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L'antifascisme en France

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Gilles Vergnon

Chapitre IV. Antifascisme, guerre et Résistance, 1935-1945

Texte intégral

1L’antifascisme, tel qu’il s’instille progressivement dans les gauches françaises, surtout communiste et socialiste, est à la fois, nous avons tenté de le montrer, un répertoire d’action collective, un registre de discours et un mythe mobilisateur, qui articule trois pans : la défense de la République et d’un mouvement ouvrier qui en est simultanément le rempart et l’aile marchante, par l’unité des gauches, et pour la paix.

  • 1 Voir la synthèse d’Yves Santamaria, Le pacifisme, une passion française, Paris, Armand Colin, 2005

2Nous n’avons pas encore abordé ce dernier point, au cœur de la « synthèse antifasciste ». L’antifascisme, en effet, se greffe sur le pacifisme diffus qui imprègne l’opinion publique depuis la fin de la Grande Guerre, ou plutôt, sur les différents pacifismes qui se partagent ce champ : pacifisme briandiste, pacifisme révolutionnaire, pacifisme « intégral »1. Dans son usage « antifasciste », le pacifisme postule en même temps que « le fascisme, c’est la guerre », pointant sans difficulté mais non sans lucidité, le rôle central que joue l’exaltation guerrière et le projet impérial dans la rhétorique fasciste et nazie, mais simultanément que « la guerre, c’est le fascisme », renvoyant au fascisme tout dispositif de préparation militaire et, a fortiori, toute diplomatie visant à protéger, par des pactes ou accords de défense, le pays d’éventuelles menaces extérieures, au risque d’un conflit armé.

  • 2 Tract du CVIA, ALDH Rés. 74. Le meeting présidé par Paul Rivet, annonce des interventions du « pro (...)
  • 3 « Contre la guerre », Vigilance, 11, 20 novembre 1934.
  • 4 « Nous voulons la paix », ibid., 13, 20 décembre 1934.

3Le CVIA organise ainsi le 29 juin 1934 un « grand meeting » de protestation contre le vote d’une loi organisant la « résistance passive aux attaques aériennes » qui « embrigaderait » la population en temps de paix et offrirait « des milliards aux marchands de masques et de béton ». La conclusion est nette et tranchante : « Pas de fascisme sous prétexte de défense nationale2. » Le 20 novembre, le comité réitère que « l’antifascisme ne peut être la justification d’aucune guerre » et que, quel qu’en soit le prétexte, « la lutte contre le fascisme n’est jamais une lutte contre un prétendu ennemi du dehors3 ». En décembre encore, il assure que « le fascisme mourra plus sûrement dans la paix que dans la guerre, de ses contradictions, de ses crimes, de son impuissance4 ».

  • 5 F. Monier, Le Front populaire, op. cit., p. 102.

4Cet axiome fondateur est mis à mal dès 1935 par les débats autour du pacte franco-soviétique, puis en 1936 par la guerre civile espagnole. L’éclatement du CVIA, suivi d’une crise dans la LDH où la minorité dénonce le « chantage antifasciste » qui fonde le quitus donné aux procès de Moscou, avant que les grandes crises internationales de l’année 1938 ne divisent profondément les gauches françaises, sont généralement analysés comme le révélateur de malentendus initiaux et comme le signe d’une fracture irrémédiable de la coalition antifasciste5.

  • 6 Cette caractérisation doit beaucoup aux réflexions de Thierry Hohl, À Gauche !…, op. cit., p. 135 (...)

5Nous préférons dire que la période 1936-1938 est marquée par la disjonction, lente et progressive, de trois pôles, imbriqués en 1934, voire encore en 1935 : un pôle antifasciste, qui se dissocie des pacifismes et de la proclamation révolutionnaire, un pôle pacifiste lui-même de moins en moins antifasciste, et un pôle révolutionnaire « lutte de classes », beaucoup plus restreint, qui recoupe en partie le précédent mais postule que si la révolution ne peut empêcher la guerre, celle-ci produira nécessairement la révolution6. En ce sens, nous préférons parler de décantation graduelle de l’antifascisme originel qui, confronté à une guerre qui vient et que l’on sent inéluctable, essaie d’en penser la nature particulière (ce n’est pas la réédition de 1914) et les nouvelles exigences qu’elle porte, une fois admise. On s’en doute, le milieu antifasciste se renouvelle profondément dans cette épreuve, tant dans ses énoncés que dans ses participants. Si la dynamique de ce « nouvel antifascisme » ou de cet antifascisme affiné et épuré se brise sur les conséquences du pacte germano-soviétique, on doit s’interroger sur l’héritage qu’il lègue à la Résistance, en termes d’hommes, de réseaux comme de registres de discours. Ce sera l’objet de la seconde partie de ce chapitre.

L’antifascisme et la guerre

Du pacte franco-soviétique à la guerre d’Espagne

  • 7 Otto Bauer, Fiodor Dan, Amédée Dunois et Jean Zyromski, L’Internationale et la guerre, Paris, Nouv (...)
  • 8 O. Bauer, F. Dan…, op. cit., p. 19.
  • 9 Ibidem, p. 23.
  • 10 Marceau Pivert, La Révolution avant la guerre, Paris, Nouveau Prométhée, septembre 1935.
  • 11 Plate-forme de la Gauche révolutionnaire, reproduite dans Jean-Pierre Rioux, Révolutionnaires du F (...)
  • 12 Nous suivons Thierry Hohl dans son analyse de la Gauche révolutionnaire comme participant d’une «  (...)
  • 13 Voir l’analyse pointue de Vincent Chambarlhac, « Pacifisme révolutionnaire et culture de guerre. L (...)
  • 14 V. Chambarlhac, « Pacifisme révolutionnaire et culture de guerre… », art. cit.
  • 15 Sur la guerre d’Espagne voir Bartolomé Bennassar, La Guerre d’Espagne et ses lendemains, Paris, Pe (...)
  • 16 Voir les exemples relevés par Maurice Moissonnier dans l’agglomération lyonnaise, Le Mouvement ouv (...)

6La signature, le 2 mai 1935, du « pacte d’assistance mutuelle » franco-soviétique, marque une pierre d’achoppement dans la constitution d’une coalition antifasciste. D’un côté, elle accélère l’intégration nationale du PCF et facilite l’accord avec les radicaux, de l’autre elle cristallise la constitution d’un pôle révolutionnaire critique du Front populaire, associant syndicalistes révolutionnaires, trotskistes, surréalistes, libertaires et autres dissidents communistes. Elle précipite aussi la scission du courant « Bataille socialiste » de la SFIO et la naissance de la « Gauche révolutionnaire ». Alors que le retour de la Sarre au Reich en janvier 1935 et le rétablissement du service militaire obligatoire en Allemagne en mars 1935 rouvrent le débat à gauche sur l’attitude à tenir en face de la guerre, la majorité de ses acteurs politiques se positionnent en référence au souvenir de la Grande Guerre : pacifisme « pur » de quelques-uns, « défaitisme révolutionnaire » d’autres, pacifisme briandiste qui n’exclut pas l’acceptation de la défense nationale de la majorité des socialistes et des radicaux. C’est toute l’originalité de la brochure L’Internationale et la guerre signée par le socialiste autrichien Otto Bauer, le menchevik russe exilé Fiodor Dan, les socialistes français Amédée Dunois et Jean Zyromski, que de développer une position originale qui, comme le note Thierry Hohl, « réaménage l’antifascisme et le pacifisme traditionnels »7. Les auteurs, considérant qu’une situation nouvelle impose de « se libérer à temps de l’emprise d’idées traditionnelles », estiment que le prochain conflit opposera l’Allemagne « national-fasciste » et ses alliés à une coalition rassemblant les grandes démocraties ouest-européennes et l’URSS. Dans cette configuration, « s’il fait le vœu que l’Allemagne sorte vaincue de la guerre qu’elle aurait déchaînée, le socialisme ne saurait désirer que l’armement nécessaire manquât aux adversaires de celle-ci8 ». Sans se rallier à une hypothétique Union sacrée, il faut « exhorter les prolétaires à faire leur devoir » au sein d’une armée réformée et épurée, et à utiliser « les péripéties de la guerre comme des points d’appui pour transformer la défense nationale en défense révolutionnaire et jacobine ». Quant à l’Union soviétique, les auteurs tablent sur une transformation démocratique de son régime au feu de la guerre, sous condition d’en faire une « guerre révolutionnaire, une guerre de propagande, une guerre propre à déchaîner la révolution prolétarienne en Allemagne9 ». Il ne s’agit donc pas (ou plus), de « transformer la guerre impérialiste en guerre civile » selon la formule léniniste consacrée, mais de transformer une guerre, qui n’est déjà plus vraiment « impérialiste » mais de défense nationale (et de défense de l’Union soviétique) en une guerre révolutionnaire, tremplin vers le pouvoir. Peu discutée dans les rangs de l’Internationale ouvrière et socialiste, en dépit de ses prestigieuses signatures, la brochure joue le rôle de catalyseur dans la discussion interne à la SFIO. Dans sa réponse, La Révolution avant la guerre, Marceau Pivert récuse la perspective générale tracée par ses camarades : on ne peut attendre que la révolution sorte de la guerre, qui conserve tout son caractère « impérialiste », il faut faire la révolution avant que n’éclate la guerre, et contre elle10. Dans ces conditions, l’antifascisme, tronqué, demeure limité à son versant intérieur, national et n’est plus le moteur principal d’une dynamique révolutionnaire qui se reporte sur la lutte contre la guerre. La plate-forme constitutive de la « Gauche révolutionnaire », nouvelle tendance de la SFIO crée en septembre 1935 conserve la référence antifasciste : « Le Parti socialiste doit transformer la défensive antifasciste en offensive contre le capitalisme et rassembler les masses laborieuses sous son drapeau11. » Mais la lutte « contre la guerre et l’Union sacrée » sous le mot d’ordre « Si tu veux la paix, prépare la révolution » prend désormais la place principale. La Gauche révolutionnaire, qui clive la coalition antifasciste sur un point décisif, est dans une position inconfortable : comme tendance du parti socialiste, elle participe au Front populaire bientôt candidat au pouvoir, comme groupe politique tourné vers l’extérieur du parti, elle participe à un pôle révolutionnaire en formation, hostile à toute forme de défense nationale12. Celui-ci se rassemble à Saint-Denis, les 10 et 11 août 1935, dans une conférence « Contre la guerre, contre l’Union sacrée, pour un nouveau Zimmerwald ». Y participent, outre Marceau Pivert, les syndicalistes révolutionnaires de La Révolution prolétarienne qui en forment l’ossature, les militants trotskistes, divers groupes communistes dissidents, l’Union anarchiste et des pacifistes intégraux de la Ligue internationale des combattants de la paix13. Si la conférence enregistre un succès d’affluence (500 à 800 présents, une centaine d’organisations), elle marque surtout le début de cristallisation d’un pôle révolutionnaire hétérogène, mais structuré par le refus de la guerre. Tous partagent une lecture de la situation de 1935 au miroir de 1914, c’est-à-dire, pour reprendre la formule de Vincent Chambarlhac, « au titre de la guerre qui fut, s’interdisant ainsi de penser celle qui vient14 ». Dès lors, le pôle révolutionnaire, tout en partageant au jour le jour les combats antifascistes dans leur dimension française, se différencie de façon croissante du pôle antifasciste, tout y en restant intégré par le truchement de la Gauche révolutionnaire de la SFIO. La guerre civile espagnole accélère et brouille tout à la fois ce reclassement, en entremêlant de manière inédite enjeux intérieurs et extérieurs. À la fois champ de bataille entre contre-révolution traditionaliste et révolution, entre réaction et république démocratique et modernisatrice, l’Espagne est aussi le théâtre où s’affrontent directement fascisme et antifascisme, dans la réalité comme dans les représentations que l’on s’en fait15. Les cartes, punaisées aux murs, de la péninsule ibérique, se multiplient chez les militants, le mouvement du front matérialisant la dynamique de l’affrontement16.

  • 17 C’est aussi le point de vue d’un écrivain comme André Chamson pour qui « il n’y a plus de guerre c (...)
  • 18 La Marsellesa, 1, 1938 cité par Rémi Skoutelski, L’Espoir guidait leurs pas. Les volontaires franç (...)

7Chez les communistes, le conflit accélère le double mouvement de « nationalisation » du parti et de fusion des deux dimensions de l’antifascisme, intérieure et extérieure. Pour eux, le camp franquiste n’incarne pas une coalition de forces issues de la société espagnole, mais n’est que l’agence ibérique des puissances fasciste et nazie17. Comme l’explique André Marty : « La guerre d’Espagne n’est pas une guerre civile, c’est la guerre d’un peuple attaqué par deux grands États, sans déclaration de guerre, due à la trahison d’une poignée de généraux et de factieux. C’est la guerre… pour assurer l’indépendance absolue et l’intégrité totale de l’Espagne, d’une Espagne entièrement libre de toute ingérence étrangère18… » Défendre la République espagnole en s’engageant dans les Brigades ou, plus simplement, en protestant contre la « non-intervention » du gouvernement Blum, c’est défendre en même temps la classe ouvrière espagnole, mais aussi l’Espagne comme nation, tout en contribuant à défendre la France, sa République et sa classe ouvrière. Le Peuple en armes, premier journal des « interbrigadistes » français résume bien l’entrelacement des motivations :

  • 19 R. Skoutelski, ibidem, p. 174.

« Ce qui nous a attirés sur vos champs de bataille, c’est, avant tout, la conscience que votre cause est la nôtre et celle des hommes libres du monde entier, et ensuite la volonté d’élever une protestation, pas seulement théorique, contre l’intervention des gouvernements fascistes d’Allemagne et d’Italie qui ont donné à la guerre civile d’Espagne le caractère d’une mêlée générale entre fascisme et antifascisme19. »

8Le « nous » peut en effet désigner aussi bien, selon la sensibilité du lecteur, le groupe ouvrier, les partisans du Front populaire (les « hommes libres » ?) que les Français en général, tous motivés par le contenu transnational d’un conflit qui oppose, selon la même ligne de front qu’en France, fascistes et antifascistes, et non « révolutionnaires » contre défenseurs de l’ordre établi.

  • 20 M. Vasquez Montalban, La Pasionaria, op. cit., p. 191.
  • 21 Maurice Thorez, « Front français et défense de l’Espagne », Cahiers du bolchevisme, 25 août 1936, (...)

