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En Languedoc au XIIIe siècle

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Monique Bourin

Béziers, l’Église et l’hérésie

Béziers, citadelle de l’hérésie ?

Jean-Louis Biget

Texte intégral

  • 1 Hystoria albigensis, P. Guébin, E. Lyon éd., t. I, Paris 1926, p. 86 : « Erat autem Biterris civita (...)
  • 2 Première occurrence du nom, lors d’une assemblée contradictoire, tenue à Lombers en Albigeois (1165 (...)
  • 3 Il est devenu courant de désigner cette dissidence par l’épithète « cathare », jamais utilisée en L (...)
  • 4 Gabriel Audisio, Les Vaudois. Histoire d’une dissidence XIIe-XVIe siècle, Paris, 1998 ; Michel Rube (...)
  • 5 Le 4 août 1194, Bertrand de Saissac, tuteur de Raimond Roger Trencavel, et ce dernier promettent à (...)

1On sait l’image que les croisés se faisaient de Béziers, avant de mettre la ville à sac, d’y allumer des incendies et de massacrer une partie de ses habitants, le 22 juillet 1209. Pierre des Vaux-de-Cernay, chroniqueur proche de Montfort, l’évoque précisément dans son Histoire albigeoise : « Béziers était une ville très considérable, mais tout entière contaminée par le poison de l’hérésie »1. En conséquence, le thuriféraire de la croisade juge particulièrement mérité le châtiment que lui ont infligé les soldats du Christ. Malheureusement, si sa rhétorique renseigne sur son état d’esprit, elle ne révèle rien de la situation effective de Béziers à l’été 1209. Certes, le moine cistercien évoque par ailleurs les deux dissidences religieuses existant dans le Midi : celle des bons hommes2, apparue au plus tard peu après 11003, et celle des vaudois4 développée après 1180, mais il n’en précise ni l’articulation, ni l’importance dans le chef-lieu du Biterrois, alors que la présence de l’une et l’autre est attestée dans la région quinze ans plus tôt déjà5. Il semble utile de revenir sur ces questions, souvent débattues sans avoir été définitivement éclairées.

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  • 6 Postmodum rogatus ab illis (les légats P. de Castelnau et Raoul de Fontfroide), ut consules civitat (...)
  • 7 Cf. La Chanson de la croisade, éd. Martin-Chabot, I, laisse 17, vers 6-9.

2Divers témoignages antérieurs à la croisade semblent attester que Béziers, conformément aux dires de Pierre des Vaux-de-Cernay, fut un lieu où s’ancrait la dissidence. Tout d’abord, en février 1205, le reproche fait par Innocent III à l’évêque Guilhem de Roquessels de ne pas avoir contraint l’oligarchie biterroise à abjurer l’hérésie6. Pour autant, l’existence effective de cette dernière dans la ville n’est pas certaine : en effet, les légats du pape tirent prétexte de l’hérésie pour faire prêter aux consuls des cités et aux seigneurs « de la terre » des serments de paix qui ont pour conséquence de les soumettre à leur autorité ; c’est pourquoi le comte de Toulouse a refusé cette allégeance, susceptible de paralyser son action politique ; la résistance des probi homines de Béziers en cette occurrence s’explique au premier chef par la volonté de préserver l’autonomie du gouvernement urbain, conquête récente à laquelle ils sont vivement attachés7 ; quant à l’évêque, il rejette l’ingérence dans son diocèse des légats, qui bornent son indépendance spirituelle et juridictionnelle, au nom de l’obéissance à Rome et du centralisme ecclésiastique.

  • 8 Histoire albigeoise, p. 13.
  • 9 Monique Bourin-Derruau, Villages médiévaux en Bas-Languedoc : genèse d’une sociabilité (Xe-XIVe siè (...)

3 Pierre des Vaux-de-Cernay fournit un témoignage plus solide, quand il raconte que Diègue d’Osma, saint Dominique et les prédicateurs qui les accompagnaient, passèrent, en 1206 à Béziers, quinze jours « à renforcer dans leur foi le petit nombre des catholiques et à confondre les hérétiques ». C’est alors que le légat qui s’était joint à eux, Pierre de Castelnau, dut abandonner la mission dont il compromettait gravement l’efficacité, car les « hérétiques le haïssaient par-dessus tout »8. Le débat public, qui évoque la résolution des conflits aux temps féodaux, en même temps que la dispute dans les écoles, atteste la présence de dissidents, mais la détestation du légat tient principalement à ce qu’il est responsable de la suspense et de l’élimination de Guilhem de Roquesels, un évêque qui défendait l’autonomie de la ville en même temps que la sienne9 ; quant à l’assertion de la présence d’une minorité de catholiques à Béziers, elle repose sur le fait qu’aux yeux du thuriféraire de la croisade, tous ceux qui s’opposent à l’Église et aux clercs sont ipso facto hérétiques, et qu’écrivant après 1209 il considère le sort dévolu à Béziers comme un jugement de Dieu, ayant bien montré que là résidait un nid d’hérétiques. Tout ce que l’on peut inférer de telles données, c’est qu’il existe à Béziers dans la première décennie du XIIIe siècle des dissidents, dont le nombre et l’appartenance demeurent incertains.

  • 10 Cette copie figure dans le vol. 60 de la collection Doat à la B.N.F. Publiée une première fois par (...)
  • 11 H. Vidal, Episcopatus et pouvoir épiscopal à Béziers à la veille de la croisade albigeoise 1152-120 (...)
  • 12 Léopold Delisle, Recueil des Historiens de la France, t. XXII, p. 327/331.
  • 13 Histoire Albigeoise, p. 41.
  • 14 En mai 1204, l’évêque prête six mille sous au vicomte ; parmi les garants de ce dernier, trois habi (...)

