Rôles, statuts et représentations des femmes
|L’affaire Johana. Epouse battue et devenue folle, réfugiée chez ses parents, Perpignan 1450
Texte intégral
- 1 Voir cette requête en annexe.
1À Perpignan, le 25 juin 1450, Johana Descamps, épouse Vesia, s’enfuit du domicile de sa belle-famille où elle vivait depuis six ans avec son époux Berenguer. Elle y abandonne ses deux fillettes, Constança et Johana. Battue par son mari avec la complicité de son beau-père, Johana revient chez ses parents. Son père, Symeon Descamps, est un notaire influent de la ville. La famille de Johana forme bloc autour d’elle. Symeon et Justa, ses parents, la recueillent, font reconnaître la démence de Johana, rendue folle par les mauvais traitements qu’elle a subis. Ils engagent une procédure contre la famille Vesia pour récupérer une partie de sa dot1. Grâce à l’acharnement des Descamps et à leur connaissance du droit, cette affaire est sortie de l’obscurité de l’intime, a laissé des traces qui nous permettent de reconstituer le conflit où s’opposèrent deux familles entières, puisque la propre sœur de Johana avait, le même jour qu’elle, épousé Francesc Vesia, le frère de Berenguer, époux tortionnaire de Johana.
2Nous présenterons la riche documentation conservée autour de cette affaire et les principaux aspects de l’affrontement entre les deux clans familiaux (I), puis nous analyserons les choix effectués par les Descamps en matière de procédure judiciaire (II), et nous ouvrirons enfin quelques pistes d’interprétation psychologique, sociale et genrée de cette affaire (III).
I. Les sources multiples de connaissance de l’affaire
3Le corpus documentaire sur cette affaire est exceptionnellement riche et varié, il nous permet de reconstituer la chronologie et la nature des faits. Les actes qui se rapportent à cette affaire sont de trois types : les documents les plus nombreux sont des actes de la pratique judiciaire copiés par des notaires sur leurs manuels ou sur leurs registres de notules ; parmi les actes inscrits par la justice royale il n’a été retrouvé que l’enregistrement de la requête des parents Descamps ; enfin subsiste une source plus rare, un ouvrage généalogique écrit par un descendant de la famille Descamps, à la fin du XVIe siècle. Tous ces documents sont conservés aux Archives départementales des Pyrénées‑Orientales, parmi les registres notariaux (3E), les registres de la procuration royale (1B), mais surtout dans un fonds de famille constitué au XIXe siècle par les archivistes en extrayant des actes des fonds notariaux (1E 312 et 1E 313), dans le fonds sur la famille Descamps constitué par l’érudit Albert Salsas (7J 8, 7J 86 et 7J 114) et dans les actes de la famille Descamps conservés par leurs descendants, alliés aux Tord puis à travers ceux-ci aux Oms, et que l’on retrouve donc dans le très riche fonds d’Oms (série 3J, 3J 451 et 3J 452).
- 2 Arch. Dép. des Pyrénées-Orientales, 1E 312. Ce Memorial a été reconnu par l’érudit roussillonnais A (...)
- 3 1E 313, et transcription par A. Salsas, 7J 114, cité sous le nom de Memories.
4Une vision d’ensemble de l’histoire de cette famille nous est offerte par une source exceptionnelle rédigée en 1594 par Joan Francès Descamps, docteur en droit, sacristain majeur d’Elne. Il y fait la généalogie de son frère Francès Vidal Descamps, docteur du Conseil royal de Catalogne, sous le titre Memorial de la genealogia del illustre senyor Frances Vidal Descamps2... On peut ajouter à cette source une série de notes préparatoires à cette rédaction, sous forme de fiches individuelles conservées sous le titre Memories per la genealogia dels Descamps3. Elles sont de la même main et donc du même auteur.
5Afin de permettre au lecteur de replacer chacun de ces actes dans la succession des événements, nous avons établi une chronologie des faits en relation avec les documents connus ou supposés qui ont été (ou durent être) produits lors de ces événements. Nous préciserons si ces actes sont conservés et, dans le cas contraire, comment ils nous sont connus.
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19 janvier 1444 : Antònia et Johana, sœurs, filles de Symeon Descamps, épousent le même jour deux frères, Francesc et Berenguer Vesia, fils d’Antoni Vesia. Des contrats de mariage sont établis devant Antoni Mestre, notaire de Perpignan.
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Après le mariage, nous avons trace du paiement de la dot de Johana par une quittance établie par son beau-père, Antoni Vesia, devant un notaire inconnu, mentionnée par la requête du 4 mai 1457.
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25 juin 1450 : Johana s’enfuit de la maison de son beau-père, où elle vivait depuis son mariage avec son mari. L’événement et la date sont rapportés dans la requête du 4 mai 1457.
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- 5 1E 313, dossier du fonds des familles, titré « famille Descamps » constitué au XIXe siècle par réun (...)
11 juin 1451 : Symeon et Justa Descamps, ses parents, et Johana elle-même dictent leurs testaments au notaire Çatorra, le même jour, en même temps. Le notaire en prend copie à la suite les uns des autres sur un cahier dont nous avons conservé l’original5. Premiers signes documentaires de la rupture avec les Vesia.
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- 6 3E 1/1472, notaire Çatorra, acte no 14.
24 août 1451 : Testament d’Antònia, épouse de Francesc Vesia, devant le même notaire, qui témoigne du même état d’esprit envers les Vesia6.
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Entre juin 1450 et mars 1456 : Information sur la cruauté (cevicia) des Vesia reçue par Joan Llobet, juge de la cour du batlle, sur mandat de la reine présente à Perpignan. L’acte est perdu, mais mentionné dans la requête du 4 mai 1457.
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- 7 1E 313.
12 février 1456 : Ultime testament de Symeon Descamps, qui informe du décès de sa fille Antònia entre 1451 et 1456 et qui prend des mesures strictes contre les risques de captation de son héritage par les Vesia. L’original est conservé7.
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3 mars 1456 : Rapport des médecins sur la folie de Johana, reçu par Andreu Martí, juge de la cour du batlle de Perpignan. L’acte est perdu mais mentionné dans la requête du 4 mai 1457.
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Mars 1456 : Jugement du conseil de l’audience du gouverneur du Roussillon ordonnant aux Vesia de payer 12 livres par an pour les besoins de Johana. L’acte est perdu mais mentionné dans la requête du 4 mai 1457.
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4 mai 1457 : Symeon et Justa Descamps, les parents de Johana, enregistrent chez le notaire Francesc Glassat une requête afin que le père de Johana soit nommé curateur de sa personne et de ses biens et pouvoir ainsi faire acheter par les Vesia sur la table publique de Perpignan une rente (censal) au nom de Johana pour pourvoir à l’entretien de Johana, conformément au jugement de la cour royale, ce à quoi les Vesia se sont jusque-là refusés obstinément. C’est le document clef, qui nous informe sur les circonstances de la fuite de Johana, sur les mauvais traitements, sur l’enquête faite par les médecins à propos de sa folie.
- 8 3E 1/4271. Ce registre est attribué à Thomas Ferriol, mais cet acte est clairement rédigé et écrit (...)
- 9 1 B 282, fo 18 ro - 20 vo.
