Version classiqueVersion mobile

Le Livre Vert de Pierre de la Jugie

 | 
Marie-Laure Jalabert

Deuxième Partie. Écriture de la seigneurie archiépiscopale

Chapitre II. Les comptabilités, l’écriture gestionnaire

Texte intégral

1Malgré l’inconvénient considérable que présente la perte de l’original et l’obligation de travailler à partir d’une copie dont la fiabilité n’est pas parfaite, le Livre Vert offre un grand avantage sur toute autre source : où trouver mieux que dans cet inventaire composé à usage interne, les représentations qu’un grand prélat comme Pierre de La Jugie se faisait de sa seigneurie ? Mais si le Livre Vert éclaire les conceptions seigneuriales de l’archevêque et de son entourage, il offre de la seigneurie une vue biaisée, un tableau statique des biens et des droits, intemporels en quelque sorte, comme statufié et idéal. Pour en achever l’évaluation, et notamment, évaluer le travail d’extraction des données qui a été fait pour bâtir cet inventaire désincarné, pour ainsi dire squelettique, il faut pouvoir le comparer au réel. Quelle distance entre cette liste de biens et de droits et la réalité de la gestion quotidienne ?

2Il se trouve que les Archives Secrètes du Vatican conservent des fragments de comptabilités dressées une vingtaine d’années auparavant. Ces documents offrent un accès direct à l’entourage archiépiscopal et au personnel domestique ou administratif qui sert « Monseigneur ». Mais surtout, ils apportent une multitude d’informations concrètes qui animent les listes quelque peu glacées du Livre Vert. Le cadre est le même : la baylie, ici omniprésente. Ce n’est pas une écriture de juriste, mais c’est une écriture de gestionnaire.

3Pour autant, avec cette impression que fournit la première lecture que tout est consigné dans ces comptabilités enregistrées au jour le jour, jusque dans le moindre détail des recettes et des dépenses faites par quelques bayles de l’archevêque, ces documents sont loin d’être parfaitement limpides. Parmi les nombreuses interrogations qu’ils suscitent, celle de leur élaboration. Les outils comptables sont tous élaborés dans un processus plus ou moins long et complexe : à quel stade se trouvent ceux qui nous intéressent ? Leur présence dans le fonds d’archives qui les abritent a de quoi surprendre. Sont-ils une version de sauvegarde, élaborée dans le cadre de la pratique des dépouilles, après le décès d’un archevêque, pour des vérifications ? Cela en ferait des documents de référence, pourtant, ils sont loin de présenter, tout ou en partie, une forme exemplaire et achevée. En dépit des lacunes et de l’absence de série, une similitude de composition reflétant celle du Livre Vert, jointe à leur antériorité, serait alors le signe à la fois d’une perception commune et d’une continuité chronologique dans la pratique de l’administration de la seigneurie. L’hypothèse d’un modèle général émanant des instances narbonnaises, et imposé aux bayles est-elle envisageable ? Gaubert du Val, archevêque de Narbonne et camérier du Pape durant plusieurs pontificats, aurait-il rajouté une empreinte avignonnaise à la pratique locale ? Au-delà des questions concernant spécifiquement les modalités de l’écriture comptable de la seigneurie, qu’apporte la confrontation de ces deux types de sources sur l’image de la seigneurie ?

1. Le corpus des comptabilités narbonnaises conservées aux Archives Secrètes du Vatican (1334-1347)

4Les sources comptables se répartissent en trois ensembles chronologiques (tabl. 3) :

  • un compte pour l’année 1334-1335 ;

  • sept comptes (dont deux doublons) pour la période 1337-1341 ;

  • dix comptes pour les années 1346-1347.

5Aucun compte de l’archiépiscopat de Gilles Aycelin (1290-1311) n’a été conservé, sans raison apparente. Les comptes de l’époque de Pierre de La Jugie sont les plus rares et les moins copieux. Nous disposons de deux documents de Barthélemy de Piru : pour la baylie de Narbonne du 1er janvier 1347 au 20 mai 1347 et pour les dépenses ordinaires sur la même période. Les comptes de Canet-d’Aude, de Montels et de Quillan ne comportent, en seconde partie, que quelques chapitres de cet exercice. Aucun compte postérieur au 20 mai 1347 ne figure dans les archives de la Curie.

  • 1 Jean XXII a contribué à institutionnaliser cette pratique en attribuant à la Chambre apostolique le (...)

6Avec dix comptes, la fin de l’archiépiscopat de Gaubert du Val constitue le moment phare, mais la fin de celui de Bernard de Fargues est aussi bien représentée (huit fascicules pour sept comptes). Cette concentration chronologique pourrait ne pas avoir la même origine. Dans le premier cas, la plupart des comptes s’articulent clairement autour du décès de Gaubert du Val, le 1er janvier 1347. L’hypothèse que les archives pontificales sont entrées en possession ces documents dans le cadre d’un contrôle en vu du prélèvement des dépouilles1 est plausible. Rien de tel pour les comptes de la fin de la décennie 1330 qui n’évoquent pas le décès de Bernard de Fargues, le 1er mai 1341, encore moins pour le compte de Canet-d’Aude de 1334.

  • 2 Coll. 146, fol. 185.
  • 3 Une lettre de Clément VI du 9 juin 1343 mentionne qu’il a été incarcéré à la Cour romaine pour avoi (...)

7Il faut peut-être chercher du côté de la répartition géographique qui est très contrastée. Les baylies de Villerouge-Termenès et de Pia sont absentes. La sur-représentation de Narbonne semble logique puisque elle est à la fois le siège d’une baylie et de l’administration archiépiscopale centrale. Celle d’Alaigne est moins évidente, a priori. Elle peut être liée à Guillaume Boursier qui cumule deux fonctions, à la fin de l’archiépiscopat de Bernard de Fargues. Nommé bayle d’Alaigne en 1337, il devient trésorier de la maison archiépiscopale, le 9 octobre 13392. Au début des années 1340, il est accusé de malversations3. La conservation de ses documents par la Chambre apostolique peut s’expliquer par la volonté de faire la clarté sur les détournements.

8Au total, il reste plus de 1 300 folios de comptabilités. Ce n’est considérable qu’en apparence. En fait, les pertes sont immenses. Le travail comptable se fondait sur deux exercices par an pour chacune des baylies avec des comptes en doubles exemplaires (au moins), sans compter tous les documents préparatoires et les pièces justificatives...

Tabl. 3 - Typologie des sources conservées au Vatican

Tabl. 3 - Typologie des sources conservées au Vatican
  • 1 En l’absence d’introduction au compte, la couverture chronologique donnée est celle donnée par les (...)
  • 2 Ce compte est un doublon du compte référencé en Coll. 146, fol. 72 à 185.

Note*1
Note**2

Description matérielle des documents

  • 4 Deux seulement sont gênantes pour la lecture. Celle de l’I.E. 180 fol. 149 à 180 apparaît sur les c (...)
  • 5 A.M.N. CC 2352, 1352 pour le premier registre conservé.

9Les documents narbonnais sont, en général, en bon état de conservation, alors que certains autres éléments du même volume peuvent être très abîmés. Les taches sont rares4. Ces originaux sont rédigés sur des papiers toujours relativement épais et rigides, mais de textures différentes selon les documents. La vergeure est moyenne et relativement homogène d’un compte à l’autre. Cette alternance de lignes claires et foncées est coupée perpendiculairement par la trace des chaînettes. Ces marques sont aussi visibles que le filigrane, empreinte d’un motif métallique déposé sur chaque feuille lors de la fabrication, signature matérielle de l’atelier. L’ensemble des pages du corpus révèle une quinzaine de figures différentes. Les doubles cercles reliés, les cloches et les arbalètes sont les plus fréquents. Chacune des autres formes n’est présente que dans un seul compte. L’archevêché ne devait pas avoir un fournisseur de papier exclusif, car le même filigrane en forme de fruits figure aussi dans les archives des clavaires de Narbonne5. La présence de plusieurs filigranes différents dans le même compte confirme que les cahiers peuvent être assemblés avec des feuilles de provenances diverses. La consommation de papier est importante, aucune feuille ne doit se perdre.

  • 6 Ce qui explique l’incohérence de plusieurs rubriques du double exemplaire du compte d’Alaigne (Coll (...)

10La reliure en volume des différents documents a pu s’accompagner d’atteinte à l’intégrité des originaux, comme le recadrage sur les bords externes des folios qui peut faire perdre totalement les indications marginales. La couture interne de certains cahiers a été tranchée et les folios volants n’ont pas toujours été reliés dans un ordre satisfaisant6. Lors de l’archivage moderne, des comptes apparemment successifs ont pu être classés dans des volumes différents, comme les deux journaux de Barthélemy de Piru pour la fin 1346 et le début 1347. Les farcissures semblent originales, insertions des feuillets ou des billets servant de justificatifs : obligations, assignations, quittances. Elles sont très rares, signe d’une déperdition importante. En effet, chaque opération comptable, et surtout les dépenses, devait s’appuyer sur un document écrit. Les folios 103 à 112 de la Collectorie 146 sont un petit cahier in quarto. Des feuilles ont été repliées pour former un carnet de 220 mm sur 155 mm. Il est cousu dans la même couture, dans le sens de la lecture et déséquilibre ainsi un peu l’ensemble.

11S’il s’agit d’un élément justificatif, il n’est pas classique, car il indique, d’une main hâtive, des opérations omises dans le compte de 1339. L’archivage des collections Introitus et Exitus et Collectorie s’est accompagné d’une nouvelle foliotation, en continue pour l’ensemble des multiples documents de chaque volume. Cela facilite le repérage, mais n’est absolument pas un gage de cohérence structurelle. Les Registres d’Avignon sont des copies d’originaux, commandés par la Curie, qui n’ont pas été remaniées depuis leur création.

  • 7 Écrit sur une seule face.

12La pratique d’un folio blanc entre les chapitres n’est pas systématique. De nombreux feuillets sont anopistographes7, sans que cela soit toujours le signe d’une volonté de césure entre les rubriques ou les parties du compte (recettes, dépenses, bilans). D’une manière générale, les folios blancs ne sont pas un élément structurant de la présentation des comptes. Faciliter la lecture n’était pas un souci majeur du rédacteur, à moins que nos exemplaires n’aient été que des versions intermédiaires ou de « sauvegarde », pour lesquelles les clercs n’avaient pas à s’appliquer particulièrement.

13Pourtant, la quasi-totalité de ces comptes fait preuve de clarté et de simplicité, sinon de soin, dans la présentation et la mise en page. La page de présentation ne manifeste aucune ostentation. Ce sont des documents techniques et non pas d’apparat. Les titres de rubrique ne se trouvent pas toujours en haut de page. Ils sont souvent centrés et encadrés, en général, très sobres. La page de garde du premier compte d’Alaigne (Coll. 146, fol. 72) débute par une initiale monochrome ornée qui ne peut cependant pas être qualifiée de lettrine. Il semble que le scribe se soit fait plaisir en commençant le « Sequitur » de quelques titres par une lettre serpentiforme.

