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Les campagnes du Lauragais à la fin du Moyen Âge

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Marie-CLaude Marandet

Conclusion

Texte intégral

1Si un essai d’histoire globalisante n’a pu être réalisé, le corpus de documents ne s’y prêtant guère, une étude thématique des campagnes lauragaises a été possible. Les livres d’estimes ont permis, essentiellement pour la deuxième moitié du xve siècle, une étude précise des images villageois, des parts relatives du saltus et de l’ager. Les cultures saisonnières ont été approchées grâce aux registres notariés et aux sources normatives. Des différences micro-régionales apparaissent : la plaine est entièrement mise en valeur, elle produit essentiellement céréales et pastel, le Terrefort laisse, sur les sols les plus pauvres, une large part au saltus qui constitue jusqu’à 40 ou 50 % des terres taillables. Ce saltus est un saltus nourricier, il fournit diverses ressources végétales et constitue, surtout, un espace de parcours pour les troupeaux. L’évolution des finages, tout au long du xve siècle, a été plus difficile à observer. En effet, les deux registres de Castelnaudary du début du xve sont très incomplets, le registre de Montesquieu, censé dater de 1409, s’est avéré des années 1450-1460. La série d’estimes de Fendeille qui aurait pu être très utile ne recense pas les friches et ne fournit pas les superficies des parcelles.

2Les registres d’estimes ont été, cependant, particulièrement intéressants pour tout ce qui concerne les modes d’appropriation des biens-fonds ruraux. Le Lauragais médiéval présente quelques originalités dans ce domaine. La propriété est très inégalitaire, plus des deux tiers des propriétaires fonciers estimés (il existe un seuil d’allivrement) détiennent moins de quatre ha, un cinquième, une propriété moyenne comprise entre quatre et 12 ha, un sixième, plus de 12 ha. Ces derniers possèdent 75 % du sol taillable. Cette grande propriété est constituée généralement de domaines d’un seul tenant, les exemples de forte appropriation en parcelles dispersées sont très rares. Certains domaines sont aux mains de paysans et exploités en faire-valoir direct, la majorité appartient à des notables (marchands, hommes de loi, nobles). L’investissement dans les biens-fonds ruraux, apportant prestige et considération, est très répandu, la rente foncière est, de plus, d’un bon rapport. Un domaine confié en faire-valoir indirect rapporte, au minimum, en année normale, 7 %, en cas de métayage à un quart, près de 12 %, en métayage à mi-fruit, en ne considérant que les productions végétales ; près de 9 %, au minimum, en cas de fermage. Le fermage, contrairement à ce qui était dit jusque-là, est pratiqué en Lauragais au Moyen Âge. Il doit être calculé, comme au xixe siècle, pour correspondre à ce que rapporte, les bonnes années, une exploitation donnée en métayage, la charge est donc la même pour le preneur. Les domaines d’un seul tenant ont été, pour certains, découpés sur les réserves seigneuriales et donnés en emphytéose, au xiiie siècle ou même avant ; ce phénomène se poursuit courant XVe. Ce type d’exploitation en domaines entraîne la présence, en pays d’habitat groupé, d’un fort peuplement intercalaire ; il correspond, au minimum, à 18 % de l’habitat total à Castelnaudary, à 33 %, à peu près, à Ayguesvives et Montesquieu.

3Les terres nobles, contrairement à ce qui était communément admis, sont présentes en assez grande quantité, constituant de 15 à 35 % des finages. Elles font, d’après les aveux, une grande part aux bois et friches (se pose toutefois le problème de la fiabilité de cette source, les vassaux ayant tendance à sous-évaluer leur patrimoine), mais comprennent aussi des terres labourables mises en valeur par une gestion directe.

4Celle-ci n’apparaît qu’en filigrane dans la documentation (rares contrats d’embauche, utilisation des corvées des tenanciers et même des locataires). Quelques-unes de ces exploitations seigneuriales menées en faire-valoir direct sont baillées à court terme, courant xve siècle.

