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À la foire d’empoigne

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Judicaël Petrowiste

Deuxième partie. Approche structurelle du système commercial d’Aunis-Saintonge au Moyen-Âge

Texte intégral

1Le maillage des places de foires et marchés répondait à certaines logiques structurelles dans son organisation même, souvent déterminées d’ailleurs par la conjoncture politique et économique. Au niveau de la topographie, d’abord, les assemblées commerciales ne s’installent pas n’importe où dans le bourg qu’ils animent. Entre l’an mil et les années 1150, les conditions même de la naissance du marché et de son organisation font qu’il se tient à proximité de ces points sûrs. En plein essor commercial du XIIIe siècle le marché, notamment avec le mouvement de construction des halles, tend à s’installer dans des sites plus commodes, près d’une voie fréquentée ou sur un emplacement spacieux. Ce sont ces derniers sites qui ont été utilisés régulièrement, souvent jusqu’à nos jours, une fois la parenthèse de la guerre de Cent ans et le processus de « recastralisation » du marché qu’elle entraîna, refermée. Cette question de la topographie du marché est également indissociable de celle des infrastructures commerciales (halles, bancs). De manière plus générale, le maillage des assemblées commerciales est aussi déterminé par divers facteurs, qui expliquent la concentration de celles-ci dans certaines régions de l’Aunis-Saintonge. Routes, voies fluviales et proximité des pôles moteurs du dynamisme commercial, par exemple, jouent un rôle certain dans l’activité et la situation des foires et marchés, mais il faudra en souligner d’autres. Parallèlement se dessinent également des aires d’influence et une répartition raisonnée des assemblées, dans une logique de réseau par laquelle chaque site, selon la date de tenue de ses foires, détermine l’organisation du site voisin. L’importance, dans ce contexte, du calendrier des assemblées commerciales est à prendre en compte. Le réseau de places marchandes s’est en effet établi en composant entre les impératifs d’une économie prioritairement agraire, et parfois spéculative (viticulture aunisienne), et les héritages sociaux qui font de la foire une véritable fête paroissiale. Et c’est l’obéissance à ces impératifs structurels qui détermina le bon fonctionnement de l’ensemble du système commercial.

I. La migration du marché : topographie du commerce local de 1000 à 1550

Des marchés sous protection : marchés castraux et ecclésiaux (1000-1150)

  • 1 Cartulaire de l’abbaye de Baigne, éd. abbé Cholet, p. 201.
  • 2 R.S.A. anc., t. XIV, p. 138, note.
  • 3 La société laïque dans les pays de la Charente, Xe-XIIe siècle, op. cit.
  • 4 Cf infra, première partie, chapitre I, 1,p. 75-79.
  • 5 « quidam nobilissimus episcopus Petragoricae urbis, nomine et Arnaldo, divina inspiratione (...)
  • 6 La topographie actuelle de la ville conserve la « place de l’ancienne halle ». Le premier (...)
  • 7 « Chartes saintongeaises de l’abbaye de la Couronne », éd. P. de Fleury, A.H.S.A. t. VII, (...)
  • 8 « Recueil des documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la chancelleri (...)
  • 9 Recueil des plans de Saintonge, feuille 54.
  • 10 Recueil des plans d’Aunis et de Poictou, feuille 29.
  • 11 M.-E. Gardel, Cabaret, histoire et archéologie d’un castrum, Carcassone 1999, p. 76, où il (...)
  • 12 R. Britnell, « Les marchés hebdomadaires dans les îles britanniques avant 1200 », Foires e (...)
  • 13 J. Heers, La ville au Moyen Âge en Occident, p. 163.

2La naissance des foires et marchés autour des années 1000 s’est faite, on l’a vu, de manière étroitement liée avec le système féodal. Il n’est donc pas étonnant que, comme symbole du pouvoir banal seigneurial étendu sur toute la châtellenie, le marché se tienne régulièrement auprès du château, centre de la juridiction seigneuriale. C’est notamment le cas dans le bourg castral de Montausier : en 1075- 1080, Arnaud, fils du comte d’Angoulême et « princeps castri Monteauserii », donne à l’abbaye de Baigne ses droits de « vendicionem in foro venalium rerum, de omnibus rebus quecumque empta vel vendita fuerint in dominio »1. Nous sommes bien en présence ici d’un marché castral, qui se tient probablement dans la basse-cour du château de Montausier, et est placé sous la dépendance étroite de ce dernier. Le site de tenue, par nature étriqué, explique que le marché partage, en 1497, sa halle avec le bourg voisin de Baigne, plus important2. Il est destiné aux tenanciers du dominium du prince et à l’écoulement des produits de son cellier. La pauvreté des sources antérieures au XIIIe siècle empêche de véritablement mesurer l’importance d’un phénomène qui dut être considérablement répandu en Saintonge, où l’organisation du peuplement et des pouvoirs, et donc de l’économie, se fait en fonction des bourgs castraux, ainsi que l’a souligné André Debord3. L’on a noté en effet que d’importants centres seigneuriaux comme Surgères, Aulnay, Archiac, Barbezieux, Royan, étaient tous dotés d’assemblées commerciales avant le XIIe siècle, qui relevaient probablement du modèle précédent4. À Cognac vers 1016, le marché, au pied du castrum, était ainsi placé sous la tutelle protectrice du château du comte d’Angoulême5, tandis que les halles furent au XIIIe siècle réalisées dans la proximité immédiate de ce dernier6. De la même manière, quand en 1192-1194 le comte d’Angoulême Adémar donne à l’abbaye de la Couronne tous ses droits sur le mesurage d’Archiac ainsi qu’un terrain où construire le minage, il choisit celui-ci « apud idem castrum de Archiaco »7. D’ailleurs cette topographie du marché castral, répondant en partie à des logiques symboliques féodales ainsi qu’à des préoccupation sécuritaires encore valables après la guerre de Cent ans, se perpétua souvent sous la forme d’héritages au long du Moyen Âge. À Saint-Thomas-de-Cosnac, par exemple, où des foires et un marché sont établis en 14738, les assemblées furent installées dans la basse-cour de l’ancienne motte castrale où le château était toujours en place, site qu’a fossilisé la halle présente sur le plan de Claude Masse de 17089. Cette permanence du lien entre château et assemblée commerciale dans la topographie était encore perceptible à Surgères au début du XVIIIe siècle, où les foires se tenaient sur une esplanade située devant les murs et douves du château10. L’existence de marchés castraux n’est cependant pas une spécificité saintongeaise ; l’on retrouve ceux-ci partout où un peuplement et ses activités ont été organisés à partir de points fortifiés. C’est par exemple le cas dans le Midi de l’incastellamento11, dans l’Angleterre de la conquête normande12, ou dans l’Allemagne du « drang nach Osten » et de la colonisation des territoires slaves13. L’on peut effectivement noter, avec Jacques Heers, que le marché naît « à l’ombre des châteaux et des églises ».

  • 14 Le droit d’asile d’une église s’attachait au bâtiment, à l’autel, et à l’atrium, un espace (...)
  • 15 « Le problème des marchés locaux en Picardie », Foires et marchés dans les campagnes de l’ (...)
  • 16 Cartulaires inédits de la Saintonge, éd. de l’abbé Th. Grasilier, t. II, « Cartulaire de l (...)
  • 17 Ibid., t. I, « Cartulaire de l’abbaye Saint-Étienne de Vaux, chartes du prieuré de Notre-D (...)
  • 18 Ch. Dangibeaud, « Saintes ancienne », R.S.A. anc. t. XXVI, 1906, p. 34 et 253.
  • 19 Ainsi à Tonnay-Boutonne en 1243 (venda scannorum, « Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. (...)
  • 20 « Registres de l’échevinage de Saint-Jean-d’Angély », éd. Denys d’Aussy, A.H.S.A. t. XXIV, (...)
  • 21 Il est intéressant de noter que le marché de Saintes fut déplacé au XIXe siècle à proximit (...)
  • 22 Le marché et les foires de Saint-Jean bénéficiaient au XIe siècle du droit d’asile de l’ab (...)
  • 23 J. Heers, La ville au Moyen Âge en Occident, p. 164-174, souligne lui aussi cette fréquenc (...)
  • 24 Voir le plan cadastral napoléonien de cette commune, qui indique encore le site de la viei (...)
  • 25 « Cartulaire de l’abbaye Saint-Étienne de Vaux », op. cit., p. 132 (1236).
  • 26 Grand cartulaire de la Sauve-Majeure, éd. A. Higounet-Nadal, t. I, p. 479 : « Helias [de D (...)
  • 27 « Cartulaire du prieuré de Notre-Dame de Barbezieux », éd. de La Martinière, A.H.S.A. t. X (...)
  • 28 « Chartes saintongeaises de l’abbaye de la Couronne », op. cit., p. 82-83, bail par le cha (...)
  • 29 A.N., P 5531, n° 11. Transcription et communication de M. J.-C. Bonnin.
  • 30 A.D. 17, H 76, p. 29 et 5. Un mémoire de 1770 confirme ce document (A.N., QI 129, 3e cahie (...)

3Ces dernières sont effectivement un autre pôle d’attraction du marché médiéval originel. La mise en place des structures féodales en Aunis-Saintonge comme dans le reste de l’Occident médiéval, avec l’usurpation des pouvoirs militaires et administratifs par les seigneurs locaux qu’elle entraîne, crée un contexte de profonde instabilité. De nombreux témoignages autour de l’an mil témoignent de la recrudescence des violences perpétuées par les laïcs. Il est donc logique que les marchés aient cherché la protection des aires garanties des atteintes seigneuriales par la Paix de Dieu autour de l’église et dans son cimetière14. D’autant que cet espace sacré permettait aussi de garantir le contrat, tacite ou non, supposé par l’échange commercial. Ainsi que le note Robert Fossier, lors du choix de l’emplacement du marché dans un bourg, la plupart du temps « c’est probablement dans l’atrium [ « l’espace d’asile de la paroisse »] où règne la Paix qu’auront lieu les échanges ; on y maniera l’argent cela est vrai, mais le serment y aura tout son prix »15. Le marché ecclésial ou cimitérial semble effectivement avoir constitué la forme topographique la plus courante du XIe siècle, voire aussi des siècles postérieurs, en Saintonge. La proximité topographique du marché et de l’église se retrouve notamment dans les principales villes de Saintonge. À Saintes, au milieu du XIIe siècle, est ainsi évoquée une « platea Sancti Petri ad scanna »16. L’abbé Grasilier, qui n’hésitait pas à traduire scanna par halle17, fut corrigé par Charles Dangibeaud qui estimait pour sa part que le terme désignait une place des changes, en soulignant le contenu de cette charte, parmi plusieurs autres, relative au change des monnaies18. Scanna, ici, ne peut certes pas désigner une halle, les premières de celles-ci n’apparaissant en Centre-Ouest que vers 1150 à Poitiers, et un siècle plus tard à Saintes. De manière générale, scanna, qui se retrouve régulièrement dans nos sources, désigne à chaque fois une infrastructure commerciale plus légère, que l’on peut traduire par bancs19. Il semble donc que cette place était celle du marché de Saintes, ce qui n’est d’ailleurs pas exclusif de l’explication de Charles Dangibeaud. Le commerce des foires et marchés était en effet souvent lié à l’activité des changeurs, qui y trouvaient l’occasion de se livrer à leurs activités. À Saint-Jean-d’Angély par exemple, le canton des changes est situé à proximité de l’emplacement des bancs du marché, d’après les nombreuses indications que livrent les registres de l’échevinage des XIVe et XVe siècles20. La place des bancs de Saintes était située, comme son nom l’indique, près de la cathédrale Saint-Pierre, sans doute sur son parvis même21. Le marché de Saint-Jean-d’Angély, également, était avant le XIIIe siècle installé aux abords immédiats du monastère qui avait été à l’origine de la ville, sur le canton des Changes, au nord-est de l’enclos de l’abbaye et près de la grande boucherie. Il est possible qu’il ait connu déjà un déménagement par rapport à son site initial, mais il répond néanmoins à un critère de localisation dont l’objectif principal est la proximité avec la principale église du bourg et l’immunité qu’elle garantit22. Fréquents dans les grandes villes23, les marchés ecclésiaux sont également très présents dans les bourgs ruraux, peut-être moins sécurisés que ces dernières (a fortiori si, comme Saintes, celles-ci sont dotées de remparts). À Saujon, par exemple, la construction de la halle au XVe siècle paraît avoir fossilisé jusqu’au début du XXe siècle l’emplacement du marché originel24. S’il est mentionné pour la première fois au début du XIIIe siècle25, sa topographie démontre qu’il remonte à l’époque que nous décrivons ici. Celui-ci se tenait en effet sur le parvis de l’église, à six ou sept mètres du portail, donc dans l’espace d’asile paroissial. Le marché Saint-Vincent de Royan semble également, à la fin du XIe siècle, être établi près de cette chapelle, au profit de son desservant26. Entre 1083 et 1106 sont aussi évoqués les « duobus mercatis que sunt ad ecclesiam Sancte Marie ultra Ne constituta », qui sont en fait des foires se tenant le jour anniversaire de la dédicace de l’église et le jour de la fête patronale, sainte Marie-Madeleine. Ici, la dépendance topographique des assemblées commerciales envers l’église s’accompagne même d’une subordination dans le calendrier des foires27. Les cas sont donc nombreux de marchés ecclésiaux qui continuent d’être attestés jusqu’à la fin du Moyen Âge, s’expliquant désormais plus par le conservatisme du site que par un souci sécuritaire dans un contexte de Paix de Dieu. À Arvert en 1258, un document signale par exemple que le marché se tenait autrefois dans un ménil appartenant à l’église paroissiale, certainement proche de celle-ci puisqu’il jouxte la demeure d’un ancien prêtre28. L’aveu et dénombrement de la baronnie de Châtelaillon mentionne aussi, en 1401, « le cense des denrées et autres chouses qui sont vendues, revendues ou eschangées chascun an le jour de Saint-Georges ou en autre temps en chemins publiques ou autres lieux près de la chappelle Saint Georges de Périgné »29. Il en va de même à Marennes, où le marché ancien se situait dans la proximité immédiate de l’église Saint-Pierre. Il est en effet signalé dans les divers documents réunis par une enquête du XVIIe siècle qu’au début du XVe siècle, avant la destruction de la halle pour fortifier l’église, et le transfert consécutif du marché place des Aires, « lad. dame [abbesse de Saintes] avoit sa halle ou queheue bastie proche l’église ». La même enquête rapporte d’ailleurs une ancienne baillette faite par l’abbesse « au nommé du Cimetière, de la maison en laquelle estoit cy-devant sa halle et ses prisons, située près l’église »30. Le patronyme du tenancier, même s’il n’est pas forcément signifiant (rien n’indique qu’il vit encore près du cimetière), permet peut-être également de souligner un lien, structurel là encore dans les marchés médiévaux, entre assemblées, église et cimetière.

  • 31 « Cartulaire de Saint-Étienne de Vaux », op. cit., p. 38, Carta Sancti Augustini. La trans (...)
  • 32 C’est ce qu’indique un accord entre Saint-Vivien de Saintes et son prieuré de Saint-Pierre (...)
  • 33 A.N., JJ 78 n° 216, f° 174 r°.
  • 34 Correspondance administrative d’Alphonse de Poitiers, éd. A. Molinier, t. I, p. 743 : « (. (...)
  • 35 Enquêtes administratives d’alphonse de Poitiers, éd. P.-F. Fournier et P. Guébin, p. 85 §  (...)
  • 36 Le concile de Rouen de 1231 interdit de bâtir des constructions dans les cimetières, et le (...)
  • 37 « Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. A. Bardonnet, op. cit. p. 130-131 (1246) : « pro h (...)
  • 38 Comptes de l’Angoumois sous la domination royale (1376-1378), éd. C. Poitou, p. 55 : « Du (...)
  • 39 A.N., P 5561, n° 701 (1528).
  • 40 A.N., P 5551, n° 525 bis (1508) et B.M.L.R., ms. 116 (Mi 106) p. 590.
  • 41 « Cartulaire saintongeais de la Trinité de Vendôme », éd. Ch. Métais, A.H.S.A. t. XXII, p. (...)
  • 42 C. Masse évoque « le cimetière de Saint-Jean où se tenoit autrefois le marché » (Recueil d (...)
  • 43 M. Seguin, « Un épisode des ‘amusements de Xainctonge’ : Agrippa d’Aubigné et le combat de (...)

4Le cimetière représente en effet un autre espace protégé par la législation conciliaire. De plus, en ces temps où la pratique du notariat disparue n’assurait plus la garantie de respect du contrat conclu, le marché passé sur les tombes des ancêtres, devenant presque sacré, offrait une garantie spirituelle au respect de la transaction. C’est ainsi qu’en 1235, quand les frères Benedicti vendirent à l’abbé de Vaux tout ce qu’ils possédaient en la paroisse de Saint-Augustin, le marché fut conclu dans le cimetière31. Si la tenue d’assemblées dans les cimetières remonte aux origines du système commercial féodal du XIe siècle, la plupart des mentions qui révèlent ce phénomène sont postérieures, alors que l’Église tentait d’imposer sa prohibition (XIIIe-XIVe siècles). Le cimetière de Saint-Pierre de Royan abritait ainsi une foire les jours de fête du saint et des marchés les dimanches depuis au moins 117432. Dès 1177, Giffard de Tonnay, seigneur de Didonne, reconnaît n’avoir aucun droit sur Saint-Pierre puisque « ecclesia Sancti Petri de Royano et cemeterium non sunt de feodo suo neque de feodo dominorum de Didonnia sed sunt de alaudio Petri de Didonnia et generi sui (...) et nundino quo sunt ibi in festivitatus Sancti Petri sunt de dominio et justiciâ prioris Sancti Viviani Xanctonensis ». Le lien entre assemblées commerciales et cimetière de Saint-Pierre est encore plus explicite dans l’arbitrage de l’évêque de Saintes en 1266, qui règle le conflit entre religieux et seigneurs de Royan pour la possession des foires. Il y est dit que « super mercato taliter ordinamus quod neque prior neque nobilis predicti diebus dominicis mercatum bladi habeant vel teneant apud Royanum sive in cimiterio aut extra ». Par contre, les religieux pourront vendre « licite diebus dominicis in dicto cimiterio et non alibi » les instruments nécessaires aux moissons et vendanges entre la saint Jean-Baptiste et la saint Michel. De la même manière, cet accord prévoit « quod si dies in quibus consueverunt celebrare nundine in cimiterio Sancti Petri predicti eveniant die dominica, nundine predicte ad crastinum mutentur »33. D’autres témoignages contemporains mentionnent des phénomènes similaires. C’est notamment le cas à Saint-Jammes, en 1269, où pendant une foire un religieux est blessé dans le cimetière après une dispute avec un marchand34. L’on va parfois même jusqu’à bâtir dans le cimetière une halle destinée à abriter les foires qui s’y tiennent. C’est le cas à Frontenay, où la halle fut bâtie à l’époque du comte de la Marche Hugues de Lusignan, qui possède la ville jusqu’en 1242. Les religieux possédant le cimetière avaient obtenu du comte en compensation une dîme de six sous, grâce à l’intervention de l’évêque de Saintes35. Malgré les interdits pesant au XIIIe siècle sur le commerce dans les cimetières36, Alphonse de Poitiers, qui avait hérité de cette halle en confisquant les possessions saintongeaises des Lusignan, continua d’en percevoir les revenus et y fit même des réparations37. De fait, les interdits n’eurent qu’un impact tout relatif, puisqu’au XIVe siècle encore, la foire de la saint Nicolas d’hiver, à Cognac, se tenait dans un cimetière38. Ce dernier pouvait également être utilisé pour la perception des cens seigneuriaux : c’est ainsi « dedans le cymetière de Sainct Ouen le jour et feste sainct Barthelemy que le sire de la Sausaie perçoit ses sens, rentes, droiz et devoirs nobles (…) deubz led. jour aud. lieu »39. Il est éloquent que la saint Barthélémy soit par ailleurs la date de tenue de la foire de Saint Ouen40 : un lien étroit était tissé entre foire, cimetière, et perception des droits seigneuriaux, ce qui renvoie à ce que nous notions, à propos des origines des assemblées commerciales au XIe siècle, sur leur rapport structurel avec le système féodal. Cette diffusion des foires et marchés dans les cimetières fut certainement importante en Saintonge, puisque l’on en trouve des traces du nord au sud de celle-ci, ainsi que dans la province voisine du Poitou41. Elle perdura même durablement : l’on retrouve encore à l’époque moderne des mentions de marchés se tenant dans des cimetières à La Rochelle42 et à Jonzac43.

  • 44 La société laïque dans les pays de la Charente…, op. cit., p. 438. Les bourgs nés autour d (...)
  • 45 Cette vocation du bourg comme débouché banal à l’économie seigneuriale explique les problè (...)

5La topographie du marché répondait donc fidèlement aux enjeux sociaux du temps. Les assemblées des bourgs castraux étaient étroitement subordonnées au château, reflétant ainsi la dépendance des tenanciers envers leur seigneur, mais aussi celle de l’activité du marché envers le cellier seigneurial. L’attraction topographique fondamentale paraît cependant être celle de l’aire d’asile de l’église et de son enclos cimitérial, ce qui n’est certainement pas uniquement lié à une documentation d’abord ecclésiastique, mais aussi à un rôle social et économique réel que nos sources suggèrent. L’on trouve en effet de nombreuses traces de marchés ecclésiaux, parfois même jusqu’à des époques proches de la nôtre. Cette question de la topographie originelle de la foire et du marché est d’ailleurs primordiale puisque, comme l’a relevé André Debord, les assemblées commerciales font en partie le bourg44, et fournissent à la fois un lieu d’exercice des prérogatives seigneuriales banales, et un moyen d’écoulement des surplus venus des rentes en nature45. C’est cette première logique topographique qui, sous le poids de l’essor économique et commercial, cède la place dans les sites les plus actifs à une nouvelle donne à partir du milieu du XIIe siècle. Le souci de la situation la plus efficace en termes de fréquentation marchande l’emporte désormais sur la dimension sécuritaire.

Le temps de l’émancipation topographique (vers 1150-1340)

  • 46 P. de Fleury, « Chartes saintongeaises de l’Abbaye de la Couronne », op. cit., p. 141 : un (...)
  • 47 Rotuli chartarum… éd. Th. Duffus Hardy, p. 180.
  • 48 Il s’agit de la place des Petits-Bancs actuelle, qui est située près de la tour de la Gros (...)
  • 49 « Chartes et documents poitevins en langue vulgaire, t. I », éd. M.-S. La Du, A.H.P. t. LV (...)
  • 50 C. Masse, Recueil des plans de La Rochelle, feuille 7.

6L’espace nécessaire à des foires et marchés dont la fréquentation est en plein essor n’est pas la seule raison du changement des sites de tenue que l’on observe à partir du milieu du XIIe siècle. Le contexte politique a lui aussi changé. Désormais placée sous l’obéissance du roi d’Angleterre, héritier par Aliénor des droits du duc d’Aquitaine, l’Aunis-Saintonge connaît une relative pacification. La turbulente noblesse locale a certes encore devant elle au moins un siècle de liberté, grâce à l’éloignement des Plantagenêt et à l’incurie de certains d’entre eux (Jean sans Terre, Henri III), mais elle a pris conscience des nouvelles limites à ne pas franchir avec la destruction de la puissance des Châtelaillon au début des années 1130 par le duc d’Aquitaine, malgré l’ampleur des possessions et du réseau d’alliance de cette famille. Quant aux nombreux troubles de la seconde moitié du XIIe siècle, ils sont causés par le ralliement des seigneurs poitevins, derrière l’hégémonie des Lusignan, à la révolte des princes angevins contre leur père. À part l’intermède des années 1204-1224, au cours duquel les ligues féodales s’en prennent plus particulièrement aux communes fortifiées, et la campagne éclair de 1242 qui marque la fin des agitations seigneuriales jusqu’à la guerre de Cent ans, les marchés n’ont plus à craindre les agressions laïques, et ils délaissent peu à peu l’ancienne protection du marché ou de l’église. Dès 1159, le marché d’Archiac se tient ainsi extra castrum46. Le sens de castrum est ici, comme souvent, ambigu : il paraît désigner dans notre charte le château, mais il arrive dans d’autres documents qu’il caractérise un village fortifié. Quoi qu’il en soit, alors que le minage, on l’a vu au chapitre précédent, est inclu au castrum à la fin du XIIe siècle, le marché est clairement à l’écart de celui-ci. La nouvelle logique topographique est également à l’œuvre dans la ville neuve de La Rochelle. La place, fortifiée dès le milieu du XIIe siècle, n’a pas eu besoin de protéger ses marchés qui se sont installés dans les sites les plus favorables à leur activité. La poissonnerie, dès 1208, est mentionnée sur la place qu’elle occupa jusqu’à la fin de l’Ancien Régime47, à proximité du port qui la ravitaillait, avec lequelle elle communiquait par une porte ouverte dans le mur isolant la ville et le bassin. Les bancs du change sont également implantés juste en arrière de ce mur, près d’une autre porte donnant accès aux navires, par où arrivaient les marchands étrangers fréquentant la place48. La boucherie est installée dès le début du XIIIe siècle49 près de la porte Mauléon50, traversée par la Grande rue des Marchands (actuelle rue des Merciers) qui forme, comme son nom l’indique, une des principales artères commerçantes de la ville. L’on perçoit bien, à travers l’exemple rochelais, l’un des facteurs clés des nouvelles logiques topographiques des institutions d’échanges : le positionnement sur les pôles et axes commerciaux moteurs. C’est ce dernier phénomène que va systématiser le mouvement de construction des halles marchandes à partir de la seconde moitié du XIIIe siècle.

  • 51 Cf supra, première partie, chapitre II, p. 95-97.
  • 52 Les foires de Saint-Jammes sont l’archétype même de ce modèle : elles se tiennent dans un (...)
  • 53 « Réclamations par Foulques de Matha (...) de ses droits sur la ville de Saintes, et répon (...)
  • 54 Masse, Recueil des plans de Saintonge, feuille 8.
  • 55 A.N., P 584, n° 8, où un aveu mentionne en 1363 « la rue par ou l’en vait des petiz bancz (...)
  • 56 Études, documents et extraits relatifs à la ville de Saintes, op. cit., p. 192. Il est alo (...)
  • 57 « Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. A. Bardonnet, op. cit., p. 112-113 : « victualibus (...)
  • 58 « A. Barbot, Histoire de La Rochelle, t. I », éd. Denys d’Aussy, A.H.S.A. t. XIV, p. 214. (...)
  • 59 A. Giry, Les Établissements de Rouen..., t. I, p. 293, rapporte une enquête réalisée après (...)
  • 60 Voir notamment les « Registres de l’échevinage de Saint-Jean-d’Angély », op. cit., qui men (...)
  • 61 Enquêtes administratives..., op. cit. p. 139.
  • 62 « Documents extraits des registres du Trésor des Chartes relatifs à l’histoire de la Saint (...)
  • 63 Voir le plan de la ville médiévale donnée par R. Favreau dans Cognac, cité marchande. Urba (...)
  • 64 A. Debord, La société laïque dans les pays de la Charente…, op. cit. p. 441.
  • 65 Ce minage est indiqué sur le plan de Claude Masse de 1714 (Recueil des plans de Saintonge, (...)
  • 66 C. Masse, Recueil des plans d’Aunis et de Poictou, feuille 34. La topographie de la halle, (...)
  • 67 C. Masse, Recueil des plans d’Aunis et de Poictou, feuille 27. Là encore, la continuité de (...)
  • 68 Cozes, plan cadastral de 1833.
  • 69 « Cartulaire de l’abbaye Saint-Étienne de Vaux », op. cit., p. 109 et 111.
  • 70 « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », éd. G. Tortat, A.H.S.A. t. XXIX, p. 121
  • 71 « Les comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. G. Musset, R.C.A.M. t. XIV, 1897-1898, p. 110- (...)
  • 72 Correspondance administrative d’Alphonse de Poitiers, op. cit., t. II p. 430-431 : « Seur (...)
  • 73 Cf supra, p. 107-108, nos précisions sur les infrastructures du commerce local rochelais.
  • 74 Correspondance administrative d’Alphonse de Poitiers, op. cit., t. I, p. 69-71.

7Celui-ci, qui concerne les principaux sites commerciaux d’Aunis-Saintonge51, a été l’occasion d’installer les assemblées dans les emplacements les plus efficaces pour le commerce, ou de sanctionner une implantation préalable du champ de foire sur ces endroits. Car le mouvement de transfert des foires et marchés vers des lieux où ils pouvaient disposer de plus de place et de la proximité d’axes de passage52, s’il a été dynamisé par la construction des halles, paraît, au moins dans les principaux sites, antérieur de quelques décennies à l’édification des bâtiments. La plupart du temps, ce transfert provoqua une scission entre place du marché et foirail. À Saintes, la halle fut construite par Alphonse de Poitiers au milieu du XIIIe siècle. Il négligea apparemment de prendre en compte les intérêts du seigneur de Matha, qui possédait la moitié de tous les droits commerciaux perçus sur la ville, notamment sur « une place voyde et vacant or l’on solet vendre beus et vaches et autres meublages »53. Ce champ de foire était situé sur un axe important de la ville, reliant les portes Aiguière et de l’Évêque, et correspondant à peu près au decumanus antique, sur lequel venait se greffer quelques mètres après la halle l’autre grand axe urbain venant du pont de la Charente54. Le marché, qui avait quitté le parvis de la cathédrale sans doute trop étriqué, s’était d’ailleurs établi à proximité de ce dernier axe (actuelle rue Victor Hugo) avant le XIVe siècle55, où il se tint jusqu’en 157256. Il débordait sur le pont de la Charente voisin, profitant du passage de la foule par cette unique voie d’accès à la ville de la rive droite de la Charente les jours d’assemblées commerciales57. Le commerce sur ce point de transit privilégié n’a rien d’étonnant : on le retrouve à La Rochelle en 1370, où c’est sur le pont de Saint-Sauveur « où se vendoient lors les moucles »58. Les mêmes principes prévalent à Saint-Jean-d’Angély. Là encore, les halles du milieu du XIIIe siècle sont réalisées sur un foirail aux bestiaux préexistant59, dont l’établissement avait entraîné une scission avec l’emplacement du marché qui continua de se tenir au carrefour des changes, sur des bancs régulièrement attestés jusqu’à la fin du Moyen Âge60. Il semble cette fois cependant que le déplacement du foirail était d’abord dicté par des conditions de confort plutôt que par le désir de le positionner sur des axes fréquentés : alors que marché et boucherie se tenaient sur la grande rue longitudinale reliant la porte de Taillebourg à celle de Niort, la poissonnerie étant peu éloignée, les halles au contraire étaient reléguées au coin nord-est de la ville. La scission que nous évoquons est cependant toute relative. Lors des assemblées commerciales, en effet, c’est toute la ville qui est animée, et les marchands déploient aussi bien leurs produits sur les bancs de la halle que sur ceux de la rue du marché. En 1263, lors des foires et marchés, des maisons sont ainsi louées aux marchands, notamment par Renaud de Foro, au préjudice d’Alphonse de Poitiers qui décida qu’elles ne le seraient désormais que lorsque les halles seraient « tellement pleines que l’on ne puisse plus y entrer ». Or ces maisons sont « sitarum in foro Sancti Johannis Angeliacensis »61. Inversement, en 1319, Pierre Tronquière obtient du roi la permission d’établir des boutiques sur une place située près des Bancs (Stannis) du marché, afin de les louer aux marchands lors de ces assemblées, certes, mais aussi « in nundinis beati Luce »62. À Cognac, le cœur marchand de la ville au XIIIe siècle est le Canton, où se croisent les deux principaux axes urbains. Le premier remonte de la porte Saint-Martin, au sud, et le second est la rue débouchant de la porte Angoumoisine, qui est prolongée après le Canton par la rue Grande menant à la porte Saint-Jacques et, de là, au pont de la Charente. L’église Saint-Léger occupait cette place où, on l’a vu précédemment, le marché avait été établi au XIe siècle. Dans les environs se tenaient également le minage, au chevet de l’église, et probablement la boucherie et la poissonnerie. La rue Grande, jalonnée d’échoppes dont certaines sont encore conservées aujourd’hui, bordait la place de la Vieille Halle dans le castrum et reliait les deux noyaux originels de la bourgade63. Barbezieux, à cet égard, présente une topographie commerciale assez proche : la halle et le minage du XIIIe siècle sont installés entre le castrum initial et le bourg du prieuré Notre-Dame, sur la rue axiale les faisant communiquer64. Le minage de Pons, quant à lui, était également installé sur la place faisant face à une des principales portes de la ville65. Si la documentation n’est pas aussi précise pour les autres sites, l’on peut néanmoins constater que les halles du XIIIe siècle sont toujours implantées là où leur activité est favorisée par un axe animé. Celle de Mauzé, ainsi que le minage, est ainsi située sur la principale artère traversant la ville, de la porte de Saint-Jean-d’Angély (faubourg de la Charreterie, nom significatif) à celle de La Rochelle66. À Marans, les halles, mentionnées pour la première fois en 1289, sont installées à la jonction des sources vitales de l’activité commerciale de la place. Au bord de la Sèvre Niortaise, elles dominent le port fluvial qui fait de la bourgade un avant-port de Niort, et se tiennent sur l’important axe La Rochelle-Fontenay qui franchit à cet endroit le fleuve précédent par un pont. Elles se tiennent également à proximité de la « porte aux moucles » qui devait être liée à ce « port mouclier » que nos documents mentionnent régulièrement67. La construction de la halle et le transfert des assemblées commerciales qui l’accompagne ont aussi souvent des conséquences en termes de centralité du bourg. C’est ainsi que la halle de Cozes, construite très à l’écart de l’église et probablement, comme à Saint-Jean et Saintes, sur l’emplacement d’un ancien foirail, polarise peu à peu l’habitat et fait perdre à cette dernière sa fonction de centre topographique naturel du bourg68. Cette attirance du marché pour les grands axes de communication, dont il tire son activité, explique également la permanence de la topographie commerciale de Saujon. La halle du XVe siècle y est restée sur l’emplacement originel du marché ecclésial d’abord parce que la rue qui passe devant l’église est aussi celle qui conduit au pont franchisant la Seudre, et reliant le bourg à son port de Riberou, dont l’activité est attestée au Moyen Âge69, sur la grande route de Royan à Soubise et Tonnay-Charente. De la même manière, le marché de Saint-Savinien est situé en 1344 sur le « grand chemin » conduisant à Taillebourg, parallèle à la Charente70. Cette nouvelle importance des axes moteurs du commerce comme critère de localisation du marché explique en partie « l’affaire » des halles de La Rochelle. Alphonse de Poitiers n’avait pas hésité à investir largement dans la réalisation de cet édifice, dont son sénéchal Jean de Sens lui avait assuré qu’il rapporterait beaucoup compte tenu du dynamisme de la place. Le comte y mit en effet les moyens : au moins 727 livres, d’après les comptes de construction de l’année 126171. Elles n’en furent pas moins boudées par les marchands. Dès avant 1265, le comte tança son sénéchal, en avançant comme explication à l’échec l’éloignement de la halle des grands pôles du commerce rochelais72. Il semble en effet qu’elles aient été bâties dans le quartier du Perrot, près du port, certes, mais assez loin du cœur commercial de la ville, dans le quartier compris entre la boucherie, la poissonnerie, les Petits Bancs et l’échevinage. La Rochelle disposait par ailleurs d’un commerce de détail organisé autour de quartiers spécialisés dont la remarquable qualité d’équipement73 vouait la réalisation de halles marchandes, destinées à centraliser celui-ci, à l’inutilité. L’affaire fut entendue en 1267 : les bourgeois rachetèrent 6 000 livres les halles et leur emplacement pour les démolir, permettant au comte de s’en tirer à très bon compte74.

  • 75 « Chartes saintongeaises de l’abbaye de la Couronne », op. cit., p. 82-83. Cf supra, p. 18 (...)

8Le mouvement de redéploiement topographique du marché, en vertu de logiques commerciales privilégiant les axes fréquentés et autres points de transit, est actif dès le XIIe siècle, mais triomphe au siècle suivant, avec la réalisation des halles. Il s’agissait en effet de suivre l’expansion des échanges locaux (et donc un afflux croissant d’hommes et de marchandises) face à une commercialisation de plus en plus active de la société saintongeaise, sous l’effet de l’essor économique du XIIIe siècle. Les anciens sites castraux ou ecclésiaux apparaissent dans ce contexte souvent trop étriqués et à l’écart des axes moteurs du dynamisme. C’est ainsi qu’à Arvert, au cours de la première moitié du XIIIe siècle, le ménil proche de l’église où se tenait le marché est abandonné au profit d’un nouveau site plus confortable75. C’est cette nouvelle topographie du marché qui est confrontée au retour de la violence avec la guerre de Cent ans, qui l’oblige à remettre en cause les logiques du XIIIe siècle, intenables en temps de troubles.

Le retour au château (1340-1450)

  • 76 Cf supra, première partie, chapitre III, p. 127-130.
  • 77 A.D. 17, 1 J 353, inventaire des titres du comté de Matha par Barbazan, 1757, tome I, p. 3 (...)
  • 78 Ibid., 1 J 356-21, registre sans date du XVe siècle, f° 26 v° : « (...) pour ung vergier t (...)
  • 79 A.D. 17, 1 J 353, p. 175 (1315).
  • 80 Dans cette bourgade, l’aveu du prieur de Saint-Savinien au prince d’Aquitaine (1363) menti (...)
  • 81 Abbé M. Brodut, Tonnay-Charente et le canton, t. I, p. 153, citant les registres de l’éche (...)
  • 82 « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 335-336.
  • 83 A.D. 17, H 76, p. 25.
  • 84 Nous avons déjà démontré la permanence de la fonction d’échanges des principales villes fo (...)
  • 85 « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 48-49.
  • 86 Ibid., p. 96.
  • 87 Ibid., p. 122 : une maison est en 1580 bordée par « le chemin qui va de la halle à la port (...)

9Nous avons déjà eu l’occasion de considérer les processus de recastralisation des marchés liés à la guerre, ce qui nous permettra de passer assez vite sur ce point76. Il s’agit ici de rappeler combien le contexte difficile de la période a favorisé le repli sur la cellule castrale des foires et marchés, ce qui faisait office d’un véritable retour aux origines topographiques des assemblées de l’an mil. À Matha, le marché se tenait au XIIIe siècle sur le grand carrefour de la haute ville, où se croisaient les importantes routes Aulnay-Cognac et Saint-Jean-d’Angély-Beauvais, bénéficiant ainsi de la situation de la bourgade comme centre géographique du nord-est saintongeais. Il s’agissait là d’une logique topographique caractéristique, on l’a vu, de la période de commercialisation accélérée de la société charentaise. Ce marché fut cependant, sans doute dès le début du conflit, lors de l’offensive anglaise de 1346, déplacé auprès du château « pour la sûreté des marchandises ». Plus sûr, le nouveau site de tenue des assemblées était cependant « moins commode et pour les habitans et pour les forains ». Là n’était certes plus la priorité, et ce n’est qu’une fois la pacification de la province assurée, en 1485, que les marchés retrouvèrent leur ancien emplacement77. Ces déplacements successifs expliquent les mentions de « vieux bancs » que l’on trouve dans les confrontations de maisons des censifs de Matha, qui alternent avec celles de « bancs »78. Elles nous permettent d’approcher la topographie commerciale de Matha du début du XIVe au début du XVIe siècle. La ville haute, organisée autour du grand carrefour, se situe à une quarantaine de mètres au-dessus du niveau de la mer, tandis que le château est situé à 36 mètres. Les bancs, mentionnés à partir du début du XIVe siècle, se situent d’abord sur ce carrefour79. Ramenés ensuite auprès du château, ceux-ci se distinguent des « vieux bancs » qui désignent désormais l’ancien site du carrefour d’où partent les routes de Saint-Jean et de Marestay. Cette appellation perdure cependant après le rétablissement du site initial du marché en 1485, puisqu’on la retrouve en 1534, ce qui semble lié soit au conservatisme toponymique, soit au maintien d’une légère activité commerciale auprès du château. C’est cependant désormais le grand carrefour, où fut ensuite bâtie la halle, qui concentra les tenues d’assemblées commerciales jusqu’à nos jours. À Tonnay-Charente, l’agglomération est également dédoublée : au sommet d’une terrasse alluviale de la Charente, le château domine d’une dizaine de mètres la ville basse du bord du fleuve. Les activités commerciales, qui durent logiquement s’implanter au XIIIe siècle sur le bord de la Charente, comme elles le firent à Saint-Savinien80, furent contraintes au repli dans la ville haute, d’autant que la place, une des principales de la basse-vallée du fleuve, contrôlant un pont, est une cible permanente des combats. C’est le cas en 1384 quand deux marchandes de Saint-Jean-d’Angély s’associent pour vendre des marchandises à l’ost royal assiégeant la place81. La recastralisation des foires et marchés pendant le conflit se matérialise aussi par les multiples transferts d’assemblées commerciales dans des bourgs fortifiés, seuls capables d’assurer leur protection. C’est tout particulièrement le cas des petites foires rurales nées pendant la période d’essor économique, structurellement attachées à la cellule seigneuriale : se tenant dans des lieux ouverts, et très dépendantes des celliers féodaux, elles furent les premières victimes des crises politiques, économiques et démographiques du XIVe siècle qui ruinèrent la seigneurie. Si beaucoup disparurent, certaines trouvèrent un abri dans des villes-fortes voisines. Ainsi les foires de Saint-Jammes, tenues du seigneur de Taillebourg par les Trinitaires au devoir d’une pelote et de quelques rentes en nature, furent-elles déplacées dans le château du suzerain, conformément à la logique féodale (le suzerain devant protection à son vassal)82. Nous avons aussi également déjà traité des replis des assemblées de Cozes à Mortagne en 1353, ou de Cherves à Cognac avant 1349. Tous démontrent que le château est entre 1340 et 1450, dans une grande partie du pays (Aunis exclu), le meilleur moyen de maintenir l’activité commerciale. En ce sens, la destruction des halles de Marennes pour y construire des fortifications autour de l’église au début du XVe siècle83 est le meilleur symbole de l’inefficacité pour le marché, en temps de guerre prémoderne, de la logique topographique ecclésiale par rapport à la logique castrale. Le fait que l’on rencontre de très fréquentes églises fortifiées dans l’ensemble de la province tendrait même à renforcer ce constat. Et ce alors même que l’aire de Paix paraissait l’avoir largement emporté au XIe siècle sur le marché castral. Dans ce contexte, la ville joue un rôle de refuge pour le commerce local, sans que l’on constate dans celle-ci de modification dans la topographie des foires et marchés : la recastralisation des assemblées est bien un phénomène conjoncturel, car dès qu’un site est relativement préservé, les logiques topographiques du XIIIe siècle se maintiennent. Les halles restent en place, et lorsqu’elles sont détruites (Cognac), elles sont reconstruites au même endroit84. En ville, la crise des années 1340-1450 paraît donc s’être d’abord manifestée par la chute des recettes et de la fréquentation des foires et marchés, plutôt que par des bouleversements dans la topographie commerciale. La halle peut cependant, localement, apparaître comme le fossile d’une activité suspendue : à Taillebourg par exemple, un document cherchant à rétablir foires et marchés du 16 mai 1410 démontre l’interruption de ceux-ci85. Pourtant un aveu de Louis Mercier au roi du 2 janvier 1409 mentionnait « une maison appellée la Voûte, sise devant la queüe »86. Même en opérant le passage du style du 25 mars qui est celui de l’Aunis-Saintonge au style actuel du 1er janvier, la halle était déjà en place plus de quatre mois avant le rétablissement des foires et marchés. Signe qu’il s’agissait d’une halle ancienne, évidemment bâtie avant le début du conflit et la prise de Taillebourg en 1346. D’autant que ce bâtiment obéissait à une logique topographique que nous connaissons désormais bien : des documents postérieurs indiquent en effet sa localisation près de la porte de Saint-Savin, donc sur un axe de communication privilégié par où, en temps de paix, affluaient les marchands87. À Cozes aussi, qui n’a plus de marché depuis 1353, et encore en 1406, la halle du XIIIe siècle a dû rester en place quelque temps, avant apparemment d’être détruite ou de tomber en ruine, puisque l’on a mentionné sa reconstruction au XVe siècle.

10La topographie des assemblées commerciales connaît donc une évolution différenciée aux XIVe-XVe siècles : si dans les villes fortifiées foires et marchés conservent le même emplacement depuis le XIIIe siècle, les bourgs les plus fragiles sont marqués par une « recastralisation » du marché, au profit des châteaux chefs-lieux de châtellenie ou des bourgades voisines fortifiées, ce qui revient parfois au même. Pourtant cette nouvelle logique topographique était uniquement liée à des raisons conjoncturelles, celles d’une crise multiforme disloquant l’économie seigneuriale, frappée de plein fouet par la guerre. Là où celle-ci se faisait moins ressentir, grâce à la protection des murailles, l’ancienne logique topographique se maintenait, préservant les emplacements commerciaux du XIIIe siècle. C’est que cette dernière obéissait à des principes structurels qui restaient inchangés : la nécessité de place, d’infrastructures confortables, et d’une polarisation sur des axes fréquentés, carrossables, navigables et aisément praticables, pour la tenue d’assemblées dignes de ce nom. Ces impératifs structurels, restant plus que jamais d’actualité dans un contexte de reconstruction et d’essor commercial une fois la paix retrouvée, favorisèrent le retour aux modèles topographiques anciens des assemblées.

La topographie commerciale « efficace » retrouvée (1450-1550)

  • 88 Elle est figurée sur la vue de la ville donnée dans la Topographie française de Chastillon (...)
  • 89 « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 121.
  • 90 C. Masse, Recueil des plans de Saintonge, feuille 99. Un document de 1580, qui mentionne l (...)
  • 91 A.N., 2 AP 13, pièce 10.
  • 92 A.N., P 5522, n° 211.
  • 93 Ordonnances des Rois de France… t. XVIII, p. 203, d’après A.N., JJ 201 n° 82.
  • 94 A.D. 17, E 346, p. 10 : « (…) le champ de la foyre dudit lieu tenant au grand chemin de Po (...)
  • 95 A.D. 17, 20 J 28-2, censif de 1552, p. 291. Une maison est située sur « le chemyn par lequ (...)
  • 96 C. Masse, Recueil des plans de Saintonge, feuille 56. La halle signale le site du marché m (...)
  • 97 A.D. 86, registre n° 361 (terrier de Beauvais-sur-Matha, 1491-1506). Édité par C. Nau, Con (...)
  • 98 Celle-ci était relevée par A. Debord, La société laïque dans les pays de la Charente, op. (...)
  • 99 Recueil des plans de Saintonge, feuille 33. Les assemblées de Rioux sont octroyées en 1473 (...)