  • 8 Les unités monétaires utilisées sont la livres, le sou, le denier, l’obole ; les unités de volumes (...)

14La lisibilité est facilitée par l’organisation du texte. La justification est bien respectée. Il s’agit souvent d’un dispositif en colonnes dont la largeur varie avec la rubrique et parfois le folio. La réglure verticale se fait par pliage ou par pointe sèche. Le corps des items est aligné dans la partie centrale du folio. Certains sont précédés d’un pied-de-mouche dans la marge de gauche, signe décoratif en forme de « ¶ » qui indique un changement de paragraphe. « Primo » en début de paragraphe, « Item » pour les alinéas suivants peuvent être accentués. Chiffres et unités sont rejetés à droite. Des accents ou des jambages identifient les bâtons des unités. L’alignement des chiffres romains en colonnes individuelles est général, mais certaines sommes du compte de Quillan placent les sous et les deniers les uns en dessous des autres, rendant la lecture et plus encore l’addition, moins évidentes. En revanche, les unités, toujours abrégées, respectent un ordre cohérent et décroissant8. Les items longs de plusieurs lignes sont ramassés du côté droit par une accolade simple ou plus ondulée et un bout-de-ligne conduit l’œil à la colonne chiffrée pour faciliter la lecture. Les marges de pli ont été utilisées pour les annotations, sans doute postérieures, mais dont les auteurs restent inconnus.

15L’absence ou la discrétion des ratures et des surcharges donne aux documents une impression de clarté tout autant que la graphie. Mais certains passages sont de véritables brouillards surchargés de corrections, de commentaires d’une main souvent hâtive et peu soigneuse. Certaines corrections sont des repentis, des reprises du scribe en personne. Elles révèlent qu’il a recopié un document et que son attention a été prise en défaut ou que la graphie n’était pas lisible. Les ratures apparaissent sous forme de traits ou d’une ample ondulation. Certaines parties du texte sont cancellées de traits entrecroisés, parfois presque rageurs. Curieusement, les rectifications concernent très peu les chiffres. Il est difficile de déterminer si les annotations sont dues à la relecture du rédacteur, à un vérificateur ou aux auditeurs, puisque nous ne savons pas si ces exemplaires leur ont été effectivement soumis.

  • 9 Récurrentes, elles permettent d’aller plus vite dans la copie. La plus fréquente est la tilde qui p (...)

16La langue est un latin d’un bon niveau, compte tenu de la syntaxe très limitée. Les quelques corrections orthographiques portent plus sur le fonds que sur le souci de la forme. L’intérêt comptable l’emporte sur le souci grammatical. Dans un petit nombre d’items d’attributions de sommes d’argent ou de quantité en nature, certains nominatifs fautifs sont rectifiés en datifs. Dans les folios 542 à 551 du compte de Canet-d’Aude de 1334, une traduction en occitan des bilans finaux a été rajoutée. Les abréviations sont classiques et leur utilisation est systématique9.

17Au-delà de la diversité de détail, des lignes de convergence dans la présentation de ces comptes se dégagent. Par leur mise en page sous forme de colonnes, l’alignement des unités, l’ensemble de ces documents offre des traits de modernité incontestable. Certes, la gestion de la présentation n’est pas impeccable, mais des efforts de clarté sont patents.

Introductions et conclusions des documents

  • 10 Le compte de Pons Bodelli pour Sigean (Coll. 152, fol. 17 à 49), celui du Trésor par Guillaume Bour (...)

18Les introductions des comptes des bayles sont assez variées. Toutes celles de la première période sont au style direct, à la première personne du singulier (ego, ...) alors que celles du milieu des années 1340 préfèrent employer la tournure « Computus mei Guillelmi Rollandi », mais celui de Quillan se distingue avec un « Et fuit recepte michi B de Canceiolo ». Trois comptes physiquement incomplets10 n’en possèdent pas. Les comptes de Montels (I.E. 249, fol. 1 à 64) et de Quillan (Coll. 148, fol. 150 à 220) ont la particularité de présenter deux exercices, dont seuls les premiers possèdent une introduction. Ces exemplaires semblent indiquer que les comptabilités sont compilées en fonction des rubriques disponibles à un moment précis. Rien de commun avec un compte portant sur deux vrais exercices avec introduction, comme ceux de Raymond Capioni pour Canet-d’Aude ou Guillaume Boursier, quand il arrive à Alaigne. Pour Quillan, le passage entre les deux exercices se fait sans transition et la fin du compte alterne des chapitres des deux périodes. Est-il envisageable d’avoir des volumes de travail contenant plusieurs exercices successifs, à des stades d’élaboration différents, qui seraient tour à tour physiquement tranchés pour être réutilisés ? Il aurait alors fallu que les sauts de page soient systématiques, ce qui n’est pas le cas. Mais ils auraient pu être recopiés.

  • 11 Le 8 mai 1341, cet envoyé du pape a reçu des lettres apostoliques du pontife par l’entremise de Pie (...)

19Les autres sources vaticanes ont, toutes, une introduction qui s’adapte à la typologie comportant des éléments indispensables à l’identification du document : le nom du rédacteur, la finalité ainsi que, la plupart du temps, la durée de l’exercice. Le niveau de précision de Guillaume Boursier, pour Alaigne, semble s’élever avec l’expérience. La première ne donne que la date de départ. La première partie du deuxième indique l’année 1337 et la seconde, à partir du folio 84 r, donne précisément le début de l’exercice, en omettant, cependant, le mois de fin. Enfin, le dernier compte désigne correctement les termes des deux exercices consécutivement présentés. D’une manière générale, l’introduction des comptes de la fin de la décennie 1340 est précise. Celle du relevé des dépouilles de Bernard de Fargues11 précise surtout les circonstances de rédaction et la mission de Morerius de Moreriis.

20Seuls deux comptes offrent un bilan final chiffré, apparemment complet. Pons Bodelli, bayle de Sigean, le date du 18 janvier 1347, quelques jours à peine après la fin de l’exercice, le 1er janvier. L’opération a peut-être été hâtée en raison de la succession de Gaubert du Val et de la présence de Jean Rey qui a reçu le compte dans le cadre des dépouilles. Guillaume Rollandi ne date pas la conclusion de l’exercice annuel (1er juin 1346-1347) pour Alaigne.

Le problème des styles de datation

21Les rédacteurs des sources conservées au Vatican ne précisent pas toujours le style de datation employé dans les documents. Utilisent-ils un style dominant ? Ou bien s’il y a des nuances, sont-elles propres à un rédacteur, à un document ou à des rubriques ? Y a-t-il utilisation simultanée de plusieurs styles et dans ce cas, quelle est l’incidence de cette multiplicité sur la lecture des comptabilités ?

Les styles en usage

  • 12 D’après A. Giry et G. Romestan, le style de la Nativité est très usité à Narbonne. GIRY, A., p. 122 (...)
  • 13 Guillaume Lafont dans son Histoire des archevêques de Narbonne respecte le style florentin dans leq (...)

22Trois styles de datation coexistent dans la documentation narbonnaise du xive siècle12. Le style pascal, introduit par « Anno Domini », fait démarrer l’année le jour de Pâques, donc à une date variable. Les actes mentionnant « anno Nativitatis » sont datés selon un calendrier qui place le début de l’année au 25 décembre qui précède le 1er janvier marquant notre actuel changement d’année. Il est en concurrence avec le style de l’Incarnation introduit par l’expression « incarnatio Verbi » qui place le changement de millésime le 25 mars. Le style de l’Incarnation se subdivise en deux, le style florentin et le style pisan. Le premier attend le 25 mars pour changer de millésime ; le second l’anticipe au 25 mars précédent13.

L’usage dans les sources

23Les mentions chronologiques ne semblent pas avoir été une priorité pour les rédacteurs des comptabilités, surtout dans les recettes. Dans les items des dépenses, l’indication se limite, le plus souvent, au jour et au mois. En principe, les bornes chronologiques du compte sont déterminées dans l’introduction où apparaît aussi le style de datation employé. La quasi-totalité mentionne « anno Domini » : nous sommes, a priori, dans un style pascal, mais la réalité est d’autant plus confuse que les périodes comptables ne sont pas toujours respectées.

  • 14 Fol. 502 r, Sequitur expense in pecunia facta et primo pro hospicibus a festo natale domini anno 34 (...)
  • 15 Dans l’introduction du second exercice de l’I.E. 172 pour Alaigne, il y a une contradiction entre « (...)

24D’après les items, les opérations du compte d’Aymeric Solas s’échelonnent du 27 mars 1334 au 15 avril 1335, période conforme à l’année pascale, mais pas à l’exercice. Pourtant, le titre de certaines rubriques utilise le style de la Nativité pour le changement de millésime14. Ce style est le plus courant dans les comptabilités des années 1346-134715, mais d’autres utilisent aussi celui du 1er janvier. Et le relevé des dépouilles de Bernard de Fargues utilise deux styles : dans les items, il apparaît que les mois de février et mars sont qualifiés soit par « anno a nativitate » (27 fois), soit par « anno ab incarnatione domini » (14 fois). Ce document est destiné à la Curie pontificale où le style florentin est en usage, alors qu’à Narbonne prévaut le style de la Nativité.

25L’utilisation concomitante de différents styles de datation ne facilite pas notre lecture comptable de la gestion des bayles, encore compliquée par le chevauchement ou le non respect des exercices.

Un système de codage marginal

26Deux des comptes de Guillaume Boursier présentent un système de codage marginal très particulier qui attribue une lettre à chaque mois de l’« année comptable ». Cette pratique permet de retrouver la date des items quand l’expression littérale fait défaut. La clé du code pour la Collectorie 146 est donnée par un billet en farcissure, folioté 82 r, sans doute un aide-mémoire qui ne paraît pas avoir été griffonné à la hâte (tableau 4).

Tabl. 4 - Code de datation du folio 82 r, collectorie 146

Tabl. 4 - Code de datation du folio 82 r, collectorie 146

27Un système de codage marginal similaire est employé dans les comptes que G. Boursier a rédigés en tant que trésorier (tabl. 5). La clé n’y a pas été insérée, mais la confrontation entre lettres et dates rédigées permet de la reconstituer. Elle est différente de celle de la baylie d’Alaigne, alors que les deux périodes se chevauchent. En fait, dans les deux cas, l’alphabet démarre avec le premier mois de l’exercice. Le codage y confirme un exercice annuel ayant comme borne le mois d’octobre en relation avec la date de nomination du trésorier.

Tabl. 5 - Codage du trésorier Guillaume Boursier

Tabl. 5 - Codage du trésorier Guillaume Boursier
  • 3 En l’absence d’éléments complémentaires, aucune explication n’est envisageable.