4On en reste dans le champ de l’aléatoire, avec la liste de noms copiée en 1668 sur un parchemin, alors conservé dans le Trésor des chartes de Carcassonne, mais aujourd’hui perdu10. Non datée, elle n’indique pas sa finalité. En raison de la pénurie des sources, on doit cependant refuser de s’abandonner totalement aux délices quelque peu moroses de l’hypercritique. Comme bien des historiens, et notamment Henri Vidal, Michel Roquebert, Monique Bourin, Claudie Amado et Julien Roche11, il paraît juste de la considérer comme une liste des « hérétiques » de Béziers, remise en 1209 aux croisés par l’évêque, Raynaut de Montpeyroux. En effet, outre un certain Jean Fort « tué au sac de Béziers »12, plusieurs personnages y figurent qui sont connus par des documents antérieurs, ce qui permet de la dater. Elle fut probablement dressée en vue d’une remise d’otages susceptible d’éviter l’assaut de la ville par les croisés et de protéger les habitants fidèles à l’orthodoxie, en même temps que les intérêts matériels de l’évêque, seigneur d’une partie de la cité. L’Histoire albigeoise évoque un tel document, produit d’une exigence des chefs de la croisade, qui auraient déclaré : « Nous sommes venus pour chasser les hérétiques. Nous demandons aux habitants catholiques, s’il s’en trouve, de nous livrer les hérétiques dont le vénérable évêque donnera les noms, car il les connaît bien et il en a même dressé la liste »13. Rien ne prouve que cette liste ait été complète et vérace - l’évêque a pu y faire inscrire ses ennemis14, tout en ignorant des proches plus ou moins compromis avec la dissidence. Cependant, si sa finalité fut celle qu’on lui prête, elle tendait probablement à l’exhaustivité. Sur ce postulat, il est possible d’entreprendre un examen de l’importance et de la structure de la dissidence religieuse à Béziers en 1209.

  • 15 Art. cit. note 6 supra.

5Claudie Amado a jadis évoqué « le paradoxe biterrois »15. L’expression possède une grande pertinence, car la situation biterroise semble en effet correspondre à une pluralité de paradoxes.

  • 16 Histoire de Béziers, Jean Sagnes dir., Toulouse, 1986, p. 116-117.
  • 17 Ainsi que l’indiquait déjà H. Vidal : « Une minorité d’hérétiques et une majorité de chrétiens, tel (...)
  • 18 Le fait se vérifie pour Toulouse, Albi, Castres et Carcassonne notamment, cf. J.-L. Biget, « L’exti (...)

6Un premier paradoxe tient au fait que la liste des « hérétiques » concerne seulement 220 personnes, en nombre rond. Il peut s’agir de personnes isolées, mais, dans la plupart des cas, la liste nomme des chefs de feu, derrière chacun desquels existe une famille. En 1304, cent ans plus tard, la ville compte 3619 feux. Elle connaît durant le XIIIe siècle un essor démographique continu16, de sorte que sa population doit, en 1209, être moindre du tiers ou du quart de ce qu’elle devient au début du XIVe siècle ; on peut estimer qu’elle correspond à 2700 feux, ce qui équivaut, grosso modo, à 11 000 habitants. Ainsi, l’hérésie touche-t-elle seulement 8 % des feux ; elle s’avère un phénomène très nettement minoritaire17. C’est là un fait structurel : dans la suite du siècle, pour ce qui concerne toutes les villes touchées par le phénomène de la dissidence, le nombre des adhérents de cette dernière, plus faible encore, n’atteint pas 5 % de la population, dans un contexte différent il est vrai, puisque sévit alors la répression inquisitoriale18.

  • 19 Villages, t. 2, p. 118-119.
  • 20 Histoire Albigeoise, p. 12-13. Pierre des Vaux-de-Cernay le déclare « infecté du poison de perfidie (...)
  • 21 Sur les Laurac, cf. Gwendoline Hancke, L’hérésie en héritage. Familles de la noblesse occitane dans (...)
  • 22 Cf. M. Bourin, art. cit., Heresis, 1992 ; op. cit., t. 2, notes 21 et 22, p. 367, et J. Roche, op. (...)
  • 23 Contrairement à ce qu’affirme J. Roche, op. cit., p. 355-356, en s’appuyant sur la disparition hypo (...)
  • 24 M. Bourin, op. cit., t. 2, p. 367, note 21.
  • 25 Affirmation justifiée de M. Bourin, op. cit., t. 2, p. 117.

7Un deuxième paradoxe tient à la relative importance du noyau de la dissidence à Béziers, dans une région où l’hérésie paraît faiblement incrustée, se limitant essentiellement au piémont de la Montagne, ainsi que l’a écrit Monique Bourin19. Avant 1209, la documentation disponible ne met en évidence qu’un seul seigneur rallié à la dissidence, Étienne de Servian20 ; il est au demeurant l’époux de Navarre de Laurac, sœur de Guiraude de Lavaur, d’Aimeric de Montréal et d’Esclarmonde de Niort, enfants d’un lignage totalement acquis aux bons hommes21 ; Étienne entraîne avec lui deux chevaliers de sa mesnie, Raimond Frézouls et Gaucerand de Capestang. Les enquêtes ordonnées par saint Louis en 1249 et 1262 révèlent en outre que les bons hommes ont recruté des fidèles dans les milieux chevaleresques et châtelains à Capestang, Cazouls, Murviel, Peilhan, Saint-Geniès-le-Bas, puis dans la plaine à Sauvian, Vendrès, Lespignan, et dans les milieux roturiers à Magalas, Cazouls encore, Maraussan, Corneillan, Roquebrun, Vieussan et Cessenon22. Pour autant, il n’y a pas lieu de conclure à une implantation de l’hérésie en Bédérés qui soit aussi dense que celle du Carcassés ou du Lauragais23. Comme l’ont affirmé C. Amado et M. Bourin, la dissidence est affaire de réseaux modestes, elle ne touche pratiquement pas les roturiers et il convient de ne pas confondre faits d’hérésie et faits de résistance à la croisade ou bien au roi, ce que le vocabulaire de l’époque nomme faidiment. Au maximum, on décompte en Biterrois une quarantaine de dissidents, dont au moins la moitié appartient à la noblesse castrale24. La région a été peu touchée par l’hérésie des bons hommes25.

8Comment donc expliquer la discordance entre une périphérie où la dissidence paraît pelliculaire et principalement cantonnée à l’ouest de l’Orb, au contact du môle hérétique du Minervois, et un centre, où les dissidents, même minoritaires, apparaissent en nombre non négligeable ?

  • 26 Édition par Jean-Baptiste Rouquette, Paris-Montpellier, 1918.
  • 27 Acte 347, p. 518-523.
  • 28 Il possède des biens à Castelnau et Nissan, cf. HL, t. VII, Enquêteurs, col. 62 à 65 ; voir aussi M (...)
  • 29 Cf. J. Roche, art. cit., p. 77-78. Un Aimeri Boffat, conseiller et caution du vicomte Raimond-Roger (...)
  • 30 M. Bourin, Ibid. et p. 118.
  • 31 J. Roche, art. cit., p. 77.

