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Le monde parlementaire au XVIIIe siècle

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Alain Lemaître

Repenser les parlements au XVIIIe siècle : du concept de « l’opposition parlementaire » à celui de « culture juridique des conflits politiques »

Julian Swann

Texte intégral

1L’historiographie des parlements au XVIIIe siècle est indissociablement liée aux débats centrés sur les origines de la Révolution de 1789. L’histoire politique a, en effet, longtemps été écrite les yeux rivés sur la décision de Philippe d’Orléans, au lendemain de la mort de Louis XIV en septembre 1715, de rendre aux parlements leur droit de remontrances avant enregistrement afin d’obtenir l’appui du Parlement de Paris dans ses prétentions à exercer la Régence durant la minorité de Louis XV. Une longue tradition historiographique a exposé que les magistrats, à peine libérés des chaînes que le Roi soleil leur avaient imposées en 1673, ont renoué avec l’habitude de s’opposer aux projets de réformes, en particulier dans le secteur crucial des finances. Aux yeux des historiens qui leur sont hostiles, les parlementaires étaient de simples hypocrites qui prenaient avec attendrissement la défense des pauvres pour mieux camoufler leur volonté de défendre leurs intérêts pécuniaires. Les réformes d’une série de ministres éclairés, tels Machault d’Arnouville, Turgot et Calonne, se seraient brisées les unes après les autres face à une opposition parlementaire qualifiée de purement aristocratique, égoïste et réactionnaire. Au sein de la sombre histoire des échecs politiques des ministres, seules les réformes du chancelier Maupeou en 1771 sont décrites comme ayant été couronnées de succès. Soutenu par Louis XV et secondé par des ministres aussi fermes que l’abbé Terray, le duc d’Aiguillon et Bourgeois de Boynes, le chancelier Maupeou lança une réforme audacieuse qui réussit temporairement à briser l’opposition des parlements ainsi qu’à remodeler leur juridiction, à abolir la vénalité des charges et à limiter le droit de remontrances.

  • 1 Pour quelques exemples, voir : Léon Cahen, Les querelles religieuses et parlementaires sous Louis (...)

2Voltaire et un grand nombre d’historiens depuis ont cru voir dans les réformes de Maupeou une version à la française du despotisme éclairé pratiqué par Fréderic II en Prusse ou Joseph II en Autriche1. Selon eux, ce n’est qu’en muselant les parlements que le gouvernement pouvait imposer la modernisation des structures de l’État et éradiquer les abus qui étaient en grande partie responsables du déficit des finances. La mort subite de Louis XV au mois de mai 1774 jeta une ombre sur ce bilan et son jeune successeur fut tout à coup placé sous d’immenses pressions pour rappeler les anciens parlements. Le désir compréhensible de débuter son règne par une décision populaire persuada Louis XVI de disgracier Maupeou et abandonner sa besogne. La décision fut lourde de conséquences et, dès lors, les projets de ministres réformateurs tels que Turgot ou Calonne furent voués à l’échec face à l’opposition rancunière des magistrats. Le déficit des finances, consécutif à la Guerre d’Indépendance américaine, fit couler la barque de l’État, et Louis XVI, pour éviter la résistance parlementaire à ses réformes fiscales, se tourna vers l’Assemblée des Notables en février 1787. Fatale pour son autorité, sa décision déclencha une crise qui déboucha sur la convocation des États-généraux. En poussant le roi à suivre un chemin si hasardeux, les parlements auraient largement contribué aux origines d’une révolution qui les détruira avec la monarchie.

3Ce tableau est certes un peu impressionniste, mais nul doute qu’il soit familier à tous ceux qui connaissent l’histoire de France avant 1789. C’est une vision de l’histoire du XVIIIe siècle que l’on répète encore, et pas simplement dans des histoires pour le grand public, bien qu’elle ne soit plus du tout au goût du jour. Depuis au moins trente-cinq ans, l’historiographie des parlements a été grandement enrichie grâce au renouveau de l’histoire politique à l’époque moderne. Des approches neuves sur des sujets aussi divers et variés que la Cour de Versailles, le rôle des patronages et clientèles, le poids de l’opinion publique, l’impact des débats religieux et philosophiques du siècle des Lumières, ont profondément transformé notre compréhension du monde parlementaire. L’objectif de cette contribution est de faire le point des connaissances acquises et d’essayer d’indiquer celles d’entre elles qui font l’objet d’un consensus ou sont controversées, et de souligner les lacunes qui subsistent en même temps que les nouvelles pistes pour la recherche à venir...

  • 2 Pierre Gaxotte, Le siècle de Louis XV, Paris, Fayard, 1933, p. 339.
  • 3 Franklin L. Ford, Robe and sword. The regrouping of the French aristocracy after Louis XIV, Cambri (...)
  • 4 Albert Soboul, The French Revolution, 1787-1799. From the storming of the Bastille to Napoleon tra (...)
  • 5 François Bluche, Les magistrats du parlement de Paris au XVIIIe siècle, Paris, Les Belles Lettres, (...)
  • 6 Roland Mousnier, Les Institutions de la France sous la monarchie absolue : 1598-1789, Paris, Press (...)

4Pour apprécier les changements accomplis dans le champ historiographique durant ces trente dernières années, il n’est pas inutile de rappeler que l’interprétation classique de l’opposition parlementaire a été capable de mettre d’accord, malgré leurs fortes divergences intellectuelles et idéologiques, des historiens tels que Pierre Gaxotte, Roland Mousnier et Albert Soboul. Au milieu des années 1930, Gaxotte écrivait que « cette rébellion de la magistrature est, sans contredit, l’événement politique le plus important du règne [de Louis XV]... Elle représente le furieux effort d’une nouvelle classe de privilégiés pour s’emparer de la puissance publique et transformer la constitution du royaume en abaissant la couronne2 ». L’accent mis sur l’importance d’une opposition des privilégiés explique que dans les années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale il soit devenu presque obligatoire de parler de la réaction aristocratique. Selon Franklin Ford, pendant la première moitié du XVIIIe siècle, les anciens clivages entre la noblesse d’épée et la noblesse de robe s’effacèrent progressivement et, dès lors, les parlementaires furent la voix de l’aristocratie3. Pour un marxiste tel que Soboul, les parlements pouvaient facilement être considérés comme le symbole d’une classe en déclin, essayant vainement de protéger ses privilèges, dernier bastion contre la montée inexorable de la bourgeoisie4. La tradition historiographique marxiste n’est pas seule à tirer de telles conclusions : en analysant la réaction du Parlement de Paris face aux réformes de Machault, Bertin et Turgot, François Bluche a parlé d’une attitude « conditionnée par les privilèges personnels de ses membres... la violence de cette opposition réactionnaire ne s’explique pas seulement par la somme des sentiments nobiliaires de ses champions. L’esprit de corps est bientôt masqué par la chaleur de la lutte, l’ardeur de la polémique, le plaisir d’affronter le pouvoir jusqu’à sembler le faire chanceler5 ». Dans la même veine, Roland Mousnier considéra que « les prétentions des cours souveraines furent presque un révolution aristocratique en faveur de la noblesse de robe6 ».

  • 7 Ibid.
  • 8 Michel Antoine, Louis XV, Paris, Fayard, 1989, p. 939.
  • 9 Lucien Laugier, Un Ministère Réformateur sous Louis XV : Le Triumvirat, 1770-1774, Paris, La Pensé (...)

5L’histoire de Maupeou et de sa révolution de 1771 est au centre du mythe d’une monarchie détruite par les parlements. Selon une longue tradition, Louis XV dégouté par la résistance farouche et républicaine de la magistrature donna son accord au chancelier qui cassa le pouvoir des parlements afin d’imposer ses réformes, telles que l’abolition de la vénalité des offices, la limitation du droit de remontrances et la réduction des ressorts des cours souveraines. Pour Roland Mousnier, une révolution royale était nécessaire pour bloquer « une révolution aristocratique7 ». Quant à Michel Antoine, il a souligné que « le bilan des réformes du chancelier était remarquable. Du point du vue politique aussi son action était positive : il avait commencé à libérer l’État de l’obstruction des privilégiés et l’action du gouvernement s’en trouvait facilitée8 ». Pour Antoine et beaucoup d’autres historiens, la révolution de 1771 se résumait à un choix entre « monarchie ou anarchie » ; aussi, la mort de Louis XV et le rappel des parlements sont-ils envisagés comme une catastrophe. Lucien Laugier a peut être mis le fin mot à cette affaire lorsqu’il écrivit qu’en « ensevelissant Louis XV, les moines ensevelissaient aussi le dernier grand sursaut de la monarchie. Le roi et ses ministres avaient bien compris que pour se maintenir, elle devait se réformer9 ».