Note*3

28Quelle est l’utilité d’un tel codage ? Simple outil de repérage visuel quand l’item est clairement daté, il permet, en l’absence de date, de faire émerger un reclassement chronologique des items. Il peut s’agir d’un pointage, d’une trace de vérification ou de la préparation d’une éventuelle copie au propre. Mais ce n’est sans doute pas une consigne générale, car les autres comptes ne comportent pas de telles annotations. Si Guillaume Boursier en est le concepteur, pourquoi ne l’utilise-t-il pas aussi dans le compte postérieur, l’Introitus et Exitus 180 ?

29Cette analyse des documents montre une contradiction entre la perception d’un effort certain pour rendre la lecture aisée et les lacunes dans la rigueur comptable. Les items ne sont pas systématiquement datés et l’absence des millésimes est fréquente. Les bornes chronologiques des rubriques sont souvent tues ou la fourchette annoncée n’est pas respectée. Le plus troublant pour nous est l’utilisation simultanée de deux styles calendaires. Le style pascal est mis en avant comme référence « officielle » dans les titres de comptes et de chapitres, peut-être reflet d’une volonté administrative. Mais les comptes font une utilisation récurrente du style de la Nativité, parfois sans le mentionner explicitement. Noël est à la fois un terme fréquent pour les paiements et une borne chronologique pour la comptabilité. Troublante pour nous, cette simultanéité ne semble pas avoir causé plus d’erreurs de chronologie que l’étourderie. User de plusieurs calendriers conjointement, utiliser la monnaie de compte et jongler avec plusieurs espèces : les bayles et l’archevêque ne manquaient pas d’aptitude intellectuelle.

Les mentions et la prise en compte de la période de vacance

30Tous les comptes de la dernière période font référence au 1er janvier 1347, date de la mort de Gaubert du Val. C’est une date charnière pour les finances archiépiscopales. Pendant les neuf jours de vacance du pouvoir, jusqu’à la nomination de Pierre de La Jugie, recettes et dépenses tombent sous l’autorité de la Chambre apostolique par l’intermédiaire de Jean Rey, commissaire dépêché d’Avignon dans le cadre du règlement des dépouilles. Pourtant, les chapitres des comptes à cheval sur les années 1346 et 1347 n’individualisent pas systématiquement cette période, ni dans la structure générale du compte ni dans chaque rubrique. Raymond Capioni, à Canet-d’Aude, inclut la vacance dans le premier exercice et fait commencer le second au 10 janvier. Gasbert Jordani pour Montels et Bernard de Canceiolo pour Quillan semblent aussi, la plupart du temps, placer une césure ce même jour. Guillaume Rollandi, bayle d’Alaigne, présente des dépenses sur un an à partir du 1er juin 1346 et individualise par l’expression « 4 mois et 10 jours » le début du nouvel archiépiscopat le 10 janvier.

31Cette analyse confirme un certain manque de cohérence générale. La plupart du temps, la période de vacance du siège figure dans la comptabilité de l’archevêque défunt, mais ce n’est pas systématique. Elle est plus présente dans les dépenses que dans les recettes. Cette absence évite peut-être d’attirer l’attention de la Chambre apostolique sur des recettes qui lui reviendraient dans le cadre de la liquidation des dépouilles. En revanche, toute dépense ou dette est signalée, pour la raison inverse.

2. L’entourage de l’archevêque et l’administration centrale

  • 16 Le personnel ecclésiastique n’est mentionné ici que dans la mesure où il prend part à cette gestion

32L’élévation d’un archevêque bénéficie à toute une lignée. La pratique est courante et il n’est pas vain de parler de stratégie de promotion familiale. Comme tout grand seigneur du xive siècle, l’archevêque de Narbonne est entouré d’une foule hétérogène de personnages16, parents, familiers, serviteurs de tout rang et domestiques. Il est parfois difficile de déterminer la nature des liens qui lie chacun d’eux au prélat pour faire émerger l’indispensable structure administrative qui sous-tend cette seigneurie, à Narbonne et dans l’ensemble des terroirs qui dépendent de lui. Ils sont indispensables pour veiller aux intérêts d’un prélat souvent absent. Les comptabilités viennent donner chair à un Livre Vert aride, mais, en raison de la répartition chronologique, elles nous dévoilent une réalité antérieure à l’époque de Pierre de La Jugie.

a. Un Livre Vert peu humanisé

  • 17 Pour l’achat du château de Durfort, seul le titre de seigneur est donné.

33Le Livre Vert contient quarante-deux anthroponymes et cite, sans les nommer, plusieurs seigneurs, à commencer par le vicomte de Narbonne. Le personnel de l’administration centrale et les officiers sont absents de l’inventaire. Le nombre de mentions par baylie est très inégal. Celles de Narbonne et de Pia l’emportent grâce aux paragraphes des prestations d’hommage. La mention de Jean, un ancien préchantre de la cathédrale, au folio 36 v, est fortuite et unique en son genre. La majorité des anthroponymes liés à la propriété sont ceux des anciens possesseurs de biens acquis par P. de La Jugie17. L’archevêque est nommé Pierre deux fois. Ces deux types de formulation, d’une part la désignation générique d’un individu par son titre ou sa fonction et d’autre part la personnalisation plus conjoncturelle par le nom (achats, hommages), sont l’un des paradoxes de la source. L’une inscrit le document dans la durée et l’autre fait apparaître le Livre Vert comme un inventaire ponctuel de la seigneurie.

b. Des informations lacunaires dans les sources vaticanes

  • 18 I.E. 106A, I.E. 172, les doublons Coll. 146, fol. 72-184 et I.E. 181.
  • 19 La prise en charge du neveu Amanieu de Budos dans la rubrique des familiers s’interrompt du 6 au 21 (...)
  • 20 Les grands officiers de Narbonne sont des hôtes des baylies. Barthélemy de Piru ne procède pas diff (...)

34Les sources conservées au Vatican, en revanche, contiennent une foule de mentions personnalisées, principalement dans les chapitres de dépenses et surtout pour l’époque de Bernard de Fargues et de Gaubert du Val. Encore faut-il que elles soient suffisamment explicites pour obtenir une peinture cohérente de l’entourage de l’archevêque. La grande diversité orthographique des anthroponymes et la pratique des dénominations incomplètes compliquent les recherches prosopographiques. Dans le microcosme archiépiscopal, chacun des proches et des officiers est connu. Ces familiers voisinent avec une foule de serviteurs d’hôtes qui ne sont que de passage. Les comptes de Guillaume Boursier pour la baylie d’Alaigne18 individualisent des rubriques de dépenses par catégorie d’individus : archevêque, membres de sa « gens », hôtes, malades... Mais toutes ne sont pas systématiques. Les pratiques comptables indiquent qu’un « seigneur », archevêque, noble ou dignitaire, est responsable des dépenses de sa familia lorsqu’elle l’accompagne. Quand l’archevêque n’est pas sur place, les dépenses de sa famille biologique figurent dans la rubrique « gens ». Quand il est présent, tous les frais sont mis sur le compte du prélat19. Cela dénote une organisation comptable en maisons, similaire à celle des princes séculiers. Les comptes des autres bayles sont moins structurés, mais chacun raisonne en fonction de son propre centre20. Les individus changent de catégorie en fonction de l’endroit où ils se trouvent. Cette ventilation est une écriture comptable destinée à montrer l’utilisation des ressources locales des baylies, sans qu’il faille y voir une volonté de l’archevêque de repérer qui bénéficie de ses largesses. Elle nous permet de constater le train de vie des prélats.

35Le relevé des dépouilles de Bernard de Fargues et l’inventaire après décès de Gaubert du Val ne sont guère plus précis sur l’entourage de l’archevêque bien qu’ils soient à destination de la lointaine administration pontificale. Certes, ils indiquent plus souvent à quel titre ces personnes sont mentionnées, se pose alors le problème inverse de celui des comptes : des titres ou des fonctions sans le nom du titulaire et l’impossibilité de croiser les deux types de sources pour éclairer la prosopographie.

c. L’entourage, la « gens » et la « familia »

36Le grand seigneur qu’est l’archevêque de Narbonne est entouré d’une familia totalement invisible dans le Livre Vert. Une suite de quinze à vingt personnes « seulement », familiers et serviteurs, accompagne en principe Bernard de Fargues dans ses déplacements. Les comptes n’emploient pas le terme générique de familia, mais il est question de « familiers ».

  • 21 Il y réside du 14 janvier 1338 à juin 1340. Son incontournable présence dans les documents que nous (...)
  • 22 I.E. 172, fol. 39 r ; fol. 38 v, 44 v à 47 v (cela comprend à la fois les vêtements et les chaussur (...)
  • 23 Il invite fréquemment des chasseurs qu’il faut nourrir ainsi que les chiens (I.E. 172, fol. 32, 33 (...)

37Les comptes confirment la présence régulière, dans les châteaux de l’archevêque, de membres de la famille de Bernard de Fargues : son neveu Amanieu de Budos, son frère Bertrand, archidiacre de Fenouillèdes, ses sœur, Congia, et belle-sœur, Dame Rascasse (Jeanne, épouse du seigneur de Gavaudan), son frère Raymond. Les séjours d’Amanieu à Alaigne sont longs21 et ses goûts dispendieux. Lui et sa suite sont nourris et entretenus sur les revenus de la baylie. Pour les six premiers mois de 1338, les dépenses cumulées22 s’élèvent à 98 livres 6 sous 1 denier pour les provisions et l’avoine, 15 livres 6 sous 5 deniers pour la garde-robe au sens large, 3 muids 4 setiers 1 migère de froment, 100 barrals de vin, ainsi que, pour son cheval, 1 muid 1 setier 2 pugnières d’orge. À côté de ces dépenses « personnelles », sont aussi portées sur son compte celles de ses invités occasionnels23.

  • 24 En novembre 1337, Guillaume Boursier note que Congia arrive à Alaigne pour un séjour d’une semaine (...)
  • 25 En 1337, G. Boursier engage cinq femmes pour aider à la cuisine, aller chercher l’eau, pétrir le pa (...)
  • 26 Guillaume Boursier fait envoyer du pain et du vin à Pieusse, Saint-Polycarpe, Carcassonne, Trèbes, (...)

38Recevoir un proche de l’archevêque est une lourde tâche et un surcroît de travail pour le bayle. L’arrivée de Bernard de Fargues à Pépieux, prévue le 20 mars 1334, est préparée par le bayle dès le 14, mais l’archevêque change ses plans au dernier moment, sans informer quiconque, ce qui provoque flottement et inquiétude. Parents et familiers sont toujours accompagnés d’au moins un serviteur, inclus dans les dépenses ainsi que les montures. Il peut s’agir d’une véritable cour qu’il est impossible de loger en totalité au château24. Une partie de la suite doit aller à l’auberge. Il est parfois nécessaire de se déplacer avec une foule de serviteurs, car tous les châteaux ne disposent pas d’un personnel attitré suffisant pour le service domestique. En cas de besoin, le bayle doit aussi engager des « extras » sur place25. Il est aussi chargé d’approvisionner l’archevêque et sa suite lors de leurs déplacements dans la baylie et parfois même en dehors, et de veiller au confort matériel de chacun26.