9Un ensemble de données utiles à cette fin relève de l’analyse sociologique des dissidents biterrois dénoncés en 1209. Pour la plupart, les historiens qui se sont intéressés à la liste où ils figurent ont tenté cette analyse. Bien sûr, des indications sur le statut des personnes concernées n’y figurent que de manière exceptionnelle. Toutefois, le cartulaire de Béziers, ou Livre Noir26, évoque pour 1204 quarante Biterrois qui se portent cautions d’un prêt de 300 livres contracté par Trencavel27 ; on peut supposer qu’il s’agit de gens aisés ; six d’entre eux figurent sur la liste de 1209 ; il s’agit d’Amiel Bertrand ou de Rieussec28, de Bérenger de Floiran, de Pierre de Béziers, de Bernard Bofat, fils d’un riche bourgeois29, d’un certain Cadasta et d’un nommé Peirota ; s’y adjoignent Guilhem de Floiran, frère de Bérenger, et Guilhem Peire de Carcassonne, un prêteur30, et encore Peire de Madalas, à la fois proche du vicomte et de l’évêque31 ; par ailleurs, apparaît aussi, dans le Livre Noir, un Guilhem de Lodève, qualifié dominus, qui possède des cens hors de la ville. La liste mentionne encore un changeur et quatre médecins. Quinze patriciens appartiennent donc au milieu de l’hérésie. D’autres dissidents biterrois, à raison d’une douzaine, figurent encore dans le Livre Noir, mais seulement comme témoins de divers actes de la pratique courante antérieurs à 1209 ; ce qui les situe dans la classe des citadins moyens et, de fait, on compte parmi eux un fabricant de bourses et deux cordonniers.

  • 32 Cf. M. Bourin, « Bilan de l’enquête : de la Picardie au Portugal, l’apparition du système anthropon (...)
  • 33 Si l’on en juge d’après le cartulaire d’Agde, lequel fait apparaître que la part des surnoms liés à (...)
  • 34 Cf. J.-L. Biget, « L’extinction… », art. cit. et Id. “Cathares des pays de l’Agout (1200- 1300) », (...)

10 Dans neuf cas, le nom des Biterrois suspects d’appartenir à la dissidence est suivi de l’indication d’un métier artisanal. Le problème est de savoir si ceux dont le surnom correspond à un métier exercent encore cette activité, alors que les surnoms, dès la fin du XIIe siècle, tendent à devenir patronymiques et héréditaires, n’impliquant plus de lien entre la désignation d’une personne et sa profession32. Toutefois, le processus demeure en cours33 et, de plus, dans la société de ce temps, le métier s’avère lui-même pratiqué de père en fils, de manière quasi systématique. On peut donc postuler qu’à cette époque un patronyme évoquant une activité artisanale désigne encore un artisan. La liste compte donc sept forgerons, un ferronnier, deux charpentiers, un sellier, un fabricant de mors, un fabricant de flèches, un coutelier, un tisserand, un tondeur de draps ou paraire, deux tailleurs ou sartres, deux fourreurs ou pélissiers, cinq cordonniers, deux savetiers, deux fabricants de bourses, un chapelier, un couvreur, un mercier, un fournier, un faiseur d’enseignes, un tavernier, puis deux marchands de laine et deux vendeurs de grains ; ce sont là trente-sept artisans ou petits commerçants. Ainsi, parmi les soixante-et-un Biterrois jugés hérétiques et que l’on peut situer socialement, quarante-six appartiennent à la classe moyenne et quinze seulement à l’oligarchie citadine. Cette sociologie de la dissidence s’avère en proportion inverse de la composition sociale ordinaire du public des bons hommes dans les villes ; en général, marchands, gens de l’écrit et du droit, et chevaliers urbains composent la majorité de leurs croyants34.

  • 35 Cette dénomination apparaît chez Alain de Lille, Summa, ch. XLV, PL 210, col. 351. Elle est reprise (...)
  • 36 P. Rubeus (bourg de Maureilhan), R. Chasaut, B.P. Faber et G. Faber de Tholosa (bourg de Nissan), S (...)

11On note d’ailleurs que la liste présentée aux croisés ne mentionne pas de bons hommes, bien que la littérature anti-hérétique les distingue clairement, en les désignant du nom de perfecti35. Apparemment, aucun ne réside dans la ville même. Certes la liste évoque la prédication dissidente : un délateur, nommé Lacombe, déclare avoir vu deux fois un certain « Vasieias » aller entendre la prédication des hérétiques. Le terme peut désigner des bons hommes, mais aussi des vaudois, car ceux-ci sont présents à Béziers. L’abréviation val. suit le nom de cinq des personnages de la liste36. Rien n’interdit de penser qu’elle peut évoquer un valetus (valet, apprenti) ou bien un valladerius (terrassier). Cependant, il paraît vraisemblable, en raison du contexte, qu’elle désigne des vaudois. Il en résulte une double question : d’autres vaudois figurent-ils sur la liste, sans avoir été identifiés de manière particulière, et quelle peut être l’importance du mouvement vaudois à Béziers en 1209 ?

  • 37 N° CCCXLV, p. 513-515.
  • 38 Béziers, 1651.
  • 39 HL, t. VI, p. 220. Auguste Molinier, dans la nouvelle édition, a rectifié en note, ibid., n. 5.
  • 40 Gallia christiana, t. VI, Paris, 1739, col. 324 : « [G. de R.] Anno 1203 nominatur praesens in inst (...)

12En 1203, le vicomte autorise les chanoines de Saint-Nazaire à fortifier l’église Saint-Pierre del Bosc par une charte qui figure dans le Livre Noir37 ; l’acte ne mentionne pas les hérétiques, mais il a été interpolé sur ce point par Andoque dans son Catalogue des évêques de Béziers38, suivi par dom Vaissète dans l’Histoire générale de Languedoc39. La Gallia Christiana, dans la notice consacrée à Guilhem de Roquesels, a repris cette interpolation, tout en précisant que la fortification avait été opérée contre les vaudois, dont le nombre croissait de jour en jour parmi les Biterrois40. Il est intéressant de constater que les auteurs de la Gallia, bénédictins érudits, ont écrit cette notice en considérant qu’en 1203, le danger qui menaçait Béziers s’incarnait dans les vaudois. Le texte demeure interpolé, mais le problème se pose des sources qui ont permis une telle assertion. En tout cas, elle invite à réfléchir sur le partage des dissidents de Béziers entre croyants des bons hommes et fidèles vaudois.