5Une approche de la part respective des tenures et alleux a été tentée, ces derniers constituent de 10 à 20 % des parcelles dans le Lauragais oriental, mais un petit peu plus de 50 % dans le Terrefort occidental. Même si quelques tenanciers ont « oublié » quelle était la condition juridique de leur bien, l’alleu est toujours une réalité en Lauragais. Un peu plus de la moitié des cens sont purement recognitifs, ils portent sur des biens tenus en censive depuis très longtemps (certains apparaissent dans des registres de reconnaissance du xiiie siècle, leur ancienneté se manifeste aussi par le fait qu’ils sont libellés en monnaie tolsan ou en monnaie du Puy). Les seigneurs directs sont, dans ce cas, très souvent le roi (en tant qu’héritier du comte de Toulouse), les Hospitaliers, l’archevêque de Toulouse. D’autres cens correspondent, pour des terres à vocation céréalière, à 5 ou 6 % de la récolte moyenne. Les parcelles de vigne sont, souvent, grevées de redevances partiaires beaucoup plus importantes, allant d’un neuvième à un quart de la récolte. Les registres de reconnaissance n’ont pas permis de noter le moindre changement, au fil du temps, dans le domaine de la censive ; les redevances, dans le cas de l’évêque puis archevêque de Toulouse, sont toujours les mêmes, aucun surcroît de cens n’apparaît.

6Les documents sont parfois contradictoires pour tout ce qui concerne la crise des xive-xve siècles. Si les sources officielles, à but fiscal, ne parlent que de ruines et désolation, le phénomène est bien moins net dans les actes de la pratique. La région, dont l’opulence est signalée au xiiie siècle, n’a pas énormément souffert des malheurs des temps. Même en 1355, peu de temps après la Peste Noire, la chevauchée du Prince Noir se produit dans un Lauragais particulièrement riche, où le butin, pour G. le Baker, puis J. Froissait, est abondant. Une ampliation est réalisée, à Castelnaudary, dès 1366, parmi les motifs avancés pour la justifier, on signale l’importance du marché local. Les sources utilisées ne mentionnent que très peu d’immeubles détruits ou en mauvais état ; la reconstruction, au niveau des censives, s’effectue rapidement. Les périodes de crise ont dû être brèves, liées à la conjoncture : quelques séries de mauvaises récoltes, un passage de routiers, un retour de peste. Le Lauragais apparaît toujours, dans les registres d’imposition, comme plus riche que les régions voisines. Les petits propriétaires ne connaissent pas, en majorité, courant xve siècle, de graves difficultés. Les mentions de constitutions de rentes (féodales ou non) sur les parcelles sont rares dans les registres notariés ; les charges déclarées dans les livres d’estimes et prises en compte pour les dégrèvements fiscaux, correspondent presque toujours à des cens, les rentes constituées sont peu nombreuses, sauf à Montgiscard, mais même dans cette bourgade, elles ne pèsent que sur 5 % des parcelles taillables. Des rentes constituées sont léguées à l’Église par testament, en échange du service d’une messe anniversaire, on ne peut les mettre en relation avec une quelconque difficulté, même si la multiplication de cette pratique peut devenir dangereuse pour une famille (à Castelnaudary, où ce legs est très fréquent, l’héritier du défunt peut toutefois choisir entre le versement d’une rente ou de huit £ tr).

  • 1 A.D.A. 4 E076/CC 11. Ce registre est très incomplet, il manque les ports de La Baffe, de Lestrade (...)
  • 2 A.D.A. 4 E076/CC 12.

