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La présence militaire dans les campagnes aux époques hellénistique et romaine

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Michel Roux

Les communautés rurales et la prédation logistique des armées romaines en campagne en temps de guerre civile (49-30 a. C.)

François Porte

Texte intégral

  • 1 Sur ce système, ses caractéristiques et ses développements, voir les très utiles synthèses de P. Er (...)
  • 2 Y. Le Bohec, La guerre romaine (58 avant J.-C.-235 après J.-C.), Paris, 2014, p. 172.

1Les communautés rurales sont sollicitées pour ravitailler les armées en campagne en déplacement sur leur territoire. Certes, une partie de cet approvisionnement est pris en charge depuis l’arrière et les autorités romaines veillent à fournir une partie des ressources nécessaires aux troupe sur le terrain. Alimenté par des prélèvements fiscaux effectués dans les provinces, notamment auprès des prouinciae frumentariae, ou par la sollicitation des alliés, ce système logistique1, pour important et efficace qu’il soit, ne peut totalement répondre à l’ensemble des besoins des armées. Les ressources agricoles des territoires traversés sont donc également sollicitées. L’image du légionnaire fauchant les blés, représentée sur la colonne célébrant les campagnes de Trajan contre les Daces, illustre pour la postérité ce caractère prédateur du ravitaillement des légions pour les régions concernées. En pays ami, on paie ; en pays ennemi, on pille. Ainsi résumé par Yann Le Bohec2, le ravitaillement des légions romaines en campagne confronte les communautés rurales à des situations très différentes selon leurs rapports avec Rome. Mais en temps de guerre civile, les limites ne sont plus aussi clairement définies. Au-delà du fardeau économique représenté par la concentration d’armées romaines nombreuses et ennemies, les communautés voisines sont également prises dans un conflit politique où l’incarnation de l’autorité légale et l’usage de ses prérogatives sont disputés par les belligérants. Quelles sont les différentes modalités du ravitaillement des armées romaines en campagne et leur impact ? À travers leurs particularités, que nous apprennent les guerres civiles sur les rapports entre les autorités romaines et les communautés provinciales ?

1. Les modalités du ravitaillement des armées en campagne

1.1 Le ravitaillement sur le terrain

  • 3 P. Erdkamp, op. cit., p. 125; J. Roth, op. cit., p. 130.
  • 4 App. , B.C., II, 10, 68: Καίσαρι δὲ τῆς νυκτὸς ἐκείνης τρία μὲν ἐπὶ σιτολογίαν ἐξῄει τέλη,
  • 5 B.Afr., 11, 3 : ipse cum cohortibus expeditis XXX frumentatum est profectus.
  • 6 César, B.C., I, 40, 3 et III, 37, 5 ; César, B.G., VII, 14, 4 et VIII, 10, 3.

2Le premier impact des armées en campagne sur les communautés rurales est celui du ravitaillement sur le terrain. L’approvisionnement des armées directement à partir des ressources des territoires traversés est une composante importante du système logistique des armées préindustrielles et les armées romaines ne font bien évidemment pas exception. Cette opération est généralement évoquée par nos sources à travers la frumentatio, expédition consistant à tirer les ressources en grain, fourrage ou autres aliments, directement depuis les champs ou les exploitations agricoles. La première caractéristique de ces opérations réside dans les effectifs mobilisés : pour être rentable, une telle opération doit être menée par un nombre d’hommes permettant de réunir des quantités importantes de nourriture, le plus rapidement possible3. À la veille de la bataille de Pharsale, selon Appien, ce sont ainsi trois légions que César fait sortir pour chercher du blé sur un effectif total de huit légions4. Peu après, en Afrique, ce ne sont pas moins de trente cohortes qu’il envoie au blé, soit la moitié de l’effectif légionnaire présent5. Si le ravitaillement en nourriture est plus aisément assuré depuis l’arrière pour les hommes, le fourrage pour les bêtes constitue un besoin vital dont la présence sur le terrain est indispensable. En effet, les quantités nécessaires ou les difficultés de conditionnement rendent difficile un approvisionnement qui s’appuierait sur un soutien arrière mais supposent au contraire un recours systématique aux ressources locales. À plusieurs reprises, César parle en effet de la pabulatio comme faisant partie de la routine quotidienne des armées romaines6.

3Les troupes de cavalerie engagées dans les armées des guerres civiles possèdent des effectifs considérables, comme les 7000 cavaliers qui accompagnent Pompée en 48, ou les 20 000 cavaliers de Brutus et Cassius face aux 13 000 cavaliers d’Octave et Antoine à Philippes, les 20 000 cavaliers qui débarquent avec Octave en Sicile en 36, ou encore les 12 000 cavaliers menés par Antoine à Actium contre les 12 000 autres cavaliers d’Octave. À ces effectifs s’ajoutent les animaux du train accompagnant les légions, le plus souvent des mules. Les quantités de fourrage, sec ou vert, ou de pâturage requises quotidiennement sont considérables et une partie de ce ravitaillement doit nécessairement être trouvée sur le terrain.

  • 7 J. Roth, op. cit., p. 127.
  • 8 P. Garnsey, Famine et approvisionnement dans le monde gréco-romain, réactions aux risques et aux cr (...)
  • 9 T. Gallant, Risk and Survival in Ancient Greece. Reconstructing the Rural Domestic Economy, Stanfor (...)
  • 10 César, B.G., IV, 19, 1 ; VII, 14, 5 ; VII, 17, 3 ; VIII, 10, 3.
  • 11 B.Afr., 9, 1.
  • 12 B.Afr., 65, 1-2 ; Dion Cassius, XLIII, 2, 1-2.

4Lorsqu’il n’est pas possible pour les légions de rassembler du fourrage ou du blé par la moisson, elles réquisitionnent alors celui stocké dans les exploitations agricoles7. En effet, parmi les stratégies de survie développées par les paysans méditerranéens8, le stockage et la conservation des aliments présentent un intérêt certain pour le ravitaillement des armées sur le terrain. Dans toutes les régions méditerranéennes, ces greniers ou silos constituent une cible de choix pour les expéditions de ravitaillement des armées romaines9, d’autant plus que le contexte a très certainement incité les paysans à constituer des réserves importantes. À côté des champs, les exploitations agricoles, les fermes et les villages peuvent par conséquent fournir une part du ravitaillement des troupes. Ainsi, il n’est pas rare de voir les légions s’approvisionner directement depuis les stocks de blé conservés dans les greniers et silos. Les aedificia gaulois sont souvent désignés par César comme des lieux de ravitaillement potentiels pour approvisionner les animaux et les hommes10. Au cours de sa campagne en Afrique, le consul envoie ses troupes chercher du blé directement dans les uillae11 ou dans les exploitations pour récupérer le blé encore stocké dans des silos dissimulés12.

  • 13 F. Malrain et al., Les paysans gaulois (IIIe siècle-52 av. J.C.), Paris, 2002, p. 92.
  • 14 Voir le chapitre consacré à la production agricole en temps de guerre dans P. Erdkamp, op. cit., p. (...)
  • 15 B.Al., 42.
  • 16 App. , B.C., V, 18, 72.

5Avec 800 kg de blé, 680 kg d’orge ou 100 kg de foin par m3, les stocks de quelques fermes pouvaient donc fournir une partie des rations quotidiennes des légionnaires et des animaux, beaucoup plus aisée à réquisitionner13. Les conséquences du passage d’une armée en campagne et des opérations de frumentatio et pabulatio restent importantes pour les communautés rurales des régions concernées14. L’auteur du Bellum Alexandrinum évoque ainsi les conséquences de la guerre en Illyricum, région confecta et uastata15, tandis qu’Appien considère l’agriculture italienne comme ruinée par les guerres civiles16. Au-delà du cliché inhérent aux malheurs de la guerre, quel impact a la présence d’armées en campagne sur les communautés rurales ?

1.2 Quel impact ?

  • 17 P. Erdkamp, op. cit., p. 134-135; J. Roth, op. cit., p. 139.

6Ces prélèvements indispensables ont un impact certain mais difficilement quantifiable sur les communautés rurales. Récemment, Paul Erdkamp et Jonathan Roth ont proposé des estimations sur les ressources nécessaires pour ravitailler des armées de 30 000 à 40 000 hommes, soit des régions de 50 à 170 km² pour le premier ou des densités de 18 à 35 habitants par km² pour le second17. Ce ne sont bien sûr que des modèles théoriques difficilement transposables aux différentes provinces romaines, en raison de la pauvreté de nos sources et du manque de fiabilité des chiffres avancés. Si nous manquons d’indications précises et quantifiables pour estimer l’impact réel de la présence d’armées en campagne sur les ressources des communautés rurales, les sources littéraires offrent néanmoins quelques indices à travers les difficultés de ravitaillement parfois évoquées.

  • 18 César, B.C., I, 48, 5 ; Dion Cassius, XLI, 21, 1.
  • 19 César, B.C., I, 48, 5.
  • 20 César, B.C., III, 42, 5 et 47, 4.
  • 21 César, B.C., III, 16, 1.
  • 22 B. Afr., 20, 4.
  • 23 B.Afr., 20, 4.
  • 24 B.Afr., 20, 4 : agros desertos ac uastatos esse ; Dion Cassius, XLIII, 2, 4.