  • 10 Parmi ses œuvres, voir : Jean Egret, Le Parlement de Dauphiné et les affaires publiques dans la de (...)
  • 11 Jean Egret, Louis XV et l’opposition parlementaire, Paris, Armand Colin, 1970, p. 6. Pour le trava (...)

6Cette idée d’une lutte impitoyable opposant la monarchie et les parlements est aussi présente chez Jean Egret, qui est pourtant l’un des rares historiens français du milieu du XXe siècle à avoir approché les magistrats avec un œil plus indulgent10. Dans le sillage de Jules Flammermont, le plus grand historien des parlements au XIXe siècle, Egret a insisté sur le fait « que les parlements défendaient souvent d’autres intérêts que leurs intérêts personnels et corporatifs, que leur opposition n’était pas seulement négative et qu’il existait des connivences étroites entre elle et l’opinion provinciale et nationale11 ». Ces mots clairvoyants qui, à l’époque, n’ont semblé avoir que fort peu d’influence sur les historiens français, se trouvent justifiés dans beaucoup d’études qui ont paru depuis lors. Cependant, même si Egret a été plus nuancé dans son analyse des magistrats que ses collègues, il partageait l’opinion dominante au sujet de l’existence d’une lutte entre la monarchie et les parlements. Le titre même de son œuvre Louis XV et l’opposition parlementaire, avec des sous-titres comme « procès de la monarchie administrative », « révolte contre la monarchie autoritaire » et « victoire incertaine de l’autorité », rend bien compte de sa manière de penser.

  • 12 Olivier Chaline, « Les infortunes de la fidélité. Les partisans du pouvoir royal dans les parlemen (...)

7Caché derrière ce modèle conflictuel, il est possible de détecter l’influence d’une interprétation de l’histoire de France, qui durant plusieurs générations a vu à l’œuvre le développement inexorable de l’État. À l’époque moderne, c’est la monarchie, et particulièrement Henri IV et Sully, Louis XIII et Richelieu, puis Louis XIV et Mazarin qui furent les architectes d’une administration puissante et centralisatrice. Le développement de l’État en France est souvent présenté comme l’équivalent du triomphe du Parliament pour les partisans de l’interprétation whig de l’histoire de l’Angleterre, c’est-à-dire qu’il est considéré comme un phénomène providentiel et inéluctable. Les parlements, les états provinciaux et toutes les autres institutions qui résistèrent aux projets du gouvernement, envisagé comme le véhicule de l’État moderne, ont été condamnés comme autant de reliques du féodalisme, de bastions d’un monde privilégié qu’il fallait détruire au plus vite. On pourrait donc parler d’un « whiggisme à la française » ou comme Olivier Chaline l’a si justement remarqué, identifier une tradition dans l’historiographie française « qu’on pourrait qualifier de « statolâtre », qu’elle soit de droite ou de gauche12 ». Il est vrai qu’il y a encore beaucoup de choses à dire sur les origines de l’État français et sur la politique et la réforme de la monarchie avant 1789. Pour autant, les résultats des nouvelles recherches accomplies depuis plusieurs décennies sur le rôle des parlements me forcent à rejeter les vieux clichés d’une opposition aveugle et réactionnaire de la magistrature.

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  • 13 J.H. Shennan, The Parlement of Paris London, Thames and Hudson, 1968; William Doyle, “The parlemen (...)
  • 14 Maurice Gresset, Gens de justice à Besançon : de la conquête par Louis XIV à la Révolution françai (...)
  • 15 Dans cet article je vais me concentrer sur l’histoire politique plutôt que la dimension sociale.

8Étant donné le splendide isolement de Jean Egret en France, on peut dire que les origines du renouvellement de l’étude de l’histoire des parlements et de la politique au XVIIIe siècle se sont situées en Angleterre et aux États-Unis avec une série de publications par plusieurs historiens : J.H. Shennan, William Doyle, Lloyd Moote, J.M.J Rogister, Albert Hamscher et Bailey Stone13. Ces travaux ont été suivis de près avec l’apparition, à la fin des années 1970 en France, des livres importants de Maurice Gresset sur le Parlement de Besançon et de Monique Cubells sur le Parlement de Provence14. À la différence des historiens français, les anglophones se sont beaucoup plus penchés sur l’étude de la politique plutôt que sur l’histoire sociale et culturelle15. Dans ce sens, les anglophones ont repris la tradition de Flammermont et Egret, mais il y avait quand même dans leur travaux une tentative de repenser les relations entre la monarchie et les parlements afin d’échapper à une interprétation fondée sur l’idée de conflit permanent et presqu’inévitable entre deux forces opposées. Sans doute leur pensée a-t-elle été influencée par leur connaissance des études sur le Parliament anglais, ou d’autres institutions représentatives. Elle a certainement encore été influencée par l’idée que l’opposition ou la critique ne sont pas nécessairement les signes d’une division irréconciliable. On pouvait ajouter qu’aux yeux de ces nouveaux historiens des parlements, il était important d’étudier le XVIIIe siècle en soi et non pas seulement par rapport à la révolution de 1789.

  • 16 J.H. Shennan, Parlement of Paris, p. 95, “The attitude of the Parlement [de Paris] has been much c (...)

9Un des éléments clé de la nouvelle approche était le souci de faire le lien entre les fonctions judiciaires des parlements et leur rôle politique. Comme J.H. Shennan l’a remarqué : « L’attitude du Parlement [De Paris] a été beaucoup critiquée parce qu’elle était réputée non éclairée et réactionnaire. Cependant, ce n’était pas le rôle de la cour d’adopter ou rejeter des attitudes contemporaines ; sa tâche essentielle était de maintenir la loi au nom du roi... Comme toute institution juridique, elle a tiré son inspiration des précédents, fournissant de ce fait le gouvernement monarchique avec une continuité et une tradition d’une importance primordiales16. » La volonté de défendre la loi établie était une motivation puissante dans la magistrature. Il faut aussi ajouter son désir de protéger la juridiction et les privilèges des parlements. À l’évidence la défense des droits et de la juridiction des cours était souvent liée aux intérêts professionnels et pécuniaires des magistrats. Il serait cependant erroné d’en déduire que ces motifs étaient purement égoïstes car le légalisme des magistrats faisait partie d’une conception plus sophistiquée du gouvernement monarchique légitime. D’ailleurs, certaines des idées de la magistrature étaient partagées par les membres de l’administration royale qui savaient que les lois publiées avec l’accord des parlements commandaient un plus grand respect.

  • 17 James D. Hardy, Judicial politics in the old regime. The parlement of Paris during the Regency (Ba (...)
  • 18 Comme mon collègue, Joël Félix, m’a rappelé souvent et avec justesse.

10Dans leurs divers travaux, les historiens anglo-américains des parlements ont rejeté l’idée de l’existence d’un conflit permanent entre la couronne et les parlements et utilisé le concept anglais de « judicial politics » qui a été utilisé pour la première fois dans un livre autrement assez commun publié en 1967 par J.D. Hardy17. Les historiens ne disposent pas encore de traduction de ce concept pour lequel il n’existait pas non plus d’équivalent au XVIIIe siècle18. Le concept de judicial politics, que l’on peut vouloir traduire par les termes de « culture juridique des conflits politiques » ou de « jurisprudence de la politique », est utile parce qu’il nous donne la possibilité d’échapper à une définition de la politique fondée sur l’opposition parlementaire, laquelle résulte, en partie, de l’habitude compréhensible, mais souvent trompeuse, d’analyser la politique simplement par le biais des textes des remontrances. À n’analyser les relations entre la monarchie et les parlements qu’à travers les remontrances, il est presque impossible d’échapper à l’image d’un conflit permanent. Il en ressort une vision en noir et blanc, de deux camps hostiles et incompatibles, qui cache de fait la complexité des relations entre la monarchie et les parlementaires. On pourrait donc définir le concept de judicial politics, comme une série de règles et de conventions non-écrites par lesquelles les relations entre le gouvernement et les parlements furent organisées, y compris les rituels, langages et stratégies du pouvoir en même temps que leurs expressions formelles tels que les remontrances ou lits de justice.

  • 19 C’est une approche qu’on voit particulièrement chez les historiens britanniques, notamment Campbel (...)

