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Érudits, collectionneurs et amateurs

 | 
Isabelle Luciani
, 
Guy Le Thiec
, 
Emmanuelle Chapron

Collectionner. Être ou connaître ?

Collections et collectionneurs en France à l’époque moderne

Problèmes et méthode

Françoise Bayard

Texte intégral

  • 1 Françoise Bayard, « En France, à l’époque moderne, quelles sources pour quels collectionneurs ? », (...)

1Depuis longtemps historiens et historiens de l’art modernistes travaillent sur les collections et les collectionneurs. Ils emploient généralement une source – les inventaires après décès – et deux méthodes, comme l’a montré le Congrès national des sociétés historiques et scientifiques de Nice en 1996, et comme l’illustre également le présent volume. Les uns écrivent des monographies ; les autres, dépassant le stade de l’individuel, établissent des portraits de groupe, selon les règles de la prosopographie. Ces travaux sont, dans l’ensemble, excellents, mais reposent sur d’évidents présupposés qui risquent de masquer un certain nombre de collections et de collectionneurs. C’est pourquoi il semble important de soulever quelques questions relatives aux sources et aux méthodes et d’ouvrir quelques pistes, évidemment non exhaustives, étayables par d’autres sources que les inventaires1.

De quelques difficultés

  • 2 Annik Pardailhé-Galabrun, La naissance de l’intime : 3 000 foyers parisiens, xviie-xviiie siècles, (...)

2Il est clair que les inventaires après décès ne permettent de connaître ni toutes les collections, ni tous les collectionneurs. À l’heure actuelle et généralement, pour repérer une collection, on considère quatre éléments : la préciosité et le nombre des objets possédés, l’appel à des experts et les lieux où ils sont rassemblés2. Ces critères ne sont pas toujours convaincants et en laissent d’autres dans l’ombre.

  • 3 Antoine Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe. Collections et collectionneurs dans la France (...)
  • 4 Patrick Mauriès, Cabinets de curiosités, Paris, Gallimard, 2002. Celui de Jacques de La Fonds compr (...)
  • 5 Ainsi s’explique la constitution de collections de porte-clés, d’étiquettes de bouteilles de vin, d (...)
  • 6 Jean-Marc Moriceau, Les fermiers de l’Île-de-France. xve-xviiie siècle, Paris, Fayard, 1994, p. 756
  • 7 Philippe Rosset, Les officiers du bureau des finances de Lille (1691-1790), Genève, Librairie Droz, (...)
  • 8 Michel Figeac, La douceur des Lumières. Noblesse et art de vivre en Guyenne au xviiie siècle, Borde (...)
  • 9 Monique Cubells, La Provence des Lumières. Les parlementaires d’Aix au xviiie siècle, Paris, Maloin (...)
  • 10 M. Figeac, La douceur des Lumières…, op. cit., p. 216-227.

3Concernant le premier, la faute n’en revient pas toujours aux historiens, même si ces derniers en rajoutent en taillant « à tort et à travers dans les collections qui n’ont que le tort de ne pas être conformes à nos habitudes3 ». Exception faite de quelques cabinets de curiosités4, le plus souvent les notaires ou les officiers de justice n’inventorient que des objets de grande valeur : tapisseries, tableaux, estampes, sculptures, bijoux, argenterie, livres. En ne retenant que ces seules pièces, on postule que seuls les objets précieux et chers peuvent donner lieu à collection et que, par voie de conséquence, seuls les riches peuvent en rassembler. On sait cependant que n’importe quels objets peuvent être accumulés et que, plus que la seule valeur, l’originalité, la rareté, l’exhaustivité déterminent le collectionneur5. Par ailleurs, rien ne dit que l’ensemble de ces pièces constitue une collection. L’argenterie posée sur un dressoir – ainsi des gondoles, chapelets, hochets, timbales, chaînes et demi-ceints des fermiers de l’Île-de-France des années 1659-17596 –, les tableaux exposés sur les murs ou sur des chevalets comme ceux des officiers du bureau des finances de Lille au xviiie siècle7, les statuettes disposées sur les piédestaux des galeries – à l’instar de celles que l’on peut admirer chez François-Armand Saige8 – peuvent n’être que des éléments du décor de la maison, et les livres des parlementaires aixois9 ou bordelais10 sont tout autant des instruments de travail que des collections d’ouvrages.

  • 11 A. Schnapper, Curieux du Grand siècle. Collections et collectionneurs dans la France du xviie siècl (...)
  • 12 F. Bayard, « Les collections des échevins et des prévôts des marchands de Lyon dans la première moi (...)
  • 13 Daniel Roche, La culture des apparences. Une histoire du vêtement xviie-xviiie siècles, Paris, Faya (...)
  • 14 Archives départementales du Rhône [désormais : AD Rhône], BP 2274, 17 août 1780.
  • 15 M. Figeac, La douceur des Lumières…, op. cit., p. 212.
  • 16 Natacha Coquery, L’hôtel aristocratique. Le marché du luxe à Paris au xviiie siècle, Paris, Publica (...)
  • 17 Henri-Jean Martin, « Livres et société », in Roger Chartier, Henri-Jean Martin, dir., Histoire de l (...)
  • 18 Anne Béroujon, « Les collections privées de livres à Lyon au xviiie siècle », in Mécènes et collect (...)
  • 19 A. Schnapper, Curieux du Grand siècle…, op. cit., p. 137.

4Le nombre des objets ne fait pas davantage la collection. Puisqu’ils servent aussi à la décoration11, plus la ou les maisons sont grandes, plus elle(s) nécessite (nt) un décor important. Dans son habitation lyonnaise, l’échevin Claude de Couleur expose 38 tableaux et en enferme trois petits peints sur cuivre dans un coffre. Dans sa maison du Bas Balmont, deux chambres sont décorées de huit paysages et une autre, située au-dessus, de deux tableaux religieux. Au Haut Balmont, la chapelle rassemble tous les tableaux de la demeure, comme le bas de celle de Champagne. Mais le domaine de Balmont renoue avec la dispersion : la salle reçoit dix œuvres ; la sallette, la chambre des garçons et celle des filles, une chacune, et la cuisine deux12. Dans cette civilisation « des apparences13 », certains objets se doivent d’être possédés en grand nombre pour attester l’appartenance à certaines catégories sociales et tenir son rang. Comment concevoir, par exemple, que Dominique Legras, secrétaire général de la Prévôté des marchands et du commandement de la ville de Lyon, n’orne pas ses murs, ne complète pas sa tenue et celle de son épouse par des bijoux, et ne reçoive pas ses hôtes avec de la vaisselle d’argent14 ? Michel Figeac constate de même que dans la noblesse de Guyenne, « dans tous les inventaires on rencontrait systématiquement des objets chers qui traduisaient un véritable mode de vie15 ». Natacha Coquery donne les règles de cette conduite : « Le système de consommation aristocratique, dont le pivot est la distinction, repose sur plusieurs facteurs, ceux-là mêmes que prônent à dessein les commerçants, en connaisseurs avertis des mobiles de leur clientèle : la quantité, la diversité, l’imitation et son corollaire, le renouvellement16. » Il en va de même en matière de livres. Selon Henri-Jean Martin, « un Premier Président juge qu’il est de son devoir de traduire la supériorité de sa position par la supériorité de sa culture et il achète plus d’ouvrages que tout autre17 », ce que confirme Anne Béroujon pour la ville de Lyon au xviiie siècle. Plus de 80 % des membres de la noblesse et du clergé possèdent au moins un livre et pour certains de vastes bibliothèques. Dans le tiers supérieur (bourgeoisie du négoce et des talents), plus d’une personne sur deux en détient. Seuls les commis et employés n’atteignent pas la barre des 50 % (36 %)18. Chacun sait que l’accès à la fortune et/ou au pouvoir entraîne des changements dans les comportements sociaux, comme l’a montré Antoine Schnapper pour le cardinal Richelieu19.

  • 20 AN, MC XVI/457, 25 septembre 1654.

5L’appel aux experts ne constitue pas non plus une preuve irréfutable : on fait parfois appel à eux pour des pièces médiocres, quand les plus belles sont prisées par les notaires ou officiers ordinaires ; ainsi chez Jean Collot, où un marchand orfèvre examine les porcelaines, les cristaux et les émaux, mais où l’estimation d’une centaine de tableaux est faite rapidement sans que l’on donne le nom des peintres et pour des valeurs très basses20.