7Au cours de la campagne espagnole autour d’Ilerda en 49, les textes de César et Dion Cassius insistent sur l’importance des prélèvements effectués pour approvisionner les troupes pompéiennes, qui diminuent considérablement les ressources des communautés espagnoles voisines, dont la situation s’aggrave encore quand les troupes césariennes s’emparent des stocks restants18. La nouvelle récolte ne peut pas encore être moissonnée et la saison contraint par conséquent les belligérants à exercer leur pression sur les réserves des villes et villages alentour19. En 48, alors que commence le siège de Dyrrachium, César constate que Pompée a déjà prélevé les quelques ressources disponibles dans les régions voisines20. Son adversaire a en effet saisi l’essentiel des richesses de la région pour les stocker dans sa base et le consul ne peut compter que sur les maigres ressources locales pour approvisionner les huit légions et troupes auxiliaires alors avec lui. César doit réunir les ressources encore disponibles localement, notamment auprès des cités voisines21, mais ce ravitaillement essentiellement basé sur le terrain épuise rapidement les réserves locales, particulièrement lors des saisons peu favorables, comme c’est le cas au début de la campagne de Dyrrachium. Lors de la campagne africaine de César, la saison hivernale ne lui permet pas de récolter son ravitaillement directement dans les champs mais l’oblige à puiser dans les greniers des exploitations agricoles ou des cités. César déplore que, par suite des enrôlements effectués par ses adversaires l’année précédente, la moisson n’a pas été faite, diminuant dramatiquement les stocks disponibles22. De plus, il ne peut que constater que le pays a été vidé de son blé par ses adversaires pour constituer leurs propres réserves23. Le consul est alors confronté à des campagnes décrites comme désertes et dévastées24.

  • 25 Cic., Phil., III, 12, 31, V, 9, 25 et VI, 3, 5 : testificorn denuntio, ante praedico nihil M. Anton (...)
  • 26 App. , B.C., V, 34, 138.
  • 27 App. , B.C., V, 39, 164.
  • 28 Dion Cassius, L, 9, 3.
  • 29 Dion Cassius, L, 14, 4 ; Orose VI, 19, 7.

8Le conflit qui éclate en 43 se déroule essentiellement dans le nord de l’Italie, autour de Mutina, dans une région dense et fertile. Les troupes qui y sont engagées sont présentes dans la Péninsule dès le mois d’octobre 44, bientôt complétées par de nombreux recrutements. Un soutien logistique arrière est difficile à envisager, au moins au début du conflit et il est clair que les ressources locales ont alors été sollicitées, ce que Cicéron déplore avec force exagération dans ses Philippiques25. À la fin de l’année 41, un nouveau conflit armé déchire l’Italie, essentiellement autour de Pérouse où Lucius Antonius est assiégé jusqu’au mois de février 40 par Octave. Malgré la richesse des régions sollicitées, Vmbria, Etruria ou Picenum, il est évident que la demande est difficilement supportable pour les économies locales. La population de Rome même souffre de la mobilisation du grain entreposé au seul usage des armées26. Si les difficultés d’approvisionnement des soldats enfermés autour de Pérouse causent leur défaite et leur reddition27, il n’est pas possible de mesurer les conditions de ravitaillement des autres forces engagées ni la proportion de ressources prélevées localement. Les problèmes évoqués au sujet de la population de Rome, dont l’approvisionnement depuis les provinces était déjà perturbé par les agissements de Sextus Pompée depuis la Sicile, laissent imaginer une pression déjà forte sur les ressources italiennes, que la présence prolongée d’effectifs militaires nombreux n’a pu qu’aggraver. Enfin, l’ultime campagne d’Actium est de chaque côté soigneusement préparée. Depuis la fin de l’année 33 et tout au long de l’année suivante, Octave comme Antoine mobilisent les ressources des provinces et des régions sous leur contrôle pour soutenir les effectifs importants qu’ils réunissent. Mais lorsque les manœuvres d’Agrippa coupent ses communications avec l’Orient, d’où proviennent ses provisions, Antoine doit mobiliser les ressources du Péloponnèse, déjà sollicitées pour approvisionner les troupes hivernant dans la région28. Une fois encore, d’après Dion Cassius et Orose, les problèmes de ravitaillement semblent contribuer à hâter la décision d’Antoine d’engager l’affrontement et précipitent sa fuite29.

9Durant les guerres civiles, les campagnes méditerranéennes sont le théâtre d’opérations d’envergure mettant aux prises des armées aux effectifs nombreux. Les difficultés de ravitaillement évoquées dans nos sources mettent en lumière la pression exercée par la logistique militaire sur les ressources des communautés locales. Les problèmes rencontrés dans le cadre d’un ravitaillement effectué directement sur le terrain ne doivent pas faire oublier les autres modalités de prélèvement qui n’épargnent pas non plus les ressources des différentes régions confrontées aux armées en campagne. Les belligérants n’hésitent pas à s’adresser directement aux autorités locales responsables de la gestion de ces stocks pour approvisionner leurs troupes, s’épargnant ainsi les contraintes liées aux opérations frumentaires. Mais s’agit-il forcément d’une mauvaise affaire pour les communautés concernées ?

1.3 Les achats de nourriture

  • 30 Y. Le Bohec, op. cit., p. 172.
  • 31 P. Erdkamp, op. cit., p. 120-121 ; J. Silva Salgado, op. cit., p. 607-608.
  • 32 César, B.G., VII, 3, 1 : ciuesque romanos, qui negotiandi causa ibi constiterant, in his C. Fufium (...)
  • 33 César, B.G., VII, 55, 5 : itaque interfectis Nouioduni custodibus quique eo negotiandi causa conuen (...)
  • 34 C. Feuvrier-Prévotat, « Negociator et mercator dans le discours cicéronien : essai de définition », (...)
  • 35 Cic., Fam., XIII, 75, 2 ; N. Tran, op. cit., p. 115 ; C. Virlouvet, « L’approvisionnement de Rome e (...)
  • 36 Sal., Jug., 47, 2 : id quod res monebat, frequentiam negotiatorum et commeatu iuuaturam exercitum.

10Les achats de provision constituent un mode d’approvisionnement non négligeable. Comme le résumait Yann Le Bohec : en pays ami, on paie30, ce qui devrait être le cas dans les provinces romaines déchirées par les guerres civiles. De manière indirecte et à grande échelle, ces achats sont d’abord effectués par l’entremise d’intermédiaires, les negotiatores. Selon Paul Erdkamp, le recours à ces marchands, négociants et hommes d’affaires ne représenterait qu’un complément occasionnel dans la logistique romaine mais n’en demeurerait pas moins une réalité à la fin de la République31. Ainsi, la présence de citoyens romaines qui negotiandi causa aux côtés de C. Fufius Cita, alors chargé de l’intendance par César à Cenabum en 52, pourrait être liée à des achats dans le cadre du ravitaillement des légions, même si rien ne permet de l’affirmer32. De même, la présence de négociants romains établis à Nouiodunum, lieu de stockage du ravitaillement de César, est vue par Paul Erdkamp comme un possible indice de leur implication dans l’approvisionnement du réseau logistique33. Ces citoyens, qui negotiandi causa, peuvent donc être des negotiatores, des hommes d’affaires impliqués dans des activités bancaires ou commerciales à grande échelle, établis dans les provinces34. La présence de ces citoyens qui negotiandi causa peut ainsi être liée au commerce de produits agricoles destinés au marché romain dans le cadre de contrats tels ceux évoqués par Cicéron entre des marchands de céréales et l’État35. Quand il évoque la cité de Vaga, lors de la guerre contre Jugurtha, Salluste précise que la présence de negotiatores pourrait faciliter le ravitaillement de l’armée du consul36. Ils pourraient en effet servir d’intermédiaire entre les armées et les circuits économiques locaux, même si leur rôle exact demeure incertain au sein des bases stratégiques.

  • 37 César, B.G., I, 39, 1 : dum paucos dies ad Vesontionem rei frumentariae commeatusque causa moratur, (...)
  • 38 César, B.G., VI, 37, 2 : usque eo ut qui sub uallo tenderent mercatores recipiendi sui facultatem n (...)
  • 39 B.Afr., 75, 3 : lixarum mercatorumque qui plostris merces portabant sarcinis interceptis.
  • 40 Tite-Live, XXXIX, 1, 6-7.
  • 41 P. Erdkamp, op. cit., p. 119 ; K. Verboven, “Good for business. The Roman army and the emergence of (...)
  • 42 Polybe, III, 82, 8 évoque ainsi la foule de gens qui suivent Flaminius en Étrurie contre Hannibal, (...)
  • 43 Sal., Jug., 44, 5 : palantes agros uastare, uillas expugnare, pecoris et mancipiorum praedas certan (...)
  • 44 J. Roth, p. 98 et p. 101.
  • 45 Plut., Caes., 41, 6 : Ὁ δὲ τὴν μὲν ἄλλην πορείαν χαλεπῶς ἤνυσεν, οὐδενὸς παρέχοντος ἀγοράν, ἀλλὰ πά (...)
  • 46 App. , B.C., III, 26, 97 : ἀλλὰ μόνην ἀγορὰν ἔξω τείχους ὡς ὑπάτῳ προυτίθει, si nous suivons la tra (...)