11À considérer la politique des parlements dans le contexte social et culturel du XVIIIe siècle, force est de constater que beaucoup de crises entre le gouvernement et les magistrats ressemblèrent moins à une lutte acharnée entre deux pouvoirs incompatibles qu’à des marchandages et négociations typiques de n’importe quel système politique en bonne santé19. Il est possible d’expliquer la plupart des actes des parlements comme faisant partie intégrante des règles du jeu politique. Le ministère, les parlements et même le public étaient eux-mêmes habitués à penser en ces termes. Pour un Parlement, la décision d’enregistrer un édit ou non, de rédiger des remontrances plutôt que des représentations, d’inviter les princes et les pairs à une assemblée des chambres, d’organiser une députation solennelle ou simplement d’envoyer le premier président ou les gens du roi étaient autant de stratégies délibérément choisies pour informer le gouvernement de son état d’esprit. Le roi et son Conseil disposaient également d’une grande variété de moyens pour exercer des pressions sur les parlementaires, soit en adressant une réponse rapide ou non aux remontrances, soit en convoquant une députation à la Cour et en la laissant patienter pendant des semaines sans obtenir la moindre audience, soit encore en assemblant le princes du sang et les grands officiers de la couronne pour entendre la réponse formelle au Parlement, soit enfin en tenant un lit de justice. Ces divers rituels étaient utilisés selon les circonstances, cela dans le but d’envoyer un message aux parlementaires, certes, mais aussi à l’opinion publique. Les exils, les grèves judiciaires et les démissions collectives peuvent également être envisagées comme des expressions de la gestion politique des parlements.

12Dès que l’on envisage les relations entre le gouvernement et les parlements dans ces termes, il me semble qu’on se trouve beaucoup plus près de la réalité de la vie politique du XVIIIe siècle. Le concept de « judicial politics » offre un modèle beaucoup plus flexible que celui de l’opposition parlementaire et, plus important encore, permet d’intégrer la culture des contemporains dans l’analyse des conflits juridico-politiques. Trop souvent, en effet, on oublie que le public au XVIIIe siècle ne pensait pas simplement en termes d’opposition parlementaire et qu’il était bien conscient que le roi et ses parlements pouvaient aussi travailler ensemble. Les crises périodiques avaient des origines complexes et, pour les comprendre, le public eut longtemps l’habitude de scruter les motivations des ministres et magistrats qui étaient rarement envisagées comme le résultat de l’intérêt personnel et pécuniaire des parlements, même si de tels motifs étaient quelquefois bien présents.

  • 20 William Doyle, “The parlements of France”.
  • 21 Julian Swann, Politics and the Parlement of Paris, p. 314-51.
  • 22 Joël Félix, Finances et politique au siècle des Lumières : le ministère L’Averdy, 1763-1768, Paris (...)
  • 23 Pour quelques exemples voir : David A. Bell, Lawyers and citizens: the making of a political elite (...)

13Mettre l’accent sur la complexité de la vie politique d’Ancien Régime c’est souligner cette réalité que les parlements, comme toutes les grandes institutions, avaient besoin d’être gérées par les ministres. Nombre de grandes crises du règne de Louis XV furent le résultat d’un manque d’attention de la part des ministres dans les relations entre le gouvernement et les magistrats. Traditionnellement peu enclins à critiquer les actions des ministres, les historiens envisageaient la monarchie réformatrice comme étant systématiquement bloquée par la résistance des parlementaires. Dans un célèbre article, William Doyle a détruit cette interprétation en suggérant que les réformes de Maupeou ne furent pas l’ouvrage d’un grand homme d’État qui aurait pu sauver la monarchie. Doyle a vu dans les actions de Maupeou un ministre intrigant, cherchant à déstabiliser son rival, le duc de Choiseul, en attaquant les parlementaires20. Selon Doyle, la révolution de 1771 montre que loin d’être un obstacle insurmontable à la réforme, les parlements étaient des « tigres de papiers » incapables d’arrêter le gouvernement dès lors qu’il était suffisamment résolu. Cette remise en question des motivations de Maupeou nous a conduit à suggérer que les origines de la révolution royale de 1771 étaient plus probablement à rechercher dans les ténèbres de l’affaire de Bretagne et dans les cabales de la Cour que dans les vues intimes du chancelier21. Il faut aussi ajouter que la crise Maupeou est aussi liée à la crise financière de l’après guerre de Sept Ans et de l’échec des réformes politiques et économiques mises en place sous le tandem Choiseul-L’Averdy, et en particulier la question controversée de la liberté du commerce des grains22. Tout ce qu’on peut dire en faveur de Maupeou est qu’il a été tenace et confiant dans sa capacité de restructurer le monde judiciaire afin de protéger son crédit aux yeux du roi, et cela malgré une opposition acharnée. Ajoutons que la réforme Maupeou, si réforme est le mot approprié – ce qui est discutable – eut des conséquences très graves pour la monarchie, à tel point qu’aujourd’hui les historiens se partagent presque à égalité entre ceux qui croient que Maupeou a accéléré les événements de 1789 et les autres qui pensent que le chancelier est presque parvenu à éviter à la monarchie l’expérience de la Révolution française23.

  • 24 Bailey Stone, The parlement of Paris, p. 14-92.
  • 25 John Hardman, Louis XVI, London: Yale University press, 1993, and Munro Price, Preserving the mona (...)
  • 26 Peter R. Campbell, Power and politics in Old Regime France: 1720-1745, London, Routledge, 1996, an (...)

14Après la chute de Maupeou, les parlementaires ne posèrent au fond que fort peu de problèmes au ministère. Dans son livre sur le Parlement de Paris sous le règne de Louis XVI, Bailey Stone a insisté sur le rôle d’un parti ministériel qui facilita la tâche du gouvernement24. Les membres de ce parti étaient consultés régulièrement par le ministère et dès lors qu’il prenait le temps d’écouter les magistrats expérimentés, l’opposition faisait rarement obstacle aux projets du gouvernement. Maurepas et Miromesnil s’inspiraient directement du ministère du cardinal de Fleury réputé pour avoir présidé sur une période d’harmonie dans les relations avec les cours souveraines25. Outre le principalat de Fleury, étudié par Peter Campbell, d’autres ministres, tels l’abbé de Bernis ou le duc de Choiseul, ont mené une stratégie de collaboration avec les parlements, en particulier avec le Parlement de Paris26. Ils avaient fort bien compris qu’il leur fallait faire usage de leur pouvoir de patronage nature à contrôler les parlements. Afin de gagner la confiance et les suffrages des magistrats les plus puissants, ces deux ministres distribuèrent pensions, offices, titres et grâces diverses. Miromesnil, qui a beaucoup réfléchi à ces stratégies, a souvent noté que la clé de bonnes relations n’était pas simplement une question d’argent. Très souvent les magistrats étaient irrités par le manque de soin et d’attention que portaient les ministres à leur égard et ils étaient blessés par la froideur du roi envers eux. Quelques mots bien placés ou des gestes de respect ou de considération étaient souvent capables de rallumer les bons sentiments de la plupart des parlementaires. Cette dimension de la gestion des affaires parlementaires a été régulièrement oubliée par les ministres de Louis XV et de Louis XVI, puis par les historiens.

  • 27 Joël Félix, Finances et politique au siècle des Lumières, et Marie-Laure Legay : Un projet méconnu (...)
  • 28 Arnaud Decroix, Question fiscale et réforme financière en France, 1749-1789 : logique de la transp (...)

15Dès lors que l’on accepte l’idée que les barrières entre les parlements et le ministère n’étaient pas dans le fond aussi élevées qu’on l’imagine souvent, il devient alors très difficile de prendre au sérieux les accusations que les parlementaires furent de simples ignorants réactionnaires. En réalité, les officiers de l’administration royale et des parlements étaient les membres de mêmes familles et ils partageaient une même éducation et culture. S’il est vrai que chez les ministres et dans l’administration plus généralement il y avait un désir de moderniser et réformer le fonctionnement de l’économie et les finances de l’État, ces derniers n’habitaient pas dans un univers totalement étranger à celui des parlementaires, même si leurs motivations professionnelles étaient souvent bien différentes. Comme Joël Félix l’a si bien montré, un magistrat comme L’Averdy, malgré un manque d’expérience au début de sa carrière, était tout à fait capable de devenir un administrateur efficace et éclairé, et des ministres tel que l’abbé Terray, Lamoignon de Basville et Lambert ont tous passé de longues années sur les bancs du parlement avant d’entrer au pouvoir27. Arnaud Decroix a récemment confirmé que les parlementaires étaient en mesure de fournir au gouvernement des renseignements et même de formuler des critiques utiles dans un domaine aussi controversé et complexe que celui de la réforme fiscale28.

  • 29 Pour quelques exemples de la coopération plutôt que le conflit entre la monarchie et les élites so (...)

