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La persistance du Midi blanc

 | 
Philippe Secondy

Quatrième partie. Vers une réhabilitation de l'expérience pétainiste

Chapitre 2 : Les Indépendants et paysans comme principal vecteur de la légende du Maréchal

Texte intégral

  • 1 Sur l’histoire de ce mouvement, nous disposons de deux thèses : Gilles Richard, Le Centre national (...)
  • 2 Sur l’avènement des Indépendants et paysans voir l’article de Gilles Richard, « La renaissance de (...)

1C’est entre l’élection sénatoriale complémentaire de septembre 1949 et les législatives de 1951 que s’organise la structure départementale des Indépendants et paysans. Elle entend alors s’inscrire dans une logique politique opposée aux rigidités institutionnelles paralysant déjà le fonctionnement du Rassemblement du peuple français (RPF) ou du Mouvement républicain populaire (MRP). Les premiers balbutiements du mouvement remontent à juillet 1948 quand un sénateur de la Côte d’Or, Roger Duchet, provoque la réunion des Républicains indépendants des deux assemblées1. Sous sa houlette se met en place une structure se contentant dans un premier temps d’arbitrer les investitures électorales. Les succès aux sénatoriales des radicaux et des « modérés » (ils obtiennent la moitié des sièges en novembre 1948) consolident l’édifice. Le département d’origine de Roger Duchet fait office de laboratoire d’un projet qui prend une autre envergure lors du renouvellement de la Chambre des députés en 1951. Dans la plupart des régions, le CNIP profite de ses bonnes relations avec les radicaux pour former la Quatrième force, après avoir intégré des groupements politiques dont l’influence demeure très modeste à l’instar du PRL. Il se sert de la nouvelle loi électorale sur les apparentements et devient une entité incontournable, tandis que le PCF, le MRP ou le RPF s’essoufflent2.

  • 3 Gilles Richard ne se contente pas d’une vision globale. Dans sa thèse, il suit l’évolution du CNIP (...)
  • 4 Gilles Richard, « La renaissance... », op. cit., p. 59.
  • 5 Cet organe de presse a fait l’objet d’un dépouillement systématique entre janvier 1952 (date du nu (...)

2L’intérêt porté à ce courant charnière de la Quatrième République reste encore aujourd’hui très modeste et le regard proposé, s’il n’oublie pas totalement la variable locale3, mérite un approfondissement. Gilles Richard reconnaît bien volontiers qu’au sein du CNIP « se mêlent des éléments contradictoires », allant des « populistes nationalistes » aux « modernistes », militant pour la construction européenne4. La frange qui tient les rênes dans l’Hérault perpétue le combat du milieu « traditionniste » en refusant la rupture de la Libération. L’imbrication entre les royalistes et le CNIP ne laisse planer aucun doute. Bien des rapports s’en font l’écho. De nombreuses traces surgissent également du dépouillement des 214 numéros de Liberté, le « bulletin bi-mensuel d’information du Centre indépendant et paysan de l’Hérault », devenu en 1957 Liberté du Midi5.

  • 6 Liberté du Midi, n° 192, 16 novembre 1961.

3Au sein de cette source primordiale, au détour d’un article rendant hommage à Louis Delbez, l’une des deux personnalités phares du mouvement, décoré de la Légion d’honneur en novembre 1961, une confidence mérite d’être relevée. S’adressant aux personnes présentes à la cérémonie, le récipiendaire « remercie les dames présentes et déplore l’absence de la doyenne de cette réunion, Madame de Rodez-Bénavent, rappelant que c’est dans son salon, de la rue des Trésoriers de la Bourse, sous la présidence de son mari qu’est née la première pensée d’un groupe indépendant »6. Disparu en octobre 1952, Henri de Rodez-Bénavent reçoit un vibrant hommage dans le numéro quatorze. Un cadre noir encadre l’article nécrologique signé Liberté :

  • 7 Liberté, n°14, 30 octobre 1952.

« Henri de Rodez-Bénavent n’est plus. Et sa mort creuse un vide immense dans ce département où, pendant près d’un demi-siècle, son nom fut un drapeau. Maire de Cazilhac dès 1904, conseiller général du canton de Ganges, député pendant trois législatures, il joua un rôle de premier plan dans la vie politique de l’Hérault. Il eut des adversaires. Il ne connut pas d’ennemis. L’homme intègre et bon, à l’accueil souriant et cordial, le lutteur courageux et loyal forçait le respect. Membre, puis vice-président du conseil d’administration de L’Éclair, dont son oncle Théophile de Rodez-Bénavent avait été l’un des fondateurs, il consacre à ce journal une grande partie de son temps (...). En 1940, le drame de la Patrie ne pouvait le laisser indifférent. Il en souffrit mais ne désespéra pas. Il n’eut qu’un but : continuer à servir. C’est pourquoi, il resta à L’Éclair à son poste de combat. Lorsque le Maréchal Pétain lui proposa la présidence du Conseil départemental, il réalisa à la fois le péril d’une telle charge et la grandeur du devoir qui s’imposait à lui. Un politicien se serait récusé. Il était de la race des défenseurs de la Cité (...). En 1944, à l’heure des ingratitudes et des reniements, il connut l’épreuve. Il accepta avec le sourire et, la tête haute, au milieu de tant d’amis de nos villages, frappés, comme lui, donnant l’exemple de la sérénité, souhaitant l’apaisement des passions et prêchant la réconciliation des Français, il resta le grand seigneur qu’il avait toujours été. Le courage était une de ses qualités. Il fut courageux, à ce moment-là, comme avait été courageux le sergent de la guerre 14-18 (...), et comme devait être courageux, devant la mort, le chrétien qui a fait l’admiration de son entourage par l’acceptation totale du sacrifice. Liberté s’incline devant la douleur de Madame la comtesse de Rodez-Bénavent, du vicomte de Rodez-Bénavent, du vicomte Jehan de Rodez-Bénavent et de leurs fils, et les prie d’agréer l’expression de la part très vive que les Indépendants et paysans de l’Hérault prennent à leur deuil »7.

  • 8 Rapport des RG du 2 juin 1954. ADH 406 W 9. Par la suite, il participe durant deux mandats à la ma (...)
  • 9 Rapport des RG du 28 avril 1956. ADH 406 W 9.

4Le porte-parole de la mouvance Indépendante revendique le « drapeau » laissé par l’héritier d’une dynastie « blanche » présente sur le front électoral depuis une centaine d’années. Peu de temps après l’expérience du gouvernement provisoire, les royalistes cherchent à réactiver des cercles d’influences pour restructurer le maillage serré de l’Action française, baptisée dans le département au temps du Front populaire : le « Pays réel ». Cette dénomination, ou celle de « Restauration nationale », est toujours usitée pour désigner le mouvement désormais rattaché à une fédération régionale : « L’Union royaliste du Languedoc méditerranéen ». Le bâtonnier Jean Guibal qui en assure la vice-présidence revient dans l’actualité en affichant de manière ouverte ses convictions politiques8. La présidence est confiée à un médecin-colonel en retraite (De Reilhan de Carnas) qui peine cependant à recruter au-delà de la ville de Montpellier, considérée comme « le pôle d’activité »9 majeur, et de quelques foyers « historiques » isolés : Villeveyrac, Pomérols, Saint-André-de-Sangonis, Pignan...

  • 10 Voir Abel Pomarède, Mémoires d’un ouvrier vigneron royaliste. Préface de Gustave Thibon, Tours, La (...)
  • 11 Le fonctionnaire de police présente la cérémonie de 1953 ainsi : « un office religieux a eu lieu l (...)
  • 12 ADH 406 W 9.
  • 13 On peut également noter que les liens sont consolidés grâce à des activités en plein air. Par exem (...)
  • 14 Jusqu’à nos jours, il reste au stade de groupuscule. Voir Jean-Paul Gautier, La Restauration natio (...)
  • 15 Quelques témoignages le confirment. Le « Pays réel » a invité en mars 1950 à Montpellier Paul Roba (...)
  • 16 Lors d’une journée de commémoration durant l’été 1959, cette association présente une série de cou (...)

5La vie du dernier carré de fidèles est pour l’essentiel rythmée par les contre-manifestations et les commémorations. C’est ainsi que tous les 14 juillet à Pomérols, « les royalistes quittent le village et vont passer la journée à la campagne ou à la mer, afin de manifester leur désapprobation à l’égard de cette fête républicaine (...). Le lendemain, les républicains et les royalistes reprennent des relations affables et normales »10. Jeanne d’Arc, les rois de France et une poignée d’anciennes figures notoires de la mouvance sont régulièrement célèbrées. Ils retrouvent sur les bancs des églises les responsables des Indépendants et paysans. Par exemple, les deux leaders de ce mouvement, Louis Delbez et François Delmas, ne ratent jamais les messes en l’honneur de la mémoire de Louis XVI. À partir de 1952, il convient de rajouter Philippe Pétain devenu une icône vénérée avec ferveur dans des offices religieux annuels réunissant les milieux politiques « traditionnistes »11. Le passage en revue des activités des artisans de la royauté par les forces de l’ordre durant la décennie 195012 nous apporte une autre information. La visite des conférenciers de renom est le second procédé employé pour donner un nouveau souffle à une foi chancelante13. Sans aboutir à des résultats très concluants sur le plan de la mobilisation14, la lecture des rapports permet de déceler les thèmes chers au personnel dirigeant. Dans ce cas encore, le « courage » de Pétain est au cœur de bien des discours15. Les exemples de telles prises de position en faveur du fossoyeur de la République foisonnent. Elles se révèlent identiques chez les ténors du Centre des Indépendants et paysans. La répartition des responsabilités au sein de l’Association pour la défense de la mémoire du maréchal Pétain illustre le combat commun des partisans de « l’ancien régime » et d’une catégorie politique pourtant coutumièrement classée dans la « voie moyenne » à l’échelon national. C’est ainsi qu’en juillet 1959, Yves Quatrefages, le président département des Indépendants et paysans, également maire de Saint-André-de-Sangonis, anime avec le colonel de Reilhan de Carnas, toujours à la tête de l’Union régionale des royalistes, la section de l’Hérault16.

6Mieux organisés que leurs homologues royalistes et surtout porteurs d’une espérance qui se manifeste par une attirance électorale non négligeable, les cadres régionaux du mouvement lancé par Roger Duchet dans la Côte d’Or se retrouvent en première ligne. Nous allons revenir sur les spécificités de cette organisation politique tenue par des notables hussards du « néo-vichysme ». Autour d’eux, renaît une fraction de la droite victime jusqu’alors d’un grave discrédit. Progressivement, ils inculquent aux militants la fierté de défendre cette tradition politique en revendiquant une manière originale d’exercer les charges publiques. Pour y arriver, ils veulent s’inspirer d’un modèle excluant les apports primordiaux de la modernité partisane en constante évolution depuis la fin du xixe siècle. Leur plaidoyer récurrent en faveur de Pétain s’inscrit dans un registre identique. Son programme de gouvernement fait désormais l’objet d’une vaste entreprise de revalorisation.

Le retour de « l’homme de droite »

  • 17 Rapport des RG, 15 novembre 1951. ADH 338 W 60.
  • 18 Rapport des RG, 7 mai 1951. ADH 338 W 60.
  • 19 En 1951, sur 273 971 inscrits et 211 485 suffrages exprimés, la SFIO obtient 18,5 % des voix (3 él (...)
  • 20 Paul Boulet, candidat désormais sur la liste de la Gauche indépendante fut élu député en 1936 et e (...)
  • 21 La presse lui reproche souvent le fait de ne s’être jamais occupé des questions viticoles et surto (...)
  • 22 Note du préfet, 22 juin 1951. ADH 356 W 11.

7« L’association des Indépendants et paysans du département de l’Hérault » est enregistrée à la préfecture le 15 novembre 1951. Elle se donne pour mission « d’étudier et de défendre les intérêts matériels, moraux et spirituels des populations héraultaises »17. Dès le mois de septembre 1949, à la faveur d’une élection partielle au Conseil de la République, une première tentative d’organisation s’était manifestée sans succès. Avec l’appui d’Henri de Rodez-Bénavent et d’Emmanuel Temple, un député Républicain indépendant de l’Aveyron ayant des attaches locales, une douzaine de personnalités ont été sollicitées en vue des législatives du 17 juin 1951. Les premiers noms à circuler sont ceux de Louis Delbez, professeur à la Faculté de droit, de l’avocat François Delmas, animateur du Parti républicain et social de la réconciliation française, élu en 1947 au conseil municipal de Montpellier sur une liste présentée par le RGR, ou encore de Robert Faucherre18. Ces deux derniers apportant un savoir-faire politique testé au sein du PSF. À l’occasion du scrutin, un large apparentement (RGR, MRP, SFIO et Indépendants) va faire la différence. Les six sièges sont attribués à cet assemblage occasionnel incarnant les « formations gouvernementales » du moment. Il a permis l’élimination des deux élus sortants communistes et de l’ancien maire de Montpellier devenu dissident du MRP : Paul Boulet19. Les divergences internes à la démocratie chrétienne20, les hésitations du clergé, la personnalité controversée de Paul Coste-Floret21, la « campagne énergique » de Jules Moch, alors ministre de l’Intérieur, réputé pour sa fougue à la pointe du combat anticommuniste22, fournissent quelques clés de compréhension des résultats. La « Liste d’Union des Indépendants, des paysans et des Républicains nationaux » comprend cinq candidats qui deviendront au fil des mois les grands animateurs de la tendance. Elle se présente ainsi : Louis Delbez, professeur à la Faculté de droit ; Pierre Grasset-Morel, ingénieur agronome ; Gaston Coste, viticulteur, directeur honoraire de l’enregistrement, maire de Saint-Pons-de-Mauchiens ; Louis Barthes, ingénieur, viticulteur ; François Delmas, avocat, conseiller municipal de Montpellier.

  • 23 Dans une note d’informations des RG du 12 juin 1951, on peut lire : « Les milieux d’Action françai (...)
  • 24 Ibidem.
  • 25 Note d’information des RG du 27 septembre 1951. ADH 338 W 60.
  • 26 Il s’agit du canton de Roujan (avec l’avocat Robert Divol) et celui de Gignac (avec encore un repr (...)

8Avec 29 989 voix, seule la tête de liste accède au Parlement. Elle y rejoint Jules Moch, Léon Jean, Madeleine Laissac (SFIO), Vincent Badie (RGR), Paul Coste-Floret (MRP). Le nouvel entrant a réalisé une campagne qualifiée de « discrète et effacée mais néanmoins habile. Ce qui lui a permis, à la faveur de contacts personnels, de se faire connaître rapidement ». L’observateur autorisé, auquel nous empruntons l’analyse, déclare que « les Indépendants ont cristallisé les voix de la droite classique et monarchiste23. Ils ont particulièrement mordu sur le RPF et le MRP, dont ils recherchaient la clientèle. Selon leur propre expression, ils sont des “hommes nouveaux” et ce seul fait explique qu’ils aient été un pôle d’attraction certain »24. Ces quelques indications permettent d’entrevoir que les mécanismes partisans compliqués régissant la Quatrième République ont pris le dessus sur les considérations qui pouvaient prévaloir à la Libération. La fièvre anticommuniste et le rôle moteur de Jules Moch durant les répressions de 1947 bousculent les alliances classiques. L’atmosphère électrique de l’époque ouvre des possibilités dans lesquelles s’engouffrent des individus brandissant l’étiquette commode de la « nouveauté », à l’instar de leurs aînés élus en novembre 1919. La légitimité électorale redonne du mordant. Début octobre 1951, les cantonales seront un autre test intéressant. Bien que rencontrant des difficultés pour « trouver des personnes susceptibles de les représenter honorablement »25 dans toutes les circonscriptions, ils se positionnent dans trois secteurs : François Delmas concourt dans le premier canton de Montpellier, Gaston Coste à Montagnac et Maître Pierre Guignes à Béziers. Deux autres cantons ont fait l’objet d’une négociation avec le MRP26. Ailleurs, ils appellent à voter pour les candidats « anti-PCF et défenseurs de l’école libre ». Les résultats sont encourageants même s’il n’y a qu’un élu : François Delmas. Il reprend le siège occupé pendant des décennies par Louis Guibal et ne quittera plus l’assemblée départementale jusqu’aux années 1980.

  • 27 Parmi toutes les personnalités Indépendantes, notons qu’une autre joue un rôle majeur en obtenant (...)
  • 28 En 1965, Pierre Jourda le doyen de la Faculté de lettres qui l’accueille au sein de l’Académie des (...)

9L’année 1951 constitue un tournant pour les Indépendants et paysans. Louis Delbez et François Delmas, les deux principales personnalités de la mouvance « traditionniste » des années d’après-guerre27, obtiennent un premier mandat électoral leur permettant d’acquérir une réelle envergure. Le nouveau député doit composer avec François Delmas, qui se concentre sur l’essaimage, pour construire l’ossature languedocienne des Indépendant. Très rapidement, les relations entre les deux notables se tendent. Les affaires coloniales sont le prétexte fréquemment invoqué pour expliquer le vent de la désunion. En réalité, la question du leadership est le motif essentiel de la querelle. Nous ne nous étendrons pas ici sur ces différents épisodes qui laisseront des traces profondes dans l’espace local. Elle aboutira à la mise en place d’une structure dissidente dirigée par le futur maire de Montpellier. Un regard rapide sur le parcours des deux protagonistes fait ressortir des conceptions diamétralement opposées du « métier » politique. Les « jeux byzantins »28 n’auraient jamais été appréciés par Louis Delbez. Aux joutes électorales, il préfère la réflexion doctrinale. Tandis que le jeune conseiller général débute en 1951 une activité professionnelle qui s’inscrit dans la durée. Déjouant bien des pièges, François Delmas se révèle être un fin politicien. Même s’il refuse l’appartenance à une catégorie jugée « infamante ».

  • 29 En 1965, Pierre Jourda emploie cette expression pour expliquer son rapport à la vigne : « Vous ave (...)
  • 30 Il intervient malgré tout plusieurs fois sur le sujet devant ses collègues députés. Ce type de pos (...)
  • 31 Il est né en 1895 à Montpellier. Son père fut docteur en droit et avocat. Il aura une activité pol (...)
  • 32 Nous reprenons ici les informations fournies par l’auteur de son éloge devant les membres de l’Aca (...)
  • 33 Nous avons déjà souligné le rôle de Marcel Blanchard et de Jean Guibal. Pour un aperçu de l’influe (...)
  • 34 Il signe notamment un Manuel de droit international public (Librairie générale de droit et de juri (...)
  • 35 Par la suite, il siègera quelques années seulement au conseil municipal de Montpellier. Le maire é (...)
  • 36 Gilles Richard, Le Centre national des indépendants et paysans de 1948 à 1962..., op. cit., p. 317
  • 37 Ibidem.
  • 38 Par exemple, en décembre 1954 lors du premier congrès des Indépendants et paysans, Louis Delbez in (...)

10Comme beaucoup de candidats aux postes électifs dans le « plus grand vignoble du monde », Louis Delbez se doit d’insister sur sa connaissance du secteur qu’il appréhende malgré tout comme un « violon d’Ingres »29, quand il se rend dans sa propriété à Thézan-les-Béziers. Bien que se parant, à la veille du scrutin de 1951, du titre de « Directeur du centre d’études viticoles de l’Université de Montpellier », il ne cherche pas à bâtir son entreprise en devenant le porte-parole des viticulteurs30. D’origines héraultaises31, il suit une solide formation supérieure dans les différentes Facultés montpelliéraines. Longtemps hésitant sur sa voie professionnelle, le futur élu reçoit l’influence de trois aiguillons intellectuels32, imprégnés par les valeurs chères à Mgr de Cabrières. Au sortir de la Grande Guerre, où il avait été mobilisé, Louis Delbez découvre grâce à Marcel Blanchard les subtilités des traités et des conventions diplomatiques. Auguste Fliche, doyen de la Faculté des lettres, l’initie à l’histoire de la chrétienté, et Jean Guibal le dirige lors de son court passage au barreau33. Resté très proche de ses trois « maîtres », il penche pour la voie professorale et perpétue durant la seconde partie du siècle leur lecture de l’Histoire et leurs convictions politiques. Spécialiste du droit international et de l’histoire des idées, Louis Delbez entame sa carrière à Toulouse, la poursuit à Aix-en-Provence avant de revenir à Montpellier en 1936. Il devient un auteur fécond34 et se fait remarquer au sein de son mouvement politique alors qu’il n’occupe un fauteuil électif majeur que pendant cinq années35. Peu de temps après son arrivée au Palais-Bourbon, il se rapproche d’Antoine Pinay et de Roger Duchet pour appartenir à « une sorte de conseil politique informel »36, formé d’une dizaine d’autres parlementaires, consulté pour définir les grandes orientations du CNIP. Dans ce groupe, l’universitaire « prétend au rôle de théoricien politique »37. On le voit publier des articles dans France indépendante, la vitrine de l’organisation, et il ne manque jamais l’occasion de s’exprimer sur sa thématique favorite lors des congrès : « la défense de l’Occident chrétien »38.

  • 39 Voir l’entretien accordé à Pierre Bosc, Les notables en questions ou des hommes pour la région, Mo (...)
  • 40 Il s’agit de celui de La Paillade, comprenant essentiellement un quartier construit pour accueilli (...)
  • 41 Il accueille à Montpellier Jacques Soustelle et participe à diverses réunions du Regroupement nati (...)
  • 42 Dans l’Hérault, les poujadistes obtiennent des résultats élevés et un élu : Mathieu Theule (ex-PSF (...)
  • 43 Cet éclairage sur la trajectoire de François Delmas a été réalisé à partir de plusieurs rapports ( (...)

11La carrière de François Delmas, commencée en 1936, prend une autre tournure dès le retour de la République. À la différence de Louis Delbez, il s’intéresse aux finesses du jeu politique. Celui qui se présentera sans cesse sous l’étiquette « apolitique »39 a milité pourtant dans les rangs des Volontaires nationaux, au sein du Parti social français, pris des responsabilités dans la Légion française des combattants, rallié le Rassemblement des gauches républicaines, en dirigeant l’aile des « réconciliateurs », rejoint le CNIP avant de rentrer en dissidence en créant le Cercle des Indépendants et des républicains nationaux pour contrecarrer les ambitions de Louis Delbez. Cette énumération ne couvre que les vingt premières années d’une vie publique qui ne prendra fin que dans les années 1980. Elle n’insiste pas sur les négociations inhérentes à toute conquête électorale ou sur la variété des soutiens qui lui ont permis de faire fructifier ses positions. Or, l’intéressé commence par siéger au conseil municipal de Montpellier, géré dès 1947 majoritairement par des radicaux, en devient le premier adjoint, puis le maire en 1959 en succédant à Jean Zucarrelli. Réélu jusqu’en 1977, il occupe en parallèle le fauteuil de conseiller général du premier canton (1951-1973) avant de conquérir les suffrages du neuvième40. Durant ce laps de temps, l’édile se montre un propagandiste actif en faveur du retour du général de Gaulle, puis s’oppose à sa politique « d’abandon de l’Algérie »41. Entièrement mobilisé par le gouvernement d’une cité qui passe en deux décennies de 90 000 à 180 000 habitants, il délaisse les ambitions parlementaires caressées vainement en 1956 dans un scrutin marqué par l’irruption de l’Union de défense des commerçants et des artisans42. Il faudra attendre 1978 pour le voir siéger à l’Assemblée nationale. L’ancien édile ne s’y attarde guère puisque Valéry Giscard d’Estaing lui propose le ministère de l’Environnement43.

  • 44 L’expression d’ »  apolitisme tactique » est bien développée par Laurent Sauzay qui évoque le succ (...)
  • 45 Sur certains aspects, elle rappelle celle d’André Morice à Nantes. Voir Franck Liaigre, L’étrange (...)
  • 46 Les deux autres frères de François Delmas perpétuent la tradition familiale. René Delmas, dont l’e (...)

12L’apolitisme revendiqué rentre dans le cadre d’une « tactique »44 très répandue chez les « grands maires » de l’époque. Elle s’apparente davantage à un voile brandi pour protéger une stratégie politique aux contours très proche de celle d’Henri de Rodez-Bénavent. Rallié au maréchal Pétain, il salue la Révolution nationale sans sombrer à l’instar de son père dans le culte de la Collaboration. L’épuration, qui touche le médecin, porte peu préjudice à l’avocat actif lors des nombreux procès de la Libération. Dans l’atmosphère si particulière de l’époque, il met en avant une capacité de transfiguration impressionnante45. Cet héritier d’une dynastie de professeurs de médecine46 s’adapte aux exigences de son temps pour exister sur le plan électoral, sans renier des convictions solidement ancrées depuis son engagement au côté du colonel de La Rocque. Le relevé de quelques-unes de ses prises de position le confirme. S’il dispute à Louis Delbez sa prééminence sur les Indépendants et paysans, il ne s’en différencie guère au regard de sa perception de l’évolution sociétale.

  • 47 Liberté, n°l, janvier 1952.

13Le bi-mensuel Liberté, dès janvier 1952, nous renseigne sur les objectifs tracés par les inspirateurs du CNIP. Sur le plan général, les éditorialistes invités à s’exprimer cherchent à convaincre le lectorat des entorses multiples faites à la liberté depuis la fin du conflit. Cette idée centrale est ainsi développée dans le premier exemplaire proposé aux abonnés : « Depuis sept ans, la France est livrée à des théoriciens du collectivisme qui, à la faveur de la période révolutionnaire de la Libération, ont envahi, non seulement le Parlement, mais encore et surtout les postes importants des ministères. Sous leur influence, s’est constitué à coups d’ordonnances, de lois, de décrets, de circulaires, un socialisme d’État dont à l’expérience nous pouvons maintenant mesurer les effets (...) »47. On le voit « l’ennemi » est bien spécifié. La croisade contre les « rouges », atténuée depuis la disparition du régime de Vichy, redouble de vigueur. Elle reprend une antienne répandue depuis la révolution bolchevique dans de nombreuses couches de la société.

  • 48 Ibidem.

14Une autre cible est aisément désignée : le « politicien ». Le régime parlementaire, secoué par des crises fréquentes, serait « à nouveau » aux mains d’une espèce particulière d’homme public ayant décidé de faire de la politique une profession. Ce « travers » serait à l’origine des convulsions récurrentes qui nuisent à l’efficacité politique. Comme durant l’entre-deux-guerres, les représentants d’une droite extrême s’en prennent à la modernité politique. Le renforcement de la démocratie, avec l’irruption des masses et le repli progressif d’une partie du personnel notabiliaire écarté des postes de responsabilité élective, est analysé comme une erreur à corriger. François Delmas, avec le titre de « secrétaire politique » brosse le portait de l’élu Indépendant-type qu’il veut promouvoir, dans une chronique où il détaille comment « la marche en avant doit se poursuivre ». S’agissant des relais, au contact quotidien des populations, le nouveau conseiller général écrit : « Nous sommes pour une “politique de qualité” c’est-à-dire que, sur le plan électoral et plus particulièrement municipal, nous estimons qu’il doit être fait appel aux “notables”, appartenant tout autant d’ailleurs, au monde du travail qu’à celui de l’enseignement, des professions libérales, du commerce, de la paysannerie. C’est ainsi, plutôt qu’en faisant appel à ceux qui pratiquent la politique comme un métier ou comme un jeu, que nous pourrons aider à la formation d’élites qui doivent jouer un rôle déterminant dans cette cellule essentielle qu’est la commune »48.

  • 49 Max Weber, Le savant et le politique, op. cit., p. 141.
  • 50 Le maréchal Pétain déclare, pour justifier son refus de poursuivre la guerre et de quitter le sol (...)
  • 51 Ibidem.
  • 52 Par exemple, quelques mois après l’article de François Delmas, Jacques Giret plaide dans une tribu (...)

15La traditionnelle et rassurante distinction entre « l’élu de qualité » (le notable) et celui de « mauvaise qualité » (le politicien) refait surface. Il ne définit pas clairement qui se cache derrière le vocable, mais des allusions offrent la possibilité de désigner les mandataires des partis de masse en plein essor depuis la restauration de la liberté politique. Dans le redéploiement général, les nostalgiques de Vichy refusent un style politique permis par la brèche ouverte en 1789. Très lentement, la stabilisation du régime républicain qui va de pair avec l’apprentissage du suffrage universel oblige un surcroît d’encadrement des populations. Comme l’écrit Max Weber, les partis modernes sont des « enfants de la démocratie »49. Les Indépendants ne veulent pas s’inscrire dans cet héritage et clament leur appartenance à un mode de domination basé sur le recours aux protecteurs « naturels » de la collectivité. François Delmas reprend ici un des premiers vœux formulés par le maréchal Pétain. En juin 1940, dans une note lue en Conseil des ministres à Cangé où l’essentiel de la « philosophie » du régime y fut annoncée50, il annonçait son intention de faire appel à ce large éventail d’individus qui partage le « goût du rang et une certaine condescendance –parfois un certain mépris- pour le peuple considéré comme mineur, sans lumières ni raison, livré à ses seuls instincts, irresponsable, et qui doit donc, pour cela, être protégé autant contre lui-même que contre ses ennemis »51. Dans ces conditions, le comportement militant ne sera guère encouragé. L’inorganisation revendiquée (il n’y a pas de cotisations, ni de cartes d’adhérents) doit éviter de transformer la structure en une bureaucratie partisane tenue par des professionnels de la politique, jugés responsables de tous les maux du xxe siècle. Il s’agit d’une prise de position idéologique et tactique dans l’espoir de toucher les populations historiquement réticentes envers le « jeu politicien ». Dans les faits, les Indépendants et paysans ne peuvent pas échapper à la structuration pour accroître leur mainmise territoriale. Plusieurs cadres s’expriment dans ce sens dans le bulletin réservé aux sympathisants méridionaux. Ils en appellent à « une initiation à la vie politique », en regrettant certains atermoiements constatés au départ52.

  • 53 Liberté, n°2, 31 janvier 1952.
  • 54 « La Troisième République s’était gardée d’une telle erreur. Elle ne voulait pas connaître les par (...)
  • 55 Ibidem.

16La charge se poursuit dans la deuxième livraison de Liberté. Après une critique en règle du « nouveau personnel politique », Louis Delbez prend la parole pour s’exprimer sur un support démocratique majeur : le parti. Un véritable « régime des partis », c’est le titre de sa contribution, porterait un grave préjudice à l’ordre parlementaire. Pointant les disfonctionnements du système constitutionnel, le député remet en cause l’existence même des partis politiques. « La politique du pays est à la merci d’une décision prise par le "Congrès national" d’un parti, décision souvent inspirée par des militants de base, passionnés, incompétents, en tous les cas irresponsables »53. Regrettant les temps où les organisations n’existaient pas, tout en minorant leur rôle sous la Troisième république54, il remarque que « le changement complet de décor se situe en 1945. Alors, explique-t-il, les partis fortement organisés –PC, SFIO, MRP- se partagent l’État et transforment profondément la vie parlementaire. Les décisions se prennent dorénavant en catimini, en réunion de groupe, et le groupe est lui-même aux ordres du parti »55.

17Un mois après ses propos alarmistes, le seul parlementaire « modéré » du département reprend la plume pour s’attaquer au troisième niveau de l’édifice : « l’État moderne » et ses satellites :

  • 56 Liberté, n°4, 29 février 1952.

« L’État moderne par sa forme même représente un danger pour la liberté humaine. L’évolution contemporaine, si elle accroît le niveau de vie, tend aussi fatalement à restreindre la sphère de la souveraineté de l’individu. Celui-ci voit sa liberté menacée dans l’ordre spirituel d’abord, dans l’ordre économique et social ensuite. Dans l’ordre spirituel, la menace tient aux facteurs les plus divers. La presse, la radio-diffusion, le cinéma, de plus en plus indiscrets, pèsent de plus en plus sur l’opinion. L’enfant échappe à l’influence de ses parents et s’en laisse imposer par l’avis du speaker ou du cinéaste. L’orientation professionnelle et l’organisation des loisirs et des sports exercent une emprise sans cesse croissante sur la vie de tous. La promenade solitaire de Jean-Jacques est bien démodée. On ne connaît plus que les voyages collectifs (...). La liberté individuelle n’est pas moins menacée par le droit de grève qui a subi depuis quelques années une extension considérable (...) »56.

  • 57 Liberté, n°46, avril 1954.
  • 58 Liberté, n°47, 30 avril 1954.

18La complainte du parlementaire rappelle les propos des « traditionnistes », de la fin du xixe siècle ou des années 1930, criant à la désolation morale. L’accroissement des moyens de communication et de loisirs est stigmatisé. Le poids de la cellule familiale dans l’éducation des enfants souffrirait en priorité de ce qui apparaît comme des formes de déviance. Le souvenir du Front populaire délivrant davantage de libertés individuelles et sociales dans une civilisation soumise aux progrès scientifiques le répugne. Une rubrique spéciale voit le jour dans le journal des Indépendants. Elle s’appelle : « Défense de la jeunesse ». Un surcroît de censure est exigé par les auteurs des articles. On peut par exemple y lire : « Nos cinémas montrent aux enfants des amours équivoques, des crimes, des vols, des chantages. Ne vous étonnez plus qu’ils mettent en pratique ces exemples tentateurs. Pouvez-vous supporter que des gens, qui se croient honorables, retranchés derrière leurs sociétés anonymes, continuent, pour accroître leurs millions à pervertir et empoisonner la France toute entière ? La censure a parfois du bon, et nous l’aimerions plus sévère »57. Le « Cartel d’action morale », dont le siège se situe à Béziers, exhorte les pouvoirs publics à réagir. Il fait campagne contre le film Le blé en herbe, exige que la police contrôle davantage les « librairies qui proposent ouvertement, les étalant sans vergogne, des ouvrages licencieux ou criminels aux adolescents et jeunes gens »58... Liberté véhicule régulièrement ce type de discours.

  • 59 Liberté, n°47, 30 avril 1954.
  • 60 Liberté, n°34, 15 octobre 1953.

19Louis Delbez et ses partenaires s’offusquent devant le tour pris par l’époque contemporaine. Le pouvoir défini comme « exorbitant » des politiciens, des partis politiques et de l’État ne serait que le fruit de « la tragédie de la Libération »59. Devant les militants du Sud de la France réunis à Marseille en octobre 1953, à l’occasion d’une « journée d’études », le député de l’Hérault présente le socle idéologique sur lequel il convient d’édifier la jeune formation politique. Il repose sur trois piliers : « Nous sommes des libéraux. Nous croyons que la liberté est inséparable de la dignité de la personne humaine et qu’elle est seule compatible avec le libre-arbitre et la responsabilité (...). Nous sommes aussi des traditionalistes. Nous pensons que pour organiser la France actuelle, il faut tenir compte de l’énorme capital de gloire, de force, de vertu, de spiritualité de la France d’hier. Nous ne voulons pas bâtir sur le mépris du passé, mais au contraire utiliser au mieux l’héritage moral et intellectuel qui nous a été légué : foi religieuse, amour du sol natal, culte du travail, orgueil du nom français. Ce culte des vertus ancestrales, nous tenons qu’il est parfaitement conciliable avec le progrès social et nous pensons même que le progrès social est irréalisable sans lui. C’est dans la concorde et dans la paix qu’il est possible d’améliorer la condition humaine. La lutte des classes n’a jamais engendré qu’injustice et désordre. Nous la réprouvons comme le plus grand des maux. C’est la collaboration fraternelle des classes qui seule est capable de chasser la misère et de procurer aux classes laborieuses la promotion sociale qu’elles désirent si légitimement. Nous sommes enfin des réalistes, c’est-à-dire le contraire des doctrinaires et des théoriciens (...). On trouve chez nous des hommes de toute origine, de toute tendance et de toute confession (...) »60. Bien que prenant soin d’encadrer le respect de la « tradition » par une ode à la liberté et au réalisme, il cherche à réinsérer dans la discussion un courant célébré par le pouvoir pétainiste et les derniers admirateurs de « l’ordre ancien ». Dans ce patient travail en vue de reconquérir les « cerveaux », Louis Delbez excelle. Il multiplie les déplacements et les tribunes dans les journaux afin de propager une ligne directrice permettant de donner à la pensée « réactionnaire » un nouveau crédit.

20L’effondrement du régime né en 1946, le retour du général de Gaulle, les conflits autour de l’Algérie française, le poids de l’URSS et ses écarts de conduites internationaux, offrent au conservatisme le plus intransigeant des perspectives que certains croyaient révolues. Longtemps écarté du débat public, le terme même de « droite » refait surface. L’évolution réjouit profondément l’universitaire montpelliérain. En 1962, alors qu’il est en retrait de la vie électorale de premier plan, Louis Delbez laisse libre cours à sa plume pour présenter une catégorie dans laquelle il affirme s’inscrire pleinement : celle de « L’homme de droite ». Tel est en effet l’intitulé donné à l’article publié par Liberté.

  • 61 Liberté, n°199, 28 juin 1962.

« Le subtil philosophe Gabriel Marcel s’est attaché dans une interview donnée à la revue Arts à cerner la psychologie de ce qu’on appelle “l’homme de droite”. Je me suis reconnu sans surprise et avec un plaisir infini dans ce personnage bizarre, tant décrié et qui ose ne pas penser comme la majorité de ses contemporains. L’homme de droite se définit d’abord par son attitude à l’égard du passé. Il le connaît, le cultive et le traite avec respect, alors que l’homme de gauche le regarde avec désinvolture et a tendance à le condamner en bloc. L’homme de droite juge le passé avec discernement, en élimine les parties mortes, mais en conserve les éléments permanents et utiles. Il ne pratique pas un conservatisme total et béat, mais un traditionalisme sélectif (...). En second lieu, l’homme de droite a une conception originale de la personne humaine, considérée non pas comme une unité arithmétique mais comme dotée d’une certaine qualité qui varie d’un individu à l’autre. L’égalité absolue, telle qu’elle est réalisée dans le suffrage universel, lui apparaît comme contraire à la nature et au bon sens. Elle conduit à dégager non pas les meilleurs, mais les plus habiles ou les plus forts. Or, ce n’est pas à eux, mais à une élite, élite de la pensée et de la moralité, qu’il faut confier le pouvoir, si on veut vraiment le bonheur du peuple. L’homme de droite est en troisième lieu un réaliste qui ne se paie pas de mots, mais scrute la réalité qu’ils recouvrent. L’homme de gauche a un credo irraisonné et il suffit de prononcer devant lui certains mots pour qu’il prenne feu et flamme. L’homme de droite réfléchit et critique (...). En quatrième lieu, l’homme de droite ne partage pas les illusions des marxistes, pour qui une révolution violente et une dictature totalitaire doivent assurer le bonheur des hommes, lequel tient uniquement à la satisfaction des besoins matériels. L’homme de droite est persuadé de la vertu des évolutions lentes et pense qu’il n’est pas souhaitable, ni d’ailleurs possible, de brûler les étapes. Il pense que ce serait payer bien cher la prospérité matérielle que de la payer au prix de la liberté. Je pense également que l’idéal humain ne se réduit pas à la poursuite des fins matérielles et comporte des éléments spirituels et moraux (...). Soyons fiers d’appartenir à cette droite, qui n’est “la plus bête du monde” que dans la bouche de Guy Mollet »61.

21Tous les nostalgiques du « Midi blanc » se sont reconnus dans le portrait proposé. Le théoricien politique des Indépendants et paysans ne mâche pas ses mots. Il parachève ici une entreprise de légitimation d’une droite « traditionniste » assoupie, en plaidant publiquement pour une remise en cause du suffrage universel. Derrière cette reconsidération pointe la réhabilitation de la dernière entreprise « révolutionnaire » ayant mis en acte la suppression de « l’égalité absolue » : le régime de Vichy. La Révolution nationale, dans le tri historique qu’il prétend réaliser « avec discernement », mérite un intérêt soutenu. Les cadres des Indépendant et paysans interviennent très rapidement pour gommer l’image négative de Pétain livrée aux citoyens par ses plus irréductibles adversaires. Ils s’efforcent d’atténuer son rôle dans le processus de Collaboration et de le dédouaner des excès qui caractérisent l’époque.

« L’utilité » du régime de Vichy

  • 62 Liberté, n°5, 15 mars 1952.
  • 63 Liberté, n°7, 15 avril 1952.
  • 64 Henry Rousso, Vichy. L’événement, la mémoire, l’histoire, Paris, Gallimard, 2001, p. 351 ; Le synd (...)
  • 65 Raoul Girardet, Mythes et mythologies politiques, Paris, Seuil, 1986.
  • 66 Henry Rousso, ibidem.

22En mars 1952, Liberté ouvre longuement ses colonnes à Jacques Isorni, l’avocat de Pétain. Il ne cache pas sa satisfaction. Après plusieurs mois de mobilisation, il considère que l’amnistie politique lui paraît en bonne voie grâce à la compréhension du ministre de la Justice en place et du président du Conseil, en l’occurrence Antoine Pinay, qui prônent « l’apaisement ». Si « les choses commencent à changer » pour le défenseur du « héros de Verdun », il convient d’aller plus loin. « Nous pensons, écrit-il, que le gouvernement de Vichy a été salutaire et, en définitive, bienfaisant. Il faudra bien que cela soit reconnu un jour »62. Les Indépendants et paysans héraultais partagent cette optique. Le mois suivant, dans un éditorial signé Liberté, les rédacteurs répondent à un article paru dans le Combat socialiste les accusant de propager une doctrine de « conservateurs sociaux, de cléricaux et de vichystes ». Raillant le procédé qui consiste à brandir des « mots qui veulent être “méchants” », ils refusent de « décrocher des panoplies de vieilles luttes électorales », en admettant que les termes employés « sont loin de nous blesser »63. Ces citations indiquent que « la permanence en France d’un système de valeurs traditionalistes »64 se réclamant du pétainisme et de la Révolution nationale ne peut se comprendre qu’en considérant le travail de construction du « mythe Pétain »65. Ainsi que nous l’avons signalé, dès 1951, l’Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain contribue à fortifier la légende dorée du « sauveur de la France » en profitant du brouillard qui entoure un passé très présent dans les positionnements politiques du début de la Quatrième République. Elle s’inscrit dans le sillage d’une presse qui insiste pour revenir sur les circonstances de la défaite et de l’Occupation. Elle rode des « arguments révisionnistes » en inversant les responsabilités dans le déclenchement de la guerre civile, en mettant en valeur le « réalisme politique » des dirigeants et leur pacifisme pour justifier la Collaboration. Ainsi, on facilite la tâche aux franges engagées dans les querelles partisanes qui dénoncent l’épuration66.

  • 67 Ibidem.
  • 68 Dans le numéro 24 (octobre 1943) de Vivre ! Organe de liaison de la Légion Française des Combattan (...)

23Liberté s’inscrit entièrement dans cette opération de « distorsion de l’Histoire »67. Sur ces questions, Louis Delbez se révèle un habile « historien ». Comme nous l’avons relevé précédemment, « l’homme de droite » affirme porter un intérêt naturel au passé, sachant avec « discernement » supprimer les « parties mortes » et conserver les « éléments utiles ». Quand on observe l’expérience politique conduite pendant la Seconde Guerre mondiale, il est manifeste que pour cette figure des Indépendants et paysans son « utilité » ne fait aucun doute. Celui qui a joué un rôle méconnu dans l’événement, sur lequel il ne s’étend guère68, commence la phase de réécriture en stigmatisant « l’esprit de revendication », caractéristique de la période du Front populaire. La reprise des termes employés par le vainqueur de la bataille de Verdun lors de son message à la nation lui permet d’expliquer l’effondrement de 1940. Dans une tribune diffusée par le journal héraultais, Louis Delbez nous donne sa version des événements :

  • 69 Liberté, n°44, 15 mars 1954.

« “L’esprit de revendication l’a emporté sur l’esprit de sacrifice”. La formule frappée en médaille, fournissait en quatre mots la clé du problème. Oui, la défaillance de 1940 n’avait pas d’autres explications. Depuis des années les Français avaient désappris le patriotisme, qui est à la base de dévouement et d’idéal, pour rechercher uniquement leur bien-être matériel et en exiger impérieusement de l’État la réalisation. Mis en face des dures réalités contre un adversaire impitoyable, ils n’avaient pas su, à part une poignée de héros, consentir à la patrie le suprême sacrifice. La leçon était dure. Elle aurait dû porter ses fruits. Les événements ne l’ont pas permis. Ils se sont déroulés de telle sorte que les responsables du désastre ont pu, quatre ans après, se présenter en sauveurs et occuper le pouvoir, alors que celui qui les avait prévenus, à une heure tragique, connaissait l’humiliation et l’opprobre (...) »69.

  • 70 Les zélateurs du Maréchal, le considérant comme « le Machiavel des temps modernes », celui qui a p (...)
  • 71 Liberté, n°88, 15 avril 1956
  • 72 « On ne saurait oublier qu’il est toujours sous le coup d’une condamnation infamante et que rien n (...)

24La première salve vise à présenter le maréchal comme un « bouclier », frappé par des accusations indignes durant la période de confusion qui suit l’arrêt des combats. Un article de 1956, aux accents très solennels, rédigé pour commémorer le centenaire de sa naissance, revient dans le détail sur le parcours « héroïque ». La démonstration, titrée « Révisions » !, reprend les grands clichés qui forgent une mythologie tenace70. L’entreprise implique de le placer au même niveau que les grandes gloires nationales : « L’histoire de notre pays, explique Louis Delbez, offre à notre admiration toute une série de héros dont la patrie peut justement s’enorgueillir, depuis Saint-Louis jusqu’à Napoléon en passant par Jeanne d’Arc et Louis XVI. Je crois que les historiens de l’avenir, débarrassés des œillères de la passion, y rangeront en bonne place Philippe Pétain, Maréchal de la France. Il est le héros type, le héros à l’état pur, à qui rien n’a manqué, depuis le gloire impérissable des armes jusqu’au martyr et à l’opprobre, depuis Verdun jusqu’à l’île d’Yeu. Il est peu d’hommes qui aient rendu au pays des services aussi éclatants. Il n’en est pas qui ait été si ignominieusement traité (...) »71. Elle se poursuit par un appel à la réhabilitation72 puis l’auteur revient sur les accusations visant le « héros » :

  • 73 Ibidem.

« On lui a d’abord reproché l’armistice du 20 juin 1940 et on s’est plu à y voir une trahison. Aujourd’hui, sur la foi même des gouvernants étrangers, Churchill ou Truman, on s’est persuadé qu’en réalité, l’armistice a servi la cause alliée, en préservant l’Empire, en empêchant l’Allemagne de s’emparer de la flotte, en préparant de loin les conditions du débarquement allié en Algérie. Que par ailleurs, il ait sauvé l’essentiel dans la Métropole et allégé les souffrances des Français dans des proportions incalculables, personne n’en a jamais douté. On a ensuite reproché au Maréchal d’avoir comploté contre la République et d’avoir tenté d’instaurer chez nous une dictature inspirée du nazisme. Devant la Haute Cour, l’accusation s’est effondrée d’elle-même. Il est évident que ce n’est pas lui qui a sollicité le pouvoir et qu’il ne l’a accepté, comme on accepte une croix, que parce qu’aucun des hommes politiques de l’époque n’en voulait »73.

25La démarche cherchant à l’absoudre de la moindre faute prend une autre connotation dans la dernière partie du texte. L’ancien parlementaire délaisse l’homme pour s’intéresser à sa pratique du pouvoir. Sur ce point également, elle n’engendre aucun regret puisque la Collaboration n’aurait été qu’une ruse :

  • 74 Ibidem.

« Il est non moins évident que le régime politique dont il rêvait et qu’il avait régulièrement mission d’élaborer, n’a rien de commun avec un régime autoritaire de type hitlérien. (...) On sait aujourd’hui comment il entendait la collaboration, uniquement destinée à atténuer les exigences de l’occupant et comment, dans le même temps qu’il “collaborait”, il négociait en sous main avec l’Angleterre. On sait à quel point les Allemands le redoutaient et voyaient en lui un de leurs principaux adversaires (...). Et les mêmes hommes, qui lui ont imputé cette prétendue collaboration sont ceux qui viennent de convier l’Allemagne à entrer sur un pied d’égalité dans la communauté atlantique et dans l’union européenne occidentale »74 !

  • 75 Jusqu’à la fin de sa vie, il n’en démord pas. Deux ans avant sa disparition, en conclusion de son (...)

26La thèse défendue par Louis Delbez75 ne souffre d’aucune contestation dans son propre camp. Bien au-delà, elle ne conduit pas à des critiques aigues dans les milieux de la droite et du centre. Même s’il n’existe pas une mémoire semblable de l’impact du conflit mondial dans l’Hexagone, le RPF, le MRP et la majorité des éléments radicaux prônent le silence pour mieux se concentrer sur les enjeux du moment. Ce choix facilite la pénétration au cœur de la société de ce récit légendaire. La croisade de Louis Delbez ne prend sa pleine signification que si l’on décrypte les conditions ayant permis les lois d’amnistie saluées par Jacques Isorni au début de notre propos. Elles lèvent un tabou. Après la « réparation des préjudices commis pendant l’épuration » et un effacement des fautes commises par des fidèles du régime, certains espèrent que la communauté nationale reconsidérera entièrement l’expérience politique en elle-même. Les rapprochements fugaces ou les alliances durables qui rythment la Quatrième République conditionnent la politique du pardon qu’incarnent les différentes lois d’amnistie votées entre 1947 et 1953.

  • 76 Stéphane Gacon, « L’oubli institutionnel », Autrement, n°144, 1994, p. 100.
  • 77 Stéphane Gacon résume bien les difficultés de ce type d’amnistie : « la question morale se pose po (...)
  • 78 Henry Rousso, Vichy. L’événement.... op. cit., p. 356 et s.

27Pour clore les guerres franco-françaises (de la Commune aux débats entourant les mutineries de la guerre de 1914-1918, par exemple), les assemblées du peuple ne se privent pas d’utiliser cette prérogative. L’acte politique que représente l’amnistie a un effet radical : « on oublie tout, rien ne s’est passé »76. L’événement est éliminé, les poursuites en cours s’arrêtent, les condamnés retrouvent la liberté et leur virginité. La voie de l’apaisement offerte au corps social par le processus juridique n’éteint pas définitivement les débats. L’histoire regorge d’exemple où le ressentiment enfoui ressurgit, surtout quand les délits visés ne sont pas mineurs mais concernent des crimes77. Concernant l’Occupation, deux ans après le commencement des discussions parlementaires, les mouvements conservateurs formés à partir d’un engagement militant dans la clandestinité se rallient aux vues des éléments les plus réactionnaires. Le contexte international et la polarisation de la donne politique interne autour de la « troisième force » font basculer le MRP et les gaullistes. Le clivage traditionnel entre la droite et la gauche, battu en brèche par les architectes de la régénération partisane issus de la Résistance, refait surface. Ce revirement, ainsi que le travail souterrain des réseaux pétainistes, montre que si la droite connaît une indéniable « démonétisation », pour reprendre un terme d’André Siegfried, son influence n’a pas été complètement « brisée par la guerre »78. Les campagnes en faveur de l’oubli officiel vont recevoir l’appui d’une grande partie des autorités éminentes de la Résistance, notamment Pierre-Henri Teitgen et François de Menthon, dont les noms demeurent par ailleurs associés à l’épuration légale.

  • 79 Pour mieux cerner les arcanes de celui-ci, voir Vincent Badie, « Vive la République ». Entretiens (...)
  • 80 Il est maire de Paulhan, une petite commune de l’arrondissement de Lodève, en 1937 puis de 1945 à (...)
  • 81 Ibidem.
  • 82 Les surprises liées à ses prises de position se poursuivront après la fin de sa carrière politique (...)

28Dans notre département, Vincent Badie, une des figures emblématiques de l’opposition aux nazis, s’engage très tôt en faveur du pardon. Nous avons déjà abordé le courage de cet élu radical durant la journée du 10 juillet 1940 qui abat la République. Son long parcours qui le conduit à occuper la plupart des charges publiques est difficilement résumable car il incarne toute la complexité de la famille radicale79. Maire, conseiller général, député, ministre, il intervient à tous les échelons du pouvoir80 en prenant des positions pouvant parfois désarçonnés les meilleurs observateurs du sérail politique. Lors de sa première victoire à la députation en 1936, il est soutenu par un parti inséré dans la coalition du Front populaire tout en battant au second tour son représentant officiel. Opposé au second cabinet Blum, il réprouve « une politique générale trop exclusivement favorable aux ouvriers », ce qui lui vaut d’être habituellement classé parmi la fraction conservatrice au sein des radicaux. Un an plus tard, il surprend encore en intervenant pour valider l’élection d’un député communiste gardois... En 1938, il penche en faveur de Pierre Cot, nettement à la gauche de son mouvement, souhaitant accorder un appui militaire matériel à la République espagnole. Pourtant, en février 1939, le parlementaire languedocien, de retour d’un voyage dans ce pays, publie des articles « très durs » contre les résistants aux franquistes81. Ces quelques exemples tirés de son engagement au cœur des affaires de la cité dans les semaines qui suivent sa découverte du Palais-Bourbon suffisent à situer les ambivalences du personnage. Arrêté en 1943 par la Gestapo qui l’accuse « d’être le chef spirituel de la Résistance en Languedoc », interné à Dachau, il apprend au moment de sa libération que le général de Gaulle l’a désigné à l’Assemblée consultative. Durant la seconde phase de sa carrière, il continue de surprendre82.

  • 83 Il s’exprime ainsi : « Mon opinion sur ces hommes aujourd’hui comme durant les années sombres est (...)
  • 84 Ibidem.
  • 85 Le début de la conclusion résume l’objectif des auteurs : « Dans les pages qui précèdent nous nous (...)

29Diamétralement opposé aux vues tracées par Pétain et ses soutiens83, l’homme qui a osé dire « non », affiche sa « déception » par rapport au déroulement de l’épuration. Dans l’entretien accordé à Jean Sagnes, près de quarante ans après les faits, Vincent Badie revient sur cet épisode : « Je suis navré de constater que certains de ceux qui prétendaient être qualifiés pour faire œuvre de justice se comportent comme des individus sans scrupules animés par des mobiles personnels et commettant quelquefois des erreurs irréparables. Je vois aussi l’inégalité des peines appliquées aux collaborateurs vrais ou supposés. S’il convenait à mon avis d’être impitoyable à l’égard des traîtres et des délateurs, il fallait à tout prix éviter les injustices et recourir dans certains cas précis au bénéfice de l’oubli pour des motifs d’unité nationale. C’est pourquoi je suis intervenu plus tard dans les débats sur l’amnistie, animé par cet état d’esprit »84. À la Chambre des députés, où il siège de manière continue sous la Quatrième République, les débats sur ces questions le motivent au premier chef. Ne se contentant pas de pérorer, le juriste signe avec un de ses collègues un opuscule d’une centaine de pages : L’amnistie. La loi du 16 août 194785. S’efforçant d’exposer les mesures à un public moins averti, il entend justifier une démarche s’inscrivant dans « la tradition qui s’est toujours affirmée au lendemain des événements de la vie nationale ». La maxime écrite sur la couverture situe la philosophie des auteurs sur cet objet épineux : « Tout pardonner est une erreur. Rien pardonner est une faute ». Dans un premier chapitre consacré à « l’amnistie en général », les deux parlementaires se plongent dans le passé pour apporter des arguments aux défenseurs de cette manière de gérer les passions publiques. Le projet gouvernemental, amendé par les représentants du peuple, retient leur intérêt dans l’autre partie de l’ouvrage. Il va dans le bon sens selon leurs dires. Néanmoins dans l’introduction, Vincent Badie émet quelques réserves concernant le point de vue gouvernemental sur les infractions économiques. Il aurait aimé que les « modestes commerçants » soient placés sur le même plan que les « gros trafiquants ». Enfin, face au sujet le plus délicat, celui qui fait partie des « 80 » émet un avis très tranché :

  • 86 Ibidem.

« La majorité également s’est refusée d’appliquer l’amnistie aux faits de collaboration. Il aurait pu y avoir dans ce domaine un effort d’apaisement qui n’eut en rien compromis le principe même d’une nécessaire répression. Tout le monde aurait été d’accord pour soustraire au bénéfice de la loi les dénonciateurs et les collaborateurs de la Gestapo. Mais trois ans après la Libération, on pouvait s’attendre à une mesure de clémence à l’égard de ceux qui ont pu être quelquefois plus encore les victimes d’une justice soumise aux passions politiques que d’une justice impartiale et sereine. Peut-on mettre au même rang les erreurs politiques et les crimes de trahison ? En écrivant ainsi, ce n’est pas que nous cédions à je ne sais qu’elle sensiblerie, mais chacun de nous dissimule un partisan qu’il doit s’efforcer de vaincre s’il veut rester fidèle à l’idéal de justice »86.

  • 87 Jacques-Augustin Bailly, La libération confisquée..., op. cit.
  • 88 80 000 exemplaires étaient vendus tous les jours dans les premiers temps. Étant devenu l’organe of (...)
  • 89 Vincent Badie aura, durant sa carrière politique, différentes responsabilités dans les milieux de (...)

30Le député radical milite pour une application plus large du principe de l’amnistie. Les années suivantes, la multiplication des joutes verbales sur ce thème aboutit à des décisions confortant une position assez proche de celle de Louis Delbez. Les tractations électorales favorisent les contacts entre deux itinéraires et deux familles politiques que l’histoire récente paraissait avoir inéluctablement éloigné. L’expérience du Rassemblement des gauches républicaines constitue un premier lien, solidifié par la campagne commune conduite en 1951. La naissance de L’Éclaireur Méridional nous en apporte un signe supplémentaire. Sans entrer longuement dans les déchirements politiques qui ponctuent une période marquée par la renaissance d’une presse libre, il faut néanmoins noter que les enjeux liés au contrôle de l’information laissent des marques profondes87. Le journal Midi Libre fondé en 1944 par des anciens membres du Mouvement de Libération nationale, dominé par la SFIO, prend le dessus très rapidement sur l’autre titre, créé dans des conditions identiques par les communistes et disparu en 1953 : La Voix de la Patrie. Stalinien jusque dans ses pages sportives, il voit son lectorat fondre avec le temps88. Pour contrer le monopole du Midi Libre, accusé de boycotter les radicaux et tous ceux ne rentrant pas dans sa ligne éditoriale, une coalition incluant des personnalités de gauche et de droite va être coordonnée par Vincent Badie89. Le nom choisi dès 1953 signale la volonté de faire la synthèse des titres des deux quotidiens en lutte permanente sous la Troisième République : L’Éclair et Le Petit Méridional. Dans Liberté, on se réjouit aussitôt :

  • 90 Liberté, n°39, 30 décembre 1953.

« Ce journal nous offre l’hospitalité de ses colonnes et notre député Louis Delbez y écrit tous les samedis un éditorial. Le journal est à notre disposition comme à celle de tous nos amis et cette circonstance représente pour la cause que nous défendons un renfort appréciable. Que pouvions-nous espérer, sans un grand quotidien qui répande nos idées ? Assurés maintenant de disposer d’un tel moyen d’action, tous les espoirs nous sont permis pour consolider et développer notre organisation. Ce journal n’est pas notre chose exclusive et les radicaux y ont aussi leur part. Mais cette collaboration avec un parti voisin et anti-marxiste, qui soutient au Parlement le gouvernement Laniel, n’est pas faite pour nous rebuter »90.

31L’expérience dure deux années. Le quotidien diffuse en moyenne une dizaine de milliers d’exemplaires, fonde de nouvelles éditions notamment dans l’Aveyron, mais se heurte à un concurrent intraitable. Privé de liberté durant la guerre, le lectorat languedocien fait une confiance absolue à Midi Libre, auréolé d’un prestige puisé dans le culte de la Résistance. Ses dirigeants en profitent pour l’implanter rapidement dans toute la région. Le réseau des correspondants facilite la tâche d’une page d’informations accordant une place grandissante aux événements locaux dont les lecteurs se montrent friands. Le tirage évalué à plus de 150 000 exemplaires au milieu des années 1950 atteste d’une réussite qui perdure.

  • 91 Bien après la disparition de L’Éclaireur Méridional, Vincent Badie affirme toujours souffrir de ce (...)
  • 92 Vincent Badie, « En guise d’avant-propos », L’Éclaireur Méridional, 9 octobre 1954.
  • 93 Vincent Badie, « L’instigateur », L’Éclaireur Méridional, 24 octobre 1954.
  • 94 Vincent Badie, « Alerte », L’Éclaireur Méridional, 19 octobre 1954.
  • 95 Vincent Badie, « Grandes ambitions », L’Éclaireur Méridional, 17 octobre 1954.

32Les Indépendants et paysans alliés à l’avocat du radicalisme languedocien avaient pourtant lancé une campagne très ciblée pour stigmatiser l’organe proche de la SFIO. Ils reprochent aux responsables du journal de faire pression sur les dépositaires de presse afin de ne pas diffuser L’Éclaireur Méridional. Vincent Badie monte en première ligne en publiant tous les jours, entre le 9 et le 27 octobre 1954, un féroce éditorial contre son directeur titré : « Assez Monsieur Bellon » ! Il entend démonter les stratagèmes utilisés pour préserver le monopole de Midi Libre, tout en n’appréciant pas d’être personnellement ignoré, spécialement à la veille des élections91. La polémique prend un ton très particulier. Sa première contribution commence par ces mots : « Depuis sa création L’Éclaireur Méridional se trouve en butte aux brimades, aux tracasseries du sieur Labin Armand, alias Bellon, né à Bucarest, le 20 janvier 1906, directeur-gérant du quotidien de la rue d’Alger (...). Ce Roumain de vieille souche, aujourd’hui naturalisé Français, fort d’une situation à laquelle nul autre que lui à sa place n’aurait voulu prétendre, s’est bien vite persuadé qu’il pourrait faire la loi chez nous. Au fur et à mesure de son incroyable fortune, favorisée par la complicité des uns, par la veulerie des autres, notre homme s’est convaincu que tout lui était permis. Et parce qu’il a gardé une mentalité, qui le rend totalement étranger à celle des gens de notre terroir, le sieur Labin Armand, dit Bellon, en a perdu le sens de la mesure (...) »92. Les dix-neuf articles écrits sur « Monsieur Bellon » mettent l’accent sur son caractère « manœuvrier »93, prompt à faire des « menaces »94 grâce aux « complicités parisiennes » et au fait qu’il soit devenu « un as de la politique, des fins dîners et des boîtes de nuit »95.

  • 96 L’Éclaireur Méridional, 9 octobre 1954.
  • 97 Le Commissaire de la République attribue l’entreprise qui gère L’Éclair au Mouvement de Libération (...)
  • 98 L’Éclaireur Méridional, 11 octobre 1954.
  • 99 Il s’agit du titre de son troisième éditorial. Voir L’Éclaireur Méridional, 11 octobre 1954.

33Face à ce qui est présenté comme une atteinte à la presse libre, l’élu radical construit sa contre-attaque autour d’une thématique identique. Tous les articles s’efforcent de montrer qu’un étranger complote contre la communauté locale. Dès son entrée en matière, il annonçait que : « Le député-maire de Paulhan porte un nom dont il est fier. Il ne lui viendra jamais à l’idée de changer de patronyme. C’est donc sous ma seule signature et sous ma seule responsabilité que va paraître une série d’articles sur ce Roumain qui, non content de se vautrer dans le nid des autres, a eu la fatuité de croire que les Héraultais subiraient sans mot dire son dictat »96. Dans sa troisième prise de position, il indique toujours sur ce thème mobilisateur : « qu’arrivé à Montpellier, juste au dernier moment pour s’installer, lui le natif de Bucarest, dans la place encore chaude des anciens dirigeants de L’Éclair97, obnubilé par l’appât du gain, il n’a pu se rendre compte que ceux auxquels ils se substituaient, sans droit ni titre, avaient eux, du moins, de la bonne terre française à leurs souliers »98. Nous pourrions agrémenter notre propos de plusieurs exemples puisés dans des chroniques qui s’achèvent toutes par la même formule : « né sur les rives du Danube, ce n’est pas lui qui fera la loi chez nous ». L’électorat nationaliste ne peut être que sensible à ce type de discours. Sur un autre point encore, les analogies fusent. À travers cette campagne de presse, celui qui a été victime des persécutions pétainistes veut montrer que la Libération a provoqué des injustices flagrantes. « Labin Armand, alias Bellon », nommé parfois dans L’Éclaireur Méridional « Labinovich », représente selon lui la meilleure illustration des « profiteurs de la Résistance »99. Sur cet aspect encore, nous sommes dans un registre que partagent les sympathisants de Louis Delbez et de François Delmas.

  • 100 Au milieu des années 1950, la désunion est quasi-générale. Nous l’avons observée chez les Indépend (...)
  • 101 Comme le président du Conseil ne reçoit pas le soutien de la majorité des députés, la collaboratio (...)

34L’éparpillement partisan100 provoque de savants calculs à l’approche des échéances électorales. Le cas de figure que nous venons de survoler, avec la fondation de L’Éclaireur Méridional, nous renseigne sur les tergiversations tonitruantes qui ont pu secouer l’espace méridional. En 1957, Antoine Pinay, le président du Conseil, propose à Vincent Badie de prendre en charge la responsabilité du ministère de l’Intérieur. Ce qui prouve que les bonnes relations s’établissent dans le temps et dépassent le cadre héraultais101. De telles négociations brouillent les clivages traditionnels et peuvent influer sur la vision que les citoyens se font de la période de Vichy au cœur d’interprétations plurielles. Les « révisionnistes » en profitent. Ils renforcent de cette manière une légende bien ancrée et ravivent l’espoir à moyen terme d’une réhabilitation officielle de la Révolution nationale.

  • 102 Note des RG du 15 novembre 1962. ADH 506 W 329.
  • 103 Note des RG du 31 juillet 1957. ADH 406 W 7.
  • 104 Note des RG du 19 mars 1957. ADH 338 W 60.
  • 105 Note des RG du 9 octobre 1957. ADH 406 W 7.
  • 106 On pourrait en citer d’autres. Notons simplement, pour compléter notre propos, qu’un autre descend (...)
  • 107 Emmanuel Le Roy Ladurie note que « la droite maurrassienne renouvelée par l’immigration des pieds- (...)

35Dans le Bas-Languedoc de l’après-guerre, la flamme « traditionniste » renaît grâce à l’émergence d’un mouvement Indépendant et paysan fortement adossé au terreau monarchiste désormais privé d’une ramification solide. Les premiers conciliabules, pour préparer le terrain, qui se sont déroulés au domicile d’Henri de Rodez-Bénavent témoignent du rôle clé des grandes familles nobiliaires dans le passage de relais vers une structure prête à bien des compromis pour trouver une assise populaire durable. Son engagement constant en faveur de la dernière tentative politique cherchant à rayer le cadre démocratique contribue à souder le milieu de la droite extrême « choqué » par la tourmente de la Libération. Tout au long de la Quatrième République et même au-delà, les descendants des « blocs de granit » se positionnent dans cet appareil politique classé habituellement dans la « droite modérée ». C’est ainsi qu’en novembre 1962, Louis Delbez repart en campagne lors des élections législatives en acceptant d’être le suppléant dans une circonscription biterroise de Nicolas d’Andoque de Sériège. Pour présenter le programme très antigaulliste du candidat, on organise une importante réunion à Béziers, avec à la tribune la présence remarquée de Philippe de Rodez-Bénavent, maire de Montels, une petite localité située dans le canton de Capestang102. Il s’agit du neveu de la figure monarchiste de l’entre-deux guerres qui avait déjà postulé à la députation six ans plus tôt sur la liste conduite par François Delmas. Ces détails montrent que les héritiers des « grandes familles » occupent toujours une place de premier plan dans les communautés locales. Leur patronyme représente encore un point de ralliement utile durant les confrontations électorales. Pareillement au sein des organisations, ils ne sont pas voués à occuper la place du militant ordinaire. On s’en aperçoit en observant les efforts de médiation pour résoudre le conflit qui paralyse les Indépendants et paysans durant de longues années. Roger Duchet vient à Montpellier en 1957 pour renouer les liens afin d’éviter l’implosion fatale d’une des plus prometteuses fédérations de la façade méridionale. C’est un échec103. La même année, Philippe de Rodez-Bénavent, à la tête d’une délégation du secteur de Béziers, avait entrepris une démarche identique104. Quelques mois après, une poignée de militants cherchant toujours à éviter la scission, demande la nomination de ce dernier aux fonctions de secrétaire général car il représente le seul candidat apte à rapprocher les deux personnalités105. À travers ces quelques illustrations106, on mesure la présence permanente des lignées politiques au coeur du xxe siècle. Elles n’abdiquent pas malgré les épreuves et cherchent à trouver un nouveau souffle, en bénéficiant du concours d’un personnel politique nostalgique du temps des notables, pour reconquérir une influence longtemps considérée comme naturelle. Les événements d’Algérie offrent une nouvelle tribune, en particulier dans le chef-lieu départemental107, sans lui permettre d’effectuer une percée concluante.

Notes

1 Sur l’histoire de ce mouvement, nous disposons de deux thèses : Gilles Richard, Le Centre national des Indépendants et paysans de 1948 à 1962 ou l’échec de l’union des droites françaises dans le parti des modérés, Lille, Presses universitaires du Septentrion. 2001 ; Gilles Martinez, Le Centre national des Indépendants et paysans (1948-1962), Thèse de doctorat d’histoire, Université Paris X, 1992.

2 Sur l’avènement des Indépendants et paysans voir l’article de Gilles Richard, « La renaissance de la droite modérée à la Libération. La fondation du CNIP », Vingtième siècle. Revue d’histoire, n°65, janvier-mars 2000, p. 59-69.

3 Gilles Richard ne se contente pas d’une vision globale. Dans sa thèse, il suit l’évolution du CNIP dans plusieurs départements (Côte d’Or, Bouches-du-Rhône...).

4 Gilles Richard, « La renaissance... », op. cit., p. 59.

5 Cet organe de presse a fait l’objet d’un dépouillement systématique entre janvier 1952 (date du numéro 1) et février 1965 (date du numéro 214).

6 Liberté du Midi, n° 192, 16 novembre 1961.

7 Liberté, n°14, 30 octobre 1952.

8 Rapport des RG du 2 juin 1954. ADH 406 W 9. Par la suite, il participe durant deux mandats à la majorité municipale de François Delmas, devenu maire de Montpellier en 1959.

9 Rapport des RG du 28 avril 1956. ADH 406 W 9.

10 Voir Abel Pomarède, Mémoires d’un ouvrier vigneron royaliste. Préface de Gustave Thibon, Tours, La Documentation royaliste, 1977.

11 Le fonctionnaire de police présente la cérémonie de 1953 ainsi : « un office religieux a eu lieu le 24 juillet dans la chapelle des pénitents bleus, rue des Étuves à Montpellier devant 200 personnes. L’office était organisé par le “souvenir français”. On notait dans l’assistance de Reilhan, Jean Guibal, ancien bâtonnier, Me Delmas, conseiller général et premier adjoint au maire de Montpellier, élu sous l’étiquette des Indépendants et paysans (...) ». Rapport des RG du 24 juillet 1953. ADH 406 W 9.

12 ADH 406 W 9.

13 On peut également noter que les liens sont consolidés grâce à des activités en plein air. Par exemple en 1950, pour la deuxième année consécutive, le groupe local « Pays réel » et les amis d’« Aspects de La France » organisent un « camp de vacances » à Saint-André-de-Sangonis du 14 au 25 août. Rapport du 3 août 1950. ADH 406 W 9.

14 Jusqu’à nos jours, il reste au stade de groupuscule. Voir Jean-Paul Gautier, La Restauration nationale. Un mouvement royaliste sous la Cinquième République, Paris, Éditions Syllepse, 2002.

15 Quelques témoignages le confirment. Le « Pays réel » a invité en mars 1950 à Montpellier Paul Robain, orateur marquant de l’Action française. Devant 200 auditeurs, le colonel de Reilhan de Carnas, tout en présentant le conférencier, a fait une « allusion méprisante à Charles de Gaulle », promoteur du « communisme gouvernemental. Par contre, le nom de Pétain fut longuement ovationné ». En novembre de cette année, le même président de séance s’est déclaré « favorable au réarmement de l’Allemagne car la défense de l’Europe n’a qu’un caractère utopique sans sa participation. Il a par ailleurs réclamé la libération de Pétain, faisant ressortir à ce sujet “la sauvagerie” et le “cannibalisme” de nos gouvernants qui persistent à maintenir incarcéré un vieillard de 94 ans ». Un mois plus tard, une intervention de Pierre Boutang, un habitué des cercles monarchistes hexagonaux, attire la grande foule. « Il fit acclamé le nom du maréchal Pétain, “appelé par les Allemands le maréchal NEIN” et “grâce à la résistance duquel, ajouta-t-il, la France n’a pas subi le sort de la Pologne et les Alliés ont pu préparer le débarquement”. L’orateur établissant un parallèle entre Pétain et de Gaulle, quant à leur attitude respective à l’armistice et sous l’occupation, adressa de vives critiques à ce dernier le qualifiant non dépourvu de sens militaire mais de piètre politicien ». Rapports des RG datés du 22 mars, du 17 novembre et du 9 décembre 1950. ADH 406 W 9.

16 Lors d’une journée de commémoration durant l’été 1959, cette association présente une série de courts- métrages rétrospectifs sur la vie et l’action de Pétain. Rapport des RG du 7 janvier 1960. ADH 406 W 9.

17 Rapport des RG, 15 novembre 1951. ADH 338 W 60.

18 Rapport des RG, 7 mai 1951. ADH 338 W 60.

19 En 1951, sur 273 971 inscrits et 211 485 suffrages exprimés, la SFIO obtient 18,5 % des voix (3 élus) ; les radicaux 11,2 % (1 élu) ; le MRP 9,9 % (1 élu) ; les Indépendants et paysans 12,2 % (1 élu). Quant aux autres mouvements qui s’étaient présentés en ordre dispersé, malgré des pourcentages élevés, ils n’auront aucun siège : le RPF recueille 10,2 % et le Parti communiste 32,8 %.

20 Paul Boulet, candidat désormais sur la liste de la Gauche indépendante fut élu député en 1936 et en 1946, avec l’étiquette MRP lors du second scrutin, avant d’être exclu de ce parti quatre ans plus tard.

21 La presse lui reproche souvent le fait de ne s’être jamais occupé des questions viticoles et surtout de se désintéresser des affaires de son département.

22 Note du préfet, 22 juin 1951. ADH 356 W 11.

23 Dans une note d’informations des RG du 12 juin 1951, on peut lire : « Les milieux d’Action française, tout en laissant la liberté de vote à leurs militants, leur avaient cependant conseillé de voter pour la liste des Indépendants et paysans patronnée par Delbez et apparentée au RGR, au MRP et à la SFIO. Cette position des responsables royalistes est confirmée par le fait que le journal des Indépendants et paysans, France indépendante, est donné gratuitement à la librairie Cahuzac (13 rue Foch à Montpellier), lieu de rendez-vous des militants royalistes ». ADH 338 W 60.

24 Ibidem.

25 Note d’information des RG du 27 septembre 1951. ADH 338 W 60.

26 Il s’agit du canton de Roujan (avec l’avocat Robert Divol) et celui de Gignac (avec encore un représentant du barreau : André Darelles). Dans ces deux cantons, le milieu conservateur avait avant-guerre obtenu des résultats probants.

27 Parmi toutes les personnalités Indépendantes, notons qu’une autre joue un rôle majeur en obtenant un mandat de député entre 1958 et 1962, tout en occupant les fonctions de maire de Lansargues. Il s’agit de Pierre Grasset-Morel. Durant la période qui nous concerne ici, il n’aura pas le même poids sur l’organisation que Delmas et Delbez.

28 En 1965, Pierre Jourda le doyen de la Faculté de lettres qui l’accueille au sein de l’Académie des sciences et lettres de Montpellier écrit à ce sujet : « Était-ce une carrière politique qui s’annonçait ? Non. Les jeux byzantins auxquels s’abandonnait un régime sclérosé ne vous convenaient pas. Vous en avez vite jugé la vanité ». Académie des Sciences et lettres de Montpellier, Réception du Professeur Delbez. Remerciements du récipiendaire et réponse du Doyen Jourda, Séance publique du 25 octobre 1965, Montpellier, Causse et Castelnau, 1965, p. 32.

29 En 1965, Pierre Jourda emploie cette expression pour expliquer son rapport à la vigne : « Vous avez un violon d’Ingres. Vous êtes viticulteur et vous connaissez les soucis du propriétaire. Je ne vous suivrai pas aux pentes caillouteuses de la Méjanelle, dans vos vignes de Calage, ni dans vos caves de Thézan, même si c’était pour déguster certain petit vin blanc que les connaisseurs apprécient et qui, -je l’avoue, ma foi, car j’en ai goûté, vaut un bon Saint-Émilion »... Ibidem.

30 Il intervient malgré tout plusieurs fois sur le sujet devant ses collègues députés. Ce type de positionnement étant obligatoire quand on représente un département aussi soumis à l’empreinte des luttes viticoles.

31 Il est né en 1895 à Montpellier. Son père fut docteur en droit et avocat. Il aura une activité politique en participant à la création du Télégramme, un journal qui participe au combat des conservateurs autour des années 1900. S’agissant de la branche maternelle, elle possède deux manufactures à Pézenas et des domaines viticoles. Voir Marcel Nussy Saint-Saens, « Éloge de Monsieur le Professeur Delbez », Bulletin de l’Académie des sciences et lettres de Montpellier, tome 4, 1973, p. 223.

32 Nous reprenons ici les informations fournies par l’auteur de son éloge devant les membres de l’Académie de Montpellier. Voir Marcel Nussy Saint-Saens, « Éloge de Monsieur le Professeur Delbez », op. cit., p. 215.

33 Nous avons déjà souligné le rôle de Marcel Blanchard et de Jean Guibal. Pour un aperçu de l’influence manifeste d’Augustin Fliche, voir Philippe Secondy, La droite extrême..., op. cit., p. 596 et s.

34 Il signe notamment un Manuel de droit international public (Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1948) ; La notion de guerre. Essai d’analyse dogmatique (A. Pedone, 1953) ; Éléments de finances publiques (A. Pedone, 1955) ; Les principes généraux du droit international public. Droit de la paix, droit préventif de la guerre, droit de la guerre (LGDJ, 1964) ; Les grands courants de la pensée politique française depuis le xixe siècle (LGDJ, 1970) ; La pensée politique allemande (LGDJ, publié en 1975, plusieurs mois après son décès).

35 Par la suite, il siègera quelques années seulement au conseil municipal de Montpellier. Le maire étant François Delmas.

36 Gilles Richard, Le Centre national des indépendants et paysans de 1948 à 1962..., op. cit., p. 317.

37 Ibidem.

38 Par exemple, en décembre 1954 lors du premier congrès des Indépendants et paysans, Louis Delbez intervient dans une table ronde exposant la doctrine générale. À côté d’un rapport sur « les Indépendants devant le communisme » (Robert Bruyneel), l’élu languedocien propose un exposé sur « la défense de la civilisation chrétienne ». Voir Gilles Richard, op. cit., p. 305.

39 Voir l’entretien accordé à Pierre Bosc, Les notables en questions ou des hommes pour la région, Montpellier, Presses du Languedoc, 1977, p. 141.

40 Il s’agit de celui de La Paillade, comprenant essentiellement un quartier construit pour accueillir bon nombre de rapatriés installés dans l’Hérault. Réélu jusqu’en 1973, il retourne finir sa carrière dans le premier canton entre 1982 et 1989.

41 Il accueille à Montpellier Jacques Soustelle et participe à diverses réunions du Regroupement national et à toutes les manifestations du souvenir de l’Algérie française.

42 Dans l’Hérault, les poujadistes obtiennent des résultats élevés et un élu : Mathieu Theule (ex-PSF), un artisan mécanicien de Béziers. Frappée l’année suivante par de graves divisions entre « une tendance réclamant que l’organisation se cantonne à la stricte défense professionnelle et une autre approuvant l’orientation politique imprimée par le président national », l’UDCA a vite perdu son dynamisme dans le département. Voir ADH 406 W 157 ; 406 W 128-1 et 406 W 164.

43 Cet éclairage sur la trajectoire de François Delmas a été réalisé à partir de plusieurs rapports (ADH 676 W 159/1 ; 1506 W 202 ; 1506 W 211 ; 1003 W 24) et de l’entretien accordé à Pierre Bosc : Les notables en questions..., op. cit., p. 139 et s.

44 L’expression d’ »  apolitisme tactique » est bien développée par Laurent Sauzay qui évoque le successeur d’Édouard Herriot. Voir Laurent Sauzay, Louis Pradel, maire de Lyon (1957-1976) : conquête d’un pouvoir. Les clés de l’enracinement local, Thèse de doctorat d’histoire, Université Jean Moulin-Lyon III, 1996. D’autres « grands maires » dans les années 1950-1960 s’en prévalent. Tel est le cas de Maurice Arreckx à Toulon et de Jean Médecin à Nice. Voir Gilles Le Béguec, « Le centrisme des notables : résistances aux changements et stratégie d’adaptation », Bulletin de l’Institut d’histoire du temps présent, n°79, octobre 2002.

45 Sur certains aspects, elle rappelle celle d’André Morice à Nantes. Voir Franck Liaigre, L’étrange ascension d’un maire de Nantes. André Morice, la Collaboration et la Résistance, Paris, Éditions de l’Atelier, 2002.

46 Les deux autres frères de François Delmas perpétuent la tradition familiale. René Delmas, dont l’engagement politique a été indiqué plus haut, crée le centre de transfusion sanguine de Béziers ; tandis qu’André Delmas enseigne à la Faculté de Paris. Voir Midi Libre, 2 août 1972.

47 Liberté, n°l, janvier 1952.

48 Ibidem.

49 Max Weber, Le savant et le politique, op. cit., p. 141.

50 Le maréchal Pétain déclare, pour justifier son refus de poursuivre la guerre et de quitter le sol métropolitain : « Priver la France de ses défenseurs naturels, c’est tuer l’âme de la France ». Pour Yves Durand, un des meilleurs spécialistes de la période, « cette profession de foi offre une bonne approche de la définition du notable ; en même temps sortie de la bouche du futur chef de l’État français, elle nous fait comprendre l’adéquation spontanée entre l’esprit “notabiliste” et l’esprit de Vichy (...) ». Yves Durand, « Les notables », in Jean-Pierre Azéma, François Bédarida, dir., Vichy et les Français, Paris, Fayard, 1992, p. 371.