11Là où ils avaient été abandonnés, les sites du XIIIe siècle sont en effet rétablis ; c’est le cas pour les assemblées de Cozes où les halles sont reconstruites sur l’emplacement de l’ancien édifice au cours de la seconde moitié du XVe siècle, mais aussi à Matha, où après 1485 foires et marchés retrouvent le grand carrefour de la ville haute, en délaissant le château, ainsi que de Saujon ou de Taillebourg. Le caractère conservateur de la reconstruction est en la matière évident ; les grands axes fréquentés polarisent de nouveau les tenues d’assemblées, alors que pour les mêmes raisons, quelques décennies plus tôt, ceux-ci étaient abandonnés aux gens d’armes. C’est le cas de la Charente qui connaît une renaissance du trafic des gabares. À Tonnay-Charente, ainsi, foires et marchés retrouvent les bords du fleuve où une halle matérialise au XVIe siècle leur emplacement88. La même logique prévaut à Saint-Savinien, où il est question au milieu du XVIe siècle de déplacer la halle que l’on a vu mentionnée au XIVe siècle sur le port fluvial89, projet que l’opposition des riverains du bâtiment fit abandonner, puisque le plan de Saint-Savinien de 1713 montre la halle encore située au bord du fleuve, près des quais90. Les axes attirant les emplacements des foires et marchés sont aussi terrestres : les halles de Mirambeau, construites au début du XVIe siècle, sont installées au bord de la grande route de Saintes à Bordeaux qui traverse le bourg91. À Mornac la foire, mentionnée en 148092, se tient à l’extérieur de l’enceinte, sur la route de Royan, où est bâtie la halle au début de l’époque moderne ; et à Pisany, le marché créé en 147693, sur l’emplacement occupé par la halle actuelle du XVIIe siècle, se tient entre le château et la chapelle Saint-Léonard, au bord du chemin qui mène à Rioux (où des foires sont établies en 1473) et surtout à Pons. Pisany est par ailleurs une étape importante de la route de Saintes à Royan. Le champ de foire de Gémozac est également établi sur le grand chemin conduisant du bourg à Pons94. Quant à la halle d’Écoyeux, elle est bâtie au début du XVIe siècle sur la route de Saint-Jean-d’Angély95, tout comme les foires de Mortagne se tiennent au XVe siècle sur la principale artère du bourg qui mène au port96. En suivant ces logiques, l’on peut mettre en évidence le détournement des axes commerciaux moteurs à l’occasion de la reconstruction dans les bourgades. Les vieux bancs de Beauvais-sur-Matha se tenaient par exemple classiquement, avant la suspension des assemblées par la guerre, à un carrefour. La fin du XVe siècle est cependant l’occasion de l’avènement d’un nouveau point nodal des communication, baptisé « grant quarrefour » pour le différencier du précédent, à proximité duquel est bâtie la nouvelle halle. Il paraît se produire à cette occasion un glissement du site commercial privilégié des anciens bancs du marché vers la halle, le long de la « grant rue » qui fait désormais communiquer les deux carrefours97. La topographie commerciale des centres de châtellenie complexes, de son côté, restait la même ; au XVe siècle, lorsqu’à la faveur du mouvement de reconstruction l’on peut percevoir celle de Jonzac, l’on note de grandes similitudes avec l’organisation générale de Cognac et Barbezieux que l’on connaît pour le XIIIe siècle, provoquée par la naissance de deux noyaux, l’un castral et l’autre ecclésial, entre lesquels les infrastructures commerciales forment un trait d’union98. Sur une première butte, le château de Jonzac fait face au prieuré Saint-Gervais bâti sur un second promontoire, les deux bourgs étant reliés par la rue des Ballets, tandis que le marché (où est bâtie la halle entre 1473 et 1513) et le minage occupent une position intermédiaire. Les assemblées apparaissent ainsi au coeur du système relationnel entre les diverses seigneuries de la bourgade, relations incontournables qui expliquent que l’on retrouve ce modèle depuis sa mise en place au XIe siècle jusqu’à l’époque moderne. Il est patent que l’on retrouve généralement les mêmes solutions topographiques à l’œuvre : l’on a déjà parlé de la similitude des halles de Saujon et de Cozes, mais l’on pourrait également signaler l’implantation identique dans la topographie locale des marchés des bourgades voisines de Gémozac et de Rioux. D’après les plans du XVIIIe siècle, où des halles fossilisent les emplacements des marchés du XVe siècle, les assemblées, dans les deux bourgs, se tenaient au même endroit, à quelques mètres au nord de l’église99.

  • 100 A.N., JJ 245 A, n° 262 bis f° 73 v° (mai 1530).
  • 101 A.N. JJ 259 n° 59, f° 39 v°.
  • 102 Ordonnance des rois de France... t. XV, p. 363-364 (1462).
  • 103 A.N., JJ 253 A n° 69 f° 22 v°, où il est dit que « Corpignat est assiz et scitué en bon et (...)
  • 104 Cf supra, première partie, chapitre IV, p. 159.
  • 105 Les foires de Saint-Jammes, déplacées à Taillebourg pendant la guerre, sont rétablies en 1 (...)
  • 106 A.D. 17, H 76, p. 29.
  • 107 A.N., JJ 235, n° 104 f° 17 (1501), création des foires et marchés de Saint-Disant-du-Bois.

12Cette revitalisation des logiques d’implantation du marché du XIIIe siècle répond par ailleurs à un souci de plus en plus évoqué dans les requêtes pour la création d’assemblées à partir du XVIe siècle : tirer avantage de la situation d’une bourgade traversée par une route fréquentée pour vendre les produits de la seigneurie. Jacques de Pons note ainsi que dans sa localité de Plassac, située « en bon païs et fertil, y passent et repassent plusieurs marchans et marchandises mays, au moien de ce que audit lieu de Plassac n’a aucunes foyres ne se y arrestent et se pevent lesd. marchans vendre ne adenerer leursd. marchandises », pour motiver sa demande d’octroi d’assemblées commerciales100. Il en va de même pour le marché de Saint-Fort en 1549 (« y affluent, passent et repassent plusieurs marchans venans et traficquant avec toute sorte de marchandises, mesmement de bestail et autres denrées »)101. La mention la plus explicite reste cependant celle que l’on trouve à Saint-Xandre, en Aunis, ce qui n’est sans doute pas anodin. Il y est dit « que ledit lieu de Saint Cendre est assis en pays moult fertil et bien peuplé, prochain de plusieurs bonnes villes, auquel fréquentent plusieurs bons marchans qui souventes fois y ameinent et font passer par icelle plusieurs denrées et marchandises en grand nombre et quantité, que lesdits marchans y distribueroient voulentiers, se audit lieu avoit foires establies »102. Ce souci se retrouve encore à Courpignac en 1539, où la demande de concession de foires et marchés est justifiée par la volonté de vendre les produits du pays103, tandis que nous avons eu par ailleurs l’occasion de citer les motivations des créations d’assemblées à Boutiers et Saint-Disant-du-Bois au début du XVIe siècle104. Ce qui faisait le succès des foires du XIIIe siècle, la polarisation sur les pôles et axes de trafic les plus dynamiques, était rétabli après avoir été, parfois de manière relative, bouleversé par les guerres. La paix fut évidemment déterminante pour permettre ce retour aux logiques topographiques du XIIIe siècle, particulièrement pour les petites foires rurales. Ainsi Saint-Jammes retrouve au XVe siècle l’aire de tenue qu’elle occupait traditionnellement depuis qu’elle avait débordé du cimetière où elle était originellement établie : un vaste champ de foire de 13 journaux, ce qui toutefois ne doit pas préjuger de l’importance de cette foire, une partie du champ pouvant évidemment rester inoccupée105. Il est vrai que, aussi bien pour les foires rurales que pour celles des villes (qui, de tout temps, servent de débouchés aux productions des campagnes), l’espace voué aux échanges retrouvait un grand rôle dans ce monde en reconstruction où l’essor commercial et agricole assurait une fréquentation accrue en hommes et en animaux. À Marennes par exemple, l’abbesse de Saintes décide, suite à la destruction de l’ancienne halle de l’église, de déplacer ses assemblées commerciales sur la place des Aires, plus vaste106. Les progrès considérables de la commercialisation de la société faisaient que l’on ne pouvait décidément plus se contenter des sites étriqués de tenue des origines, ménagés près des châteaux, sur les parvis des églises ou dans les cimetières. Tout comme l’existence d’infrastructures commerciales s’imposait comme de plus en plus indispensable à la tenue des assemblées. Les lettres royales de création de foires et marchés, aux XVe et XVIe siècles, finissaient souvent par l’autorisation accordée au bénéficiaire de « faire mectre et asseoir et apposer (...) bans, loges, estaulx, halles, et autres choses neccessaires pour tenir les dictes foires »107. Signe de la nécessité des infrastructures, dont le niveau d’étoffement signale le degré de dynamisme de la place.

II. Les infrastructures des foires et marchés : bancs, halles et fenêtres

Les infrastructures de base : de la place et des bancs

  • 108 Études, documents et extraits relatifs à la ville de Saintes, op. cit., p. 192 : « Transla (...)
  • 109 « Registres de l’échevinage de Saint-Jean-d’Angély, t. III », éd. Denys d’Aussy, A.H.S.A. (...)
  • 110 Cf supra, p. 185.
  • 111 « Cartulaire de l’abbaye de Saint-Cyprien de Poitiers », éd. L. Redet, A.H.P. t. III, p. 2 (...)
  • 112 « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 124-125.
  • 113 A.D. 17, H 67, document de 1557, f° 6 v° et 11 v°, ainsi qu’une note de l’abbé Cholet au d (...)
  • 114 A.N., JJ 209, n° 119, f° 68.
  • 115 A.D. 17, E 346, p. 10 et suiv.
  • 116 « Recueil des documents concernant le Poitou…, t. VII », éd. P. Guérin, A.H.P. t. XXVI, p. (...)
  • 117 Pour Pérignac, « Cartulaire de l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély, tome II », éd. G. Musset, (...)
  • 118 A.H.S.A. t. XL, p. 440-441.
  • 119 A.D. 17, H 76, p. 29.
  • 120 B.M.S., ms. 632.
  • 121 A.N., JJ 140 n° 22, f° 21.

13La tenue des foires et marchés nécessite d’abord de l’espace. C’est une évidence, qui, pour ne pas être toujours respectée, a pu causer des problèmes, particulièrement dans les villes remparées et aux rues étroites et tortueuses comme Saintes. Ici, ce n’est qu’en 1572 qu’on s’avisa de déplacer le marché, qui se tenait alors près du pont, vers un lieu plus spacieux, l’affluence et le trafic routier ayant été cause de nombreux accidents108. Les étals sauvages des marchands aggravaient la situation : en 1417, à Saint-Jean-d’Angély, l’on demande à plusieurs marchands qu’ils « ne vendent poisson en telle manière que la rue du Roy nessoit empeschée, mes aillent vendre à la place accoustumée »109. Du côté des foires champêtres, la place ne manquait guère : la prairie utilisée pour celles de Saint-Jammes, on l’a vu, représentait 13 journaux. Les foires aux bestiaux, même dans les principaux centres commerciaux, se contentaient la plupart du temps d’un vaste champ. Nous avons vu qu’à Saint-Jean-d’Angély et à Saintes, pendant la première moitié du XIIIe siècle, l’emplacement futur des halles est occupé par un foirail où est vendu le bétail110, ce que désignait certainement aussi le « mercatum bovile » de Pons vers 1090111. Saint-Savinien possède en 1344 une « place où l’on vend les pourceaux »112, et à Surgères, au milieu du XVIe siècle, l’on mentionne la « place de la foire aux bœufs », et parfois même simplement, par métonymie, « la foire aux bœufs » pour désigner le foirail113. C’est sans doute cette même place qui est le théâtre d’une rixe en 1481, qui se déroule « au lieu establi pour vendre le bestail en icelle foire »114. Le « champ de la foyre dudit lieu » est également mentionné à Gémozac en 1547115. Nous avons également déjà eu l’occasion de mentionner, à Mauzé, le « Champ-Grangier, ouquel lieu souloit avoir marchié », dont la dénomination est révélatrice des conditions de la tenue116. La toponymie a parfois pu aussi conserver la trace de ces foirails. L’on trouve par exemple à Pérignac, près du bourg, la « Terre des Marchands », ce qui du reste peut tout aussi bien désigner la propriété d’une famille de ce nom. Mais à Cherves, le toponyme de « le Feriou » est plus explicite117. La présence d’un champ de foire était devenue une nécessité pour l’octroi d’assemblées au XVIe siècle : lors de l’installation de celles d’Authon en 1584, le seigneur du lieu montre l’endroit où il devra bâtir une halle avant une année écoulée « à peine de deschéance de ses droictz de foires et marchez, puis une autre place scituée entre l’housme et la ryvière, audict bourg d’Aulthon, onquel lieu (...) nous a dict et remonstré n’y avoir lieu plus propre pour faire vente et achapt de bestail »118. Les marchés qui n’étaient pas équipés de halles se tenaient également sur des places plus ou moins vastes. L’on a vu que les assemblées de Marennes sont dans un premier temps établies sur la « place des ayres », après la destruction des halles de l’église119, et à Montlieu est mentionnée en 1482 la « place du marchié »120. Devant les halles, également, une place était aménagée pour les marchands : on évoque ainsi en 1390 la « place devant la cohue de Bourcneuf en Laniz ou l’en a acoustumé a vendre le pain »121. Mais la grande différence entre la place du marché et le foirail, c’est que la première est toujours équipée d’infrastructures qui lui sont indispensables, les bancs.

  • 122 Cf supra, introduction, p. 52.
  • 123 Ainsi à Saint-Jean-d’Angély, où est mentionné le quartier des Bancs (Stannis) en 1319 (« D (...)
  • 124 « Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. A. Bardonnet, op. cit., p. 5.
  • 125 Enquêtes administratives d’Alphonse de Poitiers, op. cit. p. 85.
  • 126 A.D. 17, 1 J 353, p. 175 et 561-562, et 1 J 356-2, registres de comptes de 1439 et 1478, c (...)
  • 127 « Cartulaire saintongeais de la Trinité de Vendôme », op. cit., p. 174-175.
  • 128 « Chartrier de Pons, t. I, archives de l’Hôpital neuf de Pons », op. cit. ; « La maison de (...)
  • 129 « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 77.
  • 130 B.M.L.R. ms. 285-15 et 285-16.
  • 131 A.D. 17, 1 J 460.
  • 132 A.D. 17, 20 J 10, f° 10 r° : plusieurs estaux occupent une place bordant la rue reliant la (...)
  • 133 Cf supra, p. 189.
  • 134 « Terrier de Beauvais-sur-Matha », éd. C. Nau, Contribution à l’histoire de l’Aunis et de (...)
  • 135 « Compte de l’Angoumois sous la domination royale (1349-1350) », éd. L. Imbert, B.S.A.H.C.(...)
  • 136 B.M.L.R., ms. 2466, f° 10 v°.
  • 137 A.N., P 584, n° XVI.
  • 138 Roccafortis, 2e série t. II, n° 2, année 1967, p. 44, où il est question du « banchage » d (...)

14L’on a déjà précisé la variété du vocabulaire désignant les étals ou les bancs122, réalité omniprésente des assemblées commerciales, à telle point qu’elle suffit parfois à désigner le quartier commerçant de la ville123. Le banc était souvent assez rudimentaire, fait de bois ou de pierre. On en conserve, dans tout l’Occident médiéval, de nombreuses représentations. Dans celle du marché de Champeaux de Paris du XIVe siècle, ils prennent la forme de structures de pierre. C’était sans doute le cas dans les quartiers commerçants des principales villes, animés en permanence, comme Saint-Jean-d’Angély, La Rochelle, Saintes ou Cognac. Sur la miniature représentant la bénédiction de la foire du Lendit par l’abbé de Saint-Denis, on les retrouve en bois, cette fois, pour être plus aisément transportés par les marchands d’assemblée en assemblée, et recouverts de toile, pour préserver les marchandises du soleil ou des intempéries. De pierre ou de bois, ils comportent cependant tous un tablier sur lequel étaient exposés les biens en vente. Omniprésents en Aunis et Saintonge, leurs mentions sont trop fréquentes pour être toutes citées ici. Nous nous contenterons, pour montrer leur diffusion dans la province et dans le temps, d’indiquer leur présence à Tonnay-Boutonne en 1243124 ; Frontenay en 1259125 ; Matha, de 1315 jusqu’à la fin de notre période126 ; Saint-Agnant en 1316127 ; Pons au cours du XIVe siècle128 ; Taillebourg en 1403129 ; Dompierre en 1462 et 1464130, Burie en 1476 où sont cités des « bancs à vendre chair »131, Cognac en 1491132… Les bancs, structurellement liés aux assemblées, permettent parfois de suivre les vicissitudes de ces dernières en fonction de la manière de les qualifier. À Matha par exemple, l’on a déjà vu que le passage des « bancs » aux « vieux bancs » pour désigner le marché dans les divers registres seigneuriaux illustrait les fluctuations du site de ce dernier, entre le grand carrefour de la ville et le château, de 1315 à 1534133. Il en va de même à Beauvais-sur-Matha où un terrier de la fin du XVe siècle met en évidence le transfert du marché vers un site plus propice, quand en 1491 une maison est par exemple « située et assise aud. grant quarreffour, tenant d’une part au chemyn ou ruhe par lequel l’on vait dud. grant quarreffour au quarreffour des vieulx bancs, d’autre part à lad. levée ou vanelle par laquelle l’on vait dud. quarreffour à lad. halle (...) »134. L’on voit ici que le banc, en désignant à nouveau par métonymie le marché, permet de bien connaître l’évolution spatiale de ce dernier. Étant donné leur récurrence, il est logique que ces infrastructures aient laissé leur désignation à certains droits commerciaux perçus dans la documentation. À Cognac, le « bancauge » des bouchers rapporte 10 livres en 1349135, et en 1362, à Royan, le « banquage » rapporte 3 sous par bancs136. L’importance du commerce de Mauzé en 1515 se lit également à travers les revenus des fermes des quatre « bancages », recettes des bancs loués aux marchands forains : « bancage » de la boucherie et mercerie, affermé 7 livres ; de la draperie, rapportant 100 sous ; de la poissonnerie, emporté pour 70 sous ; et de la paneterie, d’un montant de 60 sous. Des « bancages » sont notamment aussi attestés à Saint-Savinien en 1363137 et à Vouhé en 1539138. Le stade ultime de l’équipement du marché était cependant la couverture des bancs par un édifice, de pierre ou de bois, ouvert ou fermé, la halle. Ce bâtiment, qui regroupe les marchands les plus à même d’acquitter les droits parfois onéreux que l’on a détaillés au cours de la partie précédente, représente par son confort, mais aussi par les coûts de construction et d’entretien qu’il nécessite, l’infrastructure caractéristique des places commerciales d’Aunis-Saintonge du niveau supérieur de la hiérarchie.

La halle, pôle commercial et critère de hiérarchisation

  • 139 Cf infra, troisième partie, premier chapitre, sur la dimension symbolique de la foire et d (...)

15La halle a un coût souvent important que le seigneur doit être sûr de rentabiliser avant d’entreprendre la construction. C’est pourquoi, théoriquement, elle est d’abord réalisée dans les sites commerciaux les plus actifs. Sa construction permet, dans les places où une fréquentation importante provoque la dispersion des bancs des marchands dans les rues commerçantes, de centraliser les étals et donc d’améliorer la perception des revenus ainsi que le contrôle des marchandises vendues. Le confort relatif qu’elle permet légitime de plus l’augmentation des droits d’étalage. Centre de la perception des droits seigneuriaux sur le marché, la halle est un bâtiment symbolique et éminemment emblématique de l’autorité de son propriétaire, seigneur ou roi139. Nous avons déjà eu l’occasion plus haut de préciser l’origine des halles de Saintonge ainsi que de donner la chronologie de leur multiplication du milieu du XIIIe au milieu du XIVe siècle. L’initiateur de celle-ci fut Alphonse, comte de Poitou, mais aussi de Toulouse depuis la mort de Raimond VII. Son apanage était déjà bien équipé en halles, notamment le Poitou dont la capitale est dotée d’un de ces bâtiments dès 1187, d’où ils se diffusent peu à peu vers le sud. Il est évident qu’Alphonse, qui avait un sens aigu de ses intérêts financiers, vit très tôt son avantage à développer ce mouvement de construction au profit des centres commerciaux les plus actifs de ses domaines saintongeais, encore vierges de ces édifices. C’est ainsi à son administration que l’on doit au moins 5 des 15 halles attestées entre 1150 et 1340. Il ne recula pas devant de massifs investissements, qui témoignent des espoirs (sinon de la certitude, étant donnée la gestion efficace de ses possessions par Alphonse) de rentabilité. La multiplication des réalisations de halles seigneuriales qui s’ensuivit est un autre signe du succès de la politique alphonsine en la matière.

  • 140 A.N., P 584, n° 16 aveu du prieur de Saint-Savinien : « Item l’arbergement qui fut Jehan A (...)
  • 141 « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 121.
  • 142 Ordonnances des rois de France... t. V, p. 605-607. Lors de l’autorisation royale de dépla (...)
  • 143 A.N., JJ 140 n° 22, f° 21.
  • 144 A.D. 17, H 76, pièce 25 et pièce 2, p. 29.
  • 145 A.N., P 5531 n° 11, transcription et communication J.-C. Bonnin : « Item tien et advouhe a (...)
  • 146 « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 96.
  • 147 Ibid., p. 77 : les bancs apparaissent dans les confrontations d’une maison « tenant aux ba (...)
  • 148 Des travaux y sont effectués en 1344 (B.N., PO 2043, fr. 28 527, dossier 46 636, n° 6 et 7 (...)
  • 149 Elles sont réparées en 1343 (B.N., fr. 20 584, n° 56) et l’aumônerie Notre-Dame est bâtie (...)
  • 150 La grande boucherie est arrentée en 1348 (B.M.L.R., ms. 3113, 3e partie, p. 106), et elle (...)
  • 151 B.M.L.R., ms. 2474. Elles sont à nouveau mentionnées en 1363 (A.N., P 584 n° 66).
  • 152 A.H.S.A. t. XV, p. 146-151.
  • 153 « Compte de l’Angoumois… », éd. L. Imbert, op. cit., p. 121 et 126.
  • 154 Compte de l’Angoumois sous la domination royale, éd. C. Poitou, p. 55.
  • 155 B.M.S., ms. 523-5.

16Le nombre de halles continue de croître aux époques suivantes. Un certain nombre apparaissent en effet dans la documentation pendant les XIVe-XVe siècles, bien que le contexte général ne soit guère favorable à ce genre d’investissement, ce qui laisse supposer une construction remontant au moins aux années 1330-1340, peut-être avant. À Saint-Savinien, une halle est aussi évoquée pour la première fois en 1363, qui se tient près du port140. Son édification date sans doute de la veille même de la guerre, puisqu’en février 1345 encore était concédée à un marchand par le seigneur de Taillebourg « une place au marché de Saint-Savinien (...) tenant d’un bout au grand chemin du marché à Taillebourg »141. À moins évidemment que l’on observe dans cette place commerciale active une dissociation entre site du marché et foirail où s’élève la halle, caractéristique des places les plus importantes depuis le XIIIe siècle (Saintes, Saint-Jean-d’Angély, Cognac…). Bourgneuf possède également des halles en 1390, pour abriter un marché qui, si l’on en croit les Hospitaliers, existait au moins dans les années 1340142. Elles sont alors le théâtre d’une rixe entre un panetier et le mari d’une marchande qu’il avait faite excommunier pour dette143. À Marennes, l’abbesse de Saintes doit en 1393 se défendre des usurpations de Renaud de Pons, bailli de la presqu’île, notamment dans le domaine des foires et marchés. À l’occasion d’une grande enquête à ce propos, qui détaille les droits possédés en la matière par l’abbesse, est évoquée « la queheuë de ladite Dame », située près de l’église144. La halle de Salles en Aunis est également mentionnée en 1401, dans l’aveu et dénombrement de la baronnie de Châtelaillon145, tandis que celle de Taillebourg est attestée dès le 2 janvier 1409 (a. s.) ou 1410 (n. s.)146, soit donc avant le rétablissement des foires et marchés après l’enquête de 1410, sa construction étant par voie de conséquence bien antérieure à la crise du XIVe siècle. Cette halle complétait les infrastructures commerciales de la place, qui comptait également des bancs mentionnés en 1403 qui, comme dans les centres plus importants, constituaient l’emplacement ordinaire du marché, distinct de la halle plus spécifiquement réservée à la foire : aucune des confrontations mentionnées n’est en effet commune entre les bancs et la halle147. Parallèlement à ces nouvelles mentions de halles construites avant la crise, les bâtiments des principales places commerciales sont toujours en service. C’est le cas à Saintes148, Saint-Jean-d’Angély149 ou La Rochelle150. Les bancs de la halle de Marans sont très fréquemment mentionnés dans le censif de la ville de 1351151, tandis que celle de Mauzé apparaît dans un aveu de 1384152. Les halles cognaçaises, mentionnées en 1349-1350153, sont en 1376-1378 « fondues pour les guerres »154, et ne sont toujours pas reconstruites en 1411155. La boucherie de la ville est en revanche mentionnée dans le compte de 1411.

  • 156 A.H.S.A. t. I, p. 57-60. En 1406, à Cozes et Saujon, « passé à quarante ans (…) il n’y a p (...)
  • 157 La « mensura qua emitur et venditur in foro Saujonii » est signalée en 1236 (« Cartulaire (...)
  • 158 J. Chapelot, « Société rurale et économie de marché », R.S.A. nouv., t. I, p. 99, note 135
  • 159 Ce mouvement a été mis en évidence plus haut, et concerne les nouvelles halles, plus ou mo (...)
  • 160 B.M.L.R., ms 2691 (Mi 139) fol. 3 bis v° et 104 r° (recette de la seigneurie de Châtelaill (...)
  • 161 Favreau, « le commerce du sel en Poitou », op. cit., p. 223.
  • 162 B.M.P., Dom Fonteneau, t. XXVII bis, p. 734.
  • 163 R.S.A. anc., t. XIV, p. 138, note. La halle, installée à Baigne, était commune avec Montau (...)
  • 164 B.M.L.R., minutes de Gréher, ms. 171.
  • 165 A.D. 17, H suppl. 184.
  • 166 Abbé Barbotin, « chartrier d’Échillais », d’après des copies manuscrites de l’auteur, B.M. (...)
  • 167 A.N., P 5573, n° 1110.
  • 168 A.D. 17, E 346, censif de Gémozac, p. 8, 10, 11, 13 etc. En 1540 sont également mentionnés (...)

17La période de reconstruction puis de croissance commerciale est également une phase d’intense construction de halles. Celle-ci est une des manifestations de la politique de reconstruction des seigneuries dans laquelle foires et marchés sont supposés, on l’a vu, prendre une part notable à l’effort général de retour aux niveaux économiques du début du XIVe siècle, puis de leur dépassement. La présence d’une politique planifiée en la matière est décelable en Saintonge girondine, dans les domaines des Coëtivy-Trémoille, qui, grâce à la faveur royale et à leur rôle dans la reconquête, ont constitué un vaste empire féodal dont la Saintonge n’est qu’une partie, considérable cependant. À la fin du XVe siècle, quand l’alliance de l’héritière des Coëtivy avec l’héritier des La Trémoille marque l’apogée des possessions familiales, la famille contrôle les châtellenies de Taillebourg, Rochefort, Royan, Mornac, Didonne, Saujon, Marans, le comté de Benon, l’île de Ré et diverses autres seigneuries moins importantes (Faye). Il ne faut donc pas s’étonner qu’en Saintonge girondine, où ils possédaient autant de places, les seigneurs de Taillebourg aient appliqué une politique rationnelle de (re)construction de halles. À Cozes, la halle existait depuis la fin du XIIIe siècle. Mais le transfert des assemblées vers Mortagne à partir de 1353 avait entraîné l’abandon et la destruction, ou au moins une importante détérioration des halles156, qui furent reconstruites au cours de la seconde moitié du XVe siècle pour prendre la forme qu’elles ont encore actuellement. À Saujon, si aucune halle n’est attestée avant le XVe siècle, le dynamisme du site dès le XIIIe siècle assurait la rentabilité d’un tel investissement157. Quoi qu’il en soit, la halle apparaît à partir de 1476, lors de travaux sur la couverture de tuile158 qui constituaient peut-être l’ultime étape de la construction. La conservation de cette halle, située devant l’église, jusqu’au début du XXe siècle, a permis d’en retrouver des représentations. La ressemblance avec les halles de Cozes et de Mornac, encore en place actuellement, est frappante. Mieux encore, le recours aux cadastres napoléoniens des communes de Saujon et Cozes montre l’identité du plan de ces deux halles : même forme rectangulaire, même emprise au sol en longueur et largeur, même nombre de piliers. La proximité est telle que les deux calques se superposent. Il est donc très possible que ces deux halles furent, sinon construites en même temps, du moins par les mêmes maîtres d’oeuvres. L’on sait, par dendrochronologie, que les piliers extérieurs de celle de Cozes furent installés au cours de la seconde moitié du XVe siècle, ce qui cadre avec la mention de la réalisation de la toiture de celle de Saujon en 1476. La proximité des physionomies des halles de Saujon et Mornac permet même d’avancer l’hypothèse d’une construction contemporaine, ou à peine plus tardive (début XVIe siècle) de cette dernière halle, même si les dimensions en sont cette fois différentes. Qu’elles témoignent ou non d’une politique de reconstruction commerciale, les halles connaissent au cours des années 1450-1550 une diffusion inédite jusque là en Saintonge. Cette période, notamment le dernier tiers du XVe siècle et le début du XVIe siècle, est en effet marquée par un puissant mouvement de construction de nouvelles halles159. Parallèlement à ces réalisations datables, plusieurs sites apparaissent entre 1450 et 1550 désormais équipés de halles, sans que l’on puisse savoir quand ils s’en sont dotés. Celle d’Angoulins, mentionnée pour la première fois en 1458, semble appartenir à la même génération que sa voisine de Salles (première moitié du XIVe siècle)160. Au Château-d’Oléron, la halle est mentionnée en 1468 à propos du commerce du sel, richesse de l’île161, et elle l’est en 1478 à Jarnac162, ainsi qu’à Baigne-Montausier en 1497163. Esnandes possède une halle en 1517164, Pons en 1525165, Soubise en 1531166, Aulnay en 1539167, et Gémozac en 1547168.

  • 169 Site des enchères des fermes du domaine royal de Saintonge (A.H.S.A. t. VIII, p. 414, 1455 (...)
  • 170 Un auditoire royal est installé sous la halle en 1469 (R.S.A. anc. t. XXXIX, p. 101-102). (...)
  • 171 B.M.P., ms. 563 (1495).
  • 172 B.M..L.R., ms. 2691, 1459 et 2692, 1472 (Mi 139).
  • 173 « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 78 (1455), et A.H.S.A. t. (...)
  • 174 La halle, vétuste, est mentionnée en 1484 (A.N., 1 AP 181, f° 64-69), puis à la fin du XVe(...)
  • 175 En 1480 un banc est arrenté sous la halle (A.D. 86, 3 H 1 – 272), et un accord entre les b (...)
  • 176 « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 125 (1493) et 121 (1520).
  • 177 A.D. 17, H 67.
  • 178 La grande halle marchande de Cognac est mentionnée en 1535 (A.H.S.A. t. XV, p. 233-236). C (...)
  • 179 La « halle à vendre le pain » est mentionnée à La Rochelle en 1355 (A.N., JJ 89, n° 208 f° (...)
  • 180 La boucherie de la Rochelle, mentionnée en 1286 (Marchegay, « Chartes de Fontevraud... », (...)
  • 181 La poissonnerie de La Rochelle est mentionnée depuis le début du XIIIe siècle (Rotuli Char (...)
  • 182 Il faut également signaler le rôle joué dans la diffusion des halles par l’obligation, au (...)
  • 183 F. Michaud-Fréjaville, « Belles foires et marchés du Berry, XIVe-XVIe siècle », Foires et (...)

18À côté de ces halles nouvellement mentionnées, certaines anciennement présentes continuent de polariser l’activité commerciale : c’est le cas à Saintes169, Saint-Jean-d’Angély170, Barbezieux171, Salles172, Taillebourg173, Marans174, Bourgneuf175, Saint-Savinien176, Surgères177 ou Cognac178. La présence de ces édifices est, on l’a vu, un signe de rentabilité et d’importance du marché, qui permet d’approcher le sommet de la hiérarchie des places commerciales. Mais la multiplication, dans un même site, de halles spécialisées, révèle un niveau d’activité encore supérieur. À côté de la halle marchande, l’on peut trouver plusieurs édifices réservés à un marché particulier : paneterie, comme à Cognac ou à La Rochelle179 ; boucherie à Cognac, La Rochelle, Saintes, Saint-Jean-d’Angély, Barbezieux ou Surgères180 ; poissonnerie à Saintes, La Rochelle, Saint-Jean-d’Angély, Saint-Savinien, Cognac et Gémozac181… Spécialisée ou non, la halle est omniprésente en Aunis-Saintonge à la fin de notre période : ce sont alors au moins 36,7 % des places commerciales qui sont équipées, traduisant l’intense commercialisation de la société charentaise ainsi que son dynamisme économique182. Au même moment en effet, les halles sont en Berry encore rares183. Pourtant la halle, malgré les avantages qu’elle procure à la place qui s’en dote, a évidemment un coût, variant selon l’ampleur du bâtiment. D’autant que, l’effort de construction réalisé, il faut encore être capable d’entretenir ces édifices, ce qui réserve le plus souvent ces infrastructures aux places les plus animées.

Les halles : des coûts parfois considérables, des physionomies variables

  • 184 D’après les « comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. G. Musset, R.C.A.M. t. XIV, 1897-1898, (...)
  • 185 « Et pour ce sambleroit que ce fust esloingnement à ce que les devant dites hales ne nous (...)
  • 186 « Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. G. Musset, op. cit. p. 113-114 : « Pro II ferratur (...)
  • 187 Voir le plan donné par J.-B.-E. Jourdan à la fin du tome I de ses Éphémérides Historiques (...)

19L’on ne dispose hélas dans la documentation, pour connaître le coût moyen de la construction et de l’entretien des halles médiévales, que d’indications partielles. Cela n’en rend que plus exceptionnels les comptes des termes de l’Ascension et de la Toussaint 1261, qui détaillent la plupart des travaux réalisés sur les halles de La Rochelle et leur coût. L’importance du bâtiment final, au vu des travaux, le distinguait cependant certainement des autres halles urbaines ou rurales plus modestes et moins coûteuses. Il reste que l’ampleur des travaux rochelais donne une idée du grand chantier du milieu du XIIIe siècle, quand la Saintonge se dote de nombreuses halles sous l’administration alphonsine. Détaillons donc, puisque l’on est en mesure grâce à la documentation de le faire, les travaux de la halle de La Rochelle en 1261184. La première chose était, évidemment, de trouver l’emplacement du bâtiment. Dans le cas de La Rochelle, l’on a vu que cette question, insuffisamment pesée, fut une des causes des mésaventures du sénéchal Jean de Sens, initiateur des travaux185. Il est actuellement difficile de localiser précisément les halles de 1261, détruites en 1267, même si plusieurs indices sont donnés par les comptes de construction. Ces halles, rectangulaires, s’élevaient sur un de leurs petits côtés face à la mer, et sur l’autre face à la ville de La Rochelle, tout en s’adossant sur un de leurs côtés au mur de la ville186. L’on peut, à l’aune de ces éléments, risquer une hypothèse, à ne prendre certes que comme telle, sur l’installation de ces halles dans le quartier du Perrot, près du port de La Rochelle, s’adossant à l’ancienne muraille qui isole le havre de la ville (quartier de la Bourcerie). C’est d’ailleurs dans ce même quartier, derrière le cimetière de Saint-Jean, que l’on trouve encore à la fin du XVIe siècle une « rue des halles »187. Cette implantation réunit tous les éléments mentionnés dans le document : un côté donne bien sur la ville, l’autre sur la mer, au-delà du rempart reliant actuellement les tours de la Chaîne et de la Lanterne. Quant au mur de ville sur lequel s’appuie la halle, et qui paraît assez peu crucial pour la défense de la cité pour qu’on se permette de le percer de fenêtres, s’il ne saurait être un des grands remparts externes de la ville, il peut fort bien être un de ces murs anciens qui isolaient le port des quartiers habités, et qui n’avaient plus une grande valeur défensive au XIIIe siècle, avec la fortification de l’entrée du havre. Il faut mettre ces faits en relation avec un acte à peu près contemporain autorisant les populations du quartier de la Bourcerie à percer le mur d’enceinte du port pour faciliter l’entrée et le dépôt des marchandises amenées par bateaux. Cette vocation permettait d’ailleurs d’y réaliser un important bâtiment, l’activité de stockage laissant sans doute vacants d’importants espaces. L’unique problème de cet emplacement, auquel se heurta Alphonse de Poitiers, était effectivement son éloignement du coeur du trafic rochelais, situé dans les quartiers Saint-Sauveur et du Temple.

  • 188 « Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. G. Musset, op. cit. p. 113-114 : « (...) pro fossi (...)
  • 189 Ibid., p. 113 : « lathomo qui facit muros halarum de Rupella (...), pro lapidibus et latho (...)
  • 190 Ibid., p. 113-114 : « Pavatori qui pavavit curiam, scilicet tesiam (...), pro terra apport (...)
  • 191 Ibid., p. 120-121 : « Magistris qui approbaverunt opus carpentarii qui fecit halas (...). (...)
  • 192 Ibid. p. 113-114 : « Magistro qui tegit dictas halas de adesia (...) », et p. 120-121 : « (...)
  • 193 Ibid., p. 113-114 : « Pro ferraturis duarum fenestrarum lucannes (...). Pro ferrata domus (...)
  • 194 Ibid., p. 113 : « Pro cisterna halarum de Rupella facienda (...) ». Cette mise en place d’ (...)
  • 195 Ibid. p. 120-121 : « Pro marramento sex graduum factis in dictis halis (...). Magistro Joh (...)
  • 196 Ibid. p. 120-121 : « Pro duabus giroetis in domo ex parte maris (...) ».
  • 197 Ibid. p. 120-121 : « Magistro Johanni Le Plastrier (...) pro muris ville levandis et repar (...)
  • 198 Il s’agit du plan de Braunius, où les halles sont notées L.
  • 199 Alphonse avait en effet, à Saintes et à Saint-Jean-d’Angély, profité de la construction de (...)
  • 200 Correspondance administrative d’Alphonse de Poitiers, t. II, op. cit., p. 430-431 : « Seur (...)
  • 201 Ibid., t. I p. 69-71.
  • 202 D’après le tableau des revenus et dépenses d’Alphonse de Poitiers donné par Édgard Boutari (...)
  • 203 Le terme, même mal latinisé, ne souffre aucune discussion : il s’agit bien d’une halle («  (...)
  • 204 Foedera..., éd. Th. Rymer, t. II, partie 1, p. 142 : « (...) Dedit intellegi domino de Cre (...)
  • 205 B.M.C., MM 32, p. 402-405 : un banc de boucher est arrenté 40 sous par an « à telle condit (...)

20Une fois l’emplacement choisi, les travaux furent menés assez rapidement malgré l’importance du bâtiment, en moins d’une année. Les différentes phases de la construction sont mentionnées dans le désordre dans les comptes : les travaux étaient en effet menés parallèlement en plusieurs endroits, sans avancer au même rythme, et les artisans étaient payés une fois leur tâche achevée. Il est néanmoins possible de les identifier. L’on s’attacha d’abord aux travaux de terrassement (nivellement du terrain) et de fondation des murs et des piliers des travées de la halle188. Vint ensuite l’élévation des quatre murs de pierre189, tandis que, sans doute en même temps, l’on pavait la halle (confort certain par rapport aux halles rurales au sol de terre battue)190. L’essentiel maintenant, raison d’être évidente de la halle, était la couverture. Celle-ci reposait sur une charpente de bois191 et était d’ardoise192. Outre une porte qui y donnait accès, la halle était éclairée de deux lucarnes ainsi que de neuf fenêtres et six fenêtres à coulisse sur chaque façade193. Les travaux s’achevèrent par les finitions : construction d’une citerne194 ; de deux pomellos sur la façade donnant sur la mer dont nous n’avons pas trouvé l’utilisation ; de six degrés de bois à l’intérieur de la halle visant sans doute à matérialiser les emplacements des étals, plus deux de pierre qui devaient conduire de la rue à l’intérieur de la halle195 ; deux girouettes sont également installées sur la façade de la halle donnant sur la mer, symbole du pouvoir banal comtal s’exerçant sur l’édifice, mais aussi objets utiles dans une cité portuaire pour déterminer le caractère favorable ou non des vents196 ; enfin le mur d’enceinte est rehaussé au dessus de la halle qui s’y appuyait197. L’édifice paraît ainsi avoir eu un bel aspect, tout y étant prévu pour le confort des marchands amenés à le fréquenter. Il s’agissait, en effet, de construire un bâtiment digne du dynamisme commercial de la cité, apte à en abriter l’importante communauté marchande. Relativement étendue, la halle ressemblait à un vaste hangar percé de fenêtres, assez proche donc, en plus grande, de celle de Saintes construite peu auparavant, dont l’on conserve une vue des années 1560198. Bâtie de pierre, de bois, de plâtre et de chaux, couverte d’ardoises, cette halle signifiait le dynamisme rochelais et symbolisait aussi la puissance comtale et les revenus qu’il espérait du bâtiment, en captant à son profit une part du succès économique de La Rochelle, au mépris des droits anciens des autorités en place199. C’est d’ailleurs sans doute aussi un des éléments qui explique le « boycott » des halles par les marchands rochelais, qui eut des conséquences catastrophiques sur la rentabilité d’un bâtiment pour lequel le comte n’avait pas lésiné sur les moyens, conseillé en cela par son sénéchal de Saintonge Jean de Sens qui devait s’en mordre les doigts, et finalement en mourir de dépit. L’addition des sommes engagées dans la construction, directement ou indirectement, chiffre la dépense à près de 730 livres pour les seuls termes de l’Ascension et de la Toussaint 1261. Sans compter les frais qui ont pu intervenir en amont (premiers travaux, achat de certains matériaux) ou en aval (finitions et entretien) de ces dates. Il ne faut donc guère s’étonner des remontrances qu’un Alphonse, irrité devant le gaspillage que représente la désertion des halles de La Rochelle, adresse à son sénéchal peu après l’achèvement de l’édifice200. Le problème, insoluble pour ce dernier qui mourut en 1265 à court de solution, fut réglé en 1267 par le comte lui-même, qui, contre 6 000 livres versées par les Rochelais, autorisait la destruction des halles, dégageant au passage un intéressant bénéfice201. De fait, les frais de construction des halles rochelaises ne représentaient guère qu’environ 2,4 % des dépenses des domaines d’Alphonse des termes de l’Ascension et de la Toussaint 1260202, soit une goutte d’eau en valeur absolue. En valeur relative cependant, les 730 livres de dépenses occasionnées par la construction de la halle étaient néanmoins considérables, en ce qu’elles ne concernaient qu’un bâtiment parmi près d’une dizaine d’autres construits pendant le principat d’Alphonse en Poitou et Saintonge. Il est à cet égard dommage que le compte de construction des halles alphonsines de Niort, célèbres au XIVe siècle pour leur taille, et qui aurait fourni la base d’une intéressante comparaison, ne soit pas conservé. L’importance des halles de La Rochelle se révèle cependant en comparant leur coût à celui de la construction de celles de Montendre. Le sénéchal de Saintonge pour le roi d’Angleterre y avait fait construire en 1317 une « domus, vocata cohna »203, dont il avait assuré, alors que l’on n’était pas sûr de la rentabilité de l’investissement, qu’elle rapporterait au roi 50 livres de rente annuelle. La réalisation de cette halle coûta au moins 400 à 500 livres, mais l’édifice ne rapporta pas plus de 100 sous à l’année, dix fois moins donc que les estimations204. Cette indication, il est vrai, émane d’une longue plainte adressée au roi d’Angleterre contre les agissements de son sénéchal, peut-être portée à amplifier les récriminations, ce qui, du reste, ne remet pas en cause ce que nous voulons démontrer. Consacrer 400 à 500 livres pour la construction d’une halle était apparemment jugé en 1317 comme un acte exagéré, puisque l’auteur de la plainte prend soin d’opposer cette somme aux revenus réels tirés de l’édifice. Même en admettant que le rapporteur de ces événements ait exagéré le coût des travaux, sa plainte indique néanmoins qu’une halle « standard », dans un site au commerce moyennement dynamique (moins de 5 livres à l’année) coûtait en 1317 dans les 300 livres, et qu’une somme de 400-500 livres paraissait en tous les cas exorbitante. L’on voit ainsi assez l’ampleur des frais engagés pour la halle de La Rochelle et le caractère monumental de ce bâtiment, dont le coût de construction représentait au moins deux fois celui d’une halle moyenne, même si la comparaison entre la livre de 1261 et celle de 1317 doit être maniée avec précaution, sa valeur ayant fluctué entre temps (« remuements monétaires » de Philippe le Bel). Ces importants coûts de construction, même pour une halle moyenne, expliquent la recherche de solutions alternatives de financement de la réalisation du bâtiment. À Cognac en 1500, la concession de nouveaux bancs de bouchers entraîne l’occupation de l’ancienne poissonnerie, déménagée vers la paneterie, elle-même abritée sous une nouvelle halle. Ce jeu de chaises musicales entraîne de lourdes charges pour le seigneur de Cognac, qui doit rénover la halle de la nouvelle poissonnerie et construire un édifice neuf pour les panetières. Afin de limiter ces dépenses, ce sont les sept bouchers bénéficiaires des nouveaux bancs créés sur l’emplacement de l’ancienne poissonnerie qui sont chargés, à leurs frais, de faire réaliser ces travaux, en se fournissant cependant gratuitement en bois dans les forêts seigneuriales205.

  • 206 « Comptes d’Alponse de Poitiers », éd. G. Musset, op. cit. p. 113 : « Pro fenestris cohue (...)
  • 207 Enquêtes administratives d’Alphonse de Poitiers, op. cit., p. 288 : « Restituantur Guiller (...)
  • 208 B.N., PO 2043, ms. fr. 28 527, dossier 46636 n° 6 et 7.
  • 209 « Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. G. Musset, op. cit. p. 121 : « Pro halis Sancti Jo (...)
  • 210 Comptes Royaux, t. I, éd. R. Fawtier, compte la sénéchaussée de Saintonge, p. 381 : « pro (...)
  • 211 Ibid., t. II, p. 162-163 : « Pro operibus ale sive cohue Sancti Johannis Angeliaci, per co (...)
  • 212 B.N., fr. 20 584, n° 56 : « ès foires de la sainct Luc dernières passées Guilaume Arche pr (...)
  • 213 « Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. G. Musset, op. cit. p. 113-114 : « Pro halis Sanct (...)
  • 214 Comptes royaux, op. cit., t. I, p. 379 : « pro eadem cohua tegenda et reparanda » ; ibid., (...)
  • 215 « Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. A. Bardonnet, op. cit., p. 130-131.
  • 216 Comptes royaux, t. II, op. cit., p. 162-163.
  • 217 « Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. A. Bardonnet, op. cit., p. 95.
  • 218 Ibid., p. 130-131.
  • 219 En 1469, l’auditoire du roi est installé sous la halle, entraînant des travaux (R.S.A. anc (...)
  • 220 D’importants travaux sont réalisés en 1455, après plus d’un siècle de laisser-aller (B.N., (...)