  • 27 Le 30 novembre 1334, le fauconnier de Bernard de Fargues apporte des lettres à Canet-d’Aude. Reg. A (...)

39Plus que les séjours, ce sont les attributions de sommes importantes qui représentent la plus forte part des bénéfices que la famille tire des revenus épiscopaux. Les versements enregistrés dans la rubrique des « pensions attribuées par l’archevêque et autres sur son mandat » ne sont pas motivées. Ces rubriques sont classées par nature, argent, forment, orge, vin... Y figurent aussi bien les bayles, les notaires, les salariés domestiques ou agricoles. Il peut s’agit de services27, mais pour Congia, le lien de parenté suffit.

d. Les cadres de l’administration et les hôtes

  • 28 BROUNS, B., Deux palais en un. La maison archiépiscopale de Narbonne en 1347, B.C.A.N., t. 49, 1998 (...)

40Un organigramme de la cour archiépiscopale peut être reconstitué, surtout grâce aux documents de l’administration épiscopale28 (comptes du chancelier Raymond Contastini, de G. Boursier en tant que trésorier archiépiscopal et de Barthélemy de Piru pour Narbonne) ou aux enquêtes diligentées par le Saint-Siège (dépouilles, inventaire après décès). Dans les comptabilités des bayles, les informations figurent dans les rubriques consacrées aux hôtes ou sont disséminées dans les items des dépenses de bouche ou bien dans les frais de gestions de la seigneurie. Un ensemble de noms revient quasi-systématiquement parmi les commensaux « ordinaires » de la maison archiépiscopale : les vicaires Guillaume Fabri et Jacques Flandrini, le chancelier Raymond Contastini, le juge des appeaux Pierre Hélié, l’official, le clavaire, le bayle... et à partir de la fin janvier 1347, les vicaires de Pierre de La Jugie, Sicard de Versiac, Itier de Manhaco, Jean de Jauzenchis, les notaires de l’archevêché, P. de Marcoles et Jean Silvestri, son écuyer Tolonus...

  • 29 Coll. 146, fol. 103 r.

41Les comptabilités apportent des précisions ponctuelles. Les officiers logent et travaillent dans le palais. Le chancelier, le juge des appeaux, le camérier, l’official, le notaire archiépiscopal sont dans le Palais Neuf alors que le bayle et le clavaire ont leur chambre-bureau dans le Palais Vieux, peut-être dans une volonté de différencier l’administration locale des offices de l’archevêché. Les vicaires des prédécesseurs de Pierre de La Jugie, Bernard Fournier, vicaire sede vacante, puis Sicard de Versiac, premier vicaire du nouveau prélat logent dans le Palais Neuf. Leur chambre est dans la tour (Aycelin)29.

  • 30 Fol. 2 v : Item habet etiam banderii sui debent sibi et vicariis, ipso absente, ad domum archiepisc (...)

42Les vicaires, le chancelier, le camérier et l’official, partagent leur chambre-bureau avec leur clerc. Les autres sont seuls. Le palais est le centre névralgique de l’administration seigneuriale, mais les dignitaires sillonnent les terres de l’archevêque pour surveiller la gestion des baylies. Ces familiers, triés sur le volet, ne doivent guère avoir d’initiative personnelle, car les dossiers sont suivis de près et personnellement par Bernard de Fargues. Malgré leur éloignement et leurs fréquents déplacements, les archevêques ne négligent pas la gestion de leur diocèse, ni au temporel, ni au spirituel. En leur absence, les vicaires et les procureurs agissent en leur nom comme l’indique clairement le Livre Vert30. Les frais de déplacement des courriers sont élevés, le prélat est informé régulièrement. En cas de besoin, les officiers le rejoignent pour des séances de travail, où qu’il soit.

e. Les bayles

  • 31 Dans les comptes, le mot désigne aussi les représentants du chapitre de Saint-Just (Coll. 146, fol. (...)

43Le terme de bayle, on l’a vu, désigne le représentant d’une autorité, un agent investi d’une responsabilité et qui rend compte31. Le mot n’est pas polysémique, mais il s’applique à des circonscriptions de taille et d’importance diverses. Le Livre Vert mentionne les bayles de façon impersonnelle et ne dévoile quelques unes de leurs tâches que par allusion contrairement aux comptabilités qui retracent leur activité.

Une foule d’anonymes dévoilés

44Les comptabilités, surtout les comptes du Trésor établis par Guillaume Boursier, permettent de dresser une liste de bayles, sans toutefois pouvoir les nommer tous (tabl. 6 et 7). Elles confirment qu’ils n’exercent pas leurs attributions sur des circonscriptions géographiquement équivalentes. Les « bayles territoriaux », rédacteurs des comptes, citent au détour des items d’anciens titulaires ayant quitté leur charge, ou font référence à des bayles de localité. De nombreux items font référence à des dépenses pour des bayles dont seul le lieu d’exercice est connu. La mention de cette fonction figure aussi, parfois, comme justificatif de remises ou de gratifications.

Tabl. 6 - Liste des bayles d’après les comptes. Sont indiqués en italique le nom des rédacteurs et leurs recueils

Tabl. 6 - Liste des bayles d’après les comptes. Sont indiqués en italique le nom des rédacteurs et leurs recueils

Tabl. 7 - Liste des bayles de localités d’après les comptes

Tabl. 7 - Liste des bayles de localités d’après les comptes
  • 4 Il est qualifié de temporel.
  • 5 Peut-être de Martin Anares qui lève les usages de Nissan en 1346, I.E. 249, fol 19 v.
  • 6 Il est qualifié de temporel.

Note*4
Note**5
Note***6

Une fonction au service de l’archevêque

  • 32 L’I.E. 106A ne mentionne jamais la date précise. « A die qua intravi baiuliam de alahano anni 37 us (...)

45Le caractère fragmentaire des comptes ne permet pas d’établir si la fonction de bayle a une durée précise. Ces hommes pourraient être du cru. En effet, disposer de quelqu’un qui connaît bien la région est un avantage, mais une trop grande familiarité peut entraîner des accointances préjudiciables aux intérêts de l’archevêque. Une telle responsabilité ne peut être confiée au premier venu. Elle exige des compétences en matière de gestion. Elle nécessite une autorité certaine et un bon sens de l’organisation. Les sources nous laissent dans l’ignorance de la formation ou de la carrière antérieure des bayles. Rien n’est indiqué sur la procédure de nomination. Guillaume Boursier se signale comme prêtre au moment de sa prise de fonction à Alaigne32 en 1337. Il est recteur de Lairières, dans le diocèse de Carcassonne, en 1343, peut-être signe de son limogeage pour malversations.

  • 33 I.E. 106A, fol. 2 r, Sequitur pecunia per me Petrum Sacrini clericum levata et recepta de mandato d (...)

46Le Livre Vert présente le bayle comme le gestionnaire et l’administrateur des biens et droits de l’archevêque, le défenseur de ses intérêts. À Capestang, par exemple, il doit être averti des subtilités concernant les différentes albergues (fol. 15 v). Dans toutes les baylies, ils doivent rechercher les droits perdus. Les comptes nous les montrent d’abord comme des hommes de terrain. La tenue des comptabilités, recettes et dépenses, est une partie essentielle du travail des bayles. Elles sont la traduction matérielle de leur gestion, mais ils ne tiennent peut-être pas la plume. Les clercs chargés du travail d’écriture doivent cependant l’exécuter sous la dictée (d’où les formes à la première personne) ou à partir de notes olographes. Le début du premier compte d’Alaigne contient des rubriques comptables de Pierre Sacrini33 qui a été envoyé par l’archevêque pour tenter de faire rentrer les revenus de la baylie, éprouvée par l’incurie de Pierre de Nucibus et privée de bayle à partir du 1er juin 1337. Il recouvre des dettes remontant à 1328. D’ailleurs, une bonne quantité de papier est achetée pour recopier les dettes que Pierre de Nucibus a laissées en désordre. D’autres rubriques sont rédigées par le clavaire, Étienne de Pomarède, qui a dû aussi assurer l’intérim. L’emploi de la première personne du singulier confirme une implication personnelle pour pallier la carence. Guillaume Boursier intègre ces travaux avant de reprendre les rênes de la comptabilité, dès sa nomination. Dans la suite du compte, les titres indiquent que Pierre Sacrini agit « au nom du bayle ». Malgré les obstacles, l’enregistrement de la comptabilité doit suivre son cours, quitte à élaborer un document composite.

  • 34 Dépenses ordinaires, I.E. 249, fol. 80 r à 82 r.

47Les titres de rubriques indiquent fréquemment que recettes et dépenses ont été « faites et administrées » par le bayle. Cette double mention n’est pas une redondance, mais la traduction d’une action comptable et d’une délégation de responsabilité. Le bayle reste sous le contrôle de l’administration centrale. Les contacts sont très fréquents par courrier, par déplacement du bayle là où se trouve l’archevêque ou son représentant. En 1346, les bayles de Quillan (en mai et juillet), de Villerouge-Termenès (en juin), d’Alaigne (en juin) se rendent à Canet-d’Aude. Ce dernier est en route pour Narbonne, sans doute pour une affaire officielle ou pour une séance de travail. Mais, en tout cas, ce ne sont pas seulement des visites de courtoisie34. Il est probable qu’il s’agissait d’une convocation. Parfois, les représentants de la cour archiépiscopale (vicaire, sénéchal « de la terre du seigneur »...), voire l’archevêque en personne, viennent sur place, dans les chefs-lieux des baylies. Même lorsqu’il s’agit, notamment pour Bernard de Fargues, d’une étape dans un plus long déplacement, c’est l’occasion de faire le point.

  • 35 L’introduction du compte de 1334 de Canet-d’Aude est la plus détaillée : Anno domini millesimo 334, (...)
  • 36 Il mentionne Aymeric Solas pour la baylie de Canet-d’Aude au milieu des années 1330 qui est déjà mo (...)

48Les comptes sont aussi un élément de contrôle. Ils sont des instruments servant à justifier de l’intégrité de la gestion du bayle. Ils sont périodiquement rendus et auditionnés au palais de l’archevêque à Narbonne35. Ils permettent au bayle de recevoir quitus pour son travail. Pourtant, le compte des dépouilles de Bernard de Fargues témoigne que les bayles restent responsables, même après leur sortie de charge. Non seulement, Morerius de Moreriis y fait l’inventaire des biens meubles et des revenus courants, mais il « épluche » littéralement les comptes, depuis le début de l’archiépiscopat pour retrouver les sommes ou quantités en nature qui seraient encore dues36. Pour ce dossier, le recouvrement s’échelonne sur plusieurs années, jusqu’en septembre 1347, alors que le prélat décède le 1er mai 1341.

  • 37 Coll. 146, fol. 192, pour la baylie d’Alaigne : « recepi a dicto domino P. de Nucibus per manus quo (...)