6Ce document est conservé en deux exemplaires : sa rédaction par le notaire Francesc Glassat, dans son manuel de 14548 et sa copie lors de l’enregistrement de la requête par la cour royale, sur le registre de la procuration9. Les deux documents sont identiques dans leur contenu, mais sensiblement différents dans leur forme. Ces différences montrent que le texte de la requête a été élaboré en présence de F. Glassat, et reçu et copié par la cour du batlle de Perpignan.
7Après avoir pris connaissance de cette requête et du rapport des médecins attestant de la démence de Johana, le juge décida de se déplacer en personne pour vérifier si cette situation de démence continuait. Le document décrit ensuite comment, s’adressant à elle par paroles et par gestes, il la considéra comme dépourvue de toute capacité d’entendement. Par conséquent, il nomma comme son curateur Symeon, son père.
- 10 1E 312 et 1E 313.
- 11 Malgré l’indication du nom du notaire, Çatorra, dont le manuel et la notule de 1461 ont été conserv (...)
- 12 1E 313.
8On ignore tout des événements survenus après 1457. Le Memorial et les Memories de la famille Descamps10 évoquent le dernier testament de Justa Descamps, rédigé le 11 juin 146111. L’auteur précise qu’à cette date Joan, le fils aîné de Symeon et Justa, était déjà mort et que leur fils Symeon fut institué par elle héritier universel. Ceci semble indiquer que Symeon Descamps père était également décédé à cette date. Le droit de sépulture de Joan, fils de Symeon, fut payé le 21 février 1464 par son oncle Joan, notaire, fils de Pere Descamps et de Margarida12. Le retard du paiement (environ trois ans) et son versement par un collatéral témoignent‑ils des difficultés que rencontre la famille de Symeon Descamps ? Après une courte notice consacrée aux fils Joan et Symeon, l’auteur du Memorial indique que Symeon est mort sans enfants, et peut‑être même célibataire, et qu’ainsi s’est éteinte cette lignée des Descamps.
9En revanche, tant au paragraphe concernant Symeon Descamps, père de Johanna, qu’à ceux de sa mère Justa ou de ses frères Joan et Symeon, ni les Memories ni le Memorial ne font mention des filles de Symeon et Justa mariées aux Vesia, alors qu’Alissenda leur troisième fille, épouse de Matheu Semaler, est bien mentionnée. On peut s’interroger au sujet de ce silence. On doit écarter l’ignorance. En effet J.F. Descamps a eu en mains au moins le dernier testament de Symeon, de 1456, qu’il analyse, à propos des legs aux fils et à Alissenda. Or ce testament mentionne Johanna épouse de Berenguer Vesia et ses filles ainsi que les enfants d’Antònia défunte, épouse de Francesc Vesia... S’agit-il alors d’un oubli délibéré, d’une occultation ? On peut y voir la volonté de cacher un épisode familial, gênant ou infamant, celui de la folie de Johana et de ce qui serait devenu un non-dit - le squelette dans le placard - autour d’une grave crise qui avait dû laisser une forte empreinte dans les esprits des Descamps, même ceux de la branche collatérale. Rappeler l’existence et les souffrances de Johana est donc, pour nous, comme un dernier hommage à sa mémoire et à sa triste vie.
II. L’affaire : de l’extrême violence domestique à l’affrontement entre deux familles ?
- 13 1E 312 et 1E 313.
10Nous avons choisi de reproduire ci‑dessous le très long et beau texte de la requête des parents de Johana. Sa lecture suffit à comprendre la dimension humaine de cette affaire. Au moment de la requête, Symeon et Justa sont mariés depuis 46 ans, leurs noces ayant eu lieu en 141113. Or Symeon avait eu une première épouse, dont il resta assez vite veuf sans enfants. Symeon doit donc alors avoir autour de 65 ans. Les mots employés par ces parents déjà âgés montrent tout leur désarroi, leur tristesse, leur émotion. Traduisons-en quelques phrases :
- 14 Tots els meus agraïments a l’amic Pep Vila de Girona per la lectura d’aquesta paraula, cevicia.
- 15 Le mot utilisé est une fois insensada, à deux reprises estulticia, stupidité, à deux autres demenci (...)
11« Puis, il s’en est suivi qu’en raison de la grande cruauté14 et des coups mortels continuellement administrés à Johana par Berenguer, son mari, avec la permission de son père Antoni Vesia - cruauté attestée par l’information reçue par Joan Lobet alors juge du batlle par ordre de la reine présente à Perpignan - Johana ne voulant pas mourir, le 25 juin 1450 elle s’enfuit de la maison d’Antoni Vesia et du pouvoir de Berenguer son mari, venant, plus morte que vive, à la maison de son père et de sa mère. Johana y est restée et y demeure encore, malade et détruite dans sa personne en raison de ces mauvais traitements. D’autant plus que Johana étant une personne délicate, le temps passant elle est devenue insensée15 et les médecins ont estimé que l’aliénation de Johana lui a été causée par la tristesse et les mauvais traitements qu’elle avait subis. Cette aliénation a été attestée par l’examen des médecins remis à Andreu Martí, juge de la cour du batlle. »
12Un élément essentiel manque à cette sombre description des malheurs de Johana, qui explique que sa tristesse ait continué à s’aggraver après son retour chez ses parents : elle a eu en effet deux enfants avec son mari Berenguer, deux filles, Constança et Johana, et tout indique qu’elles sont restées chez les Vesia.
13Le 19 janvier 1444 deux sœurs, les deux plus jeunes filles du notaire Descamps, avaient épousé les deux fils de l’hortolà Vesia. Est‑ce une mésalliance ? Sans doute pas, nous ne savons rien des Vesia, mais les hortolans de Perpignan sont la tranche supérieure des agriculteurs producteurs des hortalisses, des légumes et primeurs, qui se vendent bien au marché de la ville. Chacune des filles reçoit pour dot 220 livres, qui sont versées à leur beau‑père, il en donne quittance.
14En juin 1450, après six ans et demi de vie commune, Johana s’enfuit chez ses parents. Le premier signe de la rupture entre les deux familles est la rédaction conjointe, le même jour, le 11 juin 1451, soit un an tout juste après la fuite de Johana, des testaments de Johana et de ses parents, copiés à la suite sur les mêmes pages d’un cahier du notaire Bernat Çatorra. Deux mois après, le 24 août, Antònia, l’autre fille Descamps mariée à un Vesia, rédige elle aussi son testament.
15Ces quatre testaments sont, par comparaison avec ceux du même temps, en claire rupture avec l’usage courant. Les époux Descamps choisissent d’être inhumés dans le tombeau des Descamps, celui de Pere Descamps, père de Symeon, à l’église Notre-Dame de La Real et se désignent mutuellement comme héritier universel. Plus surprenant leurs deux filles mariées aux Vesia, Johana et Antònia, ne sont pas placées par Symeon dans l’ordre d’héritage par substitution, en cas de décès de l’héritière universelle, son testament fixe ainsi cet ordre : Justa, à défaut son fils aîné Joan ou ses enfants, à défaut son fils Symeon ou ses enfants, enfin sa fille Alissenda (épouse Semaler) et ses enfants. Symeon lègue à ses trois filles leur dot et en sus trois sous, qui sont le minimum légal obligatoire à Perpignan et permettent de les désintéresser de l’héritage. Justa lègue à Alissenda 50 sous, mais rien aux épouses Vesia en sus de leur dot.