21Une fois les halles bâties, encore fallait-il pouvoir les entretenir. Celles-ci, même récentes, exigeaient en effet des réparations régulières, mentionnées à travers les comptes de l’administration d’Alphonse de Poitiers. À Saintes, par exemple, où la halle date du début des années 1250, une fenêtre du bâtiment est réparée dès 1261206, et en 1269 une restauration nécessite la réquisition d’un bœuf pour transporter le bois nécessaire, qui meurt à la tâche207. En 1344 enfin, elle est pratiquement reconstruite après avoir beaucoup souffert des récents sacs de Saintes par les Français208. La halle de Saint-Jean-d’Angély connut aussi des travaux réguliers. Bien que récente (elle remonte aux années 1255-1259), des travaux relativement coûteux y sont réalisés dès 1261209. Elle est rénovée en 1293210, et en 1305-1306, le roi de France consacre à nouveau à ce bâtiment plus de 112 livres, soit plus d’un cinquième des dépenses totales de la sénéchaussée de Saintonge211. En 1343, de nouveaux travaux à cette halle coûtent plus de 71 livres212. D’autres halles contribuaient aussi à alourdir les dépenses comtales, comme celles de Saint-Xandre. Leur construction semble légèrement antérieure à celles de La Rochelle, puisque l’on trouve mention des derniers travaux de couverture apportés au bâtiment dans le même compte de 1261 qui détaille les frais de construction de l’édifice rochelais213. Ces halles paraissent cependant de moindre ampleur que celles du grand port voisin : la couverture de la halle, qui a nécessité 4000 tuiles et coûté 60,5 sous, est bien moins onéreuse que celle de sa voisine de La Rochelle, pour laquelle les frais généraux de couverture (achat et transport des ardoises, certes plus chères que les tuiles de terre cuite de Saint-Xandre ; salaire du couvreur ; location de l’emplacement où furent entreposées ces ardoises...) se montent à un peu plus de 273 livres, soit environ 90 fois plus que ceux de Saint-Xandre ! Même si certains travaux sur la toiture de cette dernière halle ne sont peut-être pas reportés dans le compte de 1261 et apparaissaient dans ceux, disparus, de 1260 et des deux premiers termes de 1261, l’on ne peut douter qu’une telle différence se justifie d’une part par le matériau utilisé, mais surtout par la différence des superficies des deux bâtiments. L’emprise au sol de la halle de La Rochelle était assez importante, rappelons-le, pour que sa toiture soit capable d’approvisionner une citerne… En 1293, la halle de Saint-Xandre est réparée et recouverte pour 42 sous, mais de nouveaux et importants travaux doivent être effectués en 1305, pour plus de 63,5 livres214. La couverture de la halle est encore la cause d’une partie de ceux-ci. En 1246 la halle de Frontenay, elle aussi récente, ainsi que la réparation d’un moulin, coûtait à Alphonse 65 livres 18 sous215. Quand à celle de Benon, construite certainement aussi sous l’administration d’Alphonse de Poitiers, elle imposait en 1305 78,5 sous de frais216. Les dépenses comtales, on l’a dit, ne se bornaient cependant pas aux halles saintongeaises. Celles du Poitou, que le comte avait aussi multiplié, lui coûtaient également fort cher. Ce sont par exemple six livres qui sont dépensées en 1245 « pro hala de Latilliaco [Latillé] reparanda »217. L’année suivante, cette même halle est recouverte, pour 32 sous218… À la fin de notre période encore, les dépenses d’entretien des halles de Saintonge continuent de grever le budget royal, à Saint-Jean-d’Angély219 ou à Saintes220.

  • 221 À Esnandes en 1521, la « fenestre de la cohue » ne rapporte plus rien « parce que tout est (...)
  • 222 Enquêtes administratives d’Alphonse de Poitiers, op. cit., p. 200 : « Absolvatur dominus c (...)
  • 223 A.H.S.A. t. XV, 1887, p. 149. Nous avons corrigé la transcription erronée du baron de la M (...)
  • 224 « Recueil des documents concernant le Poitou…, t. I (1302-1333) », éd. P. Guérin, A.H.P. t (...)
  • 225 « Jonzac et Ozillac », éd. Denys d’Aussy, A.H.S.A. t. XX, p. 266 (1513, procès de liquidat (...)
  • 226 A.N., 1 AP 181 f° 64-69, précompte de la seigneurie de Marans dressé en 1484 pour le parta (...)
  • 227 A.H.S.A. t. IV, p. 192-195. Les fermes avaient légèrement baissé en 1261, avec 800 livres (...)
  • 228 « Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. A. Bardonnet, op. cit., p. 4 et 7.
  • 229 Comptes royaux, op. cit., p. 154. Rappelons l’évolution des fermes commerciales d’Esnandes (...)

22La halle, à l’armature de bois très sensible aux intempéries, exigeait donc un entretien permanent, sans quoi la ruine menaçait221. Cette nécessité explique l’importance, dans les régions forestières, des droits d’usage de certains seigneurs pour s’approvisionner en bois de construction. C’est ce qui motive une demande du seigneur de Mauzé en 1266, afin d’entretenir sa halle à partir du bois de la forêt de Benon voisine, que les officiers d’Alphonse de Poitiers rejettent222. Il parvint néanmoins apparemment à ses fins, puisqu’il déclare dans son aveu et dénombrement de 1384 « ay usage et exploit à copper à pié en ladite forrest [de Benon], excepté les deffens, à maisonner, à molliner, tonneler, faire et refaire les ponts de ladite ville de Mausé, et les quehues et les justices (...) »223. Ce même droit d’usage dans la forêt de Benon, contesté par les officiers royaux, avait été confirmé par le roi en 1308 aux religieux du prieuré de Bouhet, dépendant de Montierneuf, valable « ad edificandum, reedificandum et ardendum, et ad omnia sua neccessaria facienda, videlicet pro dicto prioratu et pourprisia ejusdem, cohua, furnis, molendinis, pressoriis et grangiis ville de Boeto et extra »224. Ces avantages paraissent être d’un grand intérêt, lorsque l’on apprend qu’au début du XVIe siècle l’entretien des halles de Jonzac était estimé à plus de douze livres par an. Même si la monnaie dépréciée depuis le XIIIe siècle interdit toute comparaison, alors que le seigneur de Jonzac avait de plus intérêt à gonfler le montant réel de ses charges pour préserver ses droits sur les revenus commerciaux du bourg dans le cadre d’un procès de partage entre les héritiers, ce chiffre est éloquent225. Il reste cependant à prendre avec précaution, puisqu’en 1484, seuls 40 sous étaient réservés à la réparation de la halle de Marans qui, même apparemment moins importante, avait pourtant beaucoup souffert du manque d’entretien pendant les guerres226. Les frais d’entretien variaient en fait en fonction de l’importance de l’édifice, lui même variable selon le dynamisme de la place commerciale. Les recettes sont évidemment généralement supérieures aux charges occasionnées par la halle. À Saint-Jean-d’Angély, les revenus de la prévôté, regroupant notamment ceux de la halle et du port, atteignaient 860 livres en 1259, et ceux de Saintes 720 livres227. Ils avaient fortement augmenté depuis 1243, premier affermage des prévôtés dont on ait trace, antérieur à la construction des halles dans ces deux villes : à Saintes, la ferme de la prévôté, incluant les droits de vente et d’étalage, atteignait 340 livres, et celle de Saint-Jean-d’Angély seulement 120 livres228. Si des éléments extérieurs ont pu contribuer à élever les enchères en une vingtaine d’années, une bonne part de cette forte croissance s’explique par l’essor commercial et la mise en place des halles, ces deux éléments étant interdépendants. L’on doit donc dater l’accélération de la croissance à partir de la construction des halles, les enchères atteignant grâce à ces dernières un plafond aux niveaux des années 1260, avant de revenir lentement à des seuils plus raisonnables, encore cependant très supérieurs à ceux de 1243 : en 1305 la prévôté de Saint-Jean-d’Angély rapporte toujours 520 livres229. Ne nous y trompons d’ailleurs pas : Alphonse de Poitiers, qui ne cherchait par la construction des halles qu’à dégager le plus rapidement possible des bénéfices, comme l’indique la lettre à Jean de Sens à propos de celles de La Rochelle, n’aurait jamais bâti ces bâtiments en des lieux où leur rentabilité (revenus déduits des frais de construction et d’entretien) n’était pas assurée. D’où l’adaptation des dimensions des halles au dynamisme commercial de la place où elles étaient établies. Là où de forts excédents étaient escomptés (La Rochelle), la halle était vaste et confortable. Là où, par contre, les bénéfices espérés étaient plus faibles (Saint-Xandre), le bâtiment était plus modeste, couvert de simples tuiles. Les revenus distinguaient donc les halles, mais aussi leur apparence.

  • 230 L’on a expliqué en introduction la fiabilité de la représentation des halles de Saintes da (...)
  • 231 C’était l’avis de Claude Masse en 1718, à propos de la grande boucherie de La Rochelle, bâ (...)
  • 232 A.N., JJ 210 n° 13, f° 11 (mai 1483), où l’on mentionne « un conex ou pertuis par où l’en (...)
  • 233 Voir le plan de la commanderie réalisé en 1786, A.D. 86, 3 H 1, registre n° 399. La halle, (...)
  • 234 R.S.A. anc., t. XXXIX, p. 101-102, compte de la sénéchaussée de Saintonge de 1469-1470, éd (...)
  • 235 « La commanderie du Breuil-du-Pas », éd. abbé Grasilier, R.C.A.M. t. III, 1875-1876, p. 50 (...)
  • 236 « La hale (...) où est le dit four et le tout sous le même toit (...) » (1758), A.H.S.A. t (...)
  • 237 Une note en marge d’un article de 1491 du terrier de la commanderie mentionne « ung puys s (...)
  • 238 « Censif du prieuré de Saint-Vivien de Saintes », éd. L.-H. Hude, A.H.S.A. t. L, p. 134 : (...)
  • 239 Un document de 1316 qualifie ainsi la halle de Barbezieux de domus mercati (« Chartes sur (...)

23Il est assez difficile de connaître l’aspect des halles médiévales d’Aunis-Saintonge : l’on n’en conserve aucune représentation contemporaine, et les bâtiments encore en place actuellement ont pu être remaniés aux époques postérieures. L’on peut cependant distinguer entre halles urbaines et rurales. Les premières, que l’on connaît à Saintes et La Rochelle notamment par le plan de Braunius230, les diverses mentions de réparations, ou le compte de 1261, ont l’allure de vastes hangars231. Elles sont de forme rectangulaire, pavées, et leurs murs sont équipés de fenêtres plus ou moins sophistiquées (certaines de celles de La Rochelle sont à coulisses), qui éclairent plusieurs nefs séparées par des rangées de piliers. Les pignons ont des lucarnes. Leurs murs sont faits de pierre, plâtre et chaux, et une charpente de bois supporte une toiture d’ardoise. Elles peuvent être dotées d’un certain confort : la halle de la grande boucherie de La Rochelle possède ainsi un conduit destiné à évacuer les déchets dans les douves de la ville232. Les halles rurales obéissent à un modèle plus simple et sans doute moins coûteux à bâtir et entretenir. Ouvertes, elles se composent généralement de trois travées séparées par des poteaux de bois, et reposent sur des piliers de pierre ou bois. Leur toiture est de tuile, comme à Saujon (1476) ou Saint-Xandre (1261), et leur sol de terre battue. C’est ce genre de halle médiévale qui existe encore aujourd’hui à Cozes ou Mornac, voire Saint-Jean-d’Angle et Pisany, et dont on conserve d’anciennes photographies à Saujon, Baigne, ou Beauvais. Ce sont elles aussi qui sont représentées à Tonnay-Charente et Tonnay-Boutonne dans deux gravures de Chastillon de la fin du XVIIe siècle. Celle de Tonnay-Boutonne est ouverte, et montre une charpente massive. La toiture du bâtiment, considérable et percée de deux fenêtres, domine la bourgade. Le symbole n’en est pas absent, puisque sur le faîte du toit sont placés de petits éléments dont l’un semble porter un oriflamme seigneurial. À Tonnay-Charente, la halle, ouverte, est de forme carrée, comme celle de Bourgneuf233. Les halles n’étaient d’ailleurs pas exclusivement réservées aux bancs, puisque l’on y trouve plusieurs structures qui reflètent leur statut de centre de la vie économique et sociale. Les halles de Saint-Jean, on l’a dit, abritent à partir de 1469 l’auditoire royal234, suivant en cela l’exemple de celles de Saintes235. Ces cas ne sont pas extraordinaires : dans le Midi Toulousain, les halles sont souvent associées aux maisons communes (halles de Grenade, Revel, Saint-Félix-Lauragais…). À Arvert, l’on a des mentions tardives de la présence d’un four banal sous la halle, pratique qui peut remonter au Moyen Âge236. Des puits, aussi, pouvaient exister sous l’édifice (Beauvais-sur-Matha, Saint-Jean-d’Angély237), accentuant son statut de centre de sociabilité, ainsi que des boutiques238. Mais la halle est d’abord le cœur du marché239, et en tant que tel, très liée au pouvoir banal et à sa fiscalité, elle subit la concurrence d’infrastructures marchandes jouant le même rôle : fenêtres, maisons, et autres boutiques.

Les infrastructures concurrentes des halles

  • 240 Enquêtes administratives d’Alphonse de Poitiers, op. cit., p. 139, 1263 : « Nos reddidimus (...)
  • 241 Actes du Parlement de Paris, éd. É. Boutaric, t. I, p. 94, n° 999 : un arrêt déclare que l (...)
  • 242 Correspondance administrative d’Alphonse de Poitiers, t. I, op. cit., p. 62 : « (...) Dere (...)
  • 243 Ibid., p. 69-71.

24Le rôle principal de la halle était d’abriter les marchands et leurs marchandises, tout en favorisant la perception des taxes. Elle centralisait ainsi le prélèvement banal pesant sur le marché. Il ne faut donc guère s’étonner qu’autour de celui-ci se soient développées des infrastructures commerciales parasites, qui grevèrent en partie la rentabilité des halles dès que celles-ci apparurent, aux dépens de leur vocation centralisatrice. Des particuliers cherchaient en effet à tirer profit de l’animation des assemblées commerciales en louant leurs fenêtres donnant sur le marché, voire en faisant commerce dans leurs maisons. La pratique de l’étalage sur les fenêtres et dans les maisons bordant la place du marché apparaît de manière récurrente du milieu du XIIIe siècle à la fin de notre période d’étude. Elle se poursuit ensuite, et l’on peut encore en trouver des traces à la fin du XVIIIe siècle. Souvent mal tolérée en raison de la concurrence qu’elle créait envers la halle et ses droits d’étalage seigneuriaux, la pratique fut strictement réglementée. Ce fut le cas, sous Alphonse de Poitiers, à Saint-Jean-d’Angély240. Le comte n’avait dans un premier temps accepté cette pratique qu’à condition de recevoir la moitié des droits perçus lors de la location. L’enquête de ses agents, dont nous venons de nous faire l’écho, sur les récriminations des loueurs de maisons, décida avec l’accord comtal de maintenir le droit des riverains de la halle de louer librement leurs maisons aux exposants, à la condition que lorsque la halle serait « tellement pleine que l’on ne puisse plus y entrer » les droits qu’ils percevaient pour la location seraient partagés avec le comte. La question se pose ici essentiellement en terme de concurrence. Le comte venait en effet à peine d’achever les halles de Saint-Jean, et tablait sur leur fréquentation pour les rentabiliser rapidement par les droits d’étalage. Mais, profitant de l’essor commercial général et du relatif déplacement du centre économique urbain vers les halles, les tenanciers des maisons voisines arrondissaient leurs fins de mois en louant leurs maisons (à prendre sans doute au sens large : boutique, fenêtre, appentis voire jardinet) à des marchands pendant les foires et marchés. Pour que le comte s’émeuve de cette situation, la pratique devait avoir pris une ampleur de mesure à freiner le développement de la halle. Ce qui suppose que les particuliers, qui ne subissaient pas de charges de construction et d’entretien particulièrement élevées, contrairement au comte, pouvaient pratiquer des prix de location plus bas que ceux de la halle. L’intervention du comte, toujours soucieux de ses intérêts financiers, était inévitable. Elle traduit la subtilité d’Alphonse de Poitiers. Le comte commence par imposer aux riverains de la halle louant leur maison aux marchands le prélèvement de la moitié de leurs bénéfices. Il gagnait ainsi sur les deux tableaux malgré la concurrence entre halle et maisons. Devant les plaintes des loueurs, il fit machine arrière de manière non moins habile. Il sut préserver ses droits sur les locations de maisons en transformant ce phénomène, à l’origine parasitaire à l’encontre de la halle, en une annexe de celle-ci, légalement intégrée à l’organisation commerciale de cette dernière. Dès que la halle était en effet pleine, les revenus comtaux continuaient de profiter de la fréquentation marchande par la perception de la moitié des droits de location des maisons voisines. S’il renonçait à une partie de ses droits en ne touchant rien sur les maisons riveraines tant que la halle n’était pas pleine, le comte y gagnait en neutralisant dans un statut d’annexe légale des infrastructures jusque là parasites. Cette concession d’un comte qui n’avait pas pour habitude de renoncer à des revenus potentiels démontre aussi que la halle était devenue, quelques années seulement après sa construction, assez régulièrement surchargée de marchands pour permettre qu’Alphonse, gagnant sur le terrain des locations de maisons riveraines, ne considère pas l’accord de 1263 comme une perte financière. Cette mesure paraît efficace puisqu’on la retrouve appliquée de manière contemporaine dans les domaines du frère du comte, à Pont-Audemer241. Pourtant les tentatives du comte de phagocyter la concurrence opposée aux halles par des particuliers louant leurs maisons ou vendant en celles-ci n’aboutirent pas toujours. C’est ainsi qu’à la Rochelle une des raisons de l’échec des halles comtales fut, outre l’éloignement de celles-ci des quartiers marchands, l’opiniâtreté des bourgeois rochelais à préférer vendre leurs produits directement dans leurs demeures, sans doute par le biais de boutiques ou d’étals dressés devant leurs portes, étant ainsi dispensés de droits d’étalage. Une lettre d’instruction comtale aux hommes envoyés en Poitou pour percevoir la subvention de Terre Sainte de juillet 1267, quelques mois seulement avant la destruction des halles rochelaises, démontre la difficulté de contraindre les marchands à abandonner cette pratique qui a le tort de ne rien rapporter au comte242. Le document est explicite : il faut faire entendre aux Rochelais qu’il serait bon qu’ils se décident à étaler leurs marchandises sous les halles comtales, plutôt que de continuer à vendre directement en leurs osteus. Il témoigne par ailleurs de la volonté d’Alphonse de placer sous son contrôle ces manifestations du commerce rochelais nocives à la halle. Les agents comtaux doivent en effet savoir si « li coens puet deffendre qu’il ne vendent les marchandises en leurs osteus sanz la volenté monseigneur le conte ». Parvenir à imposer l’obligation d’en référer au comte pour vendre ses marchandises en son hôtel, c’était réaliser le même processus qu’à Saint-Jean, faire d’une manifestation commerciale concurrente des halles comtales une annexe de ces dernières. La tentative échoua pourtant. L’expédition de Tunis se préparait en effet, et nécessitait de l’argent, préoccupation centrale de notre document : il faut en effet tirer de cette situation « la graigneur que l’en pourra trere (...) en boene manière ». C’est ce qui explique que, dès novembre, le comte acceptait de renoncer à tout droit sur le commerce rochelais, en s’engageant à ne pas bâtir de halle à moins d’une demie lieue autour de La Rochelle, les Rochelais rachetant l’emplacement de la halle pour 6 000 livres243.

  • 244 A.D. 17, H 76, pièce 25.
  • 245 « Registres de l’échevinage…, t. III », op. cit., p. 177.
  • 246 A.D. 17, 1 J 353, p. 391-392, 7 avril 1485 : « (...) Par le même acte on voit encore que p (...)
  • 247 L’on trouve effectivement mention, dans le censif de Matha de 1533-1534 (A.D. 17, 1 J 356- (...)
  • 248 A.N., P 5561, n° 971 (26 mai 1539), aveu du seigneur des Gonds de « la moictié par indivis (...)
  • 249 Dénombrement du marquisat de Barbezieux, 19 juillet 1771, A.H.S.A. t. XV, 1887, p. 374 et (...)
  • 250 A.N., P 5531, aveu de la baronnie de Châtelaillon. Transcription et communication de M. J. (...)
  • 251 B.M.L.R., ms. 2691 (Mi 139), f° 180 v° et 183 v° et ms. 2692 (Mi 139), f° 167 r°.
  • 252 « Registres de l’échevinage de Saint-Jean-d’Angély, tome I », éd. Denys d’Aussy, A.H.S.A. (...)
  • 253 A.N., JJ 78 n° 216, f° 174 v° : « licebit tam hominibus dicti nobilis de parrochia de Roya (...)

25L’utilisation des fenêtres et des maisons riveraines du marché ou du foirail par les assemblées commerciales n’a jamais cessé par la suite. Elle est avérée en 1393 dans l’enquête sur les droits de l’abbesse de Saintes sur le marché de Marennes (« prend ladite dame ou son commis député à ce, chacun lundy de chacun marchand qui vend à son estau, ou à sa fenestre, deux deniers et obole »)244. On la retrouve également en 1417 à Saint-Jean-d’Angély, où une marchande demande « qu’elle puisse mectre tiroile [étal] auprès de sa fenestre »245. Elle est enfin implicite en 1485, dans le document qui rétablit à Matha les foires et marchés au grand carrefour de la haute ville246. D’après ce dernier, les habitants semblent avoir le droit d’exposer leurs marchandises à leur fenêtre sans payer de taxe. La décision, consécutive à un procès entre les seigneurs et les habitants de Matha, pourrait être le résultat d’une opposition entre droits coutumiers et nouvelles charges qu’Eustache de Montbron chercha, vainement, à imposer à l’occasion du déménagement du marché, en voulant faire payer des droits aux habitants de Matha étalant des marchandises à leur fenêtre. Quoi qu’il en soit, une distinction se met en place, contrairement à ce qui prévalait à Marennes en 1393, où fenêtres et bancs payaient le même cens. D’un côté les habitants du bourg peuvent étaler des marchandises lors des foires et marchés à leur fenêtre, et de l’autre les occupants des bancs du marché devront payer 3 sous de cens annuel247. Cette dualité est riche de conflits potentiels : l’on ne précise pas si, comme à Saint-Jean en 1263, les habitants de Matha pourront louer à des marchands leurs fenêtres, et tirer ainsi profit de leur franchise. L’usage récurrent de l’exposition de denrées en vente sur les fenêtres des maisons explique que l’on trouve plusieurs mentions de droits de « fenestrage », pour désigner parfois une taxe sur le pain vendu en boutiques, qui au moins à l’origine était vendu sur les fenêtres248. Le lien entre maisons bordant la halle et étals sis devant celles-ci se retrouve encore à Barbezieux en 1771, signe de la pérennité de la pratique249. Cette dernière faisait évidemment des maisons riveraines des halles des possessions intéressantes pour leurs propriétaires. Cet avantage dépendait pourtant beaucoup du niveau d’activité de la place marchande, selon que la fréquentation débordait régulièrement ou non de la halle. C’est ainsi qu’à Salles les maisons riveraines de ce bâtiment ne sont pas assujetties à un cens plus élevé que les autres, en raison certainement de la faible activité de la bourgade, qui n’a qu’une foire à la saint Denis. Plusieurs maisons bordant la halle sont néanmoins tenues par les Desnorp, grande famille de bourgeois rochelais (Laurent Desnorp est plusieurs fois maire de La Rochelle au XVe siècle) : dès 1401, Barthélémy Desnorp doit un florent (monnaie d’or) pour une maison près de la halle250. On retrouve « les hoirs feu Barthomme Desnorp » tenant en 1458-1459 une « maison assise pres de la cohue », pour laquelle ils paient six tournois, la maison citée en 1401 étant désormais tenue par deux autres hommes. En 1472, cette fois, les Desnorp n’ont plus de maison près de la halle, celle qu’ils possédaient en 1459 étant qualifiée de maison « que souloient tenir les filz feu Berthomme Desnorp »251. La pratique du marché « à domicile » pouvait cependant déboucher sur certains excès néfastes, comme celui sanctionné en 1374 à Saint-Jean-d’Angély252. Jean Arnaut n’hésite alors pas, en effet, à aller acheter du blé dans les campagnes proche pour l’avoir à moindre prix, ce qui est interdit par la réglementation du marché, et à le ramener dans sa demeure pour le revendre. L’avantage, outre la plus-value commerciale, était la dispense de passer par le minage urbain, marché public des grains où était perçu une taxe, en vertu de la prérogative banale des mesures utilisées pour quantifier la vente des blés. Notre homme avait donc, dit le texte, « tenu minage » chez lui, organisant une sorte de marché parallèle à celui de la ville, sans verser la taxe sur les mesures ni de droits de vente. Comme l’affirme l’éditeur des registres de l’échevinage, cette attitude pouvait avoir des effets négatifs sur la variation des prix du blé dont la fixation au plus bas prix possible était un souci constant des autorités municipales du XIVe siècle, alors que la guerre désorganisait les réseaux d’approvisionnement et de ravitaillement des villes. La vente à domicile est néanmoins autorisée à Royan en 1266, lors du règlement du conflit à propos des foires et marchés du bourg de Saint-Pierre ; si la vente des victuailles au marché du cimetière de Saint-Pierre est acceptée le dimanche, les hommes du bourg de Royan reçoivent aussi le droit, le même jour, de vendre leurs marchandises dans leurs maisons, sans toutefois, contrairement à Saint-Jean-d’Angély, pouvoir les louer aux forains, contraints d’exposer au marché de Saint-Pierre, et non dans la ville même253.

  • 254 « Documents relatifs à l’histoire de la Saintonge et de l’Aunis… », éd. P. Guérin, op. cit (...)
  • 255 « Chartrier de Pons, t. I, archives de l’hôpital neuf de Pons », op. cit., p. 326 : un « s (...)
  • 256 A.D. 17, 20 J 10, f° 10 r°.
  • 257 P. Martin-Civat, Histoire de Cognac et des Cognaçais des origines à nos jours, op. cit., t (...)
  • 258 La place des Petits-Bancs existe encore actuellement. Elle est mentionnée en 1334 sous ce (...)
  • 259 « Chartes de Fontevraud concernant l’Aunis et La Rochelle », éd. P. Marchegay, B.E.C. 4e s (...)
  • 260 « Documents concernant l’Aunis et la Saintonge... », éd. P. Guérin, op. cit., p. 145.
  • 261 A.N., JJ 89, n° 204 f° 92.
  • 262 A.N., X1C 118, n° 15.
  • 263 B.M.L.R., ms. 2692 (Mi 139), f° 14 r°.
  • 264 « Chartes de Fontevraud... », op. cit., p. 325 (1209).

26Posséder une boutique était un autre moyen pour le marchand d’éviter de recourir à l’étalage dans la halle ou aux maisons des particuliers. Les jours de foires et de marchés, les rues animées assuraient la fréquentation des échoppes devant ou dans lesquelles était présentée la marchandise. Le marchand, ou les propriétaires avisés, avaient donc tout intérêt à établir ces dernières le long des artères animées lors des fêtes, foires et marchés. C’est cette réflexion qui animait en 1319 Pierre Tronquière, membre d’une des plus éminentes famille bourgeoise de Saint-Jean-d’Angély, régulièrement mentionnée dans les registres de l’échevinage au rang des pairs, échevins, voire des maires. Celui-ci obtint alors du roi la permission d’établir des boutiques le long de la rue des Bancs de Saint-Jean-d’Angély254. L’emplacement était bien choisi, dans la rue où se tenaient les bancs des marchés et des foires de la saint Luc. L’établissement de ces « domibus et edificiis » nécessitait en effet la permission royale, « quia ipsa platea [sur laquelle devaient être établies les boutiques] est in loco et in mercato publico et communibus ». Ces boutiques, sans doute des constructions assez légères, sortes de « stands » de bois que l’on pouvait rapidement monter et démonter au gré des assemblées commerciales, sont explicitement destinées aux « gentes que in dictis domibus et edificiis merces suas seu mercaturas (...) exponere vellent ad vendendum ». La tutelle du roi sur cette activité établie sur le domaine public, donc royal, se concrétisait par la perception d’une partie des revenus de la location (« dominus noster rex jure suo terciam partem emolumenti locacionis habet et recipit ») lors des foires de la saint Luc. Cette autorisation d’établir des boutiques n’était pas sans rappeler l’accord de 1263 par lequel Alphonse de Poitiers réglementait les droits qu’il pouvait percevoir sur les « maisons » près de la halle louées aux marchands, comparables aux boutiques de 1319. À Pons, la grande rue commerçante paraît avoir été la rue Saint-Jacques, par laquelle, comme son nom l’indique, transitaient les pélerins de Saint-Jacques-de-Compostelle au cours de leur périple de Tours vers Bordeaux. Plusieurs documents y mentionnent en effet divers artisans et marchands, possédant sans doute une boutique ou des bancs255. La rue Grande, à Cognac, qui relie les deux noyaux urbains du prieuré saint-Léger et du château, joue également un rôle structurant pour le commerce permanent. Plusieurs échoppes médiévales s’y élèvent toujours, reconnaissables à leur banc de pierre au rez-de-chaussée surmonté par une ouverture voûtée, dont la plus célèbre est la maison de la Lieutenance, sans oublier celles bordant la place de l’ancienne halle. L’on a de même eu l’occasion de mentionner les étals se tenant sur une place de la rue menant de la porte angoumoisine au prieuré en 1491256. L’actuelle rue Émile Albert s’appelait aussi anciennement rue des Balais (auvents commerciaux), toponyme évocateur257 qui rappelle la rue des Ballets saintaise, mais également la rue des Ballets de Jonzac qui, ce n’est pas un hasard, reliait les deux noyaux urbains de la ville, à l’extrémité de l’un desquels se tenaient la halle et le minage. Il n’est pas douteux que des échoppes se tenaient le long de ces artères très fréquentées, structurant l’urbanisation. L’archétype même de la rue commerçante se trouve cependant à La Rochelle, qui connaît en effet une spécialisation artisanale et commerciale des rues, classique dans les grandes villes médiévales. Ici, cette spécialisation est toutefois assez puissante pour éclipser dans la documentation, et sans doute aussi au niveau de l’activité, tout marché général. C’est moins une assemblée commerciale régulière qu’une multitude de marchés et de boutiques permanents dans les diverses rues de la ville qui structurent le commerce local et international de La Rochelle. Cette organisation commerciale, qui remonte aux origines de la ville, était déjà en place dans ses grandes lignes à la fin du XIIe et au début du XIIIe siècle. L’on a déjà rencontré un grand nombre de ces marchés spécialisés. Citons, outre les cas désormais bien connus du minage, de la paneterie, de la poissonnerie et de la boucherie, la place des Petits-Bancs du change258, la rue « dau marché ou l’on vent les dras linges » (1286)259, la « mercerie » (1315)260, la « sardinerie » (1353)261, la « poulaillerie » (1419)262, ou le « marché du cordouan » (1472)263. La regraterie, est elle aussi mentionnée au XIIIe siècle264. L’échec en 1267 de l’établissement de halles marchandes destinées à centraliser ce commerce de détail au profit du comte démontra la supériorité à La Rochelle du commerce « de boutique » par opposition au commerce « de halle ».

27Les infrastructures commerciales sont donc très diversifiées au Moyen Âge, formant une large palette qui va de l’équipement le plus rudimentaire aux édifices spécialisés les plus coûteux. Longtemps, le simple rassemblement au milieu d’une place ou d’un champ d’étals de bois et de planches sur des tréteaux sur lesquels étaient présentées les marchandises, suffit à caractériser un marché. Cette pratique fut la plus simple et la plus courante jusqu’à la fin du Moyen Âge. Mais les sites les plus dynamiques s’équipèrent vite de halles à partir du milieu du XIIIe siècle, suivant l’exemple impulsé par le comte de Poitou lui même. Ces édifices, symboles du marché et du pouvoir banal auquel il était assujetti, favorisaient la perception des revenus et permettaient aussi une hausse des prélèvements par le confort qu’ils procuraient. Un confort, là encore, variable. Car plus la halle assurait (ou promettait d’assurer) des revenus élevés, plus sa construction était luxueuse, ce en quoi les halles urbaines se distinguaient des halles rurales. La mise en place de ces bâtiments était cependant trop liée aux pouvoirs banaux et justifiait trop des prélèvements accrus sur les marchés pour ne pas subir la concurrence d’infrastructures parasites qui tiraient parti d’une fréquentation en hausse des foires et marchés. Les fenêtres des maisons voisines de la halle devenaient ainsi des étals, quand ce n’étaient pas les maisons elles-mêmes qui, louées aux marchands, devenaient de véritables halles, plus ou moins clandestines et légales. D’autant que le succès du marché, plutôt que de nuire au commerce permanent des boutiques installées le long des artères fréquentées, encourageait ce dernier, quand ce n’était pas celui-ci qui, comme à La Rochelle, prenait le pas sur les assemblées commerciales régulières. Bien évidemment, une telle floraison et diversification des équipements commerciaux, qui a répondu au puissant essor commercial du XIIIe siècle et à l’étoffement sans cesse plus poussé du réseau des foires et marchés, s’est accompagnée d’une hiérarchisation entre les places commerciales. Des places qui, au fur et à mesure de leur multiplication, obéissaient à des logiques d’organisation dans l’espace provincial de plus en plus nettes, dont la corrélation entraînait la concentration régionale des assemblées, qu’il faut maintenant éclairer.

III. Logiques spatiales du réseau des foires et marchés du XIe au XVIe siècle

Une logique axiale : les routes fluviales et terrestres du commerce

  • 265 É. Trocmé et M. Delafosse, Le commerce rochelais de la fin du XVe au début du XVIIe siècle(...)
  • 266 Cf supra, première partie, chapitre I, p. 75-76.
  • 267 « Chartrier de Pons, t. I, archives de l’hôpital neuf de Pons », op. cit., p. 89 (1315).
  • 268 A.N., 2 AP 15, pièce 17 (1445). De nouvelles foires sont d’ailleurs créées à Mirambeau en  (...)
  • 269 A.N., JJ 245 A, n° 262 bis, f° 73 v° (1530).
  • 270 A.N., JJ 235, n° 104, f° 17 (1501).
  • 271 A.N., JJ 232, n° 149, f° 77.

28Il s’agit là d’une logique traditionnelle de développement d’un réseau commercial, qui tire d’abord profit des axes de communication fréquentés. Rappelons en effet que dès l’Antiquité la capitale de la cité des Santones et ses trois vici (Pons, Aulnay et Saint-Jean-d’Angély) sont tous situés sur le grand axe méridien Poitiers-Bordeaux. Ces places figurent aussi parmi les premiers centres bien structurés de foires et marchés dans la province dès la seconde moitié du XIe siècle. L’étoffement de l’armature commerciale, à partir des XIIe-XIIIe siècle, a poursuivi cette logique, provoquant une concentration des pôles commerciaux sur les routes les plus fréquentées. La première de celles-ci est évidemment l’axe Poitiers-Bordeaux par Saintes, véritable épine dorsale des communications en Saintonge, voire entre Poitou (et donc France du nord de la Loire) et Guyenne (et donc sud-ouest aquitain). La fréquentation du grand itinéraire méridien n’a cessé de s’amplifier tout au long du Moyen Âge grâce à l’essor commercial occidental. Il forme une des principales routes empruntées par le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle depuis Tours vers Bordeaux. Une carte, établie dans sa thèse par Robert Favreau, qui détaille les itinéraires conseillés par divers auteurs du XVIe siècle ou empruntés par la cour et les marchands dans leurs pérégrinations en Poitou et Saintonge, montre l’importance de cet axe pour les communications entre Poitiers et Bordeaux, dont la reconstitution est aisée. Partant de Paris, il gagnait Bordeaux et l’Espagne par Orléans, Tours, Châtellerault, Poitiers, Lusignan, Melle, Aulnay, Saint-Jean-d’Angély, Saintes, Pons, Saint-Genis, Mirambeau, Blaye265. Il n’est guère étonnant que l’on croise plusieurs des principaux sites de foires et marchés saintongeais sur cet axe. Ce sont d’abord Aulnay, Saint-Jean-d’Angély, Saintes et Pons, dès le XIe siècle266. Au XIVe siècle est mentionné Saint-Genis267, au XVe Mirambeau268, et au XVIe siècle sont créés sur ce même itinéraire des foires et marchés à Plassac269 et Saint-Disant-du-Bois270. Dès 1500, des assemblées avaient également été établies à proximité immédiate de cet axe, à Écoyeux271. Il est évident que l’animation de ce point clé des communications du Centre-Ouest et l’essor de fréquentation qu’il a pu connaître à partir de la seconde moitié du XVe siècle, lorsque la frontière ne passait plus entre Guyenne et Saintonge, ont favorisé la floraison d’asemblées commerciales dans les places riveraines. Il faut ici se souvenir des propos du seigneur de Plassac dans sa demande d’octroi de foires et marchés en 1530. Il y notait que son bourg était « assis en bon païs et fertil, que y passent et repassent plusieurs marchans et marchandises mays, au moien de ce que audit lieu de Plassac n’a aucunes foyres ne se y arrestent et ne pevent lesd. marchans vendre ne adenerer leursd. marchandises (...) ». L’affaire est entendue : c’est bel et bien une route fréquentée par des marchands qui crée la foire, en lui donnant une desserte plus aisée et en offrant un débouché aux productions locales.

  • 272 B.M.L.R., Mi 139 (ms. 2691 et 2692 : censifs de 1459 et de 1472).
  • 273 En 1417 plusieurs brigands, essentiellement bretons, opèrent sur ce chemin une série de la (...)
  • 274 A.H.S.A. t. I, 1874, p. 87-92 (1491) : création d’un péage à Marans pour l’entretien de ce (...)
  • 275 Mervault, Recueil sur la naissance, progrès de La Rochelle, B.M.L.R., ms. 58, f° 162-163.
  • 276 A.D. 17, H 67.
  • 277 Cf supra, p. 197.
  • 278 Cf supra, p. 161-162, les tableaux des revenus des assemblées de la seconde moitié du XVe (...)
  • 279 A.N., JJ 226 A, n° 198.
  • 280 A.N., JJ 195 n° 28 f° 10. On les voit opérer à Marestay, Beauvais, Jarnac, Vergne, La Jarr (...)
  • 281 Ordonnances des rois de France..., t. XV, p. 363-364 (1462) : « Ledit lieu de Saint-Cendre (...)
  • 282 A.D. 17, 1 J 161-30, p. 100-101 : l’inventaire des titres de la seigneurie d’Andilly menti (...)
  • 283 A.D. 17, 1 J 161-20.
  • 284 B.M.L.R., ms. 2691 et 2692.
  • 285 B.M.L.R., ms. 300, f° 113 r°. La dame de Dompierre, malgré la fixation des jours de marché (...)
  • 286 « Cartulaire de la Grâce-Dieu », op. cit., p. 286 (1574).
  • 287 Cf supra, p. 161.

29Les grands axes routiers d’Aunis ont également une importance fondamentale dans l’organisation du réseau commercial, notamment en raison des conditions naturelles. La route terrestre reliant La Rochelle à Niort est à cet égard l’une des plus essentielles. Il s’agit de la seule voie routière entre La Rochelle et son arrière-pays poitevin qui échappe aux risques d’inondations, car elle ne traverse aucun marais important, régulièrement ennoyés au XIIIe siècle encore. Elle passait par Périgny, Saint-Rogatien (où le censif de Châtelaillon mentionne fréquemment le « grand chemin rochelois »272), La Jarrie, puis gagnait Aigrefeuille et Surgères, d’où elle partait vers Mauzé pour franchir le Mignon. Une voie parallèle transitait par Nuaillé, Courçon, La Grève où un bac franchissait les marais du Mignon vers La Névoire, Saint-Hilaire-La Palud, et Frontenay. À côté de cet important axe occidental très fréquenté par les marchands273, la principale route vers le sud était celle qui reliait La Rochelle à Soubise par Tasdon, Angoulins, Châtelaillon et Yves, franchissant la Charente par un bac. Elle avait l’inconvénient de traverser les marais de la petite Flandre. La grande route septentrionale vers le Bas-Poitou, enfin, reliait La Rochelle à Fontenay-le-Comte par Saint-Xandre, Villedoux, Andilly et Marans. Son parcours était cependant rendu délicat par l’existence du marais poitevin, et la chaussée devait être régulièrement protégée des empiétements de la mer274. Au final, c’est le chemin terrestre par Surgères qui jouait un rôle majeur, faisant de la place un important noeud de communication, « passage ordinaire et le plus fréquenté de toute la Xainctonge, Angoumois, Limousin, Périgord, Auvergne, Guienne, partie de Poitou et autres provinces pour venir en cette ville [de La Rochelle] y porter et remporter grand nombre de marchandises et de toutes sortes »275. De là, l’on gagnait en effet Saintes et Saint-Jean-d’Angély, Niort par Mauzé, ou Angoulême et Limoges par Aulnay. Ces divers axes, qui organisaient les réseaux d’approvisionnement vitaux pour La Rochelle et l’Aunis, en raison de leur situation de monoculture, avaient entraîné la floraison d’un grand nombre de places commerciales. Ces dernières assuraient la redistribution des importations rochelaises en Aunis et aux marchands à destination du Poitou et de la Saintonge, en même temps qu’elles drainaient au profit de la grande ville les productions locales et les marchandises venues du Poitou (blé, notamment). Le grand axe terrestre La Rochelle-Surgères-Mauzé et Niort a notamment favorisé l’apparition de plusieurs places de foires et marchés parmi les plus importantes d’Aunis. Celles de Surgères, Mauzé ou Frontenay paraissent avoir été remarquablement animées, comme l’atteste la présence assez précoce de halles dans ces bourgades. Surgères possédait de plus une boucherie dès avant 1542276, tandis que les revenus des « bancages » de Mauzé sont en 1515 très considérables277. D’autres foires avaient profité de l’animation de cet axe. Celles de Périgny et de La Jarne, peu éloignées l’une de l’autre, sont toutes deux assez peu actives278. Celles de La Jarrie, en revanche, connaissent un dynamisme certain, qui se traduit par leur attraction. En 1493, plusieurs laboureurs de Fouras n’hésitent pas à parcourir 17 kilomètres pour s’y rendre279, et dès 1467, sa réputation attire Jean Airaut et sa clique, voleurs spécialistes des foires les mieux achalandées et fréquentées (pour plus de choix et plus de facilité), qui jusque là sévissaient plutôt dans le nord-est saintongeais280, revendant leur butin à Saint-Jean-d’Angély. Les axes méridiens de l’Aunis, eux aussi, étaient assez fréquentés pour favoriser la multiplication des assemblées commerciales. Saint-Xandre, sur la route de La Rochelle à Marans, possède des halles dès le milieu du XIIIe siècle, et est l’objet d’une importante fréquentation signalée par les lettres de création de foires dans la ville au XVe siècle281. Si des assemblées ne sont pas explicitement attestées à Villedoux, sur cette même route, l’on peut en déduire l’existence de l’interdiction faite par le prieur du bourg au seigneur d’Andilly d’y établir des foires à la fin du XIIIe siècle282. Des assemblées sont créées à Andilly en 1517283, et l’on a déjà régulièrement insisté sur le trafic, lié à La Rochelle et à Niort, qui animait Marans, où une halle existait dès 1289. Vers le sud, des foires sont mentionnées le long de la route La Rochelle-Soubise à Angoulins et Saint-Jean-des-Sables, qui bénéficient d’une circulation importante attestée par la présence de péages à Aytré, Angoulins et Châtelaillon284. Seule, au final, la route vers Niort par Nuaillé paraît avoir favorisé dans une moindre mesure l’apparition de places marchandes, notamment en raison de la prééminence du tracé par Surgères et de la traversée de marais incommodes. Nuaillé obtint cependant des foires en 1565, entrant en concurrence avec Dompierre285, tandis que Courçon était un centre commercial actif où pouvait exister un marché, puisqu’un boucher y est attesté au XVIe siècle286. D’ailleurs Benon, important centre commercial équipé très tôt, lui aussi, de halles, bordait au sud cet axe. L’importante foire rurale de Saint-Jean-de-Liversay, qui en 1497 était affermée 10 livres 5 sous, soit plus que les revenus commerciaux de Benon287, paraît devoir également son succès aux relations entre Marans et Niort, le site étant situé sur la liaison Marans-Courçon qui se raccorde ensuite au passage de la Névoire. La forte fréquentation des routes d’Aunis par le trafic commercial rochelais a donc nettement favorisé le développement des assemblées commerciales dont le réseau est plus dense que partout ailleurs en Saintonge, particulièrement autour de La Rochelle. Le facteur économique interagissait ainsi avec le critère relationnel par l’existence d’un réseau routier.

  • 288 Il n’est explicitement mentionné qu’en 1340 (A.N., JJ 72, n° 213 f° 143 v°), mais dès 1247 (...)
  • 289 « Cartulaire saintongeais de la Trinité de Vendôme », op. cit. Le commerce du sel y est at (...)
  • 290 « Recueil des documents concernant le Poitou… t. XIII (1483-1492) », éd. L. Célier, A.H.P.(...)
  • 291 A.N., P 5552 n° 302, aveu de l’abbesse de Saintes (1469).
  • 292 Le marché est cité pour la première fois en 1236 (« Cartulaire de Notre-Dame de la Garde, (...)
  • 293 Deux foires et un marchés y sont établis en 1538 (A.N., JJ 254, n° 199 f° 41).
  • 294 Des foires y sont signalées dans un aveu de 1285 (A.D. 17, 1 J 471), où la bande de Jean A (...)
  • 295 Des foires et marchés y furent créés avant 1429, qui rencontrèrent l’opposition de la dame (...)
  • 296 Une foire y est inféodée par le seigneur de Matha en 1218 (A.D. 17, 1 J 353, p. 2).
  • 297 Déplacées à Cognac dès 1349 (« Compte de l’Angoumois… » éd. L. Imbert, op. cit., p. 121 et (...)
  • 298 Attestées régulièrement depuis la fin du XIe siècle (Cartulaire de l’abbaye de Baigne, éd. (...)
  • 299 Important chef-lieu de châtellenie, Montendre est le premier site de l’extrême sud sainton (...)
  • 300 A.N., JJ 226 A n° 197 f° 119.
  • 301 A.N., JJ 195 n° 28 f° 10 (1468).
  • 302 Un marché, qui y existait avant la guerre de Cent ans, y est rétabli en 1511 (B.M.P., Dom (...)