9L’extension outre-Pyrénées de la « synthèse antifasciste » permet de multiples effets rhétoriques : Madrid devient « le Verdun de la liberté » ou « le Verdun de la démocratie », les interbrigadistes français de nouveaux « sans-culottes de Valmy », alors que la Pasionaria s’approprie immédiatement, dès le 19 juillet 1936, des formules d’origine française, comme le déjà fameux « ils ne passeront pas »20, et que le poing levé devient le signe de ralliement des républicains espagnols, toutes tendances confondues. Surtout, elle fait du PCF, au nom de l’antifascisme, le parti qui n’entend pas se dérober aux exigences de la défense nationale, prêt à faire du Front populaire un « Front français, un front du peuple de France contre le front de Coblentz moderne21 ».

  • 22 R. Skoutelski, L’espoir guidait leurs pas, op. cit., p. 200-201.

10Il est difficile de mesurer les effets de ce discours sur les 10 000 volontaires français des Brigades, à 80 % militants d’un parti ou d’un syndicat ouvrier. Rémi Skoutelski a bien montré la diversité des motivations des brigadistes, comme la diversité des regards qu’ils portent a posteriori sur les raisons de leur engagement, entre internationalisme révolutionnaire et patriotisme antifasciste. Il propose une explication synthétique qui lie les diverses raisons de s’engager au travers de la notion de communauté d’intérêt : pour la plupart des volontaires, il n’y a pas d’opposition entre la solidarité avec la République espagnole, la volonté de participer à une révolution et la défense d’un Front populaire français menacé par une victoire franquiste. Ce dernier, en intégrant mieux la classe ouvrière à la nation, est source d’un patriotisme inédit, mais sans doute réel et authentique22.

  • 23 Nous reprenons sur ce point les remarques de Serge Wolikow, « Les communistes face à la lutte armé (...)
  • 24 R. Skoutelski, op. cit., p. 271.
  • 25 La meilleure synthèse reste l’article de Gérard Roche, « Défense et contre-enquête en France », Ca (...)
  • 26 « Appel aux hommes », ibidem, p. 99-100.

11Quoi qu’il en soit, la guerre d’Espagne marque une étape nouvelle et probablement décisive de la translation qui fait du parti communiste la référence majeure de l’antifascisme. Un antifascisme qui acculture en son sein la notion de « lutte armée », découplée et différenciée de la notion classique d’« insurrection armée », jusque-là référence majeure des communistes23. Cela ne va pas sans difficultés : le positionnement, même hésitant, du PCF comme « parti de la guerre » provoque une nouvelle vague d’hostilité à son égard, à droite bien sûr, mais aussi à gauche où l’on dénonce les « soviets sac au dos ». Henri Rol-Tanguy, de retour d’Espagne, interpellé dans son syndicat CGT (« Ah voilà le traîneur de sabre ! »), rappelle que « l’antimilitarisme brocardeur »24, bien ancré dans la société ouvrière, intègre difficilement le nouveau visage de l’antifascisme. L’ouverture du premier procès de Moscou, en août 1936, brouille d’autant les cartes que L’Humanité monte en première ligne pour défendre la machination. Si les accusateurs staliniens trouvent peu de vrais contradicteurs, en dehors des trotskistes, et, à l’inverse, les accusés peu de défenseurs, le procès suscite incontestablement un malaise à gauche, surtout aux marges du dispositif antifasciste. Révolutionnaires et « pacifistes intégraux » sont au premier rang de la protestation25. Parmi les signataires de l’Appel aux hommes, qui exige la vérité sur le procès, on retrouve les grandes figures du pacifisme (Alain, Giono, Félicien Challaye, Victor Margueritte) comme du pôle révolutionnaire (André Breton, Maurice Dommanget, Robert Louzon, Pierre Monatte)26. Peu de signatures significatives sont issues du pôle antifasciste, en-dehors de Paul Rivet, cofondateur du CVIA, du député socialiste de Lyon André Philip et de Jules Romains. Comment en effet, à moins de produire une intellectualité nouvelle, combiner un antifascisme dont la logique mène à l’acceptation d’une guerre, avec comme allié potentiel mais nécessaire l’Union soviétique de Staline, tout en dénonçant la forfaiture des procès, et de ce qu’ils recouvrent ? C’était, il est vrai, bien difficile…

  • 27 Pour une synthèse récente, voir Serge Berstein, Léon Blum, Paris, Fayard, 2007.
  • 28 Thierry Hohl, À gauche, op. cit., p. 154 sq.
  • 29 Position proche de celle des trotskistes du POI qui appellent au « ravitaillement direct des ouvri (...)

12Les choses sont rendues plus complexes encore par la position du gouvernement de Léon Blum sur la non-intervention en Espagne. On connaît bien les termes du débat qui conduit le président du Conseil, la mort dans l’âme et non sans arguments, à ne pas honorer ses engagements officiels de fourniture d’armes à l’Espagne républicaine27. Mais cette décision affaiblit incontestablement la composante socialiste du pôle antifasciste et contribue encore, de fait, au renforcement de la composante communiste. Dans la SFIO, la non-intervention gouvernementale est, en effet, appuyée initialement par Marceau Pivert, minoritaire dans son propre courant, la Gauche révolutionnaire, mais aussi, plus surprenant, par la majorité de la Bataille socialiste, à l’exception de Jean Zyromski, qui démissionne à l’automne 1936 de la direction du journal28. Ce dernier se rapproche des différentes structures de solidarité impulsées par le PCF, avant de participer au Comité d’action socialiste pour l’Espagne (CASPE) animé exclusivement par des membres de la Gauche révolutionnaire (Michel Collinet, Colette Audry), dont l’antifascisme n’est pas le sien. Pour ces derniers en effet, la levée de l’embargo sur les armes à destination de l’Espagne républicaine est la seule exigence à formuler envers le gouvernement français, l’essentiel relevant de l’action autonome de la classe ouvrière29. Zyromski, à l’inverse, rejoint par Jean Longuet, croit davantage à la coordination de l’action entre les deux gouvernements, se refusant à toute critique envers le nouveau cabinet Negrin, dont les forces répriment, en mai 1937 à Barcelone, militants du POUM et anarchistes de la CNT. Le CASPE éclate à l’automne 1937 et Jean Zyromski, qui a entretemps réintégré sa tendance, retrouve son positionnement antérieur.

  • 30 Colette Audry et Hélène Modiano, « Pour une politique offensive et constructive contre la guerre e (...)
  • 31 Claude Jamet, Notre Front populaire. Journal d’un militant 1934-1939, Paris, La Table ronde, 1977.
  • 32 Ibidem, p. 300.
  • 33 8 août 1936, ibidem, p. 153.
  • 34 Ibidem, p. 159.

13Quant à la Gauche révolutionnaire, exclue au congrès de Royan du parti socialiste en juin 1938, elle continue de conjuguer un antifascisme à usage exclusivement interne, avec un « pacifisme révolutionnaire » qui entend se distinguer à la fois du « pacifisme d’abdication » et de « l’antifascisme belliqueux »30. Cette position accentue son intégration au sein du pôle révolutionnaire, dont elle devient, après son exclusion et la constitution du parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP) la composante majeure. Mais elle l’éloigne, tant du mainstream socialiste que de ceux qui font du pacifisme « pur » la motivation centrale de leur engagement. L’itinéraire d’un Claude Jamet, retracé dans son Journal d’un militant, est, à cet égard, riche d’enseignements31. Cet élève d’Alain, jeune professeur de lettres à Bourges en 1934, puis à Poitiers en 1935, radicalisé par le 6 février 1934, devient vite le pilier départemental du CVIA, le « maître Jacques de l’antifascisme et du pacifisme poitevin »32. Proche un temps des communistes, il s’en éloigne à compter de l’été 1936, refusant la mutation de leur antifascisme en « anti-hitlérisme à peu près exclusif, et de plus en plus flambant » au nom d’un Front français « qui est d’avance, exactement, l’Union sacrée, contre Hitler et au service de l’URSS33 ». En accord avec la non-intervention, ce « croisé » de l’antifascisme adhère le 25 août à la SFIO, espérant redresser ce parti « pacifique dans sa ligne générale » dans le sens d’un « pacifisme suffisant »34. À cette date, cet admirateur de Blum conjugue encore antifascisme radical, pacifisme et révolution. Mais, en 1937, son positionnement devant la guerre d’Espagne révèle la difficulté croissante de faire tenir ensemble les trois éléments de sa synthèse. Considérant que la non-intervention, qui a sauvé l’Europe de la guerre, n’est que « la première moitié du devoir », il s’affirme pour une paix immédiate en Espagne :

  • 35 Front populaire de la Vienne, 13 février 1937, ibidem, p. 182-185.

« Nous n’avons pas voulu sacrifier l’Europe – ou le monde – à l’Espagne. Mais faut-il sacrifier l’Espagne maintenant à la paix de l’Europe ? Non. Nous voulons la paix partout, et en Espagne. La paix est aujourd’hui la seule arme qui peut sauver l’Espagne. “Des avions, des canons ?” Non : la paix pour l’Espagne35 ! »

  • 36 Front populaire de la Vienne, 12 juin 1937, ibidem, p. 197.
  • 37 « Misère et grandeur du parti », 14 juillet 1937, ibidem, p. 212.
  • 38 M. Moissonnier, Le mouvement ouvrier rhodanien dans la tourmente, op. cit., p. 347.

14Sa proclamation antifasciste, initialement dépourvue de qualificatifs, s’assortit désormais de commentaires qui admettent l’existence de plusieurs formes d’antifascisme, au degré d’authenticité inégal. Méfiant à l’égard « d’une certaine forme d’antifascisme ou plutôt d’antihitlérisme braqué, qui ne voit plus dans le monde que l’Allemagne et dans l’Allemagne que Hitler », il assure que « l’antifasciste véritable est – doit être – pacifiste, intégralement »36. Méfiant à l’égard d’une Gauche révolutionnaire dont il partage cependant les principaux postulats (la révolution et un pacifisme, qui, reconnaît-il, « est pour lui le principal ») parce qu’il la juge dès 1937 en-dehors du parti37, Claude Jamet voit, dès avant la crise tchécoslovaque, son engagement s’orienter dans le sens d’un pacifisme inconditionnel. Si tous les contacts ne sont pas rompus, comme en témoigne encore ce meeting lyonnais contre l’antisémitisme qui associe en juin 1938 André Philip (pour la LICA), le communiste Camille Vallin et l’ultra-pacifiste Léon Emery (pour la LDH)38, les pôles du pacifisme et de l’antifascisme tendent à une dissociation croissante.

  • 39 A. Chamson, « Le vrai pacifisme », Vendredi, 12 février 1937 in Les livres de la guerre, op. cit.

15Significativement, de même que Claude Jamet doit désormais qualifier son antifascisme, André Chamson, en sens inverse, parle en 1937 du « vrai pacifisme », jugeant rétrospectivement n’avoir pas « su être ces pacifistes capables de sauvegarder l’avenir39 ».

L’antifascisme au miroir de Munich

  • 40 Geneviève Valette et Jacques Bouillon, Munich 1938, Paris, Armand Colin, « Kiosque », 1964 ; Chrys (...)
  • 41 Y. Lacaze, op. cit., p. 585 sq.
  • 42 Ibidem, p. 499.
  • 43 Ibidem, p. 608.
  • 44 Michel Winock, « L’esprit de Munich », L’Histoire, « Les années trente de la crise à la guerre », (...)

16La crise de Munich et son appropriation par l’opinion ont fait l’objet depuis plusieurs décennies de nombreux travaux de qualité, synthétisés et complétés en 1991 par la thèse érudite d’Yvon Lacaze40. Celui-ci, après d’autres, a montré que l’opinion se partage selon un découpage quadripartite inédit dans sa netteté, qui sépare à gauche et à droite « résistants » et appeasers, « antimunichois » et « munichois » ou « bellicistes » et « pacifistes » pour reprendre la terminologie de l’époque. Il distingue ainsi une « gauche antifasciste » (le PCF, Léon Blum et les « zyromskistes » du PS, la majorité de la Ligue des droits de l’Homme) et une « droite résistante » (Georges Bidault, Henri de Kérillis, des intellectuels comme Philippe Lamour ou Henri de Montherlant), toutes deux opposées à une gauche pacifiste (ce qui reste du CVIA, le SNI, les « paul-fauristes » de la SFIO, le gros des troupes du radicalisme) campant pour l’occasion sur le même terrain qu’une droite « ralliée »41. Les premiers, très minoritaires au Parlement, le sont aussi, mais à un degré moindre, dans le pays, où ils ne parviennent pas à mobiliser les « forces profondes » chères à Jean-Baptiste Duroselle : le monde catholique, les milieux d’affaires, le syndicalisme ouvrier comme la nébuleuse anciens combattants et le monde paysan approuvent globalement Munich au nom d’un pacifisme a minima, qui ne contredit, selon les cas, ni le patriotisme ni l’antifascisme. Le communiste Renaud Jean est bien obligé de reconnaître, à son corps défendant, le « soulagement » après Munich des lecteurs de La Terre, l’hebdomadaire du PCF destiné aux paysans42. Pour autant, Yvon Lacaze montre bien que la tendance générale va dans le sens de la remobilisation du pays, avec la décantation progressive des « munichois » de raison qui rejoignent le consensus du refus de toute nouvelle agression allemande : le pacifisme explicite est devenu minoritaire en 193943. Il n’existe pas de raison sérieuse de remettre en cause cette grille de lecture, assortie souvent du diagnostic de la « double faillite » d’une gauche n’assumant pas jusqu’au bout les implications de l’antifascisme et d’une droite n’assumant pas sa vocation de défense nationale44.

  • 45 Voir notre article, « Bellicistes de gauche : Paul Nizan et les intellectuels anti-munichois », Ad (...)

17Des zones d’ombres demeurent, cependant. Les « bellicistes » de gauche sont beaucoup moins connus et étudiés que les « pacifistes »45. On ne sait finalement pas grand-chose, nonobstant le poids écrasant du PCF en son sein, du courant intellectuel qui entend conjuguer antifascisme et défense de la République. La fracture qui partage la SFIO entre « blumistes » et « paul-fauristes » est bien connue, mais généralement d’un point de vue qui privilégie son expression nationale, dans la presse et les motions de congrès. Le changement d’échelle montre des combinaisons locales et des itinéraires militants beaucoup plus complexes. Le même constat peut être formulé à propos de la CGT, qui tient son dernier congrès d’avant-guerre à Nantes les 14-17 novembre 1938, comme de la LDH. Enfin, il faut revenir sur une question capitale : se dresse-t-on vraiment contre Munich au nom de la « paix », en refusant, comme l’affirme hautement le PCF, le dilemme « guerre ou capitulation », ou essaie-t-on enfin, et avec quel outillage intellectuel, de regarder en face et de penser la guerre qui vient ?