11À une autre échelle, les mercatores jouent un rôle logistique davantage en rapport avec les communautés locales. C’est en effet sous ce vocable que sont évoqués les commerçants qui gravitent régulièrement autour des troupes romaines. Leur présence est ainsi attestée aux côtés de l’exercitus césarien en Gaule, auprès des hommes se ravitaillant à Vesontio37, ou quand leurs tentes sont dressées au pied du uallum38, mais également en Afrique en 46, où ils subissent les assauts de la cavalerie et de l’infanterie légère de Labienus39. Selon Paul Erdkamp, qui s’appuie sur une remarque de Tite-Live au sujet des opérations en Ligurie en 18740, la présence de marchands dans le sillage des armées, comme celle des prostituées, dépend de l’attractivité économique des soldats, celle-ci fluctuant au gré des victoires, des défaites, du butin capturé et des ressources alors à leur disposition41. La première raison de la présence de ces marchands auprès des armées romaines reste en effet la possibilité de débarrasser les soldats d’un butin parfois encombrant, notamment les prisonniers vendus comme esclaves42. Salluste nous apprend que ces mercatores peuvent alors échanger ce butin contre du vin et d’autres denrées43, confirmant ainsi leur rôle complémentaire et informel dans l’approvisionnement des troupes44. Les imperatores cherchent à acheter des provisions directement auprès des autorités locales. Lors de sa retraite depuis Dyrrachium vers la Thessalie, César tente d’acheter des vivres auprès des cités grecques, mais sans succès en raison de la précarité de sa situation, note Plutarque45. En 44, dans une province contrôlée par Trebonius, un gouverneur peu coopératif, Dolabella n’a pas accès directement aux ressources des cités asiatiques mais peut au moins bénéficier d’un marché installé hors des murs, auprès duquel il peut s’approvisionner46.

  • 47 B.Afr., 62, 4 : reliqua classis in salo ad Leptim, egressis remigibus passimque in litore uagantibu (...)
  • 48 César, B.C., I, 52, 1-2 : his tamen omnibus annona creuit ; quae fere res non solum inopia praesent (...)
  • 49 B.Afr., 47, 4 : in Africa autem non modo quicquam non adquisierant aut parauerant, sed etiam propte (...)
  • 50 César, B.C., I, 52, 1.
  • 51 D. Rathbone, “Earnings and Costs: Living Standards and the Roman Economy (First to Third Centuries (...)

12Plus directement encore, les hommes peuvent également aller trouver les marchands dans les villes proches, comme ces rameurs de la flotte césarienne mouillée au large de Leptis, descendus à terre pour aller acheter des provisions dans l’oppidum47. Dans ce cas, la présence de militaires pourrait offrir des débouchés intéressants pour les économies locales. La principale limite de ces achats directs réside dans les fluctuations économiques dont dépendent ces marchés, principalement au niveau local. La croissance soudaine de la demande que font alors peser les troupes sur l’offre entraîne systématiquement une hausse des prix qui rend rapidement ces produits inabordables pour les simples soldats. Lors de la campagne d’Ilerda en 49, César déplore ainsi l’augmentation du prix du blé dans les régions voisines et ses conséquences sur l’alimentation des soldats48, tandis que l’auteur du Bellum Africum note que les légionnaires ont dépensé toutes leurs économies par suite de la cherté des vivres49. Ainsi, le prix rapporté en 49 par César de 50 deniers, ou 200 sesterces, pour un modius50, donne la mesure de ces augmentations pour un tarif habituellement calculé à 4 ou 8 sesterces par modius51.

  • 52 J. Roth, op. cit., p. 141-142.

13Difficile de mesurer le profit réel de ces échanges pour les communautés rurales, sans doute moindre que celui des intermédiaires, negotiatores ou mercatores. Si les campagnes des provinces romaines, intégrées dans les échanges commerciaux à différentes échelles, peuvent ainsi contribuer à l’approvisionnement des troupes de passage, ces achats n’en constituent sans doute pas la principale source. Les difficultés de trésorerie des imperatores, évoquées par nos sources, limitent le recours aux achats. Parallèlement, bien que attestées, les opérations de frumentatio comportent également des limites structurelles et conjoncturelles parfois difficiles à surmonter. L’essentiel du ravitaillement des armées en campagne lors des guerres civiles bénéficie des réquisitions prévues par les autorités romaines et auxquelles sont soumises les populations provinciales. Les communautés rurales doivent en effet répondre aux injonctions des magistrats auxquels le sénat a donné le pouvoir de lever des troupes et d’exiger un soutien matériel de la part des civils52.

2. Les communautés rurales face aux autorités romaines

2.1 Imperatores et ciuitates

  • 53 A. Lintott, Imperium Romanum, Politics and Administration, Londres-New York, 1993, p. 22; J. Richar (...)
  • 54 F. Vervaet, “The Praetorian Proconsuls of the Roman Republic (211-52 BCE). A Constitutional Survey” (...)
  • 55 F. Hurlet, Le proconsul et le prince d’Auguste à Dioclétien, Bordeaux, 2006, p. 131 ; M. Humm, « Hi (...)
  • 56 T. Mommsen, Römisches Staatsrecht, 3/2, Leipzig 1888, p. 1098 ; J. Roth, op. cit., p. 246 ; P. Erdk (...)

14Sous la République romaine, le ravitaillement des troupes mobilisées dépend théoriquement de l’autorité du sénat. Une fois la guerre officiellement déclarée, l’assemblée désigne le théâtre des opérations comme une prouincia53, sous la responsabilité d’un consul, d’un proconsul, d’un préteur ou d’un propréteur54, avant de lui confier l’autorité militaire, l’imperium militiae, pour mener les troupes pendant la durée de son mandat55. Le sénat lui accorde le pouvoir d’acheter ou de réquisitionner les ressources nécessaires, tout en gardant le contrôle sur l’administration de la logistique et les fonds alloués56.

  • 57 N. Barrandon et F. Hurlet, op. cit., p. 56.
  • 58 T. Mommsen, op. cit., p. 1099 ; N. Barrandon et F. Hurlet, op. cit., p. 52-53.
  • 59 Sal., Hist., II, 98M, 2-3 ; Fr. Cadiou, op. cit., p. 486 suggère que ce ne soit là qu’une conséquen (...)

15Si les gouverneurs dans les provinces ont certainement bénéficié d’une importante marge de manœuvre, en particulier dans la prise de décisions militaires sur le terrain57, ils devaient sans doute en bénéficier également dans l’ajustement des besoins nécessaires à l’accomplissement de ces tâches58. Au Ier siècle avant J.-C., les généraux romains font preuve de plus d’autonomie, par contrainte ou par choix, que par le passé. Ainsi, il apparaît que l’approvisionnement des armées romaines est souvent pris en charge directement par les généraux à partir des ressources locales mais aussi depuis l’extérieur, sans sollicitation ni intervention de l’autorité sénatoriale. Cela ne va pas toujours sans créer certaines tensions, comme lors de la guerre contre Sertorius, quand Pompée se plaint du manque de soutien logistique et financier de la part du Sénat59.

  • 60 B. Cabouret-Laurioux, « Vie et institutions des cités de Gaule et d’Hispanie au iie siècle après J. (...)
  • 61 E. Guerber, Les cités grecques dans l’Empire romain. Les privilèges et les titres des cités de l’or (...)
  • 62 A. Lintott, op. cit., p. 38.
  • 63 B. Cabouret-Laurioux, op. cit., p. 170-171; A. Lintott, op. cit., p. 130.

16Face aux détenteurs de l’imperium militiae, les cités constituent l’interlocuteur privilégié auprès duquel solliciter les ressources des communautés rurales. Intégrées au sein de l’empire, les cités restent définies par un statut juridique qui garantit leur autonomie, dans la mesure où les intérêts de Rome sont préservés60. Le premier type de cité, qui reproduit le modèle romain, est celui des colonies, où s’exercent les institutions et le droit romains. Suivant le même modèle, les municipes sont des cités où domine également le droit romain, même si les citoyens peuvent parfois conserver leurs institutions et droit locaux. Les autres cités sont étrangères au droit romain et se gèrent selon leurs propres lois, notamment les cités fédérées, liées à Rome par un traité qui les place théoriquement sur un pied d’égalité61, ou les cités libres, qui bénéficient d’exemptions fiscales62. Enfin, les cités stipendiaires, soumises à un tribut, sont les plus nombreuses63. Si ces différents statuts définissent clairement la position de chaque cité face aux prélèvements ordinaires et à l’autorité légale, représentée notamment par le gouverneur, le contexte des guerres civiles rend plus incertaines les différentes exemptions dont ont pu bénéficier certaines communautés et mettent en lumière la véritable sujétion des cités au pouvoir romain.