16Le plus atypique est le testament de Johana daté du même jour - on sait qu’elle vivait depuis un an chez ses parents - qui ne cite le nom de son époux, Berenguer Vesia, qu’à seule fin de s’identifier et d’identifier ses filles Constança et Johana. Elle fait élection de sépulture dans le tombeau des Descamps, et non dans celui de sa belle‑famille, elle lègue à chacun de ses frères et sœurs comme à chacun de ses parents 50 livres et chacune de ses filles à titre de légitime et de dot 10 livres. Elle désigne pour ses héritières universelles ses deux filles à parts égales, et à défaut la survivante, la première à mourir ne pouvant disposer de plus de dix livres pour ses legs. Si ses filles venaient à mourir sans enfants, elle veut que ce qui dans leur héritage proviendrait de ses propres biens revienne à ses frères Joan et Symeon. Son exécuteur testamentaire sera son père. En clair, son époux n’apparaît à aucun titre en tant que personne bénéficiaire ou même de confiance dans son testament, et a fortiori sa belle‑famille.
17Ces trois testaments ont pour témoins les frères mineurs du couvent des Franciscains où ces actes pourraient avoir été rédigés.
18Celui de Johana nous apprend le nom des deux filles, Constança et Johana, qu’elle a eues de son mari Berenguer Vesia. En effet, il n’en est fait aucune mention dans la requête de 1457, qui insiste sur les frais d’entretien de Johana qui incombent à ses parents, et qui justifient leur demande de consignation de la dot (ou de la plus grande partie de celle-ci) pour constituer une rente dont elle sera bénéficiaire. Si elle avait emmené ses filles avec elle, cela serait précisé, comme un besoin supplémentaire. La situation de désarroi, de panique de Johana explique qu’elle ait fui seule. N’est-ce pas là aussi une explication de cette « tristesse » qu’évoque la requête de 1457 et qui a, disent ses parents, contribué à sa folie ?
19Le testament d’Antònia, épouse de Francesc Vesia, est tout aussi surprenant. On ne sait rien de sa vie, et a priori rien ne permet de dire qu’elle a quitté le domicile conjugal, cependant son testament est très proche de celui de sa sœur Johana : elle choisit d’être inhumée au tombeau des Descamps et ses exécuteurs testamentaires sont ses parents. Son héritier universel est son fils Joan et ses autres enfants à naître - on sait qu’Antònia a eu postérieurement à ce testament une fille nommée Agnès, peut-être est‑elle enceinte ? - et à défaut ses parents puis ses frères, son fils pouvant disposer de 25 livres pour ses legs s’il meurt avant d’avoir des enfants. Son mari n’est cité qu’à titre d’époux et père de son fils Joan ; Francesc Vesia n’est ni héritier, ni exécuteur testamentaire. Ajoutons que la formule finale de ce testament indique explicitement qu’il a été rédigé au chapitre du couvent des Dominicains de Perpignan et qu’il n’a pour témoins que les frères prêcheurs de ce couvent et le notaire.
20Le dernier témoignage indirect de la rupture des Descamps avec la famille Vesia est l’ultime testament de Symeon, en date du 12 février 1456. Il est encore plus atypique que les testaments précédents. Nous en possédons la rédaction première, comportant ratures, ajouts, compléments et précisions pris par le notaire Çatorra sous la dictée de son collègue Symeon Descamps, qui use de son expertise en matière juridique pour chercher à se protéger. Il commence par la confirmation de son élection de sépulture puis par la désignation de ses exécuteurs testamentaires : son épouse Justa, ses fils Joan et Symeon. Mais le testateur ajoute aussitôt : « de sorte qu’ils appliquent ma volonté suivant la forme par moi transmise par écrit à mon épouse, à qui je donne le devoir de conserver secrètes les dispositions contenues dans cet écrit et de sorte qu’elle les accomplisse, en bonne conscience, et je veux qu’aucun acte écrit ne soit établi pour les versements dont je la charge et qu’elle fera comme je le lui demande ». Il est, à notre connaissance, tout à fait inédit de trouver dans un testament une mention de dispositions secrètes sur des versements à accomplir, et tout aussi exceptionnel d’interdire qu’en soient établies par écrit des quittances.
- 16 Nepos désigne en latin aussi bien le neveu que le petit-fils. Les notaires roussillonnais, dans les (...)
- 17 Ce privilège avait été accordé par le roi Jacques de Majorque le 25 octobre 1280, il fut recopié et (...)
21Il lègue ensuite à ses filles Alissenda, épouse Semaler, et Johana, épouse Vesia, cinq sous. Puis il lègue aussi cinq sous à Joan et Agnès, les enfants de sa fille Antònia, défunte, ses petits‑enfants, nepotis sive nets16, ajoutant : « et je veux contre mes petits-fils jouir du privilège de la ville de Perpignan dont la teneur est la suivante », le notaire s’apprêtait ensuite à inscrire le legs de Symeon à son fils Joan, mais le notaire barre ce début de phrase pour inclure, sur l’insistance de Symeon qui ne veut pas se contenter d’une référence allusive au privilège de la ville mais exige son inscription in extenso dans le testament17 : « Et aussi nous établissons qu’aucun citoyen mâle de Perpignan ne soit contraint, s’il ne le veut, de rien laisser à un fils ou une fille [...] si ce n’est cinq sous. Et que les fils [...] ne puissent rompre le testament ou demander un supplément [...] ». Nous abrégeons le privilège copié en entier dans l’acte, en n’en donnant que la substance.
22Puis le notaire inscrit les legs à ses fils, mais, par la suite, peut‑être à la relecture, il inscrit un signe dans l’intervalle entre la copie du privilège et les legs aux fils, pour indiquer qu’un paragraphe doit s’insérer en ce lieu qui dit : « Et je dispose qu’au cas où, moi vivant, ma fille Johana mourait, d’ores et déjà je lègue à Johana, fille de ma fille Johana, cinq sous en vertu de ce droit, et je ne la fais mon héritière de mes biens que pour ces cinq sous, voulant en cela jouir de ce privilège de la ville ».
23Le testament nous apprend donc que Constança, fille de Johana, est donc décédée entre 1451 et 1456, tout comme Antònia, sœur de Johana. Sa lecture nous fait penser que les enfants de celle-ci, Joan et Agnès, ainsi que Johana, seul enfant survivant de Johana, sont restés dans la famille des Vesia. C’est contre les tentatives de captation de l’héritage des Descamps au nom des petits-enfants que Symeon souhaite se prémunir.
24Durant sept années, les deux filles du notaire Descamps mariées à des fils de l’hortolà Vesia, et d’abord Johana, l’épouse qui craint pour sa vie sous les mauvais traitements de son époux Berenguer, se trouvent au cœur d’un affrontement entre deux familles. Celui-ci prend un tour judiciaire soit, immédiatement, à la fuite de Johana en juin 1450, soit plutôt après 1451, date à laquelle sa sœur Antònia rédige son testament, soit peu avant mars 1456, date à laquelle les médecins experts attestent de sa folie : « Hi han jutjats los metges que la estulticia de la dita Johana li es pervenguda per tristicia e per mals tractaments a ella fets ». Entre ces deux dates, le décès de sa sœur Antònia et de sa fille Constança qui ont suivi les testaments marquant le début de l’action contre les Vesia ont dû favoriser la libération de la parole et faciliter l’action judiciaire qui manifeste une décision de rupture entre les deux familles. Les témoignages de procédures sont copiés pour la plupart dans les archives notariales. Cependant, une des versions de la requête de 1457 enregistrée par la cour de justice royale a été également conservée. La durée inhabituelle antérieure à la réception de cet appel judiciaire, demandant que la curatelle de Johana soit accordée à son père et pourvoyant à l’entretien de la malheureuse, montre que des hésitations, des mesures dilatoires ou des difficultés ont suivi l’acte déclencheur : l’abandon par Johana du domicile conjugal et son accueil dans la maison paternelle. De fait, le double mariage compliquait les choix.