49Le bayle dispose de ressources importantes qui lui permettent de régler les charges courantes et les dépenses de l’archevêque, de sa famille et de la cour quand ils sont sur place. Les comptes du trésorier Guillaume Boursier, qui a compétence sur l’ensemble de la seigneurie, révèlent des versements des bayles à Narbonne, plus ou moins réguliers, mais toujours conséquents, pour les années 1339-1340. L’expression « baiulus tradidit michi Guillelmo Burserii » peut laisser penser que le bayle vient en personne à Narbonne. Certains items indiquent pourtant clairement d’autres convoyeurs, clavaire ou simples particuliers. G. Boursier enregistre différents versements fractionnés pour un même bayle le même jour37.

50L’absence de détail ne permet pas clarifier cette pratique qu’il est pourtant facile de justifier. Chaque somme correspondant à une lettre de créance particulière, le trésorier doit les enregistrer séparément. Il est probable que les pièces justificatives devaient être annexées, pour permettre une vérification.

  • 38 I.E. 249, Montels, fol. 49-50 ; Coll. 148, Quillan, fol. 215.

51Les bayles enregistrent soigneusement, dans les comptabilités, les « pensions » qu’ils reçoivent en argent et en nature (tabl. 8). Les versements ne sont pas réguliers. Tous les chapitres de Guillaume Boursier sur les pensions mentionnent aussi sa familia : elles tiennent compte des personnes qui sont à la charge du bayle, proches et domestiques. Rien n’est dit sur les éventuels autres avantages en nature que le bayle peut obtenir (nourriture, vêtements, chaussures, gratifications) tels que les sergents et certains serviteurs en perçoivent38.

Tabl. 8 - Relevé comparatif des pensions perçues par les bayles

Tabl. 8 - Relevé comparatif des pensions perçues par les bayles
  • 7 Les pensions en nature sont cancellées.

Note*7

f. Autres employés et serviteurs

  • 39 I.E. 244, fol. 141 v.

52Les comptabilités sont très discrètes sur les serviteurs et les petits employés des maisons archiépiscopales. Le bayle de Narbonne, Barthélemy de Piru, consigne les rémunérations du personnel de l’exploitation de Saint-Loup. Il cite des bouviers, des bergers et une servante qui s’occupe de la lessive pour le palais39. Il n’y est en revanche pas question du « jardinier du Fleix », pourtant mentionné à la table du palais par les journaux du bayle. Le compte indique des paiements en argent et en nature pour le salaire, des droits en blé et vin et le companagium en argent, pour le reste de la nourriture. Le linge de maison leur est fourni. Le tableau qui suit (tabl. 9) comporte les quantités reçues, pour une année complète finissant à la Saint-Michel 1346 (29 septembre).

Tabl. 9- -Rémunération des serviteurs de Saint-Loup

Tabl. 9- -Rémunération des serviteurs de Saint-Loup
  • 8 Fol. 185 v, Item solvi ancillae de Sancto Luppo pro suo salario anni ut supra finientis 25 s et pro (...)
  • 9 C’est un mélange composé d’un tiers de froment et de deux tiers d’orge. Fol. 119 pour les mentions (...)

Note*8
Note**9

  • 40 En 1334, G.B. de Flassiano est charpentier (Reg. Av.122, fol. 507 v et 538) et Raymond Sabaterii s’ (...)

53Des maîtres et des ouvriers qualifiés de tous les corps de métier interviennent pour l’entretien des châteaux. Ils sont aidés par des manœuvres. Être employé par l’archevêque, même temporairement, est une aubaine pour la population, car les salaires semblent payés régulièrement et la nourriture est en général fournie. Certains artisans sont attachés à la maison archiépiscopale40 et interviennent dans l’ensemble de la seigneurie.

54L’archevêque mène un train de vie fastueux. Ses revenus le lui permettent. Les dépenses personnelles et celles de la cour sont les plus importantes, mais rien n’est négligé pour la gestion de la seigneurie, source de cette richesse. Les comptes révèlent néanmoins que toutes les factures ne sont pas réglées rubis sur l’ongle et que certains gages tardent à venir. Lors des changements de titulaire, les représentants de la Chambre apostoliques ont fort à faire pour démêler les comptabilités.

55Les comptes complètent l’esquisse dressée par le Livre Vert, en dévoilant l’entourage de l’archevêque. Ils donnent une identité et une vie à ses parents, familiers, serviteurs. Ils révèlent la complexité du rôle des bayles. La connaissance des bayles temporels attaché à une localité nous échappe faute de source (carte 12). Leur présence comme relais local des pouvoirs de l’archevêque, dénote un quadrillage de la seigneurie, signe d’une gestion attentive de la part de l’archevêque.

3. L’architecture des comptes

56Comme pour le Livre Vert et même plus encore, une étude de la structure des comptabilités narbonnaises conservées aux Archives du Vatican peut livrer beaucoup des représentations que les hommes de l’archevêque, à Narbonne et dans les baylies, avaient de la seigneurie. Les objectifs des comptes sont différents de ceux du Livre Vert : il ne s’agit pas d’établir une norme mais, à l’inverse, de justifier les résultats de revenus déjà livrés et d’en présenter le bilan. Deux types, les comptes centraux et les comptes des baylies, sont présentés.

a. Structure comptable des comptes « centraux »

57Les deux journaux des dépenses dressent la liste de ce qui a été acheté pour les repas des personnes nourries au palais41 et pour la nourriture des montures. La présentation est strictement chronologique. Les dépenses sont indiquées au jour le jour et les formules d’introduction se reflètent à l’identique :

  • Die [jour et mois] fuerunt domini ordinarii domus videlicet...

  • Die [jour et mois] fuerunt ordinarii domus omnis prout supra.

  • Et extraordinarii,.......
    persone valent --, fuit expense [liste des dépenses]

  • avena / ordeus dominorum, ou bien avena/ordeus pro animalibus dominorum.......

58Les journaux apparaissent comme des documents primaires qui vont servir pour dresser les comptes thématiques dans lesquels ils ne sont qu’un chapitre, voire un item récapitulatif.

  • 42 Guillaume Boursier rembourse au bayle de Narbonne des dépenses faites par l’archevêque et réglées l (...)

59Les deux comptes de Guillaume Boursier en tant que trésorier ne fournissent qu’une écume, au demeurant très intéressante, celle des mouvements de fonds. Ils comportent exclusivement des mentions en argent. Ils dressent d’abord la liste des recettes transmises à Narbonne par le chancelier de Narbonne, celui de Limoux, les bayles de Sigean, Villerouge-Termenès, Alaigne, Canet-d’Aude, Capestang, Pia et l’ancien bayle de Quillan. Ni les sommes versées ni leur périodicité ne sont régulières. L’argent est transféré « par les mains » d’intermédiaires non attitrés et souvent méconnus. L’initiative de l’envoi n’est pas précisée. Le trésorier règle des dépenses diverses (achats de cire et d’épices confites pour les officiers archiépiscopaux, réparations de la maison de Carcassonne et du château de Gruissan, achats de mules et mulets à Limoux), verse des dons en argent et des pensions à des personnels administratifs et judiciaires. Le chapitre des transferts d’argent du Trésor au bayle de Narbonne confirme qu’il y a bien séparation entre les deux comptabilités42. Plusieurs chapitres consignent des versements aux différents bayles, sans les justifier.

  • 43 Fol. 49 v : 24 februari anno nativitatis 42, dominus Petrus Bedocii cancellarius Limosii asignavit (...)

60Le relevé des dépouilles de Bernard de Fargues dressé par Morerius de Moreriis a pour but d’inventorier les actifs et le passif du défunt, au moment de son décès. Le document comporte trois volets. Jusqu’au folio 89, chaque agent de l’archevêque qui a ou a eu une responsabilité financière et qui reste débiteur, fait l’objet d’un chapitre de recettes indiquant les sommes versées en monnaie de compte et les différentes espèces réelles encaissées. Les versements sont toujours fractionnés et l’indication de l’origine comptable des sommes restant dues est rarissime. Certains items ne font référence qu’à une assignation, c’est-à-dire à un engagement de payer, dont quelques billets justificatifs ont subsisté en farcissure. Elle est pourtant considérée comme effective, puisque la somme figure en regard et que des espèces sont mentionnées43. Jusqu’au folio 122 r, sont enregistrées les recettes des ventes des stocks et des biens meubles du défunt ou le solde des ventes de droits de l’année en cours. À partir du folio 124, Morerius de Moreriis règle les dettes de Bernard de Fargues. Il s’agit de la rémunération des serviteurs de l’archevêque défunt, des paiements des pensions de ses agents et de la liquidation de ses dettes envers les fournisseurs et autres créanciers. Si le solde est positif, il reviendra à la Chambre apostolique. En dépit des revenus considérables qu’il perçoit, l’archevêque vit à crédit. Plus exactement, il néglige souvent de payer rapidement ce qu’il doit. Il est un peu plus attentif à ses recettes, mais cela dépend en grande partie de la compétence et du zèle de ses bayles.

  • 44 À Narbonne, Salles-d’Aude, Canet-d’Aude, Limoux, Alaigne, Limoux, Sigean, Villerouge-Termenès, Mont (...)

61Pour Gaubert du Val, décédé le 1er janvier 1347, nous ne disposons pas d’un tel document, cependant, le commissaire pontifical Jean Rey dresse, à partir du 15, l’inventaire de ce que contiennent les différentes pièces de ses résidences44. Seul le superflu est pris : literie, vaisselle, armes qui seront vendus comme le reste des actifs du prélat défunt. Une fois les dettes payées, le reliquat va alimenter les caisses pontificales à Avignon.

62La structure des comptes du Trésor et celle du relevé des dépouilles sont proches. Certes, le contexte est différent, mais nous y retrouvons des chapitres très similaires. Les deux sont le reflet de la gestion centrale des finances, chapeautant les baylies. Chaque dépense devait être systématiquement justifiée par l’insertion de billets témoignant des versements ou des assignations, qui ont quasiment disparu. Les sommes ou les quantités pouvaient n’être que virtuelles lors de l’inscription et les paiements effectués avec retard.

b. La structure générale des comptes des bayles

63Les comptes « centraux » correspondant aux mouvements de fonds au sommet, c’est dans les comptes rendus par les bayles qu’il faut chercher l’organisation de base des revenus archiépiscopaux. De fait, ces documents sont construits sur un principe fondamental : un volet sur les recettes réparties en chapitres en argent et en nature ou dans l’ordre inverse, un volet sur les dépenses par chapitres dont le classement interne est chronologique. Cette charpente générale admise, les comptes des bayles ne sont pas uniformes et les lacunes accentuent les distorsions.

64Deux comptes sont particulièrement incomplets : celui de Sigean et le premier exercice de Canet-d’Aude pour 1346.