  • 21 M. Cubells, La Provence des Lumières…, op. cit., p. 325.
  • 22 Il n’est d’ailleurs pas certain que le terme soit utilisé dans le sens où on l’emploie dans le rest (...)
  • 23 F. Bayard, « Les collections des échevins et des prévôts des marchands de Lyon… », art. cit., p. 29

6Il en va de même des cabinets, des galeries et des bibliothèques censés renfermer les collections, ce qui les distinguerait des objets de décoration, comme à Aix où les parlementaires regroupent leurs tableaux « dans un cabinet, quelquefois dans deux, trois ou quatre, rarement davantage. Ils se trouvent ainsi alignés en galeries, et il est fréquent de rencontrer la dénomination “salon des tableaux” ou “cabinet des tableaux”21 ». Pourtant, dans nombre de demeures parisiennes ou provinciales, de tels lieux spécifiques n’existent pas : sur les vingt-cinq domiciles des douze échevins ou veuves d’échevins lyonnais de la première moitié du xviie siècle, deux seulement disposent de galeries22 et dix de cabinets. Il n’est pas certain non plus que leurs propriétaires y placent leurs collections. Rue de la Boucherie des Terreaux, Pierre Bernico expose cinq tableaux dans sa galerie, mais rue de la Juiverie, Marguerite Laure n’y met que des objets utilitaires. Les cabinets des échevins renferment toujours des pièces de valeur – mais généralement pas des collections –, mais les veuves Le Maistre et Bolozon n’y entreposent rien de précieux23.

  • 24 Olivier Zeller, « L’architecte et le relieur, la bibliothèque de l’échevin lyonnais François-Pierre (...)
  • 25 Ibid., p. 81.

7Par ailleurs, les inventaires sont des photographies réalisées à un moment donné (généralement le décès) de la vie d’un individu. Ils ne disent donc rien sur l’histoire de la collection, la période à laquelle elle s’est formée, la manière dont elle l’a été ni comment elle a évolué. La bibliothèque de l’avocat lyonnais François Brac est ainsi en partie héritée de celles de son grand-père Jean Brac et de son père Antoine II Brac, tous deux médecins, de l’achat d’ouvrages ayant eu lieu au coup par coup et du don que lui fit la veuve d’un ami et confrère24. Tout la distingue donc d’autres bibliothèques ou d’autres collections patiemment acquises par le défunt. Plus tard, François Brac donne à ses fils Étienne, médecin, et François-Pierre-Suzanne, avocat, tous les traités qui peuvent leur être utiles dans leur profession25.

  • 26 Maurice Garden, « Les inventaires après décès : source globale de l’histoire sociale lyonnaise ou j (...)

8Quant aux collectionneurs, les inventaires après décès et la manière dont les traitent les historiens laissent également beaucoup à désirer. Les inventaires de femmes sont peu nombreux : il s’agit avant tout d’inventaires de veuves dans lesquels on recherche, généralement, les restes des collections de leurs époux. Pour ce qui regarde les inventaires masculins, le plus souvent, étant donné leur prix, seules les familles les plus aisées en font établir, ce qui induit qu’on ignore les comportements des hommes de condition modeste. Le notaire ou l’officier ne sont par ailleurs sollicités que lorsque s’annonce une succession difficile, ce qui écarte la plupart des familles dont le chef ne s’est pas marié plusieurs fois ou n’est pas en faillite26.

  • 27 A. Schnapper, Curieux du Grand siècle…, op. cit., p. 222-223.
  • 28 André Lespagnol, Messieurs de Saint-Malo. Une élite négociante au temps de Louis XIV, Rennes, Press (...)
  • 29 En 1652, l’Histoire de Loth de Véronèse vaut 200 livres, le Voyage de Jacob de Benedeto, 300 livres (...)

9Les inventaires après décès ne permettent pas non plus de comprendre ce qu’est un collectionneur. Un amateur qui, comme Mazarin – à en croire Loménie de Brienne27 –, trouve plaisir à contempler ou à toucher les œuvres qu’il a rassemblées ? Un spéculateur ? Économiquement, l’argenterie et les œuvres d’art peuvent constituer des placements : ainsi de la vaisselle d’argent de Jean Magon de la Lande (plus de 500 marcs valant 16 500 livres en 170928) ou des tableaux de Jacques Bordier qui s’apprécient au cours des ans29. Coulanges le précise à Madame de Sévigné en 1675 :

  • 30 Cité par A. Schnapper (Curieux du Grand siècle…, op. cit., p. 75), d’après E. Bonnaffé.

[…] c’est de l’or en barre que les tableaux ; il n’y eut jamais de meilleure acquisition. Vous les vendez toujours au double quand il vous plaira. Ne vous ennuyez donc pas d’en avoir de nouveaux à Grignan et parez-en vos cours et avant-cours quand vous en aurez suffisamment pour toutes vos chambres30.

  • 31 AN, MC LI/640, 11 novembre 1688.
  • 32 AN, MC XC/188, 9 février 1623 ; CXIII/15, 2 décembre 1642.
  • 33 Christiane Lassale, « La maison de Jean-François Séguier », in Mécènes et collectionneurs, op. cit. (...)

10Elles peuvent aussi servir de réserves permettant d’obtenir rapidement de l’argent liquide en les mettant en gage ou en les vendant. Aux 105 marcs 6 onces d’argent que l’on trouve chez le financier Macé Bertrand de la Bazinière II, en 1688, doivent s’ajouter 208 marcs 6 onces 3 gros qui ont été « mis en nantissement pour sûreté de sommes encore dues » chez le notaire Béchot31. Son père, qui possédait treize tableaux en 1623, n’en a plus que quatre en 1642, et la Cruxifixion est la seule rémanence de la collection précédente32. Naît-on collectionneur et le reste-t-on toute sa vie ? Gaston d’Orléans a collectionné les plantes et les petites antiquités dans son adolescence, puis les objets d’art. Se passionne-t-on toujours pour les mêmes objets ? Jean-François Séguier, érudit nîmois du xviiie siècle, commence à dix ans une collection de monnaies gauloises et romaines et un herbier ; il revend ensuite ses pièces pour acheter des livres d’archéologie mais ne cesse d’enrichir son herbier d’enfance33. En cas de changement survenu peu avant le décès, le nombre des objets collectionnés peut alors être peu important. Posséder dix tableaux n’a donc aucune signification en soi : ils peuvent aussi bien être le début que la fin d’une collection ; ils doivent aussi être mis en relation avec la fortune de leur propriétaire.

  • 34 Isabelle Aristide, La fortune de Sully, Paris, Comité d’histoire économique et financière de la Fra (...)

11Sur ces deux points, les inventaires livrent des informations. La plupart des objets collectionnés sont estimés. Mais Antoine Schnapper pense que beaucoup sont prisés en dessous de leur valeur réelle et recommande la plus grande prudence. Une partie de la fortune mobilière des collectionneurs peut être calculée grâce aux estimations des inventaires, mais elle laisse de côté les biens fonciers et immobiliers dont on connaît l’importance sous l’Ancien Régime : chez Sully, les meubles des différents châteaux ou habitations (et pas seulement les collections) valent environ 60 000 livres, pour une fortune de plus de 5 000 000 livres34.

  • 35 A. Schnapper y a renoncé : « Ce genre de difficulté interdit le traitement statistique des curieux  (...)
  • 36 AN, V 103, 25 octobre 1647.
  • 37 M. Figeac, La douceur des Lumières…, op. cit., p. 232-237.
  • 38 N. Coquery, L’hôtel aristocratique…, op. cit., p. 35-47.

12Enfin, vouloir donner l’image globale de telle ou telle catégorie sociale vis-à-vis des collections paraît bien difficile35. Si certains financiers du début du xviie siècle possèdent des ouvrages jansénistes, ce n’est pas le cas d’autres comme Abel Servient, qui détient la Rétractation des sectaires jansénistes et l’Église outragée par les Jansénistes du Père Du Bosc36. Après avoir décrit l’« art de vivre des parlementaires » bordelais et le « rôle culturel majeur des élites parlementaires », Michel Figeac dresse avec sagesse des portraits de parlementaires, distinguant les uns des autres. Joseph de Navarre dispose d’une collection de trente-deux tabatières. Le chevalier Pierre-François de Brach concentre « plusieurs effets précieux tant pour la physique, l’astronomique et le naturalisme » dans son cabinet, et les ouvrages de Macquer, Nollet, de médecine, d’astronomie et d’optique abondent dans sa bibliothèque. Paul-Marie-Arnaud de Lavie jouit d’une « exceptionnelle collection de plus de mille trois cents estampes, une centaine de cahiers de gravures et trois cent soixante-trois cartes », d’une bibliothèque de 4 266 volumes dans lesquels dominent de nombreuses scènes bucoliques, des paysages anglais et orientaux, des coutumes antiques et des ruines grecques et romaines, des récits des grands explorateurs, la poésie et la littérature du temps, dont les romans de Richardson, et la redécouverte de l’Antiquité à travers l’œuvre de Winckelman37. Natacha Coquery dépeint trois passionnés du Paris du xviiie siècle : la princesse Kinsky ne cesse de décorer son hôtel de la rue Saint-Dominique, le duc de la Trémoille, d’acheter et de soigner ses chevaux, tandis que le duc de Coigny cède aux plaisirs de la table38. Les goûts de chaque individu sont dissemblables. Aucun collectionneur ne ressemble à un autre. Chaque collection est particulière.