- 18 Au sujet des conflits matrimoniaux à la fin du Moyen Âge, voir Martine Charageat, La délinquance ma (...)
- 19 Requête, 3E 1/4217 - notaire Francesc Glassat, a. 1457, fo 1 vo et 1B 282, fo 18 ro- 20 ro. Latin e (...)
- 20 M. Charageat, « La peur dans les relations conjugales en Aragon (XIIe-XVIe siècles), in Flocel Saba (...)
- 21 Requête 3E 1/4217 - notaire Francesc Glassat, a. 1457, fo 1 ro-vo.
25Si les textes qui insistent sur l’incapacité de Johana à supporter la maltraitance plus longtemps sont convaincants lorsque l’on imagine quelles émotions agitaient cette femme qui rejoignit ses parents en laissant ses filles et combien la tristesse de sa mère et de son père face à cette déplorable situation était légitime, tout porte à croire qu’au-delà du catalyseur inconnu qui la fit brutalement quitter sa maison justement le 25 juin 1450, des mois voire des années de peur et de vie malheureuse avaient nourri son envie d’échapper à l’autorité violente d’un époux soutenu par le père Vesia. Dans un souci d’efficacité, la requête souligne logiquement l’accumulation insupportable des violences puisque les médecins ont affirmé que « per successio de temps es tornada insensada » mais insiste plus vigoureusement et plus précisément sur le motif de la fuite : le danger de mort. Tout cela est classique18 : il convient que les avocats prouvent que la femme n’est pas partie en raison de son caractère révolté ou de toute cause personnelle mais parce qu’après avoir exercé sa patience en supportant les coups et les insultes, elle a risqué mourir : « la dita Johana no volent morir »19. La décision de Johana est légitime si son évaluation de la menace est juste. Si ses craintes étaient fondées, son âme était en danger puisqu’elle était menacée de mort soudaine, compromettant son salut20. Johana, au pouvoir de son beau-père chargé d’alimenter le jeune couple, semble bien avoir subi assez vite après son mariage l’ire de sa belle‑famille à travers divers sévices que reçoit une femme battue : « E apres se es seguit que per la gran cenicia e mortals batiments fets a la dita Johana continuadament per lo dit Berenguer son marit ab permissio del dit Anthoni Vesia son pare »21. Elle a donc bien attendu six ans, durant lesquels elle a eu des enfants, et n’est pas partie sur un coup de tête.
- 22 M. Charageat, « La peur dans les relations conjugales en Aragon (XIIe-XVIe siècles), in Flocel Saba (...)
- 23 Requête 3E 1/4217 - notaire Francesc Glassat, a. 1457, fo 1 vo.
26Ce n’est qu’à ce prix que les faits que veut prouver l’accusation sont acceptables : la femme doit recevoir des coups menaçant sa vie qui peuvent être prouvés. Dans de nombreuses enquêtes, les voisins témoignent d’ailleurs des cris et des pleurs des victimes qu’ils protègent et recueillent parfois22. Mais ici nous ne disposons pas des cahiers d’enquête. L’avocat prend soin de ne pas qualifier Johana de folle ou d’insensée - elle ne crie pas, n’est pas agressive - qualificatifs des meurtriers, mais elle est jugée idiote et présente l’attitude de la stultitia, soit l’abattement et l’incapacité à s’exprimer, conséquence et non cause des faits. C’est désormais une femme « malalta e destruhida de sa persona », « insensada »23.
- 24 Voir à ce sujet C. DenJean et L. Feller, Expertise et valeur des choses. 1- Le besoin d’expertise, (...)
27Notre documentation étant lacunaire, il importerait de savoir exactement quand l’information a été demandée et les motifs de la demande. La requête enregistrée le 4 mai 1457 reprend les faits de manière chronologique. Elle cite deux informations sans les dater : « informacio reebuda per micer Johan Lobet adonchs jutge de batle per manament de la senyora reyna estant en Perpenya » après « informacio per lo honorable micer Andreu Martí jutge de batlle de la dita cort reebuda ». La procédure à suivre consistait en effet en un appel au roi, ici à la reine Marie de Castille, épouse d’Alphonse V le Magnanime, alors sans doute présente à Perpignan. La reine ordonna alors une enquête préalable que conduisit le juge du batlle, responsable de l’ordre public et de la justice. Johan Lobet s’est attaché aux faits de 1450 pour vérifier l’accusation de mauvais traitements. Ces faits établis, « micer Andreu Martí jutge de batlle » a jugé l’état de santé de Johana en mars 1456, soit six ans après. L’enquête est demandée par ses parents pour démence. Visiblement prostrée, Johana dépend entièrement de ses soutiens, soit son père et sa mère. Elle ne peut reprendre une vie d’épouse et de mère, elle ne pourrait être mariée à nouveau. L’information judiciaire exige une expertise qui permet aux médecins de juger de sa maladie. Le terme de jugement pour cette expertise par des techniciens est remarquable24. L’examen par des spécialistes ne suffit pas. C’est le juge en personne qui constate que la victime est frappée d’une incapacité de jugement totale : « non solum pro demente sed adhuc penitus destituta ab omni capacitate intellectus ». Bref, cela prit du temps et fut difficile mais il fut prouvé qu’elle était devenue une « personne à charge » de ses parents. La chronologie et le déroulement de la procédure montrent qu’il était difficile d’initier l’affaire. L’action fut lentement mise en place par les Descamps que la culture notariale et le réseau de relations ont dû aider.
28La requête de 1457 est le premier aboutissement d’une action préalable qui a construit patiemment la demande de restitution de dot et d’alimentation de Johana. Les parents Descamps se sont constitués parties (actores) devant le juge pour des motifs financiers. Ils souhaitent avant tout protéger les biens patrimoniaux et familiaux de la convoitise des Vesia. Ils veulent que le père Vesia respecte les engagements pris lors des négociations en vue du mariage et de la signature des contrats matrimoniaux, qui furent sans doute complexes puisqu’il est fait mention de ses promesses orales. Dans cette affaire, Johana est un pion, au même titre que son mari violent : entre les enfants, des coups sont donnés et reçus ; entre les parents, l’enjeu est la dot et l’alimentation du couple, puis de la victime désormais privée de sens. Il n’est d’ailleurs pas certain que notre récit conduise de l’extrême violence domestique à l’affrontement entre deux familles. Ne faut-il pas plutôt croire que l’enchaînement des faits mena plutôt deux familles d’un processus d’alliance avorté à la pire haine, et que le sort malheureux de Johana ne fut en quelque sorte qu’un dommage non pas collatéral mais à la fois accidentel et central d’un état procédural et social néfaste aux épouses ?
III. La dot au cœur de la procédure : violence et stratégie judiciaire comme expressions de déséquilibres sociaux
29Nous voilà bien loin de la malheureuse chronique de la violence envers une femme, voire envers les femmes. L’empathie et la pitié que nous ne manquons pas d’éprouver en lisant ces procès d’une actualité révoltante mais quotidienne sont certes des sentiments bien naturels. Ils n’épuisent cependant pas la question et, s’ils peuvent certainement aider l’historien et le lecteur à se représenter les faits et la situation, ils ne constituent pas une analyse historique efficiente. Il nous faut donc examiner les choix stratégiques des deux parties et comprendre les fondements familiaux et sociaux de cette violence. Pour cela, l’histoire sociale et les analyses de genre nous aideront.