13On s’aperçoit dès lors qu’il a été admis jusqu’ici, sans examen et sans discussion, comme un fait allant de soi, que tous les hérétiques biterrois appartenaient en 1209 à la religion des bons hommes, bien que ceux-ci n’apparaissent jamais de manière certaine à Béziers.

  • 41 Histoire albigeoise, p. 20-21. Guillaume de Puylaurens, Chronique, Jean Duvernoy éd., Paris, 1976, (...)
  • 42 Probablement un Rouerguat plutôt qu’un Aragonais, cf. Y. Dossat, « À propos du prieur des Pauvres C (...)
  • 43 PL 215, col. 1514. Cf. M.-H. Vicaire, « Rencontre à Pamiers des courants vaudois et dominicains (12 (...)
  • 44 Opusculum Ermengaudi qui quondam fuit heresiarcha, PL 204, col. 1235-1272. Identité affirmée par le (...)
  • 45 Dans la commune actuelle de Cazedarnes ; cette abbaye a été fondée en 1154 ; cf. Henri Barthès, « L (...)
  • 46 PL 204, col. 793-840.
  • 47 PL 210, col. 377-400.
  • 48 Publiée par le P. A. Dondaine, art. cit., p. 268-274.
  • 49 Selon Annie Cazenave, « Bien et Mal dans un mythe cathare languedocien », dans Miscellanea mediaeva (...)

14Quand, en 1206, Diègue d’Osma et saint Dominique viennent, durant deux semaines, croiser la parole avec les dissidents, l’appartenance religieuse de ces derniers n’est nulle part précisée. Et l’on sait bien qu’à Pamiers, à l’automne de 1207, les acteurs de la prédication nouvelle, agissant verbo et exemplo, engagent une dispute avec les vaudois41. Une partie de ceux-ci se convertissent et vont à Rome solliciter d’Innocent III l’autorisation de pratiquer une vie régulière. Ils forment alors le groupe des Pauvres catholiques, dont le chef est Durand de Osca42. Lors de sa profession de foi romaine du 18 décembre 1208, trois compagnons se tiennent à ses côtés : Jean de Narbonne, Bernard de Béziers et Ermengaud de Béziers43 ; ce dernier doit probablement être le même que l’hérésiarque, auteur d’un traité contre les bons hommes44. Le nom de ces convertis atteste la présence de vaudois actifs à Béziers autour de 1200. Il en va de même du traité de Bernard, abbé prémontré de Fontcaude45, Adversus Waldensium sectam, composé vers 1190-119246. Il rapporte la substance de deux disputes, provoquées par Bernard Gaucelm archevêque de Narbonne et suivies de la condamnation des vaudois. Alain de Lille, dans sa Summa quadripartita vel de fide catholica, dédiée à Guilhem VIII de Montpellier, fait également une part importante (vingt-cinq chapitres) à la discussion des idées et des pratiques de ces derniers47. Enfin, la Manifestatio heresis albigensium et lugdunensium48, dont la rédaction, vers 1203-1204, doit sans doute être attribuée à Raoul de Fontfroide49, mentionne également les vaudois. Cette accumulation de données concernant la région de Narbonne et de Béziers, et de textes polémiques élaborés dans le même cadre, témoigne de la présence très forte des vaudois dans ce secteur géographique, au point d’inquiéter fortement les clercs qui les vouent à l’extermination, tout comme les bons hommes et leurs fidèles. Ainsi fait la Manifestatio : « Il y a d’autres hérétiques, qu’on nomme lyonnais, de Lyon, vaudois, de Valdès (…) Pour dire la vérité, ils infestent et ils combattent l’Église de Dieu plus que les autres hérétiques. Et il me semble que ni les uns ni les autres ne peuvent être radicalement extirpés que par le glaive matériel ».

  • 50 Sur béguins et Spirituels, cf. J. Duvernoy, « Une ˝hérésie˝ en Bas-Languedoc : l’affaire des béguin (...)
  • 51 Manselli, op. cit., p. 156, et note 31, p. 174.
  • 52 Le bûcher de Capestang est évoqué très souvent : BNF, coll. Doat, vol. 28, ff.17r, 192v, 196, 205r, (...)
  • 53 Manselli, op. cit., p. 159 ; Livre des sentences, p. 1353 ; Doat 28,f° 24r.
  • 54 J. Duvernoy, art. cit., Études sur l’Hérault.
  • 55 Chronique de Saint-Paul de Narbonne, HL, t. V, c. 45-46 ; Livre des sentences, p. 1339, p. 1353 ; D (...)
  • 56 Sur ce point, cf. J.-L. Biget, art. cit. note 43 supra.
  • 57 Id, Ibid.
  • 58 Cf. Jean Duvernoy, L’inquisition en Quercy. Le registre des pénitences de Pierre Cellan 1241-1242, (...)
  • 59 Yves Dossat, « De Vaudès à saint François à Montauban », Les Mendiants en pays d’Oc au XIIIe siècle(...)

15On connaît bien, par ailleurs, la pesanteur et la permanence dans la durée des phénomènes religieux, lesquels évoluent et s’effacent lentement. Or l’on constate que la région languedocienne, de Narbonne à Lodève, à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe, est celle de la dissidence des béguins, liés aux Spirituels franciscains50. Des bûchers flambent à Narbonne en 131951, à Capestang et à Béziers en 132152, où l’on brûle deux, puis sept béguins53, à Lunel en 1321, à Béziers encore le 10 janvier 1322 quand la foule arrache au supplice deux condamnés, malheureusement transférés ensuite à Agde, où ils sont mis à mort54. La même année, lors du premier dimanche de Carême, seize hommes et cinq femmes sont brûlés à Narbonne, dans les fossés de Saint-Paul55 ; enfin, un dernier bûcher est dressé à Pézenas. Il n’est de béguins que dans les villes et les bourgs importants. Narbonne est la capitale du mouvement, avec 36 % de ses adhérents. Béziers en est le second pôle avec 13 % de ceux-ci. La ville compte un des propagandistes majeurs du béguinisme, le notaire Peire Trencavel ; après s’être échappé des prisons inquisitoriales de Carcassonne, il devient le principal animateur des communautés citadines ; il organise des quêtes pour les béguins et les Spirituels en fuite ; il prêche à Narbonne, à Montpellier et, naturellement, à Béziers56. On compte parmi les béguins 37 % de femmes et une majorité d’artisans ; pour l’essentiel, ils se recrutent dans une classe moyenne active57. Il existe donc une forte convergence sociale entre les fidèles des Spirituels et les dissidents biterrois de la décennie antérieure à 1209. On sait d’autre part qu’à Montauban, ville d’un nombre important de vaudois58, ces derniers marquent une sympathie très nette pour les frères mineurs et les clarisses dès que ceux-ci s’installent dans la ville, de sorte que « les vaudois de 1241 deviennent entre 1250 et 1270 des franciscains » du tiers ordre59. Fait normal, car le modèle franciscain mobilise à ce moment toutes les capacités de fascination qu’exerce l’Évangile.