Vecteurs de mobilisation, lieux de contradiction : CVIA, LDH, CGT et SFIO

  • 46 ALDH 798/14.

18La Ligue des droits de l’Homme fut un des vecteurs majeurs, le plus important peut-être, de l’antifascisme républicain de 1934-1935. À l’apogée de sa puissance avec 170 000 adhérents en 1938, elle représente bien, selon l’expression d’Albert Bayet, une « sorte d’opinion de gauche moyenne » et un bon instrument de mesure des débats en son sein. Le débat qui, au congrès d’Avignon en juillet 1938, oppose le pacifiste Georges Pioch et le belliciste Albert Bayet, donne sur le vif une idée de l’argumentaire employé46. Au premier pour qui « les droits de l’Homme doivent l’emporter sur les droits des citoyens », et qui clame que l’Espagne, ni républicaine ni fasciste, veut simplement « vivre », répond le second pour lequel « quand les pacifistes capitulent, la guerre avance » :

« Dire “nous sommes contre toutes les guerres”, c’est condamner l’Espagnol qui se défend. Vous avez dit “ils sont morts pour rien”. Ils sont morts pour le même idéal que ceux qui ont pris la Bastille en 1789, pour tout ce que nous aimons. »

  • 47 Cahiers des droits de l’Homme, 1-15 octobre 1938, ALDH 798/69.
  • 48 Les propos de René Gérin sont, d’après le compte-rendu publié, accueillis par des « protestations  (...)
  • 49 Intervention de Ferdinand Corcos et d’Henri Guernut, ibidem.
  • 50 Cahiers des droits de l’Homme, 15 mai 1939, ibidem.
  • 51 Motion de la section du Buisson (Dordogne), 18 juin 1939, ALDH F delta 798/143 ; demande d’interve (...)
  • 52 Circulaire aux fédérations, 16 juin 1939, ALDH Fdelta 798/69.

19Le débat rebondit après Munich, au comité central du 6 octobre où s’opposent pacifistes, résistants et « bellicistes » conséquents47. Chez les premiers, les déclarations d’Émile Kahn et surtout René Gérin, secrétaire de la LICP et grande figure du pacifisme extrême qui déclare « accepter dans tous les cas la guerre civile, mais repousser dans tous les cas, la guerre étrangère » et ajoute que les Autrichiens, « si l’on excepte les juifs odieusement persécutés » sont « beaucoup moins malheureux depuis l’Anschluss » car « le chômage a diminué et la vie est beaucoup plus facile que sous le gouvernement Schuschnigg », montrent bien l’incompatibilité croissante entre antifascisme et pacifisme intégral48. La nouveauté, c’est que s’y opposent, en plus de la position médiane défendue par Victor Basch et Marius Moutet insistant sur la préparation d’une conférence internationale, des délégués qui affirment que « bien loin de désarmer, il faut que la France intensifie ses armements jusqu’au point où ils inspireront le respect à ses adversaires » ou, comme Henri Guernut, qu’il faut « être armés pour faire respecter le droit »49. En 1939, Maurice Viollette, rapportant au comité central de la Ligue sur « le problème de la paix » affirme sans détour que « la force n’a peur que de la force » et qu’il « n’y a pas d’autre argument en présence des bêtes féroces que de ne pas les craindre50 ». Alors que la minorité pacifiste semble affaiblie, se multiplient motions et prises de position, à l’image de cette section de Dordogne qui exige la répression des menées « antifrançaises et fascistes », liant ainsi explicitement patriotisme et antifascisme ou de la section de Miribel (Ain) rappelant que « la doctrine des droits de l’Homme est, non une doctrine de paix, mais une doctrine de guerre51 ». En parallèle, la LDH développe des campagnes communes avec le Rassemblement universel pour la paix (RUP) qui, à compter du printemps 1939, deviennent systématiques. Victor Basch invite ainsi les fédérations départementales de la Ligue à souscrire et à s’associer au rassemblement prévu le 2 juillet pour « le retour à la sécurité collective et la collaboration avec l’Amérique », indiquant que « rien ne contribuerait aussi efficacement à la sauvegarde de la paix qu’une affirmation éclatante de l’accord entre la nation française et les États-Unis52 ».

  • 53 Voir, pour une présentation synthétique, Rachel Mazuy, « Le RUP, une organisation de masse ? », Ma (...)
  • 54 Circulaire du RUP, avril 1939, ALDH 768/69.

20Le RUP, créé en 1936, sans doute par les communistes, pour promouvoir la paix par la sécurité collective, est en 1938-1939 un second vecteur de diffusion d’un antifascisme renouvelé par la prise en compte de la menace nazie. Les travaux de Rachel Mazuy montrent bien l’évolution d’une organisation qui transite de l’apolitisme proclamé et du pacifisme « briandiste » vers l’antifascisme et qui, sans être une organisation de masse, est apte à construire une « mobilisation de masse » par l’agrégation de plusieurs réseaux où se côtoient ex-» Jeunes Turcs » du radicalisme (au premier chef Pierre Cot), partisans de la SDN (René Cassin, Joseph Paul-Boncour), ligueurs et communistes53. Le succès de ses initiatives, son osmose locale croissante avec l’ensemble des composantes des gauches comme son financement public par l’État sont autant d’éléments qui témoignent à nos yeux de l’acculturation dans le pays d’un antifascisme renouvelé qui entend prévenir les menaces intérieures et extérieures, tout en accordant une place croissante aux secondes. La ligne directrice du RUP au printemps 1939 (« soutenir l’action actuelle du gouvernement en faveur du rapprochement des États pacifiques hostiles au système d’agression54 ») recoupe à l’évidence la campagne du PCF, lui permettant aussi de se réinsérer dans le jeu politique, mais elle n’en fait pas, de même que les intellectuels pétitionnaires étudiés plus haut ne peuvent être réduits au statut de compagnons de route, une simple courroie de transmission de l’appareil communiste. Sa prise de position, à l’instar de l’UDIF (Union des intellectuels français), contre le pacte germano-soviétique, l’atteste.

21Si la LDH et le RUP sont davantage, tout en associant les deux aspects, des vecteurs de mobilisation que des lieux de contradiction, il n’en est pas de même du CVIA et, à une échelle moindre, de la CGT et de la SFIO, où les inconséquences et les apories de l’antifascisme s’expriment avec le maximum d’intensité. Les raisons sont à la fois semblables et différentes pour les trois organisations, le comité d’intellectuels, la confédération syndicale et le parti politique. Toutes trois comptent dans leurs rangs une forte composante où se combine pacifisme traditionnel et hostilité aux communistes.

  • 55 Antoine Prost, La CGT à l’époque du Front populaire, Paris, FNSP, 1964.
  • 56 Congrès confédéral de Nantes. Compte rendu sténographique, p. 221, 149 et 163 sq.

22C’est clair dans la CGT où Antoine Prost a mis en évidence la crainte du « noyautage » communiste chez des cadres syndicaux plus âgés, qui voient accéder aux responsabilités une « nouvelle génération » syndicale encadrée et souvent encartée au PCF, qui n’a pas vécu le basculement dans l’Union sacrée et la Grande Guerre et s’avance vers un nouveau conflit, sinon « sans réticences », du moins dans un rapport qui en saisit mieux la nouveauté55. Pourtant les débats du congrès confédéral de Nantes, en novembre 1938, marquent un début de redistribution des cartes. Le réformiste André Delmas (né en 1899), qui salue dans les accords de Munich un « soulèvement spontané des forces humaines » se situe sur le même terrain, en moins radical, que le syndicaliste révolutionnaire Gilbert Serret qui ne veut pas « sacrifier l’avenir du prolétariat pour la nation, la patrie et le reste » et refuse de devenir « un Sénégalais de Staline »56. À l’inverse, un Robert Lacoste, socialiste et alors responsable de la fédération des fonctionnaires, trouve, en affirmant que le sort des organisations démocratiques et ouvrières est lié à celui des États démocratiques, des accents communs avec le communiste Pierre Sémard (né en 1887) dont le discours plaide pour un antifascisme renouvelé :

  • 57 Ibidem, p. 286 et 242.

« Il n’y a rien de commun entre la situation du monde de 1938 et la situation du monde de 1914… Quand les ouvriers français se battent contre les fascistes de l’intérieur, ils se battent en connaissance de cause, c’est parce qu’ils veulent défendre les avantages acquis et les libertés conquises. Le même problème se pose quand nos revendications sociales et nos libertés sont attaquées par le fascisme de l’extérieur57. »

  • 58 Nicole Racine, « Le Comité de vigilance… », art. cit.
  • 59 Pierre Biquard, proche des socialistes, est responsable du CVIA pour la région parisienne ; Charle (...)
  • 60 « Déclaration pour le congrès », Vigilance, 65, 20 avril 1938.
  • 61 « Avenir du comité de vigilance », Ibidem.
  • 62 Nicole Racine, art. cit.

23Les choses sont plus évidentes encore au sein du CVIA, où une première crise éclate après la remilitarisation de la Rhénanie en mars 1936, opposant les partisans de la négociation avec Hitler qui rejettent toute sanction et les adeptes d’une « fermeté » encore mal définie58. Après le départ en juillet 1936 de la minorité pro-communiste de la direction (Jean-Richard Bloch, Marcel Prenant, Henri Wallon, André Wurmser) et l’abandon par Paul Rivet de la présidence du comité, le nouveau bureau du CVIA associe essentiellement des disciples d’Alain (Michel Alexandre) et des minoritaires socialistes (Magdeleine Paz, Hélène et René Modiano). Cela n’empêche pas le CVIA de se diviser à nouveau sur l’Espagne entre défenseurs de la non-intervention et partisans de la levée de l’embargo (Pierre Gérôme, le mathématicien Pierre Biquard et le critique littéraire Charles Mauron59) puis à propos de la montée des tensions en Europe. Au printemps 1938, Gérôme, Biquard et deux autres militants (François et Vattier) pointent explicitement la contradiction croissante entre « pacifisme extrême » et antifascisme, affirmant que « l’action du CVIA se dénature à tel point qu’elle ne peut plus être qualifiée d’antifasciste60 ». Leurs adversaires, il est vrai, continuent à vouloir associer pacifisme et antifascisme, mais c’est au prix d’une redéfinition de celui-ci qui l’éloigne de son sens et surtout de sa dynamique initiale. Pour Michel Alexandre, l’antifascisme ce n’est pas « un enrôlement sous une bannière avec obligation de lutte contre ceux d’en face, mais une défense de l’esprit public contre la crédulité, contre la contagion des mœurs et des procédés totalitaires, d’où qu’elle vienne61 ». Le départ à l’automne 1938 de personnalités fondatrices comme Pierre Gérôme et Paul Rivet, antifascistes de la première heure et pacifistes au sens traditionnel, la démission des sections de Strasbourg et des Alpes-Maritimes réduisent le CVIA à 3 500 adhérents en janvier 193962. À cette date, on peut estimer qu’il a de fait quitté l’espace de l’antifascisme pour n’être plus qu’une composante de la nébuleuse pacifiste et révolutionnaire.

24On retrouve des divisions semblables dans la SFIO, mais dans un rapport de forces différent qui place les deux courants à un niveau comparable.

  • 63 Jules Moch, Une si longue vie, Paris, Robert Laffont, 1976, p. 149.
  • 64 Jean-Pierre Azéma, De Munich à la Libération 1938-1944, Paris, Le Seuil, « Nouvelle histoire de la (...)
  • 65 J. Moch, Une si longue vie, op. cit., p. 150.
  • 66 Richard Gombin, « Socialistes et pacifistes », in René Rémond, Janine Bourdin (dir.), La France et (...)
  • 67 Sur les « paul-fauristes », nous renvoyons aux travaux de Noëlline Castagnez, en particulier son a (...)
  • 68 Nicolas Offenstadt, « Signer pour la paix… », art. cit.

25Le vote du groupe parlementaire socialiste sur Munich est connu et sans ambiguïté : à l’exception du député de la Côte-d’Or, Jean Bouhey, tous les élus approuvent le 4 octobre 1938 la déclaration de politique étrangère proposée par Daladier, même si une dizaine de « dissidents » doivent être convaincus in extremis par Léon Blum et Vincent Auriol de renoncer à exprimer leur opposition63. En fait, pour reprendre la typologie classique proposée par Jean-Pierre Azéma, une partie des élus socialistes relèvent, à l’image de Léon Blum lui-même, des « munichois d’occasion »64. Jules Moch, l’encre de son vote à peine sèche, entreprend une tournée dans sa circonscription où il dit, carte d’Europe centrale à l’appui, expliquer pourquoi la guerre est inévitable65. La tension croissante entre « bellicistes » et « pacifistes » oppose dès lors, selon des lignes de force bien connues, « blumistes » et « paul-fauristes »66. Ces derniers, issus du centre du parti, si l’on veut se conformer à la géographie traditionnelle des tendances, sont ralliés par ce qui reste dans le PS de son extrême gauche pivertiste exclue à Royan, regroupés dans la tendance « Redressement »67. Les premiers, s’ils entendent garder leurs distances à l’égard des tenants du pacifisme extrême comme du pacifisme révolutionnaire, tendent cependant à s’associer avec eux. On les retrouve mêlés dans les mêmes textes, comme la pétition « Nous ne voulons pas la guerre », qui mobilise paul-fauristes, proches de la Gauche révolutionnaire et du PSOP (dont Marceau Pivert lui-même), et pacifistes extrêmes, à l’image d’Alain et Jean Giono, dont les deux noms figurent en tête68. Du côté « blumiste », rallié par Jean Zyromski et ses amis qui en constituent l’aile marchande, émerge bientôt le thème du rassemblement pour faire face à l’hitlérisme. Il se décline néanmoins sur deux tons. Au congrès socialiste de Nantes, les 27-30 mai 1939, alors que Blum appelle au « plus large rassemblement possible… de forces antifascistes, de forces républicaines et de forces résolues à préserver et étendre, s’il se peut, le progrès social », Jean Zyromski rappelle que le « rassemblement français a ses limites » :

  • 69 Congrès de Nantes, compte-rendu sténographique, p. 907 et 983.

Nous les traçons clairement en déclarant que nous éliminons tous ceux qui ne veulent pas reconnaître la lutte nécessaire et solidaire contre le fascisme intérieur, contre le fascisme extérieur, mais également… il doit être appuyé sur le pivot de la classe ouvrière organisée… le rassemblement national antifasciste… est à l’heure actuelle l’élément déterminant et l’élément majeur d’une véritable politique socialiste69.

  • 70 Ibidem, p. 982.
  • 71 Ibidem, p. 132.
  • 72 Voir la notice sur André Ferrat dans le Cédérom « Maitron ».
  • 73 Comme le fait Richard Gombin, « Socialistes et pacifistes », art. cit., p. 258.
  • 74 Martine Pradoux, Daniel Mayer. Un socialiste dans la Résistance, Paris, Éditions de l’Atelier, « L (...)
  • 75 Jean Bouhey est député de la Côte-d’Or, François Camel de l’Ariège et Tanguy-Prigent du Finistère. (...)
  • 76 Voir les notices les concernant dans le Cédérom « Maitron » et Guillaume Piketty, Pierre Brossolet (...)
  • 77 Agir, 1, 1er février 1939.
  • 78 Georges Monnet, « Le devoir du parti. Le devoir du pays », Agir, 2, 15 février 1939.
  • 79 Léo Lagrange, « Le devoir socialiste », ibid., 5, 1er avril 1939.

26Pour lui la SFIO a pour fonction de regrouper autour d’elle « les forces vives et saines de la nation », voire de « recréer la nation… dissociée et désagrégée par l’égoïsme de la classe capitaliste70 ». À l’échelle internationale, le rassemblement antifasciste doit trouver son pendant dans un « barrage antifasciste sur le plan des États, de la diplomatie, que l’IOS doit promouvoir71 ». Ces positions rapprochent encore Jean Zyromski du parti communiste et il est facile aujourd’hui de les apprécier en fonction de son adhésion ultérieure, en 1945, au PCF. Mais elles n’en font pas nécessairement, alors, un « crypto-communiste », d’autant que l’antifascisme « unitaire » de la Bataille socialiste rallie à ce moment les dissidents du PCF regroupés autour d’André Ferrat et de la revue Que faire72. Des appréciations proches sont émises par les rédacteurs de la revue Agir pour la Paix, pour le socialisme, qu’il n’est pas plus pertinent de classer « à la droite du parti »73 ou, même, de qualifier de « blumistes », sans plus de précisions. Ce mensuel, financé par de « généreux donateurs », qui publie douze numéros de février à août 1939, et compte 1 000 abonnés est créé, après le congrès socialiste (24-26 décembre 1938) de Montrouge, par des partisans de la motion Blum. Ceux-ci décident d’agir sans se soucier des équilibres internes au parti qui ont conduit Blum, pourtant majoritaire, à ne pas revendiquer, pour éviter la scission, la direction pleine et entière du parti socialiste74. Parmi eux, un Jean Bouhey, un François Camel, voire le jeune Tanguy-Prigent, benjamin du groupe parlementaire, sont des élus ruraux de tripe républicaine, qui conjuguent socialisme, pacifisme et patriotisme75. Amédée Guy, fils d’un notable du Faucigny, cancérologue réputé, présida, avant d’être élu député de Haute-Savoie en 1936, la fédération locale des « Amis de l’Union soviétique » et fit un voyage en URSS en 1935. Georges Izard, catholique, rédacteur en chef d’Esprit, élu de Meurthe-et-Moselle en 1936 sous l’étiquette « gauche indépendante » et Pierre Viénot, élu des Ardennes pour l’Union socialiste républicaine, n’adhèrent à la SFIO qu’en 1937. Le normalien Pierre Brossolette fut de la petite tendance « planiste » Révolution constructive et proche de la Bataille socialiste de 1935 à 193776. Daniel Mayer, jeune rédacteur au Populaire, est, lui aussi, de la Bataille socialiste. Seul le député de l’Aisne et ancien ministre de l’Agriculture Georges Monnet, directeur de la publication, et Léo Lagrange peuvent être considérés comme des proches de Blum. Ce sont donc des hommes aux convictions et aux parcours différents qui s’unissent autour de l’exigence d’un « sursaut national » pour le salut du pays77. Selon la sensibilité des rédacteurs, le sursaut s’organise plutôt autour de la « défense républicaine » (« l’union de tous les partis qui se réclament de la liberté ») et de la « défense de la paix du monde » (« l’union de tous les pays menacés par les exigences totalitaires »)78 ou, plutôt, d’une nouvelle capacité du socialisme à « se forger une âme de vainqueur, ce qui suppose dans sa classe qu’il entraîne l’exaltation des vertus les plus hautes : courage, discipline79 ».

  • 80 André Leroux (pseudonyme d’Angelo Tasca), « Pacifisme bourgeois et impérialisme fasciste », ibid.,(...)

27L’ex-dirigeant communiste italien Angelo Tasca, devenu socialiste, est cependant l’un des rares à essayer de penser la guerre dans sa différence avec la précédente. Si les classes dirigeantes ont rompu avec leurs tendances traditionnelles et, au nom du pacifisme, du « munichisme » et de la « non-intervention » subordonnent « les directives de leur politique extérieure aux exigences de leur propre guerre civile », les socialistes ne peuvent plus s’abriter derrière un pacifisme obsolète, alors que le danger direct de guerre est le fait des « États du triangle Berlin-Rome-Tokyo »80. À la différence de Zyromski, le « bellicisme antifasciste » de Tasca se conjugue avec une profonde méfiance à l’égard des communistes et de l’URSS : c’est au nom d’une « nouvelle carte de l’Europe », au nom des « États-Unis d’Europe » qu’il faut lutter contre le fascisme :

  • 81 A. Leroux, « Pour la paix et pour la liberté », ibid., 7, 1er mai 1939.

« Si les fascismes déclenchaient la guerre notre programme ne serait pas modifié, il tendrait au milieu de la tempête [sic], il serait la lumière qui brillerait et que nous élèverions très haut, pour qu’elle puisse être aperçue au-delà des frontières et mener à la rupture entre les peuples sacrifiés et les gouvernements fascistes81. »

  • 82 Robert Verdier, Mémoires, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 40.

28Il est difficile, il est vrai, de penser la guerre et, dans ses Mémoires, Robert Verdier évoque son propre déchirement de jeune militant socialiste, écartelé entre sa fidélité à la tradition pacifiste et la volonté de résister à Hitler82. Cette tension est sans doute à l’origine du caractère confus, hésitant, contradictoire d’une grande partie de la littérature de gauche sur la question.

  • 83 À l’exception de Lucien Lequertier, professeur au lycée La Martinière, membre du bureau fédéral. D (...)
  • 84 « Documents pour le congrès fédéral du 18 décembre », L’Avenir socialiste, 8 décembre 1938.
  • 85 Voir sur son itinéraire Michel Dreyfus, « André Philip, du pacifisme à la résistance », in Christi (...)
  • 86 Ibidem.

29Des coups de sonde à l’échelle locale montrent des prises de position complexes et la rapidité des évolutions. Ainsi, la fédération socialiste du Rhône, d’abord unanime pour approuver Munich83, soutient majoritairement au congrès fédéral préparatoire à Montrouge, la motion Blum-Zyromski. Celle-ci est ralliée par deux motions locales, l’une soutenue par André Philip, l’autre par Lucien Lequertier, qui propose de « prendre résolument la tête de la Nation pour la dresser contre toutes les entreprises de fascisme externe et interne et de proposer au pays les formes de la défense nationale qui lui paraissent les plus efficaces84 ». Si Lucien Lequertier, membre de la Bataille socialiste, se distingue par la cohérence de son itinéraire, André Philip fut longtemps proche des milieux pacifistes et l’un des rares socialistes à participer au Comité pour l’enquête sur les procès de Moscou, avec des intellectuels presque tous issus des milieux pacifistes et/ou révolutionnaires85. En 1937 encore, il prône la recherche de la paix par la rétrocession de certaines colonies à l’Allemagne nazie et la coopération économique avec elle. Au printemps 1938 cependant, il ajoute à ses positions antérieures le refus de toute nouvelle capitulation devant Hitler au nom d’un pacifisme qui tend à se transformer en « isolationnisme ». Il bascule dans les débats qui précèdent le congrès de Montrouge et, au congrès suivant de Nantes, c’est en toute clarté qu’il se prononce pour l’accroissement des dépenses d’armement et le regroupement de « l’ensemble des forces disposées à freiner l’expansion hitlérienne86 ». Sans entrer dans les raisons intimes de son évolution, il semble clair qu’elle témoigne de l’incompatibilité croissante entre antifascisme et pacifisme.

Le PCF, leader de l’antifascisme ?

  • 87 Jean-Jacques Becker, « Élections : le parti communiste marque le pas », in Jean-Pierre Azéma, Anto (...)

30De Munich au pacte germano-soviétique, la situation du PCF est paradoxale. Cible d’une lame de fond anti-communiste qui coagule toutes les droites, la grande majorité des radicaux et une partie des socialistes, il voit ses effectifs marquer le pas (328 547 adhérents en septembre 1937, 318 549 en septembre 1938, 280 000 en août 1939) et ses résultats électoraux en léger recul87. En même temps, après avoir conquis un magistère moral sur l’antifascisme, il apparaît comme la seule force homogène à conduire la protestation politique contre Munich et ses conséquences, même si celle-ci est considérablement affaiblie par la rapidité et la surprenante vigueur de son tournant patriotique, qui fait suspecter sa sincérité, et sa défense inconditionnelle des procès de Moscou et des « purges » staliniennes qui en fait « le parti de l’étranger » par excellence. Son orientation, qui entend, au miroir de la Révolution française dont il est le protagoniste actif de la commémoration, combiner défense de la nation, progrès social et union nationale, lui permet de multiplier les initiatives, spécialement chez les intellectuels.

  • 88 Nicolas Offenstadt, « Signer pour la paix en 1938-1939 », art. cit.

31Les premières expressions publiques d’intellectuels opposés à Munich proviennent en effet de ses rangs et sont activement relayées par L’Humanité. Le quotidien communiste publie le 29 septembre 1938 un « Manifeste pour la paix », qui réplique à l’évidence au texte « Nous ne voulons pas la guerre », publié à l’initiative du SNI dans L’Œuvre à compter du 27 septembre88.

  • 89 Sur les douze agrégés signataires du texte initial, on retrouve Jean Bruhat, Georges Cogniot, Augu (...)
  • 90 Publié dans L’Humanité, le 1er octobre 1938.
  • 91 L’Humanité, 15 mars 1939. On retrouve les signatures de Henri Focillon, Lucien Febvre, Alexandre K (...)

32Après neuf listes successives, le « manifeste » recense 332 signataires. Les principales composantes de l’appel initial sont un noyau de scientifiques autour de Paul Langevin, son gendre Jacques Solomon, Frédéric et Irène Joliot-Curie et Henri Wallon, mais aussi des instituteurs et des professeurs agrégés, tous membres ou sympathisants proches du PCF89. Le manifeste est signé par Julien Benda et Jacques Soustelle, ainsi que par le journaliste socialiste Alexis Danan, proche de la « blumiste » Suzanne Lacore, mais on ne constate pas de véritable élargissement en-dehors de la sphère d’influence directe du PCF. Il est vrai que les signatures sont à adresser au domicile de Jean Bruhat… La seconde initiative, de même origine, le manifeste « Paix et démocratie »90, rassemble 115 signatures sur un texte plus tranchant qui dénonce « le faux pacifisme… en vertu duquel on a toléré la guerre d’Éthiopie et on a eu la guerre d’Espagne », mais sans perspectives autres que d’exprimer son « admiration émue » au peuple tchécoslovaque. Reste que la liste des signataires est plus diversifiée. On y trouve, parmi les universitaires, les ethnologues Lucien Lévy-Bruhl et Marcel Griaule, les sociologues Marcel Mauss et Maurice Halbwachs, l’historien Henri Hauser (avec des réserves), parmi les « politiques » des socialistes de premier plan, blumistes ou militants de la Bataille socialiste (Bracke, Amédée Dunois, Suzanne Lacore et Jean Zyromski), mais aussi des personnalités comme Victor Basch et Henri Guernut de la LDH, le président de la LICA Bernard Lecache, presque tous non signataires du premier texte. Peu d’écrivains en revanche, parmi lesquels Romain Rolland, Andrée Viollis et Jean-Richard Bloch. Dernier grand texte collectif publié par le quotidien communiste, la lettre de « 217 professeurs de l’Université de Paris » au président de la République demandant « d’écarter toute mesure risquant de préparer notre expropriation ou de compromettre la sécurité de nos frontières et de nos communications », où apparaissent encore de nouveaux noms : Paul Valéry, le géographe Emmanuel de Martonne, les historiens Charles Seignobos, André Piganiol, Louis Halphen et le jeune directeur d’études Fernand Braudel91

  • 92 « Une déclaration de l’Union des intellectuels français », L’Humanité, 10 décembre 1938.

33À côté de ces déclarations collectives, de nouveaux regroupements, à vocation plus durable, se mettent en place à l’hiver 1938. C’est le cas de l’UDIF (Union des intellectuels français) en décembre. Son manifeste fondateur dénonce vigoureusement, un mois après la « nuit de cristal », « les abominables persécutions raciales et confessionnelles » en Allemagne, l’invitation de Ribbentrop à Paris et « les incroyables prétentions italiennes » sur la Tunisie et la Corse. Alertant contre l’encerclement de la France par des « États totalitaires », la déclaration appelle en conclusion à « une grande politique de paix… dans l’esprit du président Roosevelt92 ».

  • 93 BDIC Nanterre, fonds UDIF : Q pièce 8793/1-3.
  • 94 « Appel de l’UDIF », Bulletin de l’UDIF, 1, février 1939.
  • 95 « Activités de l’Union des intellectuels français », ibidem.
  • 96 « Les intellectuels français demandent la comparution de M. Georges Bonnet devant une commission d (...)
  • 97 « Nous accusons », ibidem, 2, avril 1939.

34Suivent 61 signatures soigneusement hiérarchisées, présentant selon un classement qui entend reproduire l’ordre des savoirs, les membres de l’Institut (six, dont Jean Perrin, Lucien Lévy-Bruhl et le mathématicien Jacques Hadamard), du Collège de France (sept dont Henri Focillon, Jules Bloch et Lucien Febvre), les universitaires (dont Henri Hauser, Marc Bloch et le germaniste Edmond Vermeil), puis chercheurs, hommes de lettres (Julien Benda, Louis Aragon et Louis Martin-Chauffier) artistes (Jean Lurçat, Georges Auric, Fernand Léger). On ne sait finalement pas grand-chose de l’UDIF, qui ne semble pas avoir laissé d’archives sauf quelques bulletins consultables à la BDIC93. Coprésidée par Victor Basch et Irène Joliot-Curie, mais sans doute plus réellement dirigée par son secrétaire Jacques Solomon, dotée d’un bureau de prestige où voisinent l’historien Lucien Febvre et le physicien Paul Langevin, le peintre Albert Marquet et le compositeur Charles Koechlin, l’UDIF entend « grouper tous les intellectuels qui sont résolus à défendre l’indépendance de la France et nos libertés94 ». L’appel fondateur déclare nettement vouloir « travailler au redressement de la France » en montrant que « sacrifier le droit, c’est toujours sacrifier la paix ». L’éditorial de Lucien Febvre annonce, dans la tradition dreyfusarde, que les membres de l’UDIF, « des hommes d’étude sans tour d’ivoire » entendent bien « se mettre à l’école des faits » en exerçant leur esprit critique sur les réalités de la politique internationale. Après un premier meeting le 25 janvier 1939, salle des sociétés savantes, l’UDIF conduit le 31 janvier chez Albert Lebrun, président de la République, une « délégation d’universitaires » conduite par trois prix Nobel (Jean Perrin, Frédéric et Irène Joliot-Curie) accompagnés entre autres de Lucien Febvre, Henri Hauser et Edmond Vermeil. Les historiens, « rompus aux disciplines scientifiques et à la critique des documents », apportent informations et analyses sur l’Allemagne et la Tchécoslovaquie, alors que Jean Perrin appelle à la constitution d’un « gouvernement de large union »95. En mars, l’UDIF demande, par une lettre ouverte aux quatre présidents de la République, du Conseil, de la Chambre et du Sénat, la comparution de Georges Bonnet, ministre des Affaires étrangères du gouvernement Daladier et « munichois de conviction », devant une commission d’enquête96. L’éditorial qui introduit le document accuse Bonnet d’avoir délibérément travaillé à « dissocier le bloc de paix France-Tchécoslovaquie-Angleterre-URSS » et « trompé la France en laissant croire que l’Angleterre ne marcherait pas au moment où un communiqué officiel déclarait qu’elle marchait, au moment où était lancé l’ordre de mobilisation de la flotte anglaise97 ».

  • 98 Listes publiées dans le Bulletin de mars 1939.
  • 99 Renaud de Jouvenel, Confidences d’un ancien sous-marin du PCF, Paris, Julliard, 1980, p. 25.
  • 100 Sur l’itinéraire de Philippe Lamour, voir Jean-Robert Pitte, Philippe Lamour 1903-1993, Paris, Fay (...)
  • 101 Philippe Lamour, « La Débâcle », Les Volontaires, 1, décembre 1938.
  • 102 Jacques Soustelle, « L’UDIF salue Les Volontaires », ibidem, 6, mai 1939.
  • 103 « La revue Les Volontaires et l’UDIF », Ibidem, 7, juin 1939.

35Le rayonnement de l’UDIF dépasse cette fois significativement les zones d’influence traditionnelles du PCF. On note parmi ses adhérents le linguiste André Martinet, le philosophe Alexandre Koyré, les historiens Henri Hauser et Paul Mantoux, en province René Capitant et Georges Gurvitch, professeurs à Strasbourg, peu suspects de proximité avec les communistes98… Au même moment, se cristallise un autre regroupement avec la parution, en décembre 1938 également, du premier numéro des Volontaires, à l’initiative de Renaud de Jouvenel et Philippe Lamour. Selon le premier, « sous-marin » du PCF dans les milieux intellectuels, la décision de lancement est prise lors d’une rencontre en Corrèze avec le critique Léon Pierre-Quint et Philippe Lamour99. La « Déclaration » constitutive traduit l’influence de Lamour, ancien du « Faisceau » de Georges Valois, puis figure des « non-conformistes » des années 1930100. Si elle dénonce, en des termes consacrés la « capitulation politique » de Munich qui traduit une « acceptation implicite des théories racistes », elle en voit la cause dans la « conjonction de l’ignorance et de la peur » et la « dévirilisation des hommes ». L’article suivant de Philippe Lamour poursuit dans le même sens, clamant que si « la peur est devenue le principe fondamental de la politique extérieure de la France », il n’existe « pas de vie sans courage ni d’action sans risque »101. Sur une ligne qui entend conjuguer « nationalisme et antifascisme », vont collaborer aux Volontaires André Wurmser et Roger Stéphane, Jacques Soustelle et Julien Benda, Henri Lefebvre et Henry de Montherlant, Pierre Bost et Claude Morgan. UDIF et Volontaires travaillent conjointement, d’autant plus facilement qu’ils recoupent les mêmes préoccupations et les mêmes réseaux de relations. Jacques Soustelle, militant actif du CVIA devenu secrétaire de l’UDIF, clame que « tous ceux qui ont pris part à la lutte contre le munichisme se sentent liés par une véritable affinité élective102 ». Des conférences communes sont organisées, à Paris (Georges Friedmann, Philippe Lamour et André Wurmser), Fécamp (Jacques Soustelle et André Wurmser), Rouen (Philippe Lamour et René Cannac), Nice (Philippe Lamour et Armand Fournier)103.

  • 104 Thierry Maulnier, « Changement de front de l’antifascisme », Revue universelle, 15 octobre 1938.
  • 105 Esprit, avril 1939.

36La constitution de l’UDIF et la parution des Volontaires s’inscrivent en effet dans une dynamique de reclassement général, où s’opère une clarification majeure sur la nature même de l’antifascisme, décanté de sa composante pacifiste. Cette clarification, comme c’est souvent le cas, est mieux perçue par les adversaires traditionnels des gauches, qu’ils effectuent un vertigineux cross-over ou restent campés sur leurs positions, comme Thierry Maulnier relevant le « changement de front de l’antifascisme » qui opère une translation « de positions idéologiques à des positions nationales » pour mieux rallier « tous les nationalistes convaincus de la réalité du danger allemand à la bannière antifasciste camouflée en drapeau du salut national104 ». La translation secoue aussi le courant d’Emmanuel Mounier qui se rapproche de la nébuleuse antimunichoise avec laquelle il entretient une zone de contact. Esprit salue la parution des Volontaires, les « fils rebelles de Munich »105 et ceux-ci diffusent une publicité pour Le Voltigeur français, journal d’intervention créé par Emmanuel Mounier en septembre 1938.

  • 106 Jean-Paul Sartre, « Qu’est-ce que la littérature ? », Situations II, Paris, Gallimard, 1948, p. 23 (...)
  • 107 « Cette année a été, pour beaucoup, celle de la découverte ou de la redécouverte de la patrie char (...)
  • 108 Julien Benda, « On reprend espoir », Les Volontaires, 2, janvier 1939.
  • 109 Armand Petitjean, « Péguy et nous », NRF, 310, juillet 1939. L’auteur salue la convergence entre q (...)
  • 110 « Les intellectuels français protestent contre la capitulation de Munich », L’Humanité, 4 octobre (...)
  • 111 « Collaborer avec Hitler ? », Le Voltigeur français, 19 octobre 1938.

37Il est difficile de proposer une appréciation précise et fondée du poids des « antimunichois ». Leurs publications sont à l’évidence peu diffusées, même si la presse communiste et quelques journaux radicalisants (La Lumière) ou catholiques de gauche (L’Aube de Georges Bidault) leur servent de caisse de résonance. Leur conglomérat, hétérogène, semble n’entraîner, à côté de la zone d’influence communiste, que quelques figures de francs-tireurs issus des droites (Lamour, Montherlant). Mais il faut y ajouter de nombreux universitaires peu familiers de la pétition et quelques-uns de ceux que Jean-Paul Sartre dépréciera plus tard comme tenants d’une « littérature radical-socialiste » : Claude Aveline et Pierre Bost106. Surtout le contenu de leur regroupement mobilise des thèmes hétérogènes au registre idéologique des gauches postérieures à la Grande Guerre : la « patrie charnelle » que l’on redécouvre à l’image d’un Claude Aveline ou d’un Jean Lacroix107, la guerre, pas toujours condamnable, comme l’écrit Julien Benda qui refuse « l’hypocrisie » de penser que « Lohengrin, parce qu’il tire l’épée, est le même homme qu’Attila »108, la redécouverte de Péguy promu au rang de précurseur109, le retour critique sur le pacifisme « briandiste » que mène un Henri Hauser, jugeant que « le jour où Briand a prononcé cette folle parole “Moi vivant, il n’y aura pas de guerre”, il a désarmé le droit devant la force110 ». On se demande de même s’il faut résister ou « collaborer avec Hitler111 ».

  • 112 Julien Benda, « Démocratie et communisme », Les Volontaires, 5, avril 1939.
  • 113 E. Mounier, « L’Europe contre… », Esprit, novembre 1938.
  • 114 David Caute, Les compagnons de route 1917-1968, Paris, Robert Laffont, 1979 ; Jeannine Verdès-Lero (...)

38Les communistes représentent à l’évidence le principal pôle de résistance au munichisme, mais ceux qui acceptent de cheminer avec eux ne peuvent être réduits au statut de « compagnons de route » ou d’« idiots utiles ». Beaucoup pensent, comme Julien Benda, que « le communisme est totalitaire » mais que dans les faits les communistes « défendent présentement des valeurs parfaitement démocratiques112 », ou s’interrogent comme Emmanuel Mounier sur le « militantisme suspect » d’un PCF, qui prépare peut-être une « désintoxication » du mouvement113. Avec les réserves d’usage, ne peut-on parler, à rebours des analyses classiques de David Caute et Jeannine Verdès-Leroux sur l’instrumentalisation des intellectuels par le PC114, d’une tentative de certains intellectuels anti-munichois d’instrumentaliser le PCF, du moins d’utiliser, sans illusions exagérées mais sans réticences particulières, son capital militant à des fins mobilisatrices ?

  • 115 Cité dans NRF, décembre 1938.
  • 116 Georges Vidal, Le PCF et la défense nationale à l’époque du Front populaire. De l’antimilitarisme (...)
  • 117 Fiodor Dan, « Guerre, lutte de classes, socialisme », La Bataille socialiste, mai 1939.
  • 118 Le Voltigeur français, 29 septembre 1938.
  • 119 Voir Pierre-Frédéric Charpentier, La drôle de guerre des intellectuels français (1939-1940), Paris (...)

39Reste la question de fonds, posée brutalement par Julien Benda dans un article du 27 octobre 1938 de La Dépêche dénonçant trois « mensonges politiques », parmi lesquels le « mensonge antifasciste » qui consiste à ne pas aller jusqu’au bout, à dissimuler l’acceptation implicite et honteuse de la guerre derrière la « lutte pour la paix », à ne pas dire que « pour obtenir l’établissement durable de la paix, nous commençons par vouloir une certaine guerre115 ». Elle est posée au PCF comme aux autres composantes de cet antifascisme recomposé. La thèse de Georges Vidal montre bien qu’à partir de l’Anschluss, la politique militaire du PCF, jusque-là dirigée en priorité contre « l’ennemi intérieur » (les officiers « factieux »), évolue vers une politique de défense nationale, développée et précisée en 1939116. L’Humanité salue en janvier 1939 le lancement du cuirassé Richelieu, évoque positivement la mémoire du colonel Raynal, défenseur en 1916 du fort de Vaux et héros de Verdun, publie à partir de mars une rubrique « Salut public » qui commente l’évolution des armements, évolue sur la question brûlante de l’assouplissement de la semaine de 40 heures. Pourtant, si le PCF est peut-être le parti « le mieux préparé à affronter l’épreuve de la guerre », son approche reste largement abstraite, éloignée des exigences militaires du moment : Valmy et la « levée en masse » de 1792 demeurent ses références principales et seule l’armée soviétique a droit aux reportages et aux photographies. Sur le plan politique, les enjeux précis d’un conflit éventuel ne sont guère évoqués et l’idée que la « ronde de la paix » peut faire reculer les fauteurs de guerre est mise en avant jusqu’au bout. Les choses ne sont pas différentes du côté socialiste, même chez les rédacteurs d’Agir, qui n’abordent pas de front la question de la guerre, de sa nature et surtout de ses enjeux proprement militaires. Même ceux qui apparaissent rétrospectivement comme les plus lucides, souvent des exilés politiques comme l’Italien Angelo Tasca ou le menchevik Fiodor Dan, restent en retrait sur cette question. Fiodor Dan, comme Angelo Tasca, peut se prononcer sur la nature de la guerre en affirmant que « le vieux slogan “pas un homme, pas un sou pour l’armée” équivaudrait à un suicide de la classe ouvrière dans cette conjoncture historique là », son raisonnement s’arrête là où les enjeux militaires commencent à se poser117. S’il faut sans doute incriminer le pacifisme et le poids de la culpabilité de l’Union sacrée sur la génération de 1914, on doit aussi se demander si le fait d’aller « plus loin » encore dans la réflexion n’est pas craint comme l’ultime transgression d’un antifascisme déjà suffisamment renouvelé pour oser encore le dépasser. Là encore, ce sont des francs-tireurs quelque peu extérieurs au milieu antifasciste originel qui posent le problème, à l’image du Voltigeur français qui juge que le clivage du moment n’oppose plus droite et gauche, ni même anticommunisme et antifascisme, mais munichois et « résistants »118. Faut-il parler d’un « néo antifascisme » naissant à la veille du second conflit mondial ? Sans doute est-ce exagéré, mais, incontestablement, les mots, les thèmes et les formules brandis par les anti-munichois anticipent le registre de discours de la Résistance et touchent aux limites de l’antifascisme première manière. Le choc du pacte germano-soviétique, qui disloque le PCF, puis l’éclatement du conflit interrompent le mouvement et clôturent la discussion. Marquée par la « désunion sacrée » et une grande confusion des valeurs, la « Drôle de guerre » brouille en effet la définition de l’ennemi à combattre (se bat-on contre « l’Allemagne éternelle », contre une nouvelle version de la Prusse militariste, contre le nazisme… ou contre l’Union soviétique ?)119. Mais, sauf dans des cercles restreints, la guerre n’est jamais présentée comme une guerre antifasciste.

Antifascisme et Résistance

  • 120 François Bédarida, « L’histoire de la Résistance. Lectures d’hier, chantiers de demain », Vingtièm (...)
  • 121 François Bédarida, « Résistants », in Jean-Pierre Azéma, François Bédarida, 1938-1948 les années d (...)

40La Résistance fut-elle antifasciste ? À cette question, loin des fausses évidences, les historiens ont apporté des réponses complexes. En 1986, François Bédarida proposait une définition générique – la Résistance est l’action clandestine menée, au nom de la liberté de la nation et de la dignité de la personne humaine, par des volontaires s’organisant pour lutter contre la domination de leur pays par un régime nazi ou fasciste ou satellite ou allié – qui permettait de couvrir la diversité des situations en Europe et d’intégrer la double motivation des résistants : réflexe patriotique et défense de l’homme120. Les réflexions plus récentes, toujours plus pointues dans la sophistication, n’ont guère dépassé cette problématisation. En 1998, le même François Bédarida, insistant à nouveau sur les trois composantes de la Résistance (engagement personnel des résistants, clandestinité et double stratégie, à la fois patriotique de libération nationale et idéologique de lutte contre l’oppression), relevait qu’elle était d’abord un « phénomène axiologique », essentiellement moral, fondé sur l’honneur et l’éthique121. Ce faisant, il invitait à passer de l’étude de la Résistance à celle des itinéraires et des motivations des résistants.

  • 122 Claudio Pavone, Une guerre civile. Essai historique sur l’éthique de la résistance italienne, Pari (...)
  • 123 Olivier Wieviorka, « Guerre civile à la française ? Le cas des années sombres 1940-1945 », Vingtiè (...)
  • 124 Serge Wolikow, « Antifascisme », in François Marcot (dir.), Dictionnaire historique de la Résistan (...)

41Pour les résistants italiens, les choses semblent claires. Claudio Pavone a montré que ceux-ci mènent simultanément une guerre patriotique contre l’occupant allemand et ses supplétifs italiens, une guerre civile visant à la liquidation de l’héritage fasciste et, pour beaucoup d’entre eux, et pas seulement les communistes, une guerre de classe du fait de l’implication des élites dirigeantes dans le régime122. L’antifascisme est le socle idéologique fondateur de la république italienne et, après la guerre froide, la composante majeure du ciment qui rassemble socialistes, démocrates-chrétiens et communistes dans la première république italienne. En France, à l’inverse, les choses semblent plus complexes. Selon Olivier Wieviorka, le pays ne connaît pas « faute de guerriers », une guerre civile opposant un régime de Vichy incapable de mobiliser en profondeur, et une Résistance qui ne privilégie pas la lutte violente contre d’autres Français et met en avant, selon différentes modalités (amalgame Français libres/armée d’Afrique, unification des mouvements de Résistance, constitution, avec le CFLN [Comité français de libération nationale] puis le GPRF [Gouvernement provisoire de la République française], d’un gouvernement représentatif) un modèle d’Union nationale123. Serge Wolikow note l’absence de continuité directe entre l’antifascisme du Front populaire et la Résistance, la diversité des familles politiques engagées dans celle-ci interdisant le recours au « lexique généralisant » de l’antifascisme124.

  • 125 Nous nous référons à l’étude très neuve d’Arlette Farge et Michel Chaumont, Les mots pour résister (...)
  • 126 Liste des mouvements homologués dans Alain Guérin, Chronique de la Résistance, Paris, Omnibus, 200 (...)
  • 127 Signes de la collaboration et de la Résistance, Paris, Autrement, 2002.

42Sous cet angle, l’examen synthétique du matériel produit par les résistants ne dément pas cette analyse. L’analyse de la production écrite et symbolique de la Résistance, l’ensemble de « mots déclencheurs » aptes à catalyser une décision d’engagement et reproduits sous la forme de tracts, d’inscriptions, de papillons, associent le vocabulaire du patriotisme, voire du nationalisme français, au corpus républicain, qui reprend alors des couleurs nouvelles125. Arlette Farge et Michel Chaumont ont relevé que la nomenclature des noms de baptême des 310 réseaux et mouvements de Résistance homologués dessine une constellation d’appellations où dominent les prénoms (77) renvoyant à l’action, mobilisant des références antiques (Marathon, Périclès, Prométhée) ou littéraires (Porthos, Mousquetaires, Cinq-Mars), mais toujours héroïques. Cinquante-six autres appellations évoquent plus directement l’action à conduire et ses objectifs (Action Évasion, Délivrance, Libération), alors que onze seulement se réfèrent directement à la politique. On peut facilement objecter que la nomenclature des noms de réseaux, dont beaucoup sont d’origine militaire et dépendent de divers services secrets alliés, renvoie aux règles du codage opérationnel, telle que la pratiquent les états-majors, privilégiant les appellations neutres (Orient, Goélette) ou délibérément énigmatiques (Delbo Phénix, Turquoize Jézéquel). La nomenclature des noms des seuls 42 mouvements homologués nous semble beaucoup plus éclairante. Or elle privilégie massivement, à côté d’une unique référence historique (Valmy), des vocables qui sont autant d’impératifs d’action (Les Ardents, Défense de la France, Délivrance, France d’abord, France toujours, Libération, Résistance, Vengeance…), avec pour seule connotation, quand elle existe, la référence patriotique et non politique, républicaine ou antifasciste126. De même, la propagande graphique privilégie les références patriotiques, anciennes (les trois couleurs) ou nouvelles (V de la victoire et croix de Lorraine)127.

  • 128 L’anthologie d’Henri Michel et Boris Mirkine-Guetzévitch, Les idées politiques et sociales de la R (...)
  • 129 Jacques Duclos affirme, en introduction aux volumes de ses Mémoires consacrés à la guerre, que les (...)
  • 130 Ibidem, p. 171-172.
  • 131 Ibidem, p. 248.
  • 132 Mémoires, tome 3, 2e partie, 1943-1945, Fayard, 1970, p. 66 et 28.
  • 133 Guy Krivokisspo, François Marcot, La vie à en mourir. Lettres de fusillés 1941-1944, Paris, Tallan (...)
  • 134 Ibidem, p. 312, 232.

43Quant au corpus programmatique de la résistance non communiste, il est vertébré par un credo républicain qui refait de la République une promesse d’avenir128. Défense de la France appelle à une « République future qui gardera le meilleur des institutions de l’ancienne », Ceux de la Résistance à la révolution « pas une révolution de classe, mais la vraie révolution nationale, de tous les Français pour tous les Français », Franc-tireur, à la « vraie République, avec tout ce que le mot implique d’élan révolutionnaire, de châtiment des traîtres, de liberté, égalité et justice sociale ». Même un mouvement plus radical comme Libérer et fédérer, qui rassemble des socialistes de gauche, s’il considère qu’il n’y aura « pas de renaissance de la France sans révolution populaire », ajoute qu’il faut « une révolution sans guerre civile, une révolution qui n’ajoute pas aux ruines de la guerre étrangère les dévastations, les pillages, les hécatombes de l’émeute », ce qui est possible car les quelques « politiciens tarés et exploiteurs traditionnels du peuple » seront châtiés comme traîtres « avant même qu’il ne soit besoin de les écraser comme contre-révolutionnaires ». Il en est de même chez les communistes, dont les proclamations martèlent l’association « hitlériens, nazis et boches » auxquels ils opposent le corpus d’un patriotisme recoloré à gauche129. L’appel du 14 juillet 1941 clame que « partout les drapeaux tricolores de la France républicaine se dressent comme autant de défis lancés à la croix gammée… partout les accents de la Marseillaise, le chant glorieux de la liberté s’élèvent et couvrent les accents du Deutschland über alles, chant barbare de domination et d’oppression130 ». Cette orientation court sur l’ensemble du conflit, de l’invasion de l’URSS à la Libération, de l’appel du 15 mai 1942 à renouer « la tradition glorieuse de la France de Jeanne d’Arc, de la France de Valmy, de la France des Francs-tireurs et des patriotes de 1870-1871, la tradition glorieuse des soldats victorieux de 14-18 » à l’appel « À chacun son boche » d’août 1944131. Significativement, les Mémoires de Jacques Duclos, de fait l’histoire officielle du parti résistant, réservent le vocable et la référence « antifasciste » aux militants étrangers, des « antifascistes allemands » en France aux « héros du groupe Manouchian » qui ont droit « à la gratitude de tous les Français, tous les antifascistes132 ». Le corpus de lettres de fusillés constitué par Guy Krivokisspo et François Marcot est parfaitement homogène, dans son expression, à ces productions « publiques » de la Résistance. Dans ces textes, gorgés d’émotion et qui ont la densité, l’authenticité des dernières paroles qui donnent le sens à toute une vie, c’est bien « l’amour de la patrie qui submerge tout133 ». Les lettres de militants communistes sont généralement à l’unisson des autres résistants. Le « Vive la France. Vive la liberté » du dirigeant FTP Jean Epstein donne le ton, associé parfois à « Vive le PC », « Vive l’URSS » ou, réminiscence de 1936, à « Vive la France libre et heureuse »134.

  • 135 L’Insurgé, 4, juin 1942, collection ADR 31 JB20.
  • 136 Ibidem, 21, printemps 1943.
  • 137 Charles Tillon, On chantait rouge, Paris, Robert Laffont, 1977, p. 311-314.
  • 138 Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l’étranger. Les immigrés de la MOI da (...)
  • 139 « La France aime, admire, vénère tous les combattants de la liberté », tract MNCR, mars 1944, ibid (...)

44L’antifascisme comme référence explicite n’est cependant pas totalement absent. Il est ainsi vigoureusement revendiqué par un petit mouvement constitué par des anciens « pivertistes » lyonnais, L’Insurgé qui appelle en 1942 à un « front antifasciste de combat contre les banques et les trusts135 ». Le mouvement, qui se fond en 1944 dans Libérer et fédérer, reprend en fait les théorisations de Fiodor Dan, Otto Bauer et Jean Zyromski en 1935, puis d’Angelo Tasca en 1938-1939 en affirmant que « dans une large mesure, la lutte contre l’impérialisme hitlérien se présente comme le prolongement du combat antifasciste entrepris au lendemain du 6 février136 ». L’antifascisme est aussi convoqué par certains communistes, comme Charles Tillon, dont le « manifeste de Bordeaux » de juin 1940 est vertébré par les références à l’antifascisme des années 1930, de la « France livrée par les hommes du 6 février », à l’appel à une « nouvelle Révolution française » qui mettra fin à « la dictature des 200 familles et du fascisme en France137 ». Il est certainement une motivation centrale chez les « internationaux », anciens d’Espagne et militants de la MOI138. Ceux-ci sont, de plus, à l’origine du Mouvement national contre le racisme (MNCR) qui dénonce les persécutions contre les Juifs et exalte les actions des combattants étrangers de la Résistance en des termes qui mettent en valeur un sacrifice qui manifeste leur « attachement à leur patrie d’adoption139 ». Mais là n’est pas l’essentiel.

  • 140 « L’agonie du fascisme est commencée », Libération sud, 15 août 1943, cité par Laurent Douzou, La (...)
  • 141 « La République et la guerre », Libération nord, 8 janvier 1943, cité par H. Michel et B. Mirkine,(...)
  • 142 Franc-Tireur, 30 avril 1943, cité par Dominique Veillon, Le Franc-Tireur, Flammarion, 1977, p. 115

45La production écrite de la Résistance désigne constamment comme adversaire, de façon plus ou moins explicite, un « fascisme » générique et extensif qui inclut, comme l’écrit Libération sud « Hitler, Franco, Salazar, Quisling, Mussolini, Antonescu, Pétain-Laval et les autres Führers et caudillos, conducators et duces, chefs de bandes, ligues, légions, phalanges, cohortes et porteurs de chemises noires ou brunes140… » De ce point de vue, la Résistance s’inscrit dans le même registre de discours que l’antifascisme d’avant-guerre. S’oppose à ce fascisme protéiforme un antifascisme, générique lui aussi ou implicite, qui fait, comme Libération nord, de la Résistance le prolongement du combat contre « ces aventuriers du 6 février et ces conjurés de la Cagoule armés par les fascismes étrangers… qui devaient se retrouver en juin 1940 massés autour d’un maréchal de coup d’État » ou, comme Les Cahiers politiques, dans un texte très « jaurésien », de la République, fût-elle « bourgeoise », un principe à défendre contre tout agresseur141. En sens inverse, Franc-Tireur dénonce la « République des hommes du 6 février… la République sans républicains142 ».

  • 143 Michèle Gabert, Entrés en Résistance. Isère. Des hommes et des femmes dans la résistance, Grenoble (...)
  • 144 Fabienne Federini, « Une sociologie de l’engagement résistant est-elle possible ? », Table ronde, (...)
  • 145 Ibidem, p. 11. En l’absence de tout recensement exhaustif des résistants, le corpus est construit (...)
  • 146 Lucie Aubrac, Cette exigeante liberté. Entretiens avec Corinne Bouchoux, Paris, L’Archipel, 1987.
  • 147 Nicole Racine, « Les années d’apprentissage », in Alya Aglan et Jean-Pierre Azéma (dir.), Jean Cav (...)
  • 148 Jean-Pierre Tuquoi, Emmanuel d’Astier. La plume et l’épée, Paris, Arléa, 1987, p. 58 et 65. Selon (...)
  • 149 Notice dans Dictionnaire historique de la Résistance, op. cit., p. 394-395.

46La dimension antifasciste ressort, d’une toute autre manière, si, par un changement de point de vue, on privilégie l’étude des itinéraires des résistants eux-mêmes. Le travail de Michèle Gabert sur les résistants de l’Isère montre que, s’ils parlent le plus souvent sur un mode général des motivations de leur engagement (patriotisme, liberté, antinazisme), le questionnement des historiens met en évidence pour nombre d’entre eux, communistes ou issus d’un milieu familial militant, une continuité d’engagement entre l’avant-guerre et la guerre placée sous le signe de l’antifascisme, extérieur (antinazisme, antifascisme au sens strict nourri de la fréquentation de réfugiés italiens) ou intérieur (antipétainisme associant le maréchal aux ligues d’avant-guerre)143. De même, l’étude de Fabienne Federini entend reconstituer les processus d’agrégation qui ont conduit des individus à entrer en résistance144. À partir d’un corpus de 155 pionniers de la Résistance, elle construit un idéal-type du pionnier qui cumule les caractéristiques suivantes : c’est un homme de 30 à 40 ans, provincial, issu des classes moyennes, proche avant-guerre de la gauche communiste ou socialiste, qui a collaboré à des revues politiques et signé des pétitions dans l’entre-deux-guerres et « a commencé à résister avec des amis connus au sein d’un parti politique145 ». Sans en faire l’explication mécanique et prédictive de l’engagement résistant, l’engagement antifasciste d’avant-guerre et l’hostilité aux accords de Munich est, pour reprendre ses termes, une « propédeutique » à la Résistance. Au passage, elle mentionne comme une dimension de cet engagement la connaissance directe (voyage en Allemagne) ou indirecte (lecture de Mein Kampf) de la réalité du Troisième Reich par 81,29 % de ces pionniers. Ce point mériterait à lui seul une étude attentive. La reprise de cette piste à propos des noyaux fondateurs des principaux mouvements de résistance en montre toute la fécondité heuristique. Sur les quatre pionniers de la « Dernière colonne », noyau initial de Libération sud, qui se réunissent à l’automne 1940 à Clermont-Ferrand, trois ont fait le voyage allemand. Lucie Aubrac, adhérente en 1930 aux Jeunesses communistes, se rend à quatre reprises en Allemagne, à Berlin en 1931, en Forêt noire en 1933 où elle dit avoir pris la mesure du « péril fasciste », à nouveau à Berlin en 1936 puis en 1938 après son installation à Strasbourg146. Son aîné, le philosophe Jean Cavaillès, a fait plusieurs voyages (1927, 1929) au temps du briandisme avant de passer, comme boursier Rockefeller, l’année universitaire 1930-1931 en Allemagne, où il entend Hitler en mars 1931 à Munich147. Emmanuel d’Astier de la Vigerie fit, pour Vu, le magazine illustré de Lucien Vogel, plusieurs reportages en Allemagne, Autriche et Tchécoslovaquie148. Quant à Georges Zérapha, ancien combattant de la Grande Guerre, il fut, comme vice-président de la LICA, un combattant anti-nazi de la première heure. Dans la « deuxième génération » de responsables du mouvement, un Pascal Copeau, germanophone, a été, de 1933 à 1936, correspondant à Berlin du Petit Journal, avant d’être responsable des émissions en allemand de radio Strasbourg149.

  • 150 Robert Belot, Henri Frenay. De la Résistance à l’Europe, Paris, Le Seuil, 2003, p. 57 sq.
  • 151 Claude Bourdet, L’Aventure incertaine. De la Résistance à la restauration, Paris, Éditions du Féli (...)
  • 152 Jean-Pierre Lévy, Mémoires d’un franc-tireur. Itinéraire d’un résistant (1940-1944), Bruxelles, Co (...)
  • 153 Entretien avec Alain Le Ray (juillet 2004) et notre notice le concernant in F. Marcot (dir.), Dict (...)

47Chez les fondateurs du MLN, l’officier Henri Frenay, après son passage à l’École de guerre, fréquente de novembre 1937 à juin 1938 le Centre d’études germaniques de l’université de Strasbourg, lit Mein Kampf et l’on sait que la germanophone Berty Albrecht, qu’il a rencontrée en août 1934, animait à Paris un comité d’accueil aux réfugiés allemands150. Quant à Claude Bourdet, c’est en Suisse alémanique où il s’installe en 1928 pour ses études d’ingénieur, qu’il rencontre des antifascistes italiens, puis des réfugiés antinazis après 1933 qui font de lui, dit-il, un « antifasciste convaincu » à son retour en France151. Du côté de Franc-Tireur, Jean-Pierre Lévy, né en 1911 à Strasbourg, fait de son appartenance alsacienne et de la culture patriotique et « antiboche » qu’il reçut un élément déterminant de son choix résistant. Mais il ajoute également avoir été influencé par sa lecture de Mein Kampf152. À une autre échelle, l’itinéraire d’un Alain Le Ray, premier chef militaire du maquis du Vercors en 1943-1944, est puissamment déterminé par son séjour à Munich en 1930, quand, étudiant en littérature et lecteur de français dans un lycée, il écoute dans une réunion nazie les clameurs de Hitler et Ludendorff. C’est, à ses dires, la prescience de la menace qui le pousse à l’abandon de sa vocation littéraire et au choix de la carrière militaire pour mieux se préparer et préparer le pays à la guerre qui vient153.

  • 154 Olivier Wieviorka, Nous entrerons dans la carrière. De la Résistance à l’exercice du pouvoir, Pari (...)
  • 155 O. Wieviorka, Nous entrerons dans la carrière…, op. cit., p. 68 et 357.
  • 156 Ibidem, p. 409-410.

48On peut donc, à notre sens, formuler la conclusion suivante. À la différence de l’Italie, l’antifascisme n’apparaît pas comme une référence centrale, explicite, de la Résistance française, tel qu’il en résulte de l’étude de son corpus de textes, de ses rites ou de ses idéologèmes, dominés par le triptyque France/Liberté/République. C’est ce qui ressort aussi de la plupart des écrits postérieurs à la guerre, où les principales figures de la « Haute société résistante » ont rendu compte des raisons de leur engagement. On le constate à la lecture du livre d’entretiens rassemblés par Olivier Wieviorka, comme des récentes réflexions de Serge Ravanel sur les valeurs de la Résistance154. La dimension antifasciste n’en est pas moins présente, implicitement, « en creux », de façon subliminale, serait-on tenté de dire. Elle perle dans la caractérisation que font de la Résistance des personnalités aussi différentes que Daniel Mayer, pour qui la résistance est « de gauche dans la mesure où ses adversaires étaient de droite », ou François Mitterrand qui, face à un Vichy situé à droite, identifie la Résistance à une « pulsion de gauche »155. Même Pierre Messmer, qui refuse de localiser à gauche la Résistance, n’en reconnaît pas moins que son adversaire intérieur, le régime de Vichy « est effectivement un régime de droite156 ». Face à un régime qui se place, dans la palette de ses discours comme dans la trajectoire de la majorité de ses protagonistes, dans la continuité des « réacteurs » du 6 février 1934, face à un occupant qui coagule contre lui l’hostilité que rencontre tout conquérant étranger doté, de plus, des stigmates de l’ennemi héréditaire, et la peur et la haine que suscitent chez beaucoup la politique qu’il entend mettre en œuvre, l’antifascisme des années 1930 fournit au minimum des références, un argumentaire et, bien entendu, des réseaux d’interconnaissance constitués au feu de février 1934, du Front populaire, de l’Espagne et de Munich. Ce n’est pas la moindre part de son bilan.

Notes

1 Voir la synthèse d’Yves Santamaria, Le pacifisme, une passion française, Paris, Armand Colin, 2005.

2 Tract du CVIA, ALDH Rés. 74. Le meeting présidé par Paul Rivet, annonce des interventions du « professeur Langevin » et d’autres « savants ». Il est soutenu par l’ensemble des composants de l’antifascisme, du PCF à Front commun et au parti radical Camille Pelletan.

3 « Contre la guerre », Vigilance, 11, 20 novembre 1934.

4 « Nous voulons la paix », ibid., 13, 20 décembre 1934.

5 F. Monier, Le Front populaire, op. cit., p. 102.

6 Cette caractérisation doit beaucoup aux réflexions de Thierry Hohl, À Gauche !…, op. cit., p. 135 sq.

7 Otto Bauer, Fiodor Dan, Amédée Dunois et Jean Zyromski, L’Internationale et la guerre, Paris, Nouveau Prométhée, août 1935 ; T. Hohl, op. cit., p. 130.

8 O. Bauer, F. Dan…, op. cit., p. 19.

9 Ibidem, p. 23.

10 Marceau Pivert, La Révolution avant la guerre, Paris, Nouveau Prométhée, septembre 1935.

11 Plate-forme de la Gauche révolutionnaire, reproduite dans Jean-Pierre Rioux, Révolutionnaires du Front populaire, Paris, UGE 10/18, 1973, p. 66-71.

12 Nous suivons Thierry Hohl dans son analyse de la Gauche révolutionnaire comme participant d’une « double identité » et d’une « double insertion » : « À l’insertion dans la SFIO répond la construction d’une organisation autonome liée à l’espace révolutionnaire parisien », op. cit., p. 137.

13 Voir l’analyse pointue de Vincent Chambarlhac, « Pacifisme révolutionnaire et culture de guerre. Le meeting de Saint-Denis “contre la guerre, contre l’Union sacrée” », Dissidences, 11, juin 2002, p. 10-14 et « La SFIO et l’espace des dissidences de gauche autour de 1935 », Recherche socialiste, 34, mars 2006, p. 79-90.

14 V. Chambarlhac, « Pacifisme révolutionnaire et culture de guerre… », art. cit.

15 Sur la guerre d’Espagne voir Bartolomé Bennassar, La Guerre d’Espagne et ses lendemains, Paris, Perrin, 2004 et Sylvie Caucanas et Jean Sagnes (dir.), Les Français et la guerre d’Espagne, université de Perpignan, 1990.

16 Voir les exemples relevés par Maurice Moissonnier dans l’agglomération lyonnaise, Le Mouvement ouvrier rhodanien dans la tourmente 1934-1945 II, Lyon, Aléas, 2005, p. 100.

17 C’est aussi le point de vue d’un écrivain comme André Chamson pour qui « il n’y a plus de guerre civile en Espagne » mais une guerre « contre une technique de la mort qui vient d’Allemagne et d’Italie », Retour d’Espagne (Paris, 1937) repris dans Les livres de la guerre, op. cit., p. 149-150.

18 La Marsellesa, 1, 1938 cité par Rémi Skoutelski, L’Espoir guidait leurs pas. Les volontaires français dans les Brigades internationales 1936-1939, Paris, Grasset, 1998, p. 176.

19 R. Skoutelski, ibidem, p. 174.

20 M. Vasquez Montalban, La Pasionaria, op. cit., p. 191.

21 Maurice Thorez, « Front français et défense de l’Espagne », Cahiers du bolchevisme, 25 août 1936, reproduit dans N. Racine et L. Bodin, Le parti communiste français pendant l’entre-deux-guerres, op. cit., p. 249-254. Le dirigeant communiste rappelle que, « si l’on est prêt, sincèrement, à aider l’Espagne républicaine contre les rebelles… comment ne pourrait-on pas envisager calmement et fermement la défense de notre République, de notre France, contre les ennemis qui la menacent, contre ceux qui paient ses ennemis et les incitent à agir ? »

22 R. Skoutelski, L’espoir guidait leurs pas, op. cit., p. 200-201.

23 Nous reprenons sur ce point les remarques de Serge Wolikow, « Les communistes face à la lutte armée », in François Marcot (dir.), Lutte armée et maquis, Besançon, Annales littéraires de l’université de Franche comté, 1996 p. 34.

24 R. Skoutelski, op. cit., p. 271.

25 La meilleure synthèse reste l’article de Gérard Roche, « Défense et contre-enquête en France », Cahiers Léon Trotsky, 3, juillet-septembre 1979, p. 61-97.

26 « Appel aux hommes », ibidem, p. 99-100.

27 Pour une synthèse récente, voir Serge Berstein, Léon Blum, Paris, Fayard, 2007.

28 Thierry Hohl, À gauche, op. cit., p. 154 sq.

29 Position proche de celle des trotskistes du POI qui appellent au « ravitaillement direct des ouvriers espagnols », La lutte ouvrière, 11 décembre 1936.

30 Colette Audry et Hélène Modiano, « Pour une politique offensive et constructive contre la guerre et le fascisme », Vigilance, 20 avril 1938, cité par T. Hohl, op. cit., p. 165.

31 Claude Jamet, Notre Front populaire. Journal d’un militant 1934-1939, Paris, La Table ronde, 1977.

32 Ibidem, p. 300.

33 8 août 1936, ibidem, p. 153.

34 Ibidem, p. 159.

35 Front populaire de la Vienne, 13 février 1937, ibidem, p. 182-185.

36 Front populaire de la Vienne, 12 juin 1937, ibidem, p. 197.

37 « Misère et grandeur du parti », 14 juillet 1937, ibidem, p. 212.

38 M. Moissonnier, Le mouvement ouvrier rhodanien dans la tourmente, op. cit., p. 347.

39 A. Chamson, « Le vrai pacifisme », Vendredi, 12 février 1937 in Les livres de la guerre, op. cit.

40 Geneviève Valette et Jacques Bouillon, Munich 1938, Paris, Armand Colin, « Kiosque », 1964 ; Chrystel Peyrefitte, « Les premiers sondages d’opinion », Édouard Daladier chef de gouvernement, Paris, FNSP, 1977, p. 265-278 ; Yvon Lacaze, L’opinion française et la crise de Munich, Bern, Peter Lang, 1991.

41 Y. Lacaze, op. cit., p. 585 sq.

42 Ibidem, p. 499.

43 Ibidem, p. 608.

44 Michel Winock, « L’esprit de Munich », L’Histoire, « Les années trente de la crise à la guerre », n ° spécial, 1983, p. 68-77.

45 Voir notre article, « Bellicistes de gauche : Paul Nizan et les intellectuels anti-munichois », Aden. Paul Nizan et les années trente, 5, 2006, p. 486-502.

46 ALDH 798/14.

47 Cahiers des droits de l’Homme, 1-15 octobre 1938, ALDH 798/69.

48 Les propos de René Gérin sont, d’après le compte-rendu publié, accueillis par des « protestations » dans l’assemblée. René Gérin (1892-1957), professeur de lettres puis journaliste, est l’auteur de plusieurs livres sur les origines de la Grande Guerre puis, dans les années 1930, sur les nouvelles menaces de guerre. À cette date, il nous semble difficile de le définir comme un « pacifiste antifasciste »…

49 Intervention de Ferdinand Corcos et d’Henri Guernut, ibidem.

50 Cahiers des droits de l’Homme, 15 mai 1939, ibidem.

51 Motion de la section du Buisson (Dordogne), 18 juin 1939, ALDH F delta 798/143 ; demande d’intervention de la section de Miribel (Ain) 21 juin 1939, ibidem 798/18.

52 Circulaire aux fédérations, 16 juin 1939, ALDH Fdelta 798/69.

53 Voir, pour une présentation synthétique, Rachel Mazuy, « Le RUP, une organisation de masse ? », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 30, 1993, p. 40-44.

54 Circulaire du RUP, avril 1939, ALDH 768/69.

55 Antoine Prost, La CGT à l’époque du Front populaire, Paris, FNSP, 1964.

56 Congrès confédéral de Nantes. Compte rendu sténographique, p. 221, 149 et 163 sq.

57 Ibidem, p. 286 et 242.

58 Nicole Racine, « Le Comité de vigilance… », art. cit.

59 Pierre Biquard, proche des socialistes, est responsable du CVIA pour la région parisienne ; Charles Mauron, militant socialiste à Saint-Rémy-de-Provence, anime le comité dans la région.

60 « Déclaration pour le congrès », Vigilance, 65, 20 avril 1938.

61 « Avenir du comité de vigilance », Ibidem.

62 Nicole Racine, art. cit.

63 Jules Moch, Une si longue vie, Paris, Robert Laffont, 1976, p. 149.

64 Jean-Pierre Azéma, De Munich à la Libération 1938-1944, Paris, Le Seuil, « Nouvelle histoire de la France contemporaine », tome 14, 1979, p. 18-22.

65 J. Moch, Une si longue vie, op. cit., p. 150.

66 Richard Gombin, « Socialistes et pacifistes », in René Rémond, Janine Bourdin (dir.), La France et les Français 1938-1939, FNSP, 1978, p. 245-260.

67 Sur les « paul-fauristes », nous renvoyons aux travaux de Noëlline Castagnez, en particulier son article « Le Pays Socialiste, par la liberté, par la paix : des socialistes pacifistes autour de Paul Faure », Matériaux pour l’histoire de notre temps, op. cit., p. 48-52.

68 Nicolas Offenstadt, « Signer pour la paix… », art. cit.

69 Congrès de Nantes, compte-rendu sténographique, p. 907 et 983.

70 Ibidem, p. 982.

71 Ibidem, p. 132.

72 Voir la notice sur André Ferrat dans le Cédérom « Maitron ».

73 Comme le fait Richard Gombin, « Socialistes et pacifistes », art. cit., p. 258.

74 Martine Pradoux, Daniel Mayer. Un socialiste dans la Résistance, Paris, Éditions de l’Atelier, « La part des hommes », 2002, p. 66-67.

75 Jean Bouhey est député de la Côte-d’Or, François Camel de l’Ariège et Tanguy-Prigent du Finistère. Voir leurs notices biographiques par Justinien Raymond dans le Cédérom « Maitron ». Sur Tanguy Prigent, voir Christian Bougeard, Tanguy-Prigent. Un paysan ministre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2002.

76 Voir les notices les concernant dans le Cédérom « Maitron » et Guillaume Piketty, Pierre Brossolette. Un héros de la Résistance, Paris, Odile Jacob, 1998.

77 Agir, 1, 1er février 1939.

78 Georges Monnet, « Le devoir du parti. Le devoir du pays », Agir, 2, 15 février 1939.

79 Léo Lagrange, « Le devoir socialiste », ibid., 5, 1er avril 1939.

80 André Leroux (pseudonyme d’Angelo Tasca), « Pacifisme bourgeois et impérialisme fasciste », ibid., 3, 1er mars 1939.

81 A. Leroux, « Pour la paix et pour la liberté », ibid., 7, 1er mai 1939.

82 Robert Verdier, Mémoires, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 40.

83 À l’exception de Lucien Lequertier, professeur au lycée La Martinière, membre du bureau fédéral. Dans l’hommage qu’il lui rend à son décès, André Philip évoque celui qui, après Munich, « tint courageusement tête à une salle déchaînée qui hurlait “Lequertier sac au dos” », DBMOMS, notice par Gilles Vergnon.

84 « Documents pour le congrès fédéral du 18 décembre », L’Avenir socialiste, 8 décembre 1938.

85 Voir sur son itinéraire Michel Dreyfus, « André Philip, du pacifisme à la résistance », in Christian Chevandier et Gilles Morin, André Philip socialiste, patriote, chrétien, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2005, p. 95-106.

86 Ibidem.

87 Jean-Jacques Becker, « Élections : le parti communiste marque le pas », in Jean-Pierre Azéma, Antoine Prost, Jean-Pierre Rioux (dir.), Le Parti communiste des années sombres 1938-1941, Paris, Le Seuil, 1986, p. 20-29.

88 Nicolas Offenstadt, « Signer pour la paix en 1938-1939 », art. cit.

89 Sur les douze agrégés signataires du texte initial, on retrouve Jean Bruhat, Georges Cogniot, Auguste Cornu, Pierre George, Luce Langevin et Georges Politzer.

90 Publié dans L’Humanité, le 1er octobre 1938.

91 L’Humanité, 15 mars 1939. On retrouve les signatures de Henri Focillon, Lucien Febvre, Alexandre Koyré, Ferdinand Lot, Marcel Mauss, comme celle du jeune Paul Vignaux.

92 « Une déclaration de l’Union des intellectuels français », L’Humanité, 10 décembre 1938.

93 BDIC Nanterre, fonds UDIF : Q pièce 8793/1-3.

94 « Appel de l’UDIF », Bulletin de l’UDIF, 1, février 1939.

95 « Activités de l’Union des intellectuels français », ibidem.

96 « Les intellectuels français demandent la comparution de M. Georges Bonnet devant une commission d’enquête », ibidem, supplément au bulletin de mars 1939. En plus des membres du bureau de l’UDIF (Langevin, Febvre, Joliot, Marquet), la lettre est contresignée par Henri Focillon et les germanistes Jacques Ancel et Edmond Vermeil.

97 « Nous accusons », ibidem, 2, avril 1939.

98 Listes publiées dans le Bulletin de mars 1939.

99 Renaud de Jouvenel, Confidences d’un ancien sous-marin du PCF, Paris, Julliard, 1980, p. 25.

100 Sur l’itinéraire de Philippe Lamour, voir Jean-Robert Pitte, Philippe Lamour 1903-1993, Paris, Fayard, « Pour une histoire du XXe siècle », 2002. Voir aussi son autobiographie, Le cadran solaire, Paris, Robert Laffont, 1980.

101 Philippe Lamour, « La Débâcle », Les Volontaires, 1, décembre 1938.

102 Jacques Soustelle, « L’UDIF salue Les Volontaires », ibidem, 6, mai 1939.

103 « La revue Les Volontaires et l’UDIF », Ibidem, 7, juin 1939.

104 Thierry Maulnier, « Changement de front de l’antifascisme », Revue universelle, 15 octobre 1938.

105 Esprit, avril 1939.

106 Jean-Paul Sartre, « Qu’est-ce que la littérature ? », Situations II, Paris, Gallimard, 1948, p. 232-233.

107 « Cette année a été, pour beaucoup, celle de la découverte ou de la redécouverte de la patrie charnelle. Loin de se faire en opposition avec nos idées antérieures, cette découverte s’est faite par approfondissement », Jean Lacroix, « Notre attitude », Le Voltigeur, 16, 24 mai 1939.

108 Julien Benda, « On reprend espoir », Les Volontaires, 2, janvier 1939.

109 Armand Petitjean, « Péguy et nous », NRF, 310, juillet 1939. L’auteur salue la convergence entre quelques « vieux patriotes » de droite qui « commencent à s’ouvrir au peuple de France » et ceux qui, à gauche, « comprennent que le peuple n’est rien s’il n’est pas la nation ».

110 « Les intellectuels français protestent contre la capitulation de Munich », L’Humanité, 4 octobre 1938. L’historien Henri Hauser, qui dit approuver « avec réserves » le manifeste Paix et démocratie, dit que « nous payons aujourd’hui les fruits amers de cette fausse conception de la paix ».

111 « Collaborer avec Hitler ? », Le Voltigeur français, 19 octobre 1938.

112 Julien Benda, « Démocratie et communisme », Les Volontaires, 5, avril 1939.

113 E. Mounier, « L’Europe contre… », Esprit, novembre 1938.

114 David Caute, Les compagnons de route 1917-1968, Paris, Robert Laffont, 1979 ; Jeannine Verdès-Leroux, Au service du parti. Le parti communiste, les intellectuels et la culture, Paris, Fayard/Minuit, 1983.

115 Cité dans NRF, décembre 1938.

116 Georges Vidal, Le PCF et la défense nationale à l’époque du Front populaire. De l’antimilitarisme révolutionnaire à l’armée républicaine, thèse, université Montpellier III, 2002 ou, version imprimée, La Grande illusion, op. cit.

117 Fiodor Dan, « Guerre, lutte de classes, socialisme », La Bataille socialiste, mai 1939.

118 Le Voltigeur français, 29 septembre 1938.

119 Voir Pierre-Frédéric Charpentier, La drôle de guerre des intellectuels français (1939-1940), Paris, Lavauzelle, 2008, en particulier la troisième partie, « Le débat d’idées de 1939-1940 : la désunion sacrée », p. 197-292.

120 François Bédarida, « L’histoire de la Résistance. Lectures d’hier, chantiers de demain », Vingtième siècle, 11, juillet-septembre 1986, p. 75-89.

121 François Bédarida, « Résistants », in Jean-Pierre Azéma, François Bédarida, 1938-1948 les années de tourmente. Dictionnaire critique, Paris, Flammarion, 1995, p. 701-710.

122 Claudio Pavone, Une guerre civile. Essai historique sur l’éthique de la résistance italienne, Paris, Le Seuil, 2005 et « La guerre civile a bien eu lieu », entretien avec Jean-Baptiste Marongiu, Libération, 3 février 2005.

123 Olivier Wieviorka, « Guerre civile à la française ? Le cas des années sombres 1940-1945 », Vingtième Siècle, 85, janvier-mars 2005, p. 5-19.

124 Serge Wolikow, « Antifascisme », in François Marcot (dir.), Dictionnaire historique de la Résistance, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2006, p. 639-640.

125 Nous nous référons à l’étude très neuve d’Arlette Farge et Michel Chaumont, Les mots pour résister. Voyage de notre vocabulaire politique de la résistance à aujourd’hui, Paris, Bayard, 2005.

126 Liste des mouvements homologués dans Alain Guérin, Chronique de la Résistance, Paris, Omnibus, 2000, p. 1646-1648. La liste des réseaux est également reproduite dans le Dictionnaire historique de la Résistance, p. 1082-1088.

127 Signes de la collaboration et de la Résistance, Paris, Autrement, 2002.

128 L’anthologie d’Henri Michel et Boris Mirkine-Guetzévitch, Les idées politiques et sociales de la Résistance, Paris, PUF, 1954, reste irremplaçable malgré son âge. Les citations qui suivent en sont extraites.

129 Jacques Duclos affirme, en introduction aux volumes de ses Mémoires consacrés à la guerre, que les mots « hitlériens, nazis et boches » étaient, dans l’esprit des communistes, synonymes et dénués de tout chauvinisme, Mémoires. Dans la bataille clandestine, tome 3, 1re partie 1940-1942, Paris, Fayard, 1970, p. 9.

130 Ibidem, p. 171-172.

131 Ibidem, p. 248.

132 Mémoires, tome 3, 2e partie, 1943-1945, Fayard, 1970, p. 66 et 28.

133 Guy Krivokisspo, François Marcot, La vie à en mourir. Lettres de fusillés 1941-1944, Paris, Tallandier, 2003, p. 18.

134 Ibidem, p. 312, 232.

135 L’Insurgé, 4, juin 1942, collection ADR 31 JB20.

136 Ibidem, 21, printemps 1943.

137 Charles Tillon, On chantait rouge, Paris, Robert Laffont, 1977, p. 311-314.

138 Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l’étranger. Les immigrés de la MOI dans la Résistance, Paris, Fayard, 1989.

139 « La France aime, admire, vénère tous les combattants de la liberté », tract MNCR, mars 1944, ibidem, p. 364. Le MNCR est fondé à l’automne 1942 par des militants de la section juive de la MOI. Le MNCR est le (lointain) ancêtre du MRAP.

140 « L’agonie du fascisme est commencée », Libération sud, 15 août 1943, cité par Laurent Douzou, La Désobéissance. Histoire du mouvement Libération sud, Paris, Odile Jacob, 1995, p. 286.

141 « La République et la guerre », Libération nord, 8 janvier 1943, cité par H. Michel et B. Mirkine, Les idées politiques…, op. cit., p. 81-82 ; « Pourquoi je suis républicain ? Réponse d’un socialiste », Les cahiers politiques, 1943, ibidem, p. 99-101. Le texte ajoute : « Cette République là n’était pas la nôtre, en ce sens qu’elle restait, dans sa contexture, une république bourgeoise… Elle n’en était pas moins, pour le Prolétariat militant, la République du suffrage universel, du droit syndical, du droit de grève, du respect de la personne humaine, bref de toutes les libertés essentielles. Elle valait bien que le prolétariat la défendît contre tout agresseur ; à quoi il ne manqua jamais, chaque fois qu’il la sentit en péril. »

142 Franc-Tireur, 30 avril 1943, cité par Dominique Veillon, Le Franc-Tireur, Flammarion, 1977, p. 115.

143 Michèle Gabert, Entrés en Résistance. Isère. Des hommes et des femmes dans la résistance, Grenoble, PUG, 2000.

144 Fabienne Federini, « Une sociologie de l’engagement résistant est-elle possible ? », Table ronde, congrès de l’Association française de Science politique (AFSP), Lyon, 14-16 septembre 2005, en ligne sur [www.afsp.msh.fr]. Voir aussi, du même auteur, Écrire ou combattre. Des intellectuels prennent les armes, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui », 2006.

145 Ibidem, p. 11. En l’absence de tout recensement exhaustif des résistants, le corpus est construit comme une sélection selon trois critères essentiels : le type de résistance (mouvement, réseau…), l’origine géographique et le sexe.

146 Lucie Aubrac, Cette exigeante liberté. Entretiens avec Corinne Bouchoux, Paris, L’Archipel, 1987.

147 Nicole Racine, « Les années d’apprentissage », in Alya Aglan et Jean-Pierre Azéma (dir.), Jean Cavaillès résistant ou la Pensée en actes, Paris, Flammarion, 2002, p. 13-78.

148 Jean-Pierre Tuquoi, Emmanuel d’Astier. La plume et l’épée, Paris, Arléa, 1987, p. 58 et 65. Selon l’auteur, d’Astier aurait assisté, en 1936 ou 1938, à un congrès nazi à Nuremberg. Frenay écrira plus tard que c’est à Strasbourg que sa Résistance a « pris naissance », ibid., p. 84.

149 Notice dans Dictionnaire historique de la Résistance, op. cit., p. 394-395.

150 Robert Belot, Henri Frenay. De la Résistance à l’Europe, Paris, Le Seuil, 2003, p. 57 sq.

151 Claude Bourdet, L’Aventure incertaine. De la Résistance à la restauration, Paris, Éditions du Félin, 1998, p. 28-29.

152 Jean-Pierre Lévy, Mémoires d’un franc-tireur. Itinéraire d’un résistant (1940-1944), Bruxelles, Complexe, 1998, p. 28-31.

153 Entretien avec Alain Le Ray (juillet 2004) et notre notice le concernant in F. Marcot (dir.), Dictionnaire historique de la Résistance, op. cit., p. 463-464.

154 Olivier Wieviorka, Nous entrerons dans la carrière. De la Résistance à l’exercice du pouvoir, Paris, Le Seuil, 1994 ; Henri Weill, Les valeurs de la Résistance. Entretiens avec Serge Ravanel, Toulouse, Privat, 2004.

155 O. Wieviorka, Nous entrerons dans la carrière…, op. cit., p. 68 et 357.

156 Ibidem, p. 409-410.

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