2.2 Conflits d’autorité

  • 64 César, B.C., I, 10, 1; F. Vervaet, “The Official Position of Cn. Pompeius in 49 and 48 BCE”, Latomu (...)
  • 65 Voir par exemple les instructions de Pompée dans les lettres à Domitius, Cic., Att., VIII, 12 C et (...)
  • 66 Plut., Caes., 33, 6 ; Dion Cassius, XLI, 18, 5.
  • 67 César, B.C., I, 6, 5 : prouinciae priuatis decernuntur, duae consulares, reliquae praetoriae ; J.-L (...)
  • 68 César, B.C., I, 6, 5-6.
  • 69 Plut., Cato Min., 53, 2.
  • 70 César, B.C., I, 30, 2.
  • 71 César, B.C., I, 6, 6.
  • 72 César, B.C., I, 31, 2 : Tubero cum in Africam uenisset, inuenit in prouincia cum imperio Attium Var (...)
  • 73 CIL I², 780 ; VIII, 979 ; R. Zucca, “Inscriptiones latinae liberae rei publicae Africae, Sardiniae (...)
  • 74 F. Drogula, op. cit., p. 332-337.

17Dans le contexte des guerres civiles, l’incarnation de l’autorité romaine dans les provinces devient un enjeu crucial dans le cadre de l’approvisionnement des troupes. Les belligérants partagent ainsi un souci commun de toujours habiller le pouvoir qu’ils exercent d’un semblant de légalité, même si les entorses sont fréquentes. Si dès 49 Pompée dirige les troupes aux côtés des consuls64, c’est bien le proconsul qui prend les décisions militaires, avec l’approbation du sénat65, auquel il a ordonné, selon Plutarque et Dion Cassius, de quitter Rome à sa suite afin d’assurer la continuité des formes constitutionnelles partout où ils iront66. Au début de l’année 49, la répartition des commandements semble se faire selon les modalités prévues par une récente lex Pompeia de prouinciis ordinandis de 52, qui ne permet de nommer à la tête des provinces qu’un magistrat sorti de charge depuis cinq ans, donc priuatus67. Metellus Scipion reçoit la Syrie et L. Domitius Ahenobarbus la Gaule, tandis que des préteurs sont envoyés dans les autres68, comme Caton en Sicile69, M. Cotta en Sardaigne ou L. Aelius Tubero en Afrique70. La forme constitutionnelle de ces désignations semble respectée mais César remarque que les gouverneurs quittent Rome sans que leurs pouvoirs ne soient ratifiés par le peuple71. Néanmoins, si Aelius Tubero s’est vu officiellement assigner le commandement de la province d’Afrique, il est devancé par Attius Varus qui, après avoir quitté l’Italie face à l’offensive de César, a pris l’initiative d’en assumer le gouvernement72. Plutarque laisse entendre qu’il aurait été nommé gouverneur, Ἡγεμών, par Pompée, tandis qu’une inscription de Curubis nous indique qu’il porte le titre de legatus pro praetore73. Durant cette période troublée, de nombreux légats se voient ainsi déléguer par les imperatores le gouvernement de provinces, dans la continuité de ce que Pompée avait fait en Espagne74.

  • 75 César, B.C., I, 30, 2 ; App. , B.C., II, 6, 41 évoque également l’envoi de Caius Antonius en Illyri (...)
  • 76 App. , B.C., II, 6, 40.
  • 77 César, B.C., I, 32, 2 ; App. , B.C., II, 5, 37 souligne cependant qu’une majorité de sénateurs rejo (...)
  • 78 Dion Cassius, XLI, 15, 2.
  • 79 César, B.C., I, 32, 7.
  • 80 Dion Cassius, XLI, 43, 1-4.
  • 81 Dion Cassius, XLI, 43, 5.
  • 82 César, B.C., II, 21, 4 ; B.Al., 48, 1 : Q. Cassius Longinus in Hispania pro praetore prouinciae ult (...)
  • 83 César, B.C., III, 1, 1 ; Plut., Caes., 37, 2 ; App. , B.C., II, 7, 48.
  • 84 B.Al., 59, 2 : litteras ad […] M. Lepidum proconsulem in Hispaniam citerionem mittit.
  • 85 A. Allienus, gouverneur de Sicile à la fin 47 (B.Afr., 2, 3), comme le suppose A. Bouvet (C.U.F., 1 (...)
  • 86 App. , B.C., II, 7, 48.

18Face à Pompée, en franchissant le Rubicon avec ses troupes en armes, César entre clairement en conflit avec le sénat et représente par conséquent la seule autorité aux yeux de ses partisans. Après sa campagne d’Italie, il confie ainsi la Sardaigne au légat Quintus Valerius et la Sicile au propréteur C. Curion, obligeant les gouverneurs légalement désignés à quitter leur province75. L’échange entre Caton et Asinius Pollion, rapporté par Appien, souligne ce changement d’autorité alors à l’œuvre76. Le souci d’une légalité apparente n’est néanmoins pas totalement absent chez César qui prend le soin de réunir le sénat77, convoqué en avril par Antoine et Q. Cassius Longinus, hors du pomerium78, l’exhortant à gouverner à ses côtés, tout en affirmant être prêt à exercer ces responsabilités par ses propres moyens79. Dion Cassius insiste alors sur la situation paradoxale qui voit, en 48, les deux camps revendiquer la légitimité en assurant un semblant de continuité institutionnelle, l’un à Rome, l’autre à Thessalonique80. L’historien précise toutefois que, de chaque côté, seuls deux hommes, César et Pompée, détiennent réellement le pouvoir81. Les patres ne sont par conséquent pas consultés quand Longinus est nommé par César gouverneur d’Espagne ultérieure en tant que propréteur82. Une fois élu consul en 4883, César souligne qu’il est salué dès son débarquement en Épire par les habitants d’Oricum puis d’Apollonia comme le représentant de l’autorité légitime du peuple romain, de l’imperium populi Romani. Fort de cette légitimité constamment rappelée dans le Bellum ciuile, il nomme le proconsul Marcus Lepidus en Espagne citérieure84, Aulus Albinus en Sicile, à moins qu’il ne s’agisse déjà du proconsul Allienus85, Sextus Peducaeus en Sardaigne et Decimus Brutus en Gaule, sans doute avec le titre de legatus pro praetore86. La revendication d’une autorité légitime, de l’imperium populi Romani, a pour but de renforcer l’autorité des belligérants sur les communautés provinciales et ainsi de mobiliser plus facilement, plus légalement, leurs ressources.

  • 87 App. , B.C., III, 24, 91.
  • 88 App. , B.C., III, 6, 258: Μακεδονίας δὲ καὶ τῆς Ἰλλυρίδος αὐτῆς καὶ τῶν ἐν ἀμφοτέραις ὑπολοίπων στρ (...)
  • 89 Fr. Kirbihler, op. cit., p. 350-351.
  • 90 Cic., Phil., XI, 12, 30 ; App. , B.C., III, 63, 260 ; Dion Cassius, XLVI, 40, 3.
  • 91 Cic., Phil., XI, 12, 30.
  • 92 App. , B.C., IV, 70, 299, où Cassius rappelle les Rhodiens à leur devoir d’obéissance.

19La reprise des guerres civiles après la mort de César s’accompagne à nouveau de conflits d’autorité dans les provinces. Ainsi, dès la fin de l’année 44, Brutus s’empare de la Macédoine, mais également de l’Illyrie, tandis que Cassius prend le contrôle de la Syrie ainsi que des troupes venues d’Égypte87. Cette usurpation est ensuite légalisée par le sénat, sous l’action de Cicéron, Brutus devenant proconsul de Macedonia, Illyricum et Achaia88, et Cassius obtenant un commandement extraordinaire, un imperium maius proposé par Cicéron, ou un imperium consulare infinitum89, dans toutes les provinces orientales pour mener la guerre contre Dolabella90, lui conférant le droit d’exiger navires, hommes, argent et matériels des provinces d’Asie, de Syrie, du Pont et de Bithynie, comme le rapporte l’orateur91. Brutus et Cassius affirment toujours la légitimité de leur autorité sur les provinces orientales en s’appuyant sur des décrets sénatoriaux92.

  • 93 App. , B.C., IV, 7, 27.
  • 94 App. , B.C., IV, 2, 6 ; Dion Cassius, XLVI, 55, 3 ; K. Girardet, “Der Rechtsstatus Oktavians im Jah (...)
  • 95 K. Girardet, op. cit., p. 334 ; J.-M. Roddaz, « Imperium : nature et compétence à la fin de la Répu (...)
  • 96 J.-M. Roddaz, op. cit., p. 196-197.
  • 97 J.-M. Roddaz, op. cit., p. 82.
  • 98 J.-M. Roddaz, op. cit., p. 84 ; N. Barrandon et F. Hurlet, op. cit., p. 42.
  • 99 J.-M. Roddaz, op. cit., p. 197.
  • 100 K. Girardet, “Zur Diskussion um das imperium consulare militiae im 1. Jh. v. Chr.”, Cahiers du Cent (...)

