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La persistance du Midi blanc

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Philippe Secondy

Introduction : être de droite dans le Midi

Texte intégral

  • 1 Abel Pomarède. Mémoire d’un ouvrier vigneron royaliste, Préface de Gustave (...)

1En 1978, Abel Pomarède, un habitant de la petite commune de Pomérols, près de Béziers, fait paraître un livre titré Mémoires d’un ouvrier vigneron royaliste, avec une préface de Gustave Thibon. Le philosophe traditionaliste commence son propos par ces mots : « J’ai peu de tendresse pour les autobiographies. À quelques exceptions près, elles dégagent cette fade odeur de fièvre recuite qu’on respire autour de ces malades de l’âme que Léon Daudet appelait si drôlement les “moitrinaires”. Je n’aime pas davantage écrire des préfaces. Les bons livres, comme les maisons solidement bâties, n’ont pas besoin de pilotis. Si je surmonte cette double répugnance, c’est parce que cette autobiographie ne se réduit pas à une série de prises de vue d’un homme sur lui-même, mais qu’elle est avant tout le témoignage d’un homme aux réalités (je dis les réalités et non les idées) par et pour lequel un homme a vécu, souffert et lutté et parce qu’il est doux à mon amitié d’être le témoin de ce témoin. Abel -nous l’appelons tous par son prénom- est un paysan, un ouvrier agricole de Pomérols en Languedoc, l’homme d’un lieu, d’un métier, d’une tradition. Et royaliste, non par surcroît ou par fantaisie comme on est membre d’un Club, collectionneur de timbres-poste ou adhérent à un parti politique quelconque, mais parce que la foi monarchique tient à son essence de paysan et répond à son attachement vital à sa Patrie. Rien en lui d’un idéologue de la monarchie : le royalisme coule dans son sang avant de passer dans sa pensée »1. À travers ces quelques phrases, « le témoin de ce témoin » souligne l’attrait persistant du royalisme au cœur du xxe siècle notamment dans les milieux populaires d’un département méridional : l’Hérault. Ces éléments d’informations peuvent étonner. Peu d’études se sont attardées sur cet ancrage politique supposé.

  • 2 Albert Mabileau, dir., À la recherche du « local », Paris, (...)
  • 3 René Rémond, La droite en France de 1815 à nos jours. Continuité et di (...)
  • 4 Jean-François Sirinelli, dir., Histoire des droites en France, Paris, (...)
  • 5 Michel Winock, dir., Histoire de l’extrême droite en France, (...)
  • 6 Raymond Huard, « Une géographie politique évolutive (1848-1880) », in (...)
  • 7 André Siegfried, Tableau politique de la France de l’Ouest, Paris, Imp (...)
  • 8 On peut relever, à titre d’exemple, la thèse de Michel Denis : Les royalis (...)
  • 9 Nous relèverons tout de même l’existence de deux recherches de première (...)
  • 10 Gérard Cholvy, dir., Histoire du Languedoc de 1900 à nos jours, Toulou (...)

2D’une manière générale, le caractère lacunaire des analyses localisées du politique sur la longue durée est patent2. Le déficit s’avère criant quand on s’intéresse aux courants politiques conservateurs dans leurs dimensions historiques. En effet, si nous disposons d’une connaissance globale de cet univers politique, principalement grâce au travail pionnier de René Rémond3, complété quarante ans plus tard par l’entreprise encyclopédique coordonnée par Jean-François Sirinelli4 ou la recherche ciblée sur l’extrême droite dirigée par Michel Winock5, il n’en va pas de même au niveau des études régionales. Les historiens admettent volontiers que, malgré quelques progrès récents, il est encore « aujourd’hui difficile de dresser un tableau complet de l’état politique des régions au xixe siècle »6. Un constat semblable s’impose pour la période suivante. Parmi les secteurs réputés hostiles au mouvement lancé en 1789, l’Ouest du pays constitue un territoire bien arpenté par les chercheurs. André Siegfried, Paul Bois ou encore Charles Tilly figurent parmi les auteurs les plus « classiques »7. Ils se sont penchés avec des instruments de mesure différents sur les ressorts des divergences profondes qui vont rythmer la vie politique pendant de longues décennies. Des travaux plus contemporains poursuivent la quête en multipliant les éclairages8. Les contrées du Midi ne soulèvent pas un intérêt similaire9. Les travaux sur le politique en général et sur la période contemporaine en particulier font défaut surtout à propos de la partie languedocienne. Comme l’écrit Gérard Cholvy en 1980, dans l’Histoire du Languedoc de 1900 à nos jours, « les études d’ensemble ne sont que des ébauches »10.

  • 11 Peter Mc Phee, Les semailles de la République dans les (...)
  • 12 Emmanuel Le Roy Ladurie, Histoire du Languedoc, Paris. PUF, 1967, (...)
  • 13 Ibidem.
  • 14 « Dans ces pays à prépondérance agricole, faiblement industrialisés, où de (...)
  • 15 « Le Midi a une habitude de démocratie plongeant ses racines jusque sous l (...)

3Depuis lors, quelques progrès notables ont été réalisés. Ils visent en priorité les « semailles de la République »11 car pour bien des observateurs, « le tableau politique de la France du Sud est complètement transformé depuis les années 1848-1851. Ce pays élisait avec enthousiasme, en 1815, les ultras de la Chambre introuvable. Désormais, au contraire, on y décèle une véritable fermentation républicaine, les forces de gauche y sont plus compactes, les "rouges" plus agissants que dans le reste de la France »12. La très grande partie des scrutins confirme la solidité des fondations républicaines. En 1951, François Goguel, dans sa Géographie des élections françaises sous la Troisième et la Quatrième République relève que le Gard, l’Aude, la Haute-Garonne et l’Hérault forment avec le Sud-Est provençal un bastion « imprenable ». La dénomination « Midi rouge » marque cet attachement viscéral aux Lumières. Ce qui correspond, aux yeux d’Emmanuel Le Roy Ladurie, à « la permanence d’un type humain caractéristique : le républicain du Midi est volontiers anticlérical et ne connaît pas d’ennemi à gauche »13. Une véritable omnipotence politique semble se dessiner. Ce que confirme Henri Lerner en intitulant un des chapitres de l’Histoire du Languedoc : « Être de gauche dans le Midi ». S’intéressant aux déterminants de cette tradition politique, il évoque le milieu économique et social14, se réfère à « une sorte d’inconscient collectif prenant racine dans un passé lointain »15, sans omettre la rivalité confessionnelle exacerbée entre catholiques et protestants qui imbibe les lieux. Or, derrière la récurrence des conflits religieux pointe un antagonisme entre les « rouges » et les « blancs » plus intense qu’ailleurs. Il structure l’espace social depuis 1789 :

  • 16 Ibidem.

« Unis sur le terrain de la défense agricole et viticole, les méridionaux se sont divisés, quant au reste, en deux camps irréductiblement opposés : les “rouges” et les “blancs”, nous explique Henri Lerner. Cet affrontement s’est toujours exprimé en termes mystiques. De part et d’autre, on était acquis d’instinct à son parti, et les convictions rationnelles, tout comme les données concrètes de programme, n’occupaient qu’une place mineure dans les esprits. Face à la réaction blanche, attachée à l’idéal monarchique et hiérarchique du passé, les rouges se réclamaient du progrès, de l’école laïque et d’un idéal au demeurant fort vague de libération sociale. (...) Demeurés très vivants sous la Troisième République, ces réflexes se sont estompés. Ils n’en restent pas moins sous-jacents à la ligne de démarcation qui continue à séparer les “vrais républicains” de leurs adversaires »16.

  • 17 Henri Lerner précise que le royalisme est « moins combatif dans les pays d (...)
  • 18 Le Bas-Languedoc ou Languedoc-méditerranéen s’étend au nord au Roussillon (...)
  • 19 Roland Andréani, « Les “modérés” en Languedoc méditerranéen : l’histoire (...)

4La description prend un relief spécifique selon les départements qui englobent l’entité difficilement cernable que l’on appelle le Midi. Lorsque notre attention se porte sur l’ensemble du territoire languedocien, entre Toulouse et Montpellier, il ne fait aucun doute que « le véritable “Midi blanc”, celui qui se révèle le plus tenace se situe en Bas-Languedoc »17, c’est-à-dire dans un secteur englobant une partie de l’Aude, le Gard, l’Hérault, tout en s’étirant vers le bassin cévenol. Depuis les xviie et xviiie siècles, la ville de Montpellier a acquis, grâce à Richelieu et Louis XIV, le statut de capitale de cette zone géographique18 au sein de laquelle la vivacité de l’opposition entre les Lumières et la Tradition empêche, jusqu’aux alentours de la Seconde Guerre mondiale, l’éclosion des « modérés »19.

  • 20 Nous reprenons ici une perspective développée par Arno J. Mayer dans La pe (...)
  • 21 Voir Denise Lanotte, Le boulangisme et les élections législatives de (...)
  • 22 Il est à l’origine d’une œuvre pastorale considérable. « Aucun événement (...)

5Le département de l’Hérault constitue un observatoire intéressant et méconnu de la persistance du courant contre-révolutionnaire20. Sa prééminence est telle qu’il étouffe l’efflorescence des autres droites. Si, à l’instar des départements voisins, l’orléanisme peine à séduire les masses ; il est frappant de remarquer que dans le cas qui nous occupe le bonapartisme, le boulangisme et la plupart des ligues nationalistes resteront également des épiphénomènes politiques21. Alors que la Troisième République mène à son terme l’adhésion aux vertus universalistes de la Révolution française, il subsiste, toujours au cœur du xxe siècle, un groupe puissant adepte d’un conservatisme qui sera appelé « traditionniste », comme nous le verrons plus loin, hostile à la France républicaine et à son idéal laïque, peu compatible avec la préservation d’un catholicisme intégriste. On ne peut pas saisir l’enracinement de cette mouvance en s’en tenant au seul domaine électoral. Un changement d’échelle d’observation s’impose pour percevoir une nébuleuse partisane organisée autour d’une personnalité ecclésiastique d’envergure : Monseigneur de Cabrières. Évêque de Montpellier pendant quarante-sept ans (entre 1874 et 1921), il intervient dans tous les grands débats qui touchent l’Église22 et contribue très fortement à inscrire dans le temps une entreprise collective longtemps tenue par les notabilités royalistes à laquelle s’agrègent des militants aux étiquettes politiques fluctuantes, recrutés après la Grande Guerre essentiellement au sein des professions juridiques et médicales. Bien des défenseurs du « Midi blanc » se laissent alors subjuguer par les réformes qui façonnent plusieurs pays voisins, et en particulier l’Italie de Mussolini, avant de soutenir le régime de Vichy. Après la Libération, ils poursuivent la lutte en s’employant à bâtir le « mythe Pétain ».

  • 23 Jean-François Sirinelli, Éric Vigne, « Des cultures politiques », in Jean- (...)

6Ce bloc « réactionnaire » répugne à laisser s’opérer l’avènement de l’Individu, tout comme la consolidation des principes démocratiques préconisée par Léon XIII, le pape du Ralliement. Il diffuse les idées d’une droite radicale décidée à ériger une contre-société. S’intéresser à cette forme de résistance, nous oblige à mieux apprécier la propagation de la culture politique « blanche ». En reprenant la définition de Jean-François Sirinelli, nous considérons qu’il s’agit d’un « ensemble de représentations qui soude un groupe humain, c’est-à-dire une vision du monde partagée, une commune lecture du passé, une projection dans l’avenir vécue ensemble. Ce qui débouche, dans le combat politique au quotidien, sur le choix de -ou sur-l’aspiration à telle ou telle forme de régime politique et d’organisation socioéconomique, en même temps que de normes, de croyances et de valeurs partagées (...). Ce qui est essentiel, c’est que les cultures politiques doivent s’appréhender en terme de constitution (comment une forme d’expression politique s’élabore) mais aussi de circulation : par quels relais ces formes constituées circulent-elles au sein d’un groupe donné et comment s’y insèrent-elles ? Et ces relais étant en même temps, forcément des tamis, quelle est l’altération qu’elles subissent »23 ?

  • 24 Nous nous arrêterons en 1962. L’arrivée massive des rapatriés en Languedoc (...)
  • 25 Sur ce point, nous partageons le regard de Jacques Prévotat qui écrit à pr (...)
  • 26 Cet ouvrage repose en partie sur les recherches menées pour réaliser ma th (...)

7L’objet de cet ouvrage est de se concentrer sur ces deux axes clés en apportant un éclairage concret sur le destin d’un milieu politique, porteur d’une lecture figée de l’histoire, dans un univers social mouvant entre la fin du xviiie siècle et le début des années 196024, en reconstruisant les trajectoires de ces principales figures et avec l’ambition d’extirper les principaux réseaux qui l’irriguent. Il vise à décrypter le travail spécifique engagé pour perpétuer25 un système de valeur défavorable au « monde nouveau », fondé sur l’égalité, tout en suivant comment, de manière paradoxale, les acteurs s’approprient les instruments nécessaires à l’apprentissage de la politique compétitive26.

  • 27 Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou métier d’historien, Paris, Armand (...)
  • 28 Il reprend ici une grande partie de la démarche de Max Weber, basée sur le (...)
  • 29 Yves Déloye, Sociologie historique du politique, Paris, La Découverte, 199 (...)
  • 30 Clifford Geertz, Ici et là-bas. L’anthropologue comme auteur, Paris, M (...)
  • 31 « La description “dense” ajustement vocation à transcender les frontières (...)
  • 32 « La valeur d’un compte-rendu ethnographique dépend non pas de la capacité (...)

8« Comment puis-je savoir ce que je vais dire » ? Cette interrogation empruntée à Marc Bloch27 inaugure un développement dans lequel nous souhaitons confesser aux lecteurs le « spectacle de la recherche », c’est-à-dire les moyens mis en oeuvre pour atteindre l’objectif fixé et les contraintes rencontrées. Les orientations lancées précédemment nous poussent à partir en quête d’informations générales très largement historiques. Ces considérations obligatoires pour une meilleure compréhension de l’ensemble ne doivent cependant pas étouffer le point essentiel : les individualités au coeur de la nébuleuse. Afin de comprendre un groupe aux contours imprécis, nous nous sommes livrés à une enquête de type ethnographique en suivant la perspective inspirée par l’anthropologue américain Clifford Geertz qui s’inscrit dans une épistémologie de la singularité respectueuse des contextes historiques spécifiques. Il prône une anthropologie « interprétative »28 pour saisir « l’enchaînement historique des transformations sociales et politiques et le rôle que chaque individu peut y jouer »29. Éloigné des approches trop générales perdant prises sur le réel et affligé par le recours systématique à des « lois » hors de toute temporalité se validant d’elles-mêmes, Clifford Geertz a toujours considéré que « l’anthropologie est une discipline terre à terre »30. Se présentant volontiers comme un artisan, souhaitant déchiffrer « l’épaisseur des noeuds de signification »31, il soutient « l’impératif d’une description première et inconditionnée des choses “telles qu’elles sont”, dans leur factualité brute et immédiate », tout en admettant que l’enquête demeure un défi perpétuel. Un tel cheminement nécessite de « trouver sa place », de respecter les termes des acteurs en présence afin de mieux les cerner pour définir ce qu’ils vivent32 et proposer une lecture de ce qu’ils observent.

  • 33 « Un événement, écrit Paul Veyne, se détache sur fond d’uniformité ; c’est (...)
  • 34 Georges Duby se sert de l’événement comme d’un révélateur. Il utilise tout (...)
  • 35 Emmanuel Le Roy Ladurie, « Événement et longue durée dans l’histoire socia (...)
  • 36 Yves Pourcher, « Un ethnologue dans l’histoire », in Marc Abélès, (...)
  • 37 Marc Abélès, Jours tranquilles en 89. Ethnologie politique (...)

9Envisager l’étude ainsi implique nécessairement de suivre une perspective microscopique, synonyme de familiarité avec un nombre restreint d’individus et avec l’histoire du lieu en prenant en compte les interactions entre les échelons nationaux et locaux. La reconstruction de toute expression partisane implique la collecte d’un matériau hétéroclite susceptible d’apporter des renseignements sur une réalité défunte dotée d’une texture très friable. Pour démêler l’écheveau de cette intrigue, nous chercherons à repérer une « différence »33 flagrante qui s’exprime sous la forme d’un conflit « révélateur »34 ou « traumatique »35 appréhendé, si l’on suit Yves Pourcher, comme « une clé sociale qui révèle le groupe (...). Il y a là un pari méthodologique, explique-t-il, parce qu’on suppose au départ que des faits ont été suffisamment importants pour marquer le groupe dans sa durée. En agissant ainsi, il n’est pas question d’expliquer le présent par le passé, de présumer la continuité, mais simplement de poser un regard sur le groupe en cherchant l’essentiel (...) »36. La fissure se transforme en « clé sociale » à partir du moment où elle devient accessible à une pluralité de spectateurs, capables de conserver des résultats de leurs perceptions du changement produit dans un espace ouvert à la vue. Une fois que nous aurons délimité toutes les dimensions de la sphère à l’intérieur de laquelle germe « l’événement créateur », il convient d’observer son amplitude à travers le remplacement des générations car « la mémoire est le fil conducteur inconscient de bien des pratiques politiques »37. Si la vivacité des altercations persiste malgré le long travail d’aplanissement du temps à l’égard des brûlures anciennes ; tous les ingrédients semblent réunis pour y voir un point nodal à explorer dans sa continuité. Dans le cadre de notre étude, trois types de conflits prennent une forme « traumatique ». Au sein du moment révolutionnaire, l’épisode du serment de 1791 éclaire la force du courant réfractaire dans la région. Un siècle plus tard, l’annonce du Ralliement ravive les crispations et impulse une opposition basée sur « un rassemblement en faisceau de toutes les forces conservatrices ». Enfin, les guerres mondiales et leurs répercussions directes sur les échiquiers nationaux insufflent un sentiment de « revanche » porté par des « hommes nouveaux ». Il se manifeste toujours dans les premiers temps de la Cinquième République.

  • 38 Voir Gérard Mauger, Claude F. Poliak, Bernard Pudal, Histoires de lecteurs(...)
  • 39 Éric Mension-Rigau, Aristocrates et grands bourgeois. Education, traditions, valeurs, (...)
  • 40 « La prosopographie comme approche micro-historique tente de répondre aux (...)
  • 41 Alexis de Tocqueville, Souvenirs, Paris, Gallimard, 1999, (...)
  • 42 Howard. S Becker, « Biographie et mosaïque scientifique », Actes de la (...)

10La reconstruction de l’assemblage, formé par les figures politiques souhaitant préserver ou imposer un système de valeur et une domination publique, demeure un projet prétentieux. Nous n’étudions pas un parti politique aux frontières strictement délimitées avec un fichier d’adhérents qui facilite l’investigation. Il subsiste par l’intermédiaire d’une nuée d’acteurs aux profils diffus qui s’investissent de façon inégale dans la collectivité. Aucune source massive n’a jamais consigné de façon exhaustive des informations sur les activistes des droites « blanches ». L’échantillon de la recherche ne pourra pas prendre un caractère représentatif au sens statistique du terme. Pour aller au-delà du singulier et viser l’exemplaire, nous envisageons une approche socio-biographique, d’où la constante mise en relation des trajectoires individuelles et de l’itinéraire politique suivi38. Confrontés aux sources lacunaires, nous nous efforcerons chaque fois, pour aller du particulier au général, de lire les intentions derrière les mots, de noter les attitudes ou les anecdotes minuscules qui échappent aux comptages statistiques réducteurs39. C’est seulement ainsi que nous respecterons les caractéristiques propres aux personnalités étudiées. Le récit biographique est entendu dans le cas qui nous occupe comme instrument d’analyse d’un collectif et des interdépendances sous-jacentes40. Nous ne négligerons pas pour autant de donner des coups de projecteurs pour illustrer des formes typiques de comportement ou de statut. En permanence, il faudra veiller à retrouver les identités stratégiques derrière les présentations convenues. Alexis de Tocqueville dans une note en marge du manuscrit de ses Souvenirs écrit à ce sujet : « il n’y a de portraits vrais que ceux qui ne sont pas faits pour être montrés »41. Une telle entreprise équivaut à tenter de reconstruire une « mosaïque »42. Chaque pièce retrouvée dans le tas de ruines de l’histoire enrichit le tableau et permet de mieux comprendre les relations réciproques.

  • 43 Arlette Farge, Le goût de l’archive, Paris, Seuil, 1989, p. 43.
  • 44 Gérard Noiriel, « Naissance du métier d’historien », Genèses, n° 1, (...)
  • 45 Frédéric Couderc, Les renseignements généraux sous l’Occupation. Quand la police (...)
  • 46 Arlette Farge, op. cit., p. 40.
  • 47 Le xixe siècle a été bien parcouru par plusieurs observateurs de l’espace (...)

11Pour cerner toutes les strates de l’objet, nous avons parcouru le terreau politique contemporain à partir d’un patient dépouillement de la presse et des archives. Notre ambition en pénétrant dans les salles poussiéreuses était de suivre les conseils d’une habituée des lieux. « Qui a le goût de l’archive, indique Ariette Farge, cherche à arracher du sens supplémentaire aux lambeaux de phrases découpées ; l’émotion est un instrument de plus pour ciseler la pierre, celle du passé, celle du silence »43. L’exhumation des sources, a priori inertes, recèle plusieurs pièges et la mise à jour des conditions sociologiques de production reste une étape majeure à respecter afin de ne pas subir la « magie » de l’archive44. Le danger surgit avec davantage d’acuité dans notre cas. Malgré nos efforts répétés, les descendants du personnel politique scruté n’ont pas souhaité nous ouvrir leurs « papiers de famille ». Quant aux frêles structures partisanes, elles ne paraissent pas avoir laissé une documentation cohérente sur les luttes internes ou le profil social des sympathisants avérés. Nous nous sommes concentrés sur les liasses disponibles dans les archives publiques sur lesquelles planent quelques particularités. Les rapports quotidiens affichent une volonté de rigueur dans la retranscription des paroles prononcées ou dans la photographie des événements épiés. Le processus de rationalisation s’accélère avec la mise en place du régime policier du maréchal Pétain. Il existe un fossé entre les notes des commissaires spéciaux de la Troisième République et les rapports circonstanciés fournis par les Renseignements généraux, nés durant la guerre45. L’arrivée des jours meilleurs ne tarira pas un savoir-faire professionnel utilisé par les différents gouvernements républicains. Sur le fond, les informations distillées par les fonctionnaires dans leurs notes mettent à nu des « morceaux de vérité »46 qu’il faudra savoir lire. La pression de la hiérarchie (du commissaire au préfet ou au ministre) instigatrice et destinataire des rapports, le climat politique local et central ou le type de régime en place conditionnent l’auteur qui garde une mince marge de manoeuvre. Nous nous sommes concentrés sur les liasses déposées par la préfecture, en grande partie aux archives de l’Hérault ainsi qu’aux archives nationales47. Notre immersion dans les rapports a permis de faire émerger des particules d’informations utiles pour connaître l’articulation historique générale et mettre en relief une partie de la « mosaïque ». La reconstitution des expériences successives des protagonistes de la scène locale ne trouve guère d’issues satisfaisantes dans la sinuosité administrative. Quelques séquences biographiques ont été recueillies, mais elles ne nous informent que très insuffisamment.

  • 48 Marc Martin, La presse régionale. Des affiches aux grands quotidiens, (...)
  • 49 Nous avons regardé avec un grand intérêt la somme de Bertrand Joly : Dicti (...)
  • 50 L’éditeur résume ainsi l’objectif : « Il est bon, il est indispensable de (...)
  • 51 Pierre Clerc, dir., Dictionnaire de biographie héraultaise des (...)
  • 52 Par exemple les renseignements politiques (mandats, engagements partisans. (...)

12Avec pour objectif de surmonter ces difficultés, un ratissage d’envergure a été mis en oeuvre. La presse mérite une attention soutenue. Nous bénéficions dans ce secteur d’une source exceptionnelle puisque L’Éclair, imprimé à Montpellier entre 1881 et 1944, fut «le dernier journal monarchiste de province »48. Entre les mains des grands familles nobiliaires du Languedoc-méditerranéen, il est présent dans onze départements : Hérault, Tarn, Aveyron, Aude, Gard, Bouches-du-Rhône, Vaucluse, Pyrénées-Orientales, Var, Basses-Alpes et Drôme. De nombreux autres périodiques ont fait l’objet d’une lecture attentive. La collection des annuaires départementaux, les bulletins des sociétés savantes, des dictionnaires ont complété notre réservoir de connaissances49. Deux sources biographiques homogènes délivrent des informations très éparses : le Dictionnaire biographique de l’Hérault paru vers 190450 et un travail édité en 2001, sous la direction du libraire Pierre Clerc51. Dans l’ouvrage du début du siècle, les informations sont très minces52. Quant au second, il constitue un progrès remarquable. Mais, comme il a pour objectif d’englober toutes les personnalités présentes sur ce territoire « des origines à nos jours », les notices délivrent quelques points de repère utiles, tout en restant superficielles. De telles conclusions s’appliquent au Dictionnaire biographique des conseillers généraux de l’Hérault disponible uniquement aux archives départementales depuis 1999.

  • 53 Il porte le titre suivant : Bulletin de l’Académie des sciences et (...)
  • 54 En 1992, Paul Comet qui dirige les publications de l’Académie écrit : « Fo (...)
  • 55 Les sections sont composées de membres honoraires, de membres libres, de v (...)
  • 56 Ibidem.
  • 57 Auparavant une commission de trois membres de la section aura pris soin de (...)
  • 58 Ephéméride de l’Académie des sciences et lettres de Montpellier, in Règlem (...)
  • 59 Tenus sous l’oeil curieux de l’ensemble des pairs, les discours obéissent (...)

13Deux séries de sources se distinguent de la moisson réalisée pour glaner des séquences biographiques. Les éloges prononcés lors de la réception au sein de l’Académie des sciences et lettres de Montpellier et trois ouvrages centrés sur des « histoires de vie ». Sans conteste, les discours célébrant les « hommes illustres » appelés à siéger dans l’instance académique demeurent une mine d’informations. Publiés dans un bulletin53, ils nécessitent un regard circonspect. L’Académie constitue la plus prestigieuse des sociétés savantes régionales. À l’instar de l’Académie française, elle est chargée d’histoire et regroupe des personnalités intégrées dans les mêmes cercles sociaux. De nos jours encore, les membres influents de l’instance de consécration et de légitimation s’affichent comme les successeurs de la Société royale des sciences de Montpellier fondée en 170654. Les trois sections (lettres, sciences, médecine), regroupant une centaine d’académiciens, confient l’administration de la structure à un noyau choisi parmi les titulaires55. L’élection s’assimile à une forme de parrainage, comme en témoigne le cadre très lâche dans lequel doit se glisser tout candidat. En effet, les éligibles ne sont « choisis que parmi les personnes connues par quelque travail original, et ayant manifesté, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un Membre, le désir d’être admis dans l’Académie » (article 23)56. Il n’y a pas de précisions complémentaires pour savoir ce que l’on entend par « travail original ». Tous les recrutés peuvent prétendre entrer dans cette catégorie sans qu’il soit possible de les contredire... La décision finale appartient à la section57. Le concept d’« affinités électives », puisé dans l’oeuvre de Max Weber, nous paraît approprié pour comprendre ce qui prévaut dans l’instance montpelliéraine et dans la plupart des autres sociétés savantes. Sans prétendre maîtriser les relations qui se tissent dans les lieux dominants de la vie intellectuelle et mondaine héraultaise, nous pensons que le choix d’un nouvel entrant repose en grande partie sur des critères amicaux. Les Lettres patentes du Roi de février 1706 « portant établissement d’une Société royale des sciences à Montpellier » le prouvent. Elles commencent ainsi : « Plusieurs sujets de notre ville de Montpellier, qui depuis longtemps entretiennent entre eux une étroite liaison d’amitié et d’étude, nous ont fait remonter... »58. Une fois accepté, il faudra que l’impétrant respecte les modalités de fonctionnement inscrites dans le temps et célèbre perpétuellement les « glorieux aînés » passés à la postérité. Dès la séance d’intronisation, le récipiendaire s’emploie à brosser l’itinéraire et les innombrables vertus de l’ancien occupant du fauteuil qu’il reçoit en « héritage », puis son parrain présente à son tour à l’assemblée le nouvel élu59.

  • 60 Jean-Claude Bonnet, « Les morts illustres. Oraison funèbre, éloge académiq (...)
  • 61 Nathalie Heinich, La gloire de Van Gogh. Essai d’anthropologie de l’ad (...)

14Les mots prononcés s’ajustent toujours mécaniquement dans une grille uniforme, quasi-immuable, et procèdent d’un « genre endormeur »60 chargé d’illusions. Dans un langage simple et imagé, ponctué de locutions latines ou de références soignées, l’orateur campe des scènes historiques, militaires, professionnelles, familiales au centre desquelles surgit « l’acteur héroïque » intronisé ou célébré. Dans cet espace clos, replié sur lui-même, on rend hommage au titulaire d’un rôle en bâtissant des « légendes dorées ». Cette expression n’est pas une quelconque métaphore. Le genre en vigueur qui s’adresse aux vivants met en avant la « grandeur du personnage » et éclipse les aspérités d’une vie parfois ternie par des prises de position et des engagements partisans à oublier. En évitant de sombrer dans les vertiges de la dénonciation, nous reprendrons face à ces éloges les grandes lignes d’une grille d’analyse suivie par Nathalie Heinich, dans une étude portant sur La gloire de Van Gogh. Elle ne s’est intéressée à la véracité des récits consacrés à ce peintre passé à la postérité « que pour en dégager les éventuelles déformations, omissions ou ajouts, et à l’histoire de sa vie que pour marquer ce qui en elle a rendu possible la légende»61. La posture préférée vise, en creusant la trajectoire dans toutes les directions, à se replacer dans le sillage des acteurs. Nous nous apercevrons alors que si l’on apprécie avec finesse toutes les situations concrètes qu’ils affrontent successivement, sans omettre de mentionner les ressources mobilisées suivant le contexte ou les identités variables dont ils se parent, les itinéraires sortent du caractère rectiligne trop « naturellement » rencontré dans les biographies classiques.

  • 62 Marthe Durand de Girard, Trois cents ans de souvenirs. Récit d’une (...)
  • 63 Philippe-André Vincent, La vie et l’oeuvre d’André Vincent, (...)
  • 64 Abel Pomarède, Mémoire d’un ouvrier vigneron royaliste, Préface de Gustave (...)
  • 65 Nous remercions le frère d’Abel Pomarèdc qui a bien voulu nous en donner u (...)
  • 66 Même l’auteur en conclusion avoue qu’il s’est « laissé emporter par le dém (...)
  • 67 Nous aurions pu ajouter à cette liste un livre, écrit par Jean Azaïs, sur (...)

15L’entreprise de canonisation en oeuvre dans les éloges académiques colle aussi au mode discursif utilisé dans les « histoires de vie » écrites par les témoins d’une époque ou les descendants des membres de la configuration étudiée. Trois types d’ouvrages, inexploités jusqu’à aujourd’hui, ont été extraits des décombres de l’histoire locale. Une autobiographie familiale signée par Marthe Durand de Girard nous plonge dans l’une des principales lignées nobiliaires en relation avec la grande bourgeoisie62. Une biographie consacrée par un de ses enfants à André Vincent revient sur la place prépondérante de la cheville ouvrière des réseaux royalistes régionaux63. Enfin, à travers des mémoires au titre prometteur (Mémoires d’un ouvrier vigneron royaliste64), nous pensions mieux comprendre l’attraction du Prétendant au trône de France dans les milieux populaires. Nous utiliserons à de multiples reprises les deux premiers livres. Le dernier, le plus difficile à dénicher65, s’est révélé fort décevant. Le profil social de l’intéressé et le titre choisi nous permettaient de caresser l’espoir de suivre une forme d’engagement peu ordinaire, de mieux palper l’organisation des réseaux « blancs » dans l’espace rural... Malheureusement, les cent trente-deux pages de cette autobiographie n’abordent pas ces aspects. Il ne s’agit en fait que d’une chronique politique du xxe siècle66. Possibilité accrue de connaissances, ces sources enjolivées67 doivent tout de même être respectées. Elles nous renseignent sur les événements historiques tout en nous forçant à étudier le travail de production de la mémoire et à retrouver derrière les conventions du genre exploité des bribes de « réalité ».

  • 68 Nous utilisons ici l’expression de Louis-Jean Thomas fin connaisseur de la (...)

16La recherche prosopographique menée repose sur la constitution d’une centaine de notices individuelles. Toutes les fiches élaborées cherchent à faire ressortir les indicateurs suivants : noms, prénoms, date de naissance, date du décès, formation, ressources professionnelles (notoriété, prestige...), capital social (engagements associatifs, syndicaux...), capital politique (ressources politiques familiales, mandats, activisme partisan...). Le bilan de la documentation amassée demeure inégal. Pour mieux expliquer les difficultés rencontrées dans la quête de l’information biographique, on se doit de signaler que nous sommes confrontés à un « petit monde à peu près fermé »68. Nos conclusions à ce propos rejoignent celles de Jacques Durand et d’André Hampartzoumian, les auteurs d’un travail très différent : une chronique photographique du Languedoc « au temps des diligences » :

  • 69 Jacques Durand, André Hampartzoumian, Le Languedoc au temps des (...)

« Certains thèmes brillent par leur absence, notent-ils, les riches par exemple, la haute bourgeoisie de l’époque, l’argent n’émergent pas dans les chambres noires des opérateurs de la rue, ou rarement. Les raisons en sont simples : d’abord, la rue n’est pas leur affaire ; ensuite parce que ces riches fondent l’aura de leur pouvoir sur un certain mystère et qu’il est bon de se faire rare ; même en photo. Et, surtout parce que depuis belle lurette, ils connaissent et pratiquent en circuit fermé l’art de se clicher (...). Ces vues trouvent leur place dans les albums de famille qui font partie du patrimoine. Ils manifestent la lignée dont ils entretiennent le souvenir »69

  • 70 Voir l’enquête de Béatrix Le Wita : Ni vue, ni connue : approche (...)
  • 71 Notre approche sera donc en partie chronologique. Elle s’articule autour d (...)

17Ce constat ne doit pas nous désarçonner. Il correspond à une attitude toujours visible aujourd’hui70. Notre ouvrage vise à jeter un premier regard construit autour des lignes de fractures majeures qui jalonnent l’itinéraire de ce milieu politique71.

Notes

1 Abel Pomarède. Mémoire d’un ouvrier vigneron royaliste, Préface de Gustave Thibon, Tours, La Documentation royaliste, 1978, p. 3.

2 Albert Mabileau, dir., À la recherche du « local », Paris, L’Harmattan, 1994.

3 René Rémond, La droite en France de 1815 à nos jours. Continuité et diversité d’une tradition politique, Paris, Aubier, 1954. En faisant paraître une nouvelle édition en 1982, intégrant les débuts de la Cinquième République, René Rémond modifie légèrement le titre. Le pluriel remplace le singulier.

4 Jean-François Sirinelli, dir., Histoire des droites en France, Paris, Gallimard, 1992 (Tome 1 : Politique ; Tome 2 : Cultures ; Tome 3 : Sensibilités).

5 Michel Winock, dir., Histoire de l’extrême droite en France, Paris, Seuil, 1993.

6 Raymond Huard, « Une géographie politique évolutive (1848-1880) », in Serge Berstein, Michel Winock, dir., L’invention de la démocratie (1789-1914), Paris, Seuil, 2002, p. 226.

7 André Siegfried, Tableau politique de la France de l’Ouest, Paris, Imprimerie nationale, 1995 (1ère Éd. 1913) ; Paul Bois, Paysans de l’Ouest. Des structures économiques et sociales aux options politiques depuis l’époque révolutionnaire dans la Sarthe, Paris, Mouton, 1960 ; Charles Tilly, La Vendée. Révolution et Contre-Révolution, Paris, Fayard, 1970 (1ère Éd. 1964).

8 On peut relever, à titre d’exemple, la thèse de Michel Denis : Les royalistes de la Mayenne et le monde moderne (xix-xxe siècles). Paris, Klincksieck, 1977 ou encore un livre centré sur le personnel dirigeant coordonné par Frédérique Pitou : Élites et notables de l’Ouest (xvie-xxe siècles). Entre conservatisme et modernité, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003.

9 Nous relèverons tout de même l’existence de deux recherches de première importance. D’une part, la thèse de Gérard Gaudin : Le royalisme dans les Bouches-du-Rhônes (1876-1927). De la fidélité à l’idéologie. Contribution à l’étude des « Blancs du Midi », Thèse d’État d’histoire, Université d’Aix-Marseille, 1978 et d’autre part, l’étude d’ethno-histoire proposée par Yves Pourcher : Les maîtres de granit. Les notables de Lozère du xviiie siècle à nos jours, Paris, Olivier Orban, 1987.

10 Gérard Cholvy, dir., Histoire du Languedoc de 1900 à nos jours, Toulouse, Privat, 1980.

11 Peter Mc Phee, Les semailles de la République dans les Pyrénées-Orientales (1846-1852), Perpignan, L’Olivier, 1996.

12 Emmanuel Le Roy Ladurie, Histoire du Languedoc, Paris. PUF, 1967, p. 106.

13 Ibidem.

14 « Dans ces pays à prépondérance agricole, faiblement industrialisés, où de nombreux petits propriétaires se partageaient le sol, les partis de gauche ont aisément trouvé leur terrain d’élection ». Voir Henri Lerner, « Être de gauche dans le Midi », in Gérard Cholvy, dir., Histoire du Languedoc de 1900 à nos jours, op. cit., p. 203.

15 « Le Midi a une habitude de démocratie plongeant ses racines jusque sous l’Ancien Régime, où les municipalités pratiquaient déjà l’élection à un suffrage relativement large ». Ibidem.

16 Ibidem.

17 Henri Lerner précise que le royalisme est « moins combatif dans les pays de la Garonne, où il ne retenait qu’une partie de la bourgeoisie, ouvertement réactionnaire avec L’Express du Midi ». Ibidem.

18 Le Bas-Languedoc ou Languedoc-méditerranéen s’étend au nord au Roussillon en formant une bande encadrée par les Corbières, le Massif central et la Méditerranée. Le Haut-Languedoc se trouve limité au versant atlantique, dans le Toulousain et l’Albigeois.

19 Roland Andréani, « Les “modérés” en Languedoc méditerranéen : l’histoire d’une absence » ?, in François Roth, dir., Les modérés dans la vie politique française (1870-1965), Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2000, p. 225-236. Il faut remarquer que l’Alliance libérale populaire, principal support des « modérés » qui compte en 1900, 200 000 adhérents et 1 550 comités locaux, n’a aucune organisation dans les départements de la façade méditerranéenne. Voir Raymond Huard, Naissance du parti politique en France, Paris, Presses de Sciences po., 1996. De même, le Bas-Languedoc est une des rares régions françaises où le Parti démocrate populaire durant l’entre-deux-guerres ne connaît aucune implantation de fédérations. Voir Jean-Claude Delbreil, Centrisme et démocratie-chrétienne en France : le Parti démocrate populaire des origines au MRP (1919-1944), Paris, Publications de la Sorbonne, 1990.

20 Nous reprenons ici une perspective développée par Arno J. Mayer dans La persistance de l’Ancien Régime. L’Europe de 1848 à la Grande Guerre (Paris, Flammarion, 1983). Dans un entretien publié en 2002, cet historien revient sur sa démarche en admettant qu’il « n’a pas pris assez au sérieux le jeu politique à l’intérieur d’une classe politique ayant en réalité des composantes très variées » et reconnaît que la véritable coupure mettant un terme à « l’ordre ancien », c’est la Seconde Guerre mondiale. Voir André Loez, Nicolas Offenstadt, « Un historien dissident ? Entretien avec Arno J. Mayer », Genèses, n°49, décembre 2002, p. 127 et 139.

21 Voir Denise Lanotte, Le boulangisme et les élections législatives de 1889 dans l’Hérault, Mémoire de maîtrise d’histoire, Faculté des lettres, Montpellier, 1968. Dans son remarquable travail sur l’Action française, Jacques Prévotat relève une particularité majeure : « L’empreinte du milieu catholique traditionnel a commandé les comportements de l’Action française dans l’Hérault. Le nationalisme a joué un rôle moindre que dans la région parisienne ». Voir Jacques Prévotat, Les catholiques et l’Action française. Histoire d’une condamnation (1899-1939), Paris, Fayard, 2001, p. 46.

22 Il est à l’origine d’une œuvre pastorale considérable. « Aucun événement important ne s’est produit à Montpellier, dans son diocèse, en France et dans l’Église, sans qu’il n’en ait fait ressortir pour ses fidèles la haute signification religieuse ». Voir Édouard Lecanuet, L’Église de France sous la Troisième République. Les premières années du pontificat de Léon XIII (1878-1894). Paris, Librairie Félix Alcan, 1931, p. 105.

23 Jean-François Sirinelli, Éric Vigne, « Des cultures politiques », in Jean-François Sirinelli, dir., Histoire des droites en France. Tome 2 : Cultures, Paris, Gallimard, 1992, p. iii-iv et ix et « Pour une histoire des cultures politiques : le référent républicain », in Daniel Céfaï, dir., Cultures politiques, Paris, PUF, 2001, p. 157.

24 Nous nous arrêterons en 1962. L’arrivée massive des rapatriés en Languedoc-Roussillon entraîne progressivement un renouvellement du personnel politique et un changement de la nature du débat public.

25 Sur ce point, nous partageons le regard de Jacques Prévotat qui écrit à propos de la culture politique traditionaliste : « la longévité même de cette famille politique l’a contrainte pour survivre à épouser des formes variables, sans modifier pour autant –du moins l’affirme-t-elle-l’immutabilité de sa doctrine. L’histoire de la pensée politique traditionaliste, c’est aussi l’histoire de ses variations ». Voir Jacques Prévotat, « La culture politique traditionaliste », in Serge Berstein, dir., Les cultures politiques en France, Paris, Seuil, 1999, p. 33.

26 Cet ouvrage repose en partie sur les recherches menées pour réaliser ma thèse : La droite extrême dans l’Hérault (1890-1944). Sociologie historique d’une configuration politique, Thèse de doctorat de science politique, Université Montpellier I, 2001, 726 p. Je tiens ici à remercier les membres du jury pour leurs remarques constructives : Paul Alliès (Université Montpellier I) ; Pierre Birnbaum (Université Paris I) ; Yves Déloye (Université Paris I) ; Hubert Peres (Université Montpellier I) et Jean Sagnes (Université de Perpignan). Ma gratitude va également à Pierre Barral (Université Montpellier III), à Bruno Dumons (Centre Pierre Léon-CNRS-Lyon) et à Raymond Huard (Université Montpellier III). Leurs nombreux encouragements ont été très appréciés...

27 Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou métier d’historien, Paris, Armand Colin, 1991 (1ère Éd. 1941), p. 56.

28 Il reprend ici une grande partie de la démarche de Max Weber, basée sur le fait que « la sociologie, aussi bien que l’histoire, fait avant tout des interprétations de caractère “pragmatique”, à partir d’enchaînements compréhensibles de l’activité ». Voir Max Weber, Essais sur la théorie de la science, Paris, Plon, 1965, p. 329 et le premier chapitre d’Économie et société (tome 1 : Les catégories de la sociologie), Paris, Pocket, 1995 (1ère Éd. 1971).

29 Yves Déloye, Sociologie historique du politique, Paris, La Découverte, 1996, p. 26.

30 Clifford Geertz, Ici et là-bas. L’anthropologue comme auteur, Paris, Métailié, 1996, p. 133.

31 « La description “dense” ajustement vocation à transcender les frontières de la subjectivité indigène (la nôtre autant que celle des autres) et de l’objectivité savante par la médiation des “structures de signification” qui permettent de saisir ce à partir de quoi les gens perçoivent les choses comme ils les perçoivent, ce qui fait que les gens font ce qu’ils font, et cela sans se prendre nécessairement pour un “indigène” ». Voir André Mary, « De l’épaisseur de la description à la profondeur de l’interprétation », Enquête, n°6, 1998, p. 65.

32 « La valeur d’un compte-rendu ethnographique dépend non pas de la capacité de son auteur à capturer des faits primitifs dans des lieux lointains et à les ramener à la maison (...) ; mais du degré auquel il parvient à éclaircir ce qui se passe dans ces lieux, à résoudre l’énigme que représente inévitablement des actes non familiers appréhendés dans un contexte inconnu : quel genre d’hommes sont ces gens-là » ? Ibidem.

33 « Un événement, écrit Paul Veyne, se détache sur fond d’uniformité ; c’est une différence, une chose que nous ne pouvions connaître a priori (...) ». Voir Paul Veyne. Comment on écrit l’histoire, Paris, Seuil, 1979, p. 15-17.

34 Georges Duby se sert de l’événement comme d’un révélateur. Il utilise toutes les paroles que son éruption fait jaillir. Voir Georges Duby, Le dimanche de Bouvines. 27 juillet 1214, Paris, Gallimard, 1973.

35 Emmanuel Le Roy Ladurie, « Événement et longue durée dans l’histoire sociale : l’exemple chouan », Communications, n° 18, 1972. Cet article a été repris dans Le territoire de l’historien, Paris, Gallimard, 1973. p. 168-186. Dans un article récent, Jean-Clément Martin revient sur plusieurs débats qui mettent en ébullition les historiens et les philosophes à propos du « devoir de mémoire » et de l’attitude du «scientifique» face à la demande sociale. Au cours de sa démonstration, Jean-Clément Martin signale que « les réviviscences du souvenir sont là pour rappeler que la Mémoire, “présent du passé”, n’est pas, seulement, usages politiques du passé ou manipulations ; sa réalité naît de ce qu’elle bute ainsi parfois sur des “traumas” véritables, qu’il n’est pas possible de confondre avec toutes les “inventions de traditions” dont l’évocation justifie les amalgames post-modernistes ». Voir Jean-Clément Martin. « Histoire, mémoire et oubli », Revue d’histoire moderne et contemporaine, tome 47-4, octobre-décembre 2000, p. 800.

36 Yves Pourcher, « Un ethnologue dans l’histoire », in Marc Abélès, Henri-Pierre Jeudy, dir., Anthropologie du politique, Paris, Armand Colin, 1997, p. 216-217.

37 Marc Abélès, Jours tranquilles en 89. Ethnologie politique d’un département français, Paris, Odile Jacob, 1989, p. 14.

38 Voir Gérard Mauger, Claude F. Poliak, Bernard Pudal, Histoires de lecteurs, Paris, Nathan, 1999, p. 375 et s.

39 Éric Mension-Rigau, Aristocrates et grands bourgeois. Education, traditions, valeurs, Paris, Hachette-Pluriel, 1996, p. 10-20.

40 « La prosopographie comme approche micro-historique tente de répondre aux questions d’une histoire des interdépendances. La prosopographie opère, ainsi, dans divers domaines, une réduction de son échelle d’observation sur les relations sociales à l’oeuvre au sein d’un groupe, laissant au second plan l’analyse des caractéristiques sociographiques figées au moment des sondages (...). Les populations étudiées sont moins nombreuses. On privilégie la connaissance intime de petites collectivités représentatives d’un problème. La recherche procède par réajustement permanent entre l’objet et la méthode tout au long de l’enquête. Il ne s’agit pas de mener à bien un programme déterminé à l’avance, mais de construire progressivement la démarche adaptée à l’objet ». Voir Guillaume Marrel, « Sociologie historique des carrières de cumul. Une expérience prosopographique », in Yves Déloye, Bernard Voutat, dir., Faire de la science politique. Pour une analyse socio-historique du politique, Paris, Belin, 2002, p. 207.

41 Alexis de Tocqueville, Souvenirs, Paris, Gallimard, 1999, p. 396.

42 Howard. S Becker, « Biographie et mosaïque scientifique », Actes de la recherche en sciences sociales, n°62-63, 1986, p. 105.

43 Arlette Farge, Le goût de l’archive, Paris, Seuil, 1989, p. 43.

44 Gérard Noiriel, « Naissance du métier d’historien », Genèses, n° 1, septembre 1990, p. 74.

45 Frédéric Couderc, Les renseignements généraux sous l’Occupation. Quand la police française traquait les Résistants, Paris, Olivier Orban, 1992.

46 Arlette Farge, op. cit., p. 40.

47 Le xixe siècle a été bien parcouru par plusieurs observateurs de l’espace politique départemental sur lesquels nous nous appuierons maintes fois. Notons immédiatement, l’importance sur cette période des travaux de Gérard Cholvy, en particulier de ses deux thèses : Géographie religieuse de l’Hérault contemporain (PUF, 1968) et Religion et société au xixe siècle. Le diocèse de Montpellier, Thèse de doctorat d’État, Université Paris I, Service de reproduction des thèses, Lille, 1973. À propos des sources archivistiques, riches jusqu’au début des années 1930, les traces politiques s’amenuisent au fur et à mesure que l’on se rapproche de la guerre. De la fin du xviiie siècle à 1939, la consultation (série M : Administration générale et économie et F7 : Police générale) ne nécessite aucune autorisation particulière. Il en va tout autrement pour la période qui suit (série W). Le type de documents recherché traite d’aspects relatifs à des hommes publics et un délai légal de soixante ans d’attente est imposé. La loi du 3 janvier 1979 assouplit la réglementation en mettant en place une procédure dérogatoire pour des chercheurs considérés comme « sérieux ». Nous avons pour la période 1940-1944 demandé une dérogation établie à partir d’un inventaire de cartons sélectionnés en tenant compte des intitulés donnés par le fonctionnaire en charge du classement. Après de longs mois de patience tous les services concernés (archives départementales, renseignements généraux, préfecture et archives nationales) ont accordé le précieux sésame. Le dépouillement attentif des documents a permis un débroussaillement élémentaire. Il nous a aiguillé vers de nouvelles pistes à creuser. Une seconde dérogation ciblait une série de documents susceptibles de répondre aux interrogations nées à la suite de l’exploration liminaire. Après la phase de l’attente, le couperet est tombé. Le préfet a tranché par la négative sans fournir la moindre justification. L’absence de droit d’appel a stoppé net notre quête d’éclaircissements. Les cotes soumises à l’autorisation ne se différenciaient guère des précédentes d’où notre stupéfaction et notre embarras.

48 Marc Martin, La presse régionale. Des affiches aux grands quotidiens, Paris, Fayard, 2002, p. 321.

49 Nous avons regardé avec un grand intérêt la somme de Bertrand Joly : Dictionnaire biographique et géographique du nationalisme français (1880-1900), Paris, Honoré Champion, 1998. Dans ce remarquable travail, l’auteur ne s’arrête guère sur l’Hérault.

50 L’éditeur résume ainsi l’objectif : « Il est bon, il est indispensable de conserver, comme sur un grand Tableau d’Honneur, les noms de tous les hommes de Travail et de Coeur qui ont tracé leur sillon dans la vie. Grâce à notre ouvrage, des noms qui seraient fatalement tombés dans l’oubli avant un demi-siècle seront pieusement conservés, formeront les archives de famille et aussi les archives départementales du plus grand intérêt Dictionnaire biographique de l’Hérault, Paris, Librairie Flammarion, Néauber éditeur, 1904 (?), p. vi.

51 Pierre Clerc, dir., Dictionnaire de biographie héraultaise des origines à nos jours, Montpellier, Librairie Pierre Clerc, 2001.

52 Par exemple les renseignements politiques (mandats, engagements partisans...) sont souvent non précisés. On ignore de quelle façon les rédacteurs ont procédé dans l’élaboration des notices, même s’il semblerait qu’on ait laissé le contrôle de la « production de soi » aux individualités présentes dans le recueil. Les instigateurs du dictionnaire, pour leur part, se sont contentés d’apporter quelques précisions sur l’origine géographique des « gloires locales » et sur les différentes alliances matrimoniales. La population, sélectionnée sur des critères inconnus pour le lecteur, ne fait pas l’objet d’investigations très approfondies ? En outre, certaines « personnalités remarquables » n’y figurent pas.

53 Il porte le titre suivant : Bulletin de l’Académie des sciences et lettres de Montpellier.

54 En 1992, Paul Comet qui dirige les publications de l’Académie écrit : « Fondée en 1846, l’Académie des sciences et lettres de Montpellier revendique, à juste titre, de nobles origines. Elle s’inscrit en effet en ligne directe dans la succession de la Société royale des sciences de Montpellier, fondée en 1706, comme devant être une émanation de l’Académie des sciences de Paris, puis de la Société libre des sciences et des Belles-Lettres de Montpellier qui ralluma momentanément le flambeau de sa grande soeur de 1795 à 1815 ». Voir Académie des sciences et lettres de Montpellier (1706-1992). Répertoire des Académiciens (1847-1992). Listes des Fauteuils et de leurs titulaires successifs, Montpellier, 1992.

55 Les sections sont composées de membres honoraires, de membres libres, de vingt membres titulaires et d’un nombre indéterminé de correspondants. Voir Règlement de l’Académie des sciences et lettres de Montpellier, Montpellier, Typographie et lithographie Boehm et fils, 1881.

56 Ibidem.

57 Auparavant une commission de trois membres de la section aura pris soin de présenter les listes des candidats potentiels.

58 Ephéméride de l’Académie des sciences et lettres de Montpellier, in Règlement..., op. cit.

59 Tenus sous l’oeil curieux de l’ensemble des pairs, les discours obéissent à une solennité orchestrée par les gardiens du rituel réglementaire (le secrétaire perpétuel, les présidents de séance...). Ils imprègnent l’assemblée et les proches du nouveau venu de toute l’histoire incorporée qui se dégage d’un acte aux accents baptismaux, teinté par le souvenir d’une personnalité disparue et tourné vers l’avenir. Une volonté de réaffirmer son appartenance à un continuum, de renouer le passé, le présent et le futur, signe de la permanence d’un certain ordre social, émanent de la cérémonie. Sur l’imaginaire de la continuité, voir Delphine Dulong, « Mourir en politique. Le discours politique des éloges funèbres », Revue française de sciences politiques, vol. 44, 4, août 1994, p. 629.

60 Jean-Claude Bonnet, « Les morts illustres. Oraison funèbre, éloge académique, nécrologie », in Pierre Nora, dir., Les lieux de mémoire. II. La nation, Paris, Gallimard, 1986, p. 228.

61 Nathalie Heinich, La gloire de Van Gogh. Essai d’anthropologie de l’admiration, Paris, Éd. de Minuit, 1991, p. 64 et s.

62 Marthe Durand de Girard, Trois cents ans de souvenirs. Récit d’une grand-mère à ses petits-enfants, Perpignan, Imprimerie Labau, 1940.

63 Philippe-André Vincent, La vie et l’oeuvre d’André Vincent, Montpellier, Librairie Louis Valat, 1940.

64 Abel Pomarède, Mémoire d’un ouvrier vigneron royaliste, Préface de Gustave Thibon, Tours, La Documentation royaliste, 1978.

65 Nous remercions le frère d’Abel Pomarèdc qui a bien voulu nous en donner une copie. Cet ouvrage n’avait pas pu être trouvé dans les bibliothèques ou les dépôts d’archives de l’Hexagone.

66 Même l’auteur en conclusion avoue qu’il s’est « laissé emporter par le démon de l’écriture, (et qu’il a) voulu analyser les événements de ce presque “trois quarts de siècle” ». Voir Abel Pomarède, op. cit., p. 131.

67 Nous aurions pu ajouter à cette liste un livre, écrit par Jean Azaïs, sur une famille dont certaines branches ont été sensibles au royalisme : La famille Azaïs d’Esperausses en Albigeois et ses alliances. Chronique familiale (1580-1990), Bayac, Graphie-Services, 1991). On trouve par exemple dans cette lignée, François Azaïs, l’ancien président-directeur général de L’Éclair durant les « années noires ». Aucune information intéressante n’a été glanée dans cet ouvrage qui ne s’attarde guère sur les engagements partisans. Son but est clairement délimité par le frère aîné de l’auteur dans une lettre manuscrite reproduite dès le début du livre. Un extrait de celle-ci résume parfaitement l’objectif assigné par son rédacteur : « Puisse la vie de nos ancêtres contée de façon si pertinente et si intéressante servir de modèle à nos enfants et aux générations à venir ». Enfin, récemment, nous avons appris qu’un descendant de la lignée du « directeur historique » de L’Éclair, Alexandre de Vichet, avait entrepris une démarche analogue à celle de Jean Azaïs. L’ouvrage (Une famille noble en Languedoc : la maison de Vichet, Montpellier, 1995), signé par Henri de Vichet, n’a pu être consulté.

68 Nous utilisons ici l’expression de Louis-Jean Thomas fin connaisseur de la vie montpelliéraine et de ses racines culturelles. Elle vise à définir les notables du chef-lieu héraultais sous la Restauration et reste valable dans les premiers temps du xxe siècle. Voir Louis J. Thomas, « Montpellier il y a cent ans », Conférence sur l’histoire de Montpellier, Association des amis de l’Université de Montpellier, 1912.

69 Jacques Durand, André Hampartzoumian, Le Languedoc au temps des diligences. La vie des gens d’ici racontée par la photographie au début du siècle, Millau, Ed. Image d’Oc, 1978, p. 6.

70 Voir l’enquête de Béatrix Le Wita : Ni vue, ni connue : approche ethnographique de la culture bourgeoise, Paris, Éd. de la Maison des sciences de l’homme, 1988 ; ainsi que les travaux sur la « grande bourgeoisie » de Monique Pinçon-Chariot et de Michel Pinçon. Pour un aperçu des précautions prises et des difficultés rencontrées face à un tel objet, nous renvoyons à la parution de leur « journal d’enquête » intitulé : Voyage en grande bourgeoisie (Paris, PUF, 1997).

71 Notre approche sera donc en partie chronologique. Elle s’articule autour des événements traumatiques relevés plus haut : le serment de 1791, l’annonce du Ralliement des catholiques à la République, la phase des deux guerres mondiales. Il nous arrivera de quitter ce cadre strict pour souligner l’influence des grandes familles réactionnaires à travers plusieurs générations, l’impact de certaines transformations organisationnelles sur la durée ou encore celui des doctrines en vogue dans plusieurs pays voisins au cours de l’entre-deux-guerres. Les sirènes fascistes auront en effet des répercussions sur un milieu « traditionniste » en recomposition. Quant à l’expérience pétainiste, son souvenir conditionnera une grande partie des nouveaux clivages apparus avec le retour des « beaux jours ».

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