intérieur du royaume, à ses équipements de grand port de mer et de grande place marchande et à sa population négociante cosmopolite, la direction de la Compagnie décida, en 1731, de transférer les ventes à Lorient, où elles se tinrent à partir de 1734, chaque année au mois d’octobre. Les raisons premières de ce choix étaient de ne plus avoir à transporter les marchandises entre les deux ports, transports qui occasionnaient des dépenses élevées et qui pouvaient entraîner quelques détériorations de marchandises. Mais, pour qu’à Lorient les ventes puissent se faire dans de bonnes conditions, il était indispensable d’y faire construire des magasins ainsi qu’une salle des ventes. Deux années de travaux furent nécessaires pour doter la ville de ces infrastructures, la Compagnie, soucieuse de son prestige, ayant confié cette réalisation à l’architecte Jacques V. Gabriel, le reconstructeur de Rennes.

  • 83 Nous avons d’ailleurs retrouvé un de ces imprimés parmi les papiers d’Antoine Lescalier. ADR, 1C 2 (...)

29Si les négociants habitués des ventes recevaient de succinctes descriptions des cargaisons à chaque retour de navire83, des listes plus détaillées leur étaient adressées tous les ans, en juillet. Par elles, ils apprenaient non seulement la date exacte de la prochaine vente, mais aussi quelles quantités de marchandises seraient adjugées. Les ventes avaient toujours lieu en octobre et se déroulaient en trois temps : une exposition préalable d’échantillons, la vente solennelle, qui se déroulait dans la vaste salle disposée en amphithéâtre et qui durait en règle générale deux à trois semaines selon les volumes des cargaisons à écouler, puis la « petite vente » qui concernait les marchandises abîmées ou confisquées aux fraudeurs. Le paiement devait se faire au comptant, ce qui permettait aux acquéreurs de bénéficier d’une ristourne de 10 %, ou par lettres de change tirées sur les grandes places nationales – Paris, Rouen, Nantes, Saint-Malo, Bordeaux, Tours et, bien sûr, Lyon – ou étrangères – Cadix, Madrid, Londres, Anvers, Amsterdam, Hambourg ou Genève.

  • 84 Haudrère P., La Compagnie française des Indes (1719-1795), Paris, 1989, t. 2, p. 434.
  • 85 En 1751 les marchands toiliers parisiens font part à la Chambre de Commerce de Lyon de leur intent (...)

30Chaque année Lorient voit donc arriver des négociants venus de toutes les grandes places du royaume. Les plus nombreux sont sans conteste – et sans surprise – les Bretons : des Lorientais, des Nantais et des Malouins. Mais les Parisiens sont aussi très présents et achètent surtout des produits de luxe, mousselines, cotonnades, épices et « curiosités » qui se vendent très cher dans la capitale et à Versailles. Philippe Haudrère, qui a étudié de très près ces ventes, estime que chacun de ces négociants parisiens achète en moyenne entre 75 000 et 120 000 l.t. de marchandises et que le montant total de leurs achats peut dépasser chaque année les deux millions de livres. Certes, c’est là deux fois moins que ce que peuvent dépenser leurs confrères nantais, de loin les plus gros acheteurs qui, en moyenne, peuvent débourser chacun entre 95 000 et 180 000 l.t. Mais, fidèles aux orientations de leur place, ces négociants nantais achètent de préférence des denrées tropicales, café, thé, épices et cotonnades, alors que les acheteurs venus des provinces de l’intérieur eux, se tournent davantage vers les marchandises spécifiques au commerce indien, notamment les épices, les textiles et les porcelaines. Sans surprise, les Lyonnais sont d’abord attirés par les balles de soie et les cotonnades, matières premières réclamées par leurs manufactures, mais qu’ils doivent disputer à leurs voisins genevois, également présents aux ventes de la Compagnie. Après avoir dépouillé les registres de ventes de la Compagnie au cours de la décennie qui précède la suspension du monopole, Philippe Haudrère estime que les acheteurs de la généralité de Lyon ont acquis 11 % de la soie et 15 % des lots de toiles blanches mises en vente à Lorient entre 1758 et 176984. Toiles et mouchoirs sont ensuite redistribués par leurs soins dans tout le quart sud-est du royaume, mais aussi vers l’étranger. Il est vrai que Lyon bénéficie pour ce commerce d’un privilège remontant à 1664, qui permet à ses marchands d’acquérir ces toiles d’Inde en ne payant que 18 l.t. de droits d’entrée par quintal – 10 l.t. à l’entrée du royaume et 8 l.t. pour la douane de Lyon – au lieu des 40 l.t. acquittées par leurs confrères des provinces des cinq grosses fermes, ce qui leur donne en la matière un net avantage sur les autres villes de l’intérieur85.

  • 86 Les tableaux récapitulatifs des achats effectués par ces Lyonnais aux ventes de la Compagnie entre (...)
  • 87 Haudrère P., La Compagnie française des Indes..., op. cit., t. 2, p. 417.

31En parcourant les registres des ventes, nous avons pu relever les noms de 13 maisons lyonnaises parmi les acheteurs présents à Lorient entre 1761 et 177686. Certains négociants n’apparaissent que de manière occasionnelle comme Chirat de la Rouvière et Jornarond, Mièvre l’aisné, Reycend et Cie ou Dutreuil Colomès et Grimaud en 1761, Reynard et Longue en 1765 ou Blanc en 1768. D’autres sont présents pendant plusieurs années comme Joseph Floret et Faure ou Marduel père et fils, entre 1766 et 1776. Ils achètent essentiellement des toiles de coton blanches et des mousselines, qui constituent alors le plus gros des ventes dans la mesure où elles représentent les trois quarts des cargaisons d’étoffes rapportées à Lorient87, mais aussi des balles de soie Tany, une soie de qualité produite au Bengale, et de soie de Nankin, de la porcelaine de Chine, de la « bleu et blanc » semble-t-il, quelques lots de café (de Moka et de Bourbon), plus rarement du thé vert. En 1764, Rast et Berger achètent également du rotin et, l’année suivante, de l’esquine, une racine de salsepareille utilisée dans la pharmacopée, tandis que Reynard et Longue acquièrent 42 cabarets de vernis, des services à thé ou à café de dix tasses disposées sur un plateau en laque.

  • 88 Les 15 lots de soie de Nankin sont composés de 300 moches « pesant net 2 541 livres » et les 3 lot (...)
  • 89 SHML, 1P 257-7, fo 61, grand livre de la vente du 8 octobre 1764.
  • 90 Le Gouic O., Lyon et la Mer..., op. cit., annexe 3, p. viii.
  • 91 Ibid., annexe 4, p. ix.

32À aucun moment ces négociants lyonnais ne figurent parmi les plus gros adjudicataires des ventes. Le montant autant que le volume de leurs achats n’ont rien à voir avec ceux des gros acheteurs nantais, lorientais ou parisiens. Ainsi, lors de la vente du 8 octobre 1764, il n’y a qu’une seule maison lyonnaise, Rast et Berger, parmi les 71 négociants qui acquièrent des marchandises, quinze lots de soie de Nankin et trois lots de rotin88. Berger côtoie alors 34 confrères nantais, 13 Lorientais, 8 Parisiens, 6 Malouins, 4 Rennais, un Bordelais, un Rochelais, un Portlouisien et un Genevois. Cette vente rapporte 6 920 621 l.t. 13 s. à la Compagnie. Les six plus gros acheteurs sont alors les maisons Deurbroucq de Nantes (1 644 419 l.t. 19 s.), De Tollemare, de Nantes également (941 925 l.t. 11 s.), Pochet de Paris (408 289 l.t. 16 s.), Feruaud de Lorient (265 250 l.t.), Bouffée et Dangirard (235 660 l.t. 8 s.) et Boissière et Tixier (204 852 l.t. 4 s.), toutes deux de Paris. Les achats de Rast et Berger, quant à eux, atteignent à peine les 100 000 l.t., ce qui les relègue à la 25e place dans la liste des acheteurs (99 275 l.t. 18 s., soit 1,4 % du produit de la vente)89. Mais les achats les plus importants sont effectués par Floret et Faure qui, entre 1767 et 1769, dépensent 672 455 l.t., ce qui représente pratiquement 30 % du total des achats faits par les Lyonnais présents à Lorient de 1761 à 1769, mais à peine 1 % des 74,2 millions que rapportent les six ventes auxquelles participent des négociants venus de Lyon90. Entre 1772 et 1775, les achats de Floret et Faure se montent à 404 396 l.t. et représentent cette fois 61 % des dépenses lyonnaises et presque 4 % du produit total91.

  • 92 Les marchands toiliers lyonnais estiment en 1751 que les frais dus aux voyages surenchérissent de (...)
  • 93 Haudrère P., La Compagnie française des Indes..., op. cit., t. 2, p. 417.
  • 94 Les plus gros achats de cotonnades sont faits par Paris (1,3 millions de livres par an en moyenne) (...)
  • 95 CCIL, reg. des délibérations (1749-1753), réponse des marchands toiliers lyonnais aux marchands to (...)