65Les quatre comptes de la fin de la décennie 1330, sous l’archiépiscopat de Bernard de Fargues, celui de la baylie de Canet-d’Aude en 1334 et les trois comptes successifs de la baylie d’Alaigne, ont la particularité de présenter chaque denrée sous forme de bilan recettes/dépenses. Cette confrontation suppose un travail de sélection dans les livres des recettes et des dépenses et donc un stade d’élaboration plus achevé. Elle a l’avantage de rendre immédiatement perceptible le solde de chaque denrée et l’état du stock. Le bilan des recettes et des dépenses en argent n’est fait qu’en conclusion générale.

66Quatre comptes de la fin de la décennie 1340, les deux de la baylie de Narbonne, celui de la baylie d’Alaigne et celui de la baylie de Quillan, offrent l’ensemble des volets de la comptabilité, mais sans les mettre en relation pour dresser un bilan. Ils mettent à la suite toutes les recettes, en argent, en blé, en vin... puis toutes les dépenses, réparties entre argent et nature et classées par mode de versement ou catégorie de revenus. Seul Guillaume Rollandi indique pour Alaigne le solde des denrées, puis de l’argent, dépenses déduites. La conception du compte double de Montels est plus délicate à saisir car le document semble à la fois composite et inachevé.

  • 45 Ce qui cadre avec la présentation des deux exercices de Raymond Capioni pour Canet-d’Aude, des deux (...)

67L’évolution dans la structure des comptes des bayles est plutôt chronologique que géographique. La disparition des bilans dans les comptes de la fin des années 1340 suggère deux hypothèses. Il peut s’agir d’exemplaires inachevés ou dont une partie a disparu45 ou bien d’un changement dans la conception des comptabilités, peut-être dû à l’influence de Gaubert du Val, par ailleurs Camérier pontifical.

La structure interne des comptes

68Les comptes des baylies sont suffisamment nombreux pour qu’on puisse tenter d’en tirer un (ou des) modèle(s). Cette analyse doit permettre de mieux comprendre la structure mentale comptable de ce xive siècle narbonnais. La démarche est similaire à celle que j’ai appliquée pour la structure du Livre Vert. Pour chaque période, je suis partie de la source qui proposait le plus large éventail de rubriques. Il suffit qu’un chapitre ait été mentionné une fois pour être intégré dans la gamme des disponibilités de classement s’offrant au rédacteur. J’ignore s’il existait des matrices de présentation à l’usage des bayles et si j’appelle parfois « anomalie » ce qui n’est qu’une distorsion par rapport au modèle optimal établi, elle ne l’est sans doute pas dans l’absolu.

Les recettes (tabl. 10). Tabl. 10 - Modèle d’énumération des recettes pour les baylies

Les recettes (tabl. 10). Tabl. 10 - Modèle d’énumération des recettes pour les baylies
  • 46 Les chapitres sur les difficiles règlements des arrérages de Pierre de Nucibus perturbent le début (...)

69Pour la période de Bernard de Fargues, seules des recettes en argent apparaissent dans le premier volet46.

  • 47 Le compte de Guillaume Rollandi mentionne les recettes en nature restées « à la main » de l’archevê (...)

70Pour la seconde période, les recettes en nature précèdent toujours les rentrées en argent, sauf pour Quillan et pour Sigean. Seul le double compte de Montels est tout à fait conforme au modèle, pour la période du dernier exercice de Gaubert du Val. C’est l’existence d’un revenu qui dicte celle d’une rubrique. Si localement, un revenu manque, toute la rubrique est absente. En effet, jamais un bayle ne mentionne un titre sans le faire suivre d’un revenu effectif. La nécessité d’un revenu à indiquer préside à l’existence du titre et du paragraphe47. C’est donc l’empirisme, le pragmatisme qui l’emporte et il n’y a pas de préparation de la présentation a priori. Pour les revenus que les comptes ignorent, deux hypothèses : il s’agit d’une spécificité locale ou chronologique, ou bien la perte d’une partie du document nous prive des mentions.

71La présentation d’ensemble des comptes a évolué significativement entre les deux décennies. L’absence de recettes en nature en début de compte pour la période de Bernard de Fargues s’explique par la présence des bilans.

72

Les dépenses (tabl. 11). Tabl. 11 - Modèle d’énumération des dépenses pour la gestion des baylies

Les dépenses (tabl. 11). Tabl. 11 - Modèle d’énumération des dépenses pour la gestion des baylies

73Comme pour les recettes, les comptes de la période de Bernard de Fargues n’offrent que des dépenses en argent. Ceux de la décennie 1340 dressent d’abord la liste des dépenses en nature, par denrées, puis des dépenses en argent.

74La première partie du second compte d’Alaigne a largement servi à l’élaboration du modèle de la période de Bernard de Fargues, car les chapitres y sont très détaillés.

  • 48 Il présente d’abord les dépenses en argent et dans un ordre sensiblement différent. Le Minervois re (...)
  • 49 Gasbert Jordani pour Montels présente un compte « bref » en nature (fol. 51 à 54). À Sigean, les ch (...)
  • 50 Les deux comptes débutent par des dépenses en nature mais les chapitres sont légèrement différents. (...)

75Pour les années 1346-1347, les dépenses en nature, puis en argent se succèdent. La conformité au modèle est bonne, cependant, le premier48 compte de Raymond Capioni pour Canet-d’Aude organisé selon l’ordre inverse49. Comme pour les recettes, les comptes de la baylie de Narbonne sont atypiques, mais similaires entre eux50.

Les bilans (tabl. 12)

76L’absence de volets de recettes et dépenses en nature faisant suite à ceux en argent, pour les comptes de Canet-d’Aude et d’Alaigne de la période de Bernard de Fargues, s’explique par la présence de bilans exposant, pour chaque denrée, les recettes, puis les dépenses par thème, pour l’archevêque, pour ses familiers, pour les hôtes, pour les malades, pour les litiges, pour les pensions. Il semble bien que ce soit ces dépenses qui subordonnent la présence du chapitre, car aucune rubrique ne présente que des recettes.

Tabl. 12 - Modèle d’énumération des bilans pour la gestion des baylies (1334-1341)

Tabl. 12 - Modèle d’énumération des bilans pour la gestion des baylies (1334-1341)
  • 51 La remarque a déjà été faite pour les introductions. Les bilans de l’I.E. 106A ne mentionnent que l (...)

77Le compte de la baylie de Canet-d’Aude ne classe pas les dépenses par catégories de bénéficiaires. Mais un bilan de ce type est individualisé pour la « baylie » du Minervois, au beau milieu de celle de Canet-d’Aude. La précision des bilans des trois comptes successifs de la baylie d’Alaigne va croissante51.

78Cette présentation en bilan facilite la lecture de la comptabilité en permettant de repérer rapidement une information. Elle simplifie les opérations de vérification finale. Le solde est immédiatement accessible. C’est la forme la plus achevée du travail comptable, car elle a nécessité une phase d’analyse et de sélection des données puis une synthèse ordonnée. Elle rend plus homogène la structure du compte en uniformisant la présentation pour l’argent et pour les multiples produits. Cela accroît la similitude avec les registres de l’administration pontificale, ce qui pose pleinement la question de l’influence de Gaubert du Val. Le changement de modèle n’est pas facile à justifier.

79Tous ces comptes sont lisibles en dépit de la graphie, parfois hâtive, et du foisonnement de surcharges enchevêtrées. En revanche, la compréhension est handicapée par les mentions elliptiques, les fréquentes absences de date, surtout pour les recettes. L’utilisation du style de la Nativité par les rédacteurs est générale, même s’ils doivent employer le style pascal pour répondre à une demande plus « administrative ».

80La finalité détermine la structure des documents. Ce sont à la fois des outils de travail et de présentation. Il n’y a pas de recherche de prestige dans les exemplaires qui nous sont parvenus. Journaux des dépenses et inventaire du mobilier des châteaux de Gaubert du Val sont des notes prises en vue de l’élaboration de chapitres synthétiques dans des documents plus amples.

81Ces relevés ne sont qu’une première étape. La composition similaire des comptes du Trésor et le relevé des dépouilles de Bernard de Fargues vient-elle de l’utilisation d’un modèle imposé d’Avignon ? La volonté de disposer d’outils comptables pratiques a pu répandre de nouveaux modèles, indépendamment d’une diffusion imposée par la hiérarchie.

82Les comptes des bayles sont à des stades d’élaboration différents, bien que déjà avancés. Dans l’introduction, deux indiquent qu’ils ont été présentés aux auditeurs des comptes. En revanche, aucun ne porte trace de la mention « appr », signe de l’approbation par l’autorité archiépiscopale. La structure de base est la même pour toutes les baylies, mais la conception des chapitres sur les denrées a évolué entre les deux périodes. La présentation en bilan des comptes de l’archiépiscopat de Bernard de Fargues disparaît de ceux qui sont contemporains de la succession de Gaubert du Val. L’abandon d’un concept qui rend la comptabilité plus lisible paraît surprenant. Peut-être est-ce une volonté d’uniformisation de la présentation de l’ensemble des ressources. Il est probable, en effet, que les bilans devaient se trouver dans des comptes séparés peut-être plus maniables pour les vérifications de la comptabilité locale et centrale.

83Très peu de pièces justificatives, sous forme de billets de reconnaissance ou d’assignation, nous sont parvenues. Instruments indispensables pour les vérifications systématiques, ils devaient se compter par milliers. La pertinence de la dépense ou de l’attribution en argent ou en nature n’est pas en cause, alors que l’authenticité de l’ordre de paiement couvre le rédacteur en cas de contestation.

Notes

1 Jean XXII a contribué à institutionnaliser cette pratique en attribuant à la Chambre apostolique les biens de tout membre de la Curie venant à mourir où que ce soit et même avec un testament valide. Il n’était pas rare d’assister au pillage pur et simple des biens meubles d’un évêque après son décès. Les papes ont profité d’avoir à se mêler des successions pour exercer ce droit dépouille, source de revenus non négligeables. MOLLAT, J., 1933.

2 Coll. 146, fol. 185.

3 Une lettre de Clément VI du 9 juin 1343 mentionne qu’il a été incarcéré à la Cour romaine pour avoir « malhonnêtement administré » les biens de Bernard de Fargues en tant que trésorier. Il est alors libéré parce qu’il a fourni des cautions suffisantes (DAUMET, Clément VI, n° 216, p. 66). Ces détournements ont dû être découverts au moment de l’examen des comptes de Bernard de Fargues pour la procédure des dépouilles. Les sources ne permettent pas de les dater ni de savoir sur quoi ils portent mais la baylie d’Alaigne est concernée. Le 16 janvier 1346, G. Boursier s’oblige à verser à la Chambre apostolique en remboursement 207 livres 8 sous 9 deniers et une obole, 20 muids 8 setiers 3 quartières de froment, 96 muids d’orge, 115 muids 8 setiers 1 pugnière de millet, 5 muids de vin à la mesure d’Alaigne. (Coll. 497, fol. 26 r). Le 16 septembre 1355, il verse encore 120 florins. HOBERG, H., Die Einnahmen der apostolischen Kammer unter Innocenz VI, Paderborn, 1955, fol. 97.

