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La commune de 1871 : utopie ou modernité ?

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Gilbert Larguier
, 
Jérôme Quaretti

Discussion

Discussion

Texte intégral

1G. Larguier : Je suis extrêmement frappé par ce qui vient d’être dit sur le sentiment de l’aristocratie chez Vallès. Je crois que l’on ne peut comprendre cela que si l’on a bien en tête que l’aristocrate et le populaire sont des hommes d’honneur. En tant que moderniste, je suis étonné de voir comment dans les textes du XVIIe siècle, la notion d’honneur populaire – calquée sur les valeurs de la noblesse – est forte. Donc, il est tout à fait normal – là encore nous avons à faire à des continuités et à un sentiment très profond – que chez Vallès, il y ait la rencontre sur des notions d’honneur entre aristocratie et peuple. Et ceux qui n’ont pas ces notions, parce qu’entre autres ils s’enrichissent, ce sont les bourgeois. Sur ce point, je crois que nous touchons ici à l’un des ressorts très profond du XIXe siècle.

2M. Roger : Je pense que l’on retrouve là toute la mouvance romantique...

3A. Catafau, maître de conférences en histoire médiévale : Concernant l’évolution de cet homme du romantisme jusqu’à une grande sympathie pour le socialisme ; en écoutant Gilbert Larguier, je pensais à ce qui a été dit sur Victor Hugo, et je crois que c’est cela qui justifie cette évolution de la sympathie d’une sorte de nostalgie romantique d’une aristocratie de l’esprit vers une sympathie de l’esprit.

4D. Bonnaud-Lamotte : Je voudrais faire une remarque sur ce point. C’est une situation qui s’est retrouvée dans la Résistance où l’on a vu la fine fleur de la vieille France côtoyer des ouvriers. Ils étaient ensemble aussi bien dans leurs actions que dans leur dégoût et leur haine de ce que Péguy appellerait les marianneux, c’est-à-dire les profiteurs de la République.

5M. Roger : Puisque l’on parle de la Seconde Guerre mondiale, j’ en profite pour dire que j’ ai lu dans Les communistes d’Aragon quelque chose de très intéressant qui n’a pas encore été évoqué. La crainte du gouvernement Reynaud de voir ressurgir la Commune de Paris l’aurait poussé à négocier avec le parti communiste déjà clandestin. En effet, il y aurait eu des négociations secrètes afin de s’entendre pour éviter que le peuple de Paris résiste et que le PC organise une nouvelle Commune. Ainsi, la droite aurait eu la crainte absolue que ce parti organise une nouvelle Commune pour empêcher que les Allemands n’entrent dans Paris...

6M. Moissonnier : C’est Weygand qui a annoncé qu’il avait reçu des coups de téléphone de dirigeants communistes qui auraient pesé sur les réunions du gouvernement encore présidé par Reynaud afin de rallier la majorité des ministres, qui est encore incertaine, à l’idée de la capitulation. C’est une légende de Weygand qui a effectivement existé.

7R. Dubois : Il ne faut tout de même pas oublier qu’il y a quand même une base au téléphone à Weygand. C’est la démarche faite pour la défense de Paris. Il se trouve que je me trouvais à la Bourse du travail de Paris ce jour-là lorsque l’on a appris qu’une démarche avait été faite pour éviter d’évacuer Paris et pour défendre Paris. Celle-ci a donc historiquement eu lieu. Weygand le savait et elle a été utilisée pour peser sur le gouvernement. Mais, je peux en témoigner, l’idée de la défense de Paris était bien dans les têtes à l’époque.

8G. Ferré : Il a été question tout à l’heure d’honneur. Cela m’a fait penser à l’attitude d’Émile Digeon que l’on a qualifié de naïf parce qu’il a cru à l’honneur. Il s’est adressé au général Zentz qui était chargé avec les Turcos d’envahir Narbonne pour lui demander de laisser passer une ambulance. Ce qu’évidemment n’a pas fait le général Zentz. D’autre part, avec le procureur Agniel avec qui il a négocié le 29 mars, il a cru à la parole de ce procureur qui lui avait promis la clémence ou l’amnistie – la discussion du procès de Rodez a porté sur cela – donc la notion d’honneur dans cette révolution est importante. Je souhaitais faire cette remarque pour accréditer ce qui a été dit tout à l’heure et qui est très important.

9J. Harriot : Pourquoi l’étude de l’œuvre des grands auteurs comme Rimbaud, Verlaine, Hugo ou encore Vallès est-elle toujours partielle ? C’est-à-dire que de Verlaine, on étudiera deux ou trois poèmes pas trop tendancieux, de Vallès on étudiera l’ Enfant, de Rimbaud on étudiera le Bateau ivre et son alcoolisme frénétique... Mais jamais leur engagement politique ou social...

10R. Dubois : Cela dépend des professeurs...

11M. Moissonnier : Je crois qu’il y a des textes de Vallès qui sont extrêmement intéressants surtout lorsque l’on s’adresse à des jeunes. En particulier, je pense à ce texte écrit après le 26 mars et les élections de la Commune. C’est un texte extraordinaire qui porte formidablement auprès des élèves comme des étudiants par exemple.

12Pourquoi ? Parce que c’est un texte qui explique la vie concrète de l’ouvrier de l’époque. Et en même temps, c’est un texte absolument prodigieux dans la mesure où il fait comprendre comment l’image de la Commune est mobilisatrice. C’est le moment d’épanouissement de la Commune. C’est véritablement un texte important. Je ne manquais jamais de le donner sous une forme ou sous une autre en explication. Et à travers cela, les étudiants découvraient en effet la Commune un peu dans toutes ses dimensions avec, en même temps, ce qui les intéressait, c’est-à-dire pour la jeunesse, ce que pouvait représenter cette tentative d’escalader le ciel...

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