30En Saintonge, la concentration des foires et marchés le long des principaux itinéraires routiers se retrouve également. Ce phénomène est particulièrement net le long de la voie reliant les embouchures de la Charente et de la Gironde, jalonnée d’une série de places commerciales d’importance et d’ancienneté différentes. À Soubise, un marché existe peut-être dès le milieu du XIIIe siècle288, une halle au XVIe siècle. Puis se succédaient, vers le port et centre commercial ancien de Royan, Saint-Agnant, actif port du sel depuis le XIe siècle289 ; Saint-Jean-d’Angle, où deux foires sont créées en 1487290 ; Le Gua et sa petite foire de la saint Laurent291 ; et Saujon, où notre route franchissait la Seudre, important centre de foires et marchés, aux revenus intéressants, et équipé au moins depuis le XVe siècle d’une halle292. Royan constituait ainsi le débouché d’un important itinéraire qui suivait le long du littoral salant de la Saintonge centrale. Un autre axe structurant est celui qui relie Aulnay à Cognac, et dessert les assemblées commerciales de Bagnizeau293, Marestay294, Matha, Thors295, Chevallon296 et Cherves297. Si la foire de Chevallon paraît plus imputable au contexte féodal qu’économique, les autres assemblées sont directement liées à la vitalité du trafic de cet axe qui est emprunté par des ecclésiastiques bordelais en 1459, d’après une carte de la thèse de Robert Favreau. Franchissant la Charente à Cognac, cette route rejoignait Bordeaux par Archiac298 et Montendre299. Entre Matha et Cognac, cette voie faisait figure de lien terrestre avec le grand port saunier. Le sel, dont ont été décrites les routes dans la première partie, pouvait en effet être transporté à dos d’ânes depuis les ports charentais de Saint-Savinien et Taillebourg vers Matha, et de là partir vers Marcillac, plus à l’est, mais une partie repartait probablement vers le port saunier. De nombreux autres axes, dont la fréquentation est attestée par les marchands, pourraient sans doute encore être cités, qui ont à chaque fois pu favoriser l’activité des foires et marchés riverains : Barbezieux et Montlieu, qui tout deux sont assez actifs pour posséder des halles au XVe siècle, sont par exemple placés sur l’axe reliant Poitiers à Bordeaux par Angoulême. La route du Périgord reliait également Montguyon à Mirambeau par Montlieu, Montendre et Courpignac. La charte de création des foires et marchés de Montguyon, en 1493, affirmait en effet la place était « une belle noble terre et seigneurie scituée et assise en pays bien fertil qui produit grant habondance de blés, vins et autres biens et y arrivent et affluent plusieurs marchans et autres gens venans et marchissans des pays de Languedoc, Prouvence, Rouergue, Quercy, Poictou et autres pays circonvoisins »300. La route reliant l’Aunis à l’Angoumois et au Limousin, par Surgères et Aulnay, se trouvait de même jalonnée au XVe siècle par les foires et marchés de Vergne301 et Dampierre302. Ces quelques exemples ont largement vérifié ce qui était suggéré dans les textes : l’axe de communication favorise la création des foires et marchés par le trafic de marchands qui le fréquentent et les débouchés qu’il offre aux produits locaux vendus dans ces foires.

  • 303 R. Favreau, La ville de Poitiers au Moyen Âge…, montre que le transport de marchandises pa (...)
  • 304 Ces flottes avaient été exemptées des droits prélevés par le seigneur de Taillebourg devan (...)
  • 305 « Recueil de documents pour servir à l’histoire du commerce et de l’industrie en Angoumois (...)
  • 306 Cf supra, première partie, chapitre I, 4, p. 90-93.
  • 307 Attestées depuis 1243 (« Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. A. Bardonnet, p. 5), elles (...)
  • 308 « État du domaine du comte de Poitou à Chizé », éd. A. Bardonnet, A.H.P. t. VII, p. 80.
  • 309 C’est sous Louis XI que le cours de la Sèvre, après avoir été envasé par manque d’entretie (...)
  • 310 C. Masse, Recueil des plans d’Aunis et de Poictou, feuille 27, 1716. Ce dernier note égale (...)
  • 311 L’abbaye de Maillezais possédait des foires depuis le XIe siècle, qui sont mentionnées au (...)
  • 312 B.M.P., Dom Fonteneau t. XXV, p. 179 : en 1170 Aliénor donne à l’abbaye de Maillezais les (...)
  • 313 « Cartulaire de Notre-Dame de la Garde en Arvert », op. cit., p. 109 et 111.
  • 314 Les foires et marchés de Mornac sont mentionnés à partir de 1290 (« Matha, Mornac, Royan, (...)
  • 315 Ce trafic est bien connu pour la fin du XVe siècle par les registres de la coutume de Roya (...)
  • 316 « Recueil des documents concernant le Poitou… t. XI (1465-1474) », éd. P. Guérin, A.H.P. t (...)
  • 317 B.S.A.H.C. t. IV, 1894, p. XLVII. La concession, apparemment non appliquée, fut renouvelée (...)
  • 318 On y prélève un tonlieu en 1201 (Cartulaire de Saint-Seurin de Bordeaux, p. 345-347), et a (...)
  • 319 Enquêtes administratives d’Alphonse de Poitiers, op. cit., p. 185 où il est question des e (...)
  • 320 Édité par P. Marchegay dans la Revue des Sociétés Savantes, 1er semestre 1867, p. 501-502.
  • 321 A.N., JJ 78 n° 216, f° 173 (1266).
  • 322 L’on a déjà vu combien ce site de marché, qui apparaissait dans un document de 829 de l’ab (...)
  • 323 A.N., JJ 253 A, n° 95, f° 32 v°-33.
  • 324 Le site de La Madeleine y est néanmoins actif depuis le XIe siècle (« Cartulaire du prieur (...)

31Les voies fluviales et les vallées jouent un rôle similaire. Animées par le passage de nombreuses embarcations transportant sel, vin, et toute marchandise pondéreuse en général, le transport maritime étant largement moins cher que le transport terrestre303, elles constituent également des sites privilégiés de l’établissement des foires et marchés. La Charente est évidemment l’axe majeur de ce commerce fluvial depuis le haut Moyen Âge, comme l’attestent des découvertes de pirogues monoxyles, mais surtout à partir de l’époque féodale. Dès la fin du XIe siècle en effet, de véritables flottes circulaient sur le fleuve au service de l’abbaye de Notre-Dame de Saintes304, tandis que l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély exportait ses vins et rapatriait la production de ses salines littorales en vue de la commercialiser par la Boutonne et la Charente. Le fleuve est alors un tel vecteur d’activités commerciales que les bourgades bordées par celui-ci développèrent très tôt des foires et marchés, le processus n’ayant de cesse de s’étoffer au cours du Moyen Âge. Pour la partie proprement saintongeaise du fleuve, soit de Châteauneuf-sur-Charente à Soubise, ce ne sont pas moins de huit sites riverains de la Charente qui disposaient d’assemblées commerciales bien structurées, dont sept furent équipés de halles entre le XIIIe et le XVIe siècle. Nous avons tous déjà eu l’occasion de les rencontrer : Saintes et Cognac sont mentionnés dès le XIe siècle, Soubise au XIIIe siècle, Jarnac, Taillebourg, Saint-Savinien et Tonnay-Charente au XIVe siècle, et Rochefort au XVe siècle. En amont de la Saintonge (Angoumois et Poitou), le phénomène était identique : Châteauneuf, Angoulême, Mansle, Vars, Montignac, Charroux étaient eux-mêmes des sites de foires et marchés305, dont certains, comme Angoulême, parmi les plus importants du Centre-Ouest. La Boutonne a également joué un rôle dans le dynamisme de certaines foires. Elle était le vecteur fondamental des échanges de vins et de sel organisés par l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély dès le XIe siècle306, et à contribué à asseoir le rayonnement d’une des principales places de foires et marchés d’Aunis-Saintonge. Les foires de Tonnay-Boutonne307 ou celles de Dampierre-sur-Boutonne témoignent également des facilités de circulation offertes par la rivière, au moins par sa vallée, propres à favoriser le commerce local. Là encore, les assemblées commerciales de la Boutonne, en amont, concernent aussi le Poitou, avec Chizé ou Chef-Boutonne308. La Sèvre Niortaise, navigable depuis Niort pendant tout le Moyen Âge, excepté lors des guerres du XIVe-XVe siècle pendant lesquelles son cours ne fut plus entretenu309, était le débouché naturel des productions de cette ville, aux foires réputées, et de son plat-pays. À ce titre, le dynamisme de Marans, véritable avant-port de Niort, était en partie lié à sa situation favorable près de l’embouchure du fleuve, alors plus proche de la ville qu’elle ne l’est aujourd’hui, en plus de la proximité rochelaise. Ce n’est pas un hasard si les halles du bourg, construites au XIIIe siècle, le furent au bord du fleuve, près du port fluvial310. La Sèvre, dans un environnement de marais, et par le biais de nombreux chenaux, assurait aussi un débouché aux foires poitevines de Maillezais et Vix, dès le XIe siècle311, ou au marché de Maillé XIIe siècle312. Il faudrait également insister sur le rôle de la Seudre, navigable au moins jusqu’à Saujon (port de Riberou, attesté aux XIIe-XIIIe siècles313), et dont les salines, très actives à partir de l’effacement de celles d’Aunis, alimentaient un commerce considérable à Saujon et Mornac, voire Arvert, mais d’abord à Marennes, dont la halle est à la fin du XVe siècle un haut-lieu du commerce salin, et où affluaient les navires étrangers314. Comment ignorer, enfin, le rôle de la Gironde, constamment sillonnée par les flottes de vins du Bordelais et par les caboteurs315, qui maintenaient une grande activité commerciale dans les ports saintongeais de la rive droite ? Cosnac obtint des foires et un marché en 1473316, et Saint-Fort un marché en 1528317 ; Mortagne est un site qui bénéficie des retombées commerciales du fleuve depuis le début du XIIIe siècle318 ; un marché est mentionné à Talmont en 1264319 ; à Meschers des produits sont vendus assez régulièrement au début du XIVe siècle pour que l’on en rédige un tarif320 ; enfin Royan, à l’embouchure du fleuve, est amené par là même à jouer un rôle considérable dans l’économie locale, qui transparaît des conflits que suscite la possession des foires et marchés de Saint-Pierre entre le seigneur de Royan et les religieux321. À ces grands axes fluviaux drainant l’activité commerciale, il faudrait ajouter certaines vallées, qui constituaient de pratiques couloirs de communication, mais n’étaient navigables que par de petites barques. C’est notamment le cas de la Seugne, qui concentrait sur son cours les importants sites de Pons et Jonzac, mais également ceux de Saint-Germain-de-Lusignan (IXe siècle)322 et de Clion (création en 1530)323. Le Né, en Saintonge charentaise, a pu jouer un rôle proche, mais, faute d’un recours systématique aux fonds du département de la Charente, l’on n’a que peu d’informations sur les foires et marchés riverains324.

  • 325 L’acte de création des foires et marché de Taillebourg de 1480 permet de montrer l’intérêt (...)

32Dans cette logique axiale, les points de franchissement ou de rupture de charge constituaient évidemment des sites privilégiés pour l’activité des foires et marchés. C’est le cas des bourgades où un pont, un gué, ou un bac, permettait de franchir un fleuve. Celles-ci apparaissent souvent, ce qui est loin d’être un hasard, parmi les plus actives de la hiérarchie commerciale saintongeaise : Saujon sur la Seudre (au croisement d’un important axe fluvial et de la grande liaison routière Soubise-Royan) ; Cognac, Saintes, Taillebourg325, Saint-Savinien ou Tonnay-Charente et Soubise sur la Charente ; Marans sur la Sèvre (croisement de la route La Rochelle-Fontenay-le-Comte et du fleuve) ; Saint-Jean-d’Angély et Dampierre sur la Boutonne ; La Madeleine sur le Né. Les ports, fluviaux ou maritimes, jouaient le même rôle : centres de concentration de la marchandise avant sa redistribution, ils étaient souvent équipés d’assemblées commerciales en guise d’intermédiaires. C’est évidemment le cas de La Rochelle, mais aussi d’Esnandes, Marans, Saint-Jean-d’Angély, Tonnay-Charente, Saint-Savinien, Taillebourg, Saintes, Cognac, Saujon, Marennes, Le Château-d’Oléron, et de nombreux ports de la côte girondine (Royan, Mortagne, Talmont...). Là encore, cette vocation d’interface commerciale contribue à faire de ces sites de foires et marchés des centres souvent dynamiques. Elle s’enrichissait encore de la proximité d’une importante route. La présence de foires et marchés, favorisée par la présence de voies de communication, accentuait également la fréquentation de ces dernières par les marchands et les flux de marchandises. Un cercle vertueux de croissance commerciale, dans lequel les deux composantes du système s’enrichissaient mutuellement, et encourageait peu à peu des sites plus lointains à se doter de foires et marchés pour capter leur part de cette fréquentation marchande sur l’axe de communication. Il fut durablement brisé lorsqu’au flux des marchands se substitua celui des gens d’armes de la guerre de Cent ans, conduisant à un cercle vicieux (la raréfaction des marchands suite à la recrudescence des dangers provoque l’atrophie des foires et marchés dont le moindre dynamisme rejaillit sur les sites voisins...). Cette même importance de la voie de communication explique aussi les espaces provinciaux laissés vides par le réseau commercial. Entre l’Aunis qui connaît une forte densité des foires et marchés et l’axe charentais lui aussi très animé, les marais de Petite Flandre représentent une marche vide d’activité commerciale régulière. L’ennoiement fréquent du golfe de Brouage explique également que les places marchandes soient rejettés à sa périphérie, sur les axes de communication (Soubise au nord, Marennes au sud, les sites de la liaison Soubise-Royan à l’est). Une vaste zone entre Saint-Jean-d’Angély et Surgères, qui trahit l’emplacement de la vaste forêt d’Argenson, est de même désertée par les places commerciales en dehors des deux axes transversaux Saint-Jean-d’Angély-Beauvoir et Surgères-Aulnay. Pourtant l’influence des voies de communication ne suffit pas à expliquer seule l’armature des foires et marchés en Aunis et Saintonge au Moyen Âge. Il faut faire intervenir ici un autre facteur d’encadrement, celui de la cellule de la châtellenie, prépotent lors de la mise en place du réseau des foires et marchés dès le XIe siècle.

Marchés et chefs-lieux de châtellenies : un mariage indissoluble ?

  • 326 Foires et marchés dans les campagnes de l’Europe médiévale et moderne, op. cit., p. 9.
  • 327 Ainsi lorsqu’en 1218 le seigneur de Matha concède à son vassal de Mons le droit de tenir u (...)
  • 328 L’on trouve simplement mention en 1445 dans ces deux bourgades de droits perçus sur les «  (...)
  • 329 Revue des Sociétés Savantes, 4e série, t. V, p. 501 (1308).
  • 330 « Matha, Mornac, Royan, Arvert », op. cit., p. 227-228 : le document mentionne « totum emo (...)
  • 331 A.H.S.A. t. XL, p. 419 : « Item ledit [Jacques] de Pons tient aussy du roy à mesme debvoir (...)
  • 332 A.N., JJ 245 A, n° 262 bis, f° 73 v°.
  • 333 A.N., JJ 253 A, n° 95, f° 32 v°.
  • 334 A.N., JJ 232, n° 149, f° 77 (janvier 1500 n. s.).
  • 335 A.D. 17, 20 J 28-1 (22 août 1500) : « Charles, comte de Taillebourg (...), consentons que (...)
  • 336 A.D. 17, 1 J 369-15 (16 août 1429), « lectre de complainte en cas de saisine et nouvelleté (...)
  • 337 Ordonnance des rois de France... t. XVIII, p. 203-204.
  • 338 « Saint Eutrope et son prieuré », éd. L. Audiat, A.H.S.A. t. II, 1875, p. 297, note, d’apr (...)

33Comme le notait Benoît Cursente dans son avant-propos aux XIVes journées internationales d’histoire de l’abbaye de Flaran, « la mise en place du réseau de foires et de marchés appelés à perdurer des siècles durant est concomitante des phénomènes d’« incastellamento et d’inurbamento » qui ont accompagné la longue phase de croissance des XIe-XIIIe siècles : bourgs monastiques, bourgs castraux, et toutes sortes de villes neuves… »326. Il n’est donc pas étonnant qu’en Saintonge, où le bourg castral est la base de l’organisation des pouvoirs et de l’économie médiévale rurale, le marché apparaisse structurellement lié aux chefs-lieux de châtellenie. L’on a déjà signalé le lien entre « révolution commerciale » du XIe siècle et développement de la société féodale, le marché apparaissant dans ce contexte comme l’émanation des pouvoirs banaux de son détenteur. Ce dernier, à la tête d’un territoire plus ou moins vaste, organise des assemblées commerciales près de son château, qui deviennent une des manifestations de son autorité : c’est là qu’il écoule ses surplus de rentes en nature, qu’il collecte ses cens, qu’il exerce divers droits banaux (droits d’étalage et de vente, four banal, justice...). L’obligation pour les tenanciers d’y vendre et acheter préférentiellement à tout autre endroit découle également de cette logique. Le chef-lieu fortifié de châtellenie, centre de la juridiction seigneuriale, est aussi d’abord le cœur commercial du territoire soumis, qui draine les populations des paroisses environnantes. Et lorsque le seigneur crée, ailleurs dans son dominium, de nouvelles foires, c’est souvent prioritairement un acte de pouvoir, marquant la soumission d’un vassal qui doit hommage pour la concession de ce fief327. L’exemple de la Saintonge girondine illustre notre propos. Dans cette région, entre Seudre et Gironde, qui s’étend de la terre d’Arvert à celle de Cosnac, l’on recense douze places commerciales actives aux XIVe-XVe siècles, dont neuf sont des chefs-lieux de châtellenie : Arvert, Royan, Mornac, Saujon, Cozes, Talmont, Mortagne, Saint-Fort, Cosnac. Tous possèdent des foires et marchés stables, régulièrement signalés. Les trois autres sites sont tous des places commerciales peu structurées qui ne reçoivent pas l’appellation de foire ou marché : Saint-Sulpice et Breuillet appartiennent à la châtellenie de Mornac328, Meschers à celle de Didonne329, un des rares centres châtelains où l’on ne trouve pas de mention explicite de marché. La conclusion est évidente : au Moyen Âge c’est d’abord le chef-lieu de châtellenie qui abrite l’assemblée commerciale la plus pérenne. Cette dernière rayonne d’abord sur les paroisses subordonnées, et secondairement sur les voisines. La présence d’un axe fluvial attractif peut localement bénéficier à des places dépendantes ; c’est le cas pour Meschers, qui profite peut-être également de l’absence de marchés à Didonne. Quoi qu’il en soit, la hiérarchie est clairement intériorisée par les contemporains mêmes. Seuls les chefs-lieux de châtellenie possèdent des assemblées régulières, et c’est à l’échelon de ces derniers que sont gérés les revenus. Ainsi lorsqu’en 1290 Foulques de Matha accorde à son receveur des châtellenies de Royan et Mornac une décharge des foires et marchés330. Ce territoire apparaît comme une cellule de perception et d’exercice du pouvoir seigneurial, dont le centre est indissociable, dans cette logique, du marché seigneurial. La meilleure preuve de ce lien se trouve au début du XVIe siècle. Avant 1540, la châtellenie de Plassac dépendante des seigneurs de Pons s’était vue amputée de la seigneurie de Clion331. Or, alors que Plassac avait obtenu en 1530 un marché et trois foires332, Clion se voit octroyer en 1539 quatre foires et un marché333. Les deux terres ne sont pourtant distantes que d’un peu plus de cinq kilomètres. L’octroi des assemblées à Clion paraît bien être la conséquence de l’érection de la terre en seigneurie autonome de la châtellenie de Plassac. La famille de La Rochandry aura voulu symboliser sa tutelle sur la seigneurie, indépendante de celle, certes suzeraine, des Pons de Plassac. Alors que jusque là le marché de ce dernier bourg représentait le centre commercial des habitants de Clion, ceux-ci disposent désormais de leurs assemblées, dépendantes d’un seigneur particulier, distinct de celui de Plassac. Plus qu’un acte économique, l’octroi est ici un enjeu de pouvoir, traduisant la prise en main d’une terre par un nouveau pouvoir banal. Un autre exemple, pratiquement contemporain, reflète une réalité proche. En 1500 le seigneur d’Écoyeux, dont la seigneurie est mouvante du comté de Taillebourg, se voit octroyer trois foires par le roi334. Il n’en demande pas moins l’autorisation à son suzerain d’établir celles-ci. Si ce dernier la lui donna évidemment, pouvant difficilement aller à l’encontre d’un acte royal335, l’acte démontre combien la prérogative de tenue des foires et marchés était jalousement conservée aux centres des châtellenies ou des grands domaines féodaux, au moins en théorie. C’est notamment certainement pour avoir passé outre l’accord de sa suzeraine de Matha que la dame de Thors eut en 1429 des difficultés à établir ses foires et marchés, quoique Thors constitue une châtellenie à part entière, mais mouvante des seigneurs de Matha336. Même peu à peu récupérée par le roi, la concession d’assemblées représentait une prérogative traditionnelle du seigneur suzerain octroyée à ses vassaux, attribut de pouvoir qui réservait logiquement celles-ci au centre de la châtellenie. Le lien établi dans celui-ci entre marché et exercice des droits banaux apparaît d’ailleurs dans certaines créations d’assemblées du XVe siècle. En 1476 ainsi, à Pisany, le seigneur Nicolas Calffe obtient par la même lettre patente l’érection de quatre foires et d’un marché dans sa seigneurie, mais aussi le droit de contraindre ses tenanciers au guet à son château337. Déjà, par un acte de 1473, Jean de Beaumont avait obtenu en même temps « les foires de Rioux, le droit de guet, bians et corvées sur ses tenanciers de Rioux, avec le titre de baron »338. Foires, marchés, et pouvoirs banaux étaient donc irréductiblement liés et contribuaient à la concentration des activités commerciales dans les centres de châtellenie, d’où elles pouvaient mieux être contrôlées.

  • 339 L’aveu du prieur de Saint-Savinien (A.N., P 584 n° 16, 1363) ne mentionne aucun droit impo (...)
  • 340 B.M.L.R., Mi 139 (ms. 2691-2692, 1458 et 1472) : une foire annuelle se tenait à Périgny, L (...)
  • 341 A.N., JJ 78 n° 216, f° 173.
  • 342 Cinq foires sont concédées par Audoin, seigneur de Barbezieux, aux religieux entre 1043 et (...)
  • 343 A.D. 17, 1 J 356-21, censif de Matha de 1533, f° 51 v°, qui mentionne « la ruhe que l’on v (...)

34Dans les faits pourtant, les choses sont souvent plus complexes, notamment de par la confrontation de cette logique politico-administrative avec d’autres, interdépendantes. Dans la châtellenie de Taillebourg, la fonction commerciale est par exemple dédoublée dès avant le XIVe siècle entre le centre châtelain naturel et la bourgade de Saint-Savinien, qui possède également foires, marchés et halles à la faveur du dynamisme induit par l’existence d’un port en ce lieu dès le XIIIe siècle. Saint-Savinien est en effet situé dans un coude de la Charente où pouvaient accéder aux XVe-XVIe siècles les plus gros navires lors des hautes mers, ce que ne permettait déjà plus Taillebourg. Les deux centres commerciaux étant le reflet d’un même pouvoir banal les contrôlant, celui du seigneur de Taillebourg339, ce dédoublement ne posait aucun problème. Quitte à ce que, à partir du XVIe siècle, Saint-Savinien prenne peu à peu le pas sur le vieux chef-lieu, pour s’imposer définitivement à l’époque moderne. La châtellenie de Châtelaillon, de même, comptait au XVe siècle dans la dizaine de paroisses qui la composait cinq centres de foires, certes généralement peu actifs340. Et paradoxalement, Châtelaillon, centre du marquisat, n’abritait aucune assemblée commerciale, en raison probablement de la ruine durable provoquée par la destruction du XIIe siècle : c’est à Salles qu’était établie la « cohue de monseigneur », où étaient perçus certains cens, et à la foire de La Jarne qu’en 1458 étaient mises aux enchères les fermes de la seigneurie, symbole des prérogatives banales. La proximité de La Rochelle et le trafic commercial qu’elle provoquait dans l’arrière-pays aunisien immédiat expliquent très certainement cette multiplication des petites foires dans la châtellenie. La multiplicité des possesseurs d’assemblées commerciales complexifiait également largement le modèle de l’association entre foire et chef-lieu de châtellenie. Quelques exemples le démontreront. À Royan par exemple, à côté de l’activité commerciale centralisatrice du centre châtelain laïc existaient des foires au prieuré Saint-Pierre, qui ne s’adressaient pas particulièrement au cadre de la châtellenie, même si elles contribuaient par leur tenue à amplifier le phénomène de centralisation commerciale sur Royan341. Le schéma est identique à Barbezieux où, aux côtés des foires laïques, existent des réunions tenues par les religieux du prieuré de Notre-Dame, ne s’adressant pas aux mêmes tenanciers, mais qui assurent cependant ensemble le rayonnement de la ville de Barbezieux sur son plat-pays, d’autant qu’elles se tiennent au même lieu, à mi-chemin entre les deux bourgs342. À Marestay, de même, foire et marché appartiennent à des religieux et se tiennent à seulement 800 mètres des bancs de Matha possédés par le seigneur banal de la ville343.

35Même si l’on gagne à nuancer ce phénomène, il semble certain qu’aux côtés des logiques proprement économiques ont pu jouer des facteurs politiques pour expliquer la mise en place de l’armature des foires et marchés. La centralisation de l’activité commerciale dans le chef-lieu de la châtellenie, pour mieux symboliser et renforcer la tutelle banale exercée par les seigneurs sur leurs tenanciers, a souvent été une règle dont l’on trouve de nombreuses manifestations. C’est le cas, on l’a vu, des centres châtelains de la Saintonge girondine, mais aussi des bourgades du sud saintongeais (Montguyon, Montlieu, Montendre), d’Archiac, Barbezieux, Frontenay, Mauzé, Marans, Surgères, Rochefort, Tonnay-Charente, Tonnay-Boutonne, Soubise, Pisany, Rioux, Gémozac... L’ensemble de l’Aunis-Saintonge est concerné. Parfois les enjeux économiques ont provoqué le dédoublement, voire la multiplication des centres commerciaux dans une même châtellenie, comme à Châtelaillon ou Taillebourg. Il ne s’agissait guère cependant, la plupart du temps, que d’une simple déconcentration, le seigneur restant le maître des différents sites de foires et marchés ainsi créés. Encore que, localement, des centres commerciaux rivaux, notamment religieux, se soient développés, parfois au cœur même de la châtellenie, échappant au contrôle féodal du seigneur (par la mainmise directe ou l’hommage dû pour le droit d’une foire), mais renforçant cependant l’attraction générale du bourg châtelain. C’est par exemple le cas à Barbezieux, Cognac, ou Royan. Des facteurs plus politiques peuvent aussi entraîner une scission du modèle lorsqu’une châtellenie assujettie à un ensemble féodal se dote de ses propres foires et marchés plutôt que de recourir à ceux du suzerain. Le plus souvent, cette scission du modèle centralisateur du marché suzerain se fait dans le consensus (Écoyeux, dans le comté de Taillebourg), mais elle peut être aussi conflictuelle (Thors, dans le ressort de Matha). Elle est d’ailleurs la plupart du temps liée à des logiques d’affirmation autonomiste d’un seigneur sur sa châtellenie, dans la mesure où celle-ci est cependant capable d’être assez fréquentée par les marchands pour supporter la concurrence avec le centre suzerain traditionnel, a fortiori s’il est un rival proche géographiquement et dans le calendrier de ses foires. La logique centralisatrice du chef-lieu de châtellenie est donc un critère nécessaire pour comprendre l’organisation du réseau des places commerciales médiévale, mais point suffisant. Dans une province aussi particulière que l’Aunis, la vocation commerciale déterminante de l’arrière-pays rochelais atténue l’importance de cette tutelle féodale sur les foires et marchés pour faire du facteur économique l’élément déterminant dans l’explication du réseau des assemblées. Véritablement originale dans l’ensemble du Centre-Ouest, l’armature des places commerciales locales aunisiennes révèle une autre logique structurante du réseau, celle de la « décentralisation commerciale ». Le commerce rochelais s’appuie en effet sur un maillage de foires et de marchés rayonnant autour du port, que ce dernier domine en tant qu’unique débouché.

Une logique économique : l’Aunis « satellisé » par La Rochelle

  • 344 Andilly (1517), Angoulins (1458), Benon (1497), Bourgneuf (1493), Dompierre (1409), Esnand (...)

36Cette province, particulièrement dans l’arrière-pays immédiat de La Rochelle, présente une densité de sites de foires et marchés exceptionnelle. L’actuel arrondissement de La Rochelle (818 km2 environ), possédait 18 places dotées d’assemblées commerciales en activité entre 1400 et 1550344, soit une réunion marchande pour 45,4 km2, ce qui suppose un rayon d’action de seulement 3,8 km environ par foire et/ou marché ! Cette extraordinaire densité, proche de celle que l’arrondissement connaît actuellement, s’explique par le dynamisme commercial de La Rochelle et le trafic régulier qu’il induisait (exportation de vins et redistribution des marchandises importées par le port). Le réseau viaire, dont on a vu plus haut le maillage étroit et la fréquentation autour de la métropole économique du Centre-Ouest, favorisait également le développement des places de foires et marchés en appuyant les échanges de marchandises. Ces conditions expliquent la structure originale de l’armature des places de foires et marchés autour de La Rochelle, organisée en deux à trois couronnes concentriques. La première de celles-ci s’étend jusqu’à environ dix kilomètres de La Rochelle. C’est là que l’on trouve certaines des places d’échanges locaux les plus nombreuses et actives, mais également les plus dépendantes de l’activité et des bourgeois rochelais, leur économie étant la plus extravertie : Périgny (5 km), Saint-Xandre (6 km), Angoulins (6,5 km), La Jarne et Dompierre (7 km), Saint-Jean-des-Sables et Marsilly (8 km), Salles et Bourgneuf (9,5 km). Entre 10 et 20 km, l’on entre dans une couronne intermédiaire de places marchandes où les assemblées, moins nombreuses, sont aussi moins sous la dépendance de La Rochelle : Esnandes (10,5 km), Saint-Ouen (11 km), La Jarrie (11,5 km), Andilly (14 km). Au delà de ces 20 km, les centres commerciaux sont plus clairsemés, mais aussi plus importants, et tournés au moins en partie vers un bassin de consommation domestique partiellement intégré dans la logique de châtellenie. C’est le domaine de Marans et Mille-Écus (21 km), Bouhet (22 km), Saint-Jean-de-Liversay (24 km), Benon (26 km), Rochefort (28 km), Surgères (30 km), voire Tonnay-Charente. Passés les trente kilomètres, l’attraction rochelaise est sans doute plus diffuse et sélective : l’on sait en effet que cette distance représente le seuil à partir duquel le coût des transports par voie de terre devient prohibitif, et qu’elle est dissuasive pour les populations paysannes fréquentant les places marchandes (impossibilité de l’aller-retour en une journée). L’on ne trouve plus alors, la plupart du temps, que quelques marchands pour faire la distance.

  • 345 La seigneurie de Châtelaillon aux XIVe et XVe siècle, mémoire de maîtrise, Poitiers 1992, (...)
  • 346 En 1363, l’hommage du seigneur de Dompierre au prince d’Aquitaine ne mentionne que des dro (...)
  • 347 Foedera…, op. cit., t. III, partie 2, p. 124. Dans ses plaintes au roi d’Angleterre, Jeann (...)
  • 348 Celui-ci est mentionné lors de la proclamation des foires d’Andilly en 1518 (A.D. 17, 1 J  (...)
  • 349 É. Birrier, La seigneurie de Châtelaillon... op. cit., p. 85, note que le canal de la Moul (...)
  • 350 A.N., JJ 190, n° 187, f° 162 v°, lettre de rémission accordée à « Jehan Chupprat et Colas (...)
  • 351 B.M.L.R., Mi 220, f° 18, 22, 33, 42, 43, 57, 69, 73, 75…
  • 352 B.M.L.R., ms. 285, pièce n° 2.
  • 353 B.M.L.R., ms. 300, f° 110-111.
  • 354 B.M.L.R., ms. 2465, compte de la châtellenie de Rochefort, f° 25 r°, et enquête sur la for (...)
  • 355 Cf supra, p. 215. Les Desnorp et leurs nombreuses possessions de Salles sont évoquées par (...)

37La mise en place de ce réseau original de place marchandes en Aunis répond à un modèle décentralisé d’organisation des échanges entre La Rochelle et son arrière-pays immédiat. Le port, qui n’avait pas de foires, dépendait pour ses exportations de vin de son hinterland. Il est donc extrêmement logique qu’entre la première couronne, où la monoculture viticole était la plus densément pratiquée (c’est ici que sont situés le Grand-Fief-d’Aunis et une grande partie de la baronnie de Châtelaillon, où l’on a déjà pu voir, à travers divers terriers et censifs, l’importance de l’emprise de la vigne), et le port, il y ait eu un rapport commercial fort. C’est là en effet que les bourgeois, dès la fin des vendanges, venaient s’approvisionner en vue d’exporter les tonneaux de « vin de La Rochelle ». Éric Birrier, dans son étude sur la seigneurie de Châtelaillon au XVe siècle, a souligné la domination politique et économique des bourgeois rochelais sur leur banlieue, qui est latente dès le XIIIe siècle345. La dépendance du plat-pays envers La Rochelle est également évidente dans le domaine des foires et marchés, dont l’extraordinaire concentration aux portes de la ville témoigne de l’extraversion économique. Le vin est évidemment dès le XIIIe siècle la marchandise phare dans l’animation des assemblées, orientée vers l’entrepôt rochelais. Il est en effet éloquent qu’aux XIVe-XVe siècles seul un petit nombre des places commerciales de la première couronne possède des marchés. Périgny, Salles, la Jarne, Saint-Jean-des-Sables, Marsilly sont autant de sites qui n’ont dans l’année qu’une seule foire. Dompierre, s’il possède plusieurs foires depuis au moins le XIVe siècle, ne détient un marché qu’à la fin du XVe siècle346. Les seules assemblées hebdomadaires attestées au XVe siècle dans la première couronne le sont, outre à La Rochelle, à Bourgneuf (1366)347 et à Saint-Xandre348. Ces faits démontrent l’absence d’une clientèle domestique suffisant à animer durablement l’économie locale de ces nombreux petits sites de manière hebdomadaire. Les foires annuelles sont d’abord destinées à la clientèle urbaine proche venant s’approvisionner en produits ruraux, tout en fonctionnant aussi comme de petits centres de redistribution des marchandises rochelaises dans l’arrière-pays. Les bourgeois rochelais détiennent en effet, on l’a dit, d’importants patrimoines fonciers en vigne dans la région depuis le XIIIe siècle. La foire locale est pour eux l’occasion de vendre leur production aux négociants, voire de compléter leur récolte par l’achat de vin de domaines voisins, comme de fournir aux populations rurales les instruments nécessaires aux vendanges (tonneaux, serpes…). Les fûts de vins sont ensuite dirigés massivement vers La Rochelle, ce dont témoigne l’activité au XVe siècle du canal de la Moulinette entre Périgny et le port349, d’où ils sont enfin exportés par la mer. L’on sait par exemple qu’en 1460, Thomas Basset, marchand de La Rochelle, fait transporter peu après les vendanges par deux paysans son vin de Salles vers le port350. Un dépouillement systématique des épaves de minutes de notaires des XVe et début du XVIe siècles à La Rochelle et dans diverses bourgades de l’arrière-pays immédiat du port (Esnandes, Dompierre, Saint-Xandre...) témoignerait de ces nombreuses relations commerciales locales. Nous nous contenterons ici de quelques sondages significatifs, essentiellement à partir des minutes de Boutin, notaire à La Rochelle. L’on y trouve d’abord de nombreux contrats de transport de vin de la banlieue vers le port, identique au cas signalé plus haut : le 20 août 1423 Pierre Joubert, charretier, est ainsi chargé d’amener de Nieul à La Rochelle vingt tonneaux de vin pour un bourgeois rochelais, le tout pour soixante setiers de sel à prendre dans le marais de celui-ci ; le 26 août c’est un laboureur de Saint-Laurent qui promet de charroyer pour un échevin de La Rochelle des tonneaux de vins de Thairé ou de Saint-Vivien ; le 3 septembre il s’agit cette fois de transporter du vin de Puilboreau à La Rochelle. Un autre aspect de ces échanges repose sur la vente de tonneaux ou de bois par les marchands rochelais aux producteurs de vin, pour l’indispensable stockage de la production : le 15 mai 1423 un de ceux-ci vend à Étienne Artus, marchand d’Ars-en-Ré, six douzaines de vieilles pipes ; le 26 juillet ce sont deux marchands rochelais qui vendent à un marchand d’Aytré quatre douzaines de pipes neuves, destinées aux vendanges ; le 30 août un laboureur de Thairé reconnaît devoir dix-sept écus à Huguet Chasteigner pour la livraison de douze pipes neuves. Des intervenants extérieurs peuvent également profiter de cette demande : le 29 juillet 1423, c’est un marchand de Cognac qui vend à l’aumônier de Saint-Barthélémy, pour ses domaines viticoles, cent pipes neuves pour 100 écus. La plupart du temps, cependant, ces marchands préfèrent vendre leur marchandise à leur collègues de La Rochelle qui la redistribuent ensuite à leur clientèle rurale ou la conservent pour leurs domaines : le 11 mars 1424 Jean Sablon, de Burie, vend à un bourgeois rochelais 62 pipes neuves « de bon bois du pays de Xaintonge », livrables au port pour 60 écus d’or ; le 29 avril 1424 c’est Jean Marques, de Champagne, près de Pont-l’Abbé, qui vend à un bourgeois douze pipes neuves livrables à La Rochelle ; un marchand de Taillebourg vend le 5 mai 1424 douze autres pipes neuves livrables à La Rochelle à un bourgeois. L’approvisionnement vient parfois de fort loin : le 6 juin 1424, Symon, marchand à Brillac en Limousin, vend à Jean de Treslou, échevin rochelais, 3 000 merrains conduits à La Rochelle à 32 écus le millier. Les flux commerciaux s’inversent également parfois, signe de la complexité des relations tissées entre la métropole et son plat-pays. Le 28 octobre 1423 un laboureur de La Jarrie doit au négociant Huguet Chasteigner, déjà rencontré plus haut, trois tonneaux de vin blanc pour 33 livres, et c’est un charpentier d’Esnandes qui vend à un changeur de La Rochelle 15 tonneaux le 17 juin 1423351. Ces trafics, tels qu’ils apparaissent dans les années 1420, se poursuivent selon les mêmes caractéristiques au fil du XVe siècle. Dans les minutes de Dodereau, le 17 septembre 1443, un habitant de L’Houmeau achète à un marchand de Cognac 50 pipes neuves ; dans celles de Noyreau, l’on trouve mention le 11 août 1468 de plusieurs douzaines de vieilles pipes vendues à divers paroissiens d’Ars-en-Ré par Guillaume Pineau, marchand de La Rochelle. Une véritable interdépendance unit ainsi les places commerciales de la première couronne et La Rochelle. Les premières ont besoin des liquidités des bourgeois pour pouvoir se ravitailler en produits de première nécessité, la culture spéculative viticole s’étant exercée au détriment des surfaces emblavées ; la seconde a besoin du vin de son arrière-pays pour alimenter son commerce international. Entre les deux, les foires jouent un rôle d’interface régulièrement dans l’année, mais plus particulièrement lors des vendanges. La mise en place de ces diverses couronnes de places marchandes gravitant autour de La Rochelle doit aussi au rôle actif joué par les bourgeois rochelais dans l’organisation des seigneuries voisines. Ces derniers investissent l’administration de celles-ci, notamment dans le domaine des foires et marchés, subordonnant peu à peu ces places aux intérêts rochelais. Ce phénomène est remarquable à Dompierre. Dès 1373, le seigneur de cette place est Jean Chaudrier, bourgeois illustre de la commune voisine dont il fut plusieurs fois maire, annobli par Charles V. Mieux encore, il reçoit cette année, comme seigneur de Dompierre, l’hommage de la fille de Guyon de Lomaria, autre membre de la bourgeoisie rochelaise (plusieurs maires font aussi partie de cette dynastie), pour, notamment, les « coustumes de foires » de Dompierre352. Cet intérêt des bourgeois rochelais pour les foires environnantes, qui témoigne de leur conscience de l’importance du lien économique entre La Rochelle et son plat-pays tissé notamment par les assemblées, ne se dément pas au XVe siècle. C’est la veuve de Georges Geoffroy, maire de La Rochelle, seigneur de Gisors, Dompierre et Fouras, qui demande et obtient en 1496 la création de trois nouvelles foires et d’un marché à Dompierre353. Quand les bourgeois ne peuvent prendre le contrôle des foires, ils en afferment les revenus. À Rochefort, le fermier des assemblées commerciales est en 1478-1479 Olivier Demele, qualifié dix ans après de « marchant demourant en la ville de La Rochelle »354. L’importance des foires locales pour les bourgeois rochelais les entraîne même à acquérir des maisons riveraines des halles, sans doute pour bénéficier de commodités d’étalage. L’on a ainsi déjà mentionné les bâtisses que tiennent les Desnorp près de la halle de Salles au XVe siècle355.

  • 356 Cf supra, p. 228.
  • 357 En 1554, le cohuage à Saint-Xandre est estimé à un peu plus de 27 livres par an (R.C.A.M. (...)
  • 358 A.N., JJ 211, n° 595, f° 133 : « Le samedi XVIIe jour de juillet derr. passé, le dit suppl (...)

38La deuxième couronne marquait pour sa part la transition avec un modèle d’organisation des places commerciales plus proprement féodal. Les petites foires, si répandues dans les environs immédiats de La Rochelle, se font moins nombreuses, puisqu’il n’a guère que Saint-Ouen qui dans cette couronne soit proche des assemblées rencontrées à Périgny ou La Jarne. L’on a d’ailleurs montré que même cette foire était liée à la logique féodale, en tant que fief du seigneur de la Gremenaudière tenu du seigneur de Marans356. La plupart du temps, la deuxième couronne compte effectivement des sites plus étoffés, dotés de halle (Esnandes) ou de plusieurs foires et marchés (la Jarrie, Andilly), assez proches en cela de sites tels que Saint-Xandre, Dompierre ou Bourgneuf, même si leur relatif éloignement du pôle rochelais entraîne une moindre fréquentation qui se répercute sur les revenus, comme le montre la comparaison des recettes commerciales d’Esnandes et de Saint-Xandre357. La dernière couronne est essentiellement faite, cette fois, de places importantes, pratiquement toujours chefs-lieux de châtellenie (Marans, Benon, Surgères, Mauzé, Frontenay, Rochefort...), et donc liés à la logique d’organisation étudiée précédemment, tout en profitant, comme le reste de l’Aunis, des retombées du commerce rochelais grâce aux transits marchands sur les importants axes de communication aunisiens sur lesquels ces villes sont placées (Marans, Surgères, Mauzé). Le fait que certaines de ces places, comme Rochefort, se bornent à de très faibles niveaux de revenus, malgré une position remarquable sur un axe fréquenté (ce que prouve assez le succès de la ville aux XVIIe-XVIIIe siècles, lorsqu’elle devient un des principaux ports militaires français de l’Atlantique), montre que la fréquentation indigène y détient une part prépondérante dans l’activité commerciale. Si, dans la première couronne, n’importe quelle petite foire improvisée peut réussir (d’où la floraison des sites, souvent médiocres, autour de la ville), dans la troisième la sélectivité joue à plein. Les principaux sites y sont ceux qui peuvent tirer à la fois profit des logiques féodale (importants centres « administratifs »), axiale (présence d’une voie commerciale animée) et économique (en bénéficiant des retombées du commerce rochelais par le statut de « place commerciale relais » de l’arrière-pays). L’influence de La Rochelle et de son commerce est donc déterminante pour expliquer la formation de l’armature aunisienne des places de foires et marchés en couronnes centrées sur le grand port. Cette influence s’est souvent traduite par une domination. La Rochelle écrasait de son poids les assemblées voisines, dont les revenus, comme on a pu le voir pour la baronnie de Châtelaillon, étaient souvent dérisoires. Seuls les sites qui possédaient plusieurs foires annuelles, voire un marché, ont pu jouer un véritable rôle de relais de l’influence commerciale rochelaise dans la première couronne. Dompierre, Bourgneuf ou Saint-Xandre, grâce au commerce régulier que leur garantissaient des assemblées plus fréquentes, étaient devenus des centres d’approvisionnement non seulement des bourgeois rochelais, mais aussi des populations rurales voisines (comme pour ce boucher de Nantilly qui se rend à Bourgneuf en 1484358). Ils tiraient ainsi parti des stocks monétaires ruraux issus de la vocation spéculative du vignoble aunisien pour dégager d’importants revenus, leur rentabilité étant attestée par la présence, plus ou moins précoce, de halles. Les autres places, trop dépendantes du commerce viticole et de l’unique débouché rochelais dans un contexte économique fondamentalement extraverti, étaient quant à elles placées en étroite sujétion économique par rapport à la ville. Ce n’est qu’au-delà d’une vingtaine de kilomètres que, l’influence rochelaise se faisant moins forte, les places étaient moins nombreuses et plus soumises à la logique féodale d’organisation du réseau commercial. Mais, même dans cette troisième couronne, les négociants rochelais et les flux de marchandises drainées par le port continuaient d’animer l’économie d’échanges, notamment dans les grands carrefours et relais de ce commerce (Marans, Surgères, Mauzé).

  • 359 Réveillaud, Histoire de la ville, commune et sénéchaussée de Saint-Jean-d’Angély, p. 117.
  • 360 A.N., P 5602, n° 1798 (1550).
  • 361 Le « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 344, rapporte ainsi le (...)
  • 362 Les registres de l’échevinage de Saint-Jean-d’Angély livrent de nombreux exemples de ce pr (...)

39En ce sens, le modèle structurel rochelais dans l’organisation commerciale du plat-pays est complétement divergent de celui d’autres grandes villes, comme Saintes et Saint-Jean-d’Angély. L’on ne recense ainsi aucun site doté d’assemblées dans la quinzaine de paroisses formant la banlieue de cette dernière ville malgré son dynamisme commercial. La ville paraît centraliser toute l’activité d’échange de son ressort, assurant ainsi le succès de ses foires et marchés, les plus importants de Saintonge. Débouché naturel de son plat-pays, ce qui n’est pas sans inconvénients lorsque pendant la guerre les paroisses subordonnées refusent d’approvisionner son marché359, Saint-Jean-d’Angély rejette ainsi les premiers sites commerciaux à une quinzaine de kilomètres (Vergne, Tonnay-Boutonne, Matha), à l’exception de Varaize, à une dizaine de kilomètres, où des bancs sont attestés à la fin de note période360. À Saintes, le modèle commercial adopté est lui aussi centralisateur, les assemblées se faisant rares autour de la ville. Pourtant le dynamisme moindre de cette place explique aussi que son rayonnement soit moins incontesté. L’on trouve, à une dizaine de kilomètres de Saintes des assemblées à Saint-Jammes et surtout à Taillebourg, et à une douzaine celles de Pisany et Rioux. La ville a donc eu plus de mal à faire le vide autour d’elle et son influence est rapidement disputée, au contraire de Saint-Jean-d’Angély : même pour les foires de sa banlieue, comme Saint-Jammes, Saintes est en butte aux droits du grand baron voisin361. Ce sont finalement deux modèles commerciaux divergents qu’ont choisis les communes d’Aunis-Saintonge : La Rochelle, malgré l’étoffement de ses infrastructures d’échanges locales, n’a pas de foires et s’approvisionne auprès d’un réseau dense d’assemblées aunisiennes. Le modèle est clairement celui d’une « décentralisation commerciale ». Par opposition, Saintes et Saint-Jean-d’Angély, avec des variations liées à leur dynamisme économique inégal, se caractérisent par un modèle centralisé, concentrant l’activité commerciale dans leurs murs, et rayonnant sur une aire d’influence variable. En Aunis, les bourgeois rochelais achètent leur vin dans les foires rurales et le font ensuite rapatrier ; en Saintonge, ce sont les paysans qui viennent le vendre aux assemblées urbaines362. Ces différences dans le modèle d’organisation structurel du réseau commercial montrent l’importance du critère économique dans sa mise en place, selon que le plus ou moins grand dynamisme d’une place rejaillit ou non sur le plat-pays voisin. Quelques autres logiques d’organisation spatiale du réseau interagissent cependant avec les précédentes.