4 Deux seulement sont gênantes pour la lecture. Celle de l’I.E. 180 fol. 149 à 180 apparaît sur les cinq premiers folios puis s’estompe. L’autre est en haut des pages du compte de la baylie de Canet-d’Aude à partir du folio 65 de l’I.E. 249.

5 A.M.N. CC 2352, 1352 pour le premier registre conservé.

6 Ce qui explique l’incohérence de plusieurs rubriques du double exemplaire du compte d’Alaigne (Coll. 146, fol. 72-184 et I.E. 181, fol. 1-94). Dans la Collectorie, il convient de rétablir l’ordre des folios ainsi : 89 v, 127, 128, 129, 90 r et dans l’I.E. les folios doivent se succéder comme suit : 62, 82, 83, 84, 73, 74, 75, 63, 64. Cette erreur d’archivage est obligatoirement due à une reliure postérieure car elle est flagrante. Un compte ainsi inutilisable n’aurait pas été sauvegardé par l’autorité pontificale.

7 Écrit sur une seule face.

8 Les unités monétaires utilisées sont la livres, le sou, le denier, l’obole ; les unités de volumes sont déclinées : muid, setier, émine, quartière, migère et pugnière, pour les grains et muid, charge, barral et quarton pour le vin.

9 Récurrentes, elles permettent d’aller plus vite dans la copie. La plus fréquente est la tilde qui permet de remplacer n’importe quelle lettre ou syllabe. Le raccourci va de la simple lettre, « mulierum » devient « mulierū », à une syllabe voire deux : « hoīes » pour « homines ». La lettre « r » ou « er » est remplacée par un crochet suscrit, sauf pour « per » qui est transcrit par un « p » dont la jambe est barrée d’un segment horizontal. Les abréviations suppriment souvent les désinences ; heureusement, la syntaxe est limitée. Mais au delà de cette cohérence générale, chaque rédacteur a ses tics d’écriture. La volonté de rapidité ne se fait pas aux dépens de la plus grande clarté possible.

10 Le compte de Pons Bodelli pour Sigean (Coll. 152, fol. 17 à 49), celui du Trésor par Guillaume Boursier (I.E. 180, fol. 149 à 180) qu’il est possible de compléter grâce au doublon (Coll. 146, fol. 185-229). Le journal des dépenses ordinaires de Narbonne (Coll. 152, fol. 136 à 171) n’est peut-être qu’un exemplaire de travail ou bien un extrait d’un compte de la baylie. La disparition des folios des trois derniers mois de l’année nous prive d’une hypothétique transition avec le journal anonyme de la fin de 1346 intégré dans la Collectorie 146 (fol. 1 à 52).

11 Le 8 mai 1341, cet envoyé du pape a reçu des lettres apostoliques du pontife par l’entremise de Pierre Vernet. Elles lui ordonnaient de rassembler tout ce qui était dû ou à porter au crédit du « défunt Bernard, archevêque de Narbonne ». À cette fin, Morerius de Moreriis a fait annoncer, le 9 mai dans toutes les églises que les documents devaient lui être remis en tant que représentant de la Chambre apostolique.

12 D’après A. Giry et G. Romestan, le style de la Nativité est très usité à Narbonne. GIRY, A., p. 122-123 ; ROMESTAN, G., La gabelle des draps en Languedoc (1318-1333), Hommage à A. Dupont, Études médiévales languedociennes, Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, Montpellier, 1974, p. 198. Dans son étude sur le notariat dans les documents agathois, R. Foreville indique que le cartulaire offre toute la gamme des modes de datation mais que le style de l’Incarnation en usage à Agde se maintient au cours du premier tiers du xiiie siècle (p. 146-147). « À l’instar de la Curie pontificale, les scribes agathois utilisent soit la forme pisane (mode passagère, son abandon reflète les mesures adoptées à la Curie pontificale en 1145 par Eugène III qui impose mode florentin) soit la forme florentine du style du 25 mars net après 1146 ». FOREVILLE, R., Notaires et styles dans les documents de l’église d’Agde, Hommage à André DUPONT, Études médiévales, Montpellier, 1974, p. 137-155.

13 Guillaume Lafont dans son Histoire des archevêques de Narbonne respecte le style florentin dans lequel la période comprise entre le 1er janvier et le 24 mars appartient à l’année précédente. Il classe les actes selon la date du manuscrit et sans rétablir la chronologie en fonction de l’édit de 1563. En revanche, il indique toujours « l’année commençant au 25 mars ».

14 Fol. 502 r, Sequitur expense in pecunia facta et primo pro hospicibus a festo natale domini anno 34 usque ad aliud festum sequente anno domini 1335. Ce constat est aussi valable pour huit autres chapitres.

15 Dans l’introduction du second exercice de l’I.E. 172 pour Alaigne, il y a une contradiction entre « anno Domini » et le millésime 1339 pour Noël qui correspond à un style de la Nativité (en réalité 1338, n.s.). La simple logique de la phrase le confirme : la période va de Noël 1338 (n.s.) au 1er mai suivant. Dans le cas d’un style pascal avec un réel Noël 1339, le 1er mai serait en 1340 (Pâques tombe le 16 avril 1340) ce qui est en totale contradiction avec le contenu du compte. Un item raturé du folio indique que Pâques tombe le 28 mars, ce qui est le cas en 1339 (n.s.). Un exemple sur les quinze de l’I.E. 181, fol. 3 v : Sequitur recepta foriscapiorum dicti loci de Alanhano laudatorum per dominum Petrum Raymundi de Oviliano Senescalum terre domini a festo natali domini anni M nativitatis Domini MCCCXL usque ad festum sancti Johnis Baptiste. Une exception associe les deux styles en faisant une erreur pour le mois de mai qui est déjà en 1340 pour le style pascal : fol. 12 r, Sequitur recepta pecunie bladorum venditorum a die prima mensis madii anni Domini MCCCXLXXXIX usque ad festum natale Domini anni nativitatis Domini MCCCXL et deinde usque ad festum sancti Johanis Baptiste et idem de frumento.
La seule mention du style du compte de Sigean (Coll. 152, fol. 17 à 49) indique qu’il s’agit de la Nativité. Fol. 49r, Anno natalis Domini MCCCXLVII et die XVIII januarii facto computo finali... mais aussi fol. 29 r : Anno quo supra fuit expensum... a die prima mensis julii anni XLsexti usque ad diem primam mensis januarii anni XLVII in quo spatio fuit VI menses...
Le même type de changement est fortement probable dans le journal des dépenses ordinaires de la maison archiépiscopale, Coll. 146, fol. 1 à 52, dans le second exercice de Raymond Capioni pour Canet-d’Aude du 10 janvier au 20 mai, et dans le compte de Gaubert Jordani pour Montels (I.E. 249, fol. 1 à 64).

16 Le personnel ecclésiastique n’est mentionné ici que dans la mesure où il prend part à cette gestion.

17 Pour l’achat du château de Durfort, seul le titre de seigneur est donné.

18 I.E. 106A, I.E. 172, les doublons Coll. 146, fol. 72-184 et I.E. 181.

19 La prise en charge du neveu Amanieu de Budos dans la rubrique des familiers s’interrompt du 6 au 21 avril 1339 lorsque son oncle Bernard de Fargues est à Alaigne (I.E. 106A ; fol. 35 r). Guillaume Boursier pratiquait déjà ainsi l’année précédente pour Hélias, l’écuyer de Congia, sœur de Bernard de Fargues : il est inclus dans la rubrique des « gens de l’archevêque » lorsqu’il suit sa maîtresse à Alaigne sinon il figure dans la rubrique des hôtes (I.E. 106A, fol. 53 v, 72 r, 87 v).

20 Les grands officiers de Narbonne sont des hôtes des baylies. Barthélemy de Piru ne procède pas différemment dans les journaux des dépenses de la maison archiépiscopale en classant les commensaux en « ordinaires » qui font partie de la domus de Narbonne et « extraordinaires » qui ne sont que de passage. Coll. 146, fol. 1-52, et Coll. 152, fol. 136-171.

21 Il y réside du 14 janvier 1338 à juin 1340. Son incontournable présence dans les documents que nous possédons rend peu probable son absence dans ceux qui nous manquent.

22 I.E. 172, fol. 39 r ; fol. 38 v, 44 v à 47 v (cela comprend à la fois les vêtements et les chaussures d’Amanieu et de ses familiers, les ravaudages, les frais de transports des affaires personnelles pour les séjours dont les livres) ; fol. 65 r ; fol. 83 r ; fol. 73 r.

23 Il invite fréquemment des chasseurs qu’il faut nourrir ainsi que les chiens (I.E. 172, fol. 32, 33 r...).

24 En novembre 1337, Guillaume Boursier note que Congia arrive à Alaigne pour un séjour d’une semaine avec 34 personnes dont son écuyer, deux chambrières, un cuisinier, une lavandière, un messager, douze jeunes serviteurs, deux conducteurs de bêtes de somme et onze chevaux. Quelques jours plus tard, l’archidiacre de Fenouillèdes s’installe aussi avec six écuyers, huit serviteurs, un cuisinier, un chapelain, deux conducteurs de bêtes de somme et huit montures. I.E. 106A, fol. 52 r, 58 v, 65 r, 72 r, 87 r.

25 En 1337, G. Boursier engage cinq femmes pour aider à la cuisine, aller chercher l’eau, pétrir le pain, le porter au four et faire la lessive. I.E. 106A, fol. 65 r, 70 v.

26 Guillaume Boursier fait envoyer du pain et du vin à Pieusse, Saint-Polycarpe, Carcassonne, Trèbes, Fabrezan, Narbonne ou Castelnaudary. (I.E. 106A, fol. 58). Le 23 novembre, Congia a emporté des poulets et de la viande salée. Le bayle doit pourvoir à l’ensemble des besoins domestiques pendant le séjour comme le luminaire, le ferrage des montures... En 1337, l’archevêque n’a pas apporté de linge et de vaisselle dans ses bagages. Il faut en acheter. I.E. 106A, fol. 57 v.

27 Le 30 novembre 1334, le fauconnier de Bernard de Fargues apporte des lettres à Canet-d’Aude. Reg. Av.122, fol. 513 v

28 BROUNS, B., Deux palais en un. La maison archiépiscopale de Narbonne en 1347, B.C.A.N., t. 49, 1998-1999, p. 65-82.

29 Coll. 146, fol. 103 r.

30 Fol. 2 v : Item habet etiam banderii sui debent sibi et vicariis, ipso absente, ad domum archiepiscopalem...

31 Dans les comptes, le mot désigne aussi les représentants du chapitre de Saint-Just (Coll. 146, fol. 204 v), du chapitre de Saint-Paul, (fol. 207 v) ou du juge mage de Carcassonne (Coll. 152, fol. 77 v, 98 v).

32 L’I.E. 106A ne mentionne jamais la date précise. « A die qua intravi baiuliam de alahano anni 37 usque ad die 20 julii anni 39 », fol. 60 r. Au folio 2 r, il indique qu’il a pris en charge la baylie quelques mois après le début de la vacance le 1er juin 1337 et la rubrique des pensions précise que le bayle est payé du 1er juin à Noël 1339.

33 I.E. 106A, fol. 2 r, Sequitur pecunia per me Petrum Sacrini clericum levata et recepta de mandato domini nostri narbonensis archiepiscopi in tabula Limosi et primo de debitis antiquis baiulie de Alanhano factis ipse domini Petri de Nucibus olim baiuli de Alanhano diversis per dominum Nicolanum Berengarii quondam thesaurarium eiusdem domini archiepiscopi videlicet de annis 28, 29, 30, 31.
-
Fol. 11 r, Recepte per magistrum P. Sacrini tam de debitis antiquis baiulie de Alanhano factis per dominum Petrum de Nucibus olim baiulum et diversis per dominum Nicholaum Berengarii annis 28 et 29, 30, 31 et 32 quam etiam de carnalagiis et bladis venditis anni 33 et 34, 35 et 36 et redditibus eiusdem baiulie et debitoribus supradictis perticulariter.

34 Dépenses ordinaires, I.E. 249, fol. 80 r à 82 r.

35 L’introduction du compte de 1334 de Canet-d’Aude est la plus détaillée : Anno domini millesimo 334, ego Americus Solas baiulus de Caneto domini Narbonensis archiepiscopi computavi seu reddidi rationem coram venerabiliis et discretis dominis auditoribus compotuum domini predicti videlicet dominus Guillelmo de Podio, camerarius dicti domini, Durando de Geno thesaurario, magistro Guilhardo de Talhio notario domini Johane Lauraci, Petro Laurati, Durando Bandoris et Guillelmo Boneti mercatoribus Narbonne facto computo in domo de Narbona dicti domini Narbonensis archiepiscopi de anno 1333 prout potere videri in aliis compotis per me Aymericus Solas reddit quam debui dicto domino archiepiscopo predicto... Celle du troisième compte de Guillaume Boursier s’en rapproche (Coll. 146, fol. 72 à 184). Anno Domini millesimo CCCXXX nono XVI augusti. Ego Guillelmus Burceri baiulius de Alanhano cum venerabilis viris dominis Archidiacono agathensis, Johanis de Lauracho, Durando Bandonis burgensis Narbone, magistro Gualhardo de Tilhio notario et aliis audientibus compotorum domini nostri archiepiscopi computavi in Narbona de receptis per me in baiulia de Alanhano prout in compotibus anni domini millesimo CCCXXX octani completi et inde a festo nativitatis domini anni Domini MCCCXXXIX usque ad primam diem madii sequentem exclusivo continetur et debi de arresto tunc facto.

36 Il mentionne Aymeric Solas pour la baylie de Canet-d’Aude au milieu des années 1330 qui est déjà mort quand l’enquête est menée (Coll. 148, fol. 114). Pierre de Nucibus est bien sûr l’objet d’un chapitre (ibid., fol. 102 r).

37 Coll. 146, fol. 192, pour la baylie d’Alaigne : « recepi a dicto domino P. de Nucibus per manus quorumdam de Villelonga et de Limoso in diversis solutionibus... » fol. 194 r, par l’ancien bayle de Quillan : « recepi a domino Johanne predicto per manus B. Cabali habitatoris quilhani diversis solutionibus... ». Pour le bayle de Sigean, fol. 187 r : « 9 octobris, dominus B. de Rosa tradidit michi G. Burcerii per manus Arnaldi Lombardi de Cassio Castello... » eadem die, dictus bajulus tradidit michi G. Burcerii per manus Raymundi Cassatoris de Cassio Castello... 18 octobris, dictus bajulus tradidit michi G. Burserii per manus magistri R. Aymerici clavarii de Sejano solvente nomine meo magistro P. de Albia... eadem die, dictus bajulus tradidit michi G. Burserii... Suivent trois items de formulation identique avec des sommes différentes.

38 I.E. 249, Montels, fol. 49-50 ; Coll. 148, Quillan, fol. 215.

39 I.E. 244, fol. 141 v.

40 En 1334, G.B. de Flassiano est charpentier (Reg. Av.122, fol. 507 v et 538) et Raymond Sabaterii s’occupe des fours (fol. 505 v). En 1346, ces fonctions sont respectivement occupées par Paul Teulerii et Maître Paul (I.E. 244, fol. 165 v) ainsi que Bernard de Campis (ibid., fol. 107 v).

41 Image 9.jpgFigurer dans les dépenses de bouche n’est pas synonyme d’égalité de traitement. Les hôtes ou familiers, les employés de l’archevêque ou des béguins et prisonniers hérétiques en attente de jugement sont nourris sans siéger à la même table ni manger les mêmes plats. Il est impossible de tirer de ces informations les menus servis car une grande partie de l’approvisionnement vient directement des réserves en nature et n’y figure pas.

42 Guillaume Boursier rembourse au bayle de Narbonne des dépenses faites par l’archevêque et réglées localement. Inversement début juin 1339, c’est le trésorier qui règle les frais de provision de foin au clavaire parce que le bayle est absent. Fol. 212 v : « 6 die junii, tradidi deodato claverio narbone pro provisione fene facienda eo quod bajulus non erat in narbona per manum domini Johannis Garcie ».

43 Fol. 49 v : 24 februari anno nativitatis 42, dominus Petrus Bedocii cancellarius Limosii asignavit in extenuationem aresti dicti baiuli pro vinis de marcelhana, in 5 florenis 10 lb t, in uno pabalhano 16 s, in 6 scutis singulis pro 50 s 15 lb, in uno duplo 70 s, in uno regali 46 s, in moneta minuta 8 s t.

44 À Narbonne, Salles-d’Aude, Canet-d’Aude, Limoux, Alaigne, Limoux, Sigean, Villerouge-Termenès, Montels et Capestang. Du matériel agricole est aussi inventorié dans l’exploitation du Fleix au sud-est de Narbonne.

45 Ce qui cadre avec la présentation des deux exercices de Raymond Capioni pour Canet-d’Aude, des deux comptes de Barthélemy de Piru en tant que bayle de Narbonne et du premier exercice de Quillan qui n’ont pas non plus de conclusion. La présence d’assignations en fin du second exercice, copiées sur les propres folios du compte et non pas sur des billets volants annexés semble indiquer que le compte est complet.

46 Les chapitres sur les difficiles règlements des arrérages de Pierre de Nucibus perturbent le début du premier compte d’Alaigne. Le compte de Canet-d’Aude est le moins conforme au modèle (Reg. Av.122, fol. 489-551). Les revenus de la « baylie » du Minervois sont distingués de ceux de Canet-d’Aude dans des chapitres séparés. Une rubrique présente aussi les églises de la baylie de Canet-d’Aude ayant concédé « gracieusement » un subside à l’archevêque en 1334.

47 Le compte de Guillaume Rollandi mentionne les recettes en nature restées « à la main » de l’archevêque. Les deux comptes successifs de Barthélemy de Piru pour Narbonne sont plus atypiques par la présence de l’administration financière centrale du diocèse et par la spécificité des revenus sur la ville. Pour 1346, les droits de synode sont intercalés au milieu des droits seigneuriaux et des boutiques figurent parmi les locations des biens fonciers. Ces recettes s’achèvent sur les revenus du sceau de la chancellerie et des versements des bayles de Canet-d’Aude, Sigean et Capestang. Le schéma est le même pour le début de l’année 1347.

48 Il présente d’abord les dépenses en argent et dans un ordre sensiblement différent. Le Minervois reste individualisé. La seconde partie du compte à partir du folio 102 ne comporte que des dépenses en argent.

49 Gasbert Jordani pour Montels présente un compte « bref » en nature (fol. 51 à 54). À Sigean, les chapitres des dépenses en nature individualisent les denrées versées et celles qui ont été consommées.

50 Les deux comptes débutent par des dépenses en nature mais les chapitres sont légèrement différents. Les dépenses en argent, peu conformes à l’ordre du modèle, se succèdent sans que puisse être dégagée une éventuelle structure par grands thèmes. Pour l’exercice du début 1347, certaines absences sont dues au calendrier : pas de vendanges ni de récolte des olives.

51 La remarque a déjà été faite pour les introductions. Les bilans de l’I.E. 106A ne mentionnent que le froment, l’orge, l’avoine, le vin et le porc. Encore faut-il restituer la foliotation correcte pour voir apparaître les catégories. Il faut signaler que l’exercice 1339 de l’I.E. 172 ne mentionne que les dépenses en froment, orge, légumes, et vin, pourtant déclinées en sous-rubriques selon les bénéficiaires.

Notes de fin

1 En l’absence d’introduction au compte, la couverture chronologique donnée est celle donnée par les items.

2 Ce compte est un doublon du compte référencé en Coll. 146, fol. 72 à 185.

3 En l’absence d’éléments complémentaires, aucune explication n’est envisageable.

4 Il est qualifié de temporel.

5 Peut-être de Martin Anares qui lève les usages de Nissan en 1346, I.E. 249, fol 19 v.

6 Il est qualifié de temporel.

7 Les pensions en nature sont cancellées.

8 Fol. 185 v, Item solvi ancillae de Sancto Luppo pro suo salario anni ut supra finientis 25 s et pro camisa ex conventione 2 s 6 d, 1 lb 7 s 6 d.

9 C’est un mélange composé d’un tiers de froment et de deux tiers d’orge. Fol. 119 pour les mentions en froment et fol. 124 pour l’orge.

Table des illustrations

Titre Tabl. 3 - Typologie des sources conservées au Vatican
Légende Note*1Note**2
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/481/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 440k
Titre Tabl. 4 - Code de datation du folio 82 r, collectorie 146
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/481/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 48k
Titre Tabl. 5 - Codage du trésorier Guillaume Boursier
Légende Note*3
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/481/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 52k
Titre Tabl. 6 - Liste des bayles d’après les comptes. Sont indiqués en italique le nom des rédacteurs et leurs recueils
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/481/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 356k
Titre Tabl. 7 - Liste des bayles de localités d’après les comptes
Légende Note*4Note**5Note***6
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/481/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 176k
Titre Tabl. 8 - Relevé comparatif des pensions perçues par les bayles
Légende Note*7
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/481/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 152k
Titre Tabl. 9- -Rémunération des serviteurs de Saint-Loup
Légende Note*8Note**9
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/481/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 176k
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/481/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 316k
Titre Les recettes (tabl. 10). Tabl. 10 - Modèle d’énumération des recettes pour les baylies
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/481/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 144k
Titre Les dépenses (tabl. 11). Tabl. 11 - Modèle d’énumération des dépenses pour la gestion des baylies
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/481/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 324k
Titre Tabl. 12 - Modèle d’énumération des bilans pour la gestion des baylies (1334-1341)
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/481/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 372k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search