16Lorsque les ministres prenaient le temps de consulter les magistrats avant de légiférer, ils avaient bien plus de chance de réussir auprès des parlements. On objectera peut être que le roi était souverain et qu’il n’avait aucun raison de consulter les juges. À ne voir les choses que de cette manière le risque est grand de confondre la théorie et la pratique de la monarchie absolue parce que les rois ont toujours su qu’il leur fallait gouverner en collaboration avec les élites et les institutions du royaume29. À certaines occasions, le roi était obligé de parler en maître et d’utiliser les voies autoritaires, comme le fit Louis XIV de façon si éclatante en août 1669 lorsqu’il se rendit au Parlement en compagnie de ces gardes suisses ou encore comme Louis XV lors de la fameuse séance dite de la Flagellation en mars 1766. Mais ces gestes étaient précisément retentissants parce qu’ils n’étaient employés que fort rarement. À agir de cette manière trop souvent, le roi aurait perdu tout le bénéfice d’une telle stratégie de choc.

17Les tentatives ministérielles pour contrôler les parlements n’étaient pas conduites dans le vide et il est clair que les parlements furent souvent les victimes plutôt que la cause de l’instabilité du gouvernement de Louis XV. Un des facteurs de complication les plus importants tenait à l’interaction constante entre les palais de justice et la Cour à Versailles. Maupeou ne fut pas le seul à essayer d’utiliser le Parlement pour sa politique. Dans la culture des conflits politiques les cabales et factions dans le palais de justice occupaient une place primordiale. L’analyse du rôle des factions fonctionne à plusieurs niveaux : il faut examiner les relations entre les individus, les grandes dynasties robines, les magistrats et les ministres, et aussi, les liens entre les Grands à Versailles et la magistrature.

  • 30 Voir les œuvres de Campbell, Doyle, Rogister et Swann cites en haut.
  • 31 Frédéric Bidouze, Les remontrances du Parlement de Navarre au XVIIIe siècle. Essai sur une culture (...)

18Bien que l’étude de la cour ait été trop longtemps négligée, une série de publications ont montré comment les aristocrates de la cour, de même que les ministres, cherchèrent à établir un parti dans le Parlement de Paris afin de soutenir leurs propres intérêts ou déranger les affaires des autres30. À cet égard, il faut noter une différence assez prononcée entre Paris et les provinces parce qu’il était naturellement plus difficile pour les magistrats d’Aix, Pau ou Toulouse de maintenir les liens quotidiens avec la Cour. Les provinciaux disposaient de techniques spécifiques pour faire valoir leurs intérêts à Versailles. Des députations étaient envoyées pour présenter les remontrances, entendre la réponse du roi ou consulter les ministres. Outre ces stratégies bien visibles, certains parlements prirent l’habitude de laisser au moins l’un de leurs membres à Paris en permanence sous le prétexte de régler des affaires personnelles31. Le magistrat « en mission » était donc bien placé pour défendre les intérêts de sa cour et agir, comme le canal des correspondances et renseignements circulant entre le centre du royaume et la province. Étant donné le prestige des parlementaires au sein des élites provinciales, les magistrats pouvaient utiliser divers réseaux sociaux et professionnels pour faire entendre leurs intérêts à la cour. Il faut aussi rappeler que plusieurs des ministres employés par la couronne ont eu leurs propres réseaux provinciaux professionnels et de parenté qui pourraient être un moyen important de communication. L’idée que les aristocrates avaient perdu tout contact avec leur province d’origine est donc un mythe ; les liens Paris-province étaient continuellement renforcés et même renouvelés par le service dans l’armée, l’Église et l’administration, en même temps que par les contacts dans les lieux de sociabilité tels que les académies, les loges maçonniques ou les salons.

  • 32 William Doyle, “The parlements” in Keith Michael Baker, The French Revolution and the creation of (...)
  • 33 J.M.J. Rogister, Louis XV and the Parlement of Paris, 1737-1755, Cambridge, Cambridge University P (...)

19Tous ces détails aboutissent à mettre en cause l’interprétation classique et conflictuelle de « l’opposition parlementaire » ainsi que du vieux stéréotype de magistrats réactionnaires et borgnes. Cependant, à trop insister sur la stabilité et rappeler que les ministres et parlementaires partageaient une conception commune des règles du jeu politique, ne risque-t-on pas d’aller trop loin dans le sens inverse, jusqu’au point de nier l’existence de réelles divisions ? Dans un article publié en 1989, William Doyle a estimé que les relations entre la monarchie et les parlements avant 1771 pouvaient être décrites comme faisant partie d’un « système politique stable » reposant sur des règles et conventions comprises et acceptées par tous32. J.M.J. Rogister a lui aussi insisté sur l’idée d’un consensus fondamental entre le gouvernement et le Parlement, décrivant ainsi un système politique fermé sur lequel ni le public ni la presse n’avaient de véritable influence33.

  • 34 Dale Van Kley, “Pure politics in absolute space: the English angle on the political history of pre (...)
  • 35 Id., p. 231-4, 258.
  • 36 David A. Bell, “How (and how not) to write Histoire Evenementielle : Recent books on eighteenth-ce (...)
  • 37 François-Joachim de Pierre, Cardinal de Bernis, Mémoires et lettres de François-Joachim de Pierre, (...)
  • 38 Frédéric Bidouze, Les remontrances du Parlement de Navarre, p. 41. Clarisse Coulomb, Les pères de (...)

20Pour sa part, Dale Van Kley, a vivement critiqué le concept de « judicial politics », d’origine essentiellement britannique, comme étant trop étroit et « néo-namiérite », c’est-à-dire emprunté des travaux vieillis de Lewis Namier sur le Parlement d’Angleterre34. Van Kley est particulièrement féroce dans sa condamnation des ouvrages de Rogister, lesquels, il est vrai, ouvrent le flanc à la critique, tant cet historien semble être beaucoup plus intéressé par les relations des magistrats au sein du palais de justice que par l’analyse des relations entre les parlements et le gouvernement. Rogister est particulièrement revêche à l’idée d’une conception de la politique qui s’étendrait au-delà des portes du Conseil du roi et du palais de justice. Il refuse d’accorder le moindre rôle au « public » qu’il considère comme composé de simples « spectateurs au théâtre » libre « d’applaudir ou siffler35 ». David Bell a répondu à l’argument de Rogister avec la phrase piquante que « si assez de spectateurs siffle, la pièce de théâtre ne ferme-t-elle pas36 ? » Bell a sûrement raison de souligner le rôle du public, tant la couronne et les magistrats étaient toujours conscients de la valeur de l’appui populaire. En analysant son propre rôle de négociateur lors du rappel du Parlement de Paris après la crise provoquée par le lit de justice de décembre 1756, le cardinal de Bernis a souligné que le Parlement ne constituait une menace grave pour la couronne que s’il était soutenu par l’opinion publique37. Ce que Bernis n’ajoutait pas, c’était que, généralement, l’opinion populaire était du côté des parlements et que le titre « pères de la patrie » n’était pas une expression vide, parce que, comme Frédéric Bidouze l’a bien remarqué, ils furent reconnus comme « la seule courroie de transmission entre les peuples et le pouvoir central38 ».

  • 39 Pour un introduction voir : Jean Egret, L’opposition parlementaire ; Joël Félix, Finances et polit (...)
  • 40 Julian Swann, “Silence respect obedience: political culture in Louis XV’s France”, in Hamish Scott (...)

21Il est donc clair que nous avons besoin d’une définition large de la politique juridique et il est essentiel de situer l’étude des parlements dans un contexte social, culturel et intellectuel. Il est également important d’identifier les rituels et les conventions des parlements afin de ne pas faire l’erreur de croire que les manifestations de la magistrature étaient fixes ou, qui plus est, invariables. La culture politique de la France de l’Ancien Régime n’a pas cessé d’évoluer sous l’influence de la pensée politique, religieuse et financière en même temps que par suite des événements. La révolution Maupeou n’était pas inévitable. Pour autant elle ne fut non plus un événement totalement inattendu mais survint à l’issue d’une série de crises, en particulier les affaires de Rennes, de Besançon et de Pau39. En ignorant délibérément les codes et les conventions non écrites de la politique, le principal résultat de Maupeou fut de briser le consensus au sein du gouvernement40. S’il est vrai qu’en 1774, Maurepas et Miromesnil ont cherché à gérer les parlements comme l’avait fait le cardinal de Fleury sous Louis XV, il n’en demeure pas moins évident que nombre de magistrats ne croyaient plus dans cet ancien système et étaient bien conscients que la prochaine grande crise politique les forcerait à demander la convocation des États généraux.

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  • 41 Roger Bickart, Les Parlements et la Notion de souveraineté nationale au XVIIIe siècle, Paris, Pres (...)
  • 42 Michel Antoine, Louis XV, p. 585.