D’autres logiques, de la démographie à la qualité des terroirs

  • 363 Cf supra, p. 159-161, divers exemples de cette opinion largement diffusée, jusqu’à l’entou (...)
  • 364 Ordonnance des rois de France…, t. XV, p. 363-364.
  • 365 A.N., JJ 208 n° 14, f° 7 v°.
  • 366 « Recueil des documents concernant le Poitou…, t. XIII (1483-1492) », éd. L. Célier, A.H.P (...)
  • 367 Les couvents mendiants ont en effet cherché, du fait des visées de leur prédication, à s’i (...)
  • 368 Ibid., p 106-107.
  • 369 « Le serment de fidélité des habitants de La Rochelle en 1224 », éd. A. Bardonnet, A.H.P. (...)
  • 370 B. Chevalier, « Les bonnes villes du Centre-Ouest au XVIe siècle : constellation ou nébule (...)
  • 371 Ibid., p. 118.
  • 372 Foires et marchés dans les campagnes de l’Europe médiévale et moderne, op. cit., avant-pro (...)

40Importance de la population du bourg et fertilité du pays environnant sont constamment rappelées dans les chartes de créations de foires et de marchés, signe de l’importance réelle ou présumée de ces critères pour le succès des assemblées commerciales. L’évolution de la population, d’abord, détermine en partie les conditions du commerce : le redémarrage économique de la seconde moitié du XVe siècle coïncide avec le ralentissement des épidémies et la reprise de l’essor démographique. Cette dernière alimente la fréquentation du marché ; plus son importance est grande et plus elle permet d’animer régulièrement les assemblées et d’assurer ainsi leur développement, en accroissant la demande potentielle. Ce lien entre démographie et succès du commerce était tellement intériorisé par les contemporains qu’ils estimaient la réciproque tout aussi valable. Faire tenir des foires dans une bourgade fortement dépeuplée après les crises du XIV-XVe siècle, c’était faire oeuvre de repeuplement363. Les lettres patentes royales octroyant des foires et des marchés, qui reprennent le contenu de la requête de l’autorité locale qui ne recule jamais devant quelques menues exagérations sur les avantages de la bourgade pour mieux obtenir satisfaction, font donc souvent figurer en bonne place l’avantage démographique pour justifier la création des assemblées. Ainsi à Saint-Xandre où les quatre foires sont notamment créées en 1462 parce que « ledit lieu (…) est assis en pays moult fertil et bien peuplé, prochain de plusieurs bonnes villes »364. Il en va de même à Taillebourg en 1480, où lors de la création des foires l’on note « à l’environ d’icelle plusieurs bonnes villes et villaiges »365, ou à Saint-Jean-d’Angle en 1487, « beau bourg bien peuplé et habité »366. Que les assemblées soient chargées de repeupler un bourg, ou qu’une importante population domestique soit à même d’assurer la rentabilité de celles-ci, le lien établi par la documentation même entre démographie et institutions commerciales doit conduire les principaux centres urbains ou villageois à se doter de foires et marchés. Dans une certaine mesure, il est vrai, la hiérarchie des bourgades en terme de démographie, pour autant que les sources permettent de la connaître, reflète celle des places de foires et marchés. L’implantation des couvents mendiants, qui révèle en partie la hiérarchie du réseau urbain saintongeais367, témoigne de la domination rochelaise, la ville possédant les quatre ordres mendiants (franciscains, dominicains, armes, augustins) dès le XIIIe siècle. Pons, Saintes et Saint-Jean-d’Angély sont équipés des couvents des deux principaux ordres, et les Franciscains sont présents à Barbezieux et Cognac. Pour affiner encore cette hiérarchie, Robert Favreau proposait de recourir aux implantations juives, qui affectionnent le milieu urbain, ainsi qu’au nombre d’aumôneries et autres léproseries368. L’on trouve alors une synagogue à Saintes, et des communautés juives à La Rochelle, Saint-Jean-d’Angély, Pons ou Pont-l’Abbé. La Rochelle compte sept aumôneries et une léproserie, Saint-Jean-d’Angély deux aumôneries et deux léproseries, Saintes et Pons deux aumôneries et une léproserie. Le croisement de ces critères permet d’approcher la hiérarchie urbaine saintongeaise, en place dès le XIIIe siècle. La Rochelle, dont l’on sait par ailleurs qu’elle compte alors plusieurs milliers d’habitants369, est loin devant, suivie de Saintes et Saint-Jean-d’Angély, au poids démographique assez proche. Puis viennent Pons, Cognac et Barbezieux. Ces données sont confirmées par l’état des villes du royaume ayant subvenu à la solde de l’armée française dressé en 1538, dans lequel La Rochelle, ville la plus lourdement imposée du Centre-Ouest (3 300 livres), et Saintes (1 600 livres), se détachent largement. Saint-Jean-d’Angély ne contribue pour sa part qu’à hauteur de 150 livres370. Bernard Chevalier remarque la présence, autour de La Rochelle, d’un « demi-cercle de villes de pays assez fortunées », dont font partie Saintes, Saint-Jean-d’Angély, Niort, Maillezais, Fontenay ou Luçon, qui expriment une « organisation réticulaire (...) constituée d’un pôle excentrique et de sa périphérie formée de villes-relais dans l’arrière-pays », un « système de maillage horizontal qui suit un modèle largement prédominant à l’époque proprement médiévale »371. C’est en fait la reproduction, à l’échelle du réseau urbain du Centre-Ouest, du modèle d’organisation que nous venons de mettre en valeur à propos des foires et marchés d’Aunis, gravitant autour de La Rochelle. Cette coïncidence entre la logique du réseau urbain et celle du réseau des assemblées montre que le poids démographique d’une ville et le dynamisme commercial qui l’accompagne sont liés. Les principales bourgades sont aussi les centres commerciaux dont l’on a constaté la domination dans la partie précédente, qu’elle s’exprime à travers les revenus des assemblées, l’existence de halles, ou le nombre de foires et marchés. Les grandes villes provinciales de La Rochelle, Saintes et Saint-Jean-d’Angély occupent alors la tête de la hiérarchie, suivies par les centres régionaux bien peuplés, tels Pons, Cognac ou Barbezieux. Après ce peloton de tête viennent ensuite d’importants centres de châtellenie locaux, dont la population se compte sans doute en centaines, ou à peine un millier d’habitants, dotés de foires dynamiques (Saujon, Marans, Mauzé, Taillebourg, Matha, Surgères...). Les foires les plus médiocres sont également l’apanage des sites les plus réduits ou ruraux : petits centres de châtellenie (Saint-Fort) et modestes villages (Périgny, La Jarne). Le lien est net entre position dans la hiérarchie urbaine et dynamisme commercial local, voire type d’assemblée marchande : « contrairement au marché, la foire va de pair avec l’importance de l’élevage, la médiocrité des densités humaines, la faiblesse de l’urbanisation »372.

  • 373 Ordonnances des rois de France..., t. XVIII, p. 203 (1476).
  • 374 A.N., JJ 245 A n° 262 bis, f° 73 v°.
  • 375 A.N., JJ 259 n° 59 f° 39 v°.
  • 376 A.N., JJ 232 n° 149 f° 77.
  • 377 A.N., JJ 235 n° 322 f° 107 (Boutiers) et JJ 235 n° 104 f° 17 (Saint-Disant).
  • 378 A.N., JJ 226 A n° 197 f° 119.
  • 379 M. Dillay, Les chartes de franchise dans le Poitou, Paris 1927, p. 71. L’article quatre pr (...)
  • 380 « Recueil des documents relatifs à l’abbaye de Montierneuf de Poitiers », éd. F. Villard, (...)
  • 381 Ibid., p. 240 : « Radulphus, quondam comes Augi, dissaziverat seu spoliaverat ipsos mercat (...)
  • 382 Entre 1255 et 1260 les halles de la ville furent bâties sur l’emplacement d’un ancien marc (...)
  • 383 À Saintes les halles sont également construites au XIIIe siècle sur un terrain « or l’on s (...)
  • 384 Un « lieu establi pour vendre le bestail » y existait en 1481 (A.N., JJ 209 n° 119 f° 68).
  • 385 Selon les bourgeois de Saint-Jean-d’Angély, « ledit païx est fondé sur blé et vin » (B.M.S (...)

41Ces derniers propos de Benoît Cursente nous amènent à considérer l’importance de la fertilité du sol dans l’organisation du réseau des foires et marchés. Cette dernière se retrouve également dans la plupart des chartes de création et est d’un enjeu crucial dans un monde où l’économie rurale, et d’abord agricole, domine de manière écrasante. La majorité des assemblées, en effet, sont animées par une clientèle et des marchandises issues des campagnes. Plus le territoire environnant dégage de surplus, et plus le marché est animé, les paysans alimentés en numéraire, et donc plus aptes à acheter des biens de consommation ou de production. Fertilité et complémentarité entre différents terroirs semblent donc jouer à plein dans le succès des assemblées. Les foires de Saint-Jean-d’Angle, citées précédemment et établies en 1487, se justifient également car le bourg est « assis en bon pais et fertile et sur les limites de la mer », tout comme Saint-Xandre était « assis en pays moult fertile ». Pisany est dit quant à lui situé « en beau trespas de pais »373. Les exemples, souvent stéréotypés, peuvent être multipliés à loisir : Mirambeau et Plassac sont en 1530 « scituez et assis en bon païs et fertil »374, comme Saint-Fort en 1549375 ; Écoyeux est en 1500 « ung bon et fertil pays ou croist et habandonne grant nombre de blez, vins, foings, avoynes et autres fruiz »376, de même que Boutiers et Saint-Disant-du-Bois en 1501377. Montguyon est enfin en 1493 un « pays bien fertil qui produit grant habondance de bles, vins et autres biens »378... L’omniprésence de ces mentions démontre, même si les protestations de fertilité des pays de certaines de ces bourgades sont sans doute exagérées, que la foire ou le marché servent d’abord à écouler les produits des campagnes voisines, et que la qualité des terroirs, qui permet d’animer une assemblée, est incontournable dans le succès de celle-ci. Il est effectivement patent que les foires et marchés tendent à se concentrer dans les régions les plus propices à l’agriculture. L’on a déjà vu que les régions boisées, encore très présentes au XVe siècle, se caractérisent logiquement par une moindre densité des places de foires et marchés (forêt d’Argenson-Essouvert entre Benon, Surgères, et Saint-Jean-d’Angély, ainsi qu’au sud d’Aulnay ; forêt d’Authon entre Saint-Savinien et Matha). C’est d’ailleurs dans ces régions que le maillage des places commerciales doit reposer sur un réseau de villes neuves, dans lesquelles le marché occupe souvent une place centrale. Villeneuve-la-Comtesse, créée avant 1196 sur une partie de la forêt d’Argenson par Raoul de Lusignan, à laquelle est octroyée en 1235 une charte de franchise mentionnant diverses réglementations commerciales, est une de ces fondations379. Un marché y est explicitement mentionné dès 1245380, dont on nous dit qu’il a été indûment transféré de La Foye-Monjault par Raoul vers sa nouvelle fondation381. L’on retrouve ici l’association originelle entre bourg nouveau et place de marché, comme dans le mouvement des célèbres bastides du Sud-Ouest. D’autres terroirs défavorisés se caractérisent également par une faible densité de places commerciales. C’est le cas de l’extrême sud de la province, du « Pays Bas » entre Écoyeux et la Charente au sud, ou des Bois saintongeais entre Pons, Saintes et le golfe de Brouage. Inversement la plaine d’Aunis, où la concentration des assemblées commerciales est nette, est aussi une des régions agricoles les plus favorisées de Saintonge. La Champagne, qui s’étend de la vallée de la Seugne aux limites des diocèses de Saintonge et d’Angoumois (régions de Jonzac, Archiac, Cognac) est également une région célèbre pour sa fertilité, qui concentre aussi un grand nombre de places commerciales. Il en va de même pour la Saintonge d’entre Seudre et Gironde. La fertilité des sols n’est cependant pas tout : il est aussi intéressant, pour des foires et marchés, de pouvoir compter sur des productions variées fournies par le plat-pays immédiat : l’un des arguments de la concession des foires de Saint-Jean-d’Angle était la position du site au bord de la mer, ce qui lui assurait des ressources rurales diversifiées (pêche, sel et élevage des marais, céréales). Ce critère favorisant l’activité commerciale explique l’existence de nombreuses places de foires et marchés rayonnant sur des terroirs intermédiaires. C’est le cas sur la jonction entre le plateau continental et les anciens golfes marins à salines, où se sont développées les assemblées de Soubise, Saint-Agnant, Saint-Jean-d’Angle, Le Gua, Marennes, Mornac, Arvert, le Château-d’Oléron, Talmont, voire La Rochelle, Esnandes et Angoulins aux XIe-XIIe siècles, dont certaines connurent un net déclin avec le comblement des golfes illustré par la fondation et l’essor de Brouage. De la même manière, l’on peut croire que les foires des places proches des grands massifs boisés où des droits d’usage étaient accordés au pacage des animaux, étaient particulièrement animées par les trafics de bestiaux. Cette fonction de centre commercial de débouché d’une forêt est avérée à Saint-Jean-d’Angély382, pour celle d’Essouvert ; de Saintes, Saint-Savinien et Burie383, pour celle d’Authon ; ou de Surgères384, pour celle de Benon. Elle devait être générale près des étendues boisées, mais également dans les pays de lande du sud saintongeais. Les frontières aunisiennes forment une autre grande zone de contact entre terroirs différents. Vouée à la quasi-monoculture viticole depuis au moins le XIIIe siècle, cette petite province représente en même temps un gros marché de consommation. L’essor économique y a entraîné un relatif enrichissement des campagnes qui n’hésitent pas à recourir au marché, ainsi que la présence de grosses bourgades animées par des marchands enrichis (La Rochelle, évidemment, mais sans doute aussi Marans ou Surgères). Non autosuffisant, l’Aunis rochelais devait s’approvisionner en blés auprès du Bas-Poitou, région de production la plus proche, mais également auprès de la Saintonge385. Les liens commerciaux ainsi établis, en partie terrestres, se faisaient surtout par la Sèvre Niortaise et la Charente, le blé étant un trafic pondéreux et donc coûteux à transporter par terre. Marans développa donc certainement assez tôt la fonction de port céréalier plaque-tournante du trafic du blé qui la cactérisait à la fin de l’Ancien-Régime et au début du XIXe siècle. De manière générale, il semble logique que les grandes places commerciales limitrophes de l’Aunis, comme Marans, Surgères, Frontenay ou Mauzé, étaient marquées par des trafics importants liés à leur position au contact de deux terroirs ruraux complémentaires.

42L’armature médiévale des places de foires et marchés d’Aunis-Saintonge, mûre au XIIIe siècle, rétablie et étoffée en fonction des mêmes logiques après les crises des XIVe-XVe siècles puis des guerres de Religion, évolue ensuite peu jusqu’à la Révolution. Les caractères du réseau commercial ainsi tissé, aisés à repérer sur une carte, notamment par la concentration dans le pays rochelais et sur les axes routiers et fluviaux, répondent au croisement de diverses logiques d’implantation dont aucune n’est jamais exclusive des autres. Les plus fortes concentrations, comme en Aunis, s’expliquent par l’interaction de plusieurs de ces logiques : présence d’une région à haut degré d’intégration commerciale, sillonée par des chemins très fréquentés, organisée autour d’une monoproduction à usage commercial et de plusieurs grandes agglomérations qui sont autant de marchés de consommation. L’action de certaines logiques conduit à la concentration des assemblées sur des points précis de la province (axes et terroirs les plus favorables), quand d’autres tendent à une relative dispersion au gré de la géographie féodale, les grands centres de châtellenie ou de vastes ressorts féodaux s’équipant de cet attribut du pouvoir banal. L’armature commerciale ainsi dessinée déterminait aussi largement un autre principe structurant des places de foires et marchés, les aires d’influence.

IV. Essai d’étude des aires d’influence des foires et marchés d’Aunis-Saintonge

L’aire d’influence moyenne : principes statistiques

  • 386 J.-A. Chartres, « Foires et marchés en Angleterre de 1500 à 1850 », Foires et marchés dans (...)
  • 387 G. Duby, L’économie rurale et la vie des campagnes… t. I, p. 235.
  • 388 Andilly (1517), Benon (1497), Bourgneuf (1488), Dompierre (1496), La Jarrie (vers 1520), M (...)
  • 389 Cette méthode d’établissement des aires d’influence des foires et marchés a été utilisée a (...)

43D’un grand intérêt, la détermination de l’aire d’influence moyenne des assemblées commerciales saintongeaises se heurte cependant à de nombreuses difficultés, dont la moindre n’est pas l’absence de documents détaillant la provenance des marchands et clients fréquentant une réunion. Les quelques mentions que l’on en a sont la plupart du temps isolées. Faute de sources précises, il faut donc le plus souvent recourir à des indices indirects pour appréhender le rayonnement moyen d’une place commerciale en Saintonge médiévale. Le moyen le plus simple est de diviser la superficie totale de l’espace considéré par le nombre de centres commerciaux qu’il compte. Ce procédé ne donne cependant qu’un résultat a priori éloigné de la réalité, puisqu’une aire d’influence dépend de nombre de facteurs que ce principe statistique ne prend pas en compte (facilités de circulation, fréquence des foires ou du marché, densité de places commerciales dans la région, degré d’intégration à l’économie de marché des pays ruraux voisins...). Pour le diocèse de Saintonge, qui correspond à l’antique cité de Saintes dont la superficie était selon Louis Maurin de 9 200 km2 environ, l’on obtient pour les 107 sites commerciaux attestés de 1000 à 1550 environ 86 km2 d’aire d’influence moyenne, soit un rayon d’attraction de 5,2 km environ. Mais entre 1000 et 1550 tous les sites ne sont pas mentionnés sans interruption. Si l’on prend comme référence la période la mieux documentée, entre 1450 et le milieu du XVIe siècle, soit 80 sites, l’aire moyenne passe à 115 km2 par site, soit un rayon d’action d’environ six km. Cette distance paraît tout à fait crédible : les douze kilomètres aller et retour peuvent largement être parcourus dans la journée par un paysan à pied souhaitant se rendre à un marché pour y vendre une vache ou acheter un outil. D’autant que ces six kilomètres représentent la limite maximale d’extension de l’aire d’influence, car bien des sites commerciaux ont pu échapper à notre recherche. Ces chiffres reflètent le maillage dense du réseau des foires et marchés d’Aunis-Saintonge de la fin du Moyen Âge. Dans l’Angleterre moderne, l’aire d’influence moyenne des marchés était de 18000 hectares, soit 180 km2, et même 120 km2 pour les régions les plus denses (Dorset, Gloucesterchire, Somerset)386. Au XIIIe siècle, avant la disparition de nombreux villages et assemblées commerciales dans la crise du Moyen Âge, cette densité est encore supérieure dans les comtés en pointe : un marché pour 65 km2 dans celui de Leicester, un pour 80 dans le Devon, et un pour 115 dans le Gloucestershire387. La densité des places commerciales saintongeaises, et par voie de conséquence l’aire d’influence moyenne des assemblées, est ainsi proche d’une des zones les plus intégrées à l’économie d’échange de l’Angleterre, permettant une desserte assez dense des populations rurales. Il est vrai qu’en ne considérant, comme dans l’étude anglaise, que l’aire moyenne des places de marché, à l’exclusion donc des sites où ne se tiennent que des foires, nos 55 bourgs-marchés actifs entre 1450 et 1550 n’ont alors qu’une aire d’influence moyenne que de 167,3 km2 (7,3 km de rayon). Ce chiffre n’en témoigne pas moins d’une densité de places marchandes supérieure à celle de l’Angleterre moderne moyenne, et qui de plus est peut-êtret sous-estimée, un certain nombre de places de foires pouvant également être dotées d’un marché, dont nous n’avons pas retrouvé de mention. On le voit donc, l’aire d’influence moyenne des marchés de Saintonge témoigne d’un réseau relativement bien maillé. Le problème est que la détermination de celle-ci, intéressante dans l’absolu, est dangereuse en ce qu’elle tend à gommer les inégalités de dynamisme (et donc de polarisation) entre les places de foires et marchés. La densité commerciale de l’Aunis rochelais, par exemple, est très supérieure à celle de la Saintonge : ses 18 sites de foires et marchés ont une aire d’influence moyenne de 45,4 km2 (3,8 km de rayon) ; et ses huit places de marchés de 91,6 km2 (5,4 km de rayon)388. Le haut niveau d’intégration marchande et de commercialisation des populations qu’a atteint le pays rochelais, où le marché paraît un acteur incontournable de la vie quotidienne au moins autant que dans les comtés anglais moteurs du XIIIe siècle, est tout entier inscrit dans ces chiffres. L’autre grand principe théorique de détermination des aires d’influence, celui de Christaller, est en revanche d’une application difficile pour l’Aunis-Saintonge389. Il est effectivement ardu de bien isoler les différents niveaux de la hiérarchie commerciale, préalable nécessaire à l’établissement des aires. Pour les espaces qui s’y prêtent un peu mieux (Saintonge girondine, Aunis), l’établissement de ce réseau d’aires d’influence se révèle tout aussi délicat, et son résultat particulièrement irrégulier, loin des hexagones idéaux. Le mieux reste de déterminer l’aire d’influence des foires et marchés saintongeais à partir des documents eux-mêmes, malgré la difficulté de leur exploitation pour ce type de recherche, et de confronter la réalité au principe théorique.

L’aire à partir des sources contemporaines : concurrence et conflits

  • 390 A.D. 17, 1 J 369-15 (1429). Le règlement du conflit en 1432, perdu, est donné dans une ana (...)
  • 391 A.D. 17, 1 J 356-21 : les registres relatifs à la seigneurie de Thors signalent de nombreu (...)
  • 392 Foedera…, op. cit., t. III partie 2, p. 124 : « come les habitans de Burneof soient et oun (...)
  • 393 Ibid., p. 125 : « come, par cause des dissenssions et debatz entre lui [sic. pour Jeanne d (...)
  • 394 Ordonnances des rois de France…, t. V, p. 605-607.
  • 395 En 1481, c’est par exemple un homme d’Angoulins qui se rend aux foires de Surgères, quoiqu (...)
  • 396 A.D. 86, 3 H 1-272 et 3 H 1-299 f° 75-76.
  • 397 Les commanderies des Templiers et des Hospitaliers..., op. cit., p. 199.
  • 398 L’on a déjà signalé que le marché de Dompierre, qui n’apparaît plus dans la documentation (...)
  • 399 A.N., JJ 211 n° 595, f° 133.
  • 400 A.D. 86, 3 H 1-272 : « Semble au conseil soubz script que le seigneur commandeur de Borneu (...)
  • 401 B.M.S.J., FF 41. L’on a signalé, en 1384, la présence de deux petites marchandes angérienn (...)
  • 402 En 1540 Tonnay-Charente ne possédait en effet qu’un marché le mercredi (A.N., P 5582, n° 1 (...)

44Les nombreux documents relatifs à des conflits entre places commerciales voisines représentent une des sources indirectes les plus fiables pour appréhender les aires d’influence. Car pour qu’une place commerciale se plaigne d’une concurrence jugée déloyale suite à l’établissement dans une bourgade voisine d’assemblées se tenant le même jour, il faut bien que les deux réunions recrutent au moins en partie auprès des mêmes localités leurs clients et marchands. Leurs aires d’influence respectives se chevauchent donc partiellement. Ces sources n’offrent cependant qu’une délimitation assez imprécise et partielle du rayonnement commercial d’une place, la limite entre les deux aires concurrentes, que l’on ne connaît que dans une seule direction, pouvant s’établir n’importe où entre les deux bourgades rivales : l’on sait simplement que quelque part entre les deux places se croisent bien les aires où les assemblées recrutent leurs animateurs. En 1429, lorsque la dame de Thors installa, de sa propre autorité, un marché et quatre foires dans sa seigneurie, elle se heurta à la dame de Matha, qui se plaignit de cette « nouvelleté » au roi. Bien que suzeraine de la terre de Thors, l’on n’avait pas en effet sollicité son autorisation lors de cet établissement. Mais, surtout, une des nouvelles foires de Thors se tenait à la saint André (30 novembre), le même jour qu’une des assemblées de Matha, quoique les deux bourgades ne soient distantes que de quatre kilomètres390. Ce conflit indique ainsi l’impossibilité au XVe siècle de faire tenir deux foires le même jour dans deux bourgs très proches sans préjudicier à ceux-ci, leurs aires d’influence se chevauchant, d’autant que les tenanciers des deux seigneuries, comme les censifs de Thors l’attestent, étaient entremêlés391. À l’inverse, les distances peuvent être aussi relativement importantes entre deux bourgades tenant leurs assemblées le même jour, mais suffire à grever la rentabilité de l’une des deux (souvent la plus importante, dont l’aire la plus lointaine est sensible à la concurrence d’un nouveau site en position de force pour capter la clientèle de ses marges éloignées). Avant 1366, Bourgneuf avait ainsi décidé de déplacer la tenue de son marché du dimanche au samedi, pour des considérations spirituelles. La décision suscita un tollé des seigneurs de Surgères perdant une partie de la clientèle fréquentant leur marché cette journée, quoique les deux bourgades soient à plus d’une vingtaine de kilomètres de distance l’une de l’autre392. Cette plainte, qui n’est qu’une des manifestations d’un contexte conflictuel plus général entre les deux seigneuries393, n’aboutit apparemment pas puisqu’en 1372 le roi de France confirmait aux Hospitaliers de Bourgneuf le déplacement de leur marché394. L’on peut néanmoins croire que le rayonnement commercial et féodal de Surgères induisait une aire d’influence marchande considérable, chevauchant celle de Bourgneuf395. Le maintien du transfert du marché de Bourgneuf occasionna d’ailleurs de nouveaux conflits, puisqu’en 1375 le seigneur de Dompierre, qui se plaignait également du préjudice occasionné à son marché du samedi, en obtint la suspension du roi396. L’importante densité de places commerciales en Aunis explique les conflits récurrents qu’une création peut entraîner. Mais la multiplication des litiges engendrés par le transfert démontre assez ce que soulignait Anne-Marie Legras à partir de l’exemple de Dompierre, la volonté des Hospitaliers d’étouffer le marché voisin grâce au dynamisme supérieur de leur importante bourgade, afin de dégager un surplus de revenus commerciaux dans un contexte de crise397. Dompierre n’étant, là encore, situé qu’à quatre kilomètres de leur commanderie, les Hospitaliers ne pouvaient ignorer la concurrence que leur décision engendrait. En 1377, un arrêt du Parlement de Paris donna finalement raison au commandeur qui maintint son marché, entraînant l’asphyxie de celui de Dompierre398. L’aire d’influence commerciale de Bourgneuf en profita apparemment, puisque l’on retrouve en 1484 un boucher de Nantilly (paroisse de Marsilly) se rendant un samedi au marché de la commanderie, à plus de dix kilomètres, alors que Dompierre n’était situé qu’à six kilomètres et demi399. Le pôle commercial hospitalier devait, au cours des années 1520-1530, être confronté à son tour à la concurrence d’un marché voisin : La Jarrie, à quatre kilomètres et demi, venait de bénéficier de la création d’une assemblée le mercredi, qui anémiait la fréquentation du deuxième marché de Bourgneuf. Le commandeur obtint une nouvelle fois gain de cause dans le conflit qui s’ensuivit400. Saint-Jean-d’Angély, en 1442, avait également fait l’expérience du préjudice engendré par un marché concurrent, même lointain, qui témoignait de l’importance de l’aire d’influence du marché du samedi de la ville. Les échevins protestèrent alors en effet contre l’établissement d’assemblées hebdomadaires à Tonnay-Charente les mercredi et samedi, nonobstant la trentaine de kilomètres séparant Saint-Jean de cette dernière ville... Même si l’aire d’influence commerciale angérienne ne drainait peut-être pas des populations aussi lointaines, elle polarisait cependant sans doute des habitants plus proches de Tonnay que de Saint-Jean, le long des vallées de la Boutonne et de la Charente, et suffisamment pour motiver une plainte401. Le meilleur signe de la réalité de l’importance du rayonnement angérien est d’ailleurs l’aboutissement de la réclamation des échevins402.

  • 403 B.M.L.R., ms. 300, f° 113 r°.
  • 404 « Recueil des documents concernant le Poitou… t. IV (1369-1376) », éd. P. Guérin, A.H.P. t (...)

45D’autres conflits nous renseignent également instructivement sur les aires d’influence des assemblées saintongeaises. En 1565, l’octroi d’un marché le lundi à Nuaillé en Aunis entraîna un conflit avec la seigneurie de Dompierre qui s’était vue octroyer un marché le jeudi en 1496 mais l’avait de sa propre autorité déplacé au lundi en 1518 : les deux bourgades étaient distantes de onze kilomètres403. Lors de l’établissement des assemblées de Saint-Georges-de-Rex en 1373, les autorités de Saint-Jean-d’Angély et de Frontenay avaient également protesté. Si Frontenay, à neuf kilomètres, pouvait en effet craindre le préjudice causé à son aire d’influence, les plaintes de Saint-Jean sont beaucoup plus étonnantes, puisque la ville est à près d’une quarantaine de kilomètres de Saint-Georges404... L’on sait certes que le contexte de crise avait favorisé les marchés des principales bourgades fortifiées, où s’était concentrée l’activité commerciale. Il n’en est pas moins surprenant que des habitants de la région de Saint-Georges aient pu parcourir dans un contexte peu sûr les quarante kilomètres de route forestière nécessaires pour se rendre au marché de Saint-Jean-d’Angély. D’autant que, « molt loing des lieux ou sont les foires et marchiez », ils se plaignaient déjà de la distance de « deux ou trois grans lieues » (huit à douze kilomètres) les séparant des assemblées les plus proches, soit la distance séparant Saint-Georges-de-Rex de Mauzé et Frontenay (environ neuf kilomètres), où des réunions commerciales sont attestées à la même époque. Le recours aux assemblées commerciales angériennes par les habitants de Saint-Georges ne semble donc qu’occasionnel, et justifie mal les protestations des échevins de cette commune. La requête des habitants de Saint-Georges apporte également un nouvel indice dans notre tentative de détermination des aires d’influence commerciales. Neuf kilomètres de distance entre un village et la première place de foires et marchés sont ici perçus comme inacceptables et préjudiciables. C’est donc que les aires d’influence de l’avant-guerre avaient l’habitude, pour un site moyen, d’être bien inférieures aux neuf kilomètres de rayon (254,5 km2), au moins dans la région de Saint-Georges. C’est déjà confirmer l’approche statistique du rayonnement commercial à laquelle l’on a recouru plus haut, qui montrait que l’aire moyenne pour les 80 sites des années 1450-1550 s’établissait à 115 km2 par place (six kilomètres de rayon). Pour la période 1150- 1340, les 44 centres commerciaux attestés, qui sont à prendre comme un grand minimum, auraient une aire moyenne de 209,1 km2, soit 8,2 km de rayon. Il semble donc bien que, dans l’Aunis-Saintonge médiéval, l’aire d’influence moyenne des foires et marchés dans un réseau en phase de prospérité (XIIIe ou fin du XVe-début du XVIe siècles) soit toujours inférieure aux neuf kilomètres de rayonnement.

  • 405 « Recueil de documents relatifs à l’abbaye de Montierneuf de Poitiers », op. cit., p. 240  (...)
  • 406 Ibid., p. 242-243 : « De mercato vero et bianno superius nominatis, inter nos et dictos ab (...)
  • 407 « État du domaine du comte de Poitou à Chizé », éd. A. Bardonnet, A.H.P. t. VII. On y ment (...)
  • 408 « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 48. L’enquête répondant à (...)
  • 409 A.H.S.A. t. I, p. 81-87, extrait du livre de l’Hôtel d’Olivier de Coëtivy, seigneur de Tai (...)
  • 410 B.M.L.R., ms. 2468, fragment d’un compte de l’Hôtel de Taillebourg de 1450, f° 5 r° : « Le (...)

46D’autres sources confirment ces résultats. Au cours de la première moitié du XIIIe siècle Raoul, comte d’Eu, avait apparemment usurpé deux marchés que tenaient les religieux de Montierneuf à la Foye-Monjault les mardi et vendredi, pour les transférer à Villeneuve-la-Comtesse, bourg de défrichement de fondation récente405. Quand son fils Raoul, seigneur de Chizé, décida en 1245 d’autoriser à nouveau la tenue de ces marchés, il prit soin de préciser qu’ils ne devaient pas être établis les mêmes jours que ceux de ses autres bourgades de Chizé, Villeneuve-la-Comtesse et Beauvoir. Là encore, il s’agissait d’éviter le chevauchement des aires d’influence de ces bourgades et leur mise en concurrence, signe que les trois localités recrutaient, pour une part au moins, auprès du même bassin de consommation406. La Foye-Monjault se situe à cinq kilomètres de Beauvoir, onze de Villeneuve-la-Comtesse, et dix-sept de Chizé. Les aires d’influence des trois marchés saintongeais étaient ainsi imbriquées, imposant des tenues échelonnées pour éviter des phénomènes de concurrence néfastes qui, donc, pouvaient exercer leurs effets jusqu’à au moins onze kilomètres, voire jusqu’à l’aire polarisée par Chizé, centre poitevin important, doté d’une halle et de revenus importants407. En 1410, l’enquête demandée par le seigneur de Taillebourg à ses agents dans le but de rétablir ses foires et marchés interrompus au cours de la seconde moitié du XIVe siècle nous apporte d’autres intéressants éléments408. Il y est ordonné de s’informer sur les « droits de foires et marchés à Saint-Jean-d’Angély, Saintes et ailleurs ». Ce document exprime d’abord la hiérarchie des places commerciales perçue par les contemporains, les deux communes voisines paraissant se distinguer par leur fréquentation du lot commun, surtout en ces temps de guerre au cours desquels l’activité économique se replie dans la sécurité des principales villes. Mais, surtout, il montre le souci du sire de Taillebourg de préserver ses futures réunions commerciales d’une concurrence fâcheuse, signe que les aires d’influence des assemblées des deux communes s’étendaient aux alentours de Taillebourg, là où les foires seigneuriales comptaient recruter leur propre clientèle. Or Saint-Jean est à quinze kilomètres, et Saintes à dix kilomètres de cette ville. L’influence de ces deux places commerciales apparaît d’ailleurs régulièrement dans les comptes de l’hôtel de Taillebourg : entre le 15 et le 22 juillet 1470 il est fait mention de « XXII seuilles du pessonnier de Xanctes » probablement acquises à Taillebourg même d’un marchand saintais (18 juillet), tandis que l’on part à Saint-Jean acheter « deux douzaines de torches » le 16 juillet409. Déjà, en 1450, c’est lors du marché du samedi de cette dernière ville que l’on avait acheté le drap nécessaire à la réalisation d’une robe et d’un chaperon, effectués par un couturier de la ville410. Taillebourg paraît donc intégrée dans la zone d’influence de Saintes et Saint-Jean-d’Angély. L’ensemble de ces éléments nous permet déjà d’avoir une idée de l’aire d’influence moyenne des places commerciales d’Aunis-Saintonge aux XIIIe-XVIe siècles. Dans la plupart des cas, elle semble inférieure à un rayonnement de dix kilomètres (314,2 km2), puisqu’au-delà, les conflits suscités par l’établissement de nouvelles assemblées commerciales se font beaucoup plus rares. Dans quelques cas, cette aire est plus importante, ce qui s’explique par le dynamisme commercial de la place ou la facilité des communications. Celle de Saint-Jean-d’Angély atteint les portes de Tonnay-Charente, à 20-30 kilomètres à l’ouest sur le fleuve, et englobe Taillebourg, à une quinzaine de kilomètres, pour les biens les moins courants. Cette ville étend de même son influence assez loin vers le nord, à travers les espaces forestiers peu densément occupés, jusqu’aux portes de l’Aunis. Ces données ne représentent pourtant que des ordres de valeur, même s’ils sont en partie vérifiés par leur récurrence et leur adaptation aux différents niveaux d’attraction commerciale (Saintes ou Saint-Jean-d’Angély sont bien plus polarisateurs que Thors). Pour affiner l’appréhension des aires d’influence, une autre source indirecte peut être mise à contribution : celle des proclamations de foires, qui se font forcément dans des villes susceptibles de fournir des contingents de marchands ou de clients aux nouvelles assemblées dont l’on veut assurer la publicité, et qui reflètent ainsi l’importance présumée de l’aire de recrutement de ces dernières.

La délimitation des aires d’après les proclamations de foires

  • 411 A.D. 17, 1 J 161-20 (original de la proclamation à La Jarrie et Saint-Xandre), et 1 J 161- (...)

47La plupart du temps ces proclamations sont faites au cours d’autres assemblées commerciales, pour diffuser au mieux l’information auprès d’une population importante, notamment marchande, directement intéressée, qui fréquente régulièrement les foires et marchés, et qui par sa mobilité peut diffuser celle-ci rapidement. En 1518 par exemple, les foires d’Andilly sont proclamées à trois endroits différents, quelques jours avant l’ouverture des premières foires le 28 juillet. Le 18 juin, c’est d’abord aux quatre carrefours de la Rochelle que la nouvelle est criée. Une nouvelle proclamation est faite à La Jarrie le 22 juillet, « jour de foire et assemblée tenüe audit lieu », suivie d’une autre le lendemain à Saint-Xandre, jour de marché411. Il est intéressant de noter qu’aucune proclamation n’est criée au marché de Marans, quoique la bourgade soit une grande place commerciale, beaucoup plus proche d’Andilly que La Jarrie ou Saint-Xandre, de même qu’aucune publicité ne s’est faite de la création à Dompierre ou Esnandes, autres bourgs assez proches où des foires et marchés contemporains sont attestés. Soit les documents attestant ces proclamations avaient disparu lors de l’inventaire que nous citons, soit plutôt aucune proclamation n’y fut faite, ces places étant assez proches pour que l’on puisse se passer de publicité, ou la criée de La Rochelle et des foires et marchés de La Jarrie et Saint-Xandre ayant déjà mis au courant les marchands habitués à fréquenter les foires aunisiennes, qui eux-mêmes se chargeraient de diffuser l’information. Cette dernière remarque démontre un fait important : la proclamation s’adresse en général d’abord aux marchands, qu’il s’agit d’attirer vers la foire, la clientèle de paysans paraissant plus superflue, peut-être en raison de la certitude de sa venue. Pas de foire sans marchands en effet. L’on cherchait, par la proclamation des foires et marchés d’Andilly, à attirer des marchands d’Aunis, de huit kilomètres (Saint-Xandre) à une quinzaine de kilomètres (La Rochelle et La Jarrie). Il faut certes ici relativiser nos propos en identifiant une des limites de cette source. Les marchands qui assistaient au marché de Saint-Xandre, auxquels était destinée la proclamation, ne venaient évidemment pas tous de ce bourg, et l’avis crié dans celui-ci n’indique pas automatiquement que l’aire d’influence présumée d’Andilly pouvait aller jusqu’à Saint-Xandre, même si évidemment des marchands locaux, voire des paysans voisins, ont pu être attirés.

  • 412 « Jonzac et Ozillac », op. cit., p. 339 à 344.
  • 413 A.H.S.A. t. XL, p. 438.
  • 414 A.N., JJ 184 n° 220, f° 147.

48La proclamation des foires de Fontaines de 1599, octroyées par lettres patentes en 1483, mais jamais appliquées jusque là, nous livre d’autres renseignements. Certes tardif, ce document n’en est pas moins intéressant, les pratiques ayant alors peu changé depuis la fin du Moyen Âge. « Les publications faictes pour l’establissement desdictes foires » le sont « tant ès villes de Xainctes, Pons, Barbezieulx et aultres lieux ». Il mentionne également la présence de « deux cens marchans et plus, tant des lieux de Jonzac, Barbezieulx, Archiac, Pons que aultres lieux et mesmement du lieu de Saint-Maigrin », qui ont assisté à l’inauguration de la foire412. L’on constate ainsi que plusieurs marchands des villes où furent proclamées les foires sont venus sauf, et c’est intéressant, de Saintes, la plus lointaine de ces villes. Peut-être est-elle comprise dans les « aultres lieux » que ne détaille pas le document, ayant envoyé un contingent de marchands trop faible. Mais même dans ce cas, il est patent que l’influence commerciale de Saintes est devenue très faible, voire inexistante, auprès de Fontaines, à plus de 44 km, distance apparemment prohibitive pour l’activité d’un petit marchand fréquentant les foires et marchés des environs. Par contre, les marchands venus à l’ouverture des foires de Fontaines (ce qui est certes une occasion exceptionnelle, qui contribue à relativiser nos résultats) arrivent de Pons (25 km), Barbezieux (20 km), Archiac (16 km), Jonzac (8 km) et Saint-Maigrin (9,5 km). On le voit, les marchands n’hésitent pas à parcourir plus de 20 km pour se rendre à l’ouverture de foires et marchés : rappelons ici nos deux marchandes de Saint-Jean qui, en 1384, parcouraient près d’une trentaine de kilomètres pour se rendre à Tonnay-Charente où elles comptaient vendre des denrées à l’ost royal assiégeant la place. En 1584, les foires d’Authon avaient été proclamées un samedi, « jour et heure de marché tenant en ladicte ville Sainct-Jehan-d’Angély, et la plus grande affluance du peuple estant on dict marché, et sur les dix heures du matin »413. Là encore, la proclamation a lieu dans une importante place commerciale, assez proche des nouvelles assemblées (16-17 km) où de nombreux marchands sont susceptibles de se rendre. La situation était déjà celle-ci quand André de Villequier avait obtenu en 1451 des foires et marchés dans sa terre de Marennes, proclamés à Montierneuf (paroisse de Saint-Agnant), Saint-Jean-d’Angély et Saintes414. Une fois de plus, les grandes places où se rencontraient des marchands, malgré leur éloignement (Saintes, 37 km, et Saint-Jean-d’Angély, 46 km), étaient privilégiées sur les petits bourgs voisins (même le bourg de Montierneuf est à 14 km de Marennes). La vocation fondamentale de la proclamation de la foire était donc bien d’avertir les marchands de la province, et notamment, dans le cas de Marennes, ceux qui animaient le commerce du sel (Saint-Jean est un centre de transit du sel déjà souligné, et Montierneuf est situé près des salines du golfe de Brouage). L’on voit donc la nécessité d’appréhender avec précaution cette méthode de détermination du rayonnement des foires et marchés. Elle livre souvent moins l’aire d’influence dans laquelle un bourg espère recruter les personnes qui animeront ses assemblées que le réseau des grandes places commerciales déjà en place, dotées d’une importante fréquentation de marchands, que l’on espère attirer vers les nouvelles réunions. Ces proclamations traduisent néanmoins le rayonnement, supposé et réel, des principaux centres commerciaux. L’on a ainsi vu que, malgré l’importance de la communauté marchande saintaise, la distance de plus de quarante kilomètres la séparant de Fontaines est prohibitive pour la plupart des marchands de la ville habitués à fréquenter les assemblées des environs. C’est donc que l’aire de chalandise de Saintes, où ses marchands s’approvisionnent en produits destinés à la revente dans cette ville et ailleurs, cesse avant ces quarante kilomètres vers le sud, où elle est relayée par celle d’autres centres, notamment Pons et Barbezieux. Notre source reflète ainsi, par le biais des marchands des grandes places, les limites du rayonnement de ces dernières : jusqu’à 25-30 kilomètres, ceux-ci n’hésitent pas à faire la route, et l’on trouve plusieurs marchands de Pons et Barbezieux aux côtés de ceux d’Archiac et Jonzac lors de la création des foires de Fontaines. Au-delà, les marchands sont moins présents dans les assemblées commerciales, à moins d’être des négociants plus importants, se livrant au commerce à l’échelle provinciale. La cartographie des provenances des divers animateurs commerciaux des assemblées locales, hélas rarement possible, confirme ces remarques.

Les mentions de provenance des acheteurs et vendeurs du marché

  • 415 A.N., JJ 209 n° 119, f° 68.
  • 416 A.N., JJ 226 A, n° 198.
  • 417 A.D. 86, 3 H1-272.
  • 418 A.N., JJ 211 n° 595, f° 133.
  • 419 A.H.P. t. XXV, p. 320 : « Dicit Galterius Raynerii, parrochianus de Boet, quod Guillebertu (...)
  • 420 « Recueil des documents concernant le Poitou… t. V (1376-1390) », éd. P. Guérin, A.H.P. t. (...)
  • 421 B.M.P., Dom Fonteneau t. XVII, p. 645-647.

49Il s’agit du moyen le plus direct et le plus fiable pour cerner les aires d’influence des places de foires et marchés et leur niveau de polarisation. Ces mentions sont cependant la plupart du temps isolées, sans que l’on puisse établir, hors cas exceptionnels, de données sérielles en la matière, dont les résultats seraient bien plus signifiants. Un habitant d’une bourgade rurale fréquentant une foire peut en effet ne constituer qu’une exception, sans vérification possible faute de données plus complètes, à moins de faire appel à des sources complémentaires. C’est le cas de notre homme d’Angoulins qui se rend en 1481 aux foires de Surgères415, malgré l’importante distance de 27 kilomètres entre les deux lieux : ce n’est cependant pas étonnant outre mesure, lorsque l’on sait que la place de Surgères était très active, et étendait son influence suffisamment loin vers l’ouest pour être gênée par la tenue du marché de Bourgneuf le samedi. La foire de la Madeleine à La Jarrie drainait également des populations de fort loin. Ce sont en effet trois laboureurs de Fouras qui font les 17 kilomètres entre les deux places en 1493 « pour achecter aucunes choses neccessaires à leur mesnage »416. De la même manière, un marchand drapier de Marans accensait en 1480 un banc sous la halle de Bourgneuf, à dix-huit kilomètres de son domicile417, tandis qu’un boucher de Nantilly achetait ses bestiaux en 1484 sur le marché de cette commanderie, à dix kilomètres et demi418. Si, donc, certaines places peuvent polariser une aire d’influence sur des étendues assez lointaines, notamment dans l’Aunis rochelais très intégré aux logiques d’échanges, les voyages les plus courants de paysans ou de badauds vers des assemblées commerciales n’excèdent que rarement les sept ou huit kilomètres. Tels ce paroissien de Bouhet qui parcourt en 1247 les cinq kilomètres le séparant des foires de Benon419, ou ce chevalier de Magné qui part pour les foires de Saint-Liguaire, à trois kilomètres, en 1378420. À Aulnay de même, lorsqu’en 1512 il est décidé de transférer le marché du samedi au jeudi421, l’on consulte cinq personnes le fréquentant assez régulièrement pour servir de témoins. Sur ceux-ci, deux résident à Aulnay même, un marchand de 66 ans et le sergent royal de la ville. Les trois autres sont des paysans des environs : Pierre Dangau réside à Dampierre-sur-Boutonne (environ huit kilomètres d’Aulnay), Héliot Rousseau à Cherbonnières (six-sept kilomètres), Pierre Limousin à Saint-Georges-de-Longuepierre (environ quatre kilomètres). Cette aire d’influence moyenne du quotidien des échanges est confirmée à la lecture des registres de l’échevinage de Saint-Jean-d’Angély.