13Au final, la fragilité des inventaires et des méthodes d’investigation est évidente pour qui veut faire émerger des collections et des collectionneurs sous l’Ancien Régime. S’il paraît impossible de se passer d’eux, du moins faut-il en élargir l’examen et surtout les compléter en posant d’autres problématiques et en utilisant d’autres sources.

De quelques changements de perspective

14Définir le terme de collection et s’interroger sur la vie des collections et des collectionneurs peuvent modifier les perspectives de recherche.

  • 39 Consulté dans ses éditions de 1694 et 1718.
  • 40 C’est nous qui soulignons.

15Le retour aux dictionnaires est très éclairant. Furetière, Richelet et l’Académie française39 ne donnent au terme de collection que les sens de recueil de beaux passages ou de compilation de plusieurs ouvrages d’un même auteur. L’Encyclopédie n’en donne aucune définition. Pourtant le mot existe. Le dictionnaire de Trévoux le confirme en troisième sens – « se dit d’un ramas de médailles, d’antiques, de tableaux et en général de toutes les curiosités qui forment les cabinets de curieux. Un tel a fait une belle collection de médailles, d’antiques, de plantes, de coquillages etc. » – et, à l’article « Cabinet d’Histoire naturelle », l’Encyclopédie précise : « ordinairement composé de plusieurs pièces et ne peut être trop étendu ; la plus grande salle ou plutôt le plus grand appartement ne seroit pas un espace trop grand pour contenir des collections en tout genre des différentes productions de la nature40 ».

16En dehors du vocable, la pratique existe. Elle est décrite aux termes curiosité – « chose qui est rare, secrète, curieuse » – et cabinet – « petit lieu retiré ». Tous les dictionnaires de l’époque moderne montrent la diversité de ces derniers selon leurs destinations, tantôt domestiques :

On a une pièce qu’on appelle le grand cabinet de l’appartement du maître ; elle est consacrée à l’usage des affaires ; c’est dans son cabinet paré qu’il rassemble ce qu’il a de tableaux et de curiosités ; son arrière cabinet contient ses livres, son bureau et c’est là qu’il peut recevoir en particulier à la faveur des dégagements qui l’environnent, des personnes de distinction qui demandent de la préférence ; un autre lui sert de presse papiers ; c’est là que sont conservés sous sa main et en sûreté, ses titres, ses contrats, son argent ; enfin il y en a un destiné à lui servir de garde robe et à contenir des lieux à soupape (Encyclopédie),

17tantôt commerciales : « se dit aussi d’une espèce d’honeste boutique où les curieux gardent, vendent et troquent toutes sortes de curiosités, de pièces antiques, de médailles, de tableaux, de coquilles et autres raretés de la nature et de l’art » (Furetière). Richelet précise les termes utilisés dans le cas de cabinets de curiosités spécialisés – « petit lieu orné de tableaux. Vitruve appelle ce cabinet Pinacotheca. Endroit où l’on met toutes sortes de médailles et de curiositez. Ce cabinet est appelé Cimelium » – en même temps qu’il donne des exemples : « le nom de Monsieur Jabach subsistera longtemps dans la curiosité. Mariette, Description du cabinet de Monsieur Crozat ».

18Il est donc clair qu’à l’époque moderne le terme de collection n’est que rarement employé, mais que la pratique des collections existe et a entraîné la spécialisation d’un certain nombre de pièces dans les domiciles des catégories sociales les plus aisées. Le terme devient courant au xixe siècle et s’élargit d’abord aux collections scientifiques (Littré), puis à n’importe quels types d’objets – « elles se composent des matières les plus variées ainsi que des curiosités du monde entier » (Grande Encyclopédie) –, selon un modèle qui, dit-on, se serait mis en place au xviiie siècle. On distingue alors les collections publiques rassemblées dans les musées, les collections princières qui figurent dans leurs galeries et celles qui, ayant une importance moindre, sont placées dans les cabinets des amateurs. Au xxe siècle, l’évolution du terme est consacrée. Selon le classique Petit Larousse, collectionner, c’est « recueillir des objets ayant un rapport entre eux ». Le Grand Larousse encyclopédique du xxe siècle ajoute deux notions supplémentaires, celles de classement et d’objectif : « réunion d’objets rassemblés et classés pour l’instruction, le plaisir, l’utilité ».

  • 41 M. Figeac, La douceur des Lumières…, op. cit., p. 204.
  • 42 AN, MC LXXV/103, 30 mai 1659.
  • 43 AN, MC XVI/458, 7 août 1654.
  • 44 A. Schnapper, Curieux du Grand siècle…, op. cit., p. 49.
  • 45 Ibid., p. 157.
  • 46 Ibid., p. 350.
  • 47 Ibid., p. 190.
  • 48 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 111.
  • 49 P. Mauriès, Cabinets de curiosités, op. cit., p. 95 et 93.
  • 50 AN, MC II/208, 18 novembre 1658.
  • 51 AN, MC V/103, 25 octobre 1647.
  • 52 Recueil d’ouvrages curieux de mathématique et de mécanique ou description du cabinet de M. Grolier (...)
  • 53 P. Mauriès, Cabinets de curiosités, op. cit., p. 119.
  • 54 Nicole Lemaître, « Les collections de bonnes bouteilles à la fin de l’Ancien Régime », in La France (...)
  • 55 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 51.
  • 56 C. Lassale, « La maison de Jean-François Séguier », art. cit., p. 126.
  • 57 Gérard Bruyère, « Lyon romain retrouvé », in Roland Étienne, Jean-Claude Mossière, dir., Jacob Spon (...)
  • 58 C. Lassale, « La maison de Jean-François Séguier », loc. cit.
  • 59 A. Schnapper, Curieux du Grand siècle…, op. cit., p. 39.
  • 60 M. Figeac, La douceur des Lumières…, op. cit., p. 205.
  • 61 P. Mauriès, Cabinets de curiosités, op. cit., p. 105, 86-89, 92-93.
  • 62 C. Lassale, « La maison de Jean-François Séguier », art. cit., p. 135.

19L’étude du vocabulaire permet de cerner la tâche de l’historien des collections. Il semble indispensable d’élargir les investigations, de ne pas penser qu’à la préciosité, de confronter le nombre d’objets à leur usage, d’examiner les lieux où ils sont et la manière dont ils sont rangés. Il y aurait lieu de rechercher tous les objets possédés dans une quantité supérieure aux besoins ordinaires de la vie quotidienne, aussi saugrenue que puisse en paraître la possession. Ainsi des dix cafetières, sept chocolatières, treize théières, douze pots à chocolat et quatre pots à thé du château guyennais du duc d’Aiguillon41, des vingt-quatre coquilles de mer d’Étienne Macquart42 et des objets religieux qu’entasse Jean Collot dans sa demeure43. Parmi les objets d’art, on portera attention aux porcelaines (« la seule curiosité des Conti » en 1709, selon A. Schnapper44), aux émaux (collectionnés par le chancelier Séguier), aux cristaux (rassemblés par son épouse45), aux objets en laque, souvent chinois (la passion de Philippe d’Orléans46), aux cabinets et tables incrustés de pierres dures (qui attirent beaucoup Mazarin47). Dans les habitations, on veillera aux armes, dont on se demande souvent pourquoi elles figurent en si grand nombre dans les inventaires, aux instruments de musique (très nombreux chez Pierre Trichet48), aux visages de cire (ainsi ceux de Frédéric VI de Danemark et de son camarade d’enfance49), aux instruments servant aux opérations scientifiques (tels la boussole de cuivre de Germain Rolland50 et les instruments de mathématiques de Claude Midorge51) ou les machines résultant de leurs applications, comme les maquettes de machines de siège, les horloges, les mouvements perpétuels, les curiosités optiques, mécaniques ou relevant de la simple adresse du Lyonnais Nicolas Grolier de Servières52, ou les automates comme ceux de Ferdinand II53. On ira, à l’instar de Nicole Lemaître, jusque dans les caves relever les collections de bouteilles de vin54. On aura garde de ne pas négliger les jardins, dont certains sont ornés de nombreuses plantes (en 1677, John Locke en signale un, à Paris, qui compte 2 600 orangers55) et d’autres de plantes rares venues d’ailleurs (ainsi des « graines d’onagra et des oignons de safran » de Jean-François Séguier56). Certains collectionneurs y placent également des monuments ou des inscriptions antiques : à Lyon, Claude Bellièvre dispose un portique et des inscriptions dans celui de sa maison du bas du Gourguillon ; complété par ses successeurs Nicolas de Langes, Balthazar de Villard et Guillaume de Sève, il devient le Jardin des Antiques dans lequel on peut voir vingt-deux inscriptions parsemées dans les clos, servant à soutenir des pots de fleurs ou engagées dans les murailles57. Il en va de même de Jean-François Séguier, qui écrit à M. de Saint-Vincent : « je viens d’aménager un jardin. Dans un bâtiment que j’y ai fait construire, j’ai placé de nombreuses inscriptions antiques ; j’en ai rangé d’autres dans le jardin58 ». D’autres y disposent des statues, dont certaines peuvent aussi être antiques, à l’instar du jardin parisien de La Vrillière où se trouvent l’Hercule Commode, Antinoüs et Vénus et Adonis59. On s’intéressera aussi à toutes indications relatives à la faune vivante (ainsi des deux cents oiseaux qui piaillent dans la volière de la salle à manger du château de la duchesse d’Aiguillon60), morte et conservée de manière variée (ainsi des petits mammifères, des batraciens et des serpents enfermés dans des bocaux par Levin Vincent, ou des coquillages des Médicis et des coraux de Ferdinand II61) ou fossile (comme la « quantité immense de pétrifications, surtout de poissons de toutes grandeurs » de Jean-François Séguier62). Il est impossible d’être exhaustif en la matière, tous objets pouvant être collectionnés.