7Au xve siècle, culture et exportation des céréales et du pastel, draperie, enrichissent la région, animent foires et marchés ; les nichils, qui n’apparaissent pas dans les estimes, et les micro-propriétaires, peuvent trouver de l’embauche dans l’artisanat textile et aussi, une partie de l’année sur les domaines, (travaux liés à la culture et à la préparation du pastel, moisson). La reprise démographique doit commencer vers 1450, elle apparaît à Fendeille, entre les deux estimes de 1466 et 1495 où le nombre de chefs de famille résidants et contribuables passe de 40 à 56. A Castelnaudary, étant donné les lacunes des registres, elle n’est perceptible que par le partage de lieux d’habitation (ostals ou campmas) entre plusieurs personnes ; dans la majorité des cas, il s’agit de membres d’une même famille ; davantage d’enfants survivent et héritent des biens paternels. En 1496, 8,2 % des déclarants ne possèdent qu’une part d’ostal, ils sont 11,34 % en 15161. La croissance démographique s’accélère courant xvie, elle apparaît très nettement dans les estimes de 15352. Elle se traduit par la construction de nouvelles habitations, on avait, au moins, 610 lieux d’habitat possibles à la fin du xve siècle, en 1535, le minimum s’établit entre 760 et 800. La croissance démographique est marquée aussi par l’émiettement de la propriété : 12,4 % des déclarants ne possèdent qu’une part d’ostal ou de campmas (parfois un cinquième seulement). Les co-propriétaires d’ostals portent souvent le même patronyme ; le fractionnement des biens résulte, essentiellement, des successions. Cette ville est la plus importante du Lauragais, siège de la judicature, les activités commerciales et artisanales y sont très développées, attirant les migrants ; elle connaît, peut-être, une plus forte croissance que les autres localités du Lauragais mais peut, aussi, entraîner celles-ci et doit être assez représentative de ce qui se passe dans la région.

  • 3 Cf. Marandet (M.-C), L’habitat intercalaire..., op. cit. et Les campmas du Lauragais..., op. cit.
  • 4 La ferme de la Terrade a été enlevée du corpus de 1535 car elle est absente des autres estimes. Sa (...)
  • 5 À Pexiora, entre le milieu du xve siècle et le xvie siècle, l’évolution est un peu différente, mai (...)
  • 6 Le terme est employé dans le registre de 1553. Un individu, toutefois, au début du xve siècle, hab (...)

8La superficie moyenne des domaines se réduit3 suite, dans une faible mesure, aux ventes de parcelles, mais, surtout aux partages successoraux : en 1496, treize frères se partagent six fermes, en 1516, ils sont onze à se partager cinq fermes, en 1535, enfin, quarante-six personnes se partagent 18 fermes (certaines divisées en cinq ou six parts). Anthony Albouy, par exemple, possède, en 1496, une ferme d’une soixantaine de sétérées, ses deux fils héritent en parts égales, puis les trois fils de l’un d’entre eux, puisqu’en 1535, Jean Albouy déclare un demi-campmas d’un peu plus de 37 sétérées et deux champs, alors que Duran, Pierre, Berthomieu Albouy ont chacun 1/6 de campmas ; ces 3/6 correspondent à la superficie du demi-campmas de Jean. Quelques terres ont été achetées entre temps puisque le total des parcelles dépasse les 75 sétérées. La superficie moyenne des domaines passe de 38 sétérées en 1496 à 32 sétérées en 1516 et à 29,75 sétérées en 15354. Les domaines de plus de 20 ha constituaient 18,1 % du corpus en 1496, ils n’en constituent plus que 6,73 % en 1535 ; la part des domaines moyens s’est maintenue et celle des plus petits, de moins de 7 ha, est passée de 33,33 % à 46,15 %5. Si la réduction des superficies n’est pas très gênante dans le cas d’un investisseur, elle l’est beaucoup plus pour une famille de propriétaire-exploitant. Pour éviter le morcellement excessif si chaque fils (ou même fille) reçoit une part de l’héritage, de plus en plus de propriétaires-exploitants restent dans l’indivision, six familles sont dans ce cas en 1496 (et font leur déclaration sous l’appellation « héritiers un tel »), onze en 1516, dix en 1535 (une seule d’entre elles l’était déjà en 1516). Que ces fermes soient partagées entre héritiers ou gardées en indivision, de nouveaux bâtiments d’habitation sont construits, leur multiplication entraîne la formation de véritables hameaux ou mazatges6, courant xvie siècle.

  • 7 Marandet (M.-C), Les campmas..., op. cit., pp. 154-162.
  • 8 A.D.A., 4 E 076/CC 12 F 104 v° et P 202 v°.
  • 9 Maguer (R.), De la cocagne..., op. cit., p. 52.
  • 10 Ib., pp. 68-69.

9De grands propriétaires fonciers non exploitants, profitant des gains générés par la transformation et la vente du pastel qui connaît alors son âge d’or, continuent d’agrandir leurs possessions7. Les grands domaines sont moins nombreux mais de plus en plus importants. Les héritiers d’Arnaud de Lyas détiennent, en 1496, un campmas à Cogurone, de plus de 65 sétérées, et diverses terres, pour un total de 71 sétérées. En 1516, ils ont ajouté à ces biens la moitié d’un campmas qui appartint à G. Lyonis, 25 sétérées en plusieurs parcelles, la moitié d’une tuilerie, un ostal et la moitié d’un autre. En 1535, deux déclarants portent ce patronyme, Arnaud et Anthony8. Arnaud déclare la moitié d’un campmas à Cogurone, d’un peu plus de 37 sétérées (celui de 1496), des terres pour plus de 14 sétérées, un ostal, deux moitiés de jardins et la moitié d’un pré. Anthony déclare la moitié du campmas de G. Lyonis, l’autre moitié du campmas de Cogurone ; il a particulièrement prospéré puisqu’il possède aussi une moitié de ferme à Cargasac, de 20 sétérées, une condamine de plus de neuf sétérées, une borie à Pont Tosto dont la superficie n’est pas indiquée, 78 sétérées en plusieurs parcelles, trois jardins, cinq ostals et une hôtellerie. Les héritiers d’Arnaud Cap de Biou déclarent en 1496 et 1516, deux fermes avec 150 sétérées de terre, quatre ostals et un jardin. En 1535, deux déclarations sont faites, une par Guilhem Cap de Biou, l’autre par les héritiers de Berthoumieu Cap de Biou. Guilhem déclare trois maisons, deux campmas, diverses terres, pour plus de 155 sétérées ; les héritiers de Berthoumieu déclarent une maison, un campmas et des terres, pour plus de 60 sétérées. Dans le compoix de 1553, les plus riches familles sont encore, pour l’essentiel, celles qui l’étaient déjà en 1496. 12 déclarants détiennent 40 % des terres, ce sont F. de Corde (?), Jacques Dalhias, H. Ricard, J. Marty, G. de Bernuy, P. Villeroux, G. Cap de Biou, M. Le Roy, F. Dauxiol ( ?) B. Saulton ( ?), H.J. Foyssac, J. Drulhe9. Dans ce compoix de 1553, Roger Maguer note que les 81 déclarants les plus riches possèdent 1 871 ha sur 2 769 recensés10, 12 % à peu près des déclarants auraient donc 67,5 % des terres, on est assez proche des résultats de la fin du xve siècle où 63 personnes, soit 15 % à peu près des estimés, détenaient 1 690 ha, soit 77 % des terres.

  • 11 Maguer (R.), De la cocagne au blé..., op. cit., pp. 68-69.
  • 12 Il faudrait étudier plus précisément l’état de la propriété courant xvie siècle, elle semble évolu (...)
  • 13 A.D.H.G., E 1125.
  • 14 ADHG 3 E 9555 f° 31 r°, renseignement fourni par monsieur Ricalens que je remercie.
  • 15 Cayron (G), Le parfait praticien francois, 1645, Tolose, chez Jean Boude et Bernard Dupuy, p. 459.

10Les micro-propriétaires ont bénéficié, eux aussi, du développement de la culture du pastel qui demande beaucoup de main d’oeuvre mais les revenus salariaux n’ont pas dû compenser le morcellement des exploitations lié aux divisions successorales. A la fin du xve siècle, à Castelnaudary, seulement 5,24 % des laïcs estimés ne possédaient pas de terres, dans le compoix de 1553, ce sont 217 déclarants sur 680 qui sont dans ce cas, soit 31,91 % des propriétaires11. La superficie moyenne, quel que soit le type d’appropriation, qui était de 5,3 ha, en 1496, est alors de 6 ha12. Beaucoup de micro-propriétaires ont vendu leurs lopins de terre qui ne leur permettaient plus de subsister, lopins rachetés par les propriétaires de domaines et par une partie des petits et moyens propriétaires qui ont été peu victimes de l’érosion successorale ou qui tiraient l’essentiel de leurs revenus de l’artisanat. Les prémisses de cette crise apparaissent au début du xvie siècle avec une multiplication des rentes constituées sur les tenures ou alleux. A Montesquieu, par exemple, les tenanciers de Pierre de la Tour reconnaissent, en 1490, un peu plus de 11 setiers de blé et 17 sous 8 deniers tr en sa faveur13 ; celui-ci avoue, en 1504, 20 setiers de rente assise et 20 sous tr de cens à Montesquieu, la différence doit consister en rentes, la famille, d’après ses aveux, ne disposait pas de réserve. Ces rentes se multiplient, probablement pour des raisons conjoncturelles, dans la deuxième moitié du xvie siècle, on en aperçoit beaucoup dans les années 1561, 1562, 1563, par exemple, une rente annuelle perpétuelle rache-table d’un demi-carton de blé, mesure de Toulouse, est vendue au prix de 30 £ en juin 1561 ; les rentes se traitent, le plus souvent, à raison de 60 £ le carton14. Elles sont devenues si habituelles que le pouvoir royal les déclarera rachetables à perpétuité, G. Cayron y consacre un chapitre dans son manuel : « Anciennement les Maistres proprietaires s’imposoient et constituoient de rentes courantes ou volantes, en bled ou en argent sur les fonds et proprietez de leurs terres et maisons, pour les sommes qu’ils prenoient par effect à uzure pour la necessité du temps, comme cent ou six vingts livres, pour laquelle on s’imposoit une rente de dix ou douze livres, ou neuf ou dix ces-tiers de bled de rente annuelle, qui n’estoit qu’une pure uzure, ores le bled ne fut pas lors de grande valeur, c’est pourquoy, par les Edicts telles rentes constituées furent déclarées rachetables à perpétuité, de mesme que le temporel des Ecclesiastiques vendu ou alienné par la necessité du temps, et le pied ou profit de telles rentes reduit en argent au prix des Ordonnances, qui est maintenant au denier seize ; voire telles rentes rendues prescriptibles faute de non payer apres trente ans »15. On retrouve la prescription trentenaire des cens, ce qui ne surprend guère, la rente constituée ayant souvent, au Moyen Âge, tous les caractères de la censive.

11Il est devenu plus difficile, au xviie siècle, de s’établir comme fermier ou métayer, le mode d’exploitation a changé, le faire-valoir indirect a été remplacé, souvent, par la gestion directe avec l’emploi de maîtres-valets qui sont des salariés, auxquels toute initiative est interdite et qui n’ont que peu de possibilités d’enrichissement. Le fermage semble avoir disparu et la condition des métayers s’est beaucoup dégradée, le partage des récoltes est devenu la règle et une grande partie des dépenses d’exploitation incombe au preneur, ainsi que cela apparaît dans le contrat-type établi par G. Cayron (cf. supra).

  • 16 Le Roy Ladurie, L’histoire immobile, 1974. E. Le Roy Ladurie dit nettement, toutefois, que « la qu (...)
  • 17 Pour Pierre Chaunu, un système de civilisation qui commence à la charnière des xiiie-xive siècle e (...)

12Les campagnes du Lauragais que je me suis efforcée de décrire, n’ont pas vécu, du xve siècle au xixe siècle, dans toutes leurs composantes, une « histoire immobile »16. Les systèmes techniques se sont perpétués dans les petites exploitations (outillage, rotations culturales)17, les rendements sont restés les mêmes, les « domaines », aux mains de l’aristocratie, mais surtout des notables locaux (marchands, hommes de loi), ont perduré, mais la mise en valeur du finage a évolué (recul de la friche, diminution de l’élevage, modification des productions végétales), ainsi que le mode d’exploitation. Les changements ont affecté surtout la société paysanne. Une partie des petits et moyens propriétaires s’est paupérisée, courant xvie siècle, et a fini par être exclue de la possession du sol.

Notes

1 A.D.A. 4 E076/CC 11. Ce registre est très incomplet, il manque les ports de La Baffe, de Lestrade et les déclarations des gens d’Église ; les ports des Bordes et de la Place n’y figurent pas en totalité. On n’arrive qu’à un total de 326 déclarants d’origine.

2 A.D.A. 4 E076/CC 12.

3 Cf. Marandet (M.-C), L’habitat intercalaire..., op. cit. et Les campmas du Lauragais..., op. cit.

4 La ferme de la Terrade a été enlevée du corpus de 1535 car elle est absente des autres estimes. Sa superficie étant de 400 séterées, elle modifiait fortement la moyenne qui passait à 32,7 sétérées.

5 À Pexiora, entre le milieu du xve siècle et le xvie siècle, l’évolution est un peu différente, mais en considérant l’ensemble des exploitations et pas seulement les domaines ; les petites, de moins de 5 ha, sont passées de 60,82 % du corpus à 66,32 %, les moyennes, entre 5 et 15 ha, de 34,02 % à 19,38 % et les grandes, de plus de 15 ha, de 5,16 % à 14,3 % (avec un petit corpus), Mimiague (C.) Le terroir..., op. cit.

6 Le terme est employé dans le registre de 1553. Un individu, toutefois, au début du xve siècle, habite dans un mesatge avec une autre personne, A.D.A., CC 9 f° 71 r°.

7 Marandet (M.-C), Les campmas..., op. cit., pp. 154-162.

8 A.D.A., 4 E 076/CC 12 F 104 v° et P 202 v°.

9 Maguer (R.), De la cocagne..., op. cit., p. 52.

10 Ib., pp. 68-69.

11 Maguer (R.), De la cocagne au blé..., op. cit., pp. 68-69.

12 Il faudrait étudier plus précisément l’état de la propriété courant xvie siècle, elle semble évoluer en partie comme Emmanuel Le Roy Ladurie le note en Languedoc oriental où, à Saint-Guilhem-le-Désert, à Lespignan, la propriété moyenne vole en éclats, « à nouveau fragmentée en lots minuscules » et la grande propriété progresse. Celle-ci, en Lauragais, ne semble pas, toutefois, occuper une part de plus en plus grande des terres, Le Roy Ladurie (E.), Les paysans..., op. cit., pp. 158-159 et p. 240 et suiv.

13 A.D.H.G., E 1125.

14 ADHG 3 E 9555 f° 31 r°, renseignement fourni par monsieur Ricalens que je remercie.

15 Cayron (G), Le parfait praticien francois, 1645, Tolose, chez Jean Boude et Bernard Dupuy, p. 459.

16 Le Roy Ladurie, L’histoire immobile, 1974. E. Le Roy Ladurie dit nettement, toutefois, que « la quasi-stabilité n’est pas l’immobilisme ».

17 Pour Pierre Chaunu, un système de civilisation qui commence à la charnière des xiiie-xive siècle est encore vivant dans les campagnes, presque intact, dans les années vingt, Roupnel, Histoire de la campagne..., op. cit., réédition de 1974, postface, p. 369.

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