20Rapidement, conscients de leurs intérêts communs, Antoine, Lépide et Octave concluent un accord bientôt officialisé grâce à une loi proposée par le tribun Publius Titius93. Les triumvirs bénéficient alors d’une autorité égale à l’autorité consulaire pour une durée de cinq ans94. Le Triumvirat confère en réalité des pouvoirs équivalents à ceux d’un dictateur, supérieurs à celui des consuls95. Certes, des consuls sont toujours désignés et disposent de compétences militaires, du moins au début, jusqu’à l’opposition du consul Lucius Antonius96, mais ils restent soumis à la volonté des triumvirs97. Ces derniers envoient des représentants pour gouverner ces provinces en leur nom, parfois de simples légats98, mais aussi des gouverneurs, priuati ou promagistrats99. L’exercice de l’imperium militiae, s’il reste attaché à la fonction consulaire, est dans les faits très largement confisqué par les triumvirs100. Forts de ces pouvoirs exceptionnels, les triumvirs contrôlent l’ensemble des provinces, à travers la désignation des gouverneurs et de l’attribution des commandements militaires, et ce sont donc leurs partisans qui administrent en leur nom les territoires dont ils ont la charge. La période troublée des guerres civiles a considérablement bouleversé l’exercice du pouvoir à Rome et par conséquent dans les provinces. Prises au milieu des affrontements entre des imperatores ennemis mais se réclamant tous de l’autorité romaine (celle du sénat et du peuple ou celle des triumvirs), les cités ont souvent été confrontées à des choix cornéliens.

2.3 Les réactions des cités

21La revendication d’un titre officiel par les belligérants leur permet de réclamer, au nom de l’imperium populi Romani, le soutien des cités provinciales. Dans le cadre des guerres civiles, cette autorité est systématiquement contestée par le parti adverse, imposant alors aux communautés rurales des choix parfois difficiles. Certes, dans un souci de propagande évident, les textes du Corpus césarien évoquent des ralliements spontanés, notamment en Italie, et donc la reconnaissance de la légitimité de César.

  • 101 César, B.C., I, 15, 1.
  • 102 Cic., Att., VIII, 16, 1 et Att., IX, 5, 4.
  • 103 Vell. II, 29, 1-2 ; Cic., Phil., V, 16, 44 ; Cic., Att., VII, 16, 2.
  • 104 R. Syme, The Roman Revolution, New York, 1960, p. 31.
  • 105 Dion Cassius, XLII, 56, 1.
  • 106 Dion Cassius, XLII, 58, 2.
  • 107 B.Afr., VI, 7.
  • 108 B.Afr., VII, 1.
  • 109 Dion Cassius, XLIII, 35, 1.

22Ainsi, dès la première campagne italienne au début de l’année 49, la rapidité des mouvements de César le contraint à s’affranchir de ses liaisons logistiques avec sa base arrière alors que la saison hivernale ne permet pas des prises directes dans les champs et oblige alors à mobiliser les ressources des cités italiennes. Quand le proconsul s’empare du Picenum, il prend soin de préciser que les municipes l’accueillent avec enthousiasme et viennent en aide à son armée de toutes les façons101, ce que confirme Cicéron dans sa correspondance102. Il est intéressant de souligner l’importance de cette région dans la clientèle de Pompée103, dont sont d’ailleurs issus plusieurs de ses partisans104. À nouveau, en 47, César entend mener une campagne en Afrique en fondant son offensive sur la rapidité et la surprise105, en débarquant au cœur de l’hiver106 dans une province contrôlée par l’ennemi. Il doit alors faire face à des difficultés importantes pour maintenir un lien maritime avec sa base stratégique et bénéficier d’un soutien logistique depuis l’arrière, tandis que ses adversaires bénéficient des ressources de la région. César tente de trouver des soutiens dans une province contrôlée par ses adversaires et reçoit rapidement des délégations de différents oppida et castella qui lui promettent du blé107. La cité libre de Leptis envoie à son tour des délégués pour promettre de satisfaire toutes les volontés du dictateur108. Lors de la campagne espagnole de 45, plusieurs cités changent de camp et se rangent du côté de César après la capture d’Ategua109. Toutefois, le ralliement des cités se fait souvent attendre et les imperatores doivent le solliciter avec plus ou moins d’insistance.

  • 110 César, B.C., I, 40, 1.
  • 111 César, B.C., I, 48, 4 et I, 52, 4.
  • 112 César, B.C., I, 60, 1-3.
  • 113 César, B.C., I, 60, 5 ; Dion Cassius, XLI, 21, 4.
  • 114 César, B.C., III, 34, 2.
  • 115 César, B.C., III, 34, 4.
  • 116 César, B.C., III, 56, 1.
  • 117 César, B.C., III, 56, 4.

23Quand il arrive en Espagne en 49, Fabius doit ainsi envoyer des lettres et des émissaires aux cités voisines dans l’espoir de les rallier à César110. Difficile de déterminer la nature des messages, mais il est certain que, en territoire pompéien, des trésors de diplomatie ont dû être déployés pour parvenir à obtenir le soutien de ces cités111. La diplomatie césarienne porte néanmoins ses fruits et les Oscenses, les Calagurritains, les Tarraconais, les Jacétains, les Ausétains puis les Illurgavoniens se déclarent prêts à obéir aux ordres du général et à lui fournir le ravitaillement nécessaire112, d’autres cités plus éloignées abandonnant à leur tour Afranius113. L’année suivante, assurant sa position en Épire avant de se lancer contre Pompée, César prend contact avec les régions voisines, recevant des députés de Thessalie, d’Étolie, qui réclament alors sa protection et l’envoi de troupes114, et de la partie occidentale de la Macédoine, dont le chef Menedemus est venu l’assurer du soutien de son peuple115. Il ne semble pas que la protection demandée corresponde à un lien de patronage, mais illustre plus concrètement le rapport entre le soutien des cités et la capacité des imperatores à assurer les fonctions dévolues à la puissance romaine de maintien de la paix. Cette fonction implique cependant la possibilité d’exercer une contrainte sur les communautés et relativise donc la spontanéité de ces ralliements. En effet, Cassius Longinus et Calvisius Sabinus gagnent ensuite au parti césarien l’Acarnanie et les Amphilochi116, avant de s’avancer, avec Q. Calenus, en Achaïe, où Delphes, Thèbes et Orchomène se soumettent volontairement, tandis que d’autres villes doivent être prises par la force et que des députés sont envoyés auprès d’autres cités117. La diplomatie césarienne est clairement alliée ici à la contrainte, voire la menace, et il est difficile de mesurer la réalité du volontariat de certains ralliements quand les villes voisines sont soumises par la force. Ces alliances restent effectivement fragiles et le soutien apporté par les cités n’est jamais à l’abri d’un retournement de situation.

24Les modalités de ces sollicitations ne sont pas toujours explicites et le ralliement des cités dépend davantage des rapports de force dans chaque région proche du théâtre des opérations que de la légalité supposée des belligérants. Ces conflits soulignent cruellement le rapport entre la puissance romaine et les provinces soumises à son autorité. Quelle marge de manœuvre reste-t-il aux communautés emportées dans le tourbillon des guerres civiles ?

2.4. Entre le marteau et l’enclume

  • 118 César, B.C., I, 35, 4.
  • 119 César, B.C., I, 36, 4.
  • 120 César, B.C., II, 22, 6.
  • 121 César, B.C., II, 22, 5; R. Westall, Caesar’s Civil War. Historical Reality and Fabrication, Leyde- (...)
  • 122 B.Afr., 97, 2.
  • 123 B.Afr., 90, 3.
  • 124 B.Afr., 98, 2.
  • 125 Dion Cassius, XLII, 14, 1 ; App. , B.C., II, 13, 88.

25Vers qui doit aller l’allégeance des communautés de l’empire en temps de guerre civile ? Ont-elles réellement le choix ? Soutenir un parti expose en effet à d’éventuelles représailles de la part du parti adverse, quel que soit le statut des cités concernées. Le cas de Marseille, en 49, est particulièrement représentatif du choix cornélien qui se pose face au conflit qui oppose les deux patrons de la cité, Pompée et César118. L’accueil de la flotte pompéienne de Domitius constitue alors un affront aux yeux de ce dernier119. Si leur gloire antique permet aux Marseillais d’échapper au pillage120, César s’empare malgré tout de leur trésor en représailles121. La loi du vainqueur s’exprime alors de différentes façons, d’abord à travers des amendes, des saisies ou des réquisitions forcées, et permet dans certains cas d’alimenter le trésor avec lequel les imperatores financent leur effort de guerre. Après sa victoire en Afrique en 46, César impose des amendes aux cités africaines, comme Thapsus, dont les habitants doivent ainsi verser deux millions de sesterces et leur conuentus trois millions, tandis que les habitants d’Hadrumetum fournissent trois millions et leur conuentus cinq millions122. Auparavant, à Utique, les Trois Cents sont condamnés à verser deux cents millions de sesterces à payer au peuple romain en six échéances, pendant trois ans123. Ensuite, arrivé en Sardaigne, il impose une amende de 100 000 sesterces aux habitants de Sulci, puis les condamne à livrer un huitième de leurs récoltes au lieu du dixième habituellement versé124. La situation est difficile pour les communautés de l’empire, dans la mesure où le ralliement à un camp, souvent contraint et imposé par la force, est considéré comme un acte de rébellion par le camp opposé. La tentative de neutralité d’Athènes en 48 fait long feu et la cité grecque se rallie à Pompée, par calcul politique ou par contrainte. Si là encore César se montre magnanime en raison du respect qu’imposait la gloire passée de la cité, selon Appien et Dion Cassius125, toutes les communautés n’auront pas cette chance.

  • 126 J. Roth, op. cit., p. 151-152.
  • 127 B.Afr., 7, 1-2.
  • 128 B.Afr., 3, 1.
  • 129 César, B.C., III, 80, 1 ; Dion Cassius, XLI, 51, 4 ; Flor., Epit., II, 13, 41.
  • 130 César, B.C., 3.81.1-2 ; Dion Cassius, XLI, 51, 5.
  • 131 App. , B.C., IV, 81, 339-341.
  • 132 App. , B.C., IV, 79-80 ; Dion Cassius, XLVII, 34, 4-6.

26Le contexte troublé des guerres civiles rend poreuse la distinction entre territoires ennemis et amis et nulle communauté n’est réellement à l’abri des exactions des troupes en campagnes. En territoire ami, le commandant romain doit veiller à la bonne tenue de ses troupes et éviter les pillages irréguliers126. Arrivé en Afrique, César, après avoir reçu une délégation de Leptis, cité libre et immune qui lui promet son assistance, place des centurions et des postes de garde aux portes de la ville pour en interdire l’accès aux soldats et protéger les habitants de tout abus127. Le texte ne nous dit pas si les délégués de la cité sont prévoyants ou s’ils répondent à une menace formulée explicitement ou implicitement par César. Sans doute espère-t-il le même soutien quand il installe ses troupes devant Hadrumetum et interdit tout pillage128. Personne n’est cependant dupe et la menace de pillage est bien réelle. En 48, alors qu’il manœuvre depuis Dyrrachium vers la Thessalie, César constate que la cité de Gomphi, pourtant ralliée à lui quelques temps auparavant, refuse de le ravitailler129. La prise de la cité et sa mise à sac servent alors d’exemple pour inciter les autres cités, comme Metropolis, à apporter leur soutien aux troupes de César, ce qui lui permet de bénéficier de l’aide des cités thessaliennes130. Mais dans le contexte d’une guerre civile, il s’agit également pour celui qui se présente comme le consul légitime, représentant de l’imperium populi Romani, d’affirmer brutalement son autorité face aux cités provinciales. De la même manière, en Asie, c’est par la force que Brutus obtient le ralliement de Patara131, après avoir vaincu la résistance de Xanthos132.

  • 133 P. Goukowsky, « Les Lettres grecques de Brutus : documents authentiques ou forgerie ? », dans N. Ba (...)
  • 134 P. Goukowsky, op. cit., p. 287.
  • 135 Ibid., p. 288.
  • 136 Ibid., p. 288.
  • 137 Ibid., p. 287.
  • 138 App. , B.C., IV, 70, 296-297.

27Que révèlent les guerres civiles sur les rapports entre Rome et les communautés de l’empire ? Les lettres attribuées à Brutus correspondant avec les cités grecques d’Asie et étudiées récemment par Paul Goukowsky133, éclairent les relations entre les détenteurs du pouvoir romain et les cités assujetties à Rome, au-delà de leurs différents statuts. D’après ces lettres, il apparaît en effet que les Romains exigent un soutien sans conditions à l’effort de guerre134, offrant des récompenses135 ou, plus souvent, usant de menace136. La fidélité des cités à Rome s’exprime par un soutien qui doit être constant et sans faille, aucune raison valable n’autorisant à s’y soustraire, pas même le manque de ressources137. Chez Appien, Cassius rappelle ainsi aux Rhodiens le devoir d’assistance imposé par Rome aux sujets soumis138.

Conclusion

  • 139 Flor., Epit., II, 13, 77 : quae miserae inter hos atque illos duces societatis Romanae poenas daban (...)

28Neutralité ? Demande de protection ? En réalité les cités n’ont guère voix au chapitre. L’exercice de la puissance militaire dans la province et le pouvoir d’exercer une contrainte réelle déterminent la conduite à suivre. Ces choix entraînent parfois des représailles plus ou moins sévères en cas de défaite, comme dans les cas évoqués de Massilia ou Athènes, ce qui désole Florus, alors qu’il évoque le sort des cités espagnoles lors de la campagne de 45139. Les guerres civiles ont fréquemment mobilisé les communautés rurales pour approvisionner les armées en campagne, à travers les prélèvements effectués directement dans les champs et exploitations agricoles ou à travers la sollicitation des cités soumises à Rome et suivant les termes prévus par leur statut juridique. Dans ses formes, cette mobilisation des ressources de l’empire ne constitue pas une innovation ou une particularité propre à cette période. En revanche, les guerres civiles confrontent les communautés à une compétition pour le pouvoir où elles sont moins arbitres que victimes. Parallèlement à la reconnaissance d’une autorité qui assure ordre et sécurité dans un contexte troublé, ces conflits rappellent surtout l’attente d’une soumission inconditionnelle de toutes les communautés de l’empire à l’imperium populi Romani. Les guerres civiles révèlent alors la fragilité du statut des différentes cités face à la puissance militaire déployée par Rome et la présence des armées dans les campagnes constitue souvent une fatalité.

Notes

1 Sur ce système, ses caractéristiques et ses développements, voir les très utiles synthèses de P. Erdkamp, Hunger and the sword : warfare and food supply in Roman Republican wars (264-30 B.C.), Amsterdam, 1998 et J. Roth, The logistics of the Roman army at war (264 B.C.-A.D. 235), Leyde-Boston-Cologne, 1999, ainsi que C. Carreras, “The structure of Roman military supply : an explanatory model” et T. Ñaco del Hoyo, “Garrisons, military logistics and civil populations in the Late Republic : Africa and Hispania” dans C. Carreras, R. Morais éd., The Western Roman Atlantic Façade. A study of the economy and trade in the Mar Exterior from the Republic to the Principate, Oxford, 2010, p. 119-134 et 145-149, J. Silva Salgado, “Logistics : Republic” et S. Matthews, “Logistics : Principate”, dans Y. Le Bohec et al., The Encyclopedia of the Roman Army, Volume II, Chichester, 2015, p. 604-617.

2 Y. Le Bohec, La guerre romaine (58 avant J.-C.-235 après J.-C.), Paris, 2014, p. 172.

3 P. Erdkamp, op. cit., p. 125; J. Roth, op. cit., p. 130.

4 App. , B.C., II, 10, 68: Καίσαρι δὲ τῆς νυκτὸς ἐκείνης τρία μὲν ἐπὶ σιτολογίαν ἐξῄει τέλη,

5 B.Afr., 11, 3 : ipse cum cohortibus expeditis XXX frumentatum est profectus.

6 César, B.C., I, 40, 3 et III, 37, 5 ; César, B.G., VII, 14, 4 et VIII, 10, 3.

7 J. Roth, op. cit., p. 127.

8 P. Garnsey, Famine et approvisionnement dans le monde gréco-romain, réactions aux risques et aux crises, Paris, 1996, p. 84.

9 T. Gallant, Risk and Survival in Ancient Greece. Reconstructing the Rural Domestic Economy, Stanford, 1991, p. 95.

10 César, B.G., IV, 19, 1 ; VII, 14, 5 ; VII, 17, 3 ; VIII, 10, 3.

11 B.Afr., 9, 1.

12 B.Afr., 65, 1-2 ; Dion Cassius, XLIII, 2, 1-2.

13 F. Malrain et al., Les paysans gaulois (IIIe siècle-52 av. J.C.), Paris, 2002, p. 92.

14 Voir le chapitre consacré à la production agricole en temps de guerre dans P. Erdkamp, op. cit., p. 208-240.

15 B.Al., 42.

16 App. , B.C., V, 18, 72.

17 P. Erdkamp, op. cit., p. 134-135; J. Roth, op. cit., p. 139.

18 César, B.C., I, 48, 5 ; Dion Cassius, XLI, 21, 1.

19 César, B.C., I, 48, 5.

20 César, B.C., III, 42, 5 et 47, 4.

21 César, B.C., III, 16, 1.

22 B. Afr., 20, 4.

23 B.Afr., 20, 4.

24 B.Afr., 20, 4 : agros desertos ac uastatos esse ; Dion Cassius, XLIII, 2, 4.

25 Cic., Phil., III, 12, 31, V, 9, 25 et VI, 3, 5 : testificorn denuntio, ante praedico nihil M. Antonium eorum quae sunt legatis mandata facturum, uastaturum agros... ; Dion Cassius, XLV, 20, 4.

26 App. , B.C., V, 34, 138.

27 App. , B.C., V, 39, 164.

28 Dion Cassius, L, 9, 3.

29 Dion Cassius, L, 14, 4 ; Orose VI, 19, 7.

30 Y. Le Bohec, op. cit., p. 172.

31 P. Erdkamp, op. cit., p. 120-121 ; J. Silva Salgado, op. cit., p. 607-608.

32 César, B.G., VII, 3, 1 : ciuesque romanos, qui negotiandi causa ibi constiterant, in his C. Fufium Citam, honestum equitem romanum, qui rei frumentariae iussu Caesaris praeerat. J. Harmand, L’armée et le soldat à Rome de 107 à 50 avant notre ère, Paris, 1967, p. 170 et P. Erdkamp, op. cit., p. 120 préfèrent rester prudents sur le rôle précis de Cita dans le ravitaillement de l’exercitus césarien ; B. Rossignol, « Mourir à Cenabum pendant la Guerre des Gaules : Fufius Cita », dans F. Chausson dir., Occidents romains. Sénateurs, chevaliers, militaires, notables dans les provinces d’Occident (Espagnes, Gaules, Germanies, Bretagne), Paris, 2009, p. 36-38.