  • 63 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 106.
  • 64 Ibid., p. 167.
  • 65 Simone Legay, Un milieu socio-professionnel : les libraires lyonnais au xviie siècle, thèse sous la (...)
  • 66 Isabelle Richefort, Peintre à Paris au xviie siècle, Paris, Imago, 1998, p. 199-202.
  • 67 Ibid., p. 195-199.
  • 68 Jean Chatelus, Peindre à Paris au xviiie siècle, Nîmes, Jacqueline Chambon, 1991, p. 17-54.
  • 69 Jean Guillemain, « Succès et déclin de la “science des médailles” à Lyon, à la fin du xviie siècle  (...)
  • 70 Ibid., p. 123-124.
  • 71 A. Schnapper, Curieux du Grand siècle…, op. cit., p. 384.
  • 72 Ibid., p. 199.
  • 73 Ibid., p. 159.
  • 74 J.-C. Mossière, « Le voyage en Orient et le livre d’Athènes », in R. Étienne, J.-C. Mossière, dir., (...)

20En second lieu, il faudrait s’attacher à la vie des collections. S’interroger d’abord sur leurs origines. S’agit-il de biens hérités ? Et qu’en a-t-on fait ? Les a-t-on laissés en état, accrus par strates successives ou rénovés entièrement ? En cas d’objets nouveaux, s’agit-il de dons (comme Peiresc recevant du cardinal Barberini « la plante du vray Papyrus63 » ou, de Rubens, cinquante-six empreintes de pierres64) ou d’achats ? Auprès de qui se font les acquisitions ? Chez des marchands installés dans des boutiques – ainsi des libraires lyonnais décrits par Simone Legay65 ou les marchands de tableaux présentés par Isabelle Richefort66 ? Directement dans les boutiques des maîtres peintres qui y sont autorisés ou clandestinement auprès des autres67 ? Intervient-on dans les ventes aux enchères qui ont lieu après les inventaires ou au moment d’une faillite pour acheter quelques livres, quelques tableaux ou autres ensembles ? Comment connaît-on le marché ? Par les annonces publiées dans la presse par les artistes, les amateurs ou les vendeurs, par les expositions particulières organisées dans les ateliers, comme le signale Jean Chatelus pour le xviiie siècle68 ? Par des informations que s’échangent les collectionneurs ? Charles Patin envoie ainsi le catalogue illustré de sa collection de médailles à Philippe-Sylvestre Dufour ; trois mois plus tard, ce dernier lui demande des médailles d’or69. Peut-être n’achète-t-on pas soi-même les objets et utilise-t-on les services d’intermédiaires ? Charles Patin demande souvent à Jacob Spon de rechercher pour lui des « morceaux friands qui seraient pour sa bouche70 », et quand Pointel part à Rome, en 1655, le duc de Créqui lui remet 1 000 écus pour lui acheter des tableaux71. Quelle place occupent les transactions directes entre les collectionneurs ? Achète-t-on des pièces séparées ou des collections entières, comme Loménie de Brienne qui acquiert en 1660 le médailler de Rascas de Bagarris72 – ce qui est évidemment plus avantageux financièrement pour l’acheteur : « quand on achette les médailles une à une, on les paye ce qu’elles valent, et lorsqu’on les revend tout à la fois, elles n’ont toutes qu’un même prix », dit l’abbé de Camps en 172073 ? Quelle est l’importance des vols, de ceux qui dépouillent une nation – tels que les pratiquent dès 1613 le comte d’Arundel et les collectionneurs anglais transportant en Angleterre des statues et des reliefs des Cyclades74 – ou celui qui n’atteint que des particuliers ?

  • 75 O. Zeller, « L’architecte et le relieur… », art. cit., p. 85-88.
  • 76 P. Mauriès, Cabinets de curiosités, op. cit., p. 32-33.
  • 77 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 392.
  • 78 P. Mauriès, Cabinets de curiosités, op. cit., page de couverture.
  • 79 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 395-398.
  • 80 Francesco Solinas, dir., I segreti di un collezionista. Le straordinarie raccolte de Cassiano dal P (...)
  • 81 Bernadette Py, Everhard Jabach collectionneur (1618-1695) : les dessins de l’inventaire de 1695, Pa (...)
  • 82 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 162.
  • 83 C. Lassale, « La maison de Jean-François Séguier », art. cit., p. 135.
  • 84 Ibid., p. 159-164.
  • 85 B. Py, Everhard Jabach collectionneur (1618-1695)…, op. cit., p. 16.

21La collection commencée, il est nécessaire de la ranger si le collectionneur ne veut pas qu’elle le submerge. Il convient d’être très attentif à la manière dont sont placés les objets. Sont-ils dans une pièce à part ou dispersés dans l’habitation ? En 1779, François-Pierre-Suzanne Brac aménage un local réservé à ses livres, qu’il fait relier différemment selon les types d’ouvrage75. Sont-ils simplement disposés sur des meubles, comme le montre le tableau représentant la Kunstkammer de Johann Paulus Dimpfel, riche bourgeois de Regensburg, en 166876, enfermés dans des cabinets ou des armoires qui les rendent invisibles (ainsi du cabinet de mirabilia illustrant Les œuvres de Jacques et Paul Contant77), placés dans des vitrines qui permettent de les apprécier comme dans le Leverian Museum de sir Ashton Lever à Londres78, ou en partie disposés à la vue de tous et en partie cachés, comme le montrent les diverses vues du cabinet de Sainte-Geneviève79 ? Dans ces pièces ou meubles spécifiques, les objets sont-ils classés ? Rien de tel dans la Kunstkammer de Dimpfel, où un crâne humain voisine avec des coquillages et un globe terrestre et un crucifix avec des livres, un manuscrit, un encrier, une branche de corail, un coquillage, une horloge et un petit buste. En revanche, le musée de l’apothicaire Ferrato Imperato à Naples, à la fin du xvie siècle, atteste une volonté de ne pas tout mélanger. Les poissons et les coquillages sont au plafond et sur une partie du mur dans lequel s’ouvre la fenêtre ; les livres sont placés sur des rayonnages le long du mur gauche ; la vaisselle antique et l’orfèvrerie sont rangées dans des placards, au bas du mur droit, alors que sa partie haute recèle des volatiles naturalisés, et sa partie médiane des cabinets renfermant sans doute des médailles et autres objets précieux80. A fortiori en est-il ainsi des collections de sir Ashton Lever. Chaque alcôve est réservée à des animaux différents : aux coquillages des deux premières succèdent les oiseaux des deux secondes, puis de gros mammifères au fond. Existe-t-il des meubles spécifiques pour chaque type de pièce ? Des portefeuilles ou des volumes contiennent les dessins d’Everhard Jabach81 et des médaillers avec tiroirs rassemblent monnaies, jetons et médailles chez Colbert82. Chez Jean-François Séguier, l’armoire de noyer à corniche plate renfermant sa collection a été conservée : des tablettes intérieures coulissant dans deux séries parallèles de soixante encoches permettent de contenir plus de 6 000 monnaies83. À l’intérieur des meubles et autres contenants, les objets sont-ils seulement rangés ou classés ? Et selon quels principes s’effectue la classification ? Pour les monnaies, faut-il retenir les « têtes et effigies » plutôt que les revers, les métaux, les dimensions, l’origine géographique, comme Jean Pellerin le recommande vers 1760, ou l’époque de leur émission, comme le propose Eckhel à la fin du xviiie siècle84 ? Les portefeuilles de Jabach regroupent les dessins selon les origines géographiques de leurs auteurs (dans le second sont des dessins d’ordonnance des écoles de Venise, Lombardie et Florence ; dans le quatrième, ceux des écoles d’Allemagne et de Flandre), les écoles (de Raphaël dans le premier, de Carache dans le troisième), les sujets (dessins de têtes, figures, esquisses, animaux, fleurs, vases, vaisseaux, vues et villes, architectures et autres ornements dans le cinquième)85. Si chaque collectionneur adopte sa propre classification, certaines finissent par s’imposer, surtout si les objets doivent être exposés.

  • 86 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 292.
  • 87 Ibid., p. 197.
  • 88 Ibid., p. 296.
  • 89 Daniel Dessert, « Pouvoir et finance au xviie siècle : la fortune du cardinal Mazarin », Revue d’hi (...)
  • 90 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 211.
  • 91 Ibid., p. 290.

22L’évolution de la collection doit aussi être considérée. Certaines ne cessent de croître durant toute la vie du collectionneur, ainsi celle de Roger de Gaignières durant cinquante ans86. D’autres décroissent pour des raisons familiales, affectives ou financières – Achille de Harlay vend quatre boîtes de pierres gravées au roi en 167387. Le moment le plus sensible est évidemment le décès du collectionneur. Nombre d’entre eux, à l’instar de Gaignières qui « serait fâché qu’après luy ils fussent dispersez et tombassent en différentes mains88 », se soucient de l’avenir de leurs collections et envisagent diverses solutions, en particulier la donation au roi, comme Mazarin89. Rares cependant sont celles qui échappent à la dispersion. En 1635, la totalité du cabinet Desneux disparaît ainsi avec le reste de ses meubles90. Il en va de même chez Nicolas Boucot : les curiosités sont dispersées à l’amiable et la bibliothèque, comprenant 18 000 volumes et 70 000 estampes, est cataloguée avant d’être vendue91.

  • 92 J. Chatelus, Peindre à Paris au xviiie siècle, op. cit., p. 287-288.
  • 93 Cité par A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 200.
  • 94 Ibid., p. 288.
  • 95 Ibid., p. 173.
  • 96 Ibid., p. 201.
  • 97 F. Bayard, « La vie de Jacob Spon (1647-1685) », in R. Étienne, J.-C. Mossière, dir., Jacob Spon…, (...)
  • 98 Ibid., p. 32.
  • 99 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 219.
  • 100 Ibid., p. 209-210.

23La vie des collections est intimement liée à celle de leurs propriétaires, qu’il convient de présenter autrement que par leur appartenance sociologique et leur fortune. On distingue alors des fous et des sages, des constants et des inconstants, des spécialistes et des généralistes, des anciens et des modernes, des altruistes et des égoïstes, et tout un milieu se révèle. Les premiers s’abandonnent à leur passion de posséder : « J’ai toujours mis mon plus grand plaisir à posséder un grand nombre de tableaux curieux », déclare le comte de Tessin. Il s’y est « attaché avec volupté ». Ce plaisir est insatiable : il achète d’un coup une tabatière peinte par Massé, un portrait d’Oudry, un tableau de Boucher, un autre de Chardin, un troisième de Carle van Loo et plusieurs dessins de Lancret. Il confine à la maladie : après avoir vendu une première fois sa collection de tableaux à Catherine II, Tronchin « se disait guéri de la manie des tableaux ». Mais, dit Grimm, « il y a des maladies dont le redoublement vous prend quand vous y pensez le moins. Ainsi Tronchin qui n’est pas médecin et qui n’est que malade a-t-il aujourd’hui un cabinet plus nombreux et tout aussi précieux que le premier ; tant qu’il vivra, il achètera des tableaux ». Le comte de Tessin parle même de folie : « de vous dire mes autres folies irait à l’infini92 ». Elle dévore tout et peut ruiner l’amateur : Charles Patin acquiert la suite impériale de moyen bronze de Loménie de Brienne, « bien que son prix excedat ce qu’une personne de ma condition pouvoit employer en ces sortes de divertissemens… je me suis laissé emporter à cette belle ambition d’acquérir le plus beau cabinet du monde, en cette espèce de curiosité93 ». La collectionnite induit une multitude de pratiques. Pour accroître sa collection, on peut acheter de nouveaux objets. Il faut alors localiser la pièce que l’on souhaite et surveiller les agissements de son propriétaire. Le décès du célèbre collectionneur Randon de Boisset est salué par François Metra par une phrase significative : « Voilà de terribles tentations pour les amateurs94 ». Les collectionneurs s’informent entre eux des objets qui sont en circulation sur le marché : en 1632, Peiresc décrit à Claude Ménestrier les deux sarcophages égyptiens qui sont arrivés à Marseille et dont les marchands demandent 1 500 pistoles95. Ils se rencontrent fréquemment : au milieu du xviie siècle, les médaillistes de Paris se réunissent chez Pierre Seguin tous les mercredis96. Ils n’hésitent pas à se déplacer pour chercher des pièces inédites : après un long périple qui l’a conduit jusqu’en Anatolie (octobre 1674 – juillet 1676), Jacob Spon revient avec 50 manuscrits et plus de 600 médailles et en ayant copié plus de 2 000 inscriptions grecques et latines97. Tous les moyens sont bons pour obtenir ce que l’on convoite : Charles Patin introduit des livres prohibés, est donc condamné aux galères à perpétuité et s’enfuit de France pour échapper à sa peine98 ; Valnay décrit un collectionneur de fleurs volant des graines d’anémones rares99. On peut aussi échanger des pièces entre collectionneurs : en 1609, Claude Ménestrier donne une médaille d’argent moderne de Maximilien à Pierre de L’Estoile, lequel lui remet une médaille de bronze100.

  • 101 J. Chatelus, Peindre à Paris au xviiie siècle, op. cit., p. 289.

24À l’inverse, d’autres collectionneurs savent s’arrêter et construisent une collection adaptée à leurs moyens financiers. Un amateur d’art de 84 ans s’explique dans le Journal de Paris, en 1780 : « en homme sage, il n’a sacrifié à ses goûts que l’argent destiné à ses plaisirs ». Son « cabinet est formé depuis 20 ans car [il se garderait] bien de l’augmenter dans ce moment-ci […] les amateurs dont le nombre s’est prodigieusement accru depuis quelque temps ont mis le feu partout101 ».

  • 102 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 203-204.
  • 103 Ibid., p. 210.
  • 104 Id., Curieux du Grand siècle…, op. cit., p. 370.

25Les troisièmes n’arrêtent jamais de collectionner les mêmes objets. C’est le cas de l’érudit auvergnat Louis Chaduc qui se passionne pour la poésie et l’Antiquité, amasse une bibliothèque et des médailles, puis se rend à Rome, d’où il rapporte de nombreux manuscrits, des médailles, des marbres antiques et plus de 2 000 pierres gravées102. À l’inverse, les quatrièmes, après s’être entichés de tels ou tels objets acquis en grande quantité, changent d’avis. Gaut collectionne d’abord les petites antiquités, puis se passionne pour les plantes et se déleste de ses gravures, vases, tasses et têtes antiques103. Seignelay vend autant qu’il achète, ce qui donne à sa collection un aspect très fluctuant104.

  • 105 Ibid., p. 240.
  • 106 Ibid., p. 135.
  • 107 Id., Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 9.

26Les cinquièmes, assez rares, ne s’intéressent qu’à un ou deux types d’objets ou à un thème particulier : chez les Passart, 62 des 111 tableaux dont les sujets sont identifiables sont des paysages105. Les sixièmes, qui sont les plus nombreux, possèdent des collections très diverses : celle de l’abbé de Saint-Ambroise comprend des livres, des tableaux de pierres dures, des gravures, des bronzes, des statuettes et des peintures106. La forme la plus aboutie de ce type de collection est le cabinet de curiosités, où prennent place des objets de la terre, des mers et des airs ou des trois règnes, minéral, végétal et animal, à côté des productions de l’homme107, des naturalia et des artificialia.

  • 108 F. Bayard, M.-F. Pérez, « Des hommes aux œuvres : les collections des financiers français du xviie  (...)
  • 109 A. Schnapper, Curieux du Grand siècle…, op. cit., p. 362.

27Les septièmes ne s’intéressent qu’à des pièces anciennes ou traditionnelles – ainsi Abel Servient dont la collection de tableaux montre une prédilection pour l’art du xvie siècle108 –, tandis que les huitièmes, à l’instar de Condé achetant des porcelaines et des tableaux hollandais lors de son séjour aux Pays-Bas au service des Espagnols109, sont naturellement portés vers l’art de leur temps.

  • 110 M. Cubells, La Provence des Lumières…, op. cit., p. 325.
  • 111 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 303.
  • 112 C. Lassale, « La maison de Jean-François Séguier », art. cit., p. 135-137.
  • 113 Roland Schaer, dir., Tous les savoirs du monde : encyclopédies et bibliothèques, de Sumer au xxie s (...)
  • 114 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 195-196.
  • 115 B. Py, Everhard Jabach…, op. cit., p. 18.
  • 116 J. Chatelus, Peindre à Paris au xviiie siècle, op. cit., p. 289.
  • 117 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 197.

28Les neuvièmes désirent partager leur passion avec d’autres. Les parlementaires aixois font visiter leurs galeries de tableaux à leurs amis110. Nicolas Chevalier, marchand libraire et médailliste qui s’est réfugié aux Provinces-Unies après la révocation de l’édit de Nantes, ouvre chaque jour son cabinet au public moyennant un droit d’entrée111. Lorsqu’il fait construire sa maison à Nîmes à partir de 1770, Jean-François Séguier aménage les trois pièces du rez-de-chaussée, conçu comme un ensemble indépendant, pour y exposer ses collections qui sont ouvertes au public. L’étiquetage, la constitution de catalogues et la présentation permettent aux visiteurs de mieux appréhender les minéraux, les fossiles et les plantes. Certains échantillons de minéraux, découpés et polis, sont collés sur de petites tablettes en carton paginées d’une lettre de l’alphabet et accompagnés d’étiquettes les définissant ; d’autres, également polis, d’une dimension comprise entre 15 et 30 centimètres, sont montés dans des cadres en bois ; les plantes sont fixées au moyen de petites bandes de papier et de gomme au milieu d’une feuille de papier fort ; leur nom est écrit au bas de la feuille avec des citations des meilleurs auteurs en la matière. Le collectionneur est ravi d’accueillir les visiteurs venus parfois de fort loin et de leur présenter ses objets, voire les monuments antiques de la ville, en leur consacrant parfois plus d’une journée112. Une gravure représentant la Wunderkammer de Leoni Vincent montre de nombreux visiteurs, dont certains sont vêtus à la mode orientale, étudiant des objets disposés dans des bocaux, sur les murs et sur de longues tables113. Parmi les interlocuteurs privilégiés des collectionneurs se trouve leur famille. Certains sont désireux de communiquer leur passion à leurs enfants et y parviennent ; ainsi Henri I de Mesmes avec Henri II, ou Jacques-Auguste de Thou dont la bibliothèque reste dans la famille de 1575 à 1680114, ou Everhard V, fils aîné de Jabach, et son fils Gerhard Michael, qui ont conservé sa collection d’estampes115. En revanche, les derniers ne pensent qu’à leur plaisir personnel : « toujours entraîné par l’estime de l’ouvrage en lui-même, par mon propre sentiment et celui des artistes éclairés, j’achète pour le plaisir de posséder des chefs-d’œuvre, d’en jouir en promenant sur eux mes regards satisfaits et de les conserver avec le plus grand soin », dit le vieil amateur des arts116. Un tel plaisir ne se partage pas. Rien d’étonnant alors à ce que certains enfants – tel Achille III de Harlay117 – vendent la collection de leur père immédiatement après leur décès.

  • 118 Ibid., p. 292.

29Aussi est-il nécessaire, en dernier lieu, d’observer les relations de chaque collectionneur, car elles permettent d’appréhender l’ampleur et la diversité des réseaux de collectionneurs. Roger de Gaignières correspond ainsi avec le maréchal et Madame de Noailles, la marquise d’Huxelles, Madame de Montespan, le marquis de Coulanges, de nombreux évêques ou archevêques, des érudits (dont des bénédictins) et des collectionneurs comme Lamoignon, Bégon et Foucault118. On observera alors jusqu’à quel point la passion des collectionneurs bouleverse les relations sociales ordinaires.

30La réponse à ces quelques questions – non exhaustives naturellement – permettrait de donner des collections un aspect moins sélectif et moins figé, et de tracer des collectionneurs des portraits vivants, au lieu des images glacées que livrent les inventaires. Encore faut-il trouver les sources adaptées à ces interrogations.

De quelques autres sources

31Elles existent et sont très variées. À défaut de pouvoir et vouloir toutes les présenter, j’insisterai particulièrement sur quelques-unes d’entre elles en soulignant leur intérêt pour les objectifs recherchés.

  • 119 AD Rhône, BP 2847, 13 juillet 1665.
  • 120 Roland Schaer, dir., Tous les savoirs du monde, op. cit., nos 112 et 106 ; B. Py publie le catalogu (...)
  • 121 Roland Schaer, dir., Tous les savoirs du monde, op. cit., n° 53.
  • 122 Chez Jacques Faeton, 1673. Voir le commentaire qu’en font M.-F. Pérez et J. Guillemain, « Curieux e (...)
  • 123 Henry Sauval, 3 vol., 1724.
  • 124 O. Zeller, « L’architecte et le relieur… », art. cit., p. 82-85.
  • 125 AN, MC XCVIII/334, 17 mars 1698.
  • 126 J. Chatelus en donne des exemples dans Peindre à Paris au xviiie siècle, op. cit., p. 18-55.

32Pour retrouver toute l’ampleur des collections, il n’est, en premier lieu, qu’à bien lire les inventaires après décès. On peut aussi la retrouver dans l’apposition ou la levée des scellés, par exemple ceux qui sont mis lors de sa faillite sur les biens de René Bais à Lyon119. Elle peut également apparaître dans les catalogues imprimés au moment de la vente des collections ; ainsi du Catalogue raisonné des tableaux, estampes, coquilles et autres curiosités après le décès de Feu M. Dezallier d’Argenville effectué par Pierre Rémy en 1766, et du Catalogue d’une collection de très belles coquilles à vendre en totalité120. Certains collectionneurs publient eux-mêmes leur collection, à l’instar du médecin Paul Borel, qui fait paraître à Castres les Antiquitez, raretez, plantes, minéraux et autres choses considérables de la ville et comté de Castres d’Albigeois et des lieux qui sont à ses environs avec l’histoire de ses comtes, evêques, etc… et les rôles des principaux cabinets et autres raretés d’Europe comme aussi le catalogue des choses rares de Maître Paul Borel121. Certains guides de villes – ainsi la Recherche des Antiquités et curiosités de la ville de Lyon de Jacob Spon122 ou l’Histoire et recherche des antiquités de la Ville de Paris de Sauval123 – incluent une liste des cabinets de la cité qu’ils décrivent et dont ils précisent les principales caractéristiques. Certains collectionneurs, tels François Brac124 ou Barthélemy Mascranny125, éprouvent également le besoin de faire des inventaires manuscrits de leurs cabinets ou de leurs bibliothèques. On peut les découvrir soit dans les archives notariées ou judiciaires lorsque se règle une succession, soit dans les archives privées restées dans les familles ou déposées dans les dépôts publics. Il faut aussi penser à la presse, où les collectionneurs avertissent des ventes de tout ou partie de leur collection126.

  • 127 Journal intime de l’abbé Mulot, bibliothécaire et grand-prieur de l’abbaye de Saint-Victor (1777-17 (...)
  • 128 Voir l’utilisation qu’en fait N. Coquery, L’hôtel aristocratique…, op. cit., p. 32-85.
  • 129 I. Richefort, Peintre à Paris au xviie siècle, op. cit., p. 107.
  • 130 Ibid., p. 203.
  • 131 Ibid., p. 145.

33De nombreuses sources autorisent la reconstitution de la vie d’une collection. Les livres-journaux tenus par les amateurs – parfois publiés comme ceux de l’abbé Mulot et de Papillon de La Ferté127, le plus souvent restés à l’état de manuscrits –, qui servent à leurs auteurs à réguler leurs finances et leur vie et qu’on retrouve dans les archives familiales, peuvent mentionner les achats, ventes ou échanges réalisés au long ou durant une partie de leur existence. Les papiers de familles peuvent aussi receler des factures ou des demandes de paiement attestant l’intensité, la fréquence et la valeur des achats128. Les dossiers de faillite d’artisans et de commerçants, surtout si leur activité concerne l’art et les curiosités, permettent aussi de retrouver les achats des collectionneurs, de même que les papiers recensés lors des inventaires établis après les décès de ces mêmes vendeurs. Enfin, certains actes notariés sont des commandes. Celles que passe Sully avec les peintres Antoine de Laval, Jacques Bunel, Toussaint du Breuil, concernent des tableaux à réaliser au Louvre et aux Tuileries entre 1601 et 1607129. Celles que concluent Marie de Médicis en 1625 et Gaston d’Orléans en 1630, avec Vignon, ont trait à l’achat, en Italie, de tableaux, d’objets d’art et de statues antiques130. Certaines peuvent même s’accompagner de prix-faits décrivant les œuvres à effectuer, voire de la figure de ce qu’il faut réaliser – ainsi du dessin présenté par Antoine Ricart à Charles Coquerel, en 1644, pour la décoration peinte d’une chapelle dans l’église de Bourdonnay131. Les partages entre les héritiers, que l’on retrouve généralement chez les notaires, permettent de connaître le destin des collections, de même que les ventes aux enchères, qui apparaissent généralement dans les archives judiciaires.

  • 132 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 205-206.
  • 133 Les correspondants de Peiresc, éd. par Philippe Tamizey de Larroque, 10 vol., 1879-1897, complété p (...)
  • 134 Par exemple AD Rhône, BP 2900, 21 mars 1685, plainte déposée en raison d’un coup d’épée donné dans (...)

34Quant aux pratiques et aux attitudes des collectionneurs, outre ce que l’on en peut déjà percevoir à travers les sources précédentes, il est possible de les cerner dans leurs mémoires, dans leurs œuvres – par exemple le Discours sur les médailles antiques de l’architecte Louis Savot132 –, dans leur correspondance – ainsi celle de Nicolas-Claude Fabri de Peiresc133 –, dans la presse où s’expriment quelques collectionneurs, et dans les archives judiciaires où l’on trouve des vols et des dégradations d’objets d’art et d’argenterie134.

35Ces quelques sources déjà connues et utilisées pour d’autres objets permettent de compléter les informations des inventaires après décès et de leur donner plus de profondeur. On s’en servira d’abord pour individualiser les collections et les collectionneurs. Il n’est pas impossible non plus, au moins pour certaines d’entre elles, de les juxtaposer pour cerner des types de pratiques et de conduites dont on pourrait s’apercevoir qu’elles peuvent être indépendantes de la sociologie des propriétaires de curiosités, même si cette donnée a son importance.

36Au total, la remise en cause de la principale source utilisée jusqu’à aujourd’hui pour retrouver des collections et des collectionneurs, et surtout de ses modes d’appréhension et de mise en forme en histoire sociale et culturelle, aboutit non pas à un rejet de cette source, mais à sa meilleure utilisation, à l’élargissement des perspectives grâce à d’autres documents et à d’autres approches que les seules considérations économiques et sociales.

Notes

1 Françoise Bayard, « En France, à l’époque moderne, quelles sources pour quels collectionneurs ? », Le regardeur. Association des Amis du Musée d’Art Contemporain et du Musée des Beaux-Arts de Nîmes, n° 3, 2008, p. 4-9.

2 Annik Pardailhé-Galabrun, La naissance de l’intime : 3 000 foyers parisiens, xviie-xviiie siècles, Paris, Presses universitaires de France, 1988, p. 380. Pour elle, une collection existe quand il y a 50 tableaux et que l’on fait appel à des experts.

3 Antoine Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe. Collections et collectionneurs dans la France du xviie siècle, I, Histoire et histoire naturelle, Paris, Flammarion, 1988, p. 9.

4 Patrick Mauriès, Cabinets de curiosités, Paris, Gallimard, 2002. Celui de Jacques de La Fonds comprend un vase de coquille, un œuf d’autruche, un poisson de mer, des coquillages et « un morceau que l’on dit être de pied d’élan » (Archives nationales [désormais : AN], Minutier central [désormais : MC] XC/2576, 6 avril 1679).

5 Ainsi s’explique la constitution de collections de porte-clés, d’étiquettes de bouteilles de vin, de boîtes de fromages ou de cartes de téléphone, objets qui, en eux-mêmes, n’ont aucune valeur.

6 Jean-Marc Moriceau, Les fermiers de l’Île-de-France. xve-xviiie siècle, Paris, Fayard, 1994, p. 756.

7 Philippe Rosset, Les officiers du bureau des finances de Lille (1691-1790), Genève, Librairie Droz, 1991, p. 170.

8 Michel Figeac, La douceur des Lumières. Noblesse et art de vivre en Guyenne au xviiie siècle, Bordeaux, Mollat, 2001, p. 238.

9 Monique Cubells, La Provence des Lumières. Les parlementaires d’Aix au xviiie siècle, Paris, Maloine, 1984, p. 334-346.

10 M. Figeac, La douceur des Lumières…, op. cit., p. 216-227.

11 A. Schnapper, Curieux du Grand siècle. Collections et collectionneurs dans la France du xviie siècle, II, Œuvres d’art, Paris, Flammarion, 1994, p. 365.

12 F. Bayard, « Les collections des échevins et des prévôts des marchands de Lyon dans la première moitié du xviie siècle », in Mécènes et collectionneurs [actes du 121e Congrès des sociétés historiques et scientifiques, Nice, 1996, Section d’histoire moderne et contemporaine et d’archéologie et d’histoire de l’art], t. 2, Lyon et le midi de la France, Paris, Éd. du CTHS, 1999, p. 23-35, à la p. 28.

13 Daniel Roche, La culture des apparences. Une histoire du vêtement xviie-xviiie siècles, Paris, Fayard, 1989.

14 Archives départementales du Rhône [désormais : AD Rhône], BP 2274, 17 août 1780.

15 M. Figeac, La douceur des Lumières…, op. cit., p. 212.

16 Natacha Coquery, L’hôtel aristocratique. Le marché du luxe à Paris au xviiie siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 1998, p. 126.

17 Henri-Jean Martin, « Livres et société », in Roger Chartier, Henri-Jean Martin, dir., Histoire de l’édition française, I, Le livre conquérant. Du Moyen Âge au milieu du xviie siècle, Paris, Promodis, 1982, p. 663-670, à la p. 668.

18 Anne Béroujon, « Les collections privées de livres à Lyon au xviiie siècle », in Mécènes et collectionneurs, op. cit., p. 63-77, à la p. 71 ; Ead., Les écrits à Lyon au xviie siècle. Espaces, échanges, identités, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2009, p. 311-435.

19 A. Schnapper, Curieux du Grand siècle…, op. cit., p. 137.

20 AN, MC XVI/457, 25 septembre 1654.

21 M. Cubells, La Provence des Lumières…, op. cit., p. 325.

22 Il n’est d’ailleurs pas certain que le terme soit utilisé dans le sens où on l’emploie dans le reste de la France : à Lyon, on désigne aussi ainsi le passage couvert, mais généralement à l’air libre, qui permet, à tous les étages, de passer du corps de bâtiment donnant sur la rue à celui qui, au fond d’une parcelle, a été construit sur la cour.

23 F. Bayard, « Les collections des échevins et des prévôts des marchands de Lyon… », art. cit., p. 29.

24 Olivier Zeller, « L’architecte et le relieur, la bibliothèque de l’échevin lyonnais François-Pierre-Suzanne Brac (1725-1800) », in Mécènes et collectionneurs, op. cit., p. 79-90.

25 Ibid., p. 81.

26 Maurice Garden, « Les inventaires après décès : source globale de l’histoire sociale lyonnaise ou juxtaposition de monographies familiales », Cahiers d’histoire, 12, 1967, p. 153-173.

27 A. Schnapper, Curieux du Grand siècle…, op. cit., p. 222-223.

28 André Lespagnol, Messieurs de Saint-Malo. Une élite négociante au temps de Louis XIV, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1996, p. 736.

29 En 1652, l’Histoire de Loth de Véronèse vaut 200 livres, le Voyage de Jacob de Benedeto, 300 livres, la Madeleine de Sarrazin, 60 livres, la Vierge de Poussin, 60 livres, les deux Bacchanales du même peintre, 800 livres, et Saint Jacques, 100 livres. En 1660, les mêmes tableaux sont respectivement estimés à 250, 500, 150, 500, 1 600 et 400 livres. AN, MC LXXV/109, 30 décembre 1652 ; 2 octobre 1660.

30 Cité par A. Schnapper (Curieux du Grand siècle…, op. cit., p. 75), d’après E. Bonnaffé.

31 AN, MC LI/640, 11 novembre 1688.

32 AN, MC XC/188, 9 février 1623 ; CXIII/15, 2 décembre 1642.

33 Christiane Lassale, « La maison de Jean-François Séguier », in Mécènes et collectionneurs, op. cit., p. 121-142.

34 Isabelle Aristide, La fortune de Sully, Paris, Comité d’histoire économique et financière de la France, [1990], p. 94 et 161.

35 A. Schnapper y a renoncé : « Ce genre de difficulté interdit le traitement statistique des curieux », écrit-il dans Curieux du Grand siècle…, op. cit., p. 11.

36 AN, V 103, 25 octobre 1647.

37 M. Figeac, La douceur des Lumières…, op. cit., p. 232-237.

38 N. Coquery, L’hôtel aristocratique…, op. cit., p. 35-47.

39 Consulté dans ses éditions de 1694 et 1718.

40 C’est nous qui soulignons.

41 M. Figeac, La douceur des Lumières…, op. cit., p. 204.

42 AN, MC LXXV/103, 30 mai 1659.

43 AN, MC XVI/458, 7 août 1654.

44 A. Schnapper, Curieux du Grand siècle…, op. cit., p. 49.

45 Ibid., p. 157.

46 Ibid., p. 350.

47 Ibid., p. 190.

48 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 111.

49 P. Mauriès, Cabinets de curiosités, op. cit., p. 95 et 93.

50 AN, MC II/208, 18 novembre 1658.

51 AN, MC V/103, 25 octobre 1647.

52 Recueil d’ouvrages curieux de mathématique et de mécanique ou description du cabinet de M. Grolier de Servières avec des figures, Lyon, David Forey, 1719.

53 P. Mauriès, Cabinets de curiosités, op. cit., p. 119.

54 Nicole Lemaître, « Les collections de bonnes bouteilles à la fin de l’Ancien Régime », in La France d’Ancien Régime. Études réunies en l’honneur de Pierre Goubert, t. 2, Toulouse, Privat, 1984, p. 381-389.

55 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 51.

56 C. Lassale, « La maison de Jean-François Séguier », art. cit., p. 126.

57 Gérard Bruyère, « Lyon romain retrouvé », in Roland Étienne, Jean-Claude Mossière, dir., Jacob Spon : un humaniste lyonnais du xviie siècle [catalogue d’exposition, Gypsothèque de l’université Lumière Lyon 2], Lyon, Bibliothèque Salomon-Reinach / Paris, Éditions de Boccard, 1993, p. 87-120.

58 C. Lassale, « La maison de Jean-François Séguier », loc. cit.

59 A. Schnapper, Curieux du Grand siècle…, op. cit., p. 39.

60 M. Figeac, La douceur des Lumières…, op. cit., p. 205.

61 P. Mauriès, Cabinets de curiosités, op. cit., p. 105, 86-89, 92-93.

62 C. Lassale, « La maison de Jean-François Séguier », art. cit., p. 135.

63 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 106.

64 Ibid., p. 167.

65 Simone Legay, Un milieu socio-professionnel : les libraires lyonnais au xviie siècle, thèse sous la direction de F. Bayard, Université Lumière Lyon 2, 1995.

66 Isabelle Richefort, Peintre à Paris au xviie siècle, Paris, Imago, 1998, p. 199-202.

67 Ibid., p. 195-199.

68 Jean Chatelus, Peindre à Paris au xviiie siècle, Nîmes, Jacqueline Chambon, 1991, p. 17-54.

69 Jean Guillemain, « Succès et déclin de la “science des médailles” à Lyon, à la fin du xviie siècle », in R. Étienne, J.-C. Mossière, dir., Jacob Spon…, op. cit., p. 121-126, à la p. 123.

70 Ibid., p. 123-124.

71 A. Schnapper, Curieux du Grand siècle…, op. cit., p. 384.

72 Ibid., p. 199.

73 Ibid., p. 159.

74 J.-C. Mossière, « Le voyage en Orient et le livre d’Athènes », in R. Étienne, J.-C. Mossière, dir., Jacob Spon…, op. cit., p. 209-228, à la p. 215.

75 O. Zeller, « L’architecte et le relieur… », art. cit., p. 85-88.

76 P. Mauriès, Cabinets de curiosités, op. cit., p. 32-33.

77 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 392.

78 P. Mauriès, Cabinets de curiosités, op. cit., page de couverture.

79 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 395-398.

80 Francesco Solinas, dir., I segreti di un collezionista. Le straordinarie raccolte de Cassiano dal Pozzo 1588-1657 [catalogue de l’exposition du Palais Barberini, 29 septembre – 26 novembre 2000], Rome, De Luca, 2000.

81 Bernadette Py, Everhard Jabach collectionneur (1618-1695) : les dessins de l’inventaire de 1695, Paris, Réunion des musées nationaux, 2002, p. 15.

82 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 162.

83 C. Lassale, « La maison de Jean-François Séguier », art. cit., p. 135.

84 Ibid., p. 159-164.

85 B. Py, Everhard Jabach collectionneur (1618-1695)…, op. cit., p. 16.

86 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 292.

87 Ibid., p. 197.

88 Ibid., p. 296.

89 Daniel Dessert, « Pouvoir et finance au xviie siècle : la fortune du cardinal Mazarin », Revue d’histoire moderne et contemporaine, XXIII, 1976, p. 161-181.

90 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 211.

91 Ibid., p. 290.

92 J. Chatelus, Peindre à Paris au xviiie siècle, op. cit., p. 287-288.

93 Cité par A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 200.

94 Ibid., p. 288.

95 Ibid., p. 173.

96 Ibid., p. 201.

97 F. Bayard, « La vie de Jacob Spon (1647-1685) », in R. Étienne, J.-C. Mossière, dir., Jacob Spon…, op. cit., p. 31-37, aux p. 34-35.

98 Ibid., p. 32.

99 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 219.

100 Ibid., p. 209-210.

101 J. Chatelus, Peindre à Paris au xviiie siècle, op. cit., p. 289.

102 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 203-204.

103 Ibid., p. 210.

104 Id., Curieux du Grand siècle…, op. cit., p. 370.

105 Ibid., p. 240.

106 Ibid., p. 135.

107 Id., Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 9.

108 F. Bayard, M.-F. Pérez, « Des hommes aux œuvres : les collections des financiers français du xviie siècle », Cahiers d’histoire, 35, 1990, p. 227-247, à la p. 241.

109 A. Schnapper, Curieux du Grand siècle…, op. cit., p. 362.

110 M. Cubells, La Provence des Lumières…, op. cit., p. 325.

111 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 303.

112 C. Lassale, « La maison de Jean-François Séguier », art. cit., p. 135-137.

113 Roland Schaer, dir., Tous les savoirs du monde : encyclopédies et bibliothèques, de Sumer au xxie siècle [catalogue d’exposition, Paris, Bibliothèque nationale de France], Paris, Bibliothèque nationale de France / Flammarion, 1996, n° 377.

114 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 195-196.

115 B. Py, Everhard Jabach…, op. cit., p. 18.

116 J. Chatelus, Peindre à Paris au xviiie siècle, op. cit., p. 289.

117 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 197.

118 Ibid., p. 292.

119 AD Rhône, BP 2847, 13 juillet 1665.

120 Roland Schaer, dir., Tous les savoirs du monde, op. cit., nos 112 et 106 ; B. Py publie le catalogue de la vente après décès de Gerhard Michael Jabach, le 16 octobre 1763, et la liste des catalogues de vente dont elle s’est servie pour dresser le catalogue des dessins de l’inventaire de 1695 (Everhard Jabach…, op. cit., p. 289-303 et 322-323).

121 Roland Schaer, dir., Tous les savoirs du monde, op. cit., n° 53.

122 Chez Jacques Faeton, 1673. Voir le commentaire qu’en font M.-F. Pérez et J. Guillemain, « Curieux et collectionneurs à Lyon d’après le texte de Spon », in R. Étienne, J.-C. Mossière, dir., Jacob Spon…, op. cit., p. 39-50.

123 Henry Sauval, 3 vol., 1724.

124 O. Zeller, « L’architecte et le relieur… », art. cit., p. 82-85.

125 AN, MC XCVIII/334, 17 mars 1698.

126 J. Chatelus en donne des exemples dans Peindre à Paris au xviiie siècle, op. cit., p. 18-55.

127 Journal intime de l’abbé Mulot, bibliothécaire et grand-prieur de l’abbaye de Saint-Victor (1777-1782), publié par Maurice Tourneux, Paris / Nogent-le-Rotrou, Daupeley-Gouverneur, 1902 ; Journal de Papillon de la Ferté, intendant et contrôleur de l’argenterie, menus plaisirs et affaires de la chambre du roi (1756-1780), publié par Ernest Boysse, Paris, Ollendorff, 1887.

128 Voir l’utilisation qu’en fait N. Coquery, L’hôtel aristocratique…, op. cit., p. 32-85.

129 I. Richefort, Peintre à Paris au xviie siècle, op. cit., p. 107.

130 Ibid., p. 203.

131 Ibid., p. 145.

132 A. Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe…, op. cit., p. 205-206.

133 Les correspondants de Peiresc, éd. par Philippe Tamizey de Larroque, 10 vol., 1879-1897, complété par Lettres à divers, éd. par Raymond Lebègue, Paris, Éditions du CNRS, 1985.

134 Par exemple AD Rhône, BP 2900, 21 mars 1685, plainte déposée en raison d’un coup d’épée donné dans un tableau de prix représentant une Madeleine ; BP 2992, 12 et 13 juin 1722, plainte pour un tableau abîmé ; BP 2984, 7 juin 1721, vol de vaisselle d’or et d’argent.

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