30Ces gens‑là avaient décidé de s’allier. Le 19 janvier 1444, les Descamps et les Vesia n’avaient pas célébré un mariage mais deux unions parallèles, deux sœurs épousant deux frères. La symétrie ne semble pas totale. Alors qu’Antònia et Francesc ne font pas parler d’eux et semblent vivre de manière indépendante, Johana et Berenguer subissent une situation financière un peu embrouillée et somme toute aliénante. Seraient-ils plus jeunes, moins aptes à la vie maritale ? Johana est une demoiselle. Elle a reçu une dot dont il n’y aurait pas lieu de se plaindre :
31« Symeon e Justa sa muller, et en favor del dit matremoni los dits Symeon e Justa an promeses donar he han donat a la dita Johana lur filla CCas e vint lliures ».
- 25 Voir par exemple dans des milieux comparables le tableau des conventions matrimoniales à Aix au XVe(...)
32En l’absence du contrat de mariage, on saisit mal pourquoi la garantie réciproque n’est pas bien solide. De quoi vit Berenguer ? Il semble dépendre en grande partie de son père. Ce dernier n’a pas proposé un capital défini ici pour que le couple s’installe « E lo dit Anthoni Vesia axi com appar per [la] carta dels capitols seguits per raho del dit matrimoni ha donades al dit Berenguer son fill en favor de son matremoni certes quantitats en lo dit capitol contengudes ». Il aurait plutôt investi dans ce mariage à crédit, en quelque sorte, en promettant les alimenta : « E mes avant lo dit Anthoni Vesia ab los dits capitols ha promes del seu propri provehir e alimentar lo dit Berenguer son fill e la dita Johana sa muler de totes coses a ells necessaries ». Au fond, tout cela n’est pas nécessairement de mauvais augure, ces arrangements sont courants et vont avec la patrilocalisation du couple Berenguer et Johana25.
33On comprend que les Descamps accordèrent la main de leurs filles et que ce mariage signifia une translation dans la famille du mari, laissant le champ libre aux autres héritiers des Descamps, deux garçons et une fille. Les donzelles sont filles de notaire, cela peut flatter une famille d’hortolà, pas nécessairement modeste mais de métier et de milieu moins prestigieux. Pourquoi ces unions parallèles ? Cette solution n’est pas rare lorsque les familles veulent resserrer les liens entre elles. Il faudrait donc croire à la proximité des Descamps et des Vesia, à des stratégies d’alliance à long terme, à des intérêts fonciers... Bien que la recherche s’appuie sur un riche dossier, ces suppositions resteront pour l’instant en l’état. Un détail attire notre attention : Johana était une personne « delicada ». Aurait-elle été « la petite fille de son papa » pour son époux ? Une demoiselle de notaire dans un foyer de maraîcher, passée des mains tachées d’encre à celles qui touchent la terre ? Une enfant de santé fragile ? L’était-elle plus que sa sœur ? Antònia a mieux supporté son sort ou bien son couple a-t-il mieux supporté une situation où le pater familias Vesia est omnipotent et très présent, seul, sans épouse ? On s’étonne cependant de son testament où Antònia obéit à ses parents plutôt qu’elle ne défend les intérêts de son époux et donc de son foyer. Une des clés du conflit est d’ailleurs peut‑être là : la stricte discipline de la famille de notaire ne s’accorde pas avec les nécessités de la famille de maraîcher. Quoi qu’il en soit, si Johana a survécu, folle, Antònia est pour sa part décédée assez vite. La mortalité féminine peut être notée.
- 26 M. Charageat, La délinquance matrimoniale. Couples et justice en Aragon au Moyen Âge, Paris, Public (...)
34Une promesse reste étrange, Antoni Vesia a promis de « restituir ab obligacio de sos bens lo dot de la dita Johana tota veguada que fora loch a restitucio ». La clause était-elle inscrite également dans les chapitres matrimoniaux d’Antònia ? Était-elle spécifique à l’union de Johana ? Ne serait-ce pas cela le nœud du conflit ? Quels sont les divers cas de restitution précisément prévus ? La dot est rendue généralement en cas de rupture du mariage et d’absence de descendance. Les testaments des Descamps citent d’ailleurs cette clause fort à propos. Or, le couple Johana et Berenguer a des enfants. Le motif de restitution est ici l’incapacité de Johana, désormais à la charge de son père. Le « tota veguada » stipulé dans le contrat est tout de même intrigant. Ce type de clause est une sorte d’épée de Damoclès qui pèse sur la tête des deux jeunes épouses entrées dans une famille qui ne semble pas considérer la dot de l’épouse comme restant propriété de la famille d’origine mais plutôt comme un bien que l’on peut non seulement gérer mais intégrer dans le patrimoine Vesia. Comme dans les cas où la dot n’a pas été payée, ou pas intégralement, les promesses non tenues conduisent à des conflits. Les Descamps ont pu produire une quittance prouvant le paiement de la dot de Johana à Vesia. C’est donc une cause moins courante qui oppose les pères de famille. Dans le cas présent, la construction de l’accusation des Descamps laisse à penser que dès le début le conflit a bien porté sur l’argent. Certes, il ne faut pas être dupe. Les époux Descamps, comme bien des femmes maltraitées qui attaquent leur époux26, ne peuvent prétendre qu’à une chose, limitant les pertes : la restitution de la dot. Leur avocat est donc conduit à construire la requête en ce sens. Les Descamps ont été patients et ont d’abord agi devant notaire, se protégeant par des testaments. Étaient-ils gênés dans leur action par la fuite de Johana du domicile conjugal ? Ils ne semblent pas avoir envisagé de la ramener à son époux en lui conseillant la patience - peut‑être l’avaient-ils fait durant les années précédentes - mais désormais, la situation devenait visiblement trop menaçante et la décision de rupture était prise. Que pourraient-ils exiger de plus qu’un règlement financier ? La séparation de Johana ? Elle était de fait. Qui pourrait avoir envie de s’embarrasser de Johana désormais ? Pourrait-on trouver une procédure devant l’officialité ? Le notaire Descamps préféra logiquement la justice civile qui faisait alors de plus en plus concurrence à la justice ecclésiastique sur les causes maritales. Les deux voies ont peut-être été tentées. Berenguer pouvait-il songer à se remarier ? Mais comment faire annuler un mariage pour imbécillité de l’épouse ? Quels que soient nos doutes sur certains points, l’enchaînement logique de la demande montre que la maltraitance a suivi la promesse financière. Ce « E apres » de la narration judiciaire est certes un trait fugace, mais il est significatif.
35Peut‑on oser un scénario plausible ? Les Descamps et les Vesia ont souhaité s’allier. Soit parce que deux mariages renforçaient le lien, soit parce que les Descamps ont placé Johana, plus difficile à marier, et un mariage parallèle a été décidé.
- 27 M. Charageat, « La peur dans les relations conjugales en Aragon (XIIe-XVIe siècles), Flocel Sabaté (...)
36Cependant, au-delà des clauses matrimoniales classiques inscrites dans les chapitres matrimoniaux, des promesses antérieures pouvaient agacer Vesia et la situation laissait planer des possibilités menaçantes pour l’héritage des Descamps. Il y avait un flou qui devait être levé par des dispositions testamentaires exclusives qui furent la première action des Descamps, qui souhaitaient que la branche Vesia (leurs petits-enfants), ne puisse prétendre à leur succession. Peut-être Vesia avait-il rapidement pris la donzelle Johana comme une arme pour obtenir plus des Descamps. L’exemple est connu, des époux maltraitent pour obtenir de l’argent de la belle‑famille27. Ici nous manque tout le contexte oral, que des témoins de l’enquête auraient pu rapporter.
37Ce qui est certain, c’est que Johana était ou était devenue une charge et la preuve vivante d’un échec de la politique d’alliance matrimoniale. Il est évident que la rupture entre les Descamps et les Vesia était grave et profonde et que les petits-enfants ont été considérés comme des Vesia, à exclure des donations testamentaires. L’argent a séparé ces gens-là au lieu de les unir. Les Vesia n’ont pas obtenu ce qu’ils espéraient. Le jugement rendu par l’audience du gouverneur leur imposait de verser 12 livres par an aux parents de Johana pour son entretien. La résistance résolue que Vesia opposa au paiement se termina par l’obtention de la curatelle de Johana par son père et l’obligation faite aux Vesia de constituer une rente, pour un revenu annuel de 14 à 15 livres environ, afin de pourvoir aux besoins de Johana. Leur réputation n’a pas dû sortir grandie du procès car Berenguer présentait tous les caractères du mauvais époux. Ils ont opposé toute leur résistance et diverses mesures dilatoires, pour ne pas restituer cette dot qu’ils estimaient leur être due. Sans aucun doute, cette union ne leur a pas apporté ce qu’ils croyaient pouvoir obtenir. Ils avaient eu des épouses de bon rang. Ils ont eu des descendants. Il n’était pas question d’en demander plus. Les Descamps y avaient veillé.
38La famille Descamps pâtissait peut-être d’une faiblesse en la personne de Johana ou, plus simplement, en raison du nombre des filles à marier qui pesait sur la fortune à transmettre. C’est une famille qui n’admet pas une alliance non intégratrice dans la famille patrilinéaire, cela jusque dans le choix d’un tombeau. À ce titre, le sort des femmes de la famille Descamps est significatif. Les femmes ne sont pas nécessairement exclues alors qu’elles sont absentes des actes de la famille Vesia. Le testament de la mère montre qu’elle ne disposait pas de beaucoup de biens. Ces familles sont patriarcales. La mère et la troisième fille sont certes traitées différemment des deux épouses Vesia. Ce fait est sans doute non pas postérieur au procès entre les familles, mais antérieur et constitutif de l’opposition entre les deux familles. L’attitude violente des père et fils Vesia manifeste leur vision de l’autorité masculine, au demeurant tout à fait normale dans ce monde. Ils exagèrent cependant car les coups sont disproportionnés ; ils ne sont pas motivés par le souci de corriger une épouse qui a besoin de se soumettre à l’autorité de son mari mais par la convoitise, l’envie d’obtenir plus d’argent grâce à cette épouse bien dotée. Ils tentent ainsi de faire pression sur les Descamps. Ce faisant, ils ne respectent pas les règles de la famille Descamps, où, a-t-on vu, une discipline stricte soumet tous les membres au service d’un héritier privilégié, en l’occurrence un fils. Lorsqu’ils avaient envisagé l’alliance, les Descamps n’avaient pas dû tenir compte de ce facteur, soit qu’ils l’aient mal évalué, soit qu’ils n’aient pas compris cette différence fondamentale - ce qui est étonnant pour un notaire qui devait bénéficier de l’expérience de ces choses‑là - soit parce qu’ils n’avaient pas véritablement le choix pour marier Johana.
39Deux des filles du notaire Descamps, mais surtout Johana l’épouse rendue folle par les violences de son époux, ont donc été plus rigoureusement exclues avec leur progéniture de la transmission du patrimoine Descamps que leur sœur en raison de l’union calamiteuse avec la famille Vesia. Elles sont par contre demeurées sous la coupe de leurs parents, comme le prouvent leurs testaments, leur entourage et le choix de leur sépulture. Elles sont restées des Descamps au service de la famille. Si le caveau familial a recueilli le corps maltraité, si les frères dominicains et franciscains ont soutenu l’âme menacée, la mémoire familiale a rayé cet échec du livre de famille. La mésalliance, la réputation malheureuse et l’abandon de leurs enfants et de leurs noms aux Vesia font de ces deux femmes l’exemple de ces filles sacrifiées à la famille, qui n’ont pas eu la capacité ni la chance d’être intégrées à une autre famille.
40Malgré l’exceptionnelle richesse et diversité du corpus documentaire rassemblé, l’affaire reste en suspens. Les registres notariés ou judiciaires pourraient livrer quelques indices en permettant de reconstituer le réseau relationnel et la fortune de ces deux familles. L’affaire eut d’autres suites : une autre action était en cours, déposée devant le juge de la cour du batlle Jaume de Boxols, sans date, encore sans résultat en mai 1457.
- 28 F. Demoulin Auzary, Les actions relatives à l’état des personnes en droit romano-canonique médiéval (...)
41Des questions restent posées, auxquelles nous pourrions avoir l’espoir de répondre plus tard. Ainsi, que le premier testament manifestant la défiance envers les Vesia soit daté d’un an après la fuite de Johana du domicile conjugal doit avoir une cause juridique que nous n’avons pas encore identifiée28. Par ailleurs, cette affaire permettait de distinguer le domicile de la résidence.
42Visiblement, les Vesia n’avaient cure de récupérer Johana. Ce qui comptait était bien sa dot. Nous avons présumé que les Descamps avaient privilégié la juridiction civile, mais nous n’avons pas de certitude qu’une autre action n’avait pas été intentée. Les causes de la durée des procédures ne sont pas élucidées dans le détail.
- 29 The Consumption of Justice: Emotions, Publicity, and Legal Culture in Marseille, 1264-1423, Ithaca, (...)
43Nous avons toutefois saisi le sens et le contexte de cette affaire dans la société perpignanaise de la fin du Moyen Âge. Ce dossier s’ajoute à bien d’autres affaires pour montrer que des citoyens des villes médiévales ont investi avec force la procédure judiciaire où ils ont utilisé certaines émotions, comme l’a montré Daniel L. Smaïl pour Marseille29. Cet auteur soulignait le rôle du notaire dans le développement des identités urbaines, nous voyons ici un notaire œuvrer pour sa famille, contre un destin contraire, en faisant fi de choix erronés ou malheureux. Dans le cas des Descamps, les jeux de réputation et la violence judiciaire ont pour pendant une violence physique et psychologique endurée par une femme de la part de son époux, de son beau-père mais aussi sans doute, plus subtilement car avec amour, de ses propres parents. Ces derniers l’ont exposée et protégée, ils l’ont certainement contrainte, comme leurs autres enfants, de respecter les règles familiales. Cette affaire de violence à l’encontre d’une femme est certes touchante mais elle met en valeur deux traits valides sur une longue durée. D’une part, si la société considère comme légitime qu’une femme reçoive des coups de son époux - mais pas ceux endurés ici par la victime - nous voyons que la constitution difficile et hésitante d’une cause pour violence conjugale non seulement ne va pas de soi mais que la prise en compte des pressions familiales multiples qui pèsent sur ces filles et épouses soumises n’a pas lieu d’être soulignée devant un juge alors qu’elle est sans doute la cause profonde de la violence. Ce n’est pas exactement ou pas seulement les hommes qui soumettent les femmes par des moyens attristants mais des groupes familiaux constitués de ceux qui sont dans la norme qui éliminent impitoyablement les maillons faibles susceptibles de détruire une réussite familiale. Il est frappant de constater qu’à Perpignan au XVe siècle, les élites ne respectaient pas toutes les mêmes règles, ne voyaient pas la famille de la même façon. Symeon et Justa Descamps étaient tristes mais résolus : Antònia et Johana devaient tenir le rôle qui leur avait été attribué.
Annexes
Cour du batlle de Perpignan, 4 mai 145730
Requête de Symeon et Justa Descamps, parents de Johana, pour contraindre Berenguer et Antoni Vesia, époux et beau‑père de celle-ci, à consigner la dot qu’ils ont reçue des Descamps, afin de leur fournir les moyens de subvenir aux besoins de leur fille contrainte de fuir le domicile conjugal en 1450 en raison des coups de son mari qui mettaient en danger sa vie et dont elle est restée folle. Après expertise des médecins au sujet de cette folie, le juge est allé constater lui‑même sa démence et a nommé Symeon Descamps comme tuteur de sa fille et ordonné la consignation de sa dot.
« Sit omnibus notum quod die quarta mensis madii anno a nativitate Domini millesimo quadringentesimo quinquagesimo septimo, existentes ante presenciam honorabilis domini Petri Asamar legum doctoris judicis curie domini bajuli ville Perpiniani seu regentis judicaturam dicte curie, discretus Symeon Dez Camps notarius dicte ville et domina Justa eius uxor presentarunt eidem honorabili judici seu regenti predicto quandam requisicionem inscripte quam per me Franciscum Glassat notarium publicum dicte ville coram eodem honorabili domino judice legi peterunt et requisiverunt cuius tenor talis est :
Devant la presencia de vos molt honorable micer Pere Asamar doctor en leys, jutge ho regent la judicatura de la cort del batlle de la vila de Perpenya, constituits en Symeon Des Camps notari e la dona na Justa muller sua, dients que matrimoni es stat fet entre en Berenguer Vesia, fill d’en Anthoni Vesia ortola e na Johana adonchs donzella filla dels dits Symeon e Justa sa muller. E en favor del dit matrimoni, los dits Symeon e Justa an promeses donar he han donat a la dita Johana lur filla dos centes e vint lliures. E lo dit Anthoni Vesia axi com appar per la carta dels capitols seguits per raho del dit matrimoni ha donades al dit Berenguer son fill en favor de son matrimoni certes quantitats en lo dit capitol contengudes. E mes anant lo dit Anthoni Vesia ab los dits capitols ha promes del seu propi provehir e alimentar lo dit Berenguer son fill e la dita Johana sa muller de totes coses a ells necessaries e restituir ab obligacio de sos bens lo dot de la dita Johana tota vegada que fora loch a restitucio. E apres se es seguit que per la gran cevicia e mortals batiments fets a la dita Johana continuadament per lo dit Berenguer son marit ab permissio del dit Anthoni Vesia son pare, segons de la cevicia appar per informacio reebuda per micer Johan Lobet adonchs jutge de batlle per manament de la senyora reyna estant en Perpenya. La dita Johana no volent morir a vint e sinch del mes de juny del any mil CCCC sinquanta se va ixir de casa del dit Anthoni Vesia e del poder de dit Berenguer son marit, venint‑sen tant morta com viva en casa dels dits son pare e mare, hon la dita Johana ha estat e sta encara malalta e destruida de sa persona per raho dels dits mals tractaments. Hoc mes anant que, attes que la dita Johana es persona delicada, per successio de temps es tornada incensada e han jutjat los metges que la stulticia de la dita Johana li es pervenguda per tristicia e per mals tractaments a ella fets ; segons de stulticia de la dita Johana e del judici dels dits metges appar per informacio per lo honorable micer Andreu Martí jutge de batlle de la dita cort reebuda. E attes que les dites CCXX lliures dotals de la dita Johana, de primer seguit lo dit matrimoni, son stades pagades al dit Anthoni Vesia axi com appar per apocha per ell al dit Symeon fermada, e per lo consell de la audiencia de mossen lo governador de Rossello sia estat deliberat que la dita Johana sia en casa del dit Symeon, e que per la provesio e necessitats de la dita Johana sien pagades al dit Symeon per cascun any dotze lliures. Empero ladita quantitat per raho de la dita provesio e necessitat de la dita Johana lo dit Anthoni Vesia ne lo dit Berenguer son fill qui tinen lo dot de la dita Johana, al dit Symeon no han volgut ne volen pagar, e fan‑ne rodar e pledejar lo dit Symeon. E com no sia de raho ni de justicia que lo dit Symeon dega haver portats e port los carrechs de la provesio e necessitats de la dita Johana e que lo dit Anthoni Vesia e lo dit Berenguer son fill tinguen son dot. Per tant los dits Symeon e Justa sa muller per raho de les dites coses requeren e supliquen que per vos mossen a la dita Johana axi com a insensada e a sos bens sia provehit de curador, ço es lo dit Symeon axi com a pare seu, qui axi com a curador de la dita Johana sa filla puixa demanar, requerir e suplicar que per jutge competent los dits Anthoni Vesia e lo dit Berenguer son fill e cascun dells e insolit lo dit Anthoni Vesia attes que ha promes restituir lo dit dot sien forsats e compellits e exequtats a deposar les dites doscentes e vint liures que abdos tenen de la dita Johana, ço es lo dit Anthoni Vesia CLXXV lliures e lo dit Berenguer trente e sinch lliures a la taula publica de la dita vila de Perpenya per fer‑ne compte de censal ab carta de gracia a raho de XVI ho XVIII diners per lliura. E que lo dit censal digua a la dita Johana e al dit son curador affi que de les pensions annuals del dit censal ho censals la dita Johana puixa esser provehida e alimentada per llo dit son curador e per la dita sa mare en totes les coses que li seran necessaries. E asso diu lo dit Symeon sens prejudici de la demanda per lo dit Symeon contra los dits Anthoni Vesia e Berenguer son fill per raho de la dita provesio de la dita Johana donada devant micer Jacme de Boxols olim jutge de la cort del dit batlle, protestant lo dit Symeon que la dita demanda puixa prosseguir contre los dits Vesias les coses dessus dites no obstants.
Quaquidem requisicione presentata e per me prenominatum notarium coram dicto honorabili domino judice lecta, idem honorabilis dominus judex dixit quod constito sibi de dicta demencia ipse providebit super predictis an sit locus dicte cure vel ne. Et ibidem dicti Symeon et dicta domina Justa uxor sua fidem facientes de dicta demencia dicte Johanne exhiberunt eidem domino judici quandam informacionem super dictam demenciam receptam per honorabilem Andream Martini decretorum doctorem alterum ex judicibus dicte curie bajuli clausamque et subsignatam per discretum Johanem Moner notarium et scribanum dicte curie, die tercia marcii anno a nativitate Domini millesimo quadringentesimo sexto et exhibita dicta informacione dicto domino judici et per ipsum lecta mostratur per ipsam informacionem demencia dicte Johanne. Et nichilominus, volens dictus honorabilis judex reali experience probare an dicta demencia in persona dicte Johanne continuaretur, accessit ad eam videndam, examinandam prout in hiis necessarium est, qua visa, attenta eius demostracione verbis, gestu et modis et aliis consideratis habuit eam per demente e non solum per demente sed adhuc penitus destituta ab omni capacitate intellectus. Quapropter dictus honorabilis judex, attentis predictis, providit de curatore de et pro predictis et de omnibus dependentibus et emergentibus ex eisdem tam de persona quam de bonis dicte Johanne, preffatum Symeonem Dez Camps patrem suum presentem, providendo eciam quod dictus Symeon ut curator prestet securitatem sequentem. Promisit ideo dictus Symeon dicto domino judici et juravit in posse mei prenominati notarii tanquam publice persone, nomine omnium illorum quorum interest vel intererit aut interesse potest ac poterit legitime stipulantis et recipientis quod ipse bene et legaliter se habebit in dicta sua cura utilia dicte Johanne et bonorum suorum procurando et in utilia evitando aliaque faciet atque teneatur ut curator predictus pro quibus omnibus et singulis sicut attendendis, tenendis, servandis et complendis ac firmis habendis, ut dicta sunt, obligavit omni bona sua ubique presencia et futura. Et statim dictus curator inventariando dixit quod dicta Johanna non habet aliqua bona nisi solummodo dotem suam quam tenent dicti Anthonius et Berengarius filius suus ulterius. Ibidem dictus Symeon ut curator predictus constituit suos actores de et pro predictis, videlicet Symeonem Dez Camps presentem, Bernardum Ausell, Jacobum Serra scriptores et Jacobum Semaler mercatorem licet absentes tanquam presentes et quilibet eorum, itaque primitus occupantis condicio melior non existat sed quiquid per unum eorum inceptum fuerit per alium vel alios prossequi valeat et finiri et ad effectum perduci, dando idem curator suis actoribus et cuilibet eorum illam et eandem potestatem qualem et quantam in et supra predictis ipse habet et habere potest, hocque fecit et promisit dictus curator periculo rerum suarum. Et ibidem dictus honorabilis dominus judex dicte cure et eciam dicte actorie tanquam ut dixit actibus legitimis causa prius cognita et discusa per eum auctoritatem suam judiciariam interposuit pariter et decretum.
Quod fuit actum Perpiniani die et anno in principio huiusdem instrumenti contentis. Et ad hec fuerunt testes Felix Coll textor, Johannes Guill exeterius dicte ville Perpiniani. Et ego Franciscus Glassat notarius publicus dicte ville qui hec recepi requisitus. »
Notes
1 Voir cette requête en annexe.
2 Arch. Dép. des Pyrénées-Orientales, 1E 312. Ce Memorial a été reconnu par l’érudit roussillonnais Albert Salsas (1864-1940) comme la plus ancienne généalogie en catalan du Roussillon. Il avait prévu de la compléter et de la publier. Dans ce but il en a pris une copie intégrale conservée aux Archives Départementales des Pyrénées-Orientales sous la cote 7J 114 (fonds Salsas). Cité plus loin comme le Memorial (toutes les références ci-après sont tirées de ce fonds d’archives).
3 1E 313, et transcription par A. Salsas, 7J 114, cité sous le nom de Memories.
4 Aucun registre d’un notaire nommé Antoni Magister ou Mestre n’est conservé aux Archives départementales des Pyrénées-Orientales.
5 1E 313, dossier du fonds des familles, titré « famille Descamps » constitué au XIXe siècle par réunion d’actes prélevés dans les fonds notariaux.
6 3E 1/1472, notaire Çatorra, acte no 14.
7 1E 313.
8 3E 1/4271. Ce registre est attribué à Thomas Ferriol, mais cet acte est clairement rédigé et écrit par Francesc Glassat, comme tous ceux du registre.
9 1 B 282, fo 18 ro - 20 vo.
10 1E 312 et 1E 313.
11 Malgré l’indication du nom du notaire, Çatorra, dont le manuel et la notule de 1461 ont été conservés, nous n’avons pu retrouver ce testament.
12 1E 313.
13 1E 312 et 1E 313.
14 Tots els meus agraïments a l’amic Pep Vila de Girona per la lectura d’aquesta paraula, cevicia.
15 Le mot utilisé est une fois insensada, à deux reprises estulticia, stupidité, à deux autres demencia.
16 Nepos désigne en latin aussi bien le neveu que le petit-fils. Les notaires roussillonnais, dans les actes, précisent toujours le sens du mot en lui donnant son équivalent catalan : nepos sive net pour le petit-fils (net) ou nepos sive nebot pour le neveu (nebot).
17 Ce privilège avait été accordé par le roi Jacques de Majorque le 25 octobre 1280, il fut recopié et traduit en catalan dans le Llibre verd major de la ville, acte no 52. Voir Vicent Garcia Edo (dir.), El llibre Verd Major de Perpinyà (segle XII- 1395), Fundació Noguera, 2010, p. 267 sqq., en particulier p. 278.
18 Au sujet des conflits matrimoniaux à la fin du Moyen Âge, voir Martine Charageat, La délinquance matrimoniale. Couples et justice en Aragon au Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 2011, particulièrement p. 218-226.
19 Requête, 3E 1/4217 - notaire Francesc Glassat, a. 1457, fo 1 vo et 1B 282, fo 18 ro- 20 ro. Latin et catalan.
20 M. Charageat, « La peur dans les relations conjugales en Aragon (XIIe-XVIe siècles), in Flocel Sabaté (dir.), Por política, terror social, Lérida, 2013, p. 285-301, particulièrement p. 297, insiste sur la distinction à faire entre les émotions véritablement éprouvées et l’argumentation efficiente devant le juge.
21 Requête 3E 1/4217 - notaire Francesc Glassat, a. 1457, fo 1 ro-vo.
22 M. Charageat, « La peur dans les relations conjugales en Aragon (XIIe-XVIe siècles), in Flocel Sabaté (dir.)., op. cit. p. 289, 291 et 298.
23 Requête 3E 1/4217 - notaire Francesc Glassat, a. 1457, fo 1 vo.
24 Voir à ce sujet C. DenJean et L. Feller, Expertise et valeur des choses. 1- Le besoin d’expertise, Madrid, Casa de Velázquez, 2014.
25 Voir par exemple dans des milieux comparables le tableau des conventions matrimoniales à Aix au XVe siècle et les 16 cas d’alimenta. d. Iancu-agou, Juifs et néophytes en Provence (1469-1525), Paris-Louvain, Peeters, 2001, p. 15 et 367.
26 M. Charageat, La délinquance matrimoniale. Couples et justice en Aragon au Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 2011.
27 M. Charageat, « La peur dans les relations conjugales en Aragon (XIIe-XVIe siècles), Flocel Sabaté (dir.), op. cit., p. 290-191.
28 F. Demoulin Auzary, Les actions relatives à l’état des personnes en droit romano-canonique médiéval (XIIe-XVe siècle), thèse, Histoire du droit, 2001, Paris 11, LGDJ, 2004, Bibliothèque de droit privé, no 387 ; A. Lefebvre-Teillard, Introduction historique au droit des personnes et de la famille, PUF, 1996.
29 The Consumption of Justice: Emotions, Publicity, and Legal Culture in Marseille, 1264-1423, Ithaca, Cornell University Press, 2003.
30 1B 282, fo 18 ro - 20 ro. Latin et catalan.
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