  • 422 « Registres de l’échevinage de Saint-Jean-d’Angély t. I », éd. Denys-D’Aussy, A.H.S.A. t. (...)
  • 423 Ibid., p. 174, 182, 200, 202, 232.
  • 424 Ibid., t. II, éd. Denys-d’Aussy, A.H.S.A. t. XXVI, p. 27-31, 154, 222-223, 225, 234, 301.
  • 425 Ibid., t. III, éd. Denys-d’Aussy, A.H.S.A. t. XXXII, p. 123.
  • 426 Ibid., t. III, p. 217, 223, 253.
  • 427 B.M.S.J., FF 28, f° 13 v°.
  • 428 Saudau, Saint-Jean-d’Angély d’après les archives de l’échevinage, p. 156.
  • 429 « Registres de l’échevinage de Saint-Jean-d’Angély t. I », op. cit., p. 53, 57, 62, 66, 67 (...)
  • 430 Ibid., p. 185 et 444.
  • 431 « Registres de l’échevinage de Saint-Jean-d’Angély t. II », op. cit., p. 118, 137, 374.
  • 432 Ibid., t. III, p. 432.
  • 433 Ibid., p. 106, 113-114, 141-142, 292.
  • 434 Rappelons qu’en 1373 Saint-Jean s’est associée à Frontenay dans l’opposition à la création (...)
  • 435 En cela, la densification du réseau commercial est évidente depuis la fin du XIe siècle, q (...)
  • 436 A.H.S.A. t. I, p. 77-81 (compte de 1470) et B.M.L.R., ms. 2468 f° 5 r° (fragment de compte (...)
  • 437 B.M.S., ms. 532-2, f° 23.
  • 438 A.D. 17, 1 J 356-21, « 7 cote 2 » dans l’inventaire de 1757, f° 8 à 10 (récolte de 1437) e (...)

50Ces derniers mentionnent en effet régulièrement la provenance de diverses personnes venues du plat-pays pour quelque transaction commerciale ou pour diverses affaires. Ils nous permettent d’établir une cartographie précise de l’aire d’influence de la ville. Parmi les marchands venus de places relativement éloignées, au-delà de quinze kilomètres, commercer à Saint-Jean-d’Angély, l’on notera la présence en 1332-1333 d’un vendeur de porcs de Saleignes (Pierre Pingou, les 21 juin et 23 février), et un autre de La Rochefoucauld, ainsi qu’un vendeur de lapins d’Oléron. La même année, un homme de Saint-Savinien se fournit en tonneaux à Saint-Jean, et un marchand normand (de Saint-Laurent-de-Cuves, diocèse d’Avranches) a vendu des « coytions » à un homme de la ville, qui doivent être payés après la foire de la saint-Luc422. En 1374, un homme de Tonnay-Charente vend également trois tonneaux de vin. La même année et en 1379, un poissonnier saintais est condamné à l’amende, ainsi qu’un collègue rochelais en 1376. Un homme de Cognac réclame aussi son dû pour la vente de souliers cette année423. L’attraction du débouché angérien est importante pour tout le pays viticole, même éloigné : en 1397, un marchand tente de faire entrer en ville quatre pipes de vin de Saint-Georges-du-Bois sans l’accord du maire, au mépris des privilèges de la commune, celui-ci ne provenant pas de la banlieue. La moitié en est alors saisie et répandue. En 1405 un poissonnier de Melle, faisant passer sa marchandise par la ville, est pour sa part contraint de l’exposer à la vente. Le calme relatif qu’assurent les trêves et le report des combats en deçà de la Charente permet pourtant à cette époque un net essor de la circulation des marchandises : pour la seule année 1406, un habitant de Villeneuve-la-Comtesse transportant du vin est mis à l’amende, de même qu’un marchand de Saint-Pompain en Poitou et qu’un poissonnier de Saintes, tandis qu’un marchand de cette dernière ville achète des peaux de boeufs auprès des bouchers de Saint-Jean. De la même manière, plusieurs hommes de Frontenay viennent en 1410 acheter des viandes à Saint-Jean, dont ils se plaignent ensuite de la qualité au maire424, et un marchand poitevin est mis à l’amende en 1414425. En 1417, plusieurs marchands angériens sont détroussés sur le « grant chemin de La Rochelle », et deux d’entre eux partent vendre diverses marchandises à Barbezieux. L’année suivante, un autre est volé « on chemin de Tailhebourg »426. C’est un Pontois qui est condamné en 1427427, avant qu’en 1508 des marchands de Tonnay-Boutonne apportent des anguilles au marché de Saint-Jean-d’Angély, qui indisposent les estomacs fragiles de certains habitants428. Mais cette fréquentation la plus notable ne doit cependant pas masquer la multitude de marchands occasionnels, venant des bourgs voisins pour écouler diverses marchandises, comme le vin. L’on retrouve ainsi en 1332-1333 trois petits vendeurs de ce produit d’Asnières (sans doute des paysans venus écouler leurs surplus en ville, puisqu’à chaque fois la vente ne concerne qu’un simple tonneau), un de Fontenet (encore une fois pour une faible quantité), un de La Folatière (commune d’Antezant), un de Mazeray (deux tonneaux), un de Bourgneuf (commune de Saint-Denis-du-Pin). Un vendeur de porcs de Saint-Même intervient aussi à Saint-Jean à cette date. La provenance de plusieurs de ces marchands occasionnels n’a pas pu être identifiée, mais ils semblent arriver généralement des environs de Saint-Jean. C’est le cas d’un petit vendeur de vin de « Saint-Méart », mais aussi d’un vendeur de chevaux de Champignac et d’un maréchal du « Peyré » venu acheter du pain et du vin en ville429. En 1374 un vendeur de boeuf provient de La Chapelle-Bâton, et en 1395 deux bouchers de la ville achètent à un homme du Breuil-de-Vaise deux vaches430. Asnières paraît constituer un actif bourg de la banlieue. On le trouve à nouveau mentionné en 1399, quand une femme de ce village apporte à vendre à Saint-Jean des branches de coudrier pour faire des fûtailles ; en 1405 quand est cité dans la ville un texier d’Asnières ; en 1412 quand un homme de ce village vend un porc431 ; ou en 1426 lorsque le négociant angérien Jean Dorin y achète du blé à destination de sa ville432. Un homme de Saint-Julien achète en 1414 quinze fûts de pipes à un marchand angérien, et la même année sont signalés un homme de Nantillé venu vendre de la chaux en ville, ainsi qu’un habitant de La Laigne amenant une « chartée de perche » en ville. Bignay est également représentée, quand en 1415 un de ses habitants est impliqué dans un procès relatif à des bœufs. En 1419, c’est cette fois un marchand de Mazeray qui est condamné pour avoir contrevenu au réglement des foires de la Décollation433. L’aire d’influence commerciale de Saint-Jean-d’Angély paraît donc s’étendre prioritairement, au moins en volume, aux paroisses proches intégrées à sa banlieue, qui d’ailleurs ont seules le privilège de pouvoir vendre leurs vins dans la ville qui est ainsi leur débouché naturel. Dans un rayon de cinq à dix kilomètres autour d’elle, la ville draine la quasi-totalité des surplus des productions rurales en vin, bétail ou autres, vendus par les paysans pour dégager du numéraire. C’est dans cette aire que les marchands ou bouchers de Saint-Jean s’approvisionnent également préférentiellement. Cette dernière est composée de plusieurs bourgs régulièrement cités : Saint-Julien, à deux kilomètres à l’ouest, Moulin-de-la-Laigne (quatre kilomètres au sud), Asnières (cinq kilomètres au sud), Saint-Denis-du-Pin (cinq kilomètres au nord), Fontenet (sept kilomètres vers le sud-est), Mazeray (six kilomètres vers le sud-ouest), Bignay (sept kilomètres vers le sud-ouest), Antezant (huit kilomètres au nord-est), Nantillé (huit kilomètres vers le sud) ou Sainte-Même (neuf kilomètres vers le sud-est) et La-Chapelle-Bâton (neuf kilomètres au nord-est). Le rayonnement commercial de la ville ne cesse cependant pas au-delà de cette aire privilégiée. Sa polarisation se fait alors plus diffuse et plus sélective socialement. Au-delà des dix kilomètres en effet, la ville n’attire le plus souvent que des marchands « professionnels » et spécialisés, comme les poissonniers de La Rochelle (près d’une cinquantaine de kilomètres), mais surtout de Saintes (vingt-cinq kilomètres), ou quelques gros paysans qui ont des stocks plus importants à liquider (comme le propriétaire du vin de Saint-Georges-du-Bois, et peut-être le vendeur de porcs de Saleignes de 1332, à vingt-sept kilomètres de Saint-Jean-d’Angély), ou des achats spéciaux à réaliser (les tonneaux de l’habitant de Saint-Savinien). La place, par sa réputation et son dynamisme commercial, parvient à attirer des marchands d’assez loin : île d’Oléron, Cognac (une trentaine de kilomètres), Pons (près de quarante-cinq kilomètres), voire Angoumois (La Rochefoucauld), Poitou et même Languedoc et Normandie, lors des foires de la saint Luc avant l’entrée dans la crise de la fin du Moyen Âge. Les liens paraissent également étroits avec Frontenay (trente-cinq kilomètres)434 et Tonnay-Charente (vingt-huit kilomètres), ce qui explique pour cette dernière l’hostilité des bourgeois de Saint-Jean devant le rétablissement du marché de cette bourgade un samedi, jour de leur propre marché. Pour le paysan moyen, une fois passé le seuil de la dizaine de kilomètres de distance de Saint-Jean, a fortiori si sa paroisse n’est pas intégrée à la banlieue de la commune mais dépend d’une seigneurie voisine, le marché du centre châtelain le plus proche fait l’affaire. L’attitude du paysan moyen d’Aulnay comme de Saint-Jean-d’Angély témoigne de la même attraction directe qu’exercent les foires et marchés du bourg jusqu’à huit-dix kilomètres, rarement au-delà435. Ce phénomène était également observé dans les comptes de l’approvisionnement de l’Hôtel de Taillebourg de la seconde moitié du XVe siècle : pour les achats communs, l’on s’adresse à des marchés locaux (dans ce cas Saint-Savinien, à cinq kilomètres environ, ou Taillebourg même) ; mais l’on recourt aux places plus importantes pour les achats spécifiques (la chandelle ou le drap à Saint-Jean-d’Angély, à quatorze kilomètres et demi)436. Les marchands professionnels, eux, n’hésitent pas à parcourir des distances plus importantes : dans une enquête de mai 1446, « Estienne Foreau marchand demeurant à Pons d’âge de soixante et quatorze ans ou environ » affirmait s’être ainsi rendu « par plusieurs fois de laditte ville de Pons auxdits lieux de Royan, Mornac et Arvert pour plusieurs ses affaires et négoces », parcourant un trajet de quarante à cinquante kilomètres437. Le registre de compte de la seigneurie de Thors de 1438-1439, qui détaille les ventes des blés du cellier seigneurial à des marchands et des particuliers dont, la plupart du temps, est indiquée la provenance, confirme ces faits438.

51Les tableaux suivants détaillent la commercialisation des récoltes de 1437 et 1438. Celles-ci furent sans doute d’importance équivalente, puisque le prix de référence du blé reste le même d’une année à l’autre, autour de quinze sous le boisseau. Les surplus commercialisables furent cependant supérieurs de 200 boisseaux en 1438 par rapport à 1437, essentiellement grâce à la montée des ventes d’avoine : sans doute l’écurie seigneuriale comptait-elle moins de chevaux, ou des stocks suffisants, permettant de vendre une plus grande partie des nouvelles gerbes.

  • 439 Celui-ci est apparemment spécialisé dans le négoce des blés, puisqu’on le retrouve en 1426 (...)
  • 440 A.D. 17, 1 J 56-21, « 11 cote 2 » de l’inventaire de 1757, f° 106.

52D’une année sur l’autre, l’on constate une grande irrégularité dans la fréquentation de la place de Thors pour les achats des blés seigneuriaux : quantité de céréales acquise, provenance et identité des marchands varient beaucoup, même si quelques constantes sont identifiables, comme l’importance des débouchés vers Saintes, Cognac et Saint-Jean-d’Angély, par l’intermédiaire de grands négociants (tels Jean Dorin439, Jean Garnier, Philippon Goison, Guillaume Canyot pour Saint-Jean, ou Jean de Vaulx pour Saintes). Si la récolte de 1437 est majoritairement acquise par ces derniers, celle de 1438, peut-être en raison de l’existence de surplus commercialisables supérieurs, est distribuée de manière plus large, de petits marchands locaux (ceux de Burie, Motin Chaillou de Prignac) ou de simples particuliers (Radau de Cousignac, la femme de Jean Martin, les hommes de la châtellenie de Thors en 1437…), se faisant une place aux côtés des négociants des grandes places commerciales voisines. Quoi qu’il en soit, ce document permet une fois de plus de constater la dualité de l’aire d’influence d’une place commerciale. L’on retrouve d’abord, dans la partie la plus lointaine et diffuse de celle-ci, la présence de marchands des grandes places commerciales de la région, venus de Saintes (une trentaine de kilomètres), Saint-Jean-d’Angély (une vingtaine), Cognac (une douzaine), voire Saint-Bris-des-Bois (seize kilomètres), mais point d’au-delà, Thors n’ayant évidemment pas le même rayonnement que Saint-Jean-d’Angély (fréquentée par des marchands venus de plus de cinquante kilomètres, ainsi que l’on vient de le voir). Mais l’essentiel de l’animation du quotidien des assemblées de Thors paraît relever d’un bassin de consommation purement local, ce que reflète la provenance de la majorité des acheteurs de la récolte de 1438. La plupart de ces derniers semblent des marchands ou des particuliers des bourgs voisins (Cherves, à onze kilomètres ; Burie, à dix kilomètres ; Louzignac, à six kilomètres ; Prignac, à quatre kilomètres). Les paysans, d’habitude omniprésents dans ce milieu rural qu’est le Pays Bas de Matha, paraissent certes peu nombreux, ce qui est lié à la nature de notre source : il s’agit de ventes des céréales du cellier seigneurial, apparemment en dehors du circuit des assemblées commerciales. La plupart de nos paysans, en ce qui paraît au vu des volumes vendus une bonne année, ont certainement des stocks les dispensant de recourir à l’achat de céréales. Par ailleurs, la vocation de ces ventes seigneuriales est l’écoulement de quantités assez importantes de blés, tandis que les paysans préféraient l’achat de céréales en petites quantités, par le recours aux assemblées commerciales. Le rayonnement purement local de la place marchande de Thors n’exclut pas l’intervention de négociants des grands centres commerciaux les plus proches, qui contribuent à intégrer le territoire qu’ils sillonnent dans l’aire d’influence de ceux-ci où, souvent, ils ramènent pour la revente les produits achetés aux foires rurales. Les « marchands de proximité » qui les accompagnent à Thors, tels ceux de Burie, se caractérisent par un rayon d’action inférieur à celui des grands négociants angériens ou saintais. La plupart du temps d’ailleurs, leur enracinement dans un système commercial local se traduit par la prise à cens de bancs, qui leur impose une fréquentation régulière des assemblées qui les accueillent, tandis que celle des grands négociants, du fait du vaste domaine qu’ils parcourent, est nettement irrégulière, ainsi que le montre notre compte : l’Angérien Jean Dorin, signalé trois fois lors de la vente de la récolte de 1437, n’est pas présent pour celle de 1438. À Matha en 1533, plusieurs des 22 bancs accensés du marché étaient tenus par Jean Rocher de Migron (neuf kilomètres), ainsi que Jean Avrary, Pierre Rocquet, Pierre Merchin et Micheau Cabault de Beauvais-sur-Matha (onze kilomètres)440. Le marché de Matha draine donc une aire d’influence qui répond une fois de plus au modèle déjà mis en évidence à Aulnay ou Saint-Jean-d’Angély ; les marchands qui le fréquentent le plus régulièrement proviennent de places situées à une dizaine de kilomètres, et représentent l’échelon « supérieur » de la partie la plus dense de l’aire, en tant que « marchands de proximité », dont le rayon d’action reste inférieur à celui du négociant, mais bien supérieur à celui de l’essentiel des populations fréquentant les assemblées hebdomadaires, qui ne se déplace en général que rarement au-delà de sept-huit kilomètres, même pour les principaux centres.

  • 441 Ph. Wolff (Commerces et marchands de Toulouse, p. 450) et B. Guenée (« Espace et temps dan (...)
  • 442 G. Chérubini, « Foires et marchés dans les campagnes italiennes au Moyen Âge », Foires et (...)
  • 443 « L’aire d’influence et l’espace de relations économiques de Bordeaux vers 1475 », La vill (...)
  • 444 D. Margairaz, « La formation du réseau des foires et des marchés : stratégies, pratiques e (...)

53Le croisement des diverses méthodes de détermination des aires d’influence des foires et marchés d’Aunis-Saintonge, bien que pouvant donner parfois des résultats à nuancer, converge cependant vers une organisation duale de celles-ci. L’attraction d’une place commerciale s’exerce en effet à la fois sur un plat-pays rural, dont elle constitue le débouché naturel des productions ainsi que le lieu d’achat des biens nécessaires à la vie quotidienne qui ne peuvent être produits sur l’exploitation ; et sur des marchands venus de plus ou moins loin pour étaler leurs marchandises sur les bancs de celle-ci. Selon donc que l’on s’intéresse à l’attraction exercée sur les marchands « professionnels » ou sur ces marchands occasionnels que constitue le commun des paysans, l’influence de la ville sera variable. L’aire la plus homogène et continue parait former un cercle d’un rayon de sept-huit kilomètres, souvent moins, autour de la place commerciale, même pour des places aussi importantes que Saint-Jean-d’Angély. C’est dans cette aire, qui coïncide souvent avec la banlieue des communes, que l’essentiel des productions rurales destinées à la vente passeront par le marché de la ville. Au-delà de cette aire continue, la ville exerce une influence beaucoup plus diffuse sur les marchands des principales bourgades commerçantes de la région. Il est plus difficile de la représenter car elle n’est pas continue et ne fait que relier, de manière souvent très irrégulière d’année en année, l’assemblée à un pôle marchand déterminé, plus ou moins important, sans que la zone rurale située entre les deux bourgades soit pour autant forcément polarisée. Ces marchands professionnels n’hésitent pas à parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour se rendre du lieu de leur résidence habituelle à la foire ou au marché qu’ils souhaitent fréquenter. Ce n’est en effet qu’à partir d’une trentaine de kilomètres que l’attraction du marché sur les marchands professionnels des principales places (Saint-Jean, Saintes, Cognac, Pons ou Barbezieux pour la Saintonge) se réduit en raison de la distance qui rend impossible l’aller-retour dans la journée. Au-delà de quarante kilomètres de leurs bases, et sauf cas de colporteurs itinérants, les marchands paraissent en effet se déplacer plus rarement vers une foire441. Sans doute, d’ailleurs, la plupart des petits marchands des centres secondaires de la hiérarchie commerciale se bornent-il à un « commerce de proximité », se limitant à une dizaine de kilomètres de leurs bases, et contribuant à étoffer l’aire d’influence directe de la place commerciale vers laquelle ils se rendent. Quoi qu’il en soit, l’aire moyenne que les documents nous permettent de déterminer est très en deçà de celle que les chartes royales de créations de foires et marchés supposent. Celles-ci se terminaient en effet régulièrement par une clause prévoyant la nullité de la création si une assemblée se tenait le même jour qu’une de celles qui étaient créées dans un rayon, le plus souvent, de quatre lieues à la ronde, soit environ 16 kilomètres. Celle-ci, toute théorique, n’a rien à voir avec la réalité des aires saintongeaises, inférieures aux dix kilomètres de rayon, permettant un maillage dense d’assemblées commerciales desservant les populations locales. Cette dimension de l’aire d’influence est d’ailleurs une constante. En Angleterre, l’on calculait ainsi dès le Moyen Âge que six miles et deux tiers (soit environ onze kilomètres) constituaient la limite spatiale à l’intérieur de laquelle un nouveau marché pouvait nuire à ceux préexistant, tandis qu’en Italie, la législation florentine interdisait la tenue de deux marchés le même jour jusqu’à six miles de distance442. L’aire d’influence bordelaise vers 1475, analysée par Michel Bochaca, n’est pas sans rappeler le modèle spatial que nous avons mis en évidence443 . Ce dernier note en effet la présence de trois espaces périurbains : dans un rayon de moins de dix kilomètres, d’abord, les campagnes proches « constituent des espaces fortement assujettis à Bordeaux », où sont réalisés les trois quarts des transactions immobilières des bourgeois, la grande majorité du commerce des bovins commandés par les citadins (les deux-tiers étant effectués avec les habitants des paroisses distantes de moins de cinq kilomètres), 40 % des ventes de vin et de froment, et 53 % de celles de draps bordelais. Puis, au-delà de dix kilomètres, les relations se font moins serrées, tandis qu’à partir de quinze kilomètres, « distance critique » représentant environ trois à quatre heures de trajet aller, l’influence s’affaiblit beaucoup. Cette tripartition des aires d’influence commerciale médiévales paraît véritablement structurelle, puisqu’elle correspond, dans son échelle des distances même, à celle que l’on vient de détailler pour la Saintonge en distinguant le bassin de consommation rural étroitement subordonné au marché urbain, tissant une aire dense, relayée par celle des « marchands de proximité », à partir d’une dizaine de kilomètres, et enfin, au-delà de 15 km, par celle des grands négociants, qui est aussi la moins structurée. De manière quelque peu surprenante, les sources confirment de même le principe statistique qui mettait en évidence, rappelons-le, un rayonnement commercial moyen de six kilomètres. Le modèle théorique rejoint également ici la réalité : l’on sait en effet que Christaller, dans sa célèbre théorie, affirmait que deux bourgs-marchés n’étaient éloignés que de quatorze kilomètres, matérialisant deux aires de sept kilomètres de rayon444. Cette dernière aire semble donc bien constituer le bassin fondamental d’approvisionnement du marché moyen en produits essentiellement ruraux. C’est d’ailleurs ce caractère qui explique en partie l’organisation structurelle du calendrier de tenue des assemblées commerciales.

V. Les foires et marchés dans le temps : des déterminants socio-économiques

Le calendrier des foires et marchés d’Aunis-Saintonge

  • 445 B.M.L.R., ms. 300, f° 111-112.
  • 446 B.M.P., Dom Fonteneau, t. XVII, p. 645-647 (1512). Le marché se tenait le jeudi jusqu’à la (...)
  • 447 « Jonzac et Ozillac », op. cit., p. 266, où l’on parle du mois d’août, « où il y a foire e (...)
  • 448 Les lettres royales octroient trois foires, « c’est assavoir la premiere le XXVIIIe jour d (...)
  • 449 A.D. 17, 1 J 369-15 (protestation de la dame de Matha contre la création de foires et marc (...)
  • 450 Le détail du calendrier des foires d’Aunis-Saintonge au Moyen Âge est donné en annexe.
  • 451 « Belles foires et marchés du Berry, XIVe-XVIe siècle », Foires et marchés dans les campag (...)

54La reconstitution du calendrier des foires et marchés d’Aunis-Saintonge est une tâche relativement difficile. L’aspect lacunaire de notre documentation aux XIe-XIIIe siècles interdit en effet d’obtenir un ensemble de dates de tenues assez structuré avant les XIVe-XVIe siècles. D’autant que même à la fin du Moyen Âge, l’on ne dispose d’indications que pour une minorité de sites, comme les créations royales dont l’on a conservé, à partir du XIVe siècle, les chartes d’institution. Paradoxalement, les sites à l’activité attestée la plus anciennement ne sont pas toujours les mieux connus, car la fondation de leurs assemblées, qui remonte parfois aux origines mêmes de la bourgade, n’a pas laissé de documents. L’application de la charte royale de création d’assemblées réserve de plus parfois des surprises : les seigneurs ont en effet pu déplacer de leur autorité les dates de tenue d’assemblées prévues par les lettres patentes. Ainsi à Dompierre, où le marché, établi le jeudi en 1496 par le roi, est déplacé au lundi en 1518, sans en référer à l’administration445, à Aulnay où le marché entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle varie entre le samedi et le jeudi446. C’est également le cas à Jonzac, où en 1513 des foires sont mentionnées en août sans qu’elles apparaissent dans la charte de rétablissement de 1473447, ainsi qu’à Écoyeux, où les dates de tenue octroyées par le roi en janvier 1500 ont déjà été modifiées par le seigneur en mars448. Ces changements dans les dates de tenues, ignorés de l’administration royale, doivent conduire à appréhender avec prudence le calendrier des foires issu des seules chartes de concession royales. Pour obtenir un résultat assez probant, il faudrait confronter les tenues de foires et marchés de l’époque moderne (notamment de la seconde moitié du XVIe siècle, à travers les papiers seigneuriaux, les documents royaux et les recueils de voyageurs et autres ancêtres des almanachs des XVIIIe-XIXe siècles) avec l’ensemble des créations d’assemblées dans un même site, travail de recoupement trop long et fastidieux pour le cadre de cette étude. Certaines foires n’ont enfin connu qu’une éphémère durée, comme celle de la saint André à Thors, créée vers 1429, et supprimée dès 1432449. L’ensemble de ces remarques doit donc être pris en compte à la lecture du calendrier des assemblées commerciales saintongeaises que l’on a construit ici, qui doit apparaître comme une base de travail, lacunaire et relativement théorique. Il n’en donne pas moins une bonne idée de l’organisation des tenues des foires et marchés médiévaux saintongeais, puisque sur les 109 places qui furent dotées d’institutions commerciales entre 1000 et 1550, 59 (54,1 %) ont livré des dates de tenue, certes parfois lacunaires (il arrive que l’on ne connaisse qu’une des dates des foires d’une place marchande). Ce calendrier permet d’ailleurs, au final, de dégager de nettes tendances, signe même de sa fiabilité450. Il obéit en effet à un modèle occidental et médiéval typique, que l’on retrouve par exemple dans une province aussi éloignée et différente que le Berry de Françoise Michaud-Fréjaville451, révélé par la mise en parallèle du rythme annuel de tenue des foires :

SAINTONGE AUNIS TOTAL
Janvier 11 1 12
Février 5 1 6
Mars 7 0 7
Avril 4 1 5
Avril-mai 3 0 3
Mai 8 0 8
Mai-juin 2 0 2
Juin 13 1 14
Juillet 4 4 8
Août 20 3 23
Septembre 8 1 9
Octobre 12 3 15
Novembre 14 3 17
Décembre 7 1 8

Rythme annuel de tenue des foires en Saintonge et Berry

55Globalement, la physionomie des deux courbes reste approximativement identique : le début de l’année présente une activité de niveau moyen, avant que les mois de mars et d’avril connaissent un net repli de leur animation. À partir d’avril, le nombre de tenues reprend pour atteindre son sommet en août. L’activité décline ensuite pour connaître une nette recrudescence en novembre, tandis que la fin de l’année entraîne le retour à des niveaux très faibles de tenues. Cette observation montre également que, proportionnellement, l’économie des foires et marchés berrichons est plus active que celle de la Saintonge au cours de la première partie de l’année : jusqu’en juin en effet, et bien que l’échantillon de places de foires du calendrier du Berry soit moins important que celui de Saintonge, le nombre de tenues y est pratiquement toujours supérieur. À partir de juin par contre, le nombre de tenues saintongeaises est constamment plus important que celui du Berry, ce qui, logique pour les raisons d’échantillon, est également lié à la structure économique de ces provinces, qui seule explique aussi les écarts très considérables des courbes saintongeaise et berrichonne aux mois d’août et octobre. Dans le détail, l’on remarque en effet certaines divergences dans les rythmes de tenues commerciales des deux provinces. En février se produit par exemple dans le centre de la France un léger pic d’activité que l’on n’observe pas en Saintonge. Si l’évolution est ensuite remarquablement parallèle jusqu’en juillet, les mêmes pics ou creux d’activité se retrouvant aux mêmes moments, un nouveau décrochage des deux courbes se produit en août, mois proportionnellement bien plus actif en Saintonge qu’en Berry, où le sommet de l’activité estivale a lieu au mois de septembre, sans qu’il égale cependant le niveau d’activité saintongeais d’août. De la même manière, si novembre connaît un nouveau pic d’activité commun, et proportionnellement comparable, avant le repli de l’activité de la fin de l’année, octobre avait été l’occasion d’une nouvelle très nette divergence des deux courbes. L’importance des pics du nombre de tenue estival et automnal reflète par ailleurs le puissant dynamisme commercial saintongeais, et le haut degré de commercialisation de notre province déjà souligné à l’aune d’autres critères. Le commerce rochelais, et les flux de marchandises qu’il génère, profite à l’ensemble de la province, et particulièrement aux foires et marchés chargés de canaliser les productions de l’arrière-pays destinées à l’exportation ou les importations du port rochelais vouées à la redistribution dans l’hinterland. Plus important dans l’absolu, ce dynamisme commercial est également bien plus individualisé dans l’année : alors qu’en Berry l’écart entre les mois le moins actif (hors fêtes mobiles) et le plus actif est de 12 tenues (2 foires en mars, 14 en novembre), en Saintonge il est de 18 (5 en avril, 23 en août). La dissymétrie entre le premier semestre et le second y est également beaucoup plus marquée, en raison des pics massifs d’activité d’été et d’automne, face à une courbe berrichonne relativement plus régulière. Cette évolution du rythme annuel des tenues commerciales des deux provinces, à la fois convergente dans ses tendances générales mais divergente dans le détail, incite à chercher des explications dans la structure de l’économie locale, pour vérifier en quoi, on le verra, elle peut déterminer le calendrier des assemblées.

  • 452 « Documents extraits des registres du Trésor des Chartes relatifs à l’histoire de la Saint (...)
  • 453 A.N., JJ 64, f° 265 v°, n° 491. Aimable communication de Guy Binot (traduction dans Histoi (...)
  • 454 Le détail du calendrier des marchés d’Aunis-Saintonge au Moyen Âge est donné en annexe. No (...)
  • 455 « Belles foires et marchés du Berry », op. cit., p. 102, calendrier des assemblées hebdoma (...)
  • 456 Ordonnances des rois de France... t. V, p. 605-607.

56La durée des diverses foires est elle aussi intéressante à signaler dans notre approche du calendrier commercial saintongeais. La plupart d’entre elles se limitent à une journée. Mais l’on constate également, notamment à propos des foires établies au début du XIVe siècle, à la fin donc d’un cycle dynamique de croissance commerciale multiséculaire, la présence de tenues de deux à quatre jours. À Esnandes, dès 1312, la foire annuelle se tient ainsi « in dicto festo estivali beati Martini, cum tribus diebus sequentibus tenendas »452, tandis qu’à Royan en 1327, la nouvelle foire se tient une fois par an, « prima, secunda, tertia die augusti »453. En 1500, l’on a vu de plus que la première mouture des foires d’Écoyeux prévoyait deux assemblées les 12 et 13 novembre. La non application de cette dernière par le seigneur, qui préfère créer deux foires plutôt qu’une durant deux jours, témoigne de la rareté de ces pratiques en Saintonge au XVe siècle, où toutes les nouvelles foires ne durent qu’une journée. Cette réduction est une donnée récurrente dans tout l’Occident de la fin du Moyen Âge, au cours duquel les foires se replient généralement sur une fonction d’échange purement locale, et ne sont plus, comme aux XIIe-XIIIe siècle, les uniques instruments du grand commerce. La tenue d’assemblées sur plusieurs jours permettait effectivement d’attirer des marchands lointains peu enclins à réaliser une longue route pour une seule journée. La fréquence des tenues de foires varie elle aussi beaucoup, témoignant du dynamisme réel ou supposé de la place qui les abrite, sans toutefois présager de sa fréquentation. Plusieurs sites ruraux, les plus réduits, n’en ont qu’une (Saint-Jammes, La Jarne, Périgny, Salles, Chevallon, Mille-Écus, Saint-Ouen…), quand d’autres places, dans un rang intermédiaire, comptent trois à quatre tenues. Ce sont notamment les cas de Thors, Écoyeux, Montguyon, Saint-Disant-du-Bois, Marennes (deux foires laïques et deux ecclésiastiques) ou Cozes. Le niveau supérieur de la hiérarchie des tenues, enfin, est constitué par les bourgades qui possèdent au XVIe siècle six foires annuelles, tels Taillebourg, Dompierre ou Jonzac. À cet égard, la présence d’un marché (ou de deux, comme à Tonnay-Charente en 1442, ou à Bourgneuf en 1488) signale une place commerciale disposant d’une aire de chalandise suffisament importante et structurée pour animer très régulièrement une assemblée, ce qui paraît réserver l’institution hebdomadaire aux principaux centres marchands. L’on connaît le jour de tenue du marché de 38 bourgades saintongeaises. Sept places le tiennent le lundi, trois le mardi, six le mercredi, neuf le jeudi, huit le vendredi et sept le samedi454. Notre corpus est une fois de plus supérieur à celui du Berry (18 sites de marchés)455, et la physionomie des deux courbes de tenue est en revanche très différente. Sans véritable lien avec le rythme de production local, par leur caractère hebdomadaire, et uniquement liés à des problèmes de gestion d’une seigneurie ou de concurrence entre bourgs-marchés voisins, ces divergences dans la fixation des tenues sont aussi moins signifiantes. En Saintonge, les marchés sont assez régulièrement répartis au long de la semaine, avec un important creux le mardi, et un sommet relatif le jeudi. Le Berry au contraire présente une répartition des tenues beaucoup plus heurtée : les assemblées hebdomadaires se déroulent d’abord le samedi, le mardi et le mercredi, et entre ces jours l’activité s’effondre (aucune tenue le vendredi, une le lundi). Tout au plus peut-on noter la présence, dans les deux provinces, d’un nombre important de tenues de marchés le samedi, qui pourrait être lié aux transferts des anciens marchés du dimanche, comme on l’observe en Saintonge à Bourgneuf456.

Les marchés en Saintonge et Berry

Une logique de complémentarité ou de concurrence ?

  • 457 J. Schneider, M. A. Denzel, « Foires et marchés en Allemagne à l’époque moderne », Foires (...)
  • 458 A.N., JJ 222, n° 58 f° 21, création des foires et marchés de Talmont (juin 1491).
  • 459 « Documents extraits des registres du Trésor des Chartes relatifs à l’histoire de la Saint (...)

57Le calendrier des foires et marchés est le meilleur reflet des logiques qui prévalurent à leur établissement. Il peut exprimer la volonté de concurrence entre certaines places se disputant une aire d’influence, comme l’établissement d’une logique de réseau dans laquelle les diverses assemblées organisent un cycle de tenue. C’est ainsi que dès le XIIe siècle l’on observe la naissance dans l’Occident médiéval de systèmes de foires assurant la continuité des échanges. En Allemagne, ce système est organisé par les quatre grandes foires de Cologne, Utrecht, Aix-la-Chapelle et Duisburg, qui dominent le réseau des assemblées locales et synchronisent leur calendrier avec les systèmes de foires voisins, dont le principal est celui de Champagne (Lagny, Bar-sur-Aube, Provins et Troyes, voire Châlons-sur-Marne). Des systèmes de foires aux tenues complémentaires échelonnées dans le calendrier existent également en Flandre et dans l’est de l’Angleterre457. En Saintonge, si aucun véritable système d’assemblées n’a existé au Moyen Âge, la mise en place d’un réseau de foires aux tenues complémentaires dans le temps a tiré profit du rétablissement de la prérogative régalienne dans l’attribution et la fixation des jours d’assemblées à partir du XIVe-XVe siècle. Dès qu’un État de mieux en mieux structuré, disposant d’une administration d’officiers compétents, d’archives et d’enquêteurs sur le terrain, a pris en main l’organisation du réseau commercial, la logique de complémentarité a pris le pas, au moins en théorie, sur celle de concurrence. Ce principe directeur de l’institution royale de foires et marchés se retrouve dans la formulation, omniprésente au XVe siècle, qui prescrit qu’une nouvelle assemblée sera établie « pourveu que à quatre lieues à la ronde n’y ait ausd. jours autres foires et marchez creez et establiz ausquelles ces presentes pourroient prejudicier »458. L’on trouvait déjà trace de ce postulat dans les créations royales du XIVe siècle459.

  • 460 « Jonzac et Ozillac », op. cit., p. 232-235 : « Audit lieu de Jonzac, a accoustumé avoir d (...)
  • 461 Ibid., p. 343 : « la première desdictes foires nous avons assignée au jour de la feste de (...)
  • 462 La coexistence entre les foires de Jonzac et de Fontaines ne devait se réaliser qu’au XVII(...)
  • 463 A.N., JJ 245 A n° 262 bis, f° 73 v° (Mirambeau) et JJ 253 A n° 69, f° 22 v° (Courpignac).
  • 464 A.N., JJ 235 n° 104 f° 17 (Saint-Disant) et 2 AP 15, pièce 17 (Mirambeau).
  • 465 L’ensemble de ces faits est rapporté dans le ms. 300 de la B.M.L.R., f° 111 à 113, dans un (...)

58Les établissements les mieux pourvus en foires en comptaient six dans l’année, organisées de la manière la plus rationnelle possible, comme à Jonzac, en 1473, où les six assemblées, dont les autorités locales affirmaient l’existence antérieurement à la guerre de Cent ans, sont rétablies en janvier, mars, mai, juillet, septembre et novembre, soit une tenue tous les deux mois460. Le meilleur témoignage en faveur de l’existence d’une volonté royale, voire seigneuriale (souvent à l’origine des dates dans la lettre de requête), d’organisation du réseau commercial en système cohérent de tenues dans le temps se retrouve dans l’obtention, en 1483, des six foires de Fontaines. Celles-ci se tiennent en effet en février, mai, juin, août, octobre et décembre461, et s’intercalent donc parfaitement avec les assemblées jonzacaises, à moins de huit kilomètres. Il y a là clairement une volonté d’éviter la confrontation des deux aires d’influence des bourgades, dont on a vu qu’elles étaient généralement très attractives en deçà des huit kilomètres. L’établissement des foires de Fontaines prit ainsi en compte la présence du site commercial jonzacais, ancien et bien implanté sur le plat-pays, avec lequel elles étaient amenées à coexister462. Les tenues s’intercalaient donc mois après mois, sauf en mai où elles n’étaient séparées que par trois jours, ce qui ne suffit d’ailleurs pas à les rendre concurrentes en cette période de regain d’activité. Malgré cette claire volonté de répartition raisonnée des assemblées dans le temps, des situations de concurrence étaient parfois maintenues, qui ne présageaient guère d’un futur climat harmonieux. L’exemple de Mirambeau et Courpignac est à cet égard instructif. La première place possédait depuis 1530 cinq foires, en janvier, mars, août, novembre et le quatre décembre (sainte Barbe). Lorsqu’en 1539 quatre foires furent créées à Courpignac, à seulement sept kilomètres de Mirambeau, une partie de celles-ci s’intercalèrent logiquement avec les assemblées du gros bourg voisin, en se tenant en février, avril et octobre. Pourtant il fut aussi décidé que Courpignac tiendrait également foire le jour de sainte Barbe, comme à Mirambeau463, bien que les deux sites voisins recrutent leur clientèle dans le même bassin de population. La voie suivie par Courpignac, peut-être liée à la volonté d’éviter que les tenanciers de cette châtellenie partent commercer dans celle de Mirambeau, est en ce sens largement divergente de celle adoptée par Saint-Disant-du-Bois, qui misa sur la complémentarité. Le seigneur de cette place, située à moins de cinq kilomètres au nord de Mirambeau, avait eu l’habileté de placer la tenue d’une de ses foires à proximité d’une des plus anciennes assemblées de Mirambeau, pour bénéficier des retombées de celle-ci. Sur les quatre foires créées en 1501 dans le bourg, l’une se tenait en effet le 13 novembre. Or dès 1445 était attestée la foire du 11 novembre de Mirambeau464 : les marchands, en revenant de cette foire, pouvaient ainsi s’arrêter à Saint-Disant. C’était l’administration royale, par l’octroi des droits de foires et marchés et le règlement des conflits, qui était chargée de veiller à éviter les situations de concurrence entre places voisines, au nom du bien public qui justifiait son intervention. À Dompierre en 1496, Marie Furgon avait ainsi demandé l’établissement d’un marché le lundi. En vertu de son rôle d’arbitre visant à l’harmonie du réseau commercial, le roi n’autorisa pourtant la création qu’au jeudi. Ce qui n’empêcha cependant pas la dame de Dompierre de déplacer de facto son marché du jeudi au lundi en 1518, sans apparemment en référer à l’administration royale. Aussi, lorsque le roi établit en 1565 un marché le lundi à Nuaillé, près de Dompierre, le seigneur du lieu se plaignit de la concurrence illégale des Geoffroy, en exigeant le respect des lettres de 1496465. Nous avons déjà eu l’occasion de souligner, à propos de Jonzac ou d’Écoyeux par exemple, que les dates de tenues octroyées par le roi étaient parfois, encore à la fin du XVe siècle, perçues de manière toute théorique par les seigneurs locaux, qui n’hésitaient pas à les modifier selon leur intérêt.

  • 466 Foedera..., op. cit., t. III partie 2, p. 125 (1366) : « Come, par cause de dissensions et (...)
  • 467 Le marché d’Andilly est créé en 1517 (A.D. 17, 1 J 161-20), et celui d’Esnandes est évoqué (...)
  • 468 Ordonnances des rois de France…, t. XV, 363-364.
  • 469 Celle-ci est mentionnée dans la charte d’institution des foires d’Andilly (A.D. 17, 1 J 16 (...)
  • 470 A.D. 86, 3 H 1-272, vers 1520-1530 : pour protester « contre les seigneur et dame de La Ja (...)
  • 471 A.N., JJ 235 n° 104 f° 17.
  • 472 A.N., JJ 2451 n° 296 f° 82 v° (1530).

59La politique royale d’attribution des dates de tenues d’assemblées visait évidemment l’établissement d’un calendrier harmonieux. Mais la multiplication des foires et marchés, particulièrement dans les régions très densément occupées par des places commerciales (Aunis), rendait l’exercice difficile, la logique théorique de complémentarité cédant la place à une logique de concurrence plus ou moins ouverte et âpre. La fixation des jours de tenue par le roi était en effet la plupart du temps orientée par la requête des seigneurs locaux, et faisaient apparemment l’objet d’une insuffisante vérification de la part des officiers royaux. L’on a déjà rencontré plusieurs conflits engendrés par deux tenues simultanées d’assemblées dans des places voisines. Certains représentaient un exutoire à un passif plus ou moins chargé, comme le conflit entre Surgères et Bourgneuf, préexistant au déplacement du marché au samedi dans cette dernière ville466. Le choix de cette date était-il pour les hospitaliers de la commanderie un moyen de capter une partie de la clientèle de Surgères, déplaçant la lutte avec ses seigneurs sur le terrain commercial ? Ou les sires de Surgères faisaient-ils preuve de la plus totale mauvaise foi en affirmant que la coexistence des deux marchés à plus d’une vingtaine de kilomètres de distance entravait leurs échanges ? La réponse est certainement à mi-chemin des deux hypothèses, même si l’on doit souligner l’attitude hégémoniste du marché de Bourgneuf, dont on a vu que le transfert contribua également à asphyxier son voisin de Dompierre. Car la question des foires et de la date de leur tenue était un moyen très efficace d’affirmer son indépendance face à un suzerain, ou de concurrencer une importante place commerciale voisine. La dame de Thors, en créant de sa propre autorité en 1429 une foire à la saint André, s’inscrivait directement dans la première logique. Elle ne pouvait ignorer qu’une foire se tenait le même jour au bourg de sa suzeraine de Matha, à moins de cinq kilomètres. La réponse ne se fit d’ailleurs pas attendre, et Aliénor de Périgord, protestant contre cette nouvelleté, obtint en 1432 la suppression de la foire de la saint André de Thors. La logique concurrentielle apparaît en filigrane de l’établissement d’un marché le mercredi et le samedi à Tonnay-Charente. Le port, dont l’importance sur la Charente n’a cessé de croître au cours du Moyen Âge, et qui connaît son apogée aux XVIe-XVIIe siècles, avant que la fondation de Rochefort ne le plonge dans le déclin, cherchait sans doute à capter à son profit une partie des marchands qui empruntaient la vallée pour fréquenter le marché du samedi de Saint-Jean-d’Angély, depuis l’interruption de celui de Tonnay suite aux guerres. En Aunis, certaines dates semblent également potentiellement contentieuses. C’est le cas des marchés d’Andilly et d’Esnandes, qui tous deux se tiennent les jeudi, quoique les places ne soient distantes que de six kilomètres et demi467. La Madeleine, le 22 juillet, voit aussi se tenir des foires dans deux localités d’Aunis, Saint-Xandre (1462)468 et La Jarrie (1517)469, distantes de seulement dix kilomètres et demi. Si nous n’avons aucune mention de conflit entre ces deux bourgades, le partage de la clientèle entre elles se faisait évidemment au détriment des deux, et pouvait justifier les plaintes de l’une ou de l’autre. La Jarrie, d’ailleurs, subit les foudres du commandeur de Bourgneuf en faisant tenir son marché le mercredi, le même jour que l’un des marchés de la commanderie. L’intervention du roi dans la résolution du conflit est intéressante, puisqu’elle fait valoir le principe de non concurrence contenu à la fin des lettres de créations de foires pour recevoir la plainte du commandeur470. Ceci démontre d’abord que ce principe n’était pas qu’une formule stéréotypée, et ensuite que l’on avait insuffisamment vérifié les conflits potentiels engendrés par les nouvelles assemblées de La Jarrie, en suivant la lettre de requête seigneuriale. L’on trouve également trace de conflits potentiels en Saintonge. La saint Sébastien, le vingt janvier, est ainsi l’occasion de tenir des foires à Gémozac (1530), Mirambeau (1530), Brie (1539) et Clion (1539). Clion est séparé de Mirambeau par treize kilomètres, de Brie-sous-Archiac par quinze kilomètres et demi, de Gémozac par dix-sept kilomètres, tandis que Mirambeau et Brie sont distants de vingt-quatre kilomètres. Malgré l’identité des jours de tenue et la relative proximité entre les sites (Mirambeau et Clion, particulièrement), aucun conflit n’a été rapporté. Pourtant les quatre lieues, distance presque immuablement indiquée comme limite en deçà de laquelle deux foires ne peuvent se tenir le même jour pour considérer la création valable, ne sont entre Mirambeau et Clion, Clion et Gémozac, et Clion et Brie, pas franchies. Une fois de plus, l’on voit que l’on savait s’accommoder des avis royaux. L’on retrouve la même coexistence potentiellement concurrentielle de tenues d’assemblées à propos des marchés du lundi de Saint-Disant, datant de 1501, et de Clion, établi en 1539471, quoique la distance entre les deux places ne soit que de dix kilomètres et demi. Le cas est similaire avec la création d’un marché du vendredi à Gémozac472, qui entre directement en compétition avec celui, beaucoup plus ancien, de Pons, à dix kilomètres à peine. Les conflits, réels ou potentiels, portant sur la concurrence jugée déloyale entre deux tenues d’assemblées au même moment dans des places proches, n’ont donc jamais disparu, malgré la volonté royale d’assurer une gestion équilibrée et harmonieuse du réseau commercial. En suivant les requêtes des seigneurs qui, souvent, obéissaient à une logique plus proprement féodale (volonté d’affirmer la suprématie, ou l’indépendance, de son centre sur celui du seigneur voisin), l’administration royale multipliait, faute de vérification efficace, ceux-ci. Pourtant l’existence d’aires d’influence assez peu étendues, par la densité du maillage des places commerciales, retardait l’éclatement de ces conflits potentiels liés à la proximité des dates de tenues. Cette dernière s’expliquait d’ailleurs souvent par certains déterminismes dans la fixation des foires et marchés (importance du débouché rural et des manifestations patronales). Il est certain en effet que, les paysans et leurs productions fournissant l’essentiel de l’animation des foires et marchés saintongeais, l’année agricole jouait un rôle tellement déterminant que les assemblées tendaient à se concentrer sur les périodes les plus favorables aux échanges au gré des cycles agraires.

Un calendrier reflet de déterminismes économiques et sociaux

  • 473 A.D. 17, 13 M 5-1. Le tableau général des foires de Charente-Inférieure du 19 septembre 18 (...)
  • 474 « Belles foires et marchés du Berry… », op. cit., p. 101.
  • 475 Le seigneur de Châtelaillon déclarait ainsi un « banc ou estaut à vendre vin dans le temps (...)
  • 476 É. Birrier, La seigneurie de Châtelaillon..., op. cit., p. 53.
  • 477 J. Schneider, M. A. Denzel, « Foires et marchés en Allemagne à l’époque moderne », Foires (...)

60Nous avons déjà eu plusieurs fois l’occasion de signaler l’importance de l’agriculture pour les foires et marchés. Cette activité était en effet à la base de l’animation commerciale par le biais des ventes de blés, de bestiaux et des outils nécessaires à la culture du sol. Il n’est donc pas étonnant que le calendrier agraire détermine largement l’organisation des tenues : dans notre calendrier, certaines saisons apparaissent ainsi nettement plus animées que les autres, essentiellement celles du second semestre de l’année. C’est en effet au cours de cette période que se produisent les deux temps forts du calendrier agricole d’Aunis-Saintonge, moissons et vendanges. La croissance du nombre de tenues à partir de mai, mais surtout de juin, est liée à la préparation des moissons (9 des 14 foires du mois se tiennent entre le 23 et le 30). Les ventes de fer, nécessaires à la réparation du matériel, ou d’outils finis (faucilles) devaient alors connaître une nette augmentation. Ces foires étaient également, au moins vers la fin du Moyen Âge, lors de la structuration d’un marché de l’emploi agricole, l’occasion de louer la main-d’œuvre destinée aux travaux estivaux des champs. À la fin du XVIIIe et au cours du XIXe siècle, en effet, cette vocation constituait une bonne part de l’activité des foires de la Charente-Inférieure de la fin juin473. Il est intéressant de noter qu’en juin seules deux des foires dont l’on conserve la date de tenue ont lieu en Aunis ou à proximité, et plutôt dans l’intérieur des terres (Surgères, XVe siècle, et Saint-Liguaire, début du XIIIe siècle). C’est un des signes les plus clairs de l’importance de la monoculture viticole, qui repousse la céréaliculture aux marges de la province. Le Berry connaît également un regain d’activité à la fin juin : 8 des 11 foires du mois se tiennent entre le 23 et le 30 juin474. Ce sont encore les travaux agricoles qui expliquent la décrue de l’activité en juillet par rapport à juin. Les paysans, clientèle privilégiée des assemblées, sont en effet alors occupés aux champs. Les foires ne redeviennent très actives qu’après la fin des moissons, vers le 20 juillet : 7 des 8 foires du mois se tiennent entre le 20 et le 31, proportion identique à celle du Berry. Encore une fois, l’Aunis se démarque du schéma général, puisque les foires d’Esnandes y sont établies en 1312 au début du mois de juillet, malgré les moissons : les surfaces emblavées étant très minoritaires dans les environs, les paysans y ont en effet relativement plus de temps à consacrer au commerce. En août, les foires se font à nouveau nombreuses, notamment avec la seconde partie du mois, suite à la fin des récoltes, des battages et du stockage des céréales. Les travaux achevés, le grain irrigue à nouveau les assemblées. Le mois de septembre est en regard assez peu animé, ce qui distingue la Saintonge du Berry où ce mois représente le sommet de l’activité annuelle des foires. Il est possible que dans nos terroirs caractérisés, même en Saintonge, par une importante production de la vigne, l’on profite du mois de septembre pour réaliser les labours nécessaires à la préparation de la terre pour les prochaines semences de blés avant le début des vendanges, afin de se consacrer uniquement à celles-ci à partir de la fin du mois. L’activité intense ainsi suscitée expliquerait que les paysans n’aient pas le temps de se rendre aux foires, qui espacent donc leurs tenues. Quoi qu’il en soit, le mois d’octobre marque un retour à la pleine activité des foires, sitôt les vendanges achevées. Fin septembre-début octobre, les assemblées se tiennent en effet essentiellement en Saintonge orientale et méridionale, où la présence de la vigne est moins marquée. En revanche, 10 des 15 foires d’octobre se tiennent après le 9, quand, les vendanges achevées, les populations peuvent se rendre plus fréquemment aux réunions commerciales, où le négoce du vin commence à battre son plein. Il atteint son sommet au mois de novembre. La vinification achevée, l’essentiel de l’animation de ces foires est en effet lié au commerce du vin. Il n’est dans ce contexte pas anodin de constater que trois importants centres de production viticole de l’Aunis rochelais, Bourgneuf, Dompierre et Andilly, tiennent leurs foires en novembre. Les banvins seigneuriaux n’y viennent pas entraver le commerce, puisque, dans le Grand-Fief-d’Aunis, le comte Alphonse y avait renoncé au XIIIe siècle, et que l’on n’en trouve pas mention dans les aveux des seigneurs de Dompierre. Quand l’on trouve trace de ceux-ci475, les seigneurs l’exercent souvent au printemps ou au début de l’été suivant, quand le vin, plus rare, est également plus cher. Depuis la seconde moitié du XIVe siècle, seul le vin de la banlieue pouvait entrer à La Rochelle après la saint André (30 novembre)476, ce qui devait certainement stimuler les transactions de vins étrangers (notamment ceux des environs de Surgères) dans les assemblées aunisiennes avant cette date. Les foires, structures de mise en relation des marchands rochelais avec les producteurs, devaient certainement être nombreuses en novembre dans les bourgades de la banlieue, et dans les plus grands centres de l’extérieur (Surgères, Benon, Marans, notamment), dont l’on ne dispose hélas pas de l’ensemble des dates de tenue. Les mois de décembre, mais surtout de janvier, contribuaient également à être animés par les ventes de bestiaux engraissés par les exploitants dans l’impossibilité de les conserver tout l’hiver, faute de fourrage. La faiblesse de l’activité commerciale jusqu’en mai s’explique ensuite par la morte-saison agricole. Le calendrier des foires d’Aunis-Saintonge est donc très lié aux rythmes agraires, comme celui du Berry, même si l’importance de la vigne, particulièrement en Aunis, contribue à structurer différemment celui-ci en automne : le dynamisme des foires saintongeaises est alors proportionellement plus important que celui des réunions berrichonnes. Cette même présence importante de la vigne contribue aussi à décaler le pic estival d’activité : en septembre en Berry, mais en août en Saintonge. En ce sens, le calendrier des foires dans l’Allemagne moderne est assez proche du modèle berrichon, puisqu’il se caractérise par des pics annuels d’activité en septembre (nativité de sainte Marie, le 8, et saint Michel, le 29), novembre (saint Martin, le 11), ainsi qu’en mai et juin (saint Jean, le 24)477.

  • 478 Nous donnons en annexe un calendrier des foires patronales, qui montre la répartition asse (...)
  • 479 C’est l’opinion de Jean Favier, dont nous nous sommes fait plus haut l’écho en en montrant (...)
  • 480 À Marennes en 1451 est ainsi créée une foire le jour la Chaise saint Pierre (A.N., JJ 184  (...)
  • 481 « Chartes et documents pour servir à l’histoire de l’abbaye de Saint-Maixent, tome I », éd (...)
  • 482 « Cartulaire du prieuré de Notre-Dame de Barbezieux », éd. La Martinière, A.H.S.A. t. XLI, (...)
  • 483 Cartulaire de l’abbaye de Baigne, éd. abbé Cholet, p. 233-234.
  • 484 « Cartulaire du prieuré de Notre-Dame de Barbezieux », op. cit., p. 145 (1083-1106). La Ma (...)
  • 485 Dès 1177 cependant, des foires se tenaient déjà autour du prieuré Saint-Pierre « in festiv (...)
  • 486 A.D. 17, H 76, pièce 25.
  • 487 A.H.S.A. t. IV, 1877, p. 485, 487, 489-491.
  • 488 Aveu de la baronnie de Châtelaillon, 22 mars 1401, A.N., P 5531, n° 11.
  • 489 « Registres de l’échevinage..., tome III », op. cit., p. 292.
  • 490 « Registres de l’échevinage…, tome I », op. cit., p. 103, note, d’après Guillonnet-Mervill (...)
  • 491 « Recueil de documents pour servir à l’histoire du commerce et de l’industrie en Angoumois (...)
  • 492 « Chartes sur les premiers seigneurs de Barbezieux », éd. La Martinière, A.H.S.A. t. XLI, (...)
  • 493 « Cartulaire du prieuré de Notre-Dame de Barbezieux », op. cit., p. 8.
  • 494 Cf supra, première partie, p. 66.
  • 495 Enquêtes administratives d’Alphonse de Poitiers, op. cit., p. 197 : « fiat restitutio alte (...)
  • 496 A.H.S.A. t. VII, p. 425-426 : le prieur de Saint-Jammes « est tenu, le jour de foire et fe (...)

61La contrainte d’une économie agraire n’est pas l’unique explication de l’organisation des foires dans le calendrier. Une grande partie de celui-ci est également lié aux manifestations patronales, même si les deux facteurs se recoupent parfois. L’on constate en effet que, sur les 54 sites dont les dates de foires sont connues, 23 (42,6 %) possèdent une assemblée qui se tient le jour de la fête du saint patron de l’église du bourg478. C’est assez signaler l’ampleur du phénomène, qui touche particulièrement les sites commerciaux les plus anciens, et nous ramène aux origines des foires. Un grand nombre de celles-ci paraissent en effet être nées des festivités qui accompagnaient la célébration du saint patronal de l’église. Des marchands se seraient greffés sur ces fêtes pendant lesquelles l’afflux d’une importante population assurait des occasions de vente479. La présence de la foire dans l’atrium de l’église ou dans le cimetière même, dont on a constaté précédemment des manifestations, accentuait ce lien entre fête patronale et foire. Spontané à l’origine, il était devenu si naturel que les créations de la fin du Moyen Âge et du XVIe siècle ont poursuivi cette association, plus ou moins consciemment480. La fête patronale, réunissant la population de la paroisse, était peut-être aussi l’occasion de percevoir certaines rentes en nature, commercialisées immédiatement lors de l’assemblée simultanée, sans que l’on en trouve cependant des preuves tangibles. L’origine de l’association entre foire et fête patronale est effectivement difficile à élucider en raison de son caractère spontané et ancien. En 848, Pépin octroyait ainsi déjà à l’abbaye de Saint-Maixent le droit de tenir une assemblée commerciale le jour de la fête patronale481. Quand la documentation saintongeaise sur les foires et marchés devient plus importante à partir du XIe siècle, la pratique est presque générale. Elle est vécue comme une coutume normale vers 1043-1060, quand Audouin, seigneur de Barbezieux, concède au prieuré Notre-Dame cinq foires « in sollempnitatibus Sancte Marie et in festivitate Omnium Sanctorum »482. Au XIIe siècle, le lien est également clairement exprimé quand un chevalier octroie à l’abbaye de Baigne « illud quod habet et recipit in pedagio sancti Cipriani ad festum ecclesie in nundinis »483. L’union intime entre foire et fête patronale est encore plus explicite à travers la mention des « duobus mercatis que sunt ad ecclesiam Sancte Marie Magdalene ultra Ne constitua, hec est, in festivitate ejusdem sancte, et in Dedicatione ecclesie »484. Ce lien n’a jamais cessé de s’exercer ensuite tout au long du Moyen Âge. En 1312, le roi octroie au seigneur d’Esnandes une foire de quatre jours à partir de la saint Martin. Or l’église-prieuré de la paroisse est justement placée sous le patronage de Martin. Ces cas sont fréquents : peu après, en 1327, le roi concède aux habitants de Royan une foire de trois jours, à partir du 1er août, jour de la saint Pierre, qui est, là encore, une des fêtes patronales de l’église paroissiale, siège d’un autre prieuré485. La mise en place de foires le jour de la fête patronale peut parfois prendre la forme d’une véritable politique planifiée par une autorité ecclésiastique. Il en va ainsi des établissements de l’abbaye de Saintes dont trois au moins possédent des foires liées à une fête patronale au XVe siècle. Dès avant 1393, les foires de Saint-Pierre-de-Salles en Marennes se tenaient ainsi « ès deux festes de saint Pierre chacun an, ès mois de juin et d’aoust »486. En 1472, l’aveu au roi des possessions de l’abbaye, très détaillé, mentionne, outre les deux foires de saint Pierre de Marennes, « la foyre audict lieu de Saint Laurens du Gua une fois l’an, on jour de sainct Laurens » et à Saint-Denis-d’Oléron « le droict de y avoir et tenir une foyre publicque au jour de la feste de sainct Denys chascun an ». Quant à l’important établissement de Pont-l’Abbé, les foires qui s’y tiennent « plusieurs fois en l’an », sont sans nul doute liées aussi aux fêtes de la saint Pierre, patron de l’église du lieu487. En 1401, le seigneur de Châtelaillon déclarait également tenir du roi « le cense des denrees et autres chouses qui sont vendues, revendues ou eschangees chacun an le jour de saint George ou en autre temps en chemins publiques ou autres lieux pres de la chappelle saint George de Perigné »488. Même si le lien entre fête patronale, église et foire était en partie galvaudé par l’apparition d’« autres temps » et d’« autres lieux » de commerce à Périgny, celui-ci subsistait encore. D’ailleurs, le même seigneur déclarait dans notre document tenir une foire à La Jarne « le jour de Nostre Dame de septembre », qui est également celui de la fête de la patronne paroissiale. À Salles par contre, autre possession du sire de Châtelaillon, la foire ne se tient pas lors de la fête patronale (l’église paroissiale est vouée à Notre-Dame), mais à la saint Denis, ce qui traduit cette fois la prééminence de la logique commerciale du calendrier (se positionner près des vendanges) sur le caractère purement patronal. L’existence d’une foire de la décollation à Saint-Jean-d’Angély en 1419489 montre que ce lien était encore vif même dans un grand site urbain, pour une foire créée au milieu du XIe siècle. Denys-d’Aussy, reprenant Guillonnet-Merville, affirme, sans avancer cependant plus de preuves que son prédécesseur, que « les foires municipales s’établirent aux jours de la nativité de saint Jean Baptiste (24 juin), de la décollation, de la fête de saint Jean l’Évangéliste (9 décembre), et de celle de saint Jean Climaque (25 mars) et saint Jean de la Porte Latine (6 mai) »490. Ce faisant, il se situe dans la même tradition liant patron paroissial et foires. Si, effectivement, la foire de la Décollation est attestée, et que celle du 24 juin peut être avancée avec prudence, nous n’avons trouvé mention d’aucune des trois autres. La documentation signale en revanche des foires se tenant à Noël et à la saint André, ainsi qu’à la saint Luc (cette dernière étant possédée par la seigneurie laïque du bourg de la Rue Franche, distincte de celle de la commune et de la seigneurie de l’abbaye). La pérennité de ces foires patronales fut souvent très importante. Outre celles de Saint-Jean-d’Angély, les foires de Barbezieux créées au XIe siècle existaient encore au début du XIVe siècle : en 1318 est ainsi mentionnée la foire de l’Assomption491. Dans la même ville, la foire de la saint Séverin, signalée dans la ferme des revenus commerciaux seigneuriaux en 1316492, est une autre manifestation patronale (saint Séverin est le vocable de l’église paroissiale) ancienne, attestée depuis 1143493, dont l’on a montré plus haut que l’émergence était sans doute liée à des manifestations festives religieuses494. En 1481 et 1486, à Surgères et Archiac se tenaient également des foires à la saint Pierre, alliant une situation stratégique dans l’année agricole (29 juin) à un lien ancien avec les fêtes du patron paroissial (ces foires existaient dès le XIe siècle). Malgré la relative désacralisation que connaissent les assemblées à partir du XIIIe siècle, sous les coups de l’église, il ne semble pas que l’association entre foire et fête patronale ait jamais été sérieusement remise en question : la foire de la saint Jacques, à Saint-Jammes, est mentionnée pour la première fois en 1266495, et se tenait toujours le 25 juillet en 1692496.

  • 497 Foedera…, op. cit., t. III partie 2, p. 124 (1366) et Ordonnances des rois de Fance… t. V, (...)
  • 498 Enquêtes administratives d’Alphonse de Poitiers, op. cit., p. 125 : le prévôt de Saintes, (...)
  • 499 Cf infra, troisième partie, chapitre IV, 2, p. 349-356.
  • 500 B.M.P., Dom Fonteneau, t. XVII, p. 646. Ce déplacement se révéla catastrophique : « nya af (...)

62Les déterminismes sociaux n’interviennent en revanche qu’en partie pour expliquer l’organisation des tenues des marchés. Une partie des assemblées du samedi est sans doute le fait d’un déplacement du jour de tenue après la proscription qui s’est peu à peu imposée aux XIIIe-XIVe siècles sur le commerce du dimanche. À Bourgneuf par exemple, le marché est déplacé du dimanche au samedi vers 1366 sous la tutelle anglaise, puis en 1372 par le duc de Berry497. À Saintes, l’interdit épiscopal sur les ventes du dimanche s’exerce dès 1262498. Ces réglementations canoniques visant à désacraliser le marché, sur lesquelles nous reviendrons plus loin499, ont sans doute entraîné le report des assemblées hebdomadaires aux jours voisins, samedi et lundi notamment. De même la proximité du dimanche, jour chômé, favorise-t-elle probablement les déplacements des paysans aux marchés du samedi et du lundi, ce qui peut constituer un élément d’explication du déplacement du marché de Dompierre du jeudi au lundi (1518), et de celui d’Aulnay du jeudi au samedi (1496-1497)500. Les facteurs expliquant le rythme de tenue des assemblées hebdomadaires sont cependant la plupart du temps d’ordre administratif (volonté de fixer le marché le même jour que celui de la tenue des assises seigneuriales, par exemple) ou économique (désir d’éviter l’interférence avec un marché voisin simultané). Ils n’entraînent donc pas de concentration marquée des tenues sur certains jours, comme c’est le cas pour les foires sur certaines saisons. A part le dimanche, où le commerce est restreint à partir du XIVe siècle, tous les jours de la semaine possèdent des marchés, de manière équilibrée (six à neuf tenues par jour). Il n’est que le mardi qui semble peu apprécié (seuls trois sites tiennent un marché ce jour).

  • 501 « Chartes de l’abbaye de Nouaillé (678-1200) », éd. P. de Monsabert, A.H.P. t. XLIX, p. 35 (...)
  • 502 « Recueil de documents pour servir à l’histoire du commerce… », op. cit., p. 335
  • 503 « Registres de l’échevinage... tome I », op. cit., p. 88 : « Item sunt d’assentement que P (...)
  • 504 B.M.L.R., ms. 2691 (Mi 139) f° 175 r°, qui porte en titre : « Autres fermes baillees et af (...)
  • 505 B.M.L.R., ms. 279, greffe de la seigneurie d’Esnandes, 1542-1544 : « les fermes de la terr (...)
  • 506 A.D. 17, 1 J 356-21, f° 6 v° (« 17 cote 2 » de l’inventaire de 1757), recette de la baronn (...)
  • 507 A.N., P 5561, n° 701.
  • 508 B.M.L.R., ms. 116 (Mi 106), p. 590, censif de Marans, fin XVe siècle, et A.N., P 5551 n° 5 (...)
  • 509 Foires et marchés d’Occitanie, op. cit., p. 168.

63Il reste enfin à analyser un dernier aspect intéressant le calendrier des assemblées, qui nous introduit pleinement dans l’importance sociale de celles-ci, objet de notre dernière partie. Repères importants de la sociabilité médiévale, les foires sont rapidement devenues des termes de paiement fréquemment usités. Un peu partout en Saintonge, l’on trouve en effet mention de ce fait majeur : le jour de la foire, des seigneurs ou des particuliers profitent du rassemblement occasionné par celle-ci pour percevoir les revenus des cens, fermes et autres rentes. Véritable marqueur temporel, la foire est un repère de l’administration de la seigneurie ou des biens familiaux. Dès le début du XIIIe siècle, à Frontenay, une pension annuelle de trente sous est octroyée à un clerc dont le père renonce en échange à ses prétentions sur un bien du prieuré de Frontenay (abbaye de Nouaillé). L’un des termes de la moitié de la pension n’est autre que la foire des Rogations501. Une rente annuelle d’une mine de froment est en 1318 due à Arnaud Constantin, de Barbezieux, lors des foires de l’Assomption du bourg502. Enfin, à Saint-Jean-d’Angély en 1332, c’est l’importante foire de la saint Luc qui est choisie comme terme pour la pension d’un conseiller de la commune503. Dans la seigneurie de Châtelaillon, en 1472, certaines enchères de fermes se font aussi pendant la foire de La Jarne, lorsque l’on est sûr de trouver une population importante et attentive, ainsi que des marchands capables d’affermer certains droits504. À Esnandes, les fermes sont mises aux enchères sous la halle, sans qu’il soit cependant précisé que cela se produise un jour de foire505. L’assemblée, drainant les paysans des environs qui viennent vendre leurs produits ou acheter divers biens, disposant ainsi de numéraire, est souvent l’occasion de percevoir une importante partie des cens seigneuriaux. D’autant que l’établissement d’un terme de perception du cens le jour d’une foire est un bon moyen d’assurer la fréquentation de celle-ci par les tenanciers. Le détail des termes des cens des registres de compte de seigneuries démontre fréquemment la coïncidence du prélèvement avec la tenue d’une foire. C’est le cas à Matha en 1533, où l’un des termes est fixé à la saint Barthélémy, jour de tenue d’une des principales foires du bourg, mentionnée encore au XVIIe siècle506. C’est le même jour que sont prélevés à Saint-Ouen les cens des tenanciers du seigneur de la Sausaie. Ce dernier affirme en effet dans un aveu de 1527 être en droit de se rendre « dedans le cymitiere de Sainct Ouen le jour et feste sainct Barthelemy apostre pour illec prandre, cuillir et recevoir mes sens, rentes, droiz et devoirs nobles à moy deubz led. jour aud. lieu »507. Or c’est également à la saint Barthélémy que se tient la foire de la bourgade, dont les revenus sont perçus par le seigneur de Marans et dont la juridiction est concédée par ce dernier en fief au devoir de sept sous six deniers au seigneur de la Gremenaudière508. La coïncidence entre le prélèvement des cens et la tenue de la foire est trop forte pour que les deux événements ne soient pas liés, bien que les seigneurs concernés soient différents. Quant à Salles, en 1458, les « cenz deuz aud. lieu en chascune feste de Sainct Jehan Baptiste se receivent en la cohue dudit lieu ». Si ceux-ci ne sont pas prélevés un jour de foire, celle de Salles se tenant à la saint Denis, c’est bien le bâtiment du marché qui fait figure de centre de perception, contribuant ainsi à l’assimilation entre foire et prélèvement seigneurial. La fixation de la date de la foire est donc le résultat d’une double contrainte, économique et sociale. Débouchés des produits ruraux et animées par des paysans, les foires sont subordonnées au calendrier agricole, et à ses périodes d’intenses d’activité et de morte-saison. D’autre part, les conditions de naissance des foires lors des fêtes religieuses, et particulièrement à partir du XIe siècle, quand l’église était un refuge contre les atteintes laïques et une assurance du respect de la transaction, ont fait que les dates de tenue sont aussi très liées aux fêtes patronales. Sans compter certains héritages soulignés par Pierre-Albert Clément, dans lesquels ils est cependant difficile de démêler la portée véritable de celle purement folklorique. Selon ce dernier en effet, le calendrier gaulois aurait en partie déterminé, par ses héritages, celui des foires médiévales, notamment début mai (cycle de Belteine) et début novembre (cycle de Samain)509.

64La distribution des foires et marchés dans l’espace et dans le temps ne doit donc rien au hasard. Elle répond à la corrélation de strictes logiques dont le jeu entraîne des phénomènes de concentration sur certains points privilégiés de l’Aunis-Saintonge. Deux logiques s’opposent : une première, celle de la dissémination, découle de la gestion féodale des foires et marchés. Les assemblées commerciales étant devenus au XIe siècle des attributs du pouvoir banal féodal usurpés des droits royaux, chaque seigneur cherche à fonder des foires et marchés où pourront se manifester ses droits de mesure et de justice, où il pourra également écouler les surplus de son cellier seigneurial, et où ses tenanciers se procureront le numéraire nécessaire au paiement de ses impôts. L’armature s’est cependant complexifiée par l’action de logiques de concentration, certaines régions étant plus propices à la tenue de foires et marchés par les facilités qu’elles offrent au commerce (présence de terroirs fertiles ou d’axes de circulation animés), ou la polarisation de métropoles économiques jouant à plein. Là où le modèle est décentralisé (la grande ville n’a pas de foire et compte sur celles des environs pour son approvisionnement, comme La Rochelle et l’Aunis), l’organisation est réticulaire. Là où, en revanche, la place commerciale concentre les foires et marchés, les centres d’assemblées du plat-pays sont repoussés assez loin à la périphérie (une quinzaine de kilomètres pour Saint-Jean-d’Angély, où les premiers sites de foires et marchés autour de la commune sont Vergne, Tonnay-Boutonne, Aulnay, Matha et Saint-Savinien). Un véritable réseau de foires et marchés s’est finalement mis en place, système dans lequel chaque élément interagit avec l’ensemble, organisant des aires d’influence que la gestion des tenues dans le calendrier peut rendre complémentaires ou concurrentes. La densité du maillage de ce réseau commercial dès le XIIIe siècle est la caractéristique principale découlant de l’exercice de ces logiques, assurant une desserte remarquable des populations locales, qui trouvent toujours une assemblée à huit-neuf kilomètres de chez eux. La commercialisation de la société saintongeaise s’est donc réalisée assez précocement et en profondeur, ce que concrétise le mouvement de floraison des halles dès le milieu du XIIIe siècle, poursuivi à la faveur de la reconstruction et de la croissance du « beau XVIe siècle ». L’économie n’était cependant pas tout. Les foires et marchés, pôles d’échanges commerciaux, étaient aussi, peut-être surtout, des centres de vie dans lesquels, dans un climat festif hérité des manifestations religieuses paroissiales qui avaient souvent présidé à l’apparition spontanée des foires et marchés, les hommes vivaient, communiquaient, échangeaient dans le bruit et la bousculade. Un milieu éminemment emblématique de la société féodale, de plaisirs, de disputes et de rixes, voire de contestation sociale qui trouvait dans ces masses réunies un terreau favorable. En bref, le marché, comme la foire, constituait un « fait social total ».

Notes

1 Cartulaire de l’abbaye de Baigne, éd. abbé Cholet, p. 201.

2 R.S.A. anc., t. XIV, p. 138, note.

3 La société laïque dans les pays de la Charente, Xe-XIIe siècle, op. cit.

4 Cf infra, première partie, chapitre I, 1,p. 75-79.

5 « quidam nobilissimus episcopus Petragoricae urbis, nomine et Arnaldo, divina inspiratione compuncti, ut sua facinora redimerent et veniam a Salvatore impetrare possent, statuerunt communi decreto ut aedificarent ecclesia in foro castri, quod vulgariter nuncupatur Cogniacum » (« Cartulaire de Saint-Léger de Cognac », éd. Dom Estiennot, Antiquités Bénédictines, B.N., ms. lat.12754, p. 408,1016).

6 La topographie actuelle de la ville conserve la « place de l’ancienne halle ». Le premier édifice est construit au XIIIe siècle (P. Martin-Civat, Histoire de Cognac et des Cognaçais des origines à nos jours, 308). Entre 1444 et 1467, sous le comte Jean, des assemblées se tiennent encore dans la basse-cour du château de Cognac, comme l’indique cet épisode de La vie de très-illustre et vertueux prince Jean, conte d’Angoulesme (cité par Marvaud, Études historiques sur Cognac, t. I, p. 189) : « Un sien serviteur, nommé Trompette Blanchet, feignant d’achapter un cousteau d’un mercier, en le ployant rudement le rompit ; et le mercier lui demandant le payement, au lieu de ce, il lui donna sur la joue. Ce que le comte ayant vu de sa fenestre, au château de Cognac, descend en sa basse-cour où estoient les marchands, et baille un coup de baston à Blanchet, et le contraignit payer le cousteau autant que le mercier voulût, le menaçant, s’il faisoit plus de telles folies ».

7 « Chartes saintongeaises de l’abbaye de la Couronne », éd. P. de Fleury, A.H.S.A. t. VII, p. 159-161 : « Ademarus, comes Engolismensis (...) dedit in helemosinam Deo et ecclesie Sancte Marie de Corona quicquid habebat in toto mensuratgio bladi de Archiaco, scilicet dominium, et si quid aliud ibi querere poterat vel habere ; et simili modo dedit et concessit solare quoddam apud idem castrum de Archiaco, ad edificandam domum in qua scilcet predictum mensuratgium levaretur ac reponeretur ». 7 J.-B.-E. Jourdan, Éphémérides Historiques, t. II, p. 300.

8 « Recueil des documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la chancellerie de France, t. XI », éd. L. Célier, A.H.P. t. XXXVIII, p. 400.

9 Recueil des plans de Saintonge, feuille 54.

10 Recueil des plans d’Aunis et de Poictou, feuille 29.

11 M.-E. Gardel, Cabaret, histoire et archéologie d’un castrum, Carcassone 1999, p. 76, où il est question d’un « mercatum in castello de Cabarez (…) aedificandi et habendi » (1153). Nous sommes face à un excellent exemple d’un marché castral tenu dans un village, aujourd’hui abandonné et en cours de fouilles, étroitement subordonné dans sa topographie même à un château perché du Cabardès, au nord de Carcassonne.

12 R. Britnell, « Les marchés hebdomadaires dans les îles britanniques avant 1200 », Foires et marchés dans les campagnes de l’Europe médiévale et moderne, actes des XIVes journées internationales d’histoire de l’Abbaye de Flaran, p. 29 : d’après le Domesday Book (1086), à Launceston en Cornouailles le comte de Mortain transporte à son château un marché qui se tenait autrefois dans la seigneurie des chanoines de Saint Stephan. De la même manière, peu après la conquête normande, Guillaume Malet fait construire un château à Eye dans le Suffolk où il crée un nouveau marché.

13 J. Heers, La ville au Moyen Âge en Occident, p. 163.

14 Le droit d’asile d’une église s’attachait au bâtiment, à l’autel, et à l’atrium, un espace de 30 à 60 pas autour de l’église (C. Van de Kieft, « La seigneurie de Saint-Jean-d’Angély au milieu du XIe siècle », p. 170).

15 « Le problème des marchés locaux en Picardie », Foires et marchés dans les campagnes de l’Europe médiévale et moderne, actes des XIVes journées internationales d’histoire de l’Abbaye de Flaran, p. 23.

16 Cartulaires inédits de la Saintonge, éd. de l’abbé Th. Grasilier, t. II, « Cartulaire de l’abbaye royale de Notre-Dame de Saintes », p. 53-54 (1138-1174) : « Garinus Pesteu et Fulcherius Venderius dientes Willelmi filii Guidonis comitis, posuerunt unam pixidem ad Podium Sancti Eutropii et aliam suspenderunt in platea Sancti Petri ad scanna, in quibus fractis monete mittebatur ad opus comitis (...) ».

17 Ibid., t. I, « Cartulaire de l’abbaye Saint-Étienne de Vaux, chartes du prieuré de Notre-Dame de La Garde en Arvert », p. XXXVI.

18 Ch. Dangibeaud, « Saintes ancienne », R.S.A. anc. t. XXVI, 1906, p. 34 et 253.

19 Ainsi à Tonnay-Boutonne en 1243 (venda scannorum, « Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. A. Bardonnet, A.H.P. t. IV, p. 5), à Matha en 1315 (A.D. 17, 1 J 353, p. 175), à Pons au début du XIVe siècle (« Chartrier de Pons, tome I, archives de l’Hôpital neuf de Pons », éd. G. Musset, A.H.S.A. t. IX, p. 187 et 222), etc.

20 « Registres de l’échevinage de Saint-Jean-d’Angély », éd. Denys d’Aussy, A.H.S.A. t. XXIV, XXVI et XXXII. Les manuscrits qui ne firent pas alors l’objet d’une publication sont conservés à la B.M.S.J.

21 Il est intéressant de noter que le marché de Saintes fut déplacé au XIXe siècle à proximité du chevet de la cathédrale, où il se tient encore aujourd’hui sous le nom de « marché Saint-Pierre ». Sur le plan de 1716 de Saintes, plusieurs places sont situées aux abords immédiats de la cathédrale (C. Masse, Recueil des plans de Saintonge, feuille 8). Dès le XVIe siècle, le marché est également installé « au lieu pres le Temple du cymetière de Saint-Pierre » (Études, documents et extraits relatifs à la ville de Saintes, éd. E. Eschassériaux, p. 192).

22 Le marché et les foires de Saint-Jean bénéficiaient au XIe siècle du droit d’asile de l’abbaye rappelé par la charte d’Agnès d’Anjou vers 1050. L’abbé pouvait délivrer un sauf-conduit aux personnes se rendant dans le bourg, notamment pour commercer, auxquelles la comtesse promettait de ne jamais faire aucune violence (« Hominibus vero cujuscumque negociationis causa transeuntibus, venientibus et redeuntibus nullam ulterius violentiam inferemus »), signe que les marchands étaient alors régulièrement la cible des exactions seigneuriales. Cf supra, première partie, p. 82.

23 J. Heers, La ville au Moyen Âge en Occident, p. 164-174, souligne lui aussi cette fréquence en puisant des exemples dans tout l’Occident : pays germaniques (Andlau, Münster, Cologne), Flandres (Gand), sud-ouest français (Cahors, Figeac, Rodez), Montpellier, Chartres, Reims, Langres…

24 Voir le plan cadastral napoléonien de cette commune, qui indique encore le site de la vieille halle.

25 « Cartulaire de l’abbaye Saint-Étienne de Vaux », op. cit., p. 132 (1236).

26 Grand cartulaire de la Sauve-Majeure, éd. A. Higounet-Nadal, t. I, p. 479 : « Helias [de Didonia] et uxor eius et filii eius Gifardus et Helias dederunt et concesserunt Clementis et successoribus suis totam consuetudinem in foro et in mercato Sancti Vicentii ».

27 « Cartulaire du prieuré de Notre-Dame de Barbezieux », éd. de La Martinière, A.H.S.A. t. XLI, p. 145.

28 « Chartes saintongeaises de l’abbaye de la Couronne », op. cit., p. 82-83, bail par le chapelain de Saint-Étienne d’Arvert du « maynile contiguum domui quondam Petri Decimarii, presbiteri, in quo olim forum consueverat ».

29 A.N., P 5531, n° 11. Transcription et communication de M. J.-C. Bonnin.

30 A.D. 17, H 76, p. 29 et 5. Un mémoire de 1770 confirme ce document (A.N., QI 129, 3e cahier, f° 122 r°).

31 « Cartulaire de Saint-Étienne de Vaux », op. cit., p. 38, Carta Sancti Augustini. La transaction se conclue par « Actum in cimiterio Sancti Petri de Roiano ».

32 C’est ce qu’indique un accord entre Saint-Vivien de Saintes et son prieuré de Saint-Pierre de Royan, qui mentionne foires et cimetière, mais sans établir explicitement le lien entre les deux (A.N., JJ 78 n° 216 f° 173). Un lien qui devait cependant exister depuis les origines des foires, comme le montrent des documents postérieurs.

33 A.N., JJ 78 n° 216, f° 174 r°.

34 Correspondance administrative d’Alphonse de Poitiers, éd. A. Molinier, t. I, p. 743 : « (...) Veniens ad nos vir religiosus frater Petrus, minister domus Sancte Trinitatis de Ponte Thaleburgi, nobis conquerendo monstravit quod, nuper in nundinis Sancti Jacobi mota controversia inter ipsum et quendam mercerium in cimiterio domus sue supradicte, fidelis noster Gaufridus Febet, miles, post ipsum ministrum, clamavit : « ad mortem, occide presbiterum », et in ipso clamore dicti militis idem presbiter graviter percussis fuit et in capite vulneratus ».

35 Enquêtes administratives d’alphonse de Poitiers, éd. P.-F. Fournier et P. Guébin, p. 85 § 58 (1259) : « Nos reddidimus priori de Frontigniaco decimam in locatione stallorum cohue que facta fuit in cimiterio, sicut pacificatum fuit per episcopum Xanctonensem et comitem Marchie, in cujus tempore dictus prior expletavit dictam decimam usque ad tempus guerre ». Voir aussi p. 120 § 3 (1262) : « Quiptavimus etiam et quiptamus dictum comitem de VI s. annui redditus, quos percipere solebat prior ejusdem loci [de Frontenay] in cohua dicte ville ratione decime assignate dicto prioratui a comite Marchie per ordinationem episcopi Xanctonensis, pro eo quod dicta cohua sita erat in cimiterio dicte ville ».

36 Le concile de Rouen de 1231 interdit de bâtir des constructions dans les cimetières, et le IIe concile de Lyon de 1274 proscrit d’y tenir des foires ou un quelconque commerce (B. Jacqueline, « Les foires et marchés dans les statuts synodaux des diocèses normands », Revue historique de droit français et étranger, 4e série n° 2, année 1975, p. 271). Cf infra, Troisième partie, chapitre IV, p. 349.

37 « Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. A. Bardonnet, op. cit. p. 130-131 (1246) : « pro hala de Fronteneio de novo facienda, et uno molendino de novo faciendo, LV lib. XVIII sol. ».

38 Comptes de l’Angoumois sous la domination royale (1376-1378), éd. C. Poitou, p. 55 : « Du droit que le roy prent sur la foyre qui se tient ou cimetière en la feste de saint Nicholas d’yver (...) ».

39 A.N., P 5561, n° 701 (1528).

40 A.N., P 5551, n° 525 bis (1508) et B.M.L.R., ms. 116 (Mi 106) p. 590.

41 « Cartulaire saintongeais de la Trinité de Vendôme », éd. Ch. Métais, A.H.S.A. t. XXII, p. 267-268 : le prieur d’Olonne donne à bail tout ce que son prieuré posséde à Mons « pour le prix de quatre livres (...) payés à moi, prieur, ou à qui cause aura, en chacune foire de saint Michel, archange, en cymentère de l’église de Notre-Dame de Rié, à heure de tierce ».

42 C. Masse évoque « le cimetière de Saint-Jean où se tenoit autrefois le marché » (Recueil des plans de La Rochelle, feuille 7, plan de 1572 complété par le géographe au XVIIIe siècle, et feuille 9, reproduction par Masse d’un plan poitevin de 1627). J.-B.-E. Jourdan, dans le plan de La Rochelle en 1685 qu’il a dressé à partir des documents originaux, inséré à la fin du premier volume de ses Éphémérides Historiques, note la présence, longeant l’extrémité orientale du cimetière de Saint-Jean, d’une « rue des halles ».

43 M. Seguin, « Un épisode des ‘amusements de Xainctonge’ : Agrippa d’Aubigné et le combat de Jonzac (15 mai 1570) », R.S.A. nouv. t. XIII, 1987, p. 22, note dans sa description topographique de la bourgade que le cimetière de l’église Saint-Gervais accueillait des foires et marchés, sans citer ses sources. Lors de la démolition de la halle de Jonzac en 1758, le marché fut transféré sur la place de l’ancien champ de foire, près de l’église parroissiale (M. Seguin, Jonzac aux XVIIe et XVIIIe siècles, p. 51).

44 La société laïque dans les pays de la Charente…, op. cit., p. 438. Les bourgs nés autour des établissements religieux dotés par les seigneurs (Barbezieux et le prieuré Notre-Dame, Pons et l’Hôpital Neuf...) ont « presque toujours, une vocation économique soulignée par l’octroi de foire et de marchés ». C’est cette même vocation économique qui est systématisée à l’occasion du mouvement de création de villes neuves (ou plus précisément de villes-marchés) aux XIIe-XIIIe siècle, dont Villeneuve-la-Comtesse est un exemple isolé en Saintonge.

45 Cette vocation du bourg comme débouché banal à l’économie seigneuriale explique les problèmes rencontrés par les moines de Baigne à la fin du XIe siècle, dont le bourg jouxtait celui de Mainard de Cyresio, entraînant des conflits de juridiction seigneuriale fâcheux, dont la question des droits de vente est l’une des composantes (cf supra, p. 84-85).

46 P. de Fleury, « Chartes saintongeaises de l’Abbaye de la Couronne », op. cit., p. 141 : un acte de désistement sur une pêcherie près d’Archiac est réalisé « apud Archiacum, extra castrum, in mercatorio ».

47 Rotuli chartarum… éd. Th. Duffus Hardy, p. 180.

48 Il s’agit de la place des Petits-Bancs actuelle, qui est située près de la tour de la Grosse Horloge, dernier reste d’une des portes du mur d’enceinte portuaire.

49 « Chartes et documents poitevins en langue vulgaire, t. I », éd. M.-S. La Du, A.H.P. t. LVII, p. 310.

50 C. Masse, Recueil des plans de La Rochelle, feuille 7.

51 Cf supra, première partie, chapitre II, p. 95-97.

52 Les foires de Saint-Jammes sont l’archétype même de ce modèle : elles se tiennent dans un vaste espace, celui des prairies bordant la Charente face à Taillebourg, et au débouché d’un point de passage important, le pont où l’axe Saint-Jean-d’Angély-Saintes (mais aussi, au-delà, Poitiers-Bordeaux) franchissait la Charente. Elles sont néanmoins nées dans l’enclos cimitérial évoqué au chapitre précédent, même si elles le débordèrent vite, avec l’essor de leur fréquentation.

53 « Réclamations par Foulques de Matha (...) de ses droits sur la ville de Saintes, et réponses du procureur du roi de France », éd. P. Marchegay, Bull. Com. Trav. Hist. et Scient., année 1883, p. 32-36.

54 Masse, Recueil des plans de Saintonge, feuille 8.

55 A.N., P 584, n° 8, où un aveu mentionne en 1363 « la rue par ou l’en vait des petiz bancz au pont de Xaintes ». Ces petits bancs étaient ceux du marché, dont la place formait un carrefour où étaient proclamés les avis royaux (Documents originaux et inédits sur l’Aunis et la Saintonge, éd. P. Marchegay, p. 89 à 93, 1445).

56 Études, documents et extraits relatifs à la ville de Saintes, op. cit., p. 192. Il est alors question de déplacer le marché, « qui est depuis la porte du pont jusqu’au canton où l’on souloyt tenir la bouscherie », pour remédier aux accidents que son exiguïté cause.

57 « Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. A. Bardonnet, op. cit., p. 112-113 : « victualibus venditis super pontem Xanctonis, scilicet : de II doliis vini, CVIII sol. De III sext. fabarum, XX sol. De X libris cere et L libris sepi, XL sol. De VI baonibus, LX sol. De carbone, XX sol. De alliis et sepibus, X sol. De sale, X sol. Summa : XIII libr. VIII sol. ». C. Masse, en 1716 encore, note à propos de Saintes qu’on y tient la boucherie les samedis et les marchés sur le pont (Recueil des plans de Saintonge), feuille 8.

58 « A. Barbot, Histoire de La Rochelle, t. I », éd. Denys d’Aussy, A.H.S.A. t. XIV, p. 214. Le pont Saint-Sauveur était aussi baptisé « pont mouclier ». Les activités marchandes sur les ponts ne sont pas des spécificités saintongeaises. On les retrouve à Arles au Moyen Âge (Compte rendu du Congrès archéologique d’Arles de 1876, p. 487), ainsi qu’à Paris (pont au Change du bras gauche de la Seine) ou dans les villes italiennes (Ponte Vecchio de Florence)…

59 A. Giry, Les Établissements de Rouen..., t. I, p. 293, rapporte une enquête réalisée après la construction des halles. Les bénédictins affirmaient que le terrain où elles avaient été bâties leur appartenait, et qu’ils y touchaient des droits de vente des foires aux bestiaux qui s’y tenaient : « quando nundine erant, venderius abatie portabat bursam et accipiebat vendam bestiarum, vaccarum, porcorum ibi venditarum ».

60 Voir notamment les « Registres de l’échevinage de Saint-Jean-d’Angély », op. cit., qui mentionnent régulièrement ces bancs du marché.

61 Enquêtes administratives..., op. cit. p. 139.

62 « Documents extraits des registres du Trésor des Chartes relatifs à l’histoire de la Saintonge et de l’Aunis », éd. P. Guérin, A.H.S.A. t. XII, p. 201-206.

63 Voir le plan de la ville médiévale donnée par R. Favreau dans Cognac, cité marchande. Urbanisme et architecture, cahier de l’Inventaire n° 20, p. 8. La rue reliant la porte angoumoisine et le prieuré Saint-Lèger était également bordée d’une place où l’on trouvait encore à la fin du XVe siècle plusieurs étals de marchands (A.D. 17, 20 J 10, f° 10 r°, 1491), signe du rôle des rues urbaines transversales dans la polarisation du commerce.

64 A. Debord, La société laïque dans les pays de la Charente…, op. cit. p. 441.

65 Ce minage est indiqué sur le plan de Claude Masse de 1714 (Recueil des plans de Saintonge, feuille 46), et occupe apparemment le même site que la platea blayeyra mentionnée à la fin du XIIIe siècle (« Chartrier de Pons, t. I, archives de l’Hôpital neuf de Pons », éd. Georges Musset, A.H.S.A. t. IX, p. 211, 215, 296).

66 C. Masse, Recueil des plans d’Aunis et de Poictou, feuille 34. La topographie de la halle, attestée régulièrement depuis le XIIIe siècle, n’a sans doute pas beaucoup évolué jusqu’au plan de 1719.

67 C. Masse, Recueil des plans d’Aunis et de Poictou, feuille 27. Là encore, la continuité des sources mentionnant la halle permet de souligner la pérennité du site depuis le XIIIe siècle : si celles-ci furent endommagées lors de la guerre de Cent ans, l’on a vu qu’elles furent réparées in situ. C’est « la veye par ou l’en va dau port au Moucles dreit a la quohue » qui nous renseigne sur l’existence de ces dernières en 1289 (« Cartulaire de l’abbaye de la Grâce-Dieu », éd. G. Musset, A.H.S.A. t. XVII, p. 178-179), et en 1513 est mentionnée « la grand rue comme l’on va de la halle au port » (A.D. 17, H suppl. 109, aveu et dénombrement de l’abbaye de Saint-Léonard-des-Chaumes au seigneur de Marans, f° 5).

68 Cozes, plan cadastral de 1833.

69 « Cartulaire de l’abbaye Saint-Étienne de Vaux », op. cit., p. 109 et 111.

70 « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », éd. G. Tortat, A.H.S.A. t. XXIX, p. 121.

71 « Les comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. G. Musset, R.C.A.M. t. XIV, 1897-1898, p. 110-124.

72 Correspondance administrative d’Alphonse de Poitiers, op. cit., t. II p. 430-431 : « Seur ce que nous avon entendu par vos lettres que vous ne poez affermer nos hales de la Rochelle, ce ne nous deites vous pas quant vous nous loastes que nous les feissiens, mes vous nous deites moult de foiz, si comme nous nous recordon, qu’elles nous vaudroient moult se elles estoient fetes. Pour laquel chouse nous nous merveillons que elles ne nous valent (...) et pour ce sambleroit que ce fust esloingnement à ce que les devant dites hales ne nous vaussissent riens (...) ».

73 Cf supra, p. 107-108, nos précisions sur les infrastructures du commerce local rochelais.

74 Correspondance administrative d’Alphonse de Poitiers, op. cit., t. I, p. 69-71.

75 « Chartes saintongeaises de l’abbaye de la Couronne », op. cit., p. 82-83. Cf supra, p. 180, note 28. Des foires et marchés ont en effet continué de se tenir à Arvert, puisqu’ils sont mentionnés dans l’aveu et dénombrement d’Archambaut de Périgort en 1365 (A.N., P 584 n° 92).

76 Cf supra, première partie, chapitre III, p. 127-130.

77 A.D. 17, 1 J 353, inventaire des titres du comté de Matha par Barbazan, 1757, tome I, p. 391-392. L’analyse de l’acte de rétablissement des assemblées sur le grand carrefour en 1485 est citée supra, p. 109. Le marché du XIIIe siècle était également à proximité de la rue saunière de Matha (ibid., p. 175, 1315).

78 Ibid., 1 J 356-21, registre sans date du XVe siècle, f° 26 v° : « (...) pour ung vergier tenant d’un bout le chemin que l’on va des vielx bancs de Mastaz droit aud. lieu de Saint-Jehan [d’Angély] (...) ». Ces vieux bancs, qui sont ceux du grand carrefour, s’opposent aux bancs apparaissant au f° 24 r° : « (...) une maison et vergier tenant au chemin comme l’on va des bancs de Mastaz en descendant vers le chasteau (...) ». Ces derniers étaient aussi mentionnés dans le registre de 1438-1439, f° 4 r° : « Guillaume Salomon sur sa grange et vergier qui fiert au chemin que l’on va des bancs de Mastaz en descendant vers le chastel V s. ». Le censif de Matha de 1533-1534 mentionne également, f° 51 r°, « (...) une maison assise devant les vieulx bancs, près de la ruhe que l’on va au marché de Marestay ».

79 A.D. 17, 1 J 353, p. 175 (1315).

80 Dans cette bourgade, l’aveu du prieur de Saint-Savinien au prince d’Aquitaine (1363) mentionne une poissonnerie et une halle au bord de la Charente, remontant certainement au XIIIe siècle, qui communiquent avec les quais du port fluvial qui les approvisionnaient : il y est question de « la grant rue de sur le port de Saint-Savinien par laquelle l’on vait à la poissonnerie » et d’une maison « en la poissonnerie tenant d’un cousté à la cohue sous leschalle du kayage » (A.N., P 584, n° XVI). Un autre aveu, de 1418, mentionne les mêmes détails (A.N., P 553, n° 333).

81 Abbé M. Brodut, Tonnay-Charente et le canton, t. I, p. 153, citant les registres de l’échevinage de Saint-Jean-d’Angély (15 novembre 1384) : « (...) C’est à scavoir que laditte Jehanne Panère et laditte Guillette auroient faict une compaignie et parsonnerie entre elles, come marchandes publiques que elles sont, que de toutes les danrées et marchandises que elles et chascune d’elles méneroient et feroient mener et vendroient en l’oust, au siège qui estoit nagaires pardavant la ville et chastel de Taunay-Charante, chascune d’elles auroit et prendroit la moitié en prouffit (...) ».

82 « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 335-336.

83 A.D. 17, H 76, p. 25.

84 Nous avons déjà démontré la permanence de la fonction d’échanges des principales villes fortifiées pendant la guerre de Cent ans, permanence qui se traduit aussi dans la topographie commerciale (cf supra, première partie, chapitre III, p. 143-147).

85 « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 48-49.

86 Ibid., p. 96.

87 Ibid., p. 122 : une maison est en 1580 bordée par « le chemin qui va de la halle à la porte de Saint Savin ».

88 Elle est figurée sur la vue de la ville donnée dans la Topographie française de Chastillon, f° 196.

89 « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 121.

90 C. Masse, Recueil des plans de Saintonge, feuille 99. Un document de 1580, qui mentionne le « chemin qui va de Taillebourg à la halle de Saint Savinien » démontre le maintien du site de la halle, en faisant écho au « grand chemin du marché à Taillebourg » de 1345 (« Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 122 et 121).

91 A.N., 2 AP 13, pièce 10.

92 A.N., P 5522, n° 211.

93 Ordonnances des Rois de France… t. XVIII, p. 203, d’après A.N., JJ 201 n° 82.

94 A.D. 17, E 346, p. 10 : « (…) le champ de la foyre dudit lieu tenant au grand chemin de Ponz » (1547).

95 A.D. 17, 20 J 28-2, censif de 1552, p. 291. Une maison est située sur « le chemyn par lequel on va de la halle d’Escoyeulx a Sainct Jehan d’Angely ». Les foires d’Écoyeux sont créées en 1500 (A.N., JJ 232 n° 149, f° 77).

96 C. Masse, Recueil des plans de Saintonge, feuille 56. La halle signale le site du marché médiéval.

97 A.D. 86, registre n° 361 (terrier de Beauvais-sur-Matha, 1491-1506). Édité par C. Nau, Contribution à l’histoire de l’Aunis et de la Saintonge pendant la guerre de Cent ans, tome II, p. 79, 81, 103 etc.

98 Celle-ci était relevée par A. Debord, La société laïque dans les pays de la Charente, op. cit. p. 441-442, qui n’avait cependant pas noté la proximité de la topographie de Jonzac avec celle de Cognac ou Barbezieux.

99 Recueil des plans de Saintonge, feuille 33. Les assemblées de Rioux sont octroyées en 1473 (« Saint-Eutrope et son prieuré », éd. L. Audiat, A.H.S.A. t. II, p. 297, note), et celles de Gémozac sont enrichies de deux foires en 1530 (A.N., JJ 2451). La halle y est mentionnée au cours de la première moitié du XVIe siècle (A.D. 17, E 246, censif de 1547).

100 A.N., JJ 245 A, n° 262 bis f° 73 v° (mai 1530).

101 A.N. JJ 259 n° 59, f° 39 v°.

102 Ordonnance des rois de France... t. XV, p. 363-364 (1462).

103 A.N., JJ 253 A n° 69 f° 22 v°, où il est dit que « Corpignat est assiz et scitué en bon et fertil pays ou habonde grant quantité de biens et marchandises pour lesquelles vendre » sont demandés foires et marchés.

104 Cf supra, première partie, chapitre IV, p. 159.

105 Les foires de Saint-Jammes, déplacées à Taillebourg pendant la guerre, sont rétablies en 1445 (« Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 335-336). Le bail de la prairie de Saint Jammes par le seigneur de Taillebourg « à la charge par les preneurs d’en laisser treize journaux pour le champ de la foire qui se tient audit lieu le jour de saint Jacques (...) » est daté de 1555 (ibid., p. 345). A titre de comparaison, le grand champ de foire de Mirambeau au XVIIIe siècle représente 2 journaux 27 carreaux. Le journal, surface labourable par un homme en un jour, varie certes beaucoup.

106 A.D. 17, H 76, p. 29.

107 A.N., JJ 235, n° 104 f° 17 (1501), création des foires et marchés de Saint-Disant-du-Bois.

108 Études, documents et extraits relatifs à la ville de Saintes, op. cit., p. 192 : « Translation du marché de la ville de l’endroit qui est depuis la porte du pont jusqu’au canton où l’on souloyt tenir la bouscherie, au lieu pres le Temple du cymetière de Saint-Pierre, commençant au carrefour de la maison de feu Jehan Ogier, tirant le long de la Grand-rue aux maisons des héritiers de Jacques Panier, en la quelle il y a place grande et spacieuse et mesmement plusieurs porches ou ballets pour retirer le peuple pour l’injure de la pluie. Le premier lieu estait fort incommode, et estait advenu plusieurs inconveniens tant envers les femmes grosses qui avaient esté advortées, gens rompus par les chevaulx, le bout de la plante des pieds coupé par les charrettes, le lieu n’ayant que dix à douze pieds de larges ».

109 « Registres de l’échevinage de Saint-Jean-d’Angély, t. III », éd. Denys d’Aussy, A.H.S.A. t. XXXII, p. 177.

110 Cf supra, p. 185.

111 « Cartulaire de l’abbaye de Saint-Cyprien de Poitiers », éd. L. Redet, A.H.P. t. III, p. 289.

112 « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 124-125.

113 A.D. 17, H 67, document de 1557, f° 6 v° et 11 v°, ainsi qu’une note de l’abbé Cholet au dos de ce même acte, mentionnant en 1542 une maison qui se tient « de la foire aux boeufs aux deffends ». La métonymie est régulièrement employée dans la documentation, comme lors de la mention du forum de Saint-Jean-d’Angély, désignant la place du marché en 1263 (Enquêtes administratives d’Alphonse de Poitiers, op. cit., p. 139).

114 A.N., JJ 209, n° 119, f° 68.

115 A.D. 17, E 346, p. 10 et suiv.

116 « Recueil des documents concernant le Poitou…, t. VII », éd. P. Guérin, A.H.P. t. XXVI, p. 99.

117 Pour Pérignac, « Cartulaire de l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély, tome II », éd. G. Musset, A.H.S.A. t. XXXIII, p. 237 (1549), et pour Cherves, A.D. 17, 20 J 10, censif de Cherves de 1536, f° 16 r°.

118 A.H.S.A. t. XL, p. 440-441.

119 A.D. 17, H 76, p. 29.

120 B.M.S., ms. 632.

121 A.N., JJ 140 n° 22, f° 21.

122 Cf supra, introduction, p. 52.

123 Ainsi à Saint-Jean-d’Angély, où est mentionné le quartier des Bancs (Stannis) en 1319 (« Documents extraits des registres du Trésor des Chartes relatifs à l’histoire de la Saintonge et de l’Aunis », op. cit., p. 202). Les bancs, régulièrement attestés dans la documentation des XIVe-XVe siècles, occupaient le canton des Changes, et la rue qui y menait s’appelle encore « rue des Bancs ». À La Rochelle, le carrefour des Petits-Bancs, qui existe toujours, est attesté en 1278 (« Chartes et documents poitevins en langue vulgaire, t. I », op. cit., p. 198), mais les bancs y apparaissent dès la fin du XIIe siècle (A.H.S.A. t. XI, p. 22), comme lieu des opérations de change (Rotuli Chartarum, éd. Th. Duffus Hardy, p. 137-138 et 180, et Rot. litt. claus., éd. Th. Duffus Hardy, p. 425). À Saintes enfin, les bancs, mentionnés dès le milieu du XIIe siècle (« Cartulaire de l’abbaye royale de Notre-Dame de Saintes », op. cit., p. 52-53), donnent leur nom à un carrefour en 1363 (A.N., P 584, n° VIII).

124 « Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. A. Bardonnet, op. cit., p. 5.

125 Enquêtes administratives d’Alphonse de Poitiers, op. cit. p. 85.

126 A.D. 17, 1 J 353, p. 175 et 561-562, et 1 J 356-2, registres de comptes de 1439 et 1478, censif de 1534…

127 « Cartulaire saintongeais de la Trinité de Vendôme », op. cit., p. 174-175.

128 « Chartrier de Pons, t. I, archives de l’Hôpital neuf de Pons », op. cit. ; « La maison de Rabayne en Saintonge », éd. Ch. Dangibeaud, A.H.S.A. t. XIX, p. 102 (1373)…

129 « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 77.

130 B.M.L.R. ms. 285-15 et 285-16.

131 A.D. 17, 1 J 460.

132 A.D. 17, 20 J 10, f° 10 r° : plusieurs estaux occupent une place bordant la rue reliant la porte angoumoisine et le prieuré Saint-Léger.

133 Cf supra, p. 189.

134 « Terrier de Beauvais-sur-Matha », éd. C. Nau, Contribution à l’histoire de l’Aunis et de la Saintonge pendant la guerre de Cent ans, tome II, p. 81, d’après A.D. 86, 3 H 1, registre 361, avec une transcription erronée de « vieux bancs » en « vieux Baves », que démontre la même mention et écriture de « vieux bancs » à Matha. L’expression « quarreffour des vieulx Baves » (« Baves » étant l’ancienne transcription de Beauvais) ne signifiait d’ailleurs pas grand chose. Pour nos remarques sur les vieux bancs de Beauvais, cf supra, p. 192.

135 « Compte de l’Angoumois sous la domination royale (1349-1350) », éd. L. Imbert, B.S.A.H.C. année 1917, p. 124-125.

136 B.M.L.R., ms. 2466, f° 10 v°.

137 A.N., P 584, n° XVI.

138 Roccafortis, 2e série t. II, n° 2, année 1967, p. 44, où il est question du « banchage » des chairs mortes et vives ainsi que de celui du poisson.

139 Cf infra, troisième partie, premier chapitre, sur la dimension symbolique de la foire et de la halle.

140 A.N., P 584, n° 16 aveu du prieur de Saint-Savinien : « Item l’arbergement qui fut Jehan Aigoulin en la poissonnerie tenant d’un cousté à la cohue (...) ».

141 « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 121.

142 Ordonnances des rois de France... t. V, p. 605-607. Lors de l’autorisation royale de déplacement du marché du dimanche au samedi et d’octroi de deux foires en 1372, les religieux affirment qu’ils ont joui du marché « par l’espace de vint et cinq ans et plus ».

143 A.N., JJ 140 n° 22, f° 21.

144 A.D. 17, H 76, pièce 25 et pièce 2, p. 29.

145 A.N., P 5531 n° 11, transcription et communication J.-C. Bonnin : « Item tien et advouhe atenir en et soubz ledit hommage ma cohue de Salles, touz droiz de cohuage et de vente et d’une foyre faitte chescun an ondit lieu, le jour de Saint-Denys ».

146 « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 96.

147 Ibid., p. 77 : les bancs apparaissent dans les confrontations d’une maison « tenant aux bans de la ville, d’autre à la grande rue qui va à saintes, d’un bout à la venelle qui touche à la Charente ». La halle, régulièrement attestée dans les confrontations de maisons, se tient près de la rue saunière, du bourg saint-Pierre, et de la porte de Saint-Savin (ibid., p. 84, 95, 96, 122…). Ces emplacements des pôles commerciaux de la ville répondent tout à fait aux logiques topographiques mises en évidence pour le XIIIe siècle, de même que la dissociation entre site du marché et site de la foire.

148 Des travaux y sont effectués en 1344 (B.N., PO 2043, fr. 28 527, dossier 46 636, n° 6 et 7), et au début des années 1440 elle est le siège de la juridiction royale (R.C.A.M. t. III, p. 50).

149 Elles sont réparées en 1343 (B.N., fr. 20 584, n° 56) et l’aumônerie Notre-Dame est bâtie à proximité en 1429. L’on trouve par ailleurs plusieurs mentions des bancs de la boucherie dans les registres de l’échevinage, ainsi que la cession d’une place sous la poissonnerie en 1416 (« Cartulaire de Saint-Jean-d’Angély, t. II », op. cit., p. LXV).

150 La grande boucherie est arrentée en 1348 (B.M.L.R., ms. 3113, 3e partie, p. 106), et elle est à nouveau mentionnée en 1372 (B.N., fr. 16 909) ; la poulaillerie est attestée en 1419 (A.N., X1c 118, n° 15) ; la sardinerie en 1353 (A.N., JJ 89 n° 204, f° 92) et 1439 (A.N., JJ 195 n° 1395) ; la poissonnerie en 1423 (B.M.L.R., minutes de Boutin, f° 28) et 1439 (A.N., JJ 195 n° 1395) ; la halle à vendre le pain en 1355 (A.N., JJ 89 n° 208, f° 93 v°) ; la mercerie en 1354 (A.N., JJ 86 n° 33, f° 13 v°), 1375 (A.N., X1c 31, n° 8) et 1381 (A.N., JJ 129 n° 167, f° 105) ; des vieilles halles sont signalées en 1390 (A.N., JJ 139 n° 3, f° 12).

151 B.M.L.R., ms. 2474. Elles sont à nouveau mentionnées en 1363 (A.N., P 584 n° 66).

152 A.H.S.A. t. XV, p. 146-151.

153 « Compte de l’Angoumois… », éd. L. Imbert, op. cit., p. 121 et 126.

154 Compte de l’Angoumois sous la domination royale, éd. C. Poitou, p. 55.

155 B.M.S., ms. 523-5.

156 A.H.S.A. t. I, p. 57-60. En 1406, à Cozes et Saujon, « passé à quarante ans (…) il n’y a point de marchié et (…) le païs est desert pour la guerre » (A.N., P 5552, n° 272).

157 La « mensura qua emitur et venditur in foro Saujonii » est signalée en 1236 (« Cartulaire de Notre-Dame de la Garde en Arvert », éd. Grasilier, t. I des Cartulaires inédits de la Saintonge, p. 132), et une rente de 50 livres, perçue sur les revenus du marchés et mentionnée en 1406 (A.N., P 5552, n° 272), remonte apparemment au XIIIe siècle.

158 J. Chapelot, « Société rurale et économie de marché », R.S.A. nouv., t. I, p. 99, note 135.

159 Ce mouvement a été mis en évidence plus haut, et concerne les nouvelles halles, plus ou moins précisément datées, de Marennes et Cozes (seconde moitié du XVe siècle), Beauvais-sur-Matha (1452- 1491), Cognac (avant 1477), Saujon (vers 1476), Jonzac (1473-1513), Montlieu (1482-1525), Dompierre (début XVIe siècle), Mirambeau (avant 1518), Écoyeux (1500-1514). Cf supra, p. 170-171.

160 B.M.L.R., ms 2691 (Mi 139) fol. 3 bis v° et 104 r° (recette de la seigneurie de Châtelaillon). Elle réapparaît dans le registre de 1472 (Ibid., ms. 2692 (Mi 139), fol. 9 r° et 103 r°).

161 Favreau, « le commerce du sel en Poitou », op. cit., p. 223.

162 B.M.P., Dom Fonteneau, t. XXVII bis, p. 734.

163 R.S.A. anc., t. XIV, p. 138, note. La halle, installée à Baigne, était commune avec Montausier.

164 B.M.L.R., minutes de Gréher, ms. 171.

165 A.D. 17, H suppl. 184.

166 Abbé Barbotin, « chartrier d’Échillais », d’après des copies manuscrites de l’auteur, B.M.S. ms 141. L’abbé, p. 113, mentionne une cédulle « atachée contre le poteau de la ville du dict lieu de Soubise ». Nous n’avons pu vérifier sur l’original, mais cette lecture nous paraît fautive, du fait de la proximité entre « halle » et « ville » dans la graphie du XVIe siècle. La redondance « ville du dit lieu de Soubise » parait clairement incohérente, et ne se retrouve dans aucun autre document. Bien au contraire, un acte de 1481 sur un procès entre les habitants de Saujon et le seigneur du lieu se conclut par l’imposition d’une cédulle royale « au poteau de la halle » du bourg (P. Marchegay, Documents originaux et inédits..., op. cit. p. 103-105). La lecture « halle » semble ici aussi préférable. D’autant que, depuis au moins 1340, le seigneur de Soubise possède des marchés dans sa terre (A.N., JJ 72 n° 213, f° 143), ce qu’il rappelle en 1502 (A.N., P 5551 n° 487). La présence de halle était donc tout à fait crédible dans un centre commercial dont plusieurs chartes de Barbotin rappellent le dynamisme.

167 A.N., P 5573, n° 1110.

168 A.D. 17, E 346, censif de Gémozac, p. 8, 10, 11, 13 etc. En 1540 sont également mentionnés la poissonnerie et le minage de la bourgade (« La maison de Rabayne en Saintonge », op. cit., p. 62, note).

169 Site des enchères des fermes du domaine royal de Saintonge (A.H.S.A. t. VIII, p. 414, 1455), les halles de Saintes sont réparées en 1455-1456 (B.N., fr. 26 084, n° 6966). En 1503, elles servent également de tribunal royal (B.M.S., ms. 25 554 bis MAR, n° 82).

170 Un auditoire royal est installé sous la halle en 1469 (R.S.A. anc. t. XXXIX, p. 101-102). Cette dernière est encore mentionnée en 1481 (A.N., JJ 207 n° 114, f° 56 v°) et en 1483 (A.D. 17, H suppl. 410).

171 B.M.P., ms. 563 (1495).

172 B.M..L.R., ms. 2691, 1459 et 2692, 1472 (Mi 139).

173 « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 78 (1455), et A.H.S.A. t. XIX, p. 121 (1493).

174 La halle, vétuste, est mentionnée en 1484 (A.N., 1 AP 181, f° 64-69), puis à la fin du XVe siècle (B.M.L.R., Mi 106) et en 1513 (A.D. 17, H suppl. 109).

175 En 1480 un banc est arrenté sous la halle (A.D. 86, 3 H 1 – 272), et un accord entre les bouchers et le commandeur de Bourgneuf est conclu en 1493, à propos des bancs occupés par eux sous cet édifice (ibid.).

176 « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 125 (1493) et 121 (1520).

177 A.D. 17, H 67.

178 La grande halle marchande de Cognac est mentionnée en 1535 (A.H.S.A. t. XV, p. 233-236). C’est elle qui fit l’objet des travaux de reconstruction mentionnés au cours de la seconde moitié du XVe siècle (cf supra, p. 170).

179 La « halle à vendre le pain » est mentionnée à La Rochelle en 1355 (A.N., JJ 89, n° 208 f° 93 v°). Dès la fin du XVIe siècle existe dans le quartier du Temple une autre halle « où se vend le pain que plus des trois quart des habitans de La Rochelle mangent » (C. Masse, Recueil des plans de La Rochelle, légende de la feuille 59, figure 3). Celle-ci a été construite sur l’emplacement de l’église des Templiers détruite par les protestants (J.-B.-E. Jourdan, Éphémérides historiques, tome II p. 89-90). À Cognac, la paneterie est mentionnée en 1482 (« La maison de La Madeleine à Cognac », op. cit., p. 143-144). Elle est déplacée près du cimetière en 1500 (B.M.C., MM 32, p. 402-405).

180 La boucherie de la Rochelle, mentionnée en 1286 (Marchegay, « Chartes de Fontevraud... », p. 158), est transformée en 1460 (« Amos Barbot, Histoire de La Rochelle », éd. Denys d’Aussy, A.H.S.A. t. XIV, p. 339) par la reconstruction de la Grande boucherie. La Poulaillerie y est régulièrement attestée au XVe siècle (A.N., X1c 118, n° 15, JJ 199 n° 154, f° 93 v°, Éphémérides historiques, t. II, p. 59). Les bancs de la boucherie de Saint-Jean-d’Angély sont régulièrement mentionnés dans les registres de l’échevinage. Quant à la boucherie de Saintes, on la trouve reportée près du pont sur le plan de Masse, mais une triperie est mentionnée en 1388 (Michaud, Histoire de Saintes, p. 110) et 1420 (R.C.A.M. t. XIV, 1897-1898, p. 258). Un banc de boucher y est arrenté en 1494 (B.M.S., ms 10 MAR jou 24) tandis que le métier de boucher avait été réglementé en 1486, signe d’une communauté marchande bien structurée (Lacurie, Monographie de Saintes, p. 217-220). À Surgères est mentionnée en 1542 une maison « assise devant la halle pres la boucherie » (A.D. 17, H 67, note de l’abbé Cholet au dos d’un document de 1557). D’autres boucheries sont mentionnées à Pons (A.D. 17, H suppl. 183, 1510 et 184, 1525) et Marennes (A.D. 17, H 76, pièce 2), Barbezieux (B.M.P., ms. 563), sans que l’on sache toujours si ce bâtiment est distinct de la halle marchande. Deux boucheries existent à Cognac en 1535 (A.H.S.A. t. XV, p. 233-236).

181 La poissonnerie de La Rochelle est mentionnée depuis le début du XIIIe siècle (Rotuli Chartarum, op. cit., p. 137-138), et un banc y est indiqué en 1423 (B.M.L.R., Minutes de Boutin, f° 28). Poissonnerie et sardinerie y sont évoqués en 1439 (A.N., JJ 195 n° 1395). La poissonnerie de Saintes est mentionnée en 1505 (A. Michaud, Histoire de Saintes, p. 126). À Saint-Jean, la poissonnerie est attestée à plusieurs reprises dans les registres de la commune. Celle de Saint-Savinien existe depuis au moins 1368, et est encore en place en 1418 (A.N., P 584, n° 16 et P 553, n° 333). À Gémozac, elle est attestée en 1540 (A.H.S.A. t. XIX, p. 62, note), et à Cognac, où était levée en 1350 une coutume des poissoniers de mer (« Compte de l’Angoumois… », éd. L. Imbert, op. cit., p. 124) elle est déplacée en 1500 (B.M.C., MM 32, p. 402-405).

182 Il faut également signaler le rôle joué dans la diffusion des halles par l’obligation, au XVIe siècle, de construire ces édifices pour bénéficier de créations d’assemblées commerciales, comme on l’a vu à Authon en 1584 (A.H.S.A. t. XL, p. 440-441).

183 F. Michaud-Fréjaville, « Belles foires et marchés du Berry, XIVe-XVIe siècle », Foires et marchés dans les campagne de l’Europe médiévale et moderne, op. cit., p. 99.

184 D’après les « comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. G. Musset, R.C.A.M. t. XIV, 1897-1898, p. 110- 120 pour le terme de l’Ascension, et 120-124 pour celui de la Toussaint 1261.

185 « Et pour ce sambleroit que ce fust esloingnement à ce que les devant dites hales ne nous vaussissent riens (…) », d’après Alphonse de Poitiers (Correspondance administrative d’Alphonse de Poitiers, t. II, éd. A. Molinier, p. 430-431 (1261-1263).

186 « Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. G. Musset, op. cit. p. 113-114 : « Pro II ferraturis faciendis in pignone, ex parte ville de Rupella (...). Pro faciendis fundamentis parvorum murorum, ex parte maris (...) », et p. 120-121 : « Magistro Johanni Le Plastrier (...) pro muris ville levandis et reparandis ad altitudinem dictarum halarum et fenestris in dicto muro faciendis (...) ».

187 Voir le plan donné par J.-B.-E. Jourdan à la fin du tome I de ses Éphémérides Historiques de La Rochelle.

188 « Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. G. Musset, op. cit. p. 113-114 : « (...) pro fossis faciendis sub columpnis dictarum halarum (...), pro terra removenda et adequanda (...), pro terra remota de camera privata et pro fundamento faciendo (...), pro faciendis fundamentis parvorum murorum, ex parte maris (...) », et p. 120-121 : « (...) pro fossatis privatarum faciendis (...) ».

189 Ibid., p. 113 : « lathomo qui facit muros halarum de Rupella (...), pro lapidibus et lathomis (...) ».

190 Ibid., p. 113-114 : « Pavatori qui pavavit curiam, scilicet tesiam (...), pro terra apportanda pro pavamento (...) ».

191 Ibid., p. 120-121 : « Magistris qui approbaverunt opus carpentarii qui fecit halas (...). Item pro operibus factis per manum magistri Johannis Carpentarii (...) »

192 Ibid. p. 113-114 : « Magistro qui tegit dictas halas de adesia (...) », et p. 120-121 : « Guillelmo Empestreville pro residuo dictarum halarum tegendarum (...) ».

193 Ibid., p. 113-114 : « Pro ferraturis duarum fenestrarum lucannes (...). Pro ferrata domus de porta (...). Pro ferraturis fenestrarum de cameris privatis (...) », et p. 120 : « Pro ferratura IX fenestrarum, ex parte maris (...), Pro ferratura IX fenestrarum, ex parte maris [sic. pour ville] (...), pro quadam duodena fenestrarum coleisses pro merramento ipsarum (...) ».

194 Ibid., p. 113 : « Pro cisterna halarum de Rupella facienda (...) ». Cette mise en place d’une citerne témoigne de l’importance du bâtiment, dont la surface de toiture permettait l’approvisionnement du réservoir d’eau par le biais de tuyaux (« pro tribus canalibus (...) », p. 113-114).

195 Ibid. p. 120-121 : « Pro marramento sex graduum factis in dictis halis (...). Magistro Johanni le Plastrier pro duobus gradibus lapideis factis in dictis halis (...) ».

196 Ibid. p. 120-121 : « Pro duabus giroetis in domo ex parte maris (...) ».

197 Ibid. p. 120-121 : « Magistro Johanni Le Plastrier (...) pro muris ville levandis et reparandis ad altitudinem dictarum halarum et fenestris in dicto muro faciendis (...) ».

198 Il s’agit du plan de Braunius, où les halles sont notées L.

199 Alphonse avait en effet, à Saintes et à Saint-Jean-d’Angély, profité de la construction des halles pour prendre le contrôle d’une part ou de l’ensemble des revenus commerciaux, souvent au détriment des autorités féodales qui les possédaient jusque là. À Saintes le comte, en faisant bâtir à ses frais la halle sans faire participer Foulques de Matha (qui possédait la moitié des droits commerciaux de la ville, notamment sur le foirail où l’édifice fut construit), accapara ainsi l’ensemble des droits de celle-ci, ce dont protesta plus tard vainement Foulques (« Réclamations de Foulques de Matha... », éd. P. Marchegay, op. cit.). Et à Saint-Jean, l’abbé, qui percevait les droits des foires qui se tenaient à l’emplacement de la halle, se fit littéralement usurper ceux-ci, lorsque le comte fit bâtir l’édifice. Ses réclamations donnèrent lieu à une enquête qui ne paraît pas avoir conclu en sa faveur (A. Giry, Les Établissements de Rouen..., op. cit., p. 293). Voir nos remarques sur ces affaires dans notre troisième partie, chapitre I, 1, p. 283-284.

200 Correspondance administrative d’Alphonse de Poitiers, t. II, op. cit., p. 430-431 : « Seur ce que nous avon entendu par vos lettres que vous ne poez affermer nos hales de La Rochelle, ce ne nous deites vous pas quant vous nous loastes que nous les feissiens, mes vous nous deites moult de foiz, si comme nous nous recordon, qu’elles nous vaudroient moult se elles estoient fetes. Pour laquel chose nous nous merveillons moult que elles ne nous valent. (...) Pour quoi nous vous mandons que vous querez toutes les bonnes voies que vos porrez, par quoi les devant dites hales qui nous [ont] assez cousté, si comme vous savez, et que nous avon fet fere de vostre conseil, nous vaillent au plus que vos porrez en bone maniere ».

201 Ibid., t. I p. 69-71.

202 D’après le tableau des revenus et dépenses d’Alphonse de Poitiers donné par Édgard Boutaric, Saint-Louis et Alphonse de Poitiers..., p. 347 (l’année 1261 manque).

203 Le terme, même mal latinisé, ne souffre aucune discussion : il s’agit bien d’une halle (« cohue »), puisqu’il est question à Saintes, plus loin dans le même document, d’un « forum bladi (...) in propria cohna Domini Regis ».

204 Foedera..., éd. Th. Rymer, t. II, partie 1, p. 142 : « (...) Dedit intellegi domino de Credonio quod, si ibidem construeretur domus, vocata cohna, Rex lucraretur quinquagentas libras rendales ; et modo facit eam construi, quae bene decostavit domino Regi quadringentas, vel quingentas libras, et non valebit per annum quicquid dicat, centum solidos ».

205 B.M.C., MM 32, p. 402-405 : un banc de boucher est arrenté 40 sous par an « à telle condition que ledit Chastagner sera tenu frayer pour sa part a la mize quy sera requise pour fere plancher, couvrir et rabiller bien et a point le lieu où en de present lesdites panetières vandent le pain tellement quyl soit propre et convenable pour metre et tenir les bans de lad. poissonnerie à vendre le poisson et pareillement pour fere les bans desdites panetières bons et convenables pour vandre le pain au lieu dessus déclaré avecq led. Mathurin Fouquer, Matheu Gaulur, Jean Marchandat, Jean de Lespine, Henri Medit dit Sablon et Ithier Moricet ausquels nous avons baillé le surplus de ladite poissonnerie lesquels sont aussy tennuz frayer chascun pour sa part ausdites reparacions et icelles fere fere à leurs propres coustz et despanz en leur fournissant en nos bois et forestz les bois necessaires pour ce fere seullement ».

206 « Comptes d’Alponse de Poitiers », éd. G. Musset, op. cit. p. 113 : « Pro fenestris cohue Xanctonensis reparandis, IIII lib. III sol. ».

207 Enquêtes administratives d’Alphonse de Poitiers, op. cit., p. 288 : « Restituantur Guillermo Bricou LX sol. pro quodam bove, quem ceperunt gentes domini comitis violenter ad ducendum marranum pro cohua Xanctonensi, qui bos erat defuncti Johannis Bricou, patris sui, cujus heres existit et mortuus fuit dictus bos in via, pre nimio labore gravatus ».

208 B.N., PO 2043, ms. fr. 28 527, dossier 46636 n° 6 et 7.

209 « Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. G. Musset, op. cit. p. 121 : « Pro halis Sancti Johannis reparandis, LXXII s. VI d. ».

210 Comptes Royaux, t. I, éd. R. Fawtier, compte la sénéchaussée de Saintonge, p. 381 : « pro halis Sancti Johannis reparandis, tegendis et pro una aula ibidem de novo reffecta ». Ces travaux coûtent la forte somme de 36 livres et 15 sous.

211 Ibid., t. II, p. 162-163 : « Pro operibus ale sive cohue Sancti Johannis Angeliaci, per compotum prepositi ibidem : CXII l. VIII s. ». La somme totale des dépenses de la sénéchaussée d’après ce compte se monte alors à 521 livres 409 sous 60 deniers.

212 B.N., fr. 20 584, n° 56 : « ès foires de la sainct Luc dernières passées Guilaume Arche prevoust de Sainct Jehan Dangély avoit baillé, délivré et paié (…) la some de sexante onze livresquatre soulz deux deniers et maille (…) en la reparacion des hales de la ville ».

213 « Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. G. Musset, op. cit. p. 113-114 : « Pro halis Sancti Candidi, XLI s. », et p. 121 : « Pro quatuor milia tegule ad opus halarum Sancti Candidi, et pro ipsis tegendis, LX s. VI d. ».

214 Comptes royaux, op. cit., t. I, p. 379 : « pro eadem cohua tegenda et reparanda » ; ibid., t. II, p. 162- 163 : « pro cohua et prisione Sancti Xandrii reparandis et recoperiandis, per ballivum Magni Feodi, LXIII l. XIV s. ». Rappelons qu’en 1305 les halles de Saint-Xandre avaient rapporté 26 livres (ibid., t. II, p. 156). Le déficit de gestion du bâtiment excédait donc les 37 livres pour l’année 1305-1306. Heureusement pour les finances royales, ces travaux n’étaient qu’occasionnels...

215 « Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. A. Bardonnet, op. cit., p. 130-131.

216 Comptes royaux, t. II, op. cit., p. 162-163.

217 « Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. A. Bardonnet, op. cit., p. 95.

218 Ibid., p. 130-131.

219 En 1469, l’auditoire du roi est installé sous la halle, entraînant des travaux (R.S.A. anc., t. XXXIX, p. 101-102).

220 D’importants travaux sont réalisés en 1455, après plus d’un siècle de laisser-aller (B.N., fr. 26 084, n° 6966).

221 À Esnandes en 1521, la « fenestre de la cohue » ne rapporte plus rien « parce que tout est tombé par terre », témoignage des mésaventures qu’attendaient les seigneurs peu enclins à restaurer régulièrement leurs halles (B.M.L.R., ms. 284, f° 46 et suiv.). Bien souvent, l’incurie des responsables de l’entretien des halles aggravait les dégradations liées au temps, comme nous avons pu le voir à Niort en 1354 (« Recueil des documents concernant le Poitou…, t. III (1348-1369) », éd. P. Guérin, A.H.P. t. XVII, p. 177-178). A Talmont en 1290 le roi d’Angleterre mandait déjà à Jean de Reda de faire réparer, notamment, les halles du lieu « que erant quasi destructe » (Rôles Gascons, éd. Ch. Bémont, t. II, p. 548 § 1790).

222 Enquêtes administratives d’Alphonse de Poitiers, op. cit., p. 200 : « Absolvatur dominus comes ab impeticione dictorum Brientii et Agnetis, uxoris sue, quantum ad usagium cohue, quia quantum ad cohuam usus non est probatus ».

223 A.H.S.A. t. XV, 1887, p. 149. Nous avons corrigé la transcription erronée du baron de la Morinerie qui mentionnait les gurhues, les lettres q et e pouvant prêter souvent à confusion dans l’écriture du XVe siècle, date du vidimus de cette charte. L’éditeur dit l’original conservé à la B.M.S. Malgré nos recherches, il ne nous a pas été possible de le retrouver pour vérifier cette transcription.

224 « Recueil des documents concernant le Poitou…, t. I (1302-1333) », éd. P. Guérin, A.H.P. t. XI, p. 35.

225 « Jonzac et Ozillac », éd. Denys d’Aussy, A.H.S.A. t. XX, p. 266 (1513, procès de liquidation et partage de la seigneurie de Jonzac entre les héritiers de Regnauld de Sainte-Maure).

226 A.N., 1 AP 181 f° 64-69, précompte de la seigneurie de Marans dressé en 1484 pour le partage de la succession de Louis de la Trémoille, trascription et communication de J.-C. Bonnin : « Item, sur le revenu de la hasle, dont dessus est faicte mencion en plusieurs articles, convient déduire pour les répparacions d’icelle par ce que de présent elle est fort fraille et en ruyne, la somme de quarente solz pour l’entretenement d’icelle seulement ».

227 A.H.S.A. t. IV, p. 192-195. Les fermes avaient légèrement baissé en 1261, avec 800 livres pour Saint-Jean-d’Angély et 640 livres pour Saintes (« Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. G. Musset, op. cit., p. 110-111).

228 « Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. A. Bardonnet, op. cit., p. 4 et 7.

229 Comptes royaux, op. cit., p. 154. Rappelons l’évolution des fermes commerciales d’Esnandes au XVIe siècle (cf supra, p. 167-168) : la hausse de celles-ci, régulière jusqu’en 1567, s’accélère brutalement suite à l’établissement de nouvelles foires, avant le retour à des niveaux plus raisonnables, mais très supérieurs à ceux d’avant 1567. L’on est en présence ici du même modèle, où la halle joue le rôle de révélateur de l’essor commercial aux yeux des enchérisseurs. L’aspect symbolique du bâtiment, en la matière, joue à plein.

230 L’on a expliqué en introduction la fiabilité de la représentation des halles de Saintes dans le plan de 1560 (cf supra, p. 46). On y retrouve les toits d’ardoises, les fenêtres, et surtout les deux bâtiments d’Alphonse et du roi Édouard qui les composaient. Braunius place cependant, de manière fantaisiste, l’édifice à côté du couvent dominicain. Pour connaître l’emplacement précis des halles, il faut se reporter au plan du début XVIIIe siècle de Claude Masse.

231 C’était l’avis de Claude Masse en 1718, à propos de la grande boucherie de La Rochelle, bâtie en 1460 : « Elle n’a rien de remarquable. Ce n’est qu’un grand engart mal disposé basty de charpente et fort obscur (...) » (Recueil des plans de La Rochelle, légende de la feuille 23).

232 A.N., JJ 210 n° 13, f° 11 (mai 1483), où l’on mentionne « un conex ou pertuis par où l’en gectes les immondicitez de la boucherie de la dicte ville », par où passe un jeune boucher rochelais pour entrer en ville lorsqu’il revient de nuit de la campagne et trouve les portes de la place fermées.

233 Voir le plan de la commanderie réalisé en 1786, A.D. 86, 3 H 1, registre n° 399. La halle, presque carrée, possède une sorte d’appentis.

234 R.S.A. anc., t. XXXIX, p. 101-102, compte de la sénéchaussée de Saintonge de 1469-1470, éd. H. Stein : « A Jehan de Thoyrac, écuier, seigneur de Béons, la somme de XVII s. VI d. t., qu’il avoit sur deux places assises à Saint Jehan d’Angély, esquelles deux places l’auditoyre de mondit seigneur est à présent, en la halle ».

235 « La commanderie du Breuil-du-Pas », éd. abbé Grasilier, R.C.A.M. t. III, 1875-1876, p. 50 : Jacques de Pons « vint en la halle du Roy ainsi qu’on expédioit les causes, et veut courir sus au juge ». En 1503, une sentence criminelle est rendue « au hault parcquet et auditoyre de la halle de Xaintes » (B.M.S., ms. 25 554 bis MAR n° 82).

236 « La hale (...) où est le dit four et le tout sous le même toit (...) » (1758), A.H.S.A. t. XXVIII, p. 255.

237 Une note en marge d’un article de 1491 du terrier de la commanderie mentionne « ung puys situé et assis en la halle de mond. Seigneur » (A.D. 86, 3 H 1, registre 361, f° 251). À Saint-Jean-d’Angély, Brillouin mentionne la « Halle du Puits » (Réveillaud, Histoire de la ville, commune et sénéchaussée de Saint-Jean-d’Angély, p. 116, note). C’est là un phénomène courant : en Albigeois, la halle de Cordes est célèbre pour son puits médiéval, profond de 113 mètres.

238 « Censif du prieuré de Saint-Vivien de Saintes », éd. L.-H. Hude, A.H.S.A. t. L, p. 134 : « Boutiques que l’hôtel de ville doit avoir sous les halles de la ville de Saintes, 28 janvier 1612 ».

239 Un document de 1316 qualifie ainsi la halle de Barbezieux de domus mercati (« Chartes sur les premiers seigneurs de Barbezieux », éd. de La Martinière, A.H.S.A. t. XL, p. 233).

240 Enquêtes administratives d’Alphonse de Poitiers, op. cit., p. 139, 1263 : « Nos reddidimus et restituimus Johanne Pascaude, Sancti Johannis Angeliacensis, Arnaudo et Renaudo de Foro, possessionem locationis domorum suarum, sitarum in foro Sancti Johannis Angeliacensis, in quibus mercatores solebant vendere nummatas suas, de quarum locatione mandatum domini comitis volebat habere medietatem ; et injunximus et precipimus de mandato et voluntate comiti, ne senescallus, prepositus, vel servientes in servitio domini comitis constituti recipiant vel occupent aliquid de locatione dictarum domorum, dum tamen cohue fuerint tote plene, ita quod non possit plus intrare (..) ».

241 Actes du Parlement de Paris, éd. É. Boutaric, t. I, p. 94, n° 999 : un arrêt déclare que les habitants de la ville ne pourront déposer de marchandises dans une halle qu’ils avaient fait construire que lorsque la halle royale de Pont-Audemer serait pleine (1265).

242 Correspondance administrative d’Alphonse de Poitiers, t. I, op. cit., p. 62 : « (...) Derechief que il treitent o ceus de La Rochelle et à autres genz, s’il voient que bien soit, des hales monseigneur le conte de ce liu, et pour soufrir de vendre les marchandises en leurs osteus, qu’ils ne pueent fere sanz la volenté de monseigneur le conte, si comme l’en dit, et la graigneur que l’en pourra trere de ceste chose en boene manière, qu’ele soit trete. Et apraignent missires Jehans [de Nanteuil] et mestre Guichart, savoirmon se misire li coens puet deffendre qu’il ne vendent les marchandises en leurs osteus sanz la volenté monseigneur le conte ».

243 Ibid., p. 69-71.

244 A.D. 17, H 76, pièce 25.

245 « Registres de l’échevinage…, t. III », op. cit., p. 177.

246 A.D. 17, 1 J 353, p. 391-392, 7 avril 1485 : « (...) Par le même acte on voit encore que procès estoit mû entre ledit seigneur de Montbron et Dame Yolande de Montbron dame de La Chapelle et de Chevallon et lesdits habitans touchant lesdittes foires et marchez, a été convenu que tous ceux de laditte ville qui établiront audit marché, hors leurs fenestres, luy feront devoir annuel pour chascun estant ou stal III sols tournois de rente payable à la Saint Eutrope ».

247 L’on trouve effectivement mention, dans le censif de Matha de 1533-1534 (A.D. 17, 1 J 356-21, f° 106), au terme de la saint Eutrope, de 22 bancs payant chacun un cens de 3 sous.

248 A.N., P 5561, n° 971 (26 mai 1539), aveu du seigneur des Gonds de « la moictié par indivis des droictz, proffictz, revenuz et esmolumenz queulxconques de la prévosté de Xainctes (...), droitz de foyres et marchez, passages, repassages, plassaiges, fenestraiges, mynages (...) ». À Esnandes, l’on trouve le même droit de fenêtrage (B.M.L.R., ms. 260, 277, 279, 280, 284 f° 46 et suiv.). Ce droit est fréquemment mentionné dans les aveux et dénombrements.

249 Dénombrement du marquisat de Barbezieux, 19 juillet 1771, A.H.S.A. t. XV, 1887, p. 374 et suiv. À Poitiers au XVe siècle, il était également courant que les bouchers étalent leurs marchandises à leurs fenêtres (R. Favreau, « La boucherie en Poitou », op. cit., p. 311).

250 A.N., P 5531, aveu de la baronnie de Châtelaillon. Transcription et communication de M. J.-C. Bonnin.

251 B.M.L.R., ms. 2691 (Mi 139), f° 180 v° et 183 v° et ms. 2692 (Mi 139), f° 167 r°.

252 « Registres de l’échevinage de Saint-Jean-d’Angély, tome I », éd. Denys d’Aussy, A.H.S.A. t. XXIV, p. 175 : « Guaga l’amande Jehan Arnaut de ce qu’il avoit esté au davant des marchans pour achanter blez dehors la ville en préjudice, et emprez le cri ; item, a guