Version classiqueVersion mobile

La persistance du Midi blanc

 | 
Philippe Secondy

Deuxième partie. Une nébuleuse partisane initiée par « Monseigneur de Montpellier »

Introduction à la deuxième partie

Texte intégral

  • 1 Lettre du 15 novembre 1843 d’Alexis de Tocqueville à Francisque de Corcelle. Voir Alexis de Tocque (...)
  • 2 Patrice Mann, « Crise et attestation charismatique » in François Chazel, dir., Action collective e (...)

1Guidé par le souci de s’arrêter sur l’enchaînement des événements qui sculptent la France, Alexis de Tocqueville fait preuve dans sa correspondance d’une grande lucidité sur le caractère inévitable des avancées démocratiques. S’adressant à son ami Francisque de Corcelle, il lui confie en 1843 une intime conviction difficile à avouer : « le catholicisme n’adoptera jamais la société nouvelle. Il n’oubliera jamais la position qu’il a eue dans l’ancienne, et toutes les fois qu’on lui donnera des forces, il se hâtera d’en abuser. Je ne dirais cela qu’à vous. Mais je vous le dis parce que je veux vous faire pénétrer dans ma plus secrète pensée »1. La réflexion est prémonitoire. L’intolérance religieuse ponctue notre histoire contemporaine. Elle tend à éloigner radicalement la société française d’une politique consensuelle à l’instar de celle qui se pratique aux États-Unis. Avec le temps et l’émergence au sein de l’Église d’idées attentives à l’esprit de liberté, au pluralisme, une voie prônant l’apaisement cherchera à se faire respecter. Elle ne recevra aucun crédit dans plusieurs diocèses peu réceptifs aux appels des prophètes de l’ouverture. François-Marie-Anatole de Rovérié de Cabrières qui officie dans celui de Montpellier, à partir de 1874, se classe parmi les plus intraitables opposants à la prétention régénératrice des révolutionnaires. Tout en souhaitant conserver sa position au sein de l’Église, il se livre à un travail permanent de mobilisation par « l’intermédiaire de “coups stratégiques” qui constituent les moments clefs d’un processus d’attestation charismatique »2 indéniable.

  • 3 L’évêque a publié un volumineux livre de souvenirs : Cabrières et Veaune. Livre de famille, Paris, (...)
  • 4 Marcel Bruyère, Le cardinal de Cabrières, Paris, Éd. du Cèdre, 1956, p. 9 et s.
  • 5 L’uniforme qu’il a lui-même conçu pour ses élèves (« tunique militaire bleue foncée, à boutons dor (...)
  • 6 Voir Gérard Cholvy, « En marge d’un cinquantenaire (1921-1971). Une correspondance inédite : lettr (...)
  • 7 Jean-Marie Mayeur, « Les idées politiques du Père d’Alzon », in René Rémond, Émile Poulat, dir., E (...)

2Né à Beaucaire le 30 août 1830, l’ecclésiastique appartient à une vieille famille gardoise3. Son père, adjoint au maire de Nîmes de 1824 au début de la monarchie de Juillet, descend d’une lignée restée fidèle à la cause royaliste sous la Révolution. Emmanuel d’Alzon, influence beaucoup son existence. « Il fut mon maître et mon père », proclame-t-il en 1910 du haut de sa chaire4. Basé sur une franchise absolue et sur une discipline très stricte, le collège qu’anime d’Alzon acquiert une solide réputation au xixe siècle. Le recours aux châtiments corporels est même préconisé en cas de nécessité5. Le futur abbé s’en accommode fort bien. C’est au rang de premier, pour la conduite et le travail, qu’il quitte l’établissement en 1849. Il partagera toujours avec lui les visions des catholiques ultramontains ayant la hantise du protestantisme6. Néanmoins, un point les sépare. À ses yeux, on ne peut désolidariser l’Église de la cause monarchiste, alors qu’Emmanuel d’Alzon reproche aux légitimistes de ne prendre la religion « que comme une arme de parti, qu’on délaisse si elle veut être autre chose ». Cet homme d’Église déplore l’attitude de ceux qui « disent toujours : le roi et Dieu ; et Dieu est encore heureux d’être mis après le roi ». Jean-Marie Mayeur considère que s’il se refuse à identifier la cause de la religion et celle de la monarchie, c’est que très tôt il perçoit comme inéluctable la montée du « flot démocratique »7.

  • 8 Émile Appolis, « Un complot ultramontain sous l’ordre moral. La démission de Mgr Le Courtier, évêq (...)
  • 9 De Broglie ne voulait pas d’un évêque exalté qui pourrait, à un moment donné, gêner l’action du go (...)

3Le loyalisme de François de Cabrières à l’égard des projets monarchistes favorise son arrivée dans le diocèse de Montpellier. Sa nomination serait le fruit d’un « complot »8. Il résulterait d’un long contentieux entre l’évêque Mgr Le Courtier, de tendance gallicane, et la plus grande partie du clergé qui professe des sentiments légitimistes et ultramontains. Pour mieux appréhender la portée du conflit, l’historien Émile Appolis nous invite à remonter à juin 1873, mois de la disparition d’un obscur curé de la paroisse Saint-Roch, l’abbé Reynis, proche du prélat. Dans ses archives, on aurait découvert des lettres tendancieuses de Le Courtier. Ses ennemis informent le vicomte Théophile de Rodez-Bénavent, député légitimiste de l’Hérault, que l’éminent ecclésiastique, dans la correspondance saisie, s’exprime « en vrai voltairien, en homme qui ne croit rien de ce qu’il enseigne, en évêque qui fait de ses augustes fonctions un pur métier ». Bien que l’authenticité des billets soit contestée, une cabale se fait jour. Dès les premiers jours de l’automne 1873, le député de Rodez-Bénavent, le nonce Mgr Chigi et l’évêque de Poitiers (Mgr Pie) réclament à l’administration des cultes sa démission. Ils agissent avec le concours de deux royalistes du Gard (Roger de Larcy et Numa Baragnon), présents au gouvernement. Ces notables font campagne en faveur de l’abbé de Cabrières, devenu vicaire général de Nîmes. Devant les réticences du président du Conseil9, le premier, en charge du ministère des Travaux publics, et le second, sous-secrétaire d’État à l’Intérieur, menacent de démissionner si leur candidat n’est pas choisi. Afin d’éviter une crise interne, le président cède aux exigences de ses amis monarchistes. L’action du titulaire diocésain vise à apporter une nouvelle dynamique dans une société tentée par des voies politiques jugées inquiétantes pour la « cité chrétienne ». Les résultats aux élections législatives entre 1869 et 1889 semblent indiquer une perte sensible de l’influence conservatrice, visible bien au-delà du cadre héraultais.

  • 10 Nous reprenons cette synthèse intéressante. Néanmoins, son auteur ne nous précise pas sur quels cr (...)

La droite et la gauche aux élections législatives10

La droite et la gauche aux élections législatives10
  • 11 Daniel Halévy, La fin des notables, Paris, Hachette, 1995 (1ère Éd. 1930).
  • 12 Christophe Charle, Histoire sociale de la France au xixe siècle, Paris, Éd. du Seuil, 1991, p. 228
  • 13 De la fin du siècle à nos jours, le nombre de commune passera, à la suite de différents redécoupag (...)
  • 14 Un regard superficiel sur la masse des documents archivistiques à l’origine de la synthèse attendu (...)
  • 15 Voir ADH 3 M 2217 et 3 M 2218.

4Se baser sur ce schéma général pour proclamer la « fin des notables »11, comme le fait Daniel Halévy, nous paraît réducteur. En effet, une importante partie du pouvoir social réside à l’extérieur de l’arène parlementaire et étatique12. Néanmoins, en s’en tenant au terrain électoral, une enquête préfectorale révèle qu’à l’échelle communale les bassins de la « réaction » restent très nombreux. Les rapports rendus en 1892 par les hommes au service du préfet visent à faire un état des lieux en vue du renouvellement municipal dans les 338 localités13. Ils nous apportent des informations sur la complexité du classement politique14, qu’une lunette d’approche exclusivement focalisée sur le global édulcore et dénature grandement. Quand on s’attarde sur les pièces délivrées par la préfecture, les tergiversations s’atténuent exclusivement à propos des extrêmes. Les « socialistes » d’un côté, et, à l’autre bout, les « réactionnaires », qui deviennent dans une étude analogue menée en 1896 la « droite », paraissent assez faciles à cibler. En reprenant tous les rapports locaux pour décompter combien de villes et de villages appartiennent au camp de la « réaction », on trouve 118 conseils municipaux rangés sous cette étiquette. Soit un peu plus du tiers de l’ensemble communal15.

5Ce plan large nous offre la possibilité de situer le département parmi ceux où les positions locales des « réactionnaires » demeurent. L’enquête préfectorale se déroule en 1892, soit exactement à mi-chemin de la ligne historique tracée par Christophe Charle dans son Histoire sociale de la France au xixe siècle. Il y évalue « l’émergence de la société démocratique » entre 1870 et 1914. L’ultime année étant une sorte de point d’aboutissement où tous les germes de la transformation à long terme, favorisée par le « climat républicain », pouvaient enfin faire éclore la « société démocratique ». Ces quarante-quatre années sonnent la relève avec un changement progressif du mode de domination. Ici, vingt-deux ans après « l’émergence », le tiers du territoire communal affiche un rejet radical en faisant confiance à des individualités dont la promptitude à entrer dans l’action désespère les observateurs étatiques. C’est en se basant sur un tel quadrillage que Mgr de Cabrières espère mobiliser.

  • 16 Jacques Gadille présente ainsi les principes philosophiques et théologiques de Mgr Pie : « Puisant (...)

6Pour arriver à ses fins, le responsable du diocèse s’inspire en les durcissant des préceptes développés par l’évêque de Poitiers. Le catholicisme intransigeant de Mgr Pie se veut d’emblée contre-révolutionnaire et refuse même la société issue de la Renaissance et de la Réforme, dans laquelle domine l’individualisme, le rationalisme, la sécularisation de l’État, des sciences et de la pensée. Il prend sa pleine ampleur au temps de Pie IX16. Proche des conceptions du comte de Chambord, il n’était malgré tout d’aucun parti hormis celui de l’Église. En sa qualité d’évêque, Mgr Pie répugne à s’engager avec « hardiesse » dans la politique active. Les nuances de sa théologie politique furent balayées par la tendance des prélats « néo-ultramontains », autour du journaliste Louis Veuillot de L’Univers. Il se positionne dans une perspective radicale suivie par Mgr de Cabrières et d’autres prélats : Mgr Epivent (Aix), Mgr Mabile (Versailles), Mgr Ladone (Nevers) et Mgr Freppel (Angers). Les enseignements de ce courant reposent sur le socle du pur traditionalisme.

  • 17 Lettre pastorale, 8 septembre 1884. Citée par Gérard Cholvy, « Religion et politique en Languedoc (...)
  • 18 Discours du 17 mars 1889. Cité par Gabriel de Llobet, Le Cardinal de Cabrières, Paris, La Bonne Pr (...)
  • 19 Marcel Bruyère, op. cit., p. 176-177.
  • 20 Oeuvres choisies de Monseigneur de Rovérié de Cabrières, Évêque de Montpellier, Paris, Ch. Poussie (...)
  • 21 Il ne s’agit que d’un simple aperçu. Pour une confirmation de l’importance de ces conceptions soci (...)
  • 22 Voir Gérard Cholvy, « Mgr de Cabrières et l’Action française », Études maurrassiennes, V, I, 1986, (...)
  • 23 Voir Gérard Cholvy, « Monseigneur de Cabrières et l’Académie française », Communication à l’Académ (...)

7Mgr de Cabrières cherche à bloquer le processus enclenché au moment de 1789, une œuvre « essentiellement satanique puisqu’elle est le renversement volontaire et réfléchi de toute autorité »17. Durant la célébration du centenaire, il s’écrie : « La Révolution n’a pas été seulement une réaction violente contre un régime politique ; elle s’est érigée en adversaire irréconciliable de la religion »18. D’où les leçons à tirer pour l’époque contemporaine de cet épisode de l’histoire de France : « Ce qu’il faut, c’est de ne pas persévérer dans les divisions dont se meurt la patrie, c’est contribuer à l’apaisement social (...) (par un retour) aux principes chrétiens »19. Quelques réflexions extraites de ses multiples discours à diverses étapes de son magistère témoignent de l’ambition toujours intacte qu’il affiche pour persuader le plus grand nombre de l’utilité sociale et politique des admirateurs de l’Ancien Régime. Lors d’une allocution à l’assemblée commémorative des États généraux du Languedoc le 19 mars 1889, il vante les mérites de l’autorité traditionnelle à réhabiliter : « J’honore de toute mon âme une institution sociale, en vertu de laquelle une classe entière de citoyens avait le droit d’être toujours la première au péril, et le devoir de ne jamais ménager son sang pour la défense du pays »20. En 1896, pendant l’oraison funèbre du commandant du XVIe Corps d’armées, le général O’Neill, le prélat s’écrie : « Si le préjugé de la naissance n’existait pas, il faudrait l’inventer »21. Les familles anciennes « étaient l’honneur de nos campagnes ; il est bien à souhaiter que leur nombre ne diminue point, car elles sont vraiment la ressource la plus sûre de notre avenir national »22 déclare-t-il dans une lettre au clergé en 1910. Les convictions monarchistes de l’influent ecclésiastique et son entrain ne déclinent pas au fil des années. Le quotidien parisien Le Siècle le présente le 4 octobre 1908 comme le dernier représentant de ce courant au sein de l’épiscopat : « D’évêques vraiment légitimistes, d’évêques qui, après avoir cru et espéré inlassablement dans Henri V et dans Philippe VII, ont mis toute leur foi politique et sociale dans le Duc d’Orléans, je crois bien qu’il n’en reste plus qu’un : Monseigneur de Montpellier. Il a la double excuse d’être gentilhomme authentique et d’avoir près de 80 ans. Si ses opinions sont surannées, il n’en est pas moins une figure intéressante... Le résumer en un mot ? un gentilhomme. Il a toutes les qualités et les défauts de la noblesse française : l’honneur, l’esprit, la légèreté et l’imprévoyance... »23.

  • 24 Ibidem.
  • 25 Mgr de Cabrières, Trente cinq ans d’épiscopat, Paris, Plon-Nourrit, 1909.
  • 26 Benjamin de l’Académie française (il est élu en 1895 à 43 ans), Paul Bourget s’oppose à l’omniprés (...)
  • 27 Ibidem.
  • 28 « Il l’a reconnu et proclamé quand, sur le cercueil du général O’Neil, il a réfuté, en des termes (...)
  • 29 Robert Bessède, La crise de la conscience catholique dans la littérature et la pensée française à (...)
  • 30 Jacques Prévotat insiste sur le fait que dans l’Hérault plus qu’ailleurs les ligueurs d’Action fra (...)
  • 31 En lisant la prose dithyrambique de la figure dominante de la pensée conservatrice, on ne s’étonne (...)

8Derrière le rétablissement du « préjugé de naissance », axiome de sa pensée politique, se profile une vision figée des rapports sociaux. « L’idéal défendu par Mgr de Cabrières, résume Gérard Cholvy, est celui d’une civilisation agraire et patriarcale »24. Dans ses engagements partisans, le prélat se retrouve souvent à la même tribune que Paul Bourget qui lui voue un profond respect. Le meilleur exemple de la complicité doctrinale et de la place prépondérante tenue par l’évêque dans le champ politique de la Belle Époque réside dans la préface, rédigée en 1909, d’un recueil de mandements, d’allocutions, d’éloges funèbres, paru sous le titre suivant : Trente cinq ans d’épiscopat25. Le chantre du traditionalisme, célèbre pour ses romans psychologiques critiquant les nouveaux venus qui s’installent dans la « décadence » nationale avec verve26, fait de l’ecclésiastique un phare doctrinal. Pour caractériser au mieux la trame de toutes les réflexions sociétales dont le livre nous offre un beau florilège, l’écrivain monarchiste fabrique un terme précis : « Monseigneur de Cabrières est un traditionniste, s’il est permis de créer un mot qui manque à la langue. Celui de traditionaliste existe bien. Il risquerait de prêter ici à une équivoque, l’Église ayant condamné sous ce nom l’hérésie qui fait dépendre uniquement la pensée de l’enseignement par la parole »27. Dans l’hommage rendu, Paul Bourget considère son interlocuteur comme le chef de file d’un courant ancré dans son temps qui vénère « la force du passé »28. La création d’une nouvelle appellation s’impose. Elle lui paraît plus conforme pour qualifier une époque dominée par le positivisme de Maurras, prônant un soutien « scientifique » à la monarchie afin de bâtir une « contre-culture » dans la France républicaine. Robert Bessède, un spécialiste de l’histoire de la pensée et de la littérature, signale que sa tentative n’aura guère d’écho : « le rapprochement qui s’est opéré, sur une conception de la tradition ajustée aux nécessités modernes, entre catholiques et disciples d’Auguste Comte aboutit à la production d’une forme de pensée originale, pour laquelle Bourget ne parvint pas à imposer son vocable nouveau »29. Toutefois, tout au long de ce travail, nous l’utiliserons. Il permet de bien spécifier la pugnacité des adeptes du « Midi blanc », résolus à se ranger derrière leur évêque, très entreprenant pour défendre la ligne tracée par la Maison de France et par l’Action française, véritable incarnation d’un renouveau politique30. Tous cherchent à lutter, écrit Paul Bourget, contre les « novateurs à tout prix, déjà qualifiés par Saint-Augustin du nom d’everoses, les ravageurs (...) »31...

  • 32 À propos de l’utilisation du terme « nébuleuse », nous pouvons reprendre les éléments de définitio (...)
  • 33 L’Éclair, 10 décembre 1881.

9Une des grandes originalités de « Monseigneur de Montpellier » réside dans sa volonté d’encourager vers 1890 le développement d’une nébuleuse conservatrice aux multiples facettes, apte à affronter le tissu « réformateur »32. Elle se structure autour de réseaux qui connaissent un développement surprenant, parfaitement orchestré par le quotidien L’Éclair, fidèle pendant les soixante-cinq années de sa parution au mot d’ordre lancé par son directeur, Alexandre de Vichet, dès le premier numéro : « Notre objectif sera de gêner la Révolution dans son essor »33.

Notes

1 Lettre du 15 novembre 1843 d’Alexis de Tocqueville à Francisque de Corcelle. Voir Alexis de Tocqueville, Œuvres complètes, tome XV, Paris, Gallimard, 1983, p. 174. Pour une réflexion plus large sur la portée de cette confidence, voir Pierre Birnbaum, La France imaginée. Déclin des rêves unitaires ?, Paris, Fayard, 1998, p. 39-62.

2 Patrice Mann, « Crise et attestation charismatique » in François Chazel, dir., Action collective et mouvements sociaux, Paris, PUF, 1993, p. 193-204.

3 L’évêque a publié un volumineux livre de souvenirs : Cabrières et Veaune. Livre de famille, Paris, Plon, 1917.

4 Marcel Bruyère, Le cardinal de Cabrières, Paris, Éd. du Cèdre, 1956, p. 9 et s.

5 L’uniforme qu’il a lui-même conçu pour ses élèves (« tunique militaire bleue foncée, à boutons dorés, képi mou d’officier ») illustre toute sa rigueur. Voir Guy Dupré, Formation et rayonnement d’une personnalité catholique au xixe siècle : le Père Emmanuel d’Alzon (1810-1880), Thèse de doctorat d’État d’histoire, Université d’Aix-en-Provence, Service de reproduction des thèses, Lille, 1975.

6 Voir Gérard Cholvy, « En marge d’un cinquantenaire (1921-1971). Une correspondance inédite : lettres de Mgr de Cabrières au Père d’Alzon (1849-1880) », Annales du Midi, Tome 83, n° 104, octobre-décembre 1971, p. 397-411.

7 Jean-Marie Mayeur, « Les idées politiques du Père d’Alzon », in René Rémond, Émile Poulat, dir., Emmanuel d’Alzon dans la société et l’Église du xixe siècle, Paris, Le Centurion, 1982, p. 144-156.

8 Émile Appolis, « Un complot ultramontain sous l’ordre moral. La démission de Mgr Le Courtier, évêque de Montpellier (août-décembre 1873) », in Actes du soixante-dix-neuvième congrès national des sociétés savantes (Section d’histoire moderne et contemporaine, Alger, 1954), Paris, Imprimerie Nationale / PUF, 1954, p. 333-346.

9 De Broglie ne voulait pas d’un évêque exalté qui pourrait, à un moment donné, gêner l’action du gouvernement, dans la question italienne par exemple. Voir Marcel Bruyère, op. cit., p. 75.

10 Nous reprenons cette synthèse intéressante. Néanmoins, son auteur ne nous précise pas sur quels critères elle a été établie, sachant toute la difficulté rencontrée par les agents officiels pour classer les candidats sur l’axe droite-gauche. Voir Gérard Cholvy, dir., L’Hérault de la préhistoire à nos jours, Saint-Jean-d’Angely, Bordessoules, 1993, p. 373.

11 Daniel Halévy, La fin des notables, Paris, Hachette, 1995 (1ère Éd. 1930).

12 Christophe Charle, Histoire sociale de la France au xixe siècle, Paris, Éd. du Seuil, 1991, p. 228.

13 De la fin du siècle à nos jours, le nombre de commune passera, à la suite de différents redécoupages territoriaux, de 338 à 343.

14 Un regard superficiel sur la masse des documents archivistiques à l’origine de la synthèse attendue dénote une part d’enchevêtrement des étiquettes politiques distribuées par le commanditaire officiel. Les conseils municipaux doivent être sectionnés en qualifications préétablies par le ministère : « républicains conservateurs », « républicains progressistes », « socialistes », « ralliés », « réactionnaires », « douteux ». Parfois les fonctionnaires confrontés à ce type de classement raturent leurs notes et font basculer la municipalité dans la case voisine... Les hésitations concernent notamment les « républicains progressistes » et les « républicains radicaux » ou se posent pour évaluer le degré de « ralliement ». Ces détails, le plus souvent laissés de côté par les familiers des salles d’archives, nous informent sur la difficulté que rencontrent ces hommes de terrain pour appréhender l’intensité du républicanisme. Que des spécialistes de l’observation locale n’osent pas quelquefois se prononcer, ou annoncent leurs résultats du bout des lèvres, en dit long sur la difficulté à distinguer et à découper proprement les qualifications politiques en compétition. L’apolitisme, répandu dans les professions de foi municipales, les subtilités des alliances partisanes dans un contexte politique agité expliquent en partie les hésitations. Lors des élections législatives de 1893, le sous-préfet de Béziers avoue qu’il ne savait comment classer tel ou tel candidat et « qu’il fallait le secours des articles de journaux pour décider d’une étiquette ». Voir Pierre Trinquier, Trente élections. Un siècle de « politique » héraultaise (1893-1993), Nîmes, Lacour, 1996, p. 20. Pour une réflexion plus approfondie sur l’alchimie des techniques d’étiquetage politique, voir Éric Phélippeau, « La fabrication administrative des opinions politiques. Votes, déclarations de candidature et verdict des préfets (1852-1914) », Revue française de science politique, vol. 4, n° 4, août 1993. p. 587-612.

15 Voir ADH 3 M 2217 et 3 M 2218.

16 Jacques Gadille présente ainsi les principes philosophiques et théologiques de Mgr Pie : « Puisant dans Saint-Augustin et dans Saint-Thomas sa philosophie de la nature humaine et de la connaissance, il considère que la noblesse de l’homme réside non pas dans sa capacité créatrice, limitée à ses seules forces, mais dans son aptitude à la surnature : “J’ose dire que la noblesse suprême de notre nature consiste en ce qu’étant donné les attributs et les facultés qui la constituent, elle soit potentiellement apte a être épousée ou adoptée par la divinité”. Créés à partir du néant, la nature et l’esprit de l’homme ne valent que par référence à Dieu ; les séparer de Lui, même par un artifice dialectique, c’est les mutiler ». Voir Jacques Gadille, La pensée et l’action politique des évêques français au début de la Troisième République (1870-1883), tome 1, Paris, Hachette, 1967, p. 49-50. Sur ces questions, voir aussi: Jean-Marie Mayeur, « Catholicisme intransigeant, catholicisme social, démocratie chrétienne », Annales ESC, mars-avril 1972, p. 483-499.

17 Lettre pastorale, 8 septembre 1884. Citée par Gérard Cholvy, « Religion et politique en Languedoc Méditerranéen et Roussillon à l’époque contemporaine », in Droite et gauche..., op. cit., p. 64.

18 Discours du 17 mars 1889. Cité par Gabriel de Llobet, Le Cardinal de Cabrières, Paris, La Bonne Presse, 1944, p. 120.

19 Marcel Bruyère, op. cit., p. 176-177.

20 Oeuvres choisies de Monseigneur de Rovérié de Cabrières, Évêque de Montpellier, Paris, Ch. Poussielgne-Joseph Colas, 1893, p. 145.

21 Il ne s’agit que d’un simple aperçu. Pour une confirmation de l’importance de ces conceptions sociales, voir la section « Tradition-Noblesse » du livre de l’archevêque d’Avignon, Mgr de Llobet, sur Cabrières. L’auteur se contente de mettre bout à bout toute une série de citations sur ces thèmes. Voir Gabriel de Llobet, Le Cardinal de Cabrières, Paris, La Bonne Presse, 1944, p. 89 et s.