22Analyser le poids de l’idéologie sur les parlements passe par une approche pluridisciplinaire prenant en compte des thèmes aussi variés que le droit, le gallicanisme, le constitutionalisme parlementaire, le jansénisme, les Lumières. La question des influences intellectuelles sur les parlementaires et leur contribution au développement de la pensée politique intéressent les historiens depuis au moins les premières années du XXe siècle. Selon Roger Bickart, dont le travail est fondé presque entièrement sur une lecture des remontrances, les parlements « ont fourni un apport de première importance à la doctrine de la souveraineté nationale41 ». Les nombreuses remontrances rédigées entre 1715 et 1789 soulignent qu’elles ont été influencées par des penseurs aussi divers que Fénelon, Montesquieu, Le Paige et Locke, pour citer simplement les auteurs plus connus, ainsi que par la pensée juridique, historique et constitutionnelle. Nombre d’historiens ont estimé que la présence des idées libérales dans les remontrances, ou encore les appels en faveur des droits du citoyen, n’étaient que pure hypocrisie destinée à cacher les motivations profondément égoïstes des magistrats. Michel Antoine a, notamment, choisi d’intituler « Ligueurs et frondeurs » son chapitre consacré aux parlements sous le règne de Louis XV car les magistrats, « se considérant comme l’alpha et l’oméga des institutions, les compagnies supérieures ne visaient finalement qu’à tout ramener à elles. Entendant confisquer et monopoliser à leur profit et l’autorité royale, et la souveraineté nationale, et le rôle du Conseil du Roi, elles s’intronisaient elles-mêmes comme une sorte de monarque collectif42 ». Pour Antoine les arguments constitutionnels faisaient partie d’une campagne de la magistrature destinée à établir « le gouvernement des juges » et à imposer « leur despotisme collectif ».

  • 43 Daniel Carroll Joynes, “Parlementaires, peers and the parti janséniste: the refusal of the sacrame (...)
  • 44 Keith Michael Baker, “French political thought at the accession of Louis XVI”, The Journal of Mode (...)

23En dépit des réserves que l’on peut vouloir émettre quant à l’interprétation de Michel Antoine, il est certain que les idées constitutionnelles ont été largement discutées et exprimées dans leurs remontrances. La vraie difficulté pour l’historien est de savoir jusqu’où ces idées ont été partagées par les magistrats en général, et également les objectifs ultimes pour lesquels on utilisait les arguments constitutionnels. Selon Daniel Carroll Joynes, le Parlement de Paris ne tendait rien moins qu’à « mener une campagne imaginaire et ambitieuse pour s’élever du statut de simple cour de justice, dont l’autorité dérivait de celle du monarque, en une institution dotée d’un pouvoir législatif et politique indépendant43 ». Cette interprétation pose problème car elle ne prend pas en compte les profonds clivages qui opposaient les parlementaires entre eux et ne prend pas du tout en considération l’attitude profondément conservatrice d’une grande partie des magistrats. Joynes n’est pas le seul à imaginer qu’il soit possible de généraliser l’histoire des parlements de la sorte. En analysant la pensée politique en France à l’évènement de Louis XVI, Keith Michael Baker a présenté une analyse du discours parlementaire fondée sur les remontrances de la Cour des Aides de Paris rédigées par Malesherbes44. Nul doute que Malesherbes ait été l’un des plus grands magistrats du XVIIIe siècle et que sa voix fût écoutée par beaucoup de monde. Mais Malesherbes était loin d’être l’unique voix de la magistrature : en réalité il existait plusieurs discours parlementaires qui évoluaient sans cesse et n’étaient jamais en mesure de faire l’unanimité dans la magistrature.

  • 45 Keith Michael Baker, Inventing the French Revolution: essays on French political culture in the ei (...)
  • 46 Voir : Edmond Dziembowski, Un nouveau patriotisme français, 1750-1770 : la France face à la puissa (...)

24Mais il faut reconnaître que nos collègues d’outre-Atlantique ont eu raison d’insister sur la nécessité de situer la question de la politique et des parlements dans un contexte plus large et de mettre notamment l’accent sur le rôle de l’opinion publique. À cet égard, les études de Keith Baker, et d’autres historiens tels Sarah Maza et David Bell, sont exemplaires, même si leur idée d’une transformation radicale de la France à partir de 1750 me semble un peu exagérée45. À l’avenir il sera impensable d’écrire l’histoire politique du XVIIIe siècle sans placer les parlementaires dans le contexte des grands débats sur le patriotisme analysé par Edmond Dziembowski, ou sur la liberté économique étudiée récemment par Arnaud Decroix, Joël Félix, Loïc Charles et d’autres, de même que les mouvements socioculturels tels que les salons, la franc-maçonnerie, les académies ou sociétés d’agriculture46. Même s’il ne faut pas oublier que les magistrats ont été collectivement les censeurs des œuvres des philosophes et les juges implacables de Calas ou du chevalier de La Barre, les travaux récents nous éloignent de la caricature du magistrat aveugle et réactionnaire. En effet, nous sommes bien mieux renseignés sur la place des parlementaires dans la société complexe de la France des Lumières.

  • 47 Dale Van Kley, The Jansenists and the expulsion of the Jesuits from France, 1757-1765, New Haven, (...)
  • 48 Dale Van Kley, Les origines religieuses de la Révolution française : 1560-1791, Paris, Éditions du (...)
  • 49 Catherine Maire, De la cause de Dieu à la cause de la Nation : le jansénisme au XVIIIe siècle, Par (...)
  • 50 Ibid., p. 407.

25Le jansénisme offre un bon exemple de cette hétérogénéité. Dale Van Kley et Catherine Maire ont bien mis en évidence l’influence fondamentale du jansénisme sur la pensée des magistrats parisiens. Van Kley a montré que l’avocat Louis-Adrien Le Paige était au centre d’un petit noyau de jansénistes qui ont réussi à mener une campagne contre les jésuites, qui s’est achevée avec leur expulsion du royaume47. Dans ses publications plus récentes, Van Kley a développé une thèse radicale sur les origines religieuses de la révolution et les jansénistes y occupent une place centrale48. Malgré certaines différences au sujet de l’influence des jansénistes, Catherine Maire a insisté sur le rôle qu’il convient d’accorder aux théologiens figuristes dans l’élaboration d’une pensée constitutionnelle car « de même que les figuristes sont les “dépositaires de la vérité” à l’intérieur de l’église qui ne peut périr, de même le parlement est le défenseur des principes de la perpétuité de la monarchie de droit divin49 ». Dans son analyse, cette historienne a beaucoup insisté sur le rôle de Le Paige, à tel point qu’à ses yeux « non-seulement le “constitutionnalisme” parlementaire n’existe qu’en fonction des avatars de la querelle janséniste, mais il est presque uniquement l’œuvre d’un seul homme50 ». Il n’y a pas de doute que l’influence idéologique des avocats et magistrats jansénistes a été l’une des plus importantes innovations dans l’histoire des parlements au XVIIIe siècle, même s’il ne faut pas oublier qu’ils étaient très minoritaires au sein même du Parlement de Paris.

26Comprendre comment une minorité a été capable d’exercer une influence si forte exige de passer par une analyse de l’attitude des magistrats jansénistes dans les assemblées de chambres du parlement. Dans son étude de la crise de 1730, Peter Campbell a suggéré qu’ils avaient adopté une stratégie assez subtile afin de persuader leurs collègues de s’opposer au gouvernement du cardinal de Fleury. Plutôt que de crier contre la bulle Unigenitus et les matières théologiques, les jansénistes ont mis en avant l’argument selon lequel la bulle Unigenitus, si elle devenait une loi de l’État et de l’Église comme le souhaitait Fleury, porterait atteinte au droit d’appel comme d’abus. Cette idée eut beaucoup de succès parce que l’appel comme d ‘ abus était perçu comme un droit essentiel du Parlement et de l’Église gallicane. Il était donc relativement facile de mobiliser l’opinion contre le gouvernement.

  • 51 Olivier Chaline, Godart de Belbeuf : le parlement, le roi et les Normands, Luneray : Bertout, 1996
  • 52 Voir : Maurice Gresset, Gens de justice à Besançon ; Clarisse Coulomb, Les pères de la patrie ; Ju (...)
  • 53 Olivier Chaline, « Les infortunes de la fidélité », et Julian Swann, « Silence respect obedience »
  • 54 Bibliothèque Municipale de Dijon, Manuscrit 1233, fol. 280, « Lettre de M. Bertier de Sauvigny, an (...)
  • 55 Joël Félix, Les Magistrats du Parlement de Paris : 1771-1790 : dictionnaire biographique et généal (...)
  • 56 Olivier Chaline, « Les infortunes de la fidélité », p. 338.

27Le Paige et les jansénistes ont été au centre de l’opposition parlementaire à Paris, du moins jusqu’en 1771, et les travaux d’Olivier Chaline, par exemple, montrent que les jansénistes étaient également influents dans le Parlement de Rouen51. Mais ailleurs, la situation était différente. Les recherches de Clarisse Coulomb sur le Parlement de Grenoble et de Maurice Gresset sur le Parlement de Besançon montrent que dans ces provinces le jansénisme était à la marge du débat intellectuel, et il me semble qu’on peut dire la même chose de Dijon52. Il ne faut pas non plus oublier que même à Paris le jansénisme ne fut qu’un courant au sein d’une culture et d’une pensée nettement plus vastes et variées. Pour chaque parlementaire acquis aux idées de Le Paige, il y en avait un autre qui le rejetait et qui trouvait ses idées à la fois erronées et pernicieuses Il ne faudrait pas non plus oublier que les affaires de Besançon, de Bretagne ou de Pau, au milieu du XVIIIe siècle, et bien sûr la révolution de 1771, ont été à l’origine de scissions au sein des parlements. À chaque fois, une minorité s’est déclarée fidèle au gouvernement et s’est affichée comme agissant en bon serviteur du roi53. Bertier de Sauvigny, premier président du Parlement Maupeou à Paris a exprimé la façon de penser de ces magistrats en écrivant qu’il était inspiré d’un « simple désir de marquer au roi mon obéissance, mon zèle, mon respect et mon entier dévouement à ses volontés ; dans un temps où les sentiments d’un sujet fidèle et soumis étaient imputés au déshonneur dans l’opinion d’une grande partie de la nation54 ». La récompense de Bertier Sauvigny et de nombres autres « partisans du roi » a souvent été amère : ils ont été qualifiés de traîtres, tels les fameux « Ifs » ou « Jean Foutres » de Bretagne. Les historiens ont souvent partagé ces sentiments, mais grâce aux travaux de Joël Félix sur le Parlement de Paris ou de Clarisse Coulomb sur Vidaud de La Tour on dispose d’une nouvelle perspective sur les magistrats chez qui l’obéissance au roi était un devoir et non point un vain mot55. Comme l’a dit Chaline, les historiens sont désormais bien renseignés sur l’opposition et les partisans du roi dans la plupart des parlements – mais deux camps qui étaient minoritaires et nous laisse à définir « le marais avant l’heure », c’est-à-dire cette majorité des magistrats, qui n’étaient ni de l’un ni de l’autre camp, sur laquelle les recherches pourraient désormais porter56.

  • 57 Olivier Chaline, Godart de Belbeuf, et Isabelle Storez, Le Chancelier Henri François d’Aguesseau, (...)
  • 58 Isabelle Storez, Le Chancelier Henri François d’Aguesseau, p. 380-381, 383.
  • 59 Clarisse Coulomb, Les Pères de la patrie, p. 496, parle des « magistrats sénateurs ».

28Les études récentes nous montrent l’existence d’un riche mélange d’influences intellectuelles, culturelles et religieuses sur les parlementaires et, par suite, des divergences politiques profondes parmi les magistrats. Il y a là beaucoup de pistes à explorer. La notion du stoïcisme chrétien qui se développa au XVIe et XVIIe siècles était lié à l’image du parfait magistrat et il était presque inévitable qu’une philosophie qui loue le désintéressement, l’honneur et plus encore la conscience reçoive un accueil chaleureux dans les parlements. Les travaux d’Olivier Chaline sur Godart de Belbeuf et d’Isabelle Storez sur le chancelier d’Aguesseau nous rappellent que l’idéal du parfait magistrat était encore puissant au XVIIIe siècle57. Un magistrat vertueux se devait d’être sobre, frugal, raisonnable et laborieux, et pour d’Aguesseau « rien ne sera jamais plus respectable qu’un véritable magistrat », revêtu en quelque sorte « d’un caractère sacré58 ». On peut trouver un écho des ces sentiments jusqu’en 1789 car l’image du parfait magistrat était partie intégrante de l’éducation et des traditions familiales au sein de la robe. Mais il faut également reconnaître qu’au cours du XVIIIe siècle le modèle du parfait magistrat s’est transformé ou, tout du moins, a pris des formes différentes. Il y avait d’autres idéaux tels que celui du « magistrat sénateur », magistrat patriote, du magistrat bienfaisant ou même du magistrat éclairé. De fait, l’image du magistrat n’a pas cessé d’évoluer sous l’influence de divers courants intellectuels59.

  • 60 Isabelle Storez, Le Chancelier Henri François d’Aguesseau, p. 380-381.

29Il faudrait bien sûr ajouter l’élément fondamental de l’éducation et la culture antiques dans lesquelles les parlementaires étaient imprégnés. D’Aguesseau peut ici servir de guide, lui, qui, selon Isabelle Storez, « se référait sans cesse à l’exemple de Rome : la république romaine avait représenté l’âge d’or de la magistrature et la dignité des sénateurs avait surpassé celle de tous les autres hommes, au point qu’il semblait à d’Aguesseau que le privilège d’être véritablement grand ait été réservé au Sénat de l’ancienne Rome60 ». D’Aguesseau était typique de son milieu : tous les magistrats, depuis Montesquieu jusqu’au conseiller le plus obscur, avaient une connaissance intime des œuvres de Cicéron, Caton et autres grands orateurs de l’Antiquité.

  • 61 Clarisse Coulomb, Les pères de la patrie, p. 415. Sur les femmes, voir également Arthur le Moy, «  (...)
  • 62 William Doyle, The Parlement of Bordeaux, p. 147.
  • 63 Julian Swann, “Disgrace without dishonour : The internal exile of French magistrates in the eighte (...)

30Il y a beaucoup d’autres thèmes à aborder. Jusque très récemment le rôle des femmes dans la société et la politique parlementaire avait été en grande partie négligé mais il est clair qu’il était d’une grande importance. Au moment des crises, les mères, les épouses et d’autres membres féminins de la famille jouaient un rôle capital, et Clarisse Coulomb cite l’exemple du conseiller de La Coste qui a été obligé de servir Maupeou « par une mère impérieuse qui est maîtresse de faire passer sur sa tête ou celle de son frère une substitution considérable61 ». À l’autre extrémité, il y a des exemples de femmes telles que la présidente de Gourges de Bordeaux qui a été exilée à côté de la belle-sœur du premier Président Le Berthon pour son opposition au chancelier62. Finalement, nous pourrions indiquer l’exemple de la sœur du magistrat parisien Robert de Saint-Vincent, qui a pris soin de ses enfants et de ses affaires pendant ses années d’exil63. Ces exemples ont été tirés des moments de crise, mais dans des périodes plus calmes les femmes ont joué un rôle essentiel dans la vie culturelle et dans la sociabilité des villes parlementaires et des recherches dans cette direction seraient, assurément, de grande valeur.

  • 64 Clarisse Coulomb, Les pères de la patrie, p. 404.
  • 65 Julian Swann, “Power and Provincial Politics in Eighteenth-Century France”, et Stéphane Pannekouck (...)

31On pouvait dire la même chose d’autres études comparatives et celle qui représente une voie fructueuse pour l’avenir, surtout en matière de comparaison entre les parlements, est la différence entre la culture politique des magistrats dans les pays d’élections par rapport à leurs confrères dans les pays d’états ainsi que les clivages classiques entre parisiens et provinciaux. L’ambiguïté des provinciaux par rapport à la théorie de l’union des classes est intéressante à cet égard parce qu’elle allait à contre courant des idées constitutionnelles locales. Coulomb a noté que pour les magistrats de Grenoble, « le parlement représentait moins l’institution héritière des champs de mars que du conseil delphinal » et que « l’argumentation oscillait donc entre le Parlement représentant de la nation tout entière ou de la seule province de Dauphine64 ». On trouve les mêmes débats ailleurs. En Bourgogne, par exemple, les parlementaires furent rarement attirés par les idées de Le Paige et restèrent en général fidèles à la notion d’une constitution bourguignonne65. Malgré des querelles répétées avec les élus des états de Bourgogne, les magistrats ont joué un rôle clé dans la campagne en faveur d’un réveil des assemblées des états, cela dans le but de prendre en main l’administration provinciale.

  • 66 Michael P. Breen, Law, City, and King. Legal culture, municipal politics, and state formation in e (...)
  • 67 Gauthier Aubert, Le président de Robien. Gentilhomme et savant dans la Bretagne des Lumières, Renn (...)