51 Ibidem.

52 Par exemple, quelques mois après l’article de François Delmas, Jacques Giret plaide dans une tribune pour « l’organisation et la propagande ». « Un apport très faible de voix aurait permis à Pierre Grasset-Morel d’occuper un deuxième siège lors des élections législatives de 1951. Or, cet écart eut été facile à combler si nous avions eu à l’époque, un minimum d’organisation. Il en va de même pour le renouvellement au conseil général. Alors que dans tous les partis il y avait pléthore de candidats, nous devions jusqu’à l’extrême limite pressentir, souvent sans succès, bon nombre de nos amis. À la lumière de ces deux expériences, le bureau départemental provisoire des Indépendants et paysans a estimé qu’il fallait, de toute urgence, organiser d’une façon rationnelle le département de l’Hérault (...) ». Il détaille les mesures souhaitées et conclut en annonçant une réunion spécifique à Pézenas : « Je souhaite, et nous le souhaitons tous, qu’elle marque un tournant décisif dans ce que j’appellerai, si vous voulez notre “initiation à la vie politique” ». Liberté, n°11, 15 juin 1952.

53 Liberté, n°2, 31 janvier 1952.

54 « La Troisième République s’était gardée d’une telle erreur. Elle ne voulait pas connaître les partis, à l’origine même pas les groupes, et ne connaissait que les individus, c’est-à-dire les électeurs ou leurs représentants (...). Mais une évolution fâcheuse s’est produite entre les deux guerres. Les groupes sont reconnus “de jure”. Les partis se développent et durcissent leur structure ». Ibidem.

55 Ibidem.

56 Liberté, n°4, 29 février 1952.

57 Liberté, n°46, avril 1954.

58 Liberté, n°47, 30 avril 1954.

59 Liberté, n°47, 30 avril 1954.

60 Liberté, n°34, 15 octobre 1953.

61 Liberté, n°199, 28 juin 1962.

62 Liberté, n°5, 15 mars 1952.

63 Liberté, n°7, 15 avril 1952.

64 Henry Rousso, Vichy. L’événement, la mémoire, l’histoire, Paris, Gallimard, 2001, p. 351 ; Le syndrome de Vichy, op. cit.

65 Raoul Girardet, Mythes et mythologies politiques, Paris, Seuil, 1986.

66 Henry Rousso, ibidem.

67 Ibidem.

68 Dans le numéro 24 (octobre 1943) de Vivre ! Organe de liaison de la Légion Française des Combattants et des VRN de l’Hérault, on trouve un article de Louis Delbez sur « Les pouvoirs du Maréchal ». (Fonds Antonelli- Bibliothèque universitaire de Montpellier I).

69 Liberté, n°44, 15 mars 1954.

70 Les zélateurs du Maréchal, le considérant comme « le Machiavel des temps modernes », celui qui a permis « à la France de garder la tête haute et aux Alliés de vaincre les Allemands » sont très actifs jusqu’aux années 1960. Ils publient plusieurs biographies aux titres évocateurs : La vie exemplaire de Philippe Pétain (1956) ; Philippe Pétain, chef de guerre, chef d’État, martyr et saint de France (1958) ; Pétain contre Hitler (1966)... Voir Bernard Laguerre, « Les biographies de Pétain », in Jean-Pierre Azéma, François Bédarida, dir., Vichy et les Français, op. cit., p. 47-48.

71 Liberté, n°88, 15 avril 1956

72 « On ne saurait oublier qu’il est toujours sous le coup d’une condamnation infamante et que rien n’a été fait pour réhabiliter sa mémoire. Ce serait lâcheté de la part de ses fidèles de ne pas rompre, en ce mois anniversaire, le pesant silence de la France officielle. Comment d’ailleurs, quand on prétend seulement servir la vérité et la justice, ne pas crier son indignation devant une sentence, qui est un monument d’absurdité et d’iniquité » ? Ibidem.

73 Ibidem.

74 Ibidem.

75 Jusqu’à la fin de sa vie, il n’en démord pas. Deux ans avant sa disparition, en conclusion de son manuel d’histoire des idées politiques, il indique refuser le terme de « collaboration ». Celui de « composition » avec l’occupant lui paraît plus approprié. Voir Louis Delbez, Les grands courants de la pensée politique française depuis le xixe siècle, Paris, LGDJ, 1970, p. 183.

76 Stéphane Gacon, « L’oubli institutionnel », Autrement, n°144, 1994, p. 100.

77 Stéphane Gacon résume bien les difficultés de ce type d’amnistie : « la question morale se pose pour les crimes les plus graves : l’amnistie revient à les plonger dans l’oubli ; bien plus, à en nier l’existence. Pourtant ils ont fait des victimes qui portent en elles à jamais la trace indélébile du geste qui les a atteints. Quand elles ne sont pas mortes ». À propos du régime de Vichy, il écrit : celui-ci « a représenté une contestation fondamentale de la République. Au sens strict, il constitue un crime pour la République et son corollaire antisémite ne saurait prétendre au simple statut de crime de guerre. Or, l’amnistie revient à oublier tous les crimes, et les crimes liés à la guerre et le sacrilège que représente la contestation de la République et ses valeurs ». Ibidem.

78 Henry Rousso, Vichy. L’événement.... op. cit., p. 356 et s.

79 Pour mieux cerner les arcanes de celui-ci, voir Vincent Badie, « Vive la République ». Entretiens avec Jean Sagnes, op. cit.,

80 Il est maire de Paulhan, une petite commune de l’arrondissement de Lodève, en 1937 puis de 1945 à 1971. Le mandat de conseiller général de Montpellier (troisième canton) et de Gignac dure de la fin des années trente au début de la Cinquième République. Quant au poste ministériel, Vincent Badie s’investit en faveur des anciens combattants entre 1955 et 1956 puis en 1958. Dictionnaire biographique des conseillers généraux de l’Hérault, op. cit., p. 37.

81 Ibidem.

82 Les surprises liées à ses prises de position se poursuivront après la fin de sa carrière politique. En 1979, Vincent Badie soutient la liste de Jacques Chirac, lors du scrutin européen. En 1981, avant l’élection présidentielle, Michel Debré reçoit son appui. Au niveau local, c’est le socialiste Georges Frêche qui en bénéficie au cours des municipales de 1983 puis, en 1986, pour les législatives. Ibidem.

83 Il s’exprime ainsi : « Mon opinion sur ces hommes aujourd’hui comme durant les années sombres est très sévère. Pétain en particulier a eu une très grande responsabilité dans les malheurs de la France non seulement pour avoir imposé pendant l’entre-deux-guerres une doctrine militaire erronée qui mena notre armée au désastre malgré les avertissements de certains officiers novateurs mais aussi pour son comportement en juillet 1940 et durant les années 1940-1944. Il a joué un rôle essentiel dans le complot qui a abattu la République ». Ibidem.

84 Ibidem.

85 Le début de la conclusion résume l’objectif des auteurs : « Dans les pages qui précèdent nous nous sommes surtout préoccupés de rappeler les dispositions de la loi nouvelle, hélas ! quelquefois assez obscures dans la forme et dans le fond, en les replaçant dans le cadre des débats parlementaires pour dégager en toute occasion la volonté du législateur ». Voir Vincent Badie, Albert Koops, L’amnistie. La loi du 16 août 1947, Montpellier, Causse, Graille, Castelnau Éditeurs, 1947, p. 109.

86 Ibidem.

87 Jacques-Augustin Bailly, La libération confisquée..., op. cit.

88 80 000 exemplaires étaient vendus tous les jours dans les premiers temps. Étant devenu l’organe officieux du PCF, il croule sous les procès pour « diffamation envers l’armée » et « excitation des militaires à la désobéissance ». La Voix de la Patrie survit grâce aux collectes pendant quelques mois avant d’abandonner la partie en février 1953. Le dernier numéro est tiré à 40 000 exemplaires. Voir Jacques Molénat, « Splendeurs et misères de la presse régionale », La presse en Languedoc-Roussillon, Montpellier, CRDP, 1993, p. 11-15.

89 Vincent Badie aura, durant sa carrière politique, différentes responsabilités dans les milieux de la presse au niveau régional comme dans la capitale. Relevons par exemple, qu’il dirige Démocratie méridionale ou encore La Voix de Paris.

90 Liberté, n°39, 30 décembre 1953.

91 Bien après la disparition de L’Éclaireur Méridional, Vincent Badie affirme toujours souffrir de cet ostracisme. Dans une lettre manuscrite, envoyée avant les élections législatives de 1958, aux habitants de sa circonscription, il s’en plaint encore comme en témoignent ces quelques extraits : « j’ai personnellement été privé de l’appui de Midi Libre. Les dirigeants de ce quotidien ne me pardonnent pas de m’être élevé contre son ancien directeur dont j’avais flétri les agissements. Il eut été pour moi certes, plus facile, plus habile aussi de me taire et ainsi, de profiter des avantages que donne l’appui d’un grand journal. Mais, toute ma vie, j’ai refusé les compromissions (...) ». ADH 542 W 156.

92 Vincent Badie, « En guise d’avant-propos », L’Éclaireur Méridional, 9 octobre 1954.

93 Vincent Badie, « L’instigateur », L’Éclaireur Méridional, 24 octobre 1954.

94 Vincent Badie, « Alerte », L’Éclaireur Méridional, 19 octobre 1954.

95 Vincent Badie, « Grandes ambitions », L’Éclaireur Méridional, 17 octobre 1954.

96 L’Éclaireur Méridional, 9 octobre 1954.

97 Le Commissaire de la République attribue l’entreprise qui gère L’Éclair au Mouvement de Libération nationale. Il va utiliser son imprimerie pour publier Midi Libre à partir du 27 août 1944.

98 L’Éclaireur Méridional, 11 octobre 1954.

99 Il s’agit du titre de son troisième éditorial. Voir L’Éclaireur Méridional, 11 octobre 1954.

100 Au milieu des années 1950, la désunion est quasi-générale. Nous l’avons observée chez les Indépendants. Les socialistes, pour leur part, voient gonfler le courant de la Nouvelle gauche ; mais c’est chez les radicaux que la fracture s’aggrave. En novembre 1956, le congrès de Mèze consacre dans l’Hérault la scission nationale survenue au congrès de Lyon. Vincent Badie et Paul Bernard se positionnent contre Émile Claparède, le maire de Béziers, vice-président national de son parti et porte-parole du courant valoisien. Au sein de l’assemblée départementale, huit élus sur onze se rallient à celui qui vient de devenir le leader du groupe parlementaire radical-socialiste, en l’occurrence le maire de Paulhan. En janvier 1957, Vincent Badie prend la présidence de la Fédération radicale du Sud-Est (elle va de l’Hérault aux Alpes-Maritimes c’est-à-dire que neuf départements sont concernés). Pour un tour d’horizon sur ce dernier point, voir Hélène Chaubin, « Les radicaux dans l’Hérault (1955-1958) », Bulletin de l’Institut d’histoire du temps présent, n°79, octobre 2002.

101 Comme le président du Conseil ne reçoit pas le soutien de la majorité des députés, la collaboration entre le radical et l’Indépendant ne se réalise pas. Voir Vincent Badie, « Vive la République », op. cit., p. 117-118.

102 Note des RG du 15 novembre 1962. ADH 506 W 329.

103 Note des RG du 31 juillet 1957. ADH 406 W 7.

104 Note des RG du 19 mars 1957. ADH 338 W 60.

105 Note des RG du 9 octobre 1957. ADH 406 W 7.

106 On pourrait en citer d’autres. Notons simplement, pour compléter notre propos, qu’un autre descendant de la branche des de Rodez-Bénavent (prénommé Jacques) obtient le titre de secrétaire général adjoint des Indépendants et paysans de l’Hérault en 1962 (Note des RG du 26 mai 1962. ADH 541 W 56). Enfin, un certain Gilles d’Andoque de Sérièges, propriétaire viticulteur à Cruzy, comme ses aînés, et officier de réserve se montre très actif pour défendre l’Algérie française.

107 Emmanuel Le Roy Ladurie note que « la droite maurrassienne renouvelée par l’immigration des pieds-noirs était active ». Voir Emmanuel Le Roy Ladurie, Paris-Montpellier, op. cit., p. 239.

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