22 Voir Gérard Cholvy, « Mgr de Cabrières et l’Action française », Études maurrassiennes, V, I, 1986, p. 149-168.

23 Voir Gérard Cholvy, « Monseigneur de Cabrières et l’Académie française », Communication à l’Académie des sciences et lettres de Montpellier le 26 mars 1979, Montpellier, Déhan, 1979, p. 35.

24 Ibidem.

25 Mgr de Cabrières, Trente cinq ans d’épiscopat, Paris, Plon-Nourrit, 1909.

26 Benjamin de l’Académie française (il est élu en 1895 à 43 ans), Paul Bourget s’oppose à l’omniprésence du roman naturaliste. Très introduit dans les cénacles politiques et financiers parisiens, il s’engage dans l’Action française et en devient un des plus fervents propagandistes. Voir Yehoshua Mathias, « Paul Bourget, écrivain engagé », Vingtième siècle. Revue d’histoire, n° 45, janvier-mars 1995, p. 14-29.

27 Ibidem.

28 « Il l’a reconnu et proclamé quand, sur le cercueil du général O’Neil, il a réfuté, en des termes si justes et si vrais, le plus dangereux des sophismes contemporains : celui qui consiste à investir chaque génération d’un droit absolu sur les legs d’idées et de coutumes transmis par les aïeux : “La conscience proteste. Elle affirme que la tradition repose sur cette pensée qu’une chaîne, invisible, impalpable, mais réelle subsiste entre les membres d’une même famille, et que c’est là un des plus fermes appuis de la morale et de la grandeur des nations. On est responsable de son nom en arrière comme en avant de soi, et au lieu d’un individualisme farouche, qui isole de chaque homme dans une sorte de désert ; on voit, au contraire, on touche pour ainsi dire, de la main, les nœuds sacrés qui unissent entre-elles les générations les plus éloignées, qui les rassemblent en faisceaux et composent avec elle, la durable unité d’un grand peuple”... » Ibidem.

29 Robert Bessède, La crise de la conscience catholique dans la littérature et la pensée française à la fin du xixe siècle, Paris, Éd. Klincksieck, 1975, p. 140.

30 Jacques Prévotat insiste sur le fait que dans l’Hérault plus qu’ailleurs les ligueurs d’Action française travaillent en symbiose avec les « royalistes de tradition ». Voir Les catholiques et l’Action française, op. cit., p. 46. Nous reviendrons plus loin sur ce point en notant que les relations se compliquent après la Grande Guerre.

31 En lisant la prose dithyrambique de la figure dominante de la pensée conservatrice, on ne s’étonne guère de sa décision d’encourager Mgr de Cabrières à venir l’épauler à Paris au sein de l’Académie française. Pour le littérateur, il s’agirait d’un atout de valeur dans la lutte engagée contre les doctrines en vogue alors. Plusieurs lettres conservées aux archives diocésaines confirment que Paul Bourget est à l’origine d’un « plan de campagne » pour faire élire le prélat royaliste dans le fauteuil du cardinal de Curie Mathieu disparu le 26 octobre 1908. L’affrontement discret entre les différents réseaux de soutien des postulants pressentis qui structurent le paysage intellectuel national tourne au désavantage de « Monseigneur de Montpellier ». Paul Bourget utilise cette expression dans une lettre envoyée au prélat le 5 décembre 1908. Voir Gérard Cholvy, « Mgr de Cabrières et l’Académie française ». Communication prononcée à l’Académie des sciences et lettres de Montpellier le 26 mars 1979, op. cit., p. 19.

32 À propos de l’utilisation du terme « nébuleuse », nous pouvons reprendre les éléments de définition donnés par Christian Topalov. « Il s’agira d’explorer un univers fini mais aux contours indécis, une matière discontinue faite de noyaux denses et de zones relativement vides, de corps en voie de formation ou de désintégration, un ensemble d’objets organisés, en système partiels mais entraînés dans un mouvement d’ensemble Christian Topalov, dir., Laboratoires du nouveau siècle. La nébuleuse réformatrice et ses réseaux en France (1880-1914), Paris, Éd. de l’EHESS, 1999, p. 13.

33 L’Éclair, 10 décembre 1881.

Table des illustrations

Titre La droite et la gauche aux élections législatives10
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/2244/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 141k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de caractères.
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search