32L’intérêt des magistrats bourguignons pour la constitution provinciale était en grande partie lié à la question des impôts. Pour les parlementaires et les partisans des états, le principe selon lequel « le roi demande, les états consentent » demeurait au cœur même de la constitution. Les parlementaires sont allés cependant plus loin en demandant que les assemblées fassent un véritable usage de leurs pouvoirs. Cet intérêt pour la constitution est visible dans la manière dont les magistrats ont participé à l’écriture de l’histoire locale et notamment dans la compilation et l’étude du droit coutumier de Bourgogne66. Il est vrai que ces travaux faisaient partie des activités habituelles des magistrats. Cependant leurs recherches ont été mises à profit dans la vie politique et ont fourni beaucoup d’arguments qui ont été présentés au public dans les remontrances. L’histoire constitutionnelle dans les pays d’états a souvent été une affaire locale plutôt que nationale. Des savants, comme Bouhier à Dijon et de Robien à Rennes, comme l’a montré Gauthier Aubert, ont osé avancer l’argument selon lequel les constitutions bourguignonne ou bretonne étaient plus anciennes que la constitution française67. L’attraction de telles itinéraires intellectuels est claire et plus généralement les parlementaires étaient à l’avant comme historiens, antiquaires et comme piliers des académies savantes qui ont proliféré dans l’ensemble de la France à l’époque des Lumières. D’où une certaine réticence en province face aux arguments des magistrats parisiens et de leurs théories dictées par Le Paige. La défense des idées constitutionnelles dans les pays d’états pendant les XVIIe et XVIIIe siècles nous offre un exemple de continuité importante dans la pensée parlementaire. Même sous les plus beaux jours de Louis XIV, il existait d’autres définitions de la monarchie absolue que celle du Grand-Roi ou celle formulée par Louis XV lors de sa fameuse séance de la flagellation. Montesquieu, Le Paige et de nombres autres magistrats ou avocats moins connus qui été directement impliqués dans la politique des parlements se sont inspirés du riche héritage intellectuel et culturel de la robe. Il est donc important de reconnaître à la fois ces continuités au même titre que les transformations du XVIIIe siècle.

33En conclusion, il me semble évident qu’on se trouve à présent en pleine période de renouvellement de l’étude des parlements. Cette contribution ne saurait certes épuiser les thèmes importants ou l’interprétation de telle ou telle œuvre, du moins il est clair qu’on est loin de la vieille interprétation d’une opposition égoïste ou réactionnaire de la part des parlements. L’image qui me frappe maintenant est la richesse intellectuelle et culturelle des parlements de France, et on y trouve une grande variété d’opinions sur toutes les grandes questions économiques, politiques et constitutionnelles de l’époque. Il est également évident que la pensée parlementaire n’était pas figée. Sous l’influence des grandes crises religieuses et politique antérieures à 1789, elle a été sujette à changements importants et continuels.

Notes

1 Pour quelques exemples, voir : Léon Cahen, Les querelles religieuses et parlementaires sous Louis XV, Paris, Hachette, 1913 ; Alfred Cobban, « The parlements of France in the eighteenth century », History, 35, 1950, p. 64-80 ; E. Glasson, Le Parlement de Paris. Son rôle politique depuis le règne de Charles VII jusqu’à la Révolution, 2 vols., Paris, Hachette, 1901, II, p. 335-371 ; et Bernard de Lacombe, La résistance Janséniste et parlementaire au temps de Louis XV. L’abbé Nigon de Berty, 1702-1772, Paris, Société du Grand Armorial de France, 1948.

2 Pierre Gaxotte, Le siècle de Louis XV, Paris, Fayard, 1933, p. 339.

3 Franklin L. Ford, Robe and sword. The regrouping of the French aristocracy after Louis XIV, Cambridge, Mass., Harvard University press, 1953.

4 Albert Soboul, The French Revolution, 1787-1799. From the storming of the Bastille to Napoleon trans. Allan Forrest and Colin Jones (London, 1989), p. 103-108.

5 François Bluche, Les magistrats du parlement de Paris au XVIIIe siècle, Paris, Les Belles Lettres, 1960, p. 136.

6 Roland Mousnier, Les Institutions de la France sous la monarchie absolue : 1598-1789, Paris, Presses Universitaires de France, 1974, p. 645-646.

7 Ibid.

8 Michel Antoine, Louis XV, Paris, Fayard, 1989, p. 939.

9 Lucien Laugier, Un Ministère Réformateur sous Louis XV : Le Triumvirat, 1770-1774, Paris, La Pensée Universelle, 1975, p. 619.

10 Parmi ses œuvres, voir : Jean Egret, Le Parlement de Dauphiné et les affaires publiques dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, 2 vols., Paris, B. Arthaud, 1942 ; « L’aristocratie parlementaire française à la fin de l’ancien régime », Revue Historique, 1952, p. 1-14 ; et sa La Pré-Révolution Française, 1787-1788, Paris, Presses Universitaires de France, 1962.

11 Jean Egret, Louis XV et l’opposition parlementaire, Paris, Armand Colin, 1970, p. 6. Pour le travail de Flammermont, voir Jules Flammermont, Le Chancelier Maupeou et les parlements, Paris : A. Picard, 1883 et Jules Flammernont, Remontrances du Parlement de Paris au XVIIIe siècle, Paris : Impr. nationale, 1888-1898.

12 Olivier Chaline, « Les infortunes de la fidélité. Les partisans du pouvoir royal dans les parlements au XVIIIe siècle », Histoire Économie et Société. Époques Moderne et Contemporaine, 3 (2006), p. 335-354, 344.

13 J.H. Shennan, The Parlement of Paris London, Thames and Hudson, 1968; William Doyle, “The parlements of France and the breakdown of the old regime, 1771-1788”, French Historical Studies, 6, 1970, p. 415-58, et son The Parlement of Bordeaux and the end of the old regime, 1771-1790 London, E. Benn, 1974; Lloyd Moote, The revolt of the judges: the Parlement of Paris and the Fronde 1643-1652, Princeton, Princeton University Press, 1971; J.M.J. Rogister, “New light on the fall of Chauvelin”, English Historical Review, 83, 1968, p. 314-30; Albert N. Hamscher, The Parlement of Paris after the Fronde, 1653-1673, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 1976; Bailey Stone, The Parlement of Paris, 1774-1789, (Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1981).

14 Maurice Gresset, Gens de justice à Besançon : de la conquête par Louis XIV à la Révolution française, 1674-1789 2 vols., Paris, Bibliothèque Nationale, 1978, et Monique Cubells, La Provence des Lumières : les parlementaires d’Aix au XVIIIe siècle, Paris, Presses du Palais-Royal, 1984.

15 Dans cet article je vais me concentrer sur l’histoire politique plutôt que la dimension sociale.

16 J.H. Shennan, Parlement of Paris, p. 95, “The attitude of the Parlement [de Paris] has been much criticised on the grounds that it was unenlightened and reactionary. However, it was not the business of the court to adopt or reject contemporary attitudes; its essential task on the king’s behalf was to maintain the law... Like all judicial institutions it drew its inspiration from precedent, thereby providing the king’s government with a continuity and tradition of the utmost importance”.

17 James D. Hardy, Judicial politics in the old regime. The parlement of Paris during the Regency (Baton Rouge, Louisiana State University Press, 1967. Le concept est maintenant utilisé régulièrement dans les œuvres en anglais, voir: Julian Swann, Politics and the Parlement of Paris under Louis XV, 1754-1774, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, p. 56-86 ; Daryll Dee, “Judicial politics, war finance and absolutism : The parlement of Besançon and venality of office, 1699–1705”, French History, 19, 2005, p. 440-462.

18 Comme mon collègue, Joël Félix, m’a rappelé souvent et avec justesse.

19 C’est une approche qu’on voit particulièrement chez les historiens britanniques, notamment Campbell, Doyle, Rogister et Swann cité plus haut, mais aussi dans le travail de Bailey Stone Albert Hamscher et d’autres.

20 William Doyle, “The parlements of France”.

21 Julian Swann, Politics and the Parlement of Paris, p. 314-51.

22 Joël Félix, Finances et politique au siècle des Lumières : le ministère L’Averdy, 1763-1768, Paris : Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1999.

23 Pour quelques exemples voir : David A. Bell, Lawyers and citizens: the making of a political elite in Old regime France, Oxford, Oxford University Press, 1984; Durand Echeverria, The Maupeou Revolution. A study in the history of libertarianism (Baton Rouge, Louisiana State University Press, 1985 ; Julian Swann, “Parlement, politics and the parti janséniste: the Grand Conseil affair, 1755-1756”, French History, 6, 1992, p 435-461.

24 Bailey Stone, The parlement of Paris, p. 14-92.

25 John Hardman, Louis XVI, London: Yale University press, 1993, and Munro Price, Preserving the monarchy: the Comte de Vergennes, 1774-1787, Cambridge: Cambridge University Press, 1995.

26 Peter R. Campbell, Power and politics in Old Regime France: 1720-1745, London, Routledge, 1996, and Julian Swann, Politics and the Parlement of Paris.

27 Joël Félix, Finances et politique au siècle des Lumières, et Marie-Laure Legay : Un projet méconnu de « décentralisation » au temps de Laverdy (1763-1768) : Les grands États d’Aquitaine », Revue Historique, 631, 2004, p. 533-554.

28 Arnaud Decroix, Question fiscale et réforme financière en France, 1749-1789 : logique de la transparence et recherche de la confiance publique, Aix-en-Provence : PUAM, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2006.

29 Pour quelques exemples de la coopération plutôt que le conflit entre la monarchie et les élites sous la monarchie absolue voir : William Beik, Absolutism and society in seventeenth-century France : state power and provincial aristocracy in Languedoc, Cambridge: Cambridge university press, 1985, Roger Mettam, Power and faction in Louis XIV’s France, Oxford, B. Blackwell, 1988, Sharon Kettering, Julian Swann, Provincial power and absolute monarchy: the Estates General of Burgundy, 1661-1790, Cambridge, Cambridge University Press, 2003.

30 Voir les œuvres de Campbell, Doyle, Rogister et Swann cites en haut.

31 Frédéric Bidouze, Les remontrances du Parlement de Navarre au XVIIIe siècle. Essai sur une culture politique en province au siècle des Lumières, Biarritz, Atlantica, 2000, p. 72-74.

32 William Doyle, “The parlements” in Keith Michael Baker, The French Revolution and the creation of modern political culture, I: The political culture of the Old Regime, Oxford, Pergamon Press, 1987.

33 J.M.J. Rogister, Louis XV and the Parlement of Paris, 1737-1755, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, p. 218-258, esp. p. 232.

34 Dale Van Kley, “Pure politics in absolute space: the English angle on the political history of pre-Revolutionary France”, The Journal of Modern History, 69, 1997, 754-784.

35 Id., p. 231-4, 258.

36 David A. Bell, “How (and how not) to write Histoire Evenementielle : Recent books on eighteenth-century French politics”, French Historical Studies, 19, 1996, p. 1169-1189, p. 1174.

37 François-Joachim de Pierre, Cardinal de Bernis, Mémoires et lettres de François-Joachim de Pierre, Cardinal de Bernis (1715-1758) publiés avec l’autorisation de sa famille, d’après les manuscrits inédits par Frédéric Masson, 2 vols., Paris : E. Plon, 1878, I, p. 338-339.

38 Frédéric Bidouze, Les remontrances du Parlement de Navarre, p. 41. Clarisse Coulomb, Les pères de la patrie : la société parlementaire en Dauphiné au temps des Lumières, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, 2006, est un excellent exemple des relations entre le public et les parlementaires au XVIIIe siècle.

39 Pour un introduction voir : Jean Egret, L’opposition parlementaire ; Joël Félix, Finances et politique au siècle des Lumières ; Julian Swann, « Parlements and political crisis under Louis XV : the Besançon affair, 1757-1761 », The Historical Journal, 37, 1994, p. 803-828 ; et Frédéric Bidouze, Les remontrances du Parlement de Navarre.

40 Julian Swann, “Silence respect obedience: political culture in Louis XV’s France”, in Hamish Scott et Brendan Simms, Cultures of power in Europe during the long eighteenth century, Cam-bridge, Cambridge University Press, 2007, p. 225-248.

41 Roger Bickart, Les Parlements et la Notion de souveraineté nationale au XVIIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1932, p. 275.

42 Michel Antoine, Louis XV, p. 585.

43 Daniel Carroll Joynes, “Parlementaires, peers and the parti janséniste: the refusal of the sacraments and the revival of the ancient constitution in eighteenth-century France”, Proceedings of the Annual Meeting of the Western Society for French History, 8, 1980, p. 229, “an imaginative and ambitious campaign to transform itself from a corporate judicial body, visibly dependent upon the monarch for its authority, into a body endowed with independent legislative and political powers”.

44 Keith Michael Baker, “French political thought at the accession of Louis XVI”, The Journal of Modern History, 50, 1978, p. 279-303.

45 Keith Michael Baker, Inventing the French Revolution: essays on French political culture in the eighteenth century, Cambridge: Cambridge university press, 1990; Sarah Maza, Private lives and public affairs: the causes célèbres of prerevolutionary France, London: California university press, 1993; David A. Bell, Lawyers and citizens. Voir aussi le débat entre Bell et Maza : David A. Bell, “The public sphere, the law, and the state in eighteenth-century France”, French Historical Studies, 17, 1992 ; Sarah Maza “Women, the bourgeoisie and the public sphere: response to Daniel Gordon and David Bell”, French Historical Studies 17, 1992, p. 935-950.

46 Voir : Edmond Dziembowski, Un nouveau patriotisme français, 1750-1770 : la France face à la puissance anglaise à l’époque de la guerre de Sept ans, Oxford, Voltaire Foundation, 1998 ; Arnaud Decroix, Question fiscale et réforme financière en France ; Joël Félix, Finances et politique au siècle des Lumières ; Loïc Charles, « A visual history of the Tableau économique », European Journal of the History of Economic Thought, 10, 2003, p. 527-549.

47 Dale Van Kley, The Jansenists and the expulsion of the Jesuits from France, 1757-1765, New Haven, Yale University Press, 1975.

48 Dale Van Kley, Les origines religieuses de la Révolution française : 1560-1791, Paris, Éditions du Seuil, 2006.

49 Catherine Maire, De la cause de Dieu à la cause de la Nation : le jansénisme au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 1998, p. 385.

50 Ibid., p. 407.

51 Olivier Chaline, Godart de Belbeuf : le parlement, le roi et les Normands, Luneray : Bertout, 1996.

52 Voir : Maurice Gresset, Gens de justice à Besançon ; Clarisse Coulomb, Les pères de la patrie ; Julian Swann, Power and Provincial Politics in Eighteenth-Century France : The Varenne Affair, 1757-1763, French Historical Studies, 21, 1998, p. 441-474.

53 Olivier Chaline, « Les infortunes de la fidélité », et Julian Swann, « Silence respect obedience ».

54 Bibliothèque Municipale de Dijon, Manuscrit 1233, fol. 280, « Lettre de M. Bertier de Sauvigny, ancien premier président du parlement détruit le 7 Novembre 1774 ».

55 Joël Félix, Les Magistrats du Parlement de Paris : 1771-1790 : dictionnaire biographique et généalogique, Paris : SEDOPOLS, 1990 ; Clarisse Coulomb, « L’échec d’un serviteur du roi Vidaud de La Tour, premier président du parlement Maupeou à Grenoble », Histoire Économie et Société. Époques Moderne et Contemporaine, 3, 2006, p. 371-383.

56 Olivier Chaline, « Les infortunes de la fidélité », p. 338.

57 Olivier Chaline, Godart de Belbeuf, et Isabelle Storez, Le Chancelier Henri François d’Aguesseau, 1668-1751, Monarchiste et Libéral, Paris, Publisud, 1996.

58 Isabelle Storez, Le Chancelier Henri François d’Aguesseau, p. 380-381, 383.

59 Clarisse Coulomb, Les Pères de la patrie, p. 496, parle des « magistrats sénateurs ».

60 Isabelle Storez, Le Chancelier Henri François d’Aguesseau, p. 380-381.

61 Clarisse Coulomb, Les pères de la patrie, p. 415. Sur les femmes, voir également Arthur le Moy, « La Grande prêtresse », Annales de Bretagne, 1932, 1, p. 64 et suivantes.

62 William Doyle, The Parlement of Bordeaux, p. 147.

63 Julian Swann, “Disgrace without dishonour : The internal exile of French magistrates in the eighteenth century”, Past and Present, 195, 2007, p. 87-126.

64 Clarisse Coulomb, Les pères de la patrie, p. 404.

65 Julian Swann, “Power and Provincial Politics in Eighteenth-Century France”, et Stéphane Pannekoucke, « L’affaire Varenne (1760-1763). Jeux de clientèle et enjeux de pouvoir entre Versailles, Paris et Dijon », Annales de Bourgogne 78, 2006, p. 33-67.

66 Michael P. Breen, Law, City, and King. Legal culture, municipal politics, and state formation in early modern Dijon, Rchester: NY, University of Rochester Press 2007.

67 Gauthier Aubert, Le président de Robien. Gentilhomme et savant dans la Bretagne des Lumières, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2001.

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