  • 60 Ainsi le déclare Bérengère Donas, Doat 28, f°221v.
  • 61 Selon Guilhem Azéma, tisserand de Narbonne, Doat 28, f° 228v.

16Un lien très fort unit les vaudois et les béguins. Ces derniers, au début du XIVe siècle, contre les clercs et les transgresseurs de l’esprit de saint François, prônent un évangélisme fondamentaliste. Ils croient qu’il existe une Église charnelle, celle du pape, des cardinaux et des prélats, et une Église spirituelle, celle des frères mineurs qui observent la pauvreté60. En effet, « l’Église a été fondée dans l’humilité, la pureté et la pauvreté, mais en ces temps elle a été changée dans le contraire, car les clercs, sont devenus adultères, fornicateurs, usuriers et ruinent les valeurs de l’Église, par leur superbe, et la pompe dont ils s’environnent et les grands chevaux qu’ils montent, mais viendra le temps où Dieu les humiliera et où ils devront couvrir leurs couronnes de bouse, ou de déjections bovines. Cette Église romaine n’est pas l’Église de Dieu, car elle n’observe pas les mandements de Dieu, et ne suit pas la vie du Christ, mais ceux qui les suivent sont l’Église de Dieu »61, déclare l’épouse d’un paraire, un tondeur de draps de Narbonne.

  • 62 Sur la sociologie des adhérents des bons hommes, cf. J.-L. Biget, art. cit. notes 13 et 27 ci-dessu (...)

17La doctrine et les pratiques des vaudois et celles des béguins présentent ainsi bien des similitudes, malgré quelques différences. Comme le montrent Bernard de Fontcaude et Alain de Lille, les vaudois se caractérisent par le rejet de l’Église romaine et de l’autorité des clercs, soutenant – en s’appuyant sur les Actes des apôtres (5, 29), qu’il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes ; ils attaquent le principe du sacerdoce, niant que l’office et l’ordre établissent à cet égard un droit et ils affirment que le mérite seul donne le pouvoir de lier et de délier, de bénir et de prêcher ; ils soutiennent même que les femmes peuvent porter la parole de Dieu, ce qui soulève l’horreur des défenseurs de l’orthodoxie, lesquels s’en tiennent au commandement de saint Paul dans sa Première épitre aux Corinthiens (14, 24) : mulieres in ecclesia taceant ! Que les femmes à l’église se taisent ! Les vaudois nient l’utilité des églises, car Dieu est partout ; ils jugent vaine la pompe du décor et de la liturgie et la splendeur des ornements sacerdotaux ; ils ne reconnaissent aucune hiérarchie, le Christ étant leur seul maître ; prédicateurs itinérants, ils quêtent leur subsistance en mendiant. S’ils mettent en cause le monopole clérical de la parole religieuse et des sacrements, ruinant l’institution ecclésiastique tout entière, ils admettent l’Incarnation, la Passion et la Rédemption, ce qui les différencie des bons hommes. Ces derniers rejettent également au nom de l’Évangile toutes les médiations accaparées par les clercs, mais ils développent en outre une doctrine nouvelle de la création, fondée sur l’existence de deux principes, celui du Bien et celui du Mal. Ils professent que le monde d’ici-bas, création de Satan est tout entier l’empire du Mal, le monde divin s’avérant céleste et invisible ; ils rejettent donc tous les supports sensibles de la religiosité ordinaire et populaire : images, reliques, églises, culte des morts et des saints ; aussi bien, la religion des bons hommes s’avère-t-elle une religion des élites sociales, seules capables d’abstraction et d’intériorisation62 : elle recrute avant tout dans la petite aristocratie des bourgs ruraux et parmi les oligarchies urbaines. Contre l’Église grégorienne, unificatrice et prédatrice, chevaliers et châtelains des bourgs, privés de la gestion du sacré local, adhèrent à un clergé proche, émané de leurs lignages ou de leurs dépendants, qui leur explique leurs déboires par l’intervention du Malin, qui répond à leurs aspirations spirituelles et dont l’appétit de pouvoir semble éloigné de celui des clercs « grégoriens ». Concomitamment, ceux-ci s’avèrent, structurellement imperméables aux demandes spirituelles et sociétales nouvelles écloses dans les villes. Aussi, les bourgeoisies citadines, fortes de leur richesse et de leur savoir, en voie d’émancipation politique, aspirent-elles en parallèle à une promotion et une libération religieuses. Elles se rallient aux bons hommes, lesquels conjuguent leur magistère, leur austérité et leur simplicité de vie avec le commerce de l’argent, confèrent à leurs croyants à l’article de la mort un baptême qui lave de toute faute, et promeuvent une pratique religieuse en petits groupes, conforme à la demande de leurs fidèles d’être associés à la parole de Dieu et au culte divin.

  • 63 R.W. Emery, Heresy and Inquisition in Narbonne, New-York, 1941.
  • 64 Sur ce point, cf. J. Roche, art. cit.
  • 65 En liaison avec des couvents de frères mineurs. Ceux-ci sont présents à Narbonne, Béziers, Agde, Fl (...)

18Narbonne, place-forte du béguinisme, n’a pratiquement pas connu la dissidence des bons hommes63, mais fut un des hauts-lieux de la vaudoisie en Languedoc, si l’on en juge par les préoccupations de l’archevêque Gaucelm entre 1185 et 1190. Bien que des Biterrois aient survécu au massacre de la Madeleine 120964, à Béziers la religion des bons hommes semble totalement absente au cours du XIIIe siècle, quand elle s’avère encore très importante à Carcassonne, Limoux, Castres, Toulouse et Albi. Toutefois, la ville se révèle après 1300 le second pôle d’un béguinisme qui fleurit aussi dans la plupart des bourgs qui l’entourent65. Il paraît logique de postuler à Béziers, comme à Narbonne, une continuité des vaudois aux béguins, d’autant que la composition sociale de la dissidence biterroise avant la croisade, où dominent les artisans, s’avère identique à celle des béguins, qui recrutent principalement leurs adhérents parmi ces derniers.

19En 1209, Béziers est donc au premier chef une citadelle vaudoise. Bien sûr, parmi les hérétiques dénoncés figurent certainement des croyants des bons hommes, appartenant au milieu des plus fortunés, mais ils sont probablement moins nombreux que les vaudois, comme à Montauban, où coexistent un peu plus tard les deux confessions et où l’on compte 63 % de vaudois et 37 % de fidèles des bons hommes. Ainsi se trouve résolue la discordance apparente existant, du point de vue de la dissidence, entre Béziers et sa périphérie au moment de la croisade.

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  • 66 PL 215, col 1359-1360.
  • 67 Jacques Berlioz, « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ». La croisade contre les Albigeois vu (...)

20Pour autant, Béziers est loin, en 1209, d’être une ville totalement infestée par l’hérésie, mais les croisés sont persuadés du contraire et cette croyance, ainsi que la perspective du salut éternel, dicte leur action. En effet, Innocent III l’a proclamé, et après le Souverain Pontife tous les prédicateurs de la croisade l’ont affirmé, les hérétiques doivent être écrasés : « En avant ! chevaliers du Christ ! En avant ! courageuses recrues de l’armée chrétienne. Que l’universel cri de douleur de la Sainte Église vous entraîne ! […] La foi s’en est allée, la paix est morte, la peste hérétique et la rage guerrière ont pris des forces nouvelles […] Appliquez-vous à détruire l’hérésie par tous les moyens que Dieu vous inspirera. Avec plus d’assurance encore que les Sarrasins, car ils sont plus dangereux, combattez les hérétiques d’une main puissante et d’un bras tendu »66. Face aux croisés, tous les Biterrois sont forcément solidaires, car dans le combat nul ne saurait distinguer le bon grain de l’ivraie, ni les hérétiques des catholiques. Le légat pontifical, l’abbé de Cîteaux Arnaud Amalric, un méridional, n’a peut-être jamais prononcé la phrase qu’on lui attribue : « Tuez-les tous ! Dieu reconnaîtra les siens »67, mais elle exprime bien l’esprit des croisés et la réalité des faits. Malheureusement pour eux, le sort funeste réservé à de nombreux Biterrois, totalement étrangers à l’hérésie, en témoigne à jamais devant l’histoire.

Notes

1 Hystoria albigensis, P. Guébin, E. Lyon éd., t. I, Paris 1926, p. 86 : « Erat autem Biterris civitas nobilissima, set tota veneno heretice pravitatis infecta ». Nous nous référons plus bas, par Histoire albigeoise, à la traduction de l’ouvrage par Pascal Guébin et Henri Maisonneuve, Paris, 1951.

2 Première occurrence du nom, lors d’une assemblée contradictoire, tenue à Lombers en Albigeois (1165), P. Labbe, G. Cossart, Sacrosancta concilia, t. X, 1671, col. 1470- 1479.

3 Il est devenu courant de désigner cette dissidence par l’épithète « cathare », jamais utilisée en Languedoc au Moyen Âge ; il paraît plus conforme à la réalité historique de la nommer conformément à la manière dont ses propagandistes étaient désignés aux XIIe et XIIIe siècles. Voir sur ce point, Julien Théry, « L’hérésie des bons hommes. Comment nommer la dissidence religieuse non vaudoise ni béguine en Languedoc (XIIe-début du XIVe siècle) ? », Heresis 36-37, 2002.

4 Gabriel Audisio, Les Vaudois. Histoire d’une dissidence XIIe-XVIe siècle, Paris, 1998 ; Michel Rubellin, Église et société chrétienne d’Agobard à Valdès, Lyon, 2003 ; « Les vaudois », Revue de l’histoire des religions, t. 217, 1, 2000 ; Christine Thouzellier, Catharisme et Valdéisme en Languedoc à la fin du XIIe et au début du XIIIe siècle, Paris, 1965 ; Vaudois languedociens et Pauvres Catholiques, Cahiers de Fanjeaux 2, 1967.

5 Le 4 août 1194, Bertrand de Saissac, tuteur de Raimond Roger Trencavel, et ce dernier promettent à Geoffroy, évêque de Béziers et à Étienne de Servian que, pour ce qui touche à la ville de Béziers et aux évêchés d’Agde et de Béziers, il ne prendront aucune décision sans leur accord et n’introduiront dans la ville ou dans les diocèses, ni fidèle des bons hommes, ni vaudois : « nec hereticos vel valdenses in predicta villa vel episcopatu, nos, vel aliquis nostro consilio, inducemus », Histoire générale de Languedoc, éd. Privat (désormais HL), t. VIII, col. 430. Cette assertion suggère la présence d’adhérents des deux dissidences à Béziers et aux alentours.

6 Postmodum rogatus ab illis (les légats P. de Castelnau et Raoul de Fontfroide), ut consules civitatis Biterrensis ad haeresim abjurandam, et ad defendendam contra hereticos Ecclesiam Dei, cum eis pariter admoneret, non solum non acquievit eorum monitionibus, sed id fieri praepedivit, Christi se constituens inimicum…, Patrologie latine, désormais PL, t. 215, col. 272-273.

7 Cf. La Chanson de la croisade, éd. Martin-Chabot, I, laisse 17, vers 6-9.

8 Histoire albigeoise, p. 13.

9 Monique Bourin-Derruau, Villages médiévaux en Bas-Languedoc : genèse d’une sociabilité (Xe-XIVe siècle), Paris, 1987, plus bas Villages, 2, p. 367 note 17 in fine.

10 Cette copie figure dans le vol. 60 de la collection Doat à la B.N.F. Publiée une première fois par un érudit, Louis Domairon, dans le Cabinet historique de 1863, elle a été reprise par Louis Noguier, Les vicomtes de Béziers. Précis historique et archéologique. Extinction de l’albigéisme, Béziers, 1894 ; Julien Roche l’a publiée à nouveau, avec des corrections, « Le catharisme à Béziers et dans le Biterrois au début du XIIIe siècle : aux frontières de l’hérésie », in C. Heusch, G. Gouiran éd., Biterris. Béziers et son rayonnement culturel au Moyen Âge, Béziers-Perpignan, 2003.

11 H. Vidal, Episcopatus et pouvoir épiscopal à Béziers à la veille de la croisade albigeoise 1152-1209, Montpellier, 1951 ; M. Roquebert, L’épopée cathare. 1198-1212 : l’invasion, Toulouse, 1970 ; M. Bourin, « Tensions sociales et diffusion du catharisme en Languedoc oriental au XIIIe siècle », Heresis n° 3 , 1992 ; C. Amado, « Faible impact de l’hérésie dans le Languedoc central méditerranéen. Le paradoxe biterrois (1170- 1209) », Ibid. ; J. Roche, art. cit.

12 Léopold Delisle, Recueil des Historiens de la France, t. XXII, p. 327/331.

13 Histoire Albigeoise, p. 41.

14 En mai 1204, l’évêque prête six mille sous au vicomte ; parmi les garants de ce dernier, trois habitants du bourg Saint-Aphrodise, un du bourg Saint-Jacques, un du bourg de la Madeleine et un du bourg de Nissan figurent dans la liste (J. Roche, Une église cathare. L’évêché du Carcassès. Carcassonne, Béziers, Narbonne 1167-début du XIVe siècle, Cahors, 2005, p. 339) ; ces personnages, proches du vicomte et de Guilhem de Roquesels, ont pu avoir des relations tendues avec Raynaut de Montpeyroux et son prédécesseur, Ermengaud, ancien abbé de Saint-Pons.

15 Art. cit. note 6 supra.

16 Histoire de Béziers, Jean Sagnes dir., Toulouse, 1986, p. 116-117.

17 Ainsi que l’indiquait déjà H. Vidal : « Une minorité d’hérétiques et une majorité de chrétiens, telle est pour nous la situation véritable de Béziers en 1209 », op. cit., p. 104. Opinion identique de C. Amado, art. cit., p. 98.

18 Le fait se vérifie pour Toulouse, Albi, Castres et Carcassonne notamment, cf. J.-L. Biget, « L’extinction de la dissidence urbaine (1270-1329) », in Id., Hérésie et inquisition dans le midi de la France, Paris, 2007.

19 Villages, t. 2, p. 118-119.

20 Histoire Albigeoise, p. 12-13. Pierre des Vaux-de-Cernay le déclare « infecté du poison de perfidie ». Il rentre dans l’orthodoxie en février 1210 (HL, t. VIII, col. 584-589), mais il meurt plus tard dans les geôles de Montfort, après s’être révolté contre ce dernier, HL, t. VII, Enquêteurs royaux, col. 267.

21 Sur les Laurac, cf. Gwendoline Hancke, L’hérésie en héritage. Familles de la noblesse occitane dans l’Histoire, du XIIe au début du XIVe siècle : un destin commun, Cahors, 2006.

22 Cf. M. Bourin, art. cit., Heresis, 1992 ; op. cit., t. 2, notes 21 et 22, p. 367, et J. Roche, op. cit., p. 353-356.

23 Contrairement à ce qu’affirme J. Roche, op. cit., p. 355-356, en s’appuyant sur la disparition hypothétique des sources.

24 M. Bourin, op. cit., t. 2, p. 367, note 21.

25 Affirmation justifiée de M. Bourin, op. cit., t. 2, p. 117.

26 Édition par Jean-Baptiste Rouquette, Paris-Montpellier, 1918.

27 Acte 347, p. 518-523.

28 Il possède des biens à Castelnau et Nissan, cf. HL, t. VII, Enquêteurs, col. 62 à 65 ; voir aussi M. Roquebert, op. cit., p. 287-288, et M. Bourin, op. cit., t. 2, note 16, p. 367.

29 Cf. J. Roche, art. cit., p. 77-78. Un Aimeri Boffat, conseiller et caution du vicomte Raimond-Roger, se retrouve dans l’entourage des Montfort (Layettes du Trésor des Chartes, t. V, n°s 201, 275) puis à la tête des Biterrois qui prêtent serment à Louis VIII en1226 ; il devient ensuite le premier juge royal connu pour Béziers (1233).

30 M. Bourin, Ibid. et p. 118.

31 J. Roche, art. cit., p. 77.

32 Cf. M. Bourin, « Bilan de l’enquête : de la Picardie au Portugal, l’apparition du système anthroponymique à deux éléments et ses nuances régionales », dans Genèse médiévale de l’anthroponymie moderne, I, Tours, 1990. Ce système, associant nom (nomen) et surnom (cognomen), représente 90 % des formes anthroponymiques dans la France méridionale au cours de la seconde moitié du XIIe siècle, p. 235.

33 Si l’on en juge d’après le cartulaire d’Agde, lequel fait apparaître que la part des surnoms liés à un métier croît fortement entre 1220 et 1250, M. Bourin, « Les formes anthroponymiques et leur évolution d’après les données du cartulaire du chapitre cathédral d’Agde (Xe siècle-1250), op. cit, note précédente, histogramme p. 196.

34 Cf. J.-L. Biget, « L’extinction… », art. cit. et Id. “Cathares des pays de l’Agout (1200- 1300) », Heresis, n° 3, 1992. Voir aussi, J.-L. Abbé, « La société urbaine languedocienne et le catharisme au XIIIe siècle : le cas de Limoux (Aude), in Religion et société urbaine au Moyen Âge, Paris, 2000.

35 Cette dénomination apparaît chez Alain de Lille, Summa, ch. XLV, PL 210, col. 351. Elle est reprise par Pierre des Vaux-de-Cernay, Histoire Albigeoise, p. 7 : « Il faut savoir que parmi les hérétiques d’aucuns étaient appelés ˝parfaits˝ ou ˝bons hommes˝, les autres croyants des hérétiques »

36 P. Rubeus (bourg de Maureilhan), R. Chasaut, B.P. Faber et G. Faber de Tholosa (bourg de Nissan), Stephanus de Portali, S. de Tonevo (bourg de la Madeleine) ; ces deux derniers sont connus par d’autres actes ; les biens d’Estève Delportal sont confisqués après le sac de la ville ; Estève de Tonevo est témoin d’un acte de vente en 1196 (Livre Noir, acte CCCXXVII, p. 480-481).

37 N° CCCXLV, p. 513-515.

38 Béziers, 1651.

39 HL, t. VI, p. 220. Auguste Molinier, dans la nouvelle édition, a rectifié en note, ibid., n. 5.

40 Gallia christiana, t. VI, Paris, 1739, col. 324 : « [G. de R.] Anno 1203 nominatur praesens in instrumento Raimondi Rogerii canonicis Sancti Nazarii concedentis, ut S. Petri de Bosco ecclesiam munire contra Valdensium impetus, ne rusticanam basilicam invaderent aut diriperent, eorum in dies apud Biterros crescente numero ». Ce texte est repris, simplement traduit en Français, dans E. Sabatier, Histoire de la ville et des évêques de Béziers, Béziers, 1854, p. 224-225.

