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La persistance du Midi blanc

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Philippe Secondy

Première partie. La résistance des « blocs de granit »

Chapitre 2 : Les soubassements du pouvoir légitimiste

Texte intégral

  • 1 Yannick Brohard, Les notables de Montpellier sous le Premier Empire, Mémoire de maîtrise d’histoir (...)
  • 2 En 1819, selon l’Annuaire de l’Hérault, 36 mairies sont dirigées par des noms à particule : le mar (...)
  • 3 Cette citation illustre bien pour Gérard Cholvy un enseignement ignorant totalement la significati (...)

1Demeuré sans rôle politique prépondérant jusqu’à la fin de l’Empire1, « le petit monde » des familles nobles se félicite du changement de régime. Durant la Restauration, les grands propriétaires se verront confier les principales mairies et la présidence du Conseil général2. L’Église lui apporte sa caution. L’évêque, Mgr Fournier, exhorte le peuple des fidèles à respecter le souverain et les notables. « Il existe, déclare-t-il au moment du Carême en 1829, un ordre voulu de Dieu : rois, riches et grands de ce monde sont les protecteurs des faibles et des petits, les ministres de la Providence auprès du peuple. Au peuple d’obéir, voilà le premier devoir que la religion nous impose »3. L’appel, lancé dans une période où les circonstances politiques paraissaient peu favorables, a pour objectif de mobiliser les masses qui, surtout dans le Montpelliérais, avaient accueilli avec enthousiasme la Restauration des Bourbons. L’historien Louis-J. Thomas estime, dans une contribution datant de 1930, qu’au sein de l’opinion montpelliéraine « le menu peuple des petits métiers était royaliste sans nuance, et manifestait à l’égard du Roi et de la famille royale les sentiments de la plus vive et de la plus touchante affection ». Plusieurs indices permettent d’illustrer cette « ferveur » selon lui :

  • 4 Voir Louis-J. Thomas, « La statue de Louis XVI à Montpellier », Bulletin de l’Académie des science (...)

« Le service funèbre du 21 janvier à la mémoire du “Roi-Martyr”, ou les autres cérémonies “expiatoires” prescrites par le gouvernement en souvenir des victimes royalistes de la Révolution, n’étaient point à Montpellier, des solennités un peu froides et compassées, comme sont trop souvent les cérémonies officielles : on s’y pressait en foule, et avec ferveur, au temple protestant comme à la cathédrale catholique. On y ajoutait même spontanément. Ainsi, au mois de mars 1820, les revendeuses de la halle, “dont plusieurs ont été incarcérées pendant les Cent jours à cause de leur dévouement à la famille de nos Rois”, après avoir assisté au service funèbre célébré officiellement à la cathédrale pour le repos de l’âme du duc de Berry, assassiné par Louvel, font célébrer, à leurs frais, une messe dans la chapelle des Pénitents blancs (...). De même, Montpellier est la première ville française à “posséder l’image du Roi-Martyr”. Le marquis d’Ax d’Axat, maire de la ville sous la Restauration, fit édifier une statue de Louis XVI pour témoigner des “sentiments” et de l’“amour” que lui portent les Montpelliérains. À l’occasion de la pose de la première pierre de ce monument, un “peuple immense” était amassé sur la place Louis XVI »4.

  • 5 Christine Guionnet, L’apprentissage de la politique moderne. Les élections municipales sous la Mon (...)
  • 6 Le Courrier du Midi, 9 juillet 1840.
  • 7 Les villes comme Alès, Montauban, Lavaur, Castres, Nîmes ou Albi lui réservent un bon accueil. Voi (...)
  • 8 Il existe des représentants « dans la noblesse d’origine parlementaire comme les Ginestet, les Mas (...)
  • 9 Aux élections législatives de 1839, le légitimiste de Larcy est élu en compagnie d’un opposant dém (...)
  • 10 Elles entraînent la cherté des grains et la mévente des vins.

2Le changement de dynastie en 1830 n’attire guère les nobles. Le plus grand nombre reste fidèle à Charles X. De fait, en quelques mois, ils perdent la plupart des positions qu’ils détenaient dans le domaine politique, la magistrature et l’administration. De même, les prêtres dans leur majorité n’ont pas voulu se soumettre aux conséquences de la révolution de Juillet. Leur action sera quelque peu contrecarrée par l’arrivée en 1835 d’un nouvel évêque (Mgr Thibault), favorable aux orléanistes. Les élections municipales instaurées par le représentant de la branche d’Orléans représentent un observatoire idéal pour mesurer l’écho des revendications légitimistes dans un contexte de familiarisation des populations à la vie politique démocratique5. Elles sont un succès en 1833 à Montpellier (ils ont 21 élus contre 15 constitutionnels). Celui-ci est confirmé à l’occasion des élections partielles de juin et juillet 1840. Il en va de même à Lunel, Pézenas, Agde, Ganges... Le Courrier du Midi, favorable à la monarchie de Juillet, écrit alors : « nous ne chercherons pas à dissimuler toute l’étendue de notre défaite, le parti légitimiste l’emporte »6. De Toulouse à l’Est du Rhône, les pugnaces partisans d’Henri V obtiennent des scores élevés7. Une nuance de taille est repérée en Bas-Languedoc : on trouve un ancrage rural dans les secteurs où les minorités protestantes affichent de bonnes dispositions à l’égard du nouveau pouvoir et « l’opinion légitimiste a des représentants dans toutes les classes de la société »8. Cette prépondérance s’effrite vers la fin du règne de Louis-Philippe. L’agitation lors de l’équipée de la duchesse de Berry tout comme la prospérité renforcent le régime. Des opposants modérés s’en rapprochent grâce à l’action de l’administration, par exemple dans les arrondissements de Béziers et de Saint-Pons. L’expansion économique correspond à une période où les candidats ministériels, aidés certainement par les manipulations préfectorales sur les listes des capacitaires, gagnent des sièges aux diverses élections malgré des tentatives d’alliance entre les légitimistes et les républicains9. Ces derniers accentuent leurs actions. Les crises successives au milieu des années 184010 et leurs inévitables conflits sociaux offrent un terrain fertile pour l’éclosion du mouvement républicain cantonné dans la clandestinité depuis de longues années.

  • 11 Voir Nicole Brun, Les milieux légitimistes dans l’Hérault sous la Seconde République (24 février 1 (...)
  • 12 L’Écho du Midi, 1er avril 1848. Pour justifier cette alliance, le nouveau représentant de l’État e (...)
  • 13 En dépit des limitations qui y seront apportées avec la loi de mai 1850.
  • 14 Rapport du préfet de juillet 1848. Ibid.

3La révolution de février 1848 signe la fin de cet essai de monarchie bourgeoise et censitaire. L’avènement de la République suscite une large satisfaction11. Même les légitimistes la défendent. « Lorsque la République a été proclamée, nous l’avons acceptée comme la seule forme de gouvernement qui peut fermer l’abîme des révolutions », peut-on lire dans L’Écho du Midi, le journal qui propage leurs opinions12. Le passage au suffrage universel masculin13, difficilement apprivoisé, ouvre cependant la voie à de nouvelles pratiques politiques. Les forces en présence s’organisent pour capter l’électorat populaire et les parois entre les deux factions royalistes laissent entrevoir une grande porosité. « Le parti légitimiste s’est grossi de tous les transfuges qui depuis quelques années avaient été convertis au monarchisme orléaniste, la ville de Montpellier a été divisée en sections et des clubs se sont organisés dès les premiers jours de la Révolution »14, nous relate le préfet de l’époque. Un tel rapprochement engendre, dès les premières semaines du régime, une phase de reconquête électorale.

  • 15 D’un côté, on trouve l’abbé de Genoude, avec comme principal adversaire le procureur général Laiss (...)
  • 16 Les royalistes l’emportent aussi à Mauguio, Castries, Frontignan, Montagnac, Pézenas, Villeveyrac, (...)
  • 17 Les autres élus étant « anciens conservateurs » (9) et « républicains » (9). Ibid., p. 45.
  • 18 Le rapport se poursuit par ces termes : « (les légitimistes) n’avaient jamais négligé d’entretenir (...)

4Quatre mois après les agitations révolutionnaires, à l’occasion de l’élection complémentaire à l’Assemblée constituante du 4 juin 1848, apparaît un premier éclairage significatif à partir de la formule : « un homme = une voix ». Il fixe les tendances profondes de l’opinion et se révèle fort proche de celui qui fut dévoilé par les résultats du serment de 1791. La candidature dans l’Hérault de l’abbé de Genoude, le directeur du quotidien national monarchiste La Gazette de France, a montré que les suffrages légitimistes recouvraient entièrement les « pays cléricaux »15. Après la conquête de la majorité municipale à Montpellier16, à l’automne, et l’élection de 18 conseillers généraux (sur 3617) soutenant les idées portées par le comte de Chambord, nous pouvons constater que : « le parti légitimiste a profité de l’avènement des masses à l’exercice des droits politiques »18.

  • 19 Gérard Cholvy, « Les élections du 13 mai 1849 dans le département de l’Hérault », in Collectif, Pr (...)
  • 20 Il siège déjà au Parlement sous la Monarchie de Juillet (1834-1837 et de 1842 à 1846) tout en occu (...)

5Les élections législatives du 13 mai 1849 permettent d’affiner l’analyse. La distinction entre l’Est et l’Ouest du département se confirme. Les fervents défenseurs du « drapeau blanc » trouvent de solides appuis du littoral oriental en direction de Ganges, avec un fort taux dans les garrigues montpelliéraines. Dans l’arrondissement du chef-lieu départemental, les candidats clairement affichés légitimistes arrivent en tête dans neuf cantons sur douze. Des résultats identiques se remarquent à Florensac, Montagnac, Saint-Gervais et Bédarieux19. Un congrès électoral avait officialisé une politique d’union clairement visible depuis l’avènement de la Seconde République. Les légitimistes le dominent. Quatre éléments de la tendance seront élus en 1849 : le marquis Eugène Jean de Grasset, propriétaire terrien et maire de Pézenas20 ; l’avocat Gustave de Girard, bien implanté dans le canton des Matelles où il dispose d’un grand domaine foncier ; Amédhée Vernhette, autre élu départemental, membre du barreau ; et un militaire : le général de Saint-Priest. Deux autres députés, de sensibilité orléaniste, se rattachent à cette liste mobilisée « pour combattre et pour vaincre les ennemis de la religion, de la famille et de la propriété ». Les républicains connaissent une percée remarquable avec l’élection d’Alexandre Auguste Ledru dit « Ledru-Rollin » et de Jacques Brives.

  • 21 Maurice Agulhon, 1848 ou l’apprentissage de la République (1848-1852), Paris, Seuil, 1973, p. 164 (...)
  • 22 Alors que le 8 mai 1870, la politique de Napoléon III est approuvée par environ 80 % des votants a (...)
  • 23 En 1858, le préfet fait le point au ministre de l’Intérieur sur l’attitude des partisans du comte (...)
  • 24 Voir Gérard Cholvy, dir., Le Languedoc et le Roussillon. Civilisations populaires régionales, Roan (...)
  • 25 Mgr Thibault, longtemps récalcitrant à toute alliance, refuse les réformes réclamées par les révol (...)

6Ce scrutin emblématique fixe la géographie des courants d’opinion pour les décennies à venir. Dans le Languedoc-méditerranéen, le bonapartisme échoue. Le coup d’État de décembre 1851 sera à l’origine d’une prise d’armes rurale exceptionnelle dans nombre de cantons héraultais. Les incidents sanglants dans le Biterrois et vers Bédarieux atteignent des sommets21. La répression marque pour de longues années une conscience républicaine affligée par de tels excès et par la démagogie bonapartiste qui suivra22. Par ailleurs, les scrutins de 1849 annoncent un cas de figure qui deviendra manifeste après la parenthèse autoritaire du Second Empire23 : les royalistes absorbent les résidus « conservateurs » et « modérés » dans un bloc électoral qui fait face au parti des « rouges ». Les prémices de cette évolution étaient formulées ainsi, en mai 1851, par le nouveau Procureur général de Montpellier dans un compte-rendu destiné à ses supérieurs : « Vous m’avez envoyé dans un pays qui ne ressemble pas au reste de la France... Les populations y sont parquées en deux classes ennemies, les Blancs et les Rouges... Des républicains modérés, j’en cherche encore après 18 mois de séjour. Légitimistes ou démagogues, on n’est que cela dans cette contrée »24. Les « blancs » reçoivent l’onction de l’ensemble du clergé25 en phase avec les orientations tracées par les papes successifs. Les actes pontificaux condamnent le vent de libéralisation de la société qui souffle avec plus de vigueur dans la deuxième partie du siècle. Les doctrines naissantes qui portent l’idée de République sont assimilées à des « erreurs » répertoriées dans le Syllabus en 1864. La victoire des conservateurs aux élections législatives de 1871 (ils obtiennent les 8 sièges) signale la défiance vis-à-vis des principes réaffirmés par les relais d’un régime qui s’établit dans la douleur.

  • 26 Hormis l’Ouest du pays, les alentours de Lille, le Midi toulousain et le Gard qui correspondent au (...)

7La visualisation rapide de la situation politique nous conduit à relever l’existence d’une assise légitimiste durable. Nous rejoignons les conclusions de Stéphane Riais qui s’est efforcé, en prenant de multiples précautions, de cartographier les pôles de ce courant idéologique radical. En combinant les résultats électoraux entre 1831 et 1876, aussi bien nationaux que locaux, avec la diffusion de la presse attachée à cet engagement et les données fournies par les rapports des autorités administratives, il nous offre une vue hexagonale unique. Dans notre département, la « tendance légitimiste fut plutôt favorable sur l’ensemble de la période »26, estime ce connaisseur avisé des subtilités du monarchisme. Deux facteurs décisifs peuvent être repérés pour comprendre la stabilité constatée. D’une part, les mutations économiques n’entraînent pas un déclin du pouvoir nobiliaire et, d’autre part, entre les deux expériences napoléoniennes, le légitimisme s’affermit dans les masses par l’instrumentalisation des réseaux charitables.

La « magie » de la noblesse

  • 27 Voir, par exemple, Monique de Saint-Martin, L’espace de la noblesse, Paris, Métailié, 1993.
  • 28 Nous reprenons ici la définition donnée par Guy Chaussinand-Nogaret. Voir sous sa direction : Hist (...)
  • 29 Arlette Jouanna, « Des “gros et gras” aux “gens d’honneur” » in Guy Chaussinand-Nogaret, op. cit., (...)
  • 30 Notamment visible dans les défilés organisés à l’occasion de l’entrée du roi dans une ville. Tous (...)
  • 31 Monique de Saint-Martin, en s’appuyant sur Marcel Mauss, considère les nobles comme des magiciens (...)
  • 32 Arlette Jouanna, Ordre social. Mythes et hiérarchies dans la France au xvie siècle, Paris, Hachett (...)

8Longtemps réduite à l’autocélébration, l’étude de la noblesse connaît un renouveau27 depuis la vogue des recherches prosopographiques portant sur la notion ambiguë d’ » élite(s) », c’est-à-dire sur « cette fraction de la population où se concentrent puissance, autorité et influence »28. Arlette Jouanna, en analysant l’idée de supériorité nobiliaire sous l’Ancien Régime raconte qu’aux xiie et xiiie siècles, « on disait volontiers, pour désigner ceux placés par leur naissance au sommet de l’ordre social, les “gros” ou les “gras”, les “riches hommes”, ou encore les “puissants” »29. Ces catégories réalistes définies par rapport au pouvoir et à la fortune suggéraient une domination de fait et une identité nobiliaire très marquée30. L’examen des structures enfouies de cet ordre social révèle le travail produit par les nobles pour maintenir, par une sorte de « magie sociale »31, une coupure. Véritable « personnalité à la fois biologique, morale et sociale »32, ils se démarquent des individus socialement incomparables et assignés à la masse des anonymes.

  • 33 La noblesse d’Empire a survécu au régime qui l’avait instituée. Elle reçut même une consécration d (...)

9Au fil des années, malgré bien des soubresauts historiques, avec notamment le non-être juridique né de la Révolution française, des signes tangibles illustrent la survie de l’identité nobiliaire jusqu’au cœur du xxe siècle, bien que se pose le problème de la distinction entre les vrais et les faux nobles. Alors que la Première République souhaitait son élimination, la noblesse dès l’époque napoléonienne retrouve une existence officiellement reconnue. Elle fut à nouveau consacrée sous la Restauration33, durant laquelle se multiplient les anoblissements, et sous la monarchie de Juillet qui ne considère plus l’usurpation des titres comme un délit. La très grande majorité des représentants de la noblesse héraultaise célèbre la branche aînée des Bourbons. Ces « notables blancs », s’ils ne constituent qu’un élément du monde des notables, n’en demeurent pas moins les plus nettement différenciés. Par sa richesse et son influence, ce groupe pèse durablement sur la direction économique et sur la vie politique.

L’autorité du « maître de la terre »

  • 34 Raymond Dugrand, « La propriété foncière des citadins en Bas-Languedoc », Bulletin de l’associatio (...)
  • 35 Ibidem.

10L’histoire du département nous renseigne sur la puissance nobiliaire qui connaît une nouvelle consolidation avec l’apparition de la viticulture industrielle. Les précieux travaux du géographe Raymond Dugrand sont une pièce majeure pour comprendre le phénomène. Dans de multiples recherches, il se base sur l’examen du cadastre pour étudier la répartition de la propriété foncière en Bas-Languedoc oriental : ce qui correspond à la presque totalité des départements du Gard et de l’Hérault, en intégrant la partie camarguaise des Bouches-du-Rhône et une frange de l’Aude. Au début du xixe siècle, « l’étendue des propriétés foncières urbaines est le fait presque exclusivement de la grande propriété : 509 familles, souvent liées entre elles, possèdent alors plus de 200 000 hectares, le sixième du Bas-Languedoc »34. Un examen plus poussé révèle l’origine montpelliéraine des possédants : « C’est la grande place administrative, qui monopolise la terre, plus de 72 000 hectares. Quatre-vingt-dix familles concentrent plus de 62 000 hectares ». Les domaines dispersés dans des régions sous l’emprise des « maîtres de la terre » couvrent la basse vallée de l’Hérault, Garrigues et Causses, la basse plaine montpelliéraine et la Petite Camargue. « La plus grande partie de la fortune foncière, poursuit Raymond Dugrand, reste entre les mains d’une noblesse authentique : le marquis de Montcalm qui possède 1691 hectares en 6 domaines, le marquis Villardy de Montlaur avec 611 hectares en 3 campagnes »35... Si l’on s’en tient au territoire de la garrigue, nous voyons que dès le xviiie siècle de grands propriétaires tiraient de substantiels bénéfices de l’élevage du mouton. En s’appuyant sur les données cadastrales d’un échantillon de dix-huit communes du pourtour montpelliérain, il ressort que trente-six familles détiennent, à l’époque des monarchies constitutionnelles, 14 857 hectares sur une surface totale de 35 900 hectares. Toutes sont absentéistes et trente-deux résident dans la grande ville voisine. L’auteur de l’enquête, à qui nous empruntons la démonstration, remarque que cette position ne s’effondre pas avec les années :

  • 36 Au milieu de la Quatrième République, la mainmise foncière des « grandes familles » subsiste dans (...)

« Il s’agit donc là d’une propriété très “ancienne France”. Ces traits sociaux sont demeurés permanents jusqu’à nous. Marquis, barons et vicomtes sont actuellement (au milieu des années 1950) propriétaires en garrigue avec des professeurs, des juges et une majorité de sans profession. Ces grands propriétaires jouent un rôle social et politique. La garrigue est en effet un milieu très fermé où l’Église et la grande propriété terrienne ont toujours tenu les commandes (...). On note en effet, parmi eux, quelques grands noms de l’antique noblesse d’épée comme le comte de Voguë, propriétaire de plus de 2 000 hectares, le comte de Turenne Napoléon et le marquis de Preville. D’autres tirent leurs titres de la robe et d’un anoblissement plus récent, comme les de Grézy et les d’Albenas. Certains sont encore des gens de justice, présidents du tribunal, avocat ou greffier. D’autres sont de hauts fonctionnaires et ont même été comme Creusé de Lesser, préfet d’Empire (677 hectares à Vailhauquès) »36.

  • 37 Nous nous réfèrerons surtout à : Alain Berger, Frédéric Maurel, La viticulture et l’économie du La (...)
  • 38 Claude Fohlen, « En Languedoc : vigne contre draperie », Annales ESC, n° 3, juillet-septembre 1949 (...)
  • 39 La liaison ferroviaire directe entre Montpellier et Paris date de 1855.
  • 40 Le vignoble de la région passe de 309 000 hectares en 1850 à 439 000 en 1875 (soit 18 % du vignobl (...)
  • 41 « Souvent, aux débuts des années 1860, les labours sont effectués par la main d’oeuvre elle-même, (...)

11Longtemps bridée par les autorités sous l’Ancien Régime, à cause de l’obsession de la disette des grains, la tendance à l’augmentation du vignoble joue pleinement à l’époque de la domination du duc d’Orléans37. L’économie languedocienne assiste à « la retraite de la draperie devant la vigne »38. Elle réclame une forte main-d’oeuvre et offre une meilleure rémunération. L’organisation des marchés agricoles nationaux fait que le Midi peut s’approvisionner en blé au niveau national et même international. Pourtant, l’élément crucial pour comprendre la formidable croissance de la viticulture sera l’irruption du chemin de fer. Il réalise une véritable révolution des transports. Entre 1850 et 1870, les principales lignes du réseau ferré du Languedoc et du Roussillon sont conçues39. Désormais, le vin et les autres denrées alimentaires peuvent circuler à moindres frais sur tout le territoire. Tout ce qui peut être planté est transformé en vignoble40 et chacun s’enrichit grâce aux bénéfices extraordinaires liés à la vente du vin. La première phase de prospérité correspond à une viticulture à dominante artisanale41.

  • 42 La très dynamique bourgeoisie d’affaires montpelliéraine, majoritairement protestante, participe a (...)
  • 43 Michel Augé-Laribé, La révolution agricole, Paris, Albin Michel, 1955. Du même auteur, voir « Le r (...)
  • 44 « C’est le groupe social dominant dans la société héraultaise », note Jean Sagnes in Le mouvement (...)
  • 45 « Sur le plan des surfaces totales, 1331 propriétaires absentéistes ayant chacun plus de 50 hectar (...)

12L’euphorie ne dure pas. En 1867, l’attaque d’un puceron originaire d’Amérique, le phylloxéra vastarix, anéantit en quelques années le vignoble méridional. La crise est très ressentie dans le Gard et à proximité de Montpellier. Le Biterrois, l’Aude et les Pyrénées-Orientales ne sont touchés qu’au moment de la découverte du produit susceptible de contrecarrer l’avancée du parasite. Le fléau a causé une grave crise chez les petits et moyens viticulteurs. En l’absence totale d’organismes de crédit, ils ne peuvent replanter de nouvelles vignes. En effet celles-ci, exceptionnellement fragilisées, nécessitent plus d’entretien et donc davantage de frais. Après la crise, nous entrons dans une autre ère dominée par des grands propriétaires issus désormais de la bourgeoisie d’affaires42. Elle investit dans la viticulture en donnant naissance à une culture industrielle43 et esquisse un rapprochement avec la noblesse qui voit son influence sociale se maintenir. Parmi tous les secteurs, le Biterrois est le grand bénéficiaire de la période. Dans la « mer de vigne » héraultaise, l’autorité du « maître de la terre » prend une dimension particulière. Le grand patronat viticole demeure une force incontournable jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale44. La grande propriété foncière commence en Bas-Languedoc au-delà de 20 hectares de vignes. Dépassé ce seuil, le propriétaire ne travaille plus lui-même ses terres. Si la barre des 50 hectares est franchie, le recrutement d’une main-d’oeuvre salariée devient obligatoire. À l’instar de ce qu’il avait observé dans les premiers temps de la période post-révolutionnaire, Raymond Dugrand a montré, à partir d’un travail statistique pointilleux, que « la grande propriété citadine continue de s’approprier une part considérable du territoire régional (...). On voit, encore au milieu du xxe siècle, que le cinquième du plus grand vignoble du monde est possédé par un groupe de 1 400 citadins »45.

  • 46 Sur l’importance de la terre dans l’univers des droites, voir Pierre Barrai, « La terre », in Jean (...)
  • 47 Pierre Barral, « La terre et les pouvoirs. Réflexions introductives », in La terre et les pouvoirs (...)
  • 48 Voir André Siegfried, Tableau politique de la France de l’Ouest, Paris, Imprimerie nationale, 1995 (...)

13Le château au coeur du domaine foncier constitue un signe fort de cette appartenance à un univers social à part. Traditionnellement l’activité première de la noblesse, à côté de « l’art de la guerre », a été de diriger le travail de la terre. Condition d’accès au pouvoir politique sous l’Ancien Régime, assise de l’éminence sociale, elle est porteuse de valeurs morales-soumission, obéissance, respect- et demeure un pôle de stabilité au sein d’un monde touché par le changement. On y exalte la communauté familiale au centre de laquelle le châtelain joue le rôle du chef en parfait accord avec la Création, dans le respect des saisons, des hiérarchies. Et, malgré les révoltes paysannes qui ont émaillée l’histoire, la noblesse a toujours défendu la conception organiciste de la terre qui fait de celle-ci un « marqueur biologique » et permet la survie de ses positions46. Pierre Barrai résume ainsi la portée de ce mystérieux pouvoir : « Que le châtelain agisse en personne ou à travers l’écran de son régisseur, relève-t-il, le pouvoir du château implique assurément une lourde exigence : un travail productif long et pénible mais aussi une discipline, débordant largement les relations professionnelles, en matière morale, religieuse, politique... Elle fournit en contrepartie la garantie de la subsistance familiale (...) ; dans les imprévus de la maladie, du deuil, de la guerre, le château accorde le surcroît de sa protection paternaliste »47. Sans tomber dans un trop grand schématisme et en notant que le recours aux journaliers diminue la relation de dépendance, nous pensons tout comme l’indique André Siegfried à propos de l’Ouest que perdure ici un « reflet lointain de féodalité »48. Maints rapports préfectoraux le regrettent. Invité à brosser un tableau politique du territoire sous sa responsabilité, le premier préfet de la Seconde République nous donne une analyse couramment entendue :

  • 49 Rapport sur l’état du département de l’Hérault établi en juillet 1848. ADH 1 M 817.

« Dans les départements du Midi, le parti légitimiste est puissant, il ne faut pas se le dissimuler (...). Dans les localités agricoles, les propriétaires exercent une grande influence et, il faut bien le dire, cette influence est en très grande partie exercée au détriment de la Révolution. (...) Il faut considérer que les masses sont encore très accessibles aux séductions de la richesse, qu’un grand nombre de prolétaires, ceux des campagnes surtout sont sous la dépendance ou sous la domination morale tout au moins de la classe opulente »49.

  • 50 Il s’agit des cantons de Ganges (de Rodez-Bénavent), Castries (Durand), Saint-Martin-de-Londres (d (...)
  • 51 Castries, Frontignan, Ganges, Les Matelles, Mauguio, Montpellier, Saint-Martin-de-Londres, Agde, L (...)

14Le « vote universel » en septembre 1848, comme nous l’avons noté, a permis à dix-huit notabilités légitimistes d’obtenir un siège de conseiller général. Dans la quasi-totalité des cantons concernés50, le poids des « seigneurs fonciers » est indéniable. Des fonctionnaires sourcilleux du Second Empire ont été chargés, dix ans après notre scrutin de référence, de présenter l’évolution « politique, économique et morales » des quatre arrondissements héraultais en se basant sur l’unité cantonale. Les informations rapportées prouvent le lien étroit entre la noblesse terrienne et les sentiments royalistes. Tout en s’efforçant de relever des indices qu’ils interprètent comme positif pour la popularité du nouvel homme fort du régime, leurs annotations dessinent une carte qui corrobore grosso modo la photographie électorale de septembre 1848. « L’esprit politique sous l’influence légitimiste » est remarqué dans une douzaine de circonscriptions au profil semblable51. Un échantillon des enquêtes proposées à l’époque le laisse supposer :

  • 52 Ibidem.

« L’opinion légitimiste était celle du pays presque tout entier avant 1848. M. M. de Ginestous, de Girard et Mauméjean la dirigeaient (Les Matelles) (...). Le canton de Mauguio s’est fait remarquer longtemps en politique, par des opinions exagérées. Sous le gouvernement de 1830, le parti légitimiste faisait une guerre acharnée aux libéraux (...). Ce canton est situé aux portes de Montpellier, les familles riches de cette grande ville possèdent des propriétés considérables, exploitées par des serviteurs à gage (...). Très pauvres, montagneux, dominé par l’élevage des troupeaux et les récoltes de céréales, telles sont quelques-unes des caractéristiques de la région de Saint-Martin-de-Londres. La population, généralement bien en retard au point de vue de l’instruction primaire est peu aisée. Les doctrines socialistes, prêchées avec tant de succès dans d’autres points du département après 1848, n’ont fait dans ce canton qu’un petit nombre d’adhérents. Sous le gouvernement de Juillet, le pays était inféodé presque tout entier au parti légitimiste, sous la direction de M. le Comte de Ginestous. La grande majorité des habitants paraît appartenir encore aujourd’hui à cette opinion. Toutefois, la population des communes dans lesquelles les chefs de parti n’exercent pas une influence directe, semble s’en détacher peu à peu et vote bien depuis l’avènement de l’Empire (...). Il y a dans le canton (de Florensac) des domaines ruraux d’une grande importance. Les journaliers quoique très nombreux sont à l’abri du besoin par un travail suffisamment rétribué. Mais dès que les intempéries arrêtent la culture, ils ont recours aux établissements charitables, au bureau de bienfaisance, à l’hospice, aux fourneaux économiques, entre les mains des monarchistes (…)52 ».

15À cette relation directe, basée sur la puissance terrienne, s’ajoute une série de repères identitaires qui concourent à renforcer la « magie » sociale dégagée par ces « sortes d’êtres mythiques ».

Les marqueurs de la distinction sociale

  • 53 « De nombreuses similitudes dans l’aménagement du jardin, la décoration intérieure ou l’ameublemen (...)
  • 54 « C’est l’époque de d’Aviler, des Giral, de Jacques Donnat ; on peut parler d’une véritable école (...)
  • 55 Philippe Castan, Montpellier-autour. Châteaux, jardins et folies, Montpellier, Aone, 1986.
  • 56 Cette industrie induit 6 000 emplois à la veille de la Révolution. Ce qui représente 20 % de la po (...)

16Si le château familial atteste de l’enracinement dans le terroir, son architecture représente un autre enjeu. Elle manifeste « la volonté de toujours se distinguer du vulgaire mais aussi du provincial (...) »53. Dès 1720, aux alentours de Montpellier, se dressent une quarantaine de belles demeures entourées de parcs. Ces « folies », comme on les appelle, nous donnent une idée du goût et du luxe qui a pu présider à l’aménagement de ces résidences d’été54. La formation d’une élite de la fortune a favorisé l’établissement de ces grands domaines ruraux commandés à des architectes de renom et dans lesquels les sculpteurs ont libre cours55. L’ère nouvelle de paix et d’expansion économique, liée au développement des usines de drap, de l’industrie chimique constitue un facteur explicatif important56 ainsi que l’attrait incontestable de l’École de médecine connue dans l’Europe entière. Enfin, à partir de 1737, la réunion annuelle des États du Languedoc assoit son rôle de capitale administrative, renforcé par la présence permanente de l’Intendant, représentant le pouvoir royal, et d’une centaine d’officiers de la Cour des Aides, unie depuis 1629, à la Chambre des Comptes.

  • 57 Jean-Denis Bergasse, L’eldorado du vin. Les châteaux de Béziers en Languedoc, Montpellier, Presses (...)
  • 58 Catherine Ferras, Architecture privée au xixe siècle. Les « châteaux » du vignoble en Bas-Languedo (...)

17La soixantaine de châteaux qui s’élèvent entre 1880 et 1914 autour de Béziers, la capitale du vin en Languedoc, nous apporte un autre exemple révélateur de cette volonté de laisser une trace identitaire. Les architectes s’éloignent de la simplicité de la classique demeure régionale. Pour réaliser ces « Palais de l’Aramonie »57, ils rivalisent d’ingéniosité dans l’adaptation et la combinaison d’éléments empruntés. La prospérité viticole leur permet de ressusciter le luxe des nombreuses villae romaines évanouies et le goût pour le pastiche des châteaux du Moyen-âge et de la Renaissance58. Les commanditaires de ces châteaux sont des membres de l’ancienne noblesse et de la bourgeoisie ayant accédé au xviiie siècle aux charges et à la propriété. Lieu de travail pour les vendanges, havre de délassement après la chasse ; les « Palais de l’Aramonie » ne sont pas toujours les résidences principales de propriétaires qui disposent d’un hôtel particulier à Béziers ou à Montpellier.

  • 59 Éric Mension-Rigau, Aristocrates..., op. cit., p. 21 et s.
  • 60 Ibidem, p. 23.
  • 61 Pierre Bourdieu, « Stratégies de reproduction et modes de domination », Actes de la recherche en s (...)

18La « forteresse familiale »59 garantit la sauvegarde de l’identité aristocratique. Enserré par un patrimoine de référence et de souvenirs, l’individu respecte la hiérarchie et bénéficie de la solidarité de la « maison ». Ce mot privilégié par la noblesse a « une tonalité généalogique et héraldique. Il connote à la fois l’idée de lignée et d’illustration ancestrale »60. Les sentiments de ce que l’on doit à la mémoire de ses ancêtres, le sens de l’honneur et la fierté attachée à son appartenance restent très développés au sein d’une sociabilité familiale intense. Le nom joue un rôle de fixateur de la mémoire ; le prénom souvent à l’origine de stratégies complexes représente un élément fondamental du capital symbolique tant parmi les ascendants qu’entre les descendants61. Il est de tradition encore aujourd’hui de reprendre les mêmes prénoms, le prénom du grand-père étant destiné au petit-fils. Ce souci de continuité explique la floraison des autobiographies. Témoignages d’un monde aujourd’hui révolu, elles veulent inculquer aux derniers rescapés de la lignée le chemin à suivre dans le respect de la voie tracée par les ancêtres vénérés. La mémoire des anciens livre des bribes de récit des origines qui éclairent les signes reconnus du statut social.

  • 62 Voir notamment le chapitre 10 : « L’éducation, une exigence chrétienne ? », in Éric Mension-Rigau, (...)

19Cet apprentissage de la mémoire se déroule au sein de la « maison », où l’on enseigne aussi l’art d’appartenir au « monde ». L’éducation propose l’acquisition d’un art de vivre, d’un mode de conduite, d’un type de sociabilité spécifique ; ce qui prépare à la préservation de l’homogénéité sociale62. Jusqu’au début du xxe siècle, l’apprentissage se déroule au sein de la demeure familiale avec des précepteurs sélectionnés à la fois pour leurs « compétences », pour leur maîtrise du savoir-vivre ou du langage du monde et surtout pour valoriser le concept d’innéité. L’essentiel de l’acquisition de la « distinction » sera inculqué tout naturellement par une familiarité et une symbiose progressive et continue de l’univers de l’enfance avec le monde des adultes. Elle repose sur une lente incorporation de dispositions à cultiver. Ainsi se crée et se perpétue l’habitus nobiliaire, lié génétiquement à une position. Il est au principe de stratégies de reproduction qui tendent à reproduire tout le système des différences constitutives de l’ordre social. Cet univers, avec ses usages, ses rites, ses principes, ses coutumes, permet à la noblesse de se retrouver dans une même parade d’excellence qui tend à dévaluer les exclus de ce processus. Son prestige, sa notoriété, ou plus largement son existence, se voient confortés par le regard extérieur que portent sur elle « les autres ». Ils contribuent par leur reconnaissance à faire exister cette image de supériorité sociale.

  • 63 Arlette Jouanna, « Le mythe du sang bleu », L’Histoire, n°89, mai 1986, p. 6-12.

20Pour limiter la perte de ses prérogatives et de ses positions, la noblesse met en place de savantes stratégies matrimoniales, banales sous l’Ancien Régime où une mésalliance n’était pas seulement une question d’honorabilité familiale mais aussi, au sens propre, une affaire de sang. Mélanger un sang « noble et illustre » à un autre de « moindre qualité » en altère de façon irrémédiable la pureté et affaiblit le lignage. Pourtant, selon Arlette Jouanna, « il y a mésalliance et mésalliance ». Le mariage d’un fils de bonne famille avec une riche roturière sera toléré car il faut bien, lorsque la nécessité s’en fait sentir, « fumer ses terres » avec une bonne dot. C’est le but des stratégies familiales de compensation, où s’effectue l’échange d’un grand nom contre une grosse fortune. Pour les juristes du xviie siècle, le sang des « biens nés » aurait des qualités particulières par rapport à celui des roturiers. Au xixe siècle, on dira que les nobles ont le « sang bleu »63. La croyance survit toujours dans les milieux aristocratiques qui s’emploient, par conviction et le plus souvent par calcul, à mettre en oeuvre une tactique pour préserver l’homogénéité du groupe face à une éventuelle menace d’amoindrissement ou de disparition. Ces « périls » encouragent fortement l’endogamie. L’approche de ces comportements nous plonge dans un jeu où priment l’histoire des familles, leur prestige, leur puissance économique et sociale, la vie des relations... Les observateurs extérieurs de ce « petit monde » rencontrent toutes les difficultés pour décrypter le processus de reproduction tant le jeu mis en place est complexe.

  • 64 Christophe Charle, « Noblesse et élites en France au début du xxe siècle », in Noblesses européenn (...)

21La volonté de « tenir son rang » implique des signes extérieurs de la différence sociale. Pour l’aristocratie, « l’être tient pour partie à son paraître »64. Plusieurs résidences, une domesticité nombreuse, une vie mondaine intense, les voyages en France et à l’étranger, les séjours dans les villes thermales, la pratique de « sports nobles », l’investissement dans les oeuvres charitables, la participation aux sociétés savantes sont quelques exemples des activités privilégiées. Plus encore que le train de vie, la fortune ou l’éducation, le loisir contribue puissamment au xixe siècle à caractériser l’élite sociale à une époque où les divertissements pour les masses demeurent exceptionnels. Dans les classes supérieures, par contre, le loisir fait partie intégrante du mode de vie. Les activités sportives, en plein essor, dans les années 1870-1880, attirent ces milieux. Des pratiques comme l’équitation, l’escrime, voire l’automobile ou le vélo leur offrent de nombreuses occasions d’affirmer les dispositions et les valeurs traditionnellement attachées à leur condition comme le plaisir du risque, le culte de la prouesse et de l’exploit. Ces pratiques s’inscrivent, à l’instar des échanges mondains, au nombre des activités nécessaires pour accroître le capital social. Ce travail d’entretien permet de produire et de reproduire des liaisons afin de procurer des profits matériels et symboliques les situant sur « une autre planète » :

  • 65 L’homme qui parle ainsi se nomme Louis Maurel, mais il pourrait porter bien d’autres patronymes. I (...)

« Quant nous passions, mon père et moi, de retour du potager devant cette belle maison Lavonne, le soir était venu. Du grand jardin, que j’imaginais plein de cachettes intéressantes, montaient des parfums de lauriers-roses et, parfois, par une fenêtre ouverte nous venaient des airs de piano. Cela, je le savais déjà, je l’ai su tout de suite, c ‘était la limite de mon monde à moi, la barrière de l’autre côté de laquelle je ne passerais jamais. Cette musique venait d’une autre planète ; derrière ces fenêtres, vivaient des gens que mon père approchait le chapeau à la main et les jeunes filles qui jouaient étaient pour d’autres, pas pour moi, je l’apprendrais bientôt. Certains soirs, des voitures étaient stationnées le long des grilles : calèches, bogheis et tilburys aux lanternes de verre biseauté et dont les chevaux portaient les harnais brillants des jours de fête. On entendait rire dans les grandes pièces, les lampes flambaient par dizaines, un petit orchestre remplaçait parfois le piano et jouait des scottishs et des mazurkas. Nous, nous passions tous les deux, en évitant les voitures qui arrivaient sans cesse. J’avais ma main dans la grosse main calleuse de mon père et je n’ai compris que bien plus tard pourquoi cette main se serrait sur la mienne. Lui aussi voyait la limite de ses rêves. Combien d’autres comme nous passaient devant ces fêtes en feignant de se promener, essayant de voler un peu de ce brillant ? Il n’y avait pas beaucoup d’envie dans ces désirs, tous savaient que cela se passait ailleurs. Ils n’avaient pas d’ambition, seulement de l’admiration dans les yeux. D’ailleurs, ces hommes et ces femmes qui dansaient et causaient dans les salons n’étaient pas méchants le plus souvent, ils aimaient bien ceux qui travaillaient pour eux. Leurs femmes étaient charitables, généreuses parfois. Rares étaient ceux qui se comportaient comme celui qui disait en montant dans sa voiture quand il faisait beau : “Quel beau soleil, ma chère ; quel dommage que les pauvres le goûtent” »65...

  • 66 Éric Mension-Rigau, L’enfance..., op. cit., p. 36-42.

22Enfin, dernier signe observable, les nobles assimilent souvent, tout comme le bénévolat, l’engagement politique à une charge « naturelle ». Au temps du suffrage censitaire, avec leurs semblables et « quelques parvenus », ils exerçaient le monopole du pouvoir. Cependant l’installation progressive de la République, la lente transformation des modes de vie et de pensée entraîne une homogénéisation sociale et le refus des différences, longtemps considérées comme allant de soi66. La plupart des « notables blancs » privilégient l’action quotidienne à l’échelon local souvent de type paternaliste. Bien pourvu matériellement, le milieu social a incorporé dans son apprentissage de la « distinction » une parfaite maîtrise des mots et de la parole publique ; le style et l’éloquence représentent des atouts indéniables dans les luttes politiques. Les bases du « métier » s’acquièrent au coeur de la « forteresse familiale ». Dès leur enfance, ils assistent aux conciliabules, côtoient les mandataires des populations ou les simples militants de la cause royale. Les descendants d’élus sont donc incités à utiliser ce savoir-faire et le patrimoine politique accumulé pour se présenter à la candidature. Les liens de familles permettent de disposer des réseaux tissés antérieurement et le seul patronyme peut représenter un solide capital symbolique qui en fait un défenseur de l’identité de la communauté.

23Le survol des signes généraux de la distinction nobiliaire, à l’abri de la caducité grâce à un patient travail d’inculcation entrepris dès la prime jeunesse, nous montre l’importance du lignage et du « nom ». Avec l’influence liée à la possession terrienne, ils nous apportent un éclairage sur la puissance sociale d’un groupe historiquement attentif au gouvernement du pays. Le halo de mystère qui l’entoure demeure. Il contribue à la préservation de la dimension « magique », propice à garantir aux yeux d’une large fraction de la population une légitimité utile pour affronter les bouleversements qui traversent l’espace public à partir de la brèche ouverte par les fondateurs de la Seconde République.

Un ancrage populaire lié à la maîtrise des institutions de charité

  • 67 Jean-François Dubost, « Le réseau des sociétés politiques dans le département de l’Hérault pendant (...)
  • 68 Au sein du dispositif, le préfet reçoit des pouvoirs nouveaux pour développer son action au cœur d (...)

24Le processus révolutionnaire entraîne une efflorescence des sociétés populaires intégrées aux combats idéologiques67. D’une manière générale, le cheminement de l’association politique tout au long du siècle subit le cours sinueux d’une législation imprégnée par la nature des régimes qui se succèdent. Et même, bien souvent, l’absence de consignes juridiques conduit à confier aux autorités administratives le contrôle de ces lieux de sociabilités. Leur domestication sera un enjeu permanent dès que l’exercice du pouvoir le demande. L’anéantissement de la liberté politique, à la suite de la réglementation napoléonienne, relègue cet espace de citoyenneté à l’action clandestine. Les libéralisations sporadiques des dispositions associatives entre 1830 et 1850 offrent un assouplissement qui génère des efforts de structuration à grande échelle, tout spécialement au moment de la suppression du système censitaire. Ce second cycle s’essouffle vite. Les mesures de rigueur prises après le coup d’État ont un effet radical. « Napoléon III se donne de puissants moyens pour détruire les associations politiques et y réussit dans l’ensemble »68, note Raymond Huard. Il faut attendre les années 1867-1868 pour voir un desserrement du carcan institutionnel propice à l’épanouissement des sociétés ouvrières, de la presse et de la parole électorale. La disparition du régime impérial accélère le mouvement. Face à ces aléas politiques, il convient de regarder comment réagissent les royalistes héraultais.

  • 69 C’est dans le Nord, en Loire-Inférieure, dans les Bouches-du-Rhône et à Lyon que l’on trouve plus (...)
  • 70 Voir Roland Andréani, La presse quotidienne de Montpellier des origines à 1944, Thèse de doctorat (...)
  • 71 Huit rassemblent les principaux opposants à « l’usurpateur » Louis-Philippe. Les ouvriers tonnelie (...)

25Contrairement aux autres régions où les défenseurs du petit-fils de Charles X sont très mobilisés, la presse jusqu’à la fin du Second Empire ne représente pas un vecteur primordial dans le département de l’Hérault69. Entre la disparition des Mélanges Occitaniques (1834) et le premier tirage de L’Écho du Midi, neuf années s’écouleront. L’expérience capote en mars 1852 et c’est seulement en 1868 que L’Union nationale cherche à exister face aux contraintes étatiques70. Le travail politique, pour faire fructifier l’audience des Bourbons, s’avère limité durant la période où les orléanistes tiennent le pays. Il se réduit aux mobilisations des « sociétés secrètes ». Plusieurs tentatives organisationnelles seront lancées pour surmonter ce handicap. La mise en vigueur de la loi du 10 avril 1834, relative aux formes associatives, a obligé les préfets à apporter des informations sur la vitalité des sociétés dans leurs contrées respectives. La documentation amassée alors fait un état des lieux sur les réseaux dont disposait le mouvement légitimiste au moment de son émergence. Vers 1830-1831, l’essentiel des sociétés se concentre dans la cité montpelliéraine, quelques-unes à Sète et une enfin à Gignac71.

  • 72 Ibidem
  • 73 Le ministre de l’Intérieur alerte le préfet dans un rapport où il cite la lettre du consul de Nice (...)

26Un seuil dans la solidification des structures sera atteint quelques mois après la révolution de Juillet avec la création de la Société de défense mutuelle. Elle entend désormais peser sur un débat électoral en voie d’ouverture avec l’assouplissement de son caractère censitaire. Le but apparent de cette Société est « d’aider des condamnés politiques et leur famille », mais selon le préfet, elle consiste « à soutenir au moyen de cotisations mensuelles les hommes d’action du parti légitimiste »72. Elle s’efforce de suppléer les groupements politiques qui ne pouvaient se constituer librement. La description des efforts organisationnels, rapportée par la presse, témoigne du franchissement d’une étape décisive. Le centenier dans chacun des cantons urbains a en charge la distribution des cartes destinées aux sociétaires, un comité consultatif se trouve au cœur de la ville pour décider des orientations et un comité central les met en exécution. Le nombre des adhérents s’éleva rapidement à trois mille dans le seul arrondissement de Montpellier. Soutenue par les riches propriétaires terriens et dirigée par des avocats appartenant à la rédaction du journal les Mélanges Occitaniques, elle va acquérir un rayonnement qui dépasse le cadre départemental. En 1832, le consul de France à Nice la considère même au centre d’un vaste complot. Dans une lettre envoyée au ministre de l’Intérieur, il écrit : « Vous savez sans doute que Montpellier est en quelque sorte, le quartier général des contre-révolutionnaires du Midi »73.

  • 74 Rapport du commissaire de Montpellier de janvier 1849. ADH 1 M 927.
  • 75 Son nom change vers la fin de la Seconde République. On trouve aussi dans le chef-lieu : la sociét (...)
  • 76 Une vingtaine est recensée par les autorités. Ibid.
  • 77 Rapport du 23 janvier 1849. ADH 1 M 927.

27Quand les combats devront prendre davantage en considération l’élargissement des droits des citoyens, les clubs et les sociétés politiques connaîtront une réelle croissance. Un coup de projecteur succinct nous permet d’entrevoir un début de structuration globale à partir de la première ville de l’Hérault. Le club de l’Urne, « composé de toutes les sommités légitimistes »74 est au cœur du dispositif75. Il donne des consignes aux autres sociétés répandues inégalement dans les villages76. C’est ainsi qu’à Pignan en 1849, face au cinq clubs « libéraux ou républicains modérés » (140 membres), les partisans d’Henri V se réunissent dans quatre ramifications (les sociétés dites de Quarante, de Trente, de l’Asperge et de l’Écho du Midi) soutenues par un nombre quasiment équivalent de sympathisants. Les synthèses administratives de l’époque rapportent la fréquence des réunions (« tous les soirs et les jours de fêtes ») en limitant néanmoins la portée de ce genre de mouvement77.

  • 78 Rapport du préfet établi en juillet 1848. ADH 1 M 817.

28Hormis « l’arme novatrice » des clubs et des sociétés politiques, un autre type d’organisations suscite une irritation continue des gouvernants. La quasi-totalité des rédacteurs de rapports s’accorde pour voir dans les réseaux chargés de célébrer le culte catholique, en prodiguant l’aumône, le vecteur majeur de la fibre contre-révolutionnaire. Ainsi en juillet 1848, les nouveaux administrateurs favorables au prince Louis-Napoléon Bonaparte, cherchant à appréhender les disparités politiques territoriales, fournissent une étude très complète sur « l’état du département ». Le signataire indique d’emblée que « l’éducation politique de cette contrée est encore à faire ». Il considère que « le parti légitimiste s’y trouve en minorité. Mais cette minorité est très forte : unie, disciplinée, servie par des auxiliaires puissants (l’argent et le fanatisme). Elle peut à chaque instant l’emporter sur les opinions révolutionnaires (...) ». Un regret émerge de son analyse : « l’administration avait peut-être négligé un point très important. Elle n’avait pas suffisamment exclu les légitimistes des œuvres officielles (...). À Montpellier surtout la charité est blanche. Le peuple est persuadé que toute aumône vient des légitimistes ou ne s’obtient que par eux. (Il croit) l’un des arguments puissants des légitimistes : la République vous affame »78.

La renaissance des confréries de pénitents

  • 79 Les loges maçonniques, s’efforçant de diffuser la pensée libérale, n’ont pas la même influence : l (...)
  • 80 Roselyne Etienne, ibid.

29L’impact des associations religieuses au moment de l’avènement de Louis XVIII constitue une preuve des liens très forts noués avec une grande partie de la population. En s’en tenant au chef-lieu départemental qui regroupe alors 35 842 habitants, les confréries sont légions et bénéficient d’un ancrage impressionnant à la différence des cercles favorables aux « idées nouvelles » qui peinent à recruter au moins jusqu’au rétablissement du régime républicain79. La confrérie de la Vraie croix (631 membres), la confrérie du Sacré-Cœur (397), l’Oratoire des Augustins (219), la confrérie de tous les Saints (199) ou la confrérie de Saint-Joseph (66)80... sont quelques exemples du succès rencontré alors par les espaces voués au culte du Christ.

  • 81 Guy Laurans, Contribution à l’étude sociologique des confréries de Pénitents en Bas-Languedoc, Thè (...)
  • 82 On estime qu’entre le début de l’Empire et la fin de la Restauraion plus de 2 400 cérémonies furen (...)
  • 83 Paul Verlaine, Œuvres complètes, tome V, Paris, A. Messein, 1926, p. 7. Citation donnée par Gérard (...)

30À cet aperçu, il faut ajouter le lieu de sociabilité catholique le plus prégnant : les confréries de pénitents81. Les centaines de défilés majestueux qu’elles organisent avec des bannières, des croix d’argent, des encensoirs, ont surpris plus d’un voyageur82. Paul Verlaine, présent à Montpellier entre 1845 et 1848 où son père était en garnison, en garde un souvenir tenace : « De ce séjour, j’ai surtout la mémoire de très somptueuses processions où des jeunes gens de la ville en robes monacales, la plupart du temps blanches, avec des cagoules rabattues sur la tête, percées de trois trous pour la vue et la respiration, m’effrayaient passablement »83. Bien qu’elles soient héritières des confréries du Moyen-Âge, elles connaissent véritablement un regain d’activités exclusivement dans les dernières décennies de l’Ancien Régime et souffrent durant la fièvre révolutionnaire. Les pénitents, divisés entre les « blancs » et les « bleus », renouent cependant rapidement avec leur passé. On évalue globalement leur renaissance pendant les troubles provoqués par les brigands royaux. Le réseau des confréries, dispersé dans la plupart des cantons, sert à l’instar des autres oeuvres à contrôler et à maintenir dans le giron de l’Église une population qui s’éloigne progressivement vers les « affres du monde moderne ».

  • 84 Maurice Agulhon, Pénitents et francs-maçons de l’ancienne Provence : essai sur la sociabilité méri (...)
  • 85 Guy Laurans, op. cit., p. 19.
  • 86 Les données sont extraites des travaux de Roselyne Etienne, La Restauration..., op. cit., p. 9 et (...)
  • 87 Ibidem, p. 113.
  • 88 Ibidem.
  • 89 Voir Rose-Marie Pradès, La religion populaire dans les campagnes du Bas-Languedoc au xixe siècle. (...)

31Alors qu’en Provence, elles s’orientent vers des formes de sociabilité populaire dès l’Empire84 ; en Bas-Languedoc le noyau dirigeant reste l’apanage des notabilités pieuses qui se rassemblent pour institutionnaliser des liens de fraternité : soit pour s’armer contre « le malheur des temps » (guerre, épidémie...) ; soit pour combattre les influences néfastes à la foi chrétienne. La Vallée de l’Hérault, l’arrondissement de Montpellier et la frange littorale rassemblent les 80 communautés locales possédant une confrérie. Les études insistent sur le caractère massif du recrutement encouragé par les prévôts ou les prieurs des principaux sites héraultais. Une concurrence peut même se greffer entre les villages. Les Marseillais sont dans une logique différente en mettant en place des numerus clausus85. L’impact local fut parfois très fort. Peu d’années après leur résurgence, la consultation des livres de comptabilité de 1811, retrouvés dans les archives86, nous apporte quelques informations pour la ville de Montpellier et son arrondissement. Dans le plus grand centre urbain, les « blancs » représentent 1491 membres et les « bleus » : 874. Aux alentours, le total des adhésions est le suivant : Castelnau (89 Pénitents pour 696 habitants) ; Laroque (47 / 422) ; Montferrier (68 / 440) ; Notre-Dame-de-Londres (45 / 329) ; Saint-Jean-de-Buèges (83 / 598) ; Lavérune (141 / 607) ; Lunel (256 / 5554)... L’auteur de la thèse sur laquelle nous nous appuyons prévient que « 1811 est une date trop proche de la reprise des confréries pour que celles-ci aient déjà fait le plein de leurs effectifs »87. Il prend l’exemple de la commune Aniane, nichée au cœur de la garrigue, dans laquelle 310 membres sont répertoriés en 1872 alors que le recensement effectué au cours du Premier Empire en dénombrait 18888 pour une population très stable : elle varie de 2 300 à 2 400 habitants. Les données de 1811 recoupent grandement les résultats d’une enquête diligentée en 1809 par le préfet auprès des maires. Sans disposer d’un point communal exhaustif, nous pouvons proposer une nouvelle répartition qui dépasse le cadre géographique précédent89 :

  • Villages dont le nombre de Pénitents se situe entre 1 et 50 : Mireval (24), Saussan (26), Pégairolles (26), Olonzac (27), Cruzy (30), Siran (40), Capestang (50), La Salvetat (50).
  • Entre 50 et 100 : Poussan (60), Viols-le-Fort (60), Villeveyrac (60), Montbazin (65), Montferrier (67), Brissac (70), Notre-Dame-de-Londres (70), Lansargues (80), Saint-Guilhem-le-Désert (80), Saint-Pons (80), Puéchabon (80), Saint-Jean-de-Buèges (80), Villeneuve-les-Maguelone (80), Saint-Martin-de-Londres (80), Bouzigues (100), Cournonterral (100), Gigean (100).
  • Entre 100 et 200 : Castelnau (120), Bessan (120), Saint-Bauzille-de-Putois (120), Ganges (140), Aniane (180), Mèze (200).
  • Au dessus de 200 : Lunel (350), Sète (475).
  • 90 Les Pénitents veillent à leurs domiciles les morts avant de participer massivement aux obsèques en (...)
  • 91 Ibidem.
  • 92 « La confrérie a une existence réelle qu’à partir du moment où l’évêque a reconnu sa création et e (...)

32Caractérisées par des structures très hiérarchisées, où chacun des adhérents cooptés à une attribution définie, les confréries ouvrent la voie à un semblant de mixité sociale. Au milieu du siècle, un quart des effectifs est encore d’origine populaire. Sous la tenue de cérémonies, les différences sociales se fondent dans une ferveur religieuse identique. Néanmoins, la répartition des tâches les recrée. Elles sont sous la tutelle d’une noblesse préoccupée par l’entretien de son rôle politique. La liste des prieurs montpelliérains affiliés aux pénitents « bleus » et « blancs » nous en fournit un aperçu. Dès l’Empire, la direction échoie à Montlaur de Murles, Montcalm-Gozon, La Croix de Castries, les Forton, Plantade, Lunaret, Voguë, Vichet... Par la suite, avec l’irruption d’une tendance républicaine qui se consolide au fil des années, les cadres de la mouvance légitimiste redoublent d’efforts pour maîtriser des réseaux clés. Paul de Girard, le comte Dejean, le marquis de Roquefeuil, la baronne de Roquevaire, le comte Raymond de Ginestous ou les députés de Larcy et de Rodez-Bénavent sont quelques-unes des personnalités prenant des responsabilités dans la seconde moitié du siècle. Il convient de noter qu’au-delà des services rendus à la religion et des devoirs d’entraide, le dense tissu territorial des confréries représente un formidable outil de renseignements et de conseils. Il permet de remédier aux problèmes posés par la circulation des nouvelles au xixe siècle. Les rencontres lors des défilés qui accroissent le prestige des Pénitents, la solidarité dans les relations quotidiennes, et surtout face à la maladie ou à la mort90, permettent de mesurer la place de ce type de mouvement dans la cohésion sociale des communautés. À travers, le lien des Confréries, « c’est tout le réseau des relations villageoises qui se profile »91, remarque fort justement Guy Laurans. Même si des tensions éparses ont pu exister, le clergé catholique cautionne une entreprise qui tend à promouvoir les principes de la chrétienté de plus en plus remis en question92.

Les premiers pas de la Société de Saint-Vincent-de-Paul

  • 93 Monique Pradel, La Société de Saint-Vincent-de-Paul dans l’Hérault (1850-1905), Mémoire pour le DE (...)
  • 94 On en trouve à Montpellier, Lunel, Saint-Pons, Béziers, Bédarieux, Lodève, Sète, Clermont-l’Héraul (...)
  • 95 C’est ainsi que s’exprime dans un courrier le président de la conférence de Montpellier. Cité par (...)
  • 96 Dans les zones rurales, il fallait avoir l’aval du curé pour créer une telle structure.

33Une autre association est parfaitement intégrée dans les milieux populaires : la Société de Saint-Vincent-de-Paul93. Dans un souci de réconciliation sociale, Frédéric Ozanam lance en 1833 ce type de structure charitable. La première Société s’installe à Montpellier six ans plus tard avec un succès limité au niveau de l’implantation durant la période 1839-1872. Sous le Second Empire, neuf centres sont répartis sur le territoire héraultais94. Les listes des adhésions, retrouvées par Monique Pradel, montrent une progression régulière avec un tassement des effectifs à l’aube de la Troisième république dans la ville de Montpellier (70 membres actifs en 1841 ; 205 entre 1854-1859 et 182 vers les années 1867-1870). Chacun se répartit les « miséreux » à visiter. Par exemple en 1866, ils sont 176 à entretenir des contacts réguliers avec 389 familles. L’installation sera tardive dans le Biterrois et elle ne connaît pas le même engouement. La Société de Saint-Vincent-de-Paul s’y établit dix ans après son ouverture à Montpellier grâce à l’initiative d’un confrère venu de cette ville. L’essor du vignoble languedocien qui lui profite rapidement serait l’une des principales explications. « La corruption qui règne dans la ville où abonde l’argent »95 n’encourage guère les « chapeaux noirs » à se tourner vers les délaissés de la prospérité. Un bilan de son activité, fourni un an après sa naissance, indique la présence de 47 membres actifs et le suivi de 202 familles. L’avènement fut semblable à Sète. Cette importante cité portuaire attend la première année du régime impérial pour assister à l’installation des visites aux déshérités sous l’impulsion d’un catholique montpelliérain. Dans une ville florissante, tenue par les banquiers et les négociants en vins, une centaine de bénévoles prend en charge près de 80 familles durant les dix-huit années d’autoritarisme. Bien que réservée aux hommes et aux laïcs96, les associations initiées par Ozanam reçoivent l’aval d’une Église cherchant à consolider la foi par la pratique de l’aumône. À la différence des « réformateurs sociaux » très actifs sous le règne de Louis-Philippe, l’amélioration des conditions de vie des ouvriers par une remise en cause des structures en place n’est pas sa priorité.

  • 97 Ce contact direct permet de déterminer s’il est vraiment nécessaire de secourir la famille.
  • 98 Citation donnée par Monique Pradel, op. cit., p. 26-27.

34À côté de la prière, de la retraite ou du pèlerinage, la visite97 représente « l’un des plus puissants moyens pour rétablir la concorde entre les classes », stipule un bulletin relayant le message de l’association de Saint-Vincent-de-Paul. Il préconise de « ne pas attendre que le pauvre vienne vous solliciter, il faut aller le chercher »98. La distribution de vivres, de bons de secours, de vêtements, de literies représente l’activité primordiale des membres qui apportent des cotisations pour financer les dépenses. De nombreuses initiatives furent menées par les bienfaiteurs. Une des premières à connaître un grand écho a été la création d’un fourneau économique. En imitant le travail des Sœurs de la Miséricorde de Béziers offrant depuis 1854 la soupe aux nécessiteux, les responsables du centre basé dans la capitale du Bas-Languedoc décident d’étendre l’expérience dans leurs quartiers. C’est en 1856 qu’une commission composée par de Ginestous, de Bonald, Glaize et Durand-Teisson rencontre la municipalité sur ce point. Les cités de Lunel et de Lodève emboîtent le pas quelques années plus tard.

  • 99 Rapport cité par Monique Pradel, op. cit., p. 9.
  • 100 Rapport cité par Jean-Paul Claux, Les milieux légitimistes sous le Second Empire dans l’Hérault (d (...)
  • 101 Rapport du brigadier de gendarmerie de Clermont à son capitaine établi le 19 août 1860. Voir Jean- (...)

35Le règlement impose à tous ceux qui éprouvent une certaine sympathie pour la mission des Sociétés de Saint-Vincent-de-Paul de « ne jamais s’occuper de politique ». Les rapports préfectoraux se rejoignent pour noter qu’il ne s’agit pas d’une consigne très suivie dans les faits. Quel que soit le régime en place, toutes les enquêtes tirent des conclusions similaires à ce compte rendu rédigé en 1858 par le représentant de l’Empereur : « les légitimistes ont manœuvré surtout pour dominer les commissions charitables. Ils ont organisé dans les villes importantes des Sociétés dites de Saint-Vincent-de-Paul ; ils exercent par ce moyen une certaine action sur la population pauvre »99. Une autre analyse établie par le sous-préfet de Béziers à son supérieur immédiat renforce le point de vue : « (elle) n’est ni plus ni moins que la propagation d’une vaste société subdivisée en conférences ou sections locales et qui, sous le voile de la charité chrétienne, peuvent devenir des agents politiques hostiles ou dangereux, car elles se recrutent en majorité dans la nuance légitimiste »100. Ce qui se traduit, le jour des scrutins, par un encadrement prononcé : « (on a noté dans le Lodèvois) que certains patrons, fabricants de draps mènent leurs ouvriers au vote, et ne les lâchent qu’après que leurs bulletins aient été déposés (...). Ceci a été fait à plusieurs reprises par les mêmes individus qui appartiennent à Saint-Vincent-de-Paul »101.

  • 102 Il y aurait 1 068 confrères à la fin de 1839 et aux alentours de 5 000 dans les premiers temps de (...)
  • 103 Voir Monique Pradel, op. cit.

36Les archives de la première communauté créée dans la région prouvent que la noblesse est le groupe le mieux représenté. Pendant les cinquante années qui suivent sa création, on dénombre entre 10 et 15 % de noms à particule parmi les individus répertoriés dans les livres de la trésorerie. Comme sa devancière montpelliéraine, la cité biterroise va voir le milieu monarchiste participer à son animation. Très représentative de celui-ci, la famille de Portalon, que l’on retrouvera encore au xxe siècle sur le devant de la scène politique, prend en charge pendant des décennies la présidence de la Conférence. La présence de Paul de Serres à la tête du groupe de Florensac ou les noms des présidents (de Juvenel) et du vice-président (de Vigniamont) de la Société de Pézenas nous apportent d’autres indications sur le soin pris par les légitimistes à s’arroger les postes de responsabilité. Pour saper les efforts des admirateurs du comte de Chambord, visibles dans une multitude de villes comme Lyon ou Marseille, qui aboutissent à un accroissement sensible des adhérents102, le régime napoléonien va durcir en 1861 son contrôle. Il instaure des mesures qui cherchent à atteindre tous les corps intermédiaires. Les loges maçonniques, les sociétés de bienfaisance à l’instar des organismes développés par Frédéric Ozanam doivent recevoir une autorisation signée par l’empereur. De telles contraintes pèsent sur l’essor des groupes locaux103.

37Dans un contexte de répression politique exacerbée, les bouillonnants royalistes forgent des instruments pour peser de manière continue sur l’opinion publique. Ils structurent le territoire héraultais par le tissu des œuvres qui constitue un embryon organisationnel ancré dans le temps. La reconstruction, sur la longue durée, d’un régime fondé sur la liberté politique et l’arrivée d’un nouveau prélat, décidé à ne pas rester inactif dans le domaine politique, sont deux éléments essentiels pour apprécier la redynamisation remarquable des liens unissant les défenseurs du trône et de l’autel jusqu’aux années 1920. Avant d’envisager cette phase, il convient d’éclairer l’architecture du pouvoir royaliste que nous venons de reconstruire en donnant toute leur place à quelques-uns des principaux acteurs de l’histoire départementale.

Notes

1 Yannick Brohard, Les notables de Montpellier sous le Premier Empire, Mémoire de maîtrise d’histoire, Université Paul Valéry-Montpellier III, 1989, p. 15.

2 En 1819, selon l’Annuaire de l’Hérault, 36 mairies sont dirigées par des noms à particule : le marquis d’Ax d’Axat se voit octroyer la mairie de Montpellier ; le comte de Neffiès celle de Béziers et le vicomte de Ratyé de la Peyrade celle de Sète. Quant à la présidence du Conseil général, elle revient en 1825 au baron Louis Sarret de Coussergues.

3 Cette citation illustre bien pour Gérard Cholvy un enseignement ignorant totalement la signification des bouleversements consécutifs à 1789. Voir Gérard Cholvy, Religion et société..., op. cit., p. 278.

4 Voir Louis-J. Thomas, « La statue de Louis XVI à Montpellier », Bulletin de l’Académie des sciences et lettres de Montpellier, n°60, 1930, p. 85-116.

5 Christine Guionnet, L’apprentissage de la politique moderne. Les élections municipales sous la Monarchie de Juillet, Paris, L’Harmattan, 1997.

6 Le Courrier du Midi, 9 juillet 1840.

7 Les villes comme Alès, Montauban, Lavaur, Castres, Nîmes ou Albi lui réservent un bon accueil. Voir André-Jean Tudesq, Les grands notables en France (1840-1849). Étude historique d’une psychologie sociale, Paris, PUF, 1964, p. 152 et s.

8 Il existe des représentants « dans la noblesse d’origine parlementaire comme les Ginestet, les Massilian, les Plantade ou issue de la noblesse d’épée (les Montcalm, Vogue, Rodez-Bénavent...) ; dans la magistrature où les légitimistes forment un tiers de la cour royale, descendants de membres du présidial, comme Albaret ; de trésoriers de France... On trouve aussi un milieu légitimiste de négociants. Il semble que l’ancienneté des maisons de commerce est jouée un rôle, à côté de la division religieuse, les maisons les plus anciennes et catholiques, restant attachées aux Bourbons de la branche aînée : les Durand, Guibal, Auzillon... Toute une partie des professions libérales partagent leurs idées ». Ibidem, p. 153-154.

9 Aux élections législatives de 1839, le légitimiste de Larcy est élu en compagnie d’un opposant démocratique (Charamaule) mais les quatre autres députés sont orléanistes. En 1842, les légitimistes adaptent une attitude nouvelle : ils réclament le suffrage universel pour -espèrent-ils-attirer les classes populaires et font alliance avec les républicains. Cette coalition remporte trois sièges. Voir Gérard Cholvy, Religion et société..., op. cit., p. 259-270.

10 Elles entraînent la cherté des grains et la mévente des vins.

11 Voir Nicole Brun, Les milieux légitimistes dans l’Hérault sous la Seconde République (24 février 1848-2 décembre 1851), Mémoire pour le DES d’histoire, Faculté des lettres, Montpellier, 1967, p. 8-13.

12 L’Écho du Midi, 1er avril 1848. Pour justifier cette alliance, le nouveau représentant de l’État en 1848 écrit : « Au moment où a éclaté la révolution de février, le parti démocratique n’était que très favorablement représenté dans le corps électoral. Le parti légitimiste lui-même se trouvait notablement affaibli. De là, pour les deux oppositions, la nécessité d’une union qui fut, dans l’Hérault, plus intime peut-être que dans d’autres localités. Le pouvoir finit néanmoins par triompher de cette coalition ». Rapport du préfet de juillet 1848, ADH 1 M817.

13 En dépit des limitations qui y seront apportées avec la loi de mai 1850.

14 Rapport du préfet de juillet 1848. Ibid.

15 D’un côté, on trouve l’abbé de Genoude, avec comme principal adversaire le procureur général Laissac, un « républicain modéré » soutenu par l’administration. Le légitimiste recueille 23 572 voix (soit 38,4 %) ; Laissac 26 633 (soit 38,6 %). Les deux autres candidats républicains lui faisaient perdre quelque 10 000 suffrages tous localisés dans la partie orientale du département (Achille Baille de Marseillan : 3 232 voix et le maire de Béziers, A. Fabregat, 6 799 suffrages). Pour sa part, le catholique Marès lui aussi « républicain modéré » totalise 4 242 voix. Voir Gérard Cholvy, Religion et société..., op. cit., p. 659 et s.

16 Les royalistes l’emportent aussi à Mauguio, Castries, Frontignan, Montagnac, Pézenas, Villeveyrac, Pignan et Pérols. Dans de nombreux villages, l’appartenance politique des candidats reste floue. Voir Nicole Brun, Les milieux légitimistes de l’Hérault sous la Seconde République, Mémoire pour le DES d’histoire, Faculté de lettres, Montpellier, 1967, p. 39-40.

17 Les autres élus étant « anciens conservateurs » (9) et « républicains » (9). Ibid., p. 45.

18 Le rapport se poursuit par ces termes : « (les légitimistes) n’avaient jamais négligé d’entretenir le zèle en dehors du pays légal. M. de Larcy avait toujours été l’objet d’ovations populaires enthousiastes ». Rapport du préfet de juillet 1848. Ibid.

19 Gérard Cholvy, « Les élections du 13 mai 1849 dans le département de l’Hérault », in Collectif, Pratiques et cultures politiques dans la France contemporaine. Hommage à Raymond Huard, Montpellier, Université Paul Valéry-Montpellier III, 1995, p. 73-85. La carte électorale recoupe celle de la pratique pascale des hommes en 1911. Voir Gérard Cholvy, Géographie religieuse de l’Hérault contemporain, Paris, PUF, 1968, p. 202.

20 Il siège déjà au Parlement sous la Monarchie de Juillet (1834-1837 et de 1842 à 1846) tout en occupant un mandat de conseiller général sous la Seconde République. Son père, Jean-Pierre de Grasset, préside le district de Béziers puis devient conseiller général. Dictionnaire biographique des Conseillers généraux de l’Hérault, Archives départementales, 1999, p. 60.

21 Maurice Agulhon, 1848 ou l’apprentissage de la République (1848-1852), Paris, Seuil, 1973, p. 164 et s.

22 Alors que le 8 mai 1870, la politique de Napoléon III est approuvée par environ 80 % des votants au niveau national, on remarque que l’Hérault est dans la catégorie des départements où le « oui » obtient moins de 55 %.

23 En 1858, le préfet fait le point au ministre de l’Intérieur sur l’attitude des partisans du comte de Chambord. L’analyse proposée ici nous paraît valable durant toute la période impériale au regard des autres rapports dépouillés : « Votre Excellence n’ignore pas que, dans l’Hérault, ce parti est riche et nombreux et qu’il a exercé, de tout temps, sur l’opinion et dans les affaires, une influence considérable sous le gouvernement de Juillet, ses représentants firent, non sans succès, une guerre acharnée au pouvoir. Ils ont dominé, après 1848, dans les conseils municipaux et dans les assemblées départementales. Atterrés par l’avènement de l’Empire qui vint déjoué leurs calculs, plusieurs d’entre eux (de Ginestous, de Rodez-Bénavent, de Paul, de Raynaud) donnèrent avec éclat leur démission pour n’avoir point à prêter serment au souverain que la France reconnaissante s’était choisie. Après s’être tenus pendant quelques temps à l’écart et avoir fait une opposition, plus ou moins vive dans toutes les élections, la plupart d’entre eux ont cherché à se rapprocher, moins peut-être pour se rallier franchement à la dynastie impériale que dans le but de conserver une partie de l’influence qui leur échappait ». Il poursuit en insistant lourdement sur leur investissement dans les œuvres et dans les confréries religieuses et se montre rassurant : « j’étudie et je fais surveiller d’une manière particulière ces associations ». Rapport d’octobre 1858. Archives départementales de l’Hérault (ADH) 1 M 819. La crainte des surveillants de l’opinion s’exprime à l’égard « de l’agitation qui règne et se répand dans la classe ouvrière ». Les socialistes sont qualifiés de « parti extrémiste et subversif ». Le ministère de la Justice prendra des mesures très fermes pour stopper leurs mobilisations. Tout ces éléments ressortent de deux études datant du début et de la fin de l’expérience napoléonienne. Rapports du 9 avril 1858 (ADH 1 M 819) et du 4 octobre 1869 (ADH 1 M 822).

24 Voir Gérard Cholvy, dir., Le Languedoc et le Roussillon. Civilisations populaires régionales, Roanne / Le Coteau, Éditions Horvath, 1982, p. 420.

25 Mgr Thibault, longtemps récalcitrant à toute alliance, refuse les réformes réclamées par les révolutionnaires de février. Il écrit dans L’Écho du Midi, le 26 février 1849 : « Calculez les conséquences de ces agissements socialistes sur les populations ouvrières de nos villes (...), l’Église n’a pas à trembler seule devant ces odieuses profanations de nos mystères. Derrière elle, c’est la société elle-même que tout ce délire de l’idée démagogique menace des plus affreux malheurs ».

26 Hormis l’Ouest du pays, les alentours de Lille, le Midi toulousain et le Gard qui correspondent aux zones où la « tendance fut favorable sur l’ensemble de la période », l’Hérault se trouve en grande partie avec les départements intégrés au « couloir du refus » que nous avions dégagé au moment du serment de 1791. Voir Stéphane Riais, Le légitimisme, Paris, PUF, 1983, p. 29.

27 Voir, par exemple, Monique de Saint-Martin, L’espace de la noblesse, Paris, Métailié, 1993.

28 Nous reprenons ici la définition donnée par Guy Chaussinand-Nogaret. Voir sous sa direction : Histoire des élites en France du xvie au xxe siècle, Paris, Tallandier, 1991, p. 12.

29 Arlette Jouanna, « Des “gros et gras” aux “gens d’honneur” » in Guy Chaussinand-Nogaret, op. cit., p. 21.

30 Notamment visible dans les défilés organisés à l’occasion de l’entrée du roi dans une ville. Tous le corps urbain se met en scène dans une procession spectaculaire, dont le rôle est de manifester la hiérarchie des rangs et des dignités.

31 Monique de Saint-Martin, en s’appuyant sur Marcel Mauss, considère les nobles comme des magiciens malgré eux : « c’est l’opinion qui crée le magicien et les influences qu’il dégage. C’est grâce à l’opinion qu’il sait tout, qu’il peut tout (...). D’ailleurs cette opinion ne reconnaît pas toujours à tous les magiciens des pouvoirs illimités ou les mêmes pouvoirs ». Voir Marcel Mauss, « Esquisse d’une théorie générale de la magie », in Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, 1960, p. 32-33.

32 Arlette Jouanna, Ordre social. Mythes et hiérarchies dans la France au xvie siècle, Paris, Hachette, 1977, p. 49.

33 La noblesse d’Empire a survécu au régime qui l’avait instituée. Elle reçut même une consécration de la Restauration puisque la charte de 1814 dans son article 71 indique que « la noblesse ancienne » reprend ses titres. Le roi fait des nobles à volonté mais ne leur accorde que des rangs et des honneurs, sans aucune exemption des charges et des devoirs de la société ». Voir André-Jean Tudesq, « L’élargissement de la noblesse en France dans la première moitié du xixe siècle », in Collectif, Les noblesses européennes au xixe siècle, Rome, Collection de l’École Française de Rome, 107, 1988, p. 121.

34 Raymond Dugrand, « La propriété foncière des citadins en Bas-Languedoc », Bulletin de l’association des géographes français, n° 259-260, mai-juin 1956, p. 142.

35 Ibidem.

36 Au milieu de la Quatrième République, la mainmise foncière des « grandes familles » subsiste dans la garrigue. Quarante-sept propriétaires possèdent 14 130 hectares, soit près de 40 % de l’empreinte des hommes dans cet espace caillouteux doté d’une végétation massive. À côté des bâtiments d’exploitation, pour loger le régisseur et les ouvriers agricoles, une maison de maître à l’architecture fière a souvent été construite. Voir Raymond Dugrand, La garrigue montpelliéraine. Essai d’explication d’un paysage, Paris, PUF, 1964, p. 216-217.

37 Nous nous réfèrerons surtout à : Alain Berger, Frédéric Maurel, La viticulture et l’économie du Languedoc du xviiie siècle à nos jours, Montpellier, Éd. du Faubourg, 1980. Pour une vision d’ensemble, voir les travaux de Geneviève Gavignaud-Fontaine. On citera notamment les actes du colloque organisé avec Henri Michel : Vignobles du Sud (xvie-xxe siècle), Montpellier, Université Paul Valéry, 2003.

38 Claude Fohlen, « En Languedoc : vigne contre draperie », Annales ESC, n° 3, juillet-septembre 1949, p. 295.

39 La liaison ferroviaire directe entre Montpellier et Paris date de 1855.

40 Le vignoble de la région passe de 309 000 hectares en 1850 à 439 000 en 1875 (soit 18 % du vignoble français). Voir Alain Berger, Frédéric Maurel, op. cit., p. 34-35.

41 « Souvent, aux débuts des années 1860, les labours sont effectués par la main d’oeuvre elle-même, à la bêche. La fumure est rare. La vinification est souvent défectueuse, beaucoup de petits exploitants se contentent de conserver leur buvette dans une petite barrique, et vendent leur récolte avant même qu’elle ne soit récoltée, les négociants se chargeant eux-mêmes de la vinification et du stockage ». Voir Rémy Pech, Entreprise viticole et capitalisme en Languedoc-Roussillon. Du phylloxéra aux crises de mévente, Toulouse, Publications de l’Université de Toulouse-Le-Mirail, 1975, p. 39.

42 La très dynamique bourgeoisie d’affaires montpelliéraine, majoritairement protestante, participe activement aux efforts visant à la reconstitution du vignoble et investit dans le négoce du vin. Voir Anne-Marie Rames, Milieux dirigeants et intérêts locaux à Montpellier (1870-1914), Thèse de doctorat d’histoire des institutions, Université Montpellier I, 1983 ; Raymond Dugrand, Villes et campagnes en Bas-Languedoc. Le réseau urbain du Bas-Languedoc méditerranéen, Paris, PUF, 1963.

43 Michel Augé-Laribé, La révolution agricole, Paris, Albin Michel, 1955. Du même auteur, voir « Le rôle du capital dans la viticulture languedocienne », Revue d’économie politique, tome XIX, 1905, p. 193-222.

44 « C’est le groupe social dominant dans la société héraultaise », note Jean Sagnes in Le mouvement ouvrier du Languedoc. Syndicalistes et socialistes de l’Hérault de la fondation des bourses du travail à la naissance du Parti communiste, Toulouse, Privat, 1980, p. 29.

45 « Sur le plan des surfaces totales, 1331 propriétaires absentéistes ayant chacun plus de 50 hectares de terres possèdent 285 869 ha soit 21 % de l’ensemble bas-languedocien. Or 1 218 d’entre eux résident à la ville, totalisant 269 045 ha de terres soit presque 20 % du territoire régional et l’équivalent de 70,9 % de la possession foncière urbaine. Sur le plan de la viticulture, 1 072 propriétaires absentéistes ayant chacun plus de 20 ha de vigne en possèdent ensemble 59 505 ha soit 21,2 % du vignoble. Or, 977 d’entre eux résident à la ville totalisant 55 711 ha de vigne soit presque 20 % des terres plantées régionales et l’équivalent de 56, 9 % de la possession foncière d’appartenance urbaine ». Voir Raymond Dugrand, Villes et campagnes en Bas-Languedoc. Le réseau urbain du Bas-Languedoc méditerranéen, Paris, PUF, 1963, p. 104-105.

46 Sur l’importance de la terre dans l’univers des droites, voir Pierre Barrai, « La terre », in Jean-François Sirinelli, dir., Histoire des droites en France, tome 2 : Sensibilités, Paris, Gallimard, 1992, p. 49-69.

47 Pierre Barral, « La terre et les pouvoirs. Réflexions introductives », in La terre et les pouvoirs en Languedoc et en Roussillon du Moyen-Age à nos jours, Actes du LXIIIe Congrès de la Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon (FHLMR), Montpellier, 1992, p. 6. Voir aussi Collectif, Châteaux et pouvoir : xe-xixe siècles, Bordeaux, Lhamans, 1996 et Claude-Isabelle Brelot, La noblesse réinventée : nobles de Franche-Comté de 1814 à 1870, Paris, Les Belles Lettres, 1992.

48 Voir André Siegfried, Tableau politique de la France de l’Ouest, Paris, Imprimerie nationale, 1995 (1ère Éd. 1913), p. 456.

49 Rapport sur l’état du département de l’Hérault établi en juillet 1848. ADH 1 M 817.

50 Il s’agit des cantons de Ganges (de Rodez-Bénavent), Castries (Durand), Saint-Martin-de-Londres (de Ginestous), Les Matelles (de Girard), Frontignan (Thomas), Lunel (Chambon), Montpellier (de Paul, de Brignac, Vernhette), Béziers (du Lac), Murviel-lès-Béziers (de Mus), Florensac (Fraisse), Servian (de Rascas), Montagnac (Rey de la Croix), Pézenas (de Grasset), Saint-Chinian (Fourcade), La Salvetat (de Raynaud), Le Caylar (Salles). Dictionnaire des conseillers généraux..., op. cit.

51 Castries, Frontignan, Ganges, Les Matelles, Mauguio, Montpellier, Saint-Martin-de-Londres, Agde, La Salvetat, Béziers, Florensac, Pézenas. Notices politiques par cantons pour les quatre arrondissements établies en avril 1858. ADH 1 M 853.

52 Ibidem.

53 « De nombreuses similitudes dans l’aménagement du jardin, la décoration intérieure ou l’ameublement montrent qu’en matière de bon goût Versailles et Paris sont la référence ». Voir Éric Mension-Rigau, Aristocrates..., op. cit., p. 177.

54 « C’est l’époque de d’Aviler, des Giral, de Jacques Donnat ; on peut parler d’une véritable école provinciale d’architecture. Michelet, en 1833, dans son Tableau de la France, a écrit : “C’est une des grandeurs de la France que, sur toutes ses frontières, elle ait des provinces qui mêlent au génie national quelque chose du génie étranger”. Les hôtels du xviie siècle, à Montpellier, sont l’œuvre d’architectes qui paraissent avoir été formés à l’École italienne ; d’Aviler ne crée pas un style nouveau, mais avec lui l’effort de décoration ne reste plus cantonné à l’intérieur ; et, surtout, il emploie un arc très surbaissé, qui reçut le nom de davilerte. Nous le retrouvons dans ces « folies ». (...) À l’écart des sentiers battus que de beautés cachées ! Façades de pierres aux proportions parfaites, empreinte de calme, sérieuses sinon austères ; rien de grandiose, tout à la mesure de l’homme, mais la majesté les marque (...). Parmi toutes les constructions, on remarque en particulier : La Mosson (Juvignac), La Piscine (Montpellier), La Mogère (Montpellier), le Château d’O (Montpellier), Layragues (Baillargues), L’Engarran (Lavérune), Alco (Montpellier)... Voir Jessie Mahoudeau, Châteaux de l’Hérault, Paris, Les Nouvelles Éditions Latines, (brochure non datée), p. 15.

55 Philippe Castan, Montpellier-autour. Châteaux, jardins et folies, Montpellier, Aone, 1986.

56 Cette industrie induit 6 000 emplois à la veille de la Révolution. Ce qui représente 20 % de la population totale. Voir Anne Blanchard, Henri Michel, « De la place forte à la capitale provinciale : des Réformes aux Lumières », in Gérard Cholvy, dir., Histoire de Montpellier, Toulouse, Privat, 2001, p. 157-224.

57 Jean-Denis Bergasse, L’eldorado du vin. Les châteaux de Béziers en Languedoc, Montpellier, Presses du Languedoc, 1994.

58 Catherine Ferras, Architecture privée au xixe siècle. Les « châteaux » du vignoble en Bas-Languedoc occidental, Thèse de doctorat d’histoire de l’art, Université Paul Valéry - Montpellier III, 1987.

59 Éric Mension-Rigau, Aristocrates..., op. cit., p. 21 et s.

60 Ibidem, p. 23.

61 Pierre Bourdieu, « Stratégies de reproduction et modes de domination », Actes de la recherche en sciences sociales, n°104, septembre 1994, p. 5

62 Voir notamment le chapitre 10 : « L’éducation, une exigence chrétienne ? », in Éric Mension-Rigau, L’enfance au château. L’éducation familiale des élites françaises au xxe siècle, Paris, Rivages, 1990.

63 Arlette Jouanna, « Le mythe du sang bleu », L’Histoire, n°89, mai 1986, p. 6-12.

64 Christophe Charle, « Noblesse et élites en France au début du xxe siècle », in Noblesses européennes..., op. cit., p. 427.

65 L’homme qui parle ainsi se nomme Louis Maurel, mais il pourrait porter bien d’autres patronymes. Il est né le 1er janvier 1900, dans un petit village adossé à une colline, entre Carcassonne et Béziers. Le romancier Jean-Louis Magnon lui laissa raconter sa vie en recueillant ses propos et en puisant dans les cahiers d’écolier qu’il avait accepté de remplir. Voir Jean-Louis Magnon, Les larmes de la vigne, Paris, Seghers, 1991, p. 53-55.

66 Éric Mension-Rigau, L’enfance..., op. cit., p. 36-42.

67 Jean-François Dubost, « Le réseau des sociétés politiques dans le département de l’Hérault pendant la Révolution française », Annales de la Révolution française, n°278, octobre-décembre 1989, p. 374 et s.

68 Au sein du dispositif, le préfet reçoit des pouvoirs nouveaux pour développer son action au cœur des communes. Il s’appuie sur des commissaires de police qui partagent les exigences politiques de l’Empire. Ils sont chargés d’accentuer le contrôle de l’opinion publique et la surveillance de l’opposition. Voir Raymond Huard, La naissance du parti politique en France, Paris, Presses de Sciences Po., 1996, p. 125 et s.

69 C’est dans le Nord, en Loire-Inférieure, dans les Bouches-du-Rhône et à Lyon que l’on trouve plus d’un journal royaliste. Certains titres sont solidement installés comme La Gazette du Languedoc à Toulouse, L’Orléanais à Orléans... Voir André-Jean Tudesq, Les grands notables..., op. cit., p. 205 et s.

70 Voir Roland Andréani, La presse quotidienne de Montpellier des origines à 1944, Thèse de doctorat d’État d’histoire, Université Toulouse II, 1989.

71 Huit rassemblent les principaux opposants à « l’usurpateur » Louis-Philippe. Les ouvriers tonneliers et les artisans dominent les trois associations situées au bord de la Méditerranée alors qu’un brassage se manifeste dans la seule représentante de la plaine viticole. On trouve, par exemple, L’Harmonie (composée d’horlogers, de chapeliers...), la Société des Boulangers, la Société des Beaux-Frères (les juristes y sont dominants)... La Corde ou la Campagne sont les noms choisis par les carlistes de Sète. Ce recensement est emprunté au riche mémoire d’André Ducel, Les milieux légitimistes dans l’Hérault sous la Monarchie de Juillet, Mémoire pour le DES d’histoire, Faculté de lettres, Montpellier, 1964, p. 28 et s.

72 Ibidem

73 Le ministre de l’Intérieur alerte le préfet dans un rapport où il cite la lettre du consul de Nice. Rapport du 22 mars 1832. ADH 1 M 900.

74 Rapport du commissaire de Montpellier de janvier 1849. ADH 1 M 927.

75 Son nom change vers la fin de la Seconde République. On trouve aussi dans le chef-lieu : la société de l’Union, les Hauts barons seuls, la société de l’Étoile de France ou encore la société de la rue de la Garenne... L’activisme des membres paraît limité. Outre les discours mobilisateurs, ils font des banquets, des bals, des cérémonies religieuses... Voir Nicole Brun, op. cit., p. 153 et s.

76 Une vingtaine est recensée par les autorités. Ibid.

77 Rapport du 23 janvier 1849. ADH 1 M 927.

78 Rapport du préfet établi en juillet 1848. ADH 1 M 817.

79 Les loges maçonniques, s’efforçant de diffuser la pensée libérale, n’ont pas la même influence : loge des urbains (46), les Amies réunis (62), les Amis fidèles (50), la parfaite union (54), les cœurs réunis (25)... Voir Roselyne Etienne, La Restauration..., op. cit. En janvier 1849, le commissaire de police de Montpellier relate seulement l’activité de trois clubs (celui du Jeu de Paume dit de la Fraternité, le club de l’Observance dit de la propagande démocratique, le club des casernes dit des montagnards. « Ils sont tous fréquentés, note-t-il, par la classe des ouvriers. La majorité de la population de cette ville étant légitimiste, ces clubs sont peu suivis, c’est rare d’y voir réunis dans la même salle de 150 à 200 personnes ». ADH 1 M 927.

80 Roselyne Etienne, ibid.

81 Guy Laurans, Contribution à l’étude sociologique des confréries de Pénitents en Bas-Languedoc, Thèse de doctorat de sociologie, Université Paul Valéry-Montpellier, 1973. Ce travail a été publié un quart de siècle plus tard, sous le titre : L’humilité et la gloire. Contribution à l’étude sociologique des Confréries de Pénitents en Bas-Languedoc, Nîmes, Lacour, 1999.

82 On estime qu’entre le début de l’Empire et la fin de la Restauraion plus de 2 400 cérémonies furent organisées par les pénitents à Montpellier. Gérard Cholvy, dir., L’Hérault de la préhistoire..., op. cit., p. 343.

83 Paul Verlaine, Œuvres complètes, tome V, Paris, A. Messein, 1926, p. 7. Citation donnée par Gérard Cholvy, Le Languedoc et le Roussillon..., op. cit.

84 Maurice Agulhon, Pénitents et francs-maçons de l’ancienne Provence : essai sur la sociabilité méridionale, Paris, Fayard, 1984 (1ère Ed. 1968).

85 Guy Laurans, op. cit., p. 19.

86 Les données sont extraites des travaux de Roselyne Etienne, La Restauration..., op. cit., p. 9 et de Guy Laurans, ibid.

87 Ibidem, p. 113.

88 Ibidem.

89 Voir Rose-Marie Pradès, La religion populaire dans les campagnes du Bas-Languedoc au xixe siècle. Mémoire de maîtrise d’histoire, Université Paul Valéry-Montpellier III, 1970, p. vii.

90 Les Pénitents veillent à leurs domiciles les morts avant de participer massivement aux obsèques en tenue d’apparat. On peut noter qu’ils prenaient en charge gratuitement l’enterrement des indigents et des condamnés à mort.

91 Ibidem.

92 « La confrérie a une existence réelle qu’à partir du moment où l’évêque a reconnu sa création et entériné ses statuts et son règlement. Dans les villages, où la communauté locale se confond avec la paroisse, le curé fait en principe partie du noyau fondateur. Rien n’est possible sans son accord, sans son appui auprès de l’évêché ». Ibidem, p. 17.

93 Monique Pradel, La Société de Saint-Vincent-de-Paul dans l’Hérault (1850-1905), Mémoire pour le DES d’histoire, Université Paul Valéry-Montpellier III, 1972.

94 On en trouve à Montpellier, Lunel, Saint-Pons, Béziers, Bédarieux, Lodève, Sète, Clermont-l’Hérault, Pézenas.

95 C’est ainsi que s’exprime dans un courrier le président de la conférence de Montpellier. Cité par Monique Pradel, op. cit., p. 63.

96 Dans les zones rurales, il fallait avoir l’aval du curé pour créer une telle structure.

97 Ce contact direct permet de déterminer s’il est vraiment nécessaire de secourir la famille.

98 Citation donnée par Monique Pradel, op. cit., p. 26-27.

99 Rapport cité par Monique Pradel, op. cit., p. 9.

100 Rapport cité par Jean-Paul Claux, Les milieux légitimistes sous le Second Empire dans l’Hérault (décembre 1851-1870), Mémoire pour le DES d’histoire, Faculté des lettres, Montpellier, 1968, p. 57-58.

101 Rapport du brigadier de gendarmerie de Clermont à son capitaine établi le 19 août 1860. Voir Jean-Paul Claux, Ibid., p. 64.

102 Il y aurait 1 068 confrères à la fin de 1839 et aux alentours de 5 000 dans les premiers temps de l’Empire. Voir André-Jean Tudesq, Les grands notables..., op. cit., p. 200.

103 Voir Monique Pradel, op. cit.

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