33 César, B.G., VII, 55, 5 : itaque interfectis Nouioduni custodibus quique eo negotiandi causa conuenerant oecuniam ; P. Erdkamp, op. cit., p. 120.

34 C. Feuvrier-Prévotat, « Negociator et mercator dans le discours cicéronien : essai de définition », DHA 7/1, 1981, p. 392 ; G. García Brosa, “Mercatores y negotiatores : ¿ simples comerciantes ?”, Pyrenae 30, 1999, p. 183 ; N. Tran, « Les hommes d’affaires romains et l’expansion de l’Empire (70 av. J.-C.-73 apr. J.-C.) », Pallas 96, 2014, p. 114-115.

35 Cic., Fam., XIII, 75, 2 ; N. Tran, op. cit., p. 115 ; C. Virlouvet, « L’approvisionnement de Rome en denrées alimentaires de la République au Haut-Empire », dans B. Marin, C. Virlouvet dir., Nourrir les cités de Méditerranée, Antiquité-Temps modernes, Paris, 2003, p. 71, n. 43.

36 Sal., Jug., 47, 2 : id quod res monebat, frequentiam negotiatorum et commeatu iuuaturam exercitum.

37 César, B.G., I, 39, 1 : dum paucos dies ad Vesontionem rei frumentariae commeatusque causa moratur, ex percontatione nostrorum uocibusque Gallorum ac mercatorum.

38 César, B.G., VI, 37, 2 : usque eo ut qui sub uallo tenderent mercatores recipiendi sui facultatem non haberent.

39 B.Afr., 75, 3 : lixarum mercatorumque qui plostris merces portabant sarcinis interceptis.

40 Tite-Live, XXXIX, 1, 6-7.

41 P. Erdkamp, op. cit., p. 119 ; K. Verboven, “Good for business. The Roman army and the emergence of a “business class” in the Northwestern provinces of the Roman Empire (1st century BCE- 3rd century CE)”, dans L. De Blois, E. Lo Cascio éd., The Impact of the Roman Army (200 BC-AD 476). Economic, Social, Political, Religious and Cultural Aspects, Proceedings of the Sixth Workshop of the International Network Impact of Empire, Capri, March 29-April 2, 2005, Leyde-Boston, 2007, p. 298.

42 Polybe, III, 82, 8 évoque ainsi la foule de gens qui suivent Flaminius en Étrurie contre Hannibal, chargés de chaînes et d’entraves. P. Erdkamp, op. cit., p. 119 ; Fr. Cadiou, Hibera in Terra Miles. Les armées romaines et la conquête de l’Hispanie sous la République (218-45 av. J.-C.), Madrid, 2008, p. 573 et 574, n. 161, pour les nombreux exemples de butin et d’esclaves vendus à des mercatores lors des campagnes hispaniques.

43 Sal., Jug., 44, 5 : palantes agros uastare, uillas expugnare, pecoris et mancipiorum praedas certantes agere eaque mutare cum mercatoribus uino aduecticio et aliis talibus ; voir les remarques de Fr. Cadiou, op. cit., p. 576-577, sur l’importance de ces échanges.

44 J. Roth, p. 98 et p. 101.

45 Plut., Caes., 41, 6 : Ὁ δὲ τὴν μὲν ἄλλην πορείαν χαλεπῶς ἤνυσεν, οὐδενὸς παρέχοντος ἀγοράν, ἀλλὰ πάντων καταφρονούντων διὰ τὴν ἔναγχος ἧτταν.

46 App. , B.C., III, 26, 97 : ἀλλὰ μόνην ἀγορὰν ἔξω τείχους ὡς ὑπάτῳ προυτίθει, si nous suivons la traduction de ἀγορὰν proposée par P. Goukowsky (C.U.F., 2010), plutôt que celle de H. White (Loeb, 1913), “provisions”, qui ne suggère alors pas d’achat.

47 B.Afr., 62, 4 : reliqua classis in salo ad Leptim, egressis remigibus passimque in litore uagantibus, partim in oppidum uictus sui mercandi gratia progressis.

48 César, B.C., I, 52, 1-2 : his tamen omnibus annona creuit ; quae fere res non solum inopia praesentis, sed etiam futuri temporis timore ingrauescere consueuit. Iamque ad * L in singulos modios annona peruenerat, et militum uires inopia frumenti deminuerat, atque incommoda in dies augebantur ; Lucain, IV, 95-96 : toto censu non prodigus emit / exiguam Cererem.

49 B.Afr., 47, 4 : in Africa autem non modo quicquam non adquisierant aut parauerant, sed etiam propter annonae caritatem ante parta consumpserant.

50 César, B.C., I, 52, 1.

51 D. Rathbone, “Earnings and Costs: Living Standards and the Roman Economy (First to Third Centuries AD)”, dans A. Bowman, A. Wilson éd., Quantifying the Roman Economy. Methods and Problems, New York, 2009, p. 307-308 ; R. Duncan-Jones, The Economy of the Roman Empire. Quantitative Studies, Cambridge, 1974, p. 145-146. Polybe, IX, 11a, évoque déjà pour l’année 210 un prix de quinze drachmes par médimne sicilien, soit vingt-deux fois plus que le prix précédemment évoqué en 2.15 de quatre oboles par médimne dans la vallée du Pô.

52 J. Roth, op. cit., p. 141-142.

53 A. Lintott, Imperium Romanum, Politics and Administration, Londres-New York, 1993, p. 22; J. Richardson, “The administration of the empire”, dans J. Crook et al., The Cambridge Ancient History, Volume IX, The Last Age of the Roman Republic, 146-43 B.C., Second Edition, Cambridge, 1992, p. 564; F. Drogula, Commanders and Command in the Roman Republic and Early Empire, Chapel Hill, 2015, p. 232-233.

54 F. Vervaet, “The Praetorian Proconsuls of the Roman Republic (211-52 BCE). A Constitutional Survey”, Chiron 42, 2012, p. 86.

55 F. Hurlet, Le proconsul et le prince d’Auguste à Dioclétien, Bordeaux, 2006, p. 131 ; M. Humm, « Hiérarchie de pouvoirs et hiérarchie des magistratures dans la Rome républicaine », dans A. Bérenger, F. Lachaud éd., Hiérarchie des pouvoirs, délégation de pouvoir et responsabilité des administrateurs dans l’Antiquité et au Moyen Âge, Actes du colloque de Metz, 16-18 juin 2011, Metz, 2012, p. 109 ; N. Barrandon et F. Hurlet, « Les gouverneurs et l’Occident romain (IIe siècle av. J.-C.-IIe siècle apr. J.-C.) », dans F. Hurlet dir., Rome et l’Occident (IIe siècle av. J.-C.-IIe siècle apr. J.- C.). Gouverner l’Empire, Rennes, 2009, p. 51 ; J. Roth, op. cit., p. 245-246 ; J. Richardson, op. cit., p. 572 ; C. Nicolet, Rome et la conquête du monde méditerranéen, Tome I, Les structures de l’Italie romaine, Paris, 1979, p. 376-377.

56 T. Mommsen, Römisches Staatsrecht, 3/2, Leipzig 1888, p. 1098 ; J. Roth, op. cit., p. 246 ; P. Erdkamp, “The Corn Supply of the Roman Armies during the third and second centuries B.C.”, Historia 44/2, 1995, p. 180-181 ; A. Bérenger, Le métier de gouverneur dans l’empire romain de César à Dioclétien, Paris, 2014, p. 151-152.

57 N. Barrandon et F. Hurlet, op. cit., p. 56.

58 T. Mommsen, op. cit., p. 1099 ; N. Barrandon et F. Hurlet, op. cit., p. 52-53.

59 Sal., Hist., II, 98M, 2-3 ; Fr. Cadiou, op. cit., p. 486 suggère que ce ne soit là qu’une conséquence de manœuvres politiques, les patres faisant payer à Pompée ses pressions pour obtenir le commandement de la guerre.

60 B. Cabouret-Laurioux, « Vie et institutions des cités de Gaule et d’Hispanie au iie siècle après J.-C. », dans Y. Le Bohec éd., Rome et les provinces de l’Occident de 197 av. J.-C. à 192 ap. J.-C., Nantes, 2009, p. 170-171 ; A. Lintott, op. cit., p. 130.

61 E. Guerber, Les cités grecques dans l’Empire romain. Les privilèges et les titres des cités de l’orient hellénophone d’Octave Auguste à Dioclétien, Rennes, 2009, p. 71-72.

62 A. Lintott, op. cit., p. 38.

63 B. Cabouret-Laurioux, op. cit., p. 170-171; A. Lintott, op. cit., p. 130.

64 César, B.C., I, 10, 1; F. Vervaet, “The Official Position of Cn. Pompeius in 49 and 48 BCE”, Latomus 65/4, 2006, p. 933-934.

65 Voir par exemple les instructions de Pompée dans les lettres à Domitius, Cic., Att., VIII, 12 C et 12 A ; N. Barrandon, « Les modalités des échanges épistolaires entre les gouverneurs et le Sénat de la deuxième guerre punique à 43 avant J.-C. », dans N. Barrandon, Fr. Kirbihler dir., Administrer les provinces de la République romaine, Rennes, 2010, p. 92-93.

66 Plut., Caes., 33, 6 ; Dion Cassius, XLI, 18, 5.

67 César, B.C., I, 6, 5 : prouinciae priuatis decernuntur, duae consulares, reliquae praetoriae ; J.-L. Ferrary, « À propos des pouvoirs d’Auguste », Cahiers du Centre Gustave Glotz 12, 2001, p. 107. 68. César, B.C., I, 6, 5-6.

68 César, B.C., I, 6, 5-6.

69 Plut., Cato Min., 53, 2.

70 César, B.C., I, 30, 2.

71 César, B.C., I, 6, 6.

72 César, B.C., I, 31, 2 : Tubero cum in Africam uenisset, inuenit in prouincia cum imperio Attium Varum ; qui ad Auximum, ut supra demonstrauimus, amissis cohortibus protinus ex fuga in Africam peruenerat atque eam sua sponte uacuam occupauerat ; Plut., Cato Min., 56, 5 laisse entendre qu’Attius Varus aurait été nommé gouverneur par Pompée : καὶ Οὔαρον Ἄττιον, ὃς ἦν ὑπὸ Πομπηΐου Λιβύης ἀποδεδειγμένος ἡγεμών ; T.R.S Broughton, The Magistrates of the Roman Republic, Volume II, 99 B.C.-31 B.C., New York, 1952, p. 260.

73 CIL I², 780 ; VIII, 979 ; R. Zucca, “Inscriptiones latinae liberae rei publicae Africae, Sardiniae et Corsicae”, L’Africa Romana, 1996, p. 1430-1431.

74 F. Drogula, op. cit., p. 332-337.

75 César, B.C., I, 30, 2 ; App. , B.C., II, 6, 41 évoque également l’envoi de Caius Antonius en Illyrie et de Licinius Crassus en Gaule Cisalpine.

76 App. , B.C., II, 6, 40.

77 César, B.C., I, 32, 2 ; App. , B.C., II, 5, 37 souligne cependant qu’une majorité de sénateurs rejoint Pompée dès le début du conflit ; Plut., Caes., 35, 4, note que César constate la présence de beaucoup de sénateurs à son retour dans Rome.

78 Dion Cassius, XLI, 15, 2.

79 César, B.C., I, 32, 7.

80 Dion Cassius, XLI, 43, 1-4.

81 Dion Cassius, XLI, 43, 5.

82 César, B.C., II, 21, 4 ; B.Al., 48, 1 : Q. Cassius Longinus in Hispania pro praetore prouinciae ulterioris optinendae ; App. , B.C., II, 6, 43 ; peut-être avec le titre de tribunos plebis pro praetore, comme rapporté dans une inscription espagnole : AE 1986 369 = CIL II²/5 521 : Q. CASSIO C.F. LONG. TR. PL. PRO PR.

83 César, B.C., III, 1, 1 ; Plut., Caes., 37, 2 ; App. , B.C., II, 7, 48.

84 B.Al., 59, 2 : litteras ad […] M. Lepidum proconsulem in Hispaniam citerionem mittit.

85 A. Allienus, gouverneur de Sicile à la fin 47 (B.Afr., 2, 3), comme le suppose A. Bouvet (C.U.F., 1949, 112), qui propose de lire chez Appien Ἀλλιῆνον.

86 App. , B.C., II, 7, 48.

87 App. , B.C., III, 24, 91.

88 App. , B.C., III, 6, 258: Μακεδονίας δὲ καὶ τῆς Ἰλλυρίδος αὐτῆς καὶ τῶν ἐν ἀμφοτέραις ὑπολοίπων στρατῶν Μᾶρκον Βροῦτον ἄρχειν, μέχρι κατασταίη τὰ κοινά; Dion Cassius, XLVI, 40, 3; Fr. Kirbihler, « Brutus et Cassius et les impositions, spoliations et confiscations en Asie Mineure durant les guerres civiles (44-42 a.C.) », dans M.-C. Ferriès, Fr. Delrieux éd., Spolier et confisquer dans les mondes grec et romain, Chambéry, 2013, p. 348-349.

89 Fr. Kirbihler, op. cit., p. 350-351.

90 Cic., Phil., XI, 12, 30 ; App. , B.C., III, 63, 260 ; Dion Cassius, XLVI, 40, 3.

91 Cic., Phil., XI, 12, 30.

92 App. , B.C., IV, 70, 299, où Cassius rappelle les Rhodiens à leur devoir d’obéissance.

93 App. , B.C., IV, 7, 27.

94 App. , B.C., IV, 2, 6 ; Dion Cassius, XLVI, 55, 3 ; K. Girardet, “Der Rechtsstatus Oktavians im Jahre 32 v. Chr.”, Rheinisches Museum für Philologie 133,1990, p. 326.

95 K. Girardet, op. cit., p. 334 ; J.-M. Roddaz, « Imperium : nature et compétence à la fin de la République et au début de l’Empire », Cahiers du Centre Gustave Glotz 3, 1992, p. 196 ; A. Allely, Lépide, le Triumvir, Bordeaux, 2004, p. 122 ; F. Vervaet, “The Secret History : the Official Position of Imperator Caesar Divi Filius from 31 to 27 BCE”, Ancient Society 40, 2010, p. 89.

96 J.-M. Roddaz, op. cit., p. 196-197.

97 J.-M. Roddaz, op. cit., p. 82.

98 J.-M. Roddaz, op. cit., p. 84 ; N. Barrandon et F. Hurlet, op. cit., p. 42.

99 J.-M. Roddaz, op. cit., p. 197.

100 K. Girardet, “Zur Diskussion um das imperium consulare militiae im 1. Jh. v. Chr.”, Cahiers du Centre Gustave Glotz 3, 1992, p. 216.

101 César, B.C., I, 15, 1.

102 Cic., Att., VIII, 16, 1 et Att., IX, 5, 4.

103 Vell. II, 29, 1-2 ; Cic., Phil., V, 16, 44 ; Cic., Att., VII, 16, 2.

104 R. Syme, The Roman Revolution, New York, 1960, p. 31.

105 Dion Cassius, XLII, 56, 1.

106 Dion Cassius, XLII, 58, 2.

107 B.Afr., VI, 7.

108 B.Afr., VII, 1.

109 Dion Cassius, XLIII, 35, 1.

110 César, B.C., I, 40, 1.

111 César, B.C., I, 48, 4 et I, 52, 4.

112 César, B.C., I, 60, 1-3.

113 César, B.C., I, 60, 5 ; Dion Cassius, XLI, 21, 4.

114 César, B.C., III, 34, 2.

115 César, B.C., III, 34, 4.

116 César, B.C., III, 56, 1.

117 César, B.C., III, 56, 4.

118 César, B.C., I, 35, 4.

119 César, B.C., I, 36, 4.

120 César, B.C., II, 22, 6.

121 César, B.C., II, 22, 5; R. Westall, Caesar’s Civil War. Historical Reality and Fabrication, Leyde- Boston, 2017, p. 151-152.

122 B.Afr., 97, 2.

123 B.Afr., 90, 3.

124 B.Afr., 98, 2.

125 Dion Cassius, XLII, 14, 1 ; App. , B.C., II, 13, 88.

126 J. Roth, op. cit., p. 151-152.

127 B.Afr., 7, 1-2.

128 B.Afr., 3, 1.

129 César, B.C., III, 80, 1 ; Dion Cassius, XLI, 51, 4 ; Flor., Epit., II, 13, 41.

130 César, B.C., 3.81.1-2 ; Dion Cassius, XLI, 51, 5.

131 App. , B.C., IV, 81, 339-341.

132 App. , B.C., IV, 79-80 ; Dion Cassius, XLVII, 34, 4-6.

133 P. Goukowsky, « Les Lettres grecques de Brutus : documents authentiques ou forgerie ? », dans N. Barrandon, Fr. Kirbihler dir., Les gouverneurs et les provinciaux sous la République romaine, Rennes, 2011, p. 280 ; D. Magie, Roman Rule in Asia Minor, to the End of the Third Century after Christ, Volume I, Princeton 1950, p. 422.

134 P. Goukowsky, op. cit., p. 287.

135 Ibid., p. 288.

136 Ibid., p. 288.

137 Ibid., p. 287.

138 App. , B.C., IV, 70, 296-297.

139 Flor., Epit., II, 13, 77 : quae miserae inter hos atque illos duces societatis Romanae poenas dabant, remarque proche de celle déjà faite lors du récit de la guerre contre Sertorius, II, 10, 8 : misera inter Romanos duces Hispania discordiae poenas dabat.

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