41 Histoire albigeoise, p. 20-21. Guillaume de Puylaurens, Chronique, Jean Duvernoy éd., Paris, 1976, p. 48-49.

42 Probablement un Rouerguat plutôt qu’un Aragonais, cf. Y. Dossat, « À propos du prieur des Pauvres Catholiques. Durand de Huesca ou de Losque en Rouergue ? », Bulletin philologique et historique du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1967, t. II (1969), p. 673-685. Sur la conversion, la profession de foi et le propositum conversationis de Durand et de ses compagnons, cf. Christine Thouzellier, Catharisme et valdéisme en Languedoc à la fin du XIIe et au début du XIIIe siècle, Paris, 1965, p. 218 et suiv.

43 PL 215, col. 1514. Cf. M.-H. Vicaire, « Rencontre à Pamiers des courants vaudois et dominicains (1207), in Vaudois languedociens et Pauvres Catholiques, Cahiers de Fanjeaux 2, 1967.

44 Opusculum Ermengaudi qui quondam fuit heresiarcha, PL 204, col. 1235-1272. Identité affirmée par le P. Antoine Dondaine, « Durand de Huesca et la polémique anti-cathare », Archivum Fratrum Praedicatorum, XXIX, 1959, p. 250-251, 257-259. Le fait est contesté, mais non de manière convaincante, par Annie Cazenave, « Langage catholique et discours cathare : les écoles de Montpellier », dans L’art des confins. Mélanges offerts à Maurice de Gandillac, Paris, 1985.

45 Dans la commune actuelle de Cazedarnes ; cette abbaye a été fondée en 1154 ; cf. Henri Barthès, « Les abbayes de Prémontré en Languedoc : Fontcaude », Cahiers de Fanjeaux 24, 1989.

46 PL 204, col. 793-840.

47 PL 210, col. 377-400.

48 Publiée par le P. A. Dondaine, art. cit., p. 268-274.

49 Selon Annie Cazenave, « Bien et Mal dans un mythe cathare languedocien », dans Miscellanea mediaevalia, Berlin-New-York, 1977, p. 352, 387.

50 Sur béguins et Spirituels, cf. J. Duvernoy, « Une ˝hérésie˝ en Bas-Languedoc : l’affaire des béguins (1299-1329) », Études sur l’Hérault, Montpellier, 1988 ; Raoul Manselli, Spirituali e beghini in Provenza, Rome, 1959 – traduction française par J. Duvernoy, Spirituels et béguins du Midi, Toulouse, 1989 ; J.-L. Biget, « Culte et rayonnement de Pierre Déjean-Olieu en Languedoc au début du XIVe siècle », in Pierre de Jean Olivi (1248-1298). Pensée scolastique, dissidence spirituelle et société, Alain Boureau, Sylvain Piron éd., Paris, 1999 ; Louisa A. Burnham, So Great a Light, So Great a Smoke : The Beguins heretics of Languedoc, Cornell University, 2008.

51 Manselli, op. cit., p. 156, et note 31, p. 174.

52 Le bûcher de Capestang est évoqué très souvent : BNF, coll. Doat, vol. 28, ff.17r, 192v, 196, 205r, 231 et Le livre des sentences de l’inquisiteur Bernard Gui 1308-1323, A. Pales-Gobilliard, 2002, t. 2, p. 1352-1353. Pour celui de Béziers, où figure une juvencula, cf. Doat 28, f° 196r.

53 Manselli, op. cit., p. 159 ; Livre des sentences, p. 1353 ; Doat 28,f° 24r.

54 J. Duvernoy, art. cit., Études sur l’Hérault.

55 Chronique de Saint-Paul de Narbonne, HL, t. V, c. 45-46 ; Livre des sentences, p. 1339, p. 1353 ; Doat 28, ff. 22r, 117 r-v, 225v, 250v.

56 Sur ce point, cf. J.-L. Biget, art. cit. note 43 supra.

57 Id, Ibid.

58 Cf. Jean Duvernoy, L’inquisition en Quercy. Le registre des pénitences de Pierre Cellan 1241-1242, 2001 et Id, « Albigeois et vaudois en Quercy d’après le Registre des pénitences de Pierre Sellan », in Cathares, Vaudois et Béguins, dissidents du pays d’oc, Toulouse, 1994. ; voir également Martin Schneider, Europäisches Waldensertum im 13. Und 14. Jahrhundert, Berlin-New-York, 1991 et Jörg Feuchter, Ketzer, Konsuln und Büsser. Die städtlichen Eliten von Montauban vor dem Inquisitor Petrus Cellani (1236-1241), Tübingen, 2007.

59 Yves Dossat, « De Vaudès à saint François à Montauban », Les Mendiants en pays d’Oc au XIIIe siècle, Cahiers de Fanjeaux 8, 1973.

60 Ainsi le déclare Bérengère Donas, Doat 28, f°221v.

61 Selon Guilhem Azéma, tisserand de Narbonne, Doat 28, f° 228v.

62 Sur la sociologie des adhérents des bons hommes, cf. J.-L. Biget, art. cit. notes 13 et 27 ci-dessus et « Un procès d’inquisition à Albi en 1300 », Cahiers de Fanjeaux 6, 1971 ; voir aussi G. Hancke, op. cit. supra et Michel Roquebert, « Un exemple de catharisme ordinaire : Fanjeaux », Heresis n° 3, 1992.

63 R.W. Emery, Heresy and Inquisition in Narbonne, New-York, 1941.

64 Sur ce point, cf. J. Roche, art. cit.

65 En liaison avec des couvents de frères mineurs. Ceux-ci sont présents à Narbonne, Béziers, Agde, Florensac, Gignac et Lodève ; des béguins, connus par les actes des inquisiteurs, ont pour origine ou pour résidence, outre les cinq villes précitées : Bize, Cabezac, Capestang, Cazouls, Cessenon, Sauvian, Villeneuve, Bessan, Marseillan, Pézenas, Montagnac, Roujan et Clermont.

66 PL 215, col 1359-1360.

67 Jacques Berlioz, « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ». La croisade contre les Albigeois vue par Césaire de Heisterbach, Toulouse, 1994.

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