33Après le rétablissement de la paix en 1763, la reprise des armements pour les Indes, jointe à la levée de la prohibition des toiles peintes, entraîne une arrivée massive de cotonnades à Lorient. Les toiles de coton deviennent alors les premières marchandises que les négociants lyonnais viennent se procurer aux ventes de la Compagnie, malgré l’éloignement (210 lieues) qui suppose un long et coûteux voyage92. À partir de 1765, la Compagnie importe chaque année quelques 200 000 pièces de cotonnades, qui tiennent plus que jamais une place de premier plan dans les ventes93. En estimant les achats des Lyonnais à environ 43 000 l.t. par an, Philippe Haudrère place notre ville en huitième position parmi les marchés de la Compagnie, loin derrière Genève dont la valeur moyenne des acquisitions est dix fois plus élevée. Mais les achats effectués par ces deux villes de l’intérieur sont de même nature : des toiles rayées et des toiles peintes, des mousselines, des toiles teintes et des cotonnades blanches, les mousselines – terindanes, doréas, mallemolles – semblant toutefois avoir la préférence des acheteurs lyonnais, devant les indiennes, les mouchoirs et les cotonnades blanches94. Selon les marchands toiliers, les Lyonnais achètent à Lorient toutes les qualités de toiles, des plus fines aux plus grossières, avec un double objectif : approvisionner le marché lyonnais des étoffes de luxe et redistribuer les toiles de qualité inférieure, notamment en direction de Cadix, relais du marché américain95.

  • 96 Le Gouic O., Lyon et la Mer..., op. cit., annexe 3, p. v-vi.
  • 97 Les 7 lots de Mièvre l’aisné sont payés 15 592 l.t. 10 s., les 20 lots de Reycend et Cie 50 470 l. (...)
  • 98 SHML, 1P 35 à 1P 38, registres du contrôle des ventes, 1766-1769.
  • 99 SHML, 1P 38, registre du contrôle de la vente de 1769.
  • 100 Le Gouic O., Lyon et la Mer..., op. cit., annexe 4, p. ix-x.
  • 101 SHML, 1P 40 à 1P 44, registres du contrôle des ventes, 1772-1776.
  • 102 SHML, 1P 36, registre du contrôle des ventes, 1767, fo 73-74, achats de Floret et Faure ; 1P 37 re (...)
  • 103 Brigitte Nicolas classe les toiles de coton blanches, « par ordre croissant de finesse » : les sal (...)

34Entre 1761 et 1769, sept maisons lyonnaises figurent parmi les adjudicataires de lots de cotonnades96 : Dutreuil Colomès et Grimaud pour 11 lots en 1761, Mièvre l’aisné pour 7 lots et Reycend et Cie pour 20 lots la même année, la valeur du tout dépassant les 110 000 l.t..97 ; mais aussi Marduel père et fils pour 127 lots et Floret et Faure pour 188 lots entre 1766 et 1769, Jean-Baptiste Rey pour 123 lots entre 1766 et 1768, et Roch Delphin et Cie pour 110 lots entre 1767 et 176998. La plus grosse adjudication porte sur 117 lots adjugés pour 303 876 l.t. 1 s. à Floret et Faure lors de la vente de 1769 et payés 273 313 l.t. 19 s.99. Quelques années plus tard, ce sont pratiquement les mêmes maisons lyonnaises qui participent à la vente des premiers retours du commerce libre100. En 1772, elles se portent acquéreurs de toiles rapportées par les vaisseaux L’Hector, Le Mars et Le Duc de la Vrillière, l’année suivante de guinées et autres cotonnades rapportées par le Saint Jean-Baptiste et Le Gange, et deux plus tard, en 1775, d’autres étoffes issues cette fois des cargaisons de L’Africain, de La Brune et du Carnateck101. Le détail des achats de cotonnades effectués par les maisons Floret et Faure, Roch et Delphin et Rey lors des ventes de 1767 et 1768102 confirme les observations de Philippe Haudrère et nous permet de constater que ces négociants lyonnais n’acquièrent ni étoffes de soie – des satins par exemple – ni étoffes mixtes de coton et de soie – allegas, colonis ou soucis – mais exclusivement et en quantités à peu près égales des mousselines (60 lots) et des toiles de coton de toutes qualités (54 lots), des cotonnades blanches et peut-être aussi quelques lots de guinées ou de bafetas colorées en bleu ou en rouge après immersion dans un bain d’indigo ou de garance, ainsi que des mouchoirs du Bengale et de Mazulipatam (8 lots). Par contre aucune des trois séries d’achats dont nous disposons ne mentionne d’indiennes. On retrouve ainsi dix sortes de mousselines, les plus fines étant les plus représentées : térindane (19 lots), mallemolle (10 lots), nansouque (3 lots), organdi (2 lots) et bétille (2 lots) ; s’y ajoutent 13 lots de doréas, 5 de tanjeb, 3 de hamam, 2 de mamodi et un de casse. Quant aux toiles blanches, il s’agit surtout de guinées (21 lots), de bafetas (14 lots) et de garas (13 lots) qui l’emportent à la fois sur les toiles les plus grossières (salempouris, 4 lots) et les plus fines (percales, 2 lots)103.

35Quelques années plus tard, au cours des trois ventes de 1772, 1773 et 1775, les quatre maisons lyonnaises présentes à Lorient – parmi lesquelles figurent toujours Floret et Faure et Roch Delphin et Cie – acquièrent pour plus de 700 000 l.t. d’étoffes de coton des Indes, ce qui nous met au dessus du montant moyen de 43 000 l.t. d’achats de cotonnades par an calculé par Philippe Haudrère pour les années 1760. Il semblerait donc que la suspension du monopole de la Compagnie et l’augmentation des retours qui la suivit aient eu davantage de répercussions sur le montant des achats de toiles des Indes faits par les opérateurs lyonnais aux ventes de Lorient que la levée de la prohibition intervenue une quinzaine d’années auparavant. Cela pourrait certes s’expliquer par une augmentation de la demande de mousselines et d’indiennes sur le marché lyonnais, mais très certainement aussi par la part que prennent alors les investisseurs genevois dans ces armements libres pour l’océan indien, et avec eux leurs correspondants lyonnais dorénavant intéressés dans les résultats de ces entreprises. D’ailleurs l’apparente similitude entre les acquisitions lyonnaises et genevoises – des guinées mais aussi des terindanes et des tanjebs, deux sortes de mousselines – pourrait laisser penser que les négociants Lyonnais présents à ces ventes destinent aux indienneries de Suisse, du Lyonnais et du Dauphiné une partie des lots de toiles qui leur sont adjugés.

  • 104 Philippe Haudrère estime qu’après 1765 les importations de soie dépassent livres de soie par an (3 (...)

36Les balles de soie constituent une autre marchandise recherchée par nos négociants lyonnais qui en achètent 82 lots entre 1761 et 1769, les principaux adjudicataires étant Rast et Berger, qui acquièrent 32 balles de soie de Nankin aux ventes de 1764 et 1765104. Mais la demande de la manufacture lyonnaise en matière de soie des Indes reste très limitée, dans la mesure où elle se fournit en Languedoc, en Provence et en Italie, et qu’elle trouve dans ces régions des soies de bien meilleure qualité. Mais le temps est fini où, au début du siècle, les Lyonnais combattaient les importations de soieries de Chine et du Bengale, au point d’avoir obtenu, en mars 1714, un arrêt qui, pendant près de cinquante ans, interdit à la Compagnie d’en faire entrer dans le royaume.

  • 105 SHML 1P 38, registre de contrôle de la vente de l’année 1769.

37Les achats de denrées coloniales restent eux aussi très restreints, car là encore les circuits d’approvisionnement en cafés sont bien établis entre Lyon et les ports du Ponant pour le café américain et avec Marseille pour le Moka. Lorient n’apparaît que comme un fournisseur d’appoint et les achats ne portent à chaque fois que sur un ou deux lots qui, de plus, ne semblent pas destinés à être revendus, tout au plus redistribués dans un cercle restreint de familiers, d’associés et de connaissances. Par contre le déplacement aux ventes de Lorient est l’occasion pour certains marchands de rapporter à Lyon des articles exotiques recherchés par des élites urbaines prêtes à payer très cher pour mettre par exemple sur leurs tables des services à thé ou à café ou de la vaisselle en porcelaine de Chine, de préférence de la « bleu et blanc ». En 1765 Reynard et Longue achètent ainsi un lot de 1 728 assiettes, tandis que Marduel père et fils en achètent plusieurs lots aux ventes de 1768 et 1769, les pièces achetées cette dernière année consistant en 7 528 tasses et 1 550 gobelets avec autant de soucoupes105.

38Au total, entre 1761 et 1769, les négociants lyonnais qui sont présents aux ventes de la Compagnie, achètent pour plus de 2,2 millions de livres de marchandises, ce qui ne représente qu’à peine plus de 3 % du montant du produit de ces ventes. C’est peu, mais 82 % du volume de ces achats – en nombre de lots adjugés – portent sur des toiles et 12 % sur de la soie, ce qui est directement lié à la fois à la vocation textile de la ville et au rôle de relais qu’elle joue dans l’approvisionnement de l’indiennerie suisse en cotonnades blanches.

Le marché lyonnais des indiennes

  • 106 CCIL, reg. des délibérations (1749-1753), fo 64-65, mémoire joint au procès verbal du 23 août 1749

« On ne pourrait pas aisément distinguer sur le corps des personnes les toiles de lin de celles de coton. Elles ne pourraient tout au plus se reconnaître qu’au toucher et même les plus connaisseurs pourraient s’y méprendre. Mais permettrait-on à des commis d’arrêter les personnes, de tâter et visiter leurs robes pour reconnaître si elles seraient de lin ou de coton ? Il est certain que l’on donnerait toujours la préférence aux toiles de coton, parce qu’elles n’ont pas le défaut des toiles de lin qui se fripent, se chiffonnent et se roulent en très peu de temps. Une robe de toile de lin n’aurait pas été portée cinq ou si fois qu’elle serait affaissée, toute plissée et se collerait sur le corps. Il faudrait la reblanchir et la remettre en état. C’est un défaut si grand qu’il est très vraisemblable qu’on se dégoûterait des toiles de lin peintes. Elles ne seraient bonnes qu’à employer en tapisseries, en mouchoirs, en serviettes. Elles ne réussiraient pas en housses de lit ni en rideaux parce qu’elles ne se soutiennent pas et qu’elles roulent [...], ne sont pas propres à faire des robes ni aux autres usages où l’on emploie les toiles de coton. Les batistes fines et les linons sont trop fins et sont trop clairs et, en général, les batistes sont trop légères106. »

  • 107 Pilloix A.-P., La garde-robe des Lyonnais de 1680 à 1782, mém. maîtrise, Lyon, 2000, 159 p.
  • 108 70 % des jupes sont en coton ainsi que 55 % des jupons, 62 % des tabliers, 31 % des robes, 87 % de (...)
  • 109 1680-1682 : 3,1 % des pièces de vêtement sont en coton ; 1730-1732 : 14,3 % ; 1780-1782 : 22,1 %. (...)
  • 110 Ibid., p. 34 et p. 28.

39Daté de 1749, ce bref plaidoyer contre la liberté d’imprimer sur des toiles de lin, permet d’apercevoir quelques uns des usages que les Lyonnais font des toiles peintes, tant pour leur habillement que pour la décoration et le confort de leurs intérieurs. La mode des indiennes a-t-elle pour autant gagné Lyon en ce milieu du XVIIIe siècle ? Quelle place ces étoffes, et avec elles l’ensemble des cotonnades des Indes, occupent-elles dans les garde-robes lyonnaises ? On peut avoir une idée de la réponse grâce à l’enquête menée par Anne-Paule Pilloix, qui a exploré le contenu de 741 vestiaires lyonnais sur trois périodes, 1680-1682, 1730-1732 et 1780-1782107. Si à la fin du XVIIe siècle, l’essentiel des vêtements en coton portés par les Lyonnaises et les Lyonnais sont des chemises (55 %) et des bonnets (23 %), dans les années 1730, on constate l’apparition de cravates (38 %) et de cols (18 %) tandis que la part des chemises ne représente plus qu’une pièce de vêtement sur dix (11 %). Mais ce n’est que dans la troisième série de vestiaires que l’on trouve une nette proportion de vêtements de dessus en coton, des jupes et des jupons, quelques robes, des tabliers, quelques culottes, une poignée de vestes ainsi que des manteaux108. Si une grande partie des cotonnades blanches sont de fabrication française ou helvétique, sur l’ensemble des trois époques elles entrent dans la composition de 17,5 % des vêtements repérés et leur part progresse considérablement pour représenter plus d’une pièce de vêtement sur cinq au début des années 1780109. Mais c’est dans les garde-robes féminines que Anne-Paule Pilloix signale surtout la présence d’indiennes, en moyenne 21 pièces par vestiaire féminin contre une seule pièce par vestiaire masculin : 38 pièces dans l’ensemble des garde-robes de 1680-1682, puis 324 pièces dans celles de 1730-1732, pour atteindre 1629 pièces dans celles de 1780-1782, ce qui correspond alors à un peu plus de 5 % des contenus inventoriés110.

  • 111 Ibid., garde-robes masculines, p. 49-57 ; garde-robes féminines, p. 60-72 ; vêtements d’extérieur, (...)
  • 112 Pour la période 1780-1782, 20 % des jupes, 23 % des jupons, 46 % des robes, 37 % des bas, 27 % des (...)

40À la fin du XVIIe siècle, les Lyonnais se font surtout tailler des robes de chambre en indienne (27 pièces sur 38). Puis on voit apparaître dans les années 1730 des mouchoirs, des tabliers et des robes. Parmi ces dernières, une sur huit est alors en indienne contre plus de la moitié (57 %) en soie, ce qui confirme bien que ce vêtement est porté par les dames les plus riches. À la fin de notre période, les toiles peintes entrent aussi dans la confection des jupes, des déshabillés et des mouchoirs de col : près d’une jupe sur deux (46 %), la moitié des déshabillés, sans oublier une grande partie des robes alors à la mode, « à la polonaise » ou « à la sultane ». La mode masculine quant à elle accorde moins de place aux toiles peintes. À Lyon comme ailleurs, le drap demeure l’étoffe de prédilection de la confection masculine et, au début des années 1780, alors que près de neuf habits sur dix et 56 % des vestes portés par les Lyonnais sont en laine, la moitié des vêtements masculins taillés dans de l’indienne sont des vestes – mais ces dernières ne représentent alors que 2 % des vestes inventoriées – et plus d’un tiers des robes de chambre111. On le voit donc, Lyon n’échappe pas à la mode des indiennes, mais ce sont surtout les femmes des catégories sociales les plus aisées, noblesse et bourgeoisie, qui y ont cédé – et peut-être davantage les professions libérales et les marchands – ce phénomène ayant été une des composantes de l’engouement que les étoffes de coton suscitent de plus en plus à partir des années 1730 et dont le port des soieries subit le contrecoup, même s’il se maintient dans les élites les plus riches112.

  • 113 Pour la période 1730-1732, 14,3 % des pièces de vêtements répertoriées sont en coton et 2,1 % seul (...)
  • 114 ADR, 1C 249, Intendance et Généralité du Lyonnais, Justice, affaires de contrebande, Antoine Grobi (...)
  • 115 ADD, B 1304, commission du conseil de Valence, jugements souverains (1733-1771), no 123 et no 287.
  • 116 ADR, 5C 2, Douane de Lyon, 8 avril 1758.
  • 117 ADR, 5C 12, Douane de Lyon, procès verbaux de saisies d’indiennes et de toiles peintes (1756), 7 a (...)
  • 118 Ibid., 1er février 1756.
  • 119 Ibid., 11 mars 1756.
  • 120 Ibid., procès verbaux de saisies de mouchoirs des Indes (1756), 23 avril 1756.
  • 121 ADD, B 1304, commission du conseil de Valence, jugements souverains (1733-1771), no 98, 6 mars 174 (...)
  • 122 Ibid., no 93, 11 août 1739.

41Le goût des Lyonnais pour les étoffes de coton est donc une réalité, mais tant que le régime de la prohibition subsiste, la présence des indiennes dans les vestiaires du bord du Rhône demeure très limitée113. Pourtant les archives de la Douane de Lyon témoignent de l’existence d’une contrebande active sur les bords du Rhône et de la Saône. Régulièrement, aux portes de la ville, les employés de la Ferme opèrent des saisies sur des particuliers qui tentent d’introduire des toiles peintes, notamment depuis Trévoux dans la Dombes ou depuis Genève. Lors de son interrogatoire, en décembre 1726, le dénommé Antoine Grobier reconnaît ainsi que les mousselines et les indiennes trouvées à son domicile venaient « tantôt par la Savoie, tantôt par le Dauphiné, et quelquefois par le Rhône et qu’on les faisait entrer dans Lyon par le Rhône, par-dessus les murailles de la ville et en secret, comme l’on pouvait114 ». Les contrebandiers n’hésitent pas alors à faire appel aux services de bateliers et à opérer de nuit, au besoin en achetant quelque employé de la Ferme comme le brigadier Louis Fabre, condamné en 1740 à neuf années de galère « pour avoir reçu plusieurs fois de l’argent pour favoriser l’entrée à Lyon des marchandises prohibées qu’il avait droit de saisir », ou l’employé Pierre Simon qui prit pour cinq ans de chaînes après avoir sciemment relâché ses surveillances nocturnes115. Certains parviennent ainsi à faire rentrer plusieurs balles en une seule fois, à l’exemple de ceux qui, dans la nuit du 31 mars 1758, réussissent à porter jusqu’au magasin du sieur Ray, rue du bas d’argent, 19 ballots de mousselines et d’indiennes116. Mais la plupart du temps les fraudeurs sont des fraudeuses, de modeste condition, des « revendeuses de nippes » qui tentent ainsi de compléter leurs revenus en marge de la légalité en tentant de faire passer « quelque chose d’extraordinaire sous [leurs] jupons », généralement quelques coupons d’indiennes propres à faire des mouchoirs ou des rideaux. Le plus souvent, elles sont interpellées à une des entrées nord de la ville, à la porte d’Halincourt ou à la porte Saint-Clair, ou à l’arrivée des diligences qui descendent la Saône. Mais il arrive aussi que quelques unes soient repérées par les brigades qui patrouillent en ville, comme Toinette Carret, interpellée près de la place du gouvernement en possession de sept pièces d’indiennes dissimulées sous sa jupe et dans un petit paquet qu’elle portait sous le bras117. Plus chanceux est cet inconnu qui, en février 1756, place des grands jésuites, prend la fuite après avoir reconnu les employés de la Ferme, en abandonnant derrière lui un sac contenant une vingtaine de pièces de mousselines118. D’autres pièces d’étoffes sont découvertes lors de visites domiciliaires, comme les 11 coupons de mouchoirs et d’indiennes « propres à faire des vêtements ou meubles » trouvés dans la cave de Françoise Puniet, la femme d’un compagnon teinturier, rue des bouchers119. Parfois, dans les locaux de la Douane, la « visite » de balles ou de caissons sur le point d’être délivrées à leur destinataire permet aussi de faire de belles découvertes : par exemple 12 pièces de mouchoirs des Indes dépourvues de toute marque trouvées dans une caisse de liqueurs destinée au marchand Carmagnac120. Il arrive aussi que de petits réseaux de contrebandiers soient démantelés. Ils souvent organisés autour de marchands toiliers, à l’instar de Nicolas Gislain en 1741, François Vollaire et Claude Marduel en 1743, Simone Assada en 1748, Boyer et les négociants Jacques et Jean Pitiot en 1752 ou Étienne Vincent en 1754121. Mais les quantités d’étoffes saisies dans le cas des procédures que nous évoquons ici restent pourtant modestes : 180 aunes ¼ chez Nicolas Gislain et trois coupons tirant 18 aunes ¼ chez son beau-frère André Pila en 1741, 135 pièces ½ de mousselines chez Vollaire, ce qui ne justifie, outre la confiscation des marchandises, que des condamnations à 3 000 l.t d’amende, et parfois à l’interdiction de reprendre le commerce, comme dans les cas de Vollaire, récidiviste en 1752, ou de Boyer et des frères Pitiot, accusés d’être les initiateurs de trafics d’envergure, mais sans dimension criminelle, à la différence de l’organisation que dirigeait Thomas Pelisson, un lieutenant principal des Fermes de Lyon, condamné en 1739 à « être rompu vif » pour avoir dirigé un véritable réseau criminel de contrebande d’étoffes prohibées122.

  • 123 CCIL, reg. des délibérations (1760-1765), fo 9, 10 janvier 1761.

42La levée de la prohibition en 1759 ne met pas fin pour autant à la contrebande. En effet, la demande de cotonnades indiennes génère encore au début des années 1760 un courant d’importations frauduleuses, portant principalement sur les mousselines, les toiles et les mouchoirs de coton123. Aussi, quand ils reviennent à Lyon, les adjudicataires lyonnais des ventes de Lorient doivent montrer patte blanche devant les commis de la Ferme générale qui inspectent scrupuleusement les ballots rapportés, vérifiant avec minutie les documents d’achat, les plombs et les marques, ce qui a le don d’exaspérer ces négociants, notamment quand les marques ont été mal apposées. La Chambre de Commerce se fait à ce propos leur porte-parole en 1774 et dénonce le climat de « suspicion » qui règne autour de ces cotonnades et qui donne lieu à des contrôles si tatillons, sous prétexte de faux plombs, bulletins ou fausses marques » :

  • 124 CCIL, reg. de correspondance (1741-1780), fo 196-197, lettre à Pernon, député du commerce, 23 avri (...)

« À la vente de 1769 à L’Orient, les négociants se récrièrent et se plaignirent aux Directeurs de la Compagnie des Indes que les coins et les matrices étaient si usés qu’il était presque impossible d’en reconnaître la gravure sur les plombs qui en avaient été frappés. Ceux de 1768 étaient presque dans le même état124. »

La vaine hostilité du commerce lyonnais aux indiennes

  • 125 Depitre A., op. cit., introduction, p. I.
  • 126 CCIL, reg. des délibérations (1702-1703), fo 23-29, 20 août 1702.
  • 127 Chassagne S., Le coton et ses patrons, France 1760-1840, Paris, 1991, p. 75-80.

43Pendant toute la première moitié du XVIIIe siècle la question des toiles peintes « a préoccupé l’autorité centrale et passionné l’opinion publique125 ». À Lyon, les représentants de la Fabrique et du négoce se sont très tôt élevés contre les importations et la consommation des toiles peintes, leur insistance, jointe à celle de leurs confrères de Tours, de Nîmes, d’Amiens, de Reims ou de Paris, ayant conduit à la règlementation prohibitive de 1686. Dès sa fondation, en 1702, la Chambre de Commerce demande au Roi de « défendre dans ses États l’usage et le port des étoffes des Indes » et proteste auprès du Contrôleur général contre l’autorisation qui a été accordée à la Compagnie des Indes d’introduire dans le royaume 7000 pièces de cotonnades blanches et de mousselines et de vendre « les étoffes de soie pure ou de soie mêlée d’or et d’argent restant dans ses magasins », ainsi que « celles qui arriveront dans le courant de la présente année par les retours des vaisseaux ». La Chambre de Lyon entend défendre l’activité toilière d’une région où se fabriquent alors des « toiles unies, grosses et fines, toiles rayées, linges ouvrés, gros et fins, les coutils et futaines [qui] se débitent ordinairement en Bourgogne, Champagne, Bretagne, Guyenne, Languedoc et Provence », et dénonce le « préjudice considérable » fait aux manufactures de Lyon par les importations d’étoffes des Indes, dont « le débit [a] presque entièrement détruit à Lyon la manufacture des soieries de manière qu’il n’y reste pas trois mille ouvriers des douze mille qu’on y a vu travailler autrefois126 ». Ce combat reste le sien jusqu’en 1759, avec toujours la même argumentation. Ainsi, lorsqu’en 1749 les sieurs Julien et Wetters, le premier imprimeur sur toiles à Avignon et le second négociant suisse établi à Marseille127, demandent à la Chambre de Lyon d’appuyer leur requête auprès du Bureau du Commerce afin d’obtenir « la permission et même le privilège de peindre des toiles de coton et des toiles de lin », les députés lyonnais estiment que la légalisation de la fabrication et de la vente des toiles peintes ferait « un tort considérable aux différentes manufactures de laine, de soie, de fil et de coton établies dans le royaume » et ne créerait que très peu d’emplois au regard de ceux qu’elle ferait disparaître :

  • 128 CCIL, registre des délibérations (1749-1753), fo 57, mémoire joint au procès verbal du 23 août 174 (...)

« Il faut regarder les toiles blanches de coton que la Compagnie des Indes apporte comme une matière première à l’égard des toiles peintes, de même que la soie est une matière première à l’égard des étoffes de soie [...]. La seule main d’œuvre pour les toiles peintes se réduit à les imprimer et n’occupe que peu d’ouvriers pour faire beaucoup d’ouvrages. La fabrique des étoffes de soie demande un grand nombre d’ouvriers pour préparer, purger, filer les soies et les mettre en œuvre jusqu’à la confection de l’étoffe. On peut dire sans exagération que cent ouvriers peuvent remplacer en toiles peintes la même quantité d’étoffes de soie qui donnerait du travail à dix milles ouvriers128. »

44En outre, développant une argumentation qui n’est pas sans rappeler les débats actuels sur la mondialisation, ils tentent de démontrer que l’industrie de l’indiennage n’a guère d’avenir en France en raison de coûts de production trop élevés qui ne permettraient jamais à ces toiles de supplanter auprès des consommateurs celles que la Compagnie importe des Indes :

  • 129 Ibid., fo 58.

« Il ne faut pas se flatter que l’on puisse jamais fabriquer en France des toiles de coton blanches et des mousselines en concurrence de prix avec celles des Indes. Les cotons des isles reviennent cher en France et ils coûtent peu aux Indes où ils croissent en abondance. Le filage aux Indes et la fabrication des toiles y coûtent très peu parce que le peuple n’y vivant que de riz, la journée des ouvriers y est à plus des trois quarts meilleur marché qu’elle n’est en France. Enfin il n’y a point d’ouvrier en France qui puisse établir des toiles de coton au même prix que celles des Indes se vendent aux ventes de la Compagnie. Il ne faut donc pas compter sur des toiles de coton de France pour en faire des toiles peintes. Il ne s’en prendrait que de celles des Indes [...]. Ce qui prouve que nos fabriques en coton ne peuvent pas soutenir la concurrence de prix avec celles des Indes, c’est que l’on a défendu l’entrée dans le royaume des mouchoirs de Pondichéry apportés par la Compagnie des Indes, qui sont à peu près de la qualité de ceux de Rouen, sans quoi il eut fallu renoncer à en fabriquer129. »

  • 130 Depitre A., op. cit., p. 195.

45Quand, en septembre 1755, les autorités décident d’autoriser l’entrée des toiles peintes dans le royaume moyennant une taxe de 15 % sur leur valeur, ainsi que l’impression des toiles de coton blanches, Lyon se range une fois de plus aux côtés des défenseurs des anciennes manufactures et on retrouve naturellement le député lyonnais auprès du Bureau du commerce parmi ceux qui bataillent farouchement contre la libéralisation de la fabrication des toiles de coton teintes à la réserve : « Nous avons lieu d’espérer, écrit-il encore en décembre 1756, que la fabrication des toiles peintes à la réserve sera absolument défendue [...]. J’espère que les défenses seront aussi renouvelées pour le port de tout ce qui est prohibé par les déclarations du Roi130. » Mais les temps ont changé et cette doléance n’est pas entendue. Aussi, quelques mois plus tard, en mai 1757, la Chambre de Commerce de Lyon produit-elle un nouveau mémoire « sur la tolérance du commerce prohibé », dans lequel elle s’élève clairement contre l’assouplissement de la prohibition et l’établissement de fabriques de toiles teintes à la réserve, tout en mettant en garde contre les effets pervers d’une libéralisation de l’activité textile :

  • 131 CCIL, reg. délibérations (1756-1759), fo 24-27, mémoire sur la tolérance des étoffes prohibées, 11 (...)

« Le cri général de toutes les manufactures d’étoffes du royaume sur l’établissement des fabriques de toiles teintes à la réserve et les vives représentations qu’elles ont faites au Conseil lui ont fait connaitre combien il était important de cesser de favoriser ces nouveaux établissements [...]. Le projet d’établir des manufactures d’indiennes a moins alarmé les manufactures de soie par le préjudice qu’elles souffriraient de la consommation de celles qui se fabriqueraient dans le royaume que par le prétexte que ces nouveaux établissements fourniraient pour y introduire et vendre celles de l’étranger [...]. Quant à la consommation extérieure, l’objection se détruira aussi facilement par la raison qu’il est constant que la France donne le ton pour les modes à toutes les autres parties de l’Europe, et que dès lors que l’on saura l’usage général que nous ferons de l’indienne, il sera du bon air chez l’étranger de mépriser à notre exemple les étoffes de nos fabriques131. »

  • 132 CCIL, reg. délibérations (1749-1753), fo 55, mémoire joint au procès verbal du 23 août 1749.

46Malgré ce combat acharné de la Chambre de Commerce contre les toiles peintes, la mode des indiennes s’impose autour de la place Bellecour. Le long mémoire de 1749 sur les toiles peintes nous apprend d’ailleurs que « ce sont les habillements des femmes et les meubles qui font la grande consommation des toiles peintes [alors que] d’un autre côté les hommes, qui font presque toute la consommation des étoffes de laine, ne s’habillent point de toiles peintes132 ». Dorénavant les indiennes empiètent directement sur le marché des soieries et les inquiétudes sont vives, y compris de la part de ceux qui fabriquent et vendent les soieries les plus riches :

  • 133 Ibid., fo 62.

« Il est certain et évident que l’usage des toiles peintes ferait tomber les petites étoffes mêlées de coton fil et soie et que les petites étoffes de soie, les satins légers, les taffetas des fabriques de Lyon et de Tours, les petites étoffes qui se font à Paris, à Nîmes et en bien d’autres endroits n’auraient plus autant de consommation qu’elles en ont, et qu’une grande partie des ouvriers qui les font seraient sans ouvrage [...]. Quoi que peut-être l’usage libre des toiles peintes ne portât pas directement préjudice aux étoffes de prix de Lyon et de Tours, aux velours, aux damas. Cependant la diminution des fabriques des petites étoffes de soie influerait sur les grandes fabriques parce que les petites font la pépinière et l’apprentissage des ouvriers parfaits que l’on trouve à Lyon, à Marseille et à Tours pour les étoffes de hauts prix133. »

  • 134 ADR, 8B 877, Fière et Cie, carnet d’échantillons d’indiennes.
  • 135 Chassagne S., Oberkampf un entrepreneur capitaliste au siècle des Lumières, Paris, 1980, p. 163.
  • 136 CCIL, reg. de correspondance (1741-1780), fo 241, lettre à l’Intendant du commerce, 6 mars 1778.

47Après la levée de la prohibition, la provenance des cotonnades vendues à Lyon se diversifie. D’une part il y a toujours celles que les marchands toiliers font venir de Lorient et, après la suspension du monopole de la Compagnie, de Marseille, et d’autre part, il y a les productions de l’indiennage suisse, qui dispose sur place de nombreux représentants pour diffuser ses toiles sur le marché lyonnais et, au-delà, dans tout le royaume. Mais le marché lyonnais absorbe aussi des toiles émanant des principaux centres d’indiennage du royaume, comme Rouen par exemple, sans oublier bien entendu les productions des manufactures locales. La maison Fière et Cie nous a d’ailleurs laissé, à travers un magnifique carnet qui présente, sur une dizaine de pages, 128 échantillons d’indiennes, de siamoises et de guinées, un bel exemple de cette production locale à la veille de la Révolution134. Il est donc a priori peu probable qu’après 1759 les toiles venues des Indes l’aient emporté dans notre ville sur les productions nationales et helvétiques. Serge Chassagne abonde dans ce sens quand il souligne que Lyon est à partir des années 1760 « un point fort du marché des toiles de Jouy135 ». Mais leur consommation s’est désormais généralisée à un tel point qu’en 1778 la Chambre de Commerce est amenée à solliciter les services de l’Intendant du commerce pour qu’il intervienne auprès de Marie-Antoinette, principale inspiratrice de la mode du temps, afin de tenter de relancer le marché des étoffes brochées, avec l’espoir qu’il saura user de son crédit pour déterminer la Reine à en porter : « Son exemple entraînerait celui de toutes les dames de la Cour et serait bientôt général, et ce genre d’étoffes qui consomme une très grande quantité de soie produirait le double avantage d’empêcher toute exportation de soies teintes à l’étranger136. »

48L’échec de la tentative d’association des milieux d’affaires lyonnais à l’aventure de la première Compagnie des Indes de Colbert n’a donc pas empêché les cotonnades de susciter un intérêt réel des consommateurs lyonnais dès les années 1680. Mais la concurrence de fait qui s’installa avec les productions de la Grande Fabrique généra, de la part des défenseurs de celle-ci, une farouche hostilité à l’encontre de toutes les étoffes provenant des Indes. D’emblée ses représentants menèrent campagne auprès des autorités pour obtenir l’interdiction du commerce de toiles de coton et des soieries de Chine, engageant avec succès une lutte sans merci, guidés à la fois par des intérêts économiques et des motivations fiscales. L’instauration d’un régime très strict de prohibition pendant plus de 70 ans sauvegarda les intérêts de la Fabrique, mais n’empêcha nullement le commerce et le port des indiennes entre Saône et Rhône, offrant à une multitude de revenderesses l’occasion d’arrondir leurs revenus, et à des contrebandiers de diversifier leurs activités au-delà des seuls trafics du sel et du tabac. Cependant, alors que la Chambre de Commerce, garante des activités des manufactures, poursuivait sa lutte sans relâche contre l’importation, le commerce et le port des cotonnades, Lyon montrait sa capacité à saisir toutes les opportunités qui lui étaient offertes, en devenant un poste avancé du négoce et de l’industrie toilière helvétiques, une plaque tournante du commerce intérieur du coton, des étoffes blanches et des matières tinctoriales réclamés par les besoins de l’indiennage, avant de se lancer à son tour dans la fabrication de toiles teintes, puis de toiles peintes, sitôt les dernières interdictions levées.

  • 137 Etayo Pinol M. A., « L’image des Indes occidentales à Lyon en 1645 à travers le récit de voyage de (...)
  • 138 Pelletier A., Rossiaud J., bayard F., Cayez P., Histoire de Lyon des origines à nos jours, Lyon, 2 (...)
  • 139 Bayard F., Vivre à Lyon..., op. cit., p. 247.
  • 140 Tranchand L, Le lit à Lyon, dans le Lyonnais et le Beaujolais, de 1730 à 1732, mém. maîtrise, Lyon (...)
  • 141 Pilloix A.-P., op. cit.
  • 142 Zaccardelli S., Les œuvres d’art dans les maisons lyonnaises d’après les inventaires après décès a (...)

49Par ailleurs, en intégrant les horizons du grand commerce lyonnais, les îles et les espaces océaniques entrent également dans l’imaginaire et dans la vie quotidienne des Lyonnais. Dès le milieu du XVIIe siècle, les milieux de l’édition lyonnaise publiaient des récits de voyages aux Indes avec, explique Maria Angeles Etayo Pinol, une préférence toutefois plus marquée pour les Indes orientales que pour les Indes occidentales137. Au-delà du destin personnel de Pierre Poivre, l’intendant des Mascareignes qui intègre l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon fondée en 1758 et ne manque certainement pas de faire partager à ses condisciples ses connaissances sur la botanique et la géographie de la Chine, de l’Inde et des archipels voisins, ce goût précoce pour l’Asie ne se dément vraisemblablement pas et, dans les cercles culturels lyonnais, on ne manque pas de se passionner pour les territoires lointains au point, par exemple, d’organiser des concours sur l’influence qu’a pu avoir la découverte de l’Amérique dans des domaines aussi différents que la géographie, la botanique, l’agronomie, les techniques ou les arts138. D’autre part, comme dans d’autres villes d’Europe, les élites, mais aussi des catégories plus moyennes, cèdent à la mode des produits venus des lointaines colonies et des riches comptoirs d’Asie. Dans une ville où les premiers cafés ont ouvert à la fin du XVIIe siècle, on consomme toute la gamme des breuvages exotiques. Café de Moka et de Saint-Domingue, thé de Chine et cacao côtoient le poivre et les épices indiennes dans les échoppes des épiciers. Alors que Françoise Bayard donne des exemples de marchands qui possèdent cafetières et « choquelatiers »139, les achats de services à thé ou à café en porcelaine des Indes effectués par des négociants présents aux ventes de Lorient confirment l’usage que font les Lyonnais de ces boissons stimulantes. Mais nous ne saurions oublier non plus l’engouement que suscite auprès des élégantes qui en ont les moyens le port des cotonnades et notamment des indiennes. Si la prohibition semble plus facile à faire respecter sur les bords du Rhône que dans les ports, on ne peut cependant ignorer la présence de robes de chambre et de quelques parures d’indienne dans des garde-robes lyonnaises dès les années 1730, pas plus que celle des couvertures et des courtepointes de toile peinte qui, dans les intérieurs bourgeois, peuvent recouvrir les lits, souvent assorties aux rideaux qui les entourent140. Pendant près d’un demi siècle, la circulation frauduleuse de ces étoffes est avérée dans un arrière-pays lyonnais inlassablement parcouru par des bandes de contrebandiers qui, à l’instar de celle du célèbre Mandrin, sillonnent la Bresse, le Forez et le Dauphiné. D’abord réfrénée par les contraintes de la législation, la mode des indiennes se répand très vite après l’édit libérateur de 1759, tandis que le port des toiles de coton gagne toutes les couches de la société urbaine141. Chez les plus riches, on n’hésite plus alors à afficher à la vue de tous son goût pour les splendides toiles imprimées ornées de motifs représentant des arbres de vie, des fleurs et des oiseaux multicolores : à la fin du siècle la majorité des tapisseries tendues dans les intérieurs lyonnais (58 %) sont des indiennes142. Tandis que les achats de toiles augmentent aux ventes de Lorient, Lyon devient donc un pôle important en Europe pour le commerce des toiles de coton et un relais essentiel pour la redistribution des productions helvétiques vers l’Espagne et les marchés ultramarins, aux Antilles et dans l’Amérique espagnole, ce dont témoigne d’ailleurs, nous l’avons vu, après 1770, l’implication des commissionnaires lyonnais en toiles et en coton dans le financement et la constitution des cargaisons des vaisseaux du grand commerce océanique, à Marseille notamment.

Notes

1 Le Bouëdec G. Nicolas B. (dir.), Le goût de l’Inde, Rennes, 2008, 175 p.

2 Pétré-Grenouilleau O., op. cit., p. 125.

3 Depitre A., La toile peinte en France aux XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, 1912, p. 14 et 64.

4 Ibid., p. 72-73.

5 AML, HH 307, Compagnie des Indes, copie de la Déclaration Royale pour l’établissement de la Compagnie des Indes (août 1664) ; article 1er : « Ne pourra chacune part une moindre de mille livres [...]. Le tiers sera fourni comptant pour le premier armement et les deux autres tiers en deux années consécutives égales et par moitié dans le mois de décembre 1665 et 1666... »

6 Ibid. ; article 10.

7 AML, HH 307, Compagnie des Indes, discours du Prévôt des marchands Charrier aux négociants et commerçants de Lyon, 1664.

8 AML, HH 303, Compagnie des Indes, documents divers relatifs à la fondation de la Chambre de Lyon, 1664.

9 . AML, HH 307, Compagnie des Indes, élection des syndics de la Chambre de Lyon, 7 décembre 1664.

10 AML, HH 303, Compagnie des Indes, documents divers relatifs à la fondation de la Chambre de Lyon, 1664.

11 AML, HH 307, Compagnie des Indes, copie de la Déclaration Royale pour l’établissement de la Compagnie des Indes (15 août 1664) ; art. 26, 28 et 40.

12 Ibid., art. 7.

13 Cormoreche S., Essai d’organisation d’une agence de la Compagnie des Indes orientales à Lyon, 1664-1685, mém. DES, Lyon, 1969, p. 35.

14 AML, HH 335, Compagnie des Indes, grand livre de raison commencé le 9 avril 1665.

15 AML, HH 307, Compagnie des Indes, copie de la Déclaration Royale pour l’établissement de la Compagnie des Indes (août 1664) ; art. 1er.

16 Sottas J., Histoire de la Compagnie Royale des Indes Orientales 1664-1719, Rennes, 1905 (réed. 1994), p. 16 et 22.

17 AML, HH 320, Compagnie des Indes, correspondance entre la Chambre particulière et la Direction générale de Paris, lettre aux syndics Ponsainpierre et Bais, 17 mars 1665.

18 En février 1667, la Compagnie accuse un déficit de 1 794 270 L. Quatre premiers navires sont partis de Brest en mars 1665, suivis par deux autres armés au Havre en juillet ; dix ont quitté La Rochelle et un autre Saint-Malo en mars et décembre de l’année suivante ; enfin deux derniers vaisseaux sont partis de Port-Louis en mars 1668 ; Sottas J., op. cit., p. 33 et 38.

19 Bayard F, Vivre à Lyon sous l’Ancien Régime, Paris, 1997, p. 259 et 271.

20 AML, HH 303, Compagnie des Indes, documents divers, année 1668.

21 AML, HH 320, Compagnie des Indes, correspondance entre la Chambre particulière et la Direction générale de Paris, lettre aux syndics Ponsainpierre et Bais, 17 mars 1665.

22 Cormoreche S., op. cit.

23 Le Gouic O., op. cit., p. 74-77.

24 AML, HH 320, Compagnie des Indes, correspondance entre la Chambre particulière de Lyon et la Direction générale de Paris, 6 mars, 10 mars et 12 mai 1665.

25 Ibid., 6 et 10 mars 1665.

26 Ibid., 15 mai 1665.

27 AML, HH 328, Compagnie des Indes, « Journal d’achats et ventes pour Messieurs des Intéressés en la Compagnie des Indes Orientales sous la direction de la Chambre particulière de la ville de Lyon » commencé en 1665.

28 Ibid.

29 AML, HH 313, Compagnie des Indes, lettres de Port-Louis et de Nantes 1670-1672, Berryer et Grilleau, Port-Louis, 20 octobre 1670.

30 AML, HH 312, Compagnie des Indes, correspondance entre les directeurs de la Chambre de Nantes et la Chambre de Lyon pour les années 1669 et 1670 ; HH 313, Compagnie des Indes, lettres de Port-Louis et de Nantes 1670-1672 ; HH 320, Compagnie des Indes, correspondance entre les syndics de la Chambre particulière de Lyon et de celle de Nantes pour les années 1669 et 1670 ; HH 321, Compagnie des Indes, correspondance entre les syndics de la Chambre particulière de Lyon et celle de Nantes pour les années 1671 à 1676.

31 AML, HH 313, Compagnie des Indes, lettres de Port-Louis et de Nantes 1670-1672, Guilhen de Port-Louis, 9 avril 1670.

32 Sottas J., op. cit., p. 54.

33 AML, HH 328, Compagnie des Indes, « Journal d’achats et de ventes pour Messieurs les intéressés en la Compagnie des Indes orientales sous la direction de la Chambre particulière de la ville de Lyon », commencé en 1665.

34 AML, HH 321, Compagnie des Indes, correspondance entre la Chambre particulière de Lyon et la Direction générale de Paris, 1682-1683.

35 Cormorèche S., op. cit.

36 AML, HH 312, Compagnie des Indes, correspondance entre les directeurs de la Chambre de Nantes et la Chambre de Lyon pour les années 1669 et 1670, 28 décembre 1669 ; HH 313, Compagnie des Indes, lettres de Port-Louis et de Nantes 1670-1672, 27 février 1672.

37 Cormorèche S., op. cit.

38 AML, HH 320, Compagnie des Indes, correspondance entre la Chambre particulière de Lyon et la Direction générale de Paris, 1665 ; lettre à Ponsainpierre et Bais, syndics à Paris, 6 mars 1665.

39 528 navires quittent le port breton entre 1720 et 1769, représentant près de 330 000 tx. Haudrère P., Les Compagnies des Indes orientales, trois siècles de rencontre entre Orientaux et Occidentaux, Paris, 2006, p. 247.

40 Ibid., p. 248.

41 CCIL, reg. des délibérations (1702-1703), fo 23 à 29, 20 août 1702.

42 Ibid., fo 52, 16 décembre 1702.

43 CCIL, reg. des délibérations (1704-1705), fo 143, 31 janvier 1705.

44 « Toutes les soies venantes des pays étrangers par mer ne pourront entrer dans le royaume que par le port de Marseille, et par le Pont de Beauvoisin, pour être conduites dans la ville de Lyon, sans exception de celles d’Avignon, lesquelles ainsi que les étrangères seront conduites dans la ville de Lyon, directement sans qu’entre les lieux par lesquels lesdites soies étrangères entreront et ladite ville de Lyon il puisse être fait aucune vente, débit et entrepôt desdites marchandises, à peine de confiscation d’icelles et des charrettes, chevaux, mulets, bestiaux et autres équipages. » Arrêt du Conseil du Roi du 23 juillet 1687.

45 CCIL, reg. des délibérations (1708-1715), 14 juin 1710.

46 AML, HH 350, « Registre pour servir à l’enregistrement des actions de la Compagnie des Indes qui doit être fait dans cette ville par les Directeurs des comptes de la banque de la ville de Lyon ; fait par Pierre Cholier, chevalier baron d’Albigny, conseiller du Roy, Président en la Cour des Monnaies, Sénéchaussée et Présidial de Lyon », 1721.

47 ADR, Actes notariés, 3E 6914b, Patrin, fo 16, procuration de Huguette Breteau à Dufour Mallet et Cie, 16 janvier 1753.

48 ADR, Actes notariés, 3E 2858, Bertholon, procuration de Jean Michel Jandin à Antoine Vauclaire, 30 mars 1737 ; 3E 3217b, Cabaret, procuration en blanc de Joseph Fontenay, 8 octobre 1759 ; 3E 3220a, Cabaret, procuration d’Étienne Devillas à Louis Julien, 30 mars 1762.

49 ADR, Actes notariés, 3E 3225, fonds Cabaret, procuration de Pierre Duc à Naville, 14 juillet 1770.

50 Le Bouëdec G., Les approvisionnements de la Compagnie des Indes (1737-1770). L’horizon géographique lorientais, thèse de iiie cycle, Paris iv, 1981, p. 411.

51 SHML, 1P 279b-38, correspondance adressée aux directeurs du port de Lorient, Jacques Benière à Godeheu d’Igoville, 23 décembre 1754.

52 SHML, 1P 292a-36, correspondance adressée aux directeurs du port de Lorient, fo 70-71, Tronchin et Camps à Lavigne-Buisson, 21 septembre et 26 octobre 1764.

53 Ibid., fo 50-51, Couderc et Passavant à Lavigne-Buisson, 25 juin et 16 juillet 1766.

54 Ibid., fo 53, Couderc et Passavant à Lavigne-Buisson, 5 novembre 1767.

55 Ibid., fo 55,56, 58 et 60, Couderc et Passavant à Lavigne-Buisson, 18 novembre et 2, 22 et 31 décembre 1768.

56 Ibid., fo 56, Couderc et Passavant à Lavigne-Buisson, 2 décembre 1768.

57 Ibid., fo 70, Tronchin et Camps à Lavigne-Buisson, 21 septembre 1764.

58 Ibid., fo 52, Couderc et Passavant à Lavigne-Buisson, 26 novembre 1766.

59 Ibid., fo 54, Couderc et Passavant à Lavigne-Buisson, 16 décembre 1767.

60 Ibid., fo 55, Couderc et Passavant à Lavigne-Buisson, 18 novembre 1768.

61 Ibid, fo 62, 64, 65 et 66, Couderc et Passavant à Lavigne-Buisson, 3 et 17 mars, 1er mai et 28 juin 1769.

62 Rambert G., op. cit., t. vi, p. 593-594.

63 Louis Dermigny estime ainsi que les piastres ont représenté en moyenne 40 % de la valeur des cargaisons transportées par les navires de l’armement Solier au cours des années 1780. Dermigny L., op. cit., t. 1, p. 137.

64 Rambert G., op. cit., t. vi, p. 604-605.

65 Ibid., t. VI, p. 615-616.

66 Compte d’achat et de cargaison de L’Agilité, 24 septembre 1781. Dermigny L., op. cit., t. 2, p. 30-61.

67 Compte d’achat de la cargaison et d’avitaillement du Consolateur, 31 décembre 1781. Ibid., t. 2, p. 146-174.

68 Compte d’achat de la cargaison de L’Intimité, du 12 mars 1786. Ibid., t. 2, p. 228-235.

69 Compte d’achat de la cargaison du Consolateur, du 14 avril 1786. Ibid., t. 2, p. 238-253.

70 Compte d’achat de la cargaison de L’Olympe, du 15 février 1787. Ibid., t. 2, p. 256-268.

71 Compte d’achat de la cargaison du Prince de Piémont, du 20 avril 1787. Ibid., t. 2, p. 270-300.

72 Compte d’achat de la cargaison du Roi de Sardaigne, 1788. Ibid., t. 2, p. 302-325.

73 Rambert G., op. cit., t. VI, p. 605.

74 Dermigny L, op. cit., t. 2.

75 Favier R., Les Européens et les Indes orientales au XVIIIe siècle. Aspects maritimes, commerciaux et coloniaux, Paris, 1997.

76 Conan J., La dernière Compagnie des Indes, Paris, 1942, p. 41.

77 Dermigny L., op. cit., t. 1, p. 251-255.

78 ADR, 8B 631-3, Auriol, Grand Livre D (1788-1793).

79 ADR, 1C 279, affaires économiques, procédure extraordinaire contre la veuve et frères Lescalier, 1718.

80 AMN, HH 219 – HH 222, Compagnie des Indes, vente, 1719-1722.

81 AMN, HH 226, Compagnie des Indes, ventes, 1733, lettre de Védier à M. de la Tour, 1732.

82 Cousquer C., Nantes, une capitale française des indiennes au XVIIIe siècle, Nantes, 2002, p. 37-38.

83 Nous avons d’ailleurs retrouvé un de ces imprimés parmi les papiers d’Antoine Lescalier. ADR, 1C 279, affaire économique, procédure extraordinaire contre la veuve et frères Lescalier, 1718.

84 Haudrère P., La Compagnie française des Indes (1719-1795), Paris, 1989, t. 2, p. 434.

85 En 1751 les marchands toiliers parisiens font part à la Chambre de Commerce de Lyon de leur intention de contester ce privilège. CCIL, reg. des délibérations (1749-1753), fo 136, 6 février 1751.

86 Les tableaux récapitulatifs des achats effectués par ces Lyonnais aux ventes de la Compagnie entre 1760 et 1769 et des montants des adjudications et des ventes peuvent être consultés en annexe de notre thèse, ainsi que ceux des achats et des adjudications des années 1772-1775, après la sus-pension du monopole ; Le Gouic O., Lyon et la Mer au XVIIIe siècle, Thèse, Lorient, 2009, annexes 3 à 5, p. v-xi.

87 Haudrère P., La Compagnie française des Indes..., op. cit., t. 2, p. 417.

88 Les 15 lots de soie de Nankin sont composés de 300 moches « pesant net 2 541 livres » et les 3 lots de rotin sont « répartis en 104 paquets [3 lots de 30, 29 et 45 paquets] pesant ensemble brut 10 471 livres ». SHML, 1P 257-7, fo 8 et 3, bons de livraison des marchandises adjugées à M. Berger, 17 et 13 octobre 1764.

89 SHML, 1P 257-7, fo 61, grand livre de la vente du 8 octobre 1764.

90 Le Gouic O., Lyon et la Mer..., op. cit., annexe 3, p. viii.

91 Ibid., annexe 4, p. ix.

92 Les marchands toiliers lyonnais estiment en 1751 que les frais dus aux voyages surenchérissent de 58 l.t. en moyenne le prix brut d’un quintal de cotonnades des Indes par rapport à ce que paye un Parisien : 18 l.t. de douane de Lorient, 4 l.t. de droits locaux, 14 l.t. de voiture « de plus qu’à Paris », 10 l.t. de « différence qu’il y a des assortiments destinés pour Paris, qui sont en marchandises beaucoup plus fines que ceux pour Lyon qui sont plus ordinaires », 3 l.t. de « frais de voyage de plus que les négociants de Paris dans l’éloignement », 9 l.t. de voitures « pour envoyer les marchandises dans les provinces des cinq grosses fermes ». CCIL, reg. des délibérations (1749-1753), réponse des marchands toiliers lyonnais aux marchands toiliers parisiens jointe au procès verbal de délibération du 6 février 1751, fo 142, « Tableau des frais que font les mousselines, toiles de coton de la Compagnie des Indes aux négociants de Lyon ».

93 Haudrère P., La Compagnie française des Indes..., op. cit., t. 2, p. 417.

94 Les plus gros achats de cotonnades sont faits par Paris (1,3 millions de livres par an en moyenne), Genève (480 000 l.t.), Nantes (470 000 l.t.), Lorient (195 000 l.t.), Bordeaux (102 000 l.t.), Grenoble (86 000 l.t.) et Rouen (55 000 l.t.). Haudrère P., « La Compagnie des Indes et le com-merce des toiles indiennes », Jacque J., Nicolas B. (dir.) Féérie indienne, des rivages de l’Inde au royaume de France, Port-Louis, 2009, p. 20 ; Haudrère P., La Compagnie française des Indes..., op. cit., t. 2, p. 417.

95 CCIL, reg. des délibérations (1749-1753), réponse des marchands toiliers lyonnais aux marchands toiliers parisiens jointe au procès verbal de délibération du 6 février 1751.

96 Le Gouic O., Lyon et la Mer..., op. cit., annexe 3, p. v-vi.

97 Les 7 lots de Mièvre l’aisné sont payés 15 592 l.t. 10 s., les 20 lots de Reycend et Cie 50 470 l.t. 18 s. et les 11 lots de Dutreul Colomès et Grimaud, auxquels s’ajoutent cinq lots de soie, 70 890 l.t. 13 s. SHML, 1P 29, registre du contrôle de la vente de 1761.

98 SHML, 1P 35 à 1P 38, registres du contrôle des ventes, 1766-1769.

99 SHML, 1P 38, registre du contrôle de la vente de 1769.

100 Le Gouic O., Lyon et la Mer..., op. cit., annexe 4, p. ix-x.

101 SHML, 1P 40 à 1P 44, registres du contrôle des ventes, 1772-1776.

102 SHML, 1P 36, registre du contrôle des ventes, 1767, fo 73-74, achats de Floret et Faure ; 1P 37 registre du contrôle des ventes 1768, fo 142, achats de Roch et Delphin ; fo 144, achats de J.-B. Rey.

103 Brigitte Nicolas classe les toiles de coton blanches, « par ordre croissant de finesse » : les salempouris et les garas (« grossières »), les bafetas (ordinaires), les guinées (fines) et les percales (très fines). Nicolas B., « La Compagnie des Indes et le textile indien », dans Le Bouëdec G., Nicolas B., Le goût de l’Inde, op. cit., p. 22-24.

104 Philippe Haudrère estime qu’après 1765 les importations de soie dépassent livres de soie par an (31 874 livres de soie Tany et 32 370 livres de soie de Nankin). Haudrère P., La compagnie française des Indes..., op. cit., t. 2, p. 466.

105 SHML 1P 38, registre de contrôle de la vente de l’année 1769.

106 CCIL, reg. des délibérations (1749-1753), fo 64-65, mémoire joint au procès verbal du 23 août 1749.

107 Pilloix A.-P., La garde-robe des Lyonnais de 1680 à 1782, mém. maîtrise, Lyon, 2000, 159 p.

108 70 % des jupes sont en coton ainsi que 55 % des jupons, 62 % des tabliers, 31 % des robes, 87 % des mantelets, 81 % des casaquins, 71 % des corsets, 80 % des déshabillés, 14 % des vestes. Ibid., p. 116-117.

109 1680-1682 : 3,1 % des pièces de vêtement sont en coton ; 1730-1732 : 14,3 % ; 1780-1782 : 22,1 %. Ibid., p. 28.

110 Ibid., p. 34 et p. 28.

111 Ibid., garde-robes masculines, p. 49-57 ; garde-robes féminines, p. 60-72 ; vêtements d’extérieur, p. 83-87 ; vêtements d’intérieur, p. 87-89.

112 Pour la période 1780-1782, 20 % des jupes, 23 % des jupons, 46 % des robes, 37 % des bas, 27 % des robes de chambre, 19 % des vestes, 8 % des culottes et 6 % des habits sont en soie. Ibid., p. 116-117.

113 Pour la période 1730-1732, 14,3 % des pièces de vêtements répertoriées sont en coton et 2,1 % seulement en indienne. Ibid, p. 28.

114 ADR, 1C 249, Intendance et Généralité du Lyonnais, Justice, affaires de contrebande, Antoine Grobié, premier procès verbal d’interrogatoire, 22 décembre 1726.

115 ADD, B 1304, commission du conseil de Valence, jugements souverains (1733-1771), no 123 et no 287.

116 ADR, 5C 2, Douane de Lyon, 8 avril 1758.

117 ADR, 5C 12, Douane de Lyon, procès verbaux de saisies d’indiennes et de toiles peintes (1756), 7 avril 1756.

118 Ibid., 1er février 1756.

119 Ibid., 11 mars 1756.

120 Ibid., procès verbaux de saisies de mouchoirs des Indes (1756), 23 avril 1756.

121 ADD, B 1304, commission du conseil de Valence, jugements souverains (1733-1771), no 98, 6 mars 1741 ; no 201, 2 décembre 1743 ; no 241, 22 mai 1748 ; no 260, 3 juin 1752 ; no 287, 14 septembre 1754.

122 Ibid., no 93, 11 août 1739.

123 CCIL, reg. des délibérations (1760-1765), fo 9, 10 janvier 1761.

124 CCIL, reg. de correspondance (1741-1780), fo 196-197, lettre à Pernon, député du commerce, 23 avril 1774.

125 Depitre A., op. cit., introduction, p. I.

126 CCIL, reg. des délibérations (1702-1703), fo 23-29, 20 août 1702.

127 Chassagne S., Le coton et ses patrons, France 1760-1840, Paris, 1991, p. 75-80.

128 CCIL, registre des délibérations (1749-1753), fo 57, mémoire joint au procès verbal du 23 août 1749.

129 Ibid., fo 58.

130 Depitre A., op. cit., p. 195.

131 CCIL, reg. délibérations (1756-1759), fo 24-27, mémoire sur la tolérance des étoffes prohibées, 11 mai 1757.

132 CCIL, reg. délibérations (1749-1753), fo 55, mémoire joint au procès verbal du 23 août 1749.

133 Ibid., fo 62.

134 ADR, 8B 877, Fière et Cie, carnet d’échantillons d’indiennes.

135 Chassagne S., Oberkampf un entrepreneur capitaliste au siècle des Lumières, Paris, 1980, p. 163.

136 CCIL, reg. de correspondance (1741-1780), fo 241, lettre à l’Intendant du commerce, 6 mars 1778.

137 Etayo Pinol M. A., « L’image des Indes occidentales à Lyon en 1645 à travers le récit de voyage de Guillaume Coppier, Lyonnais », Sanchez J-P. (dir.), Dans le sillage de Colomb. L’Europe et la découverte du Nouveau Monde, 1450-1650, Rennes, 1995.

138 Pelletier A., Rossiaud J., bayard F., Cayez P., Histoire de Lyon des origines à nos jours, Lyon, 2007, p. 539.

139 Bayard F., Vivre à Lyon..., op. cit., p. 247.

140 Tranchand L, Le lit à Lyon, dans le Lyonnais et le Beaujolais, de 1730 à 1732, mém. maîtrise, Lyon, 1995.

141 Pilloix A.-P., op. cit.

142 Zaccardelli S., Les œuvres d’art dans les maisons lyonnaises d’après les inventaires après décès aux XVIIe et XVIIIe siècles, mém. maîtrise, Lyon, 1995.

Notes de fin

1 Les valeurs reportées dans ce tableau correspondent aux valeurs déclarées dans les états des cargaisons. Elles incluent les coûts de conditionnement, de transport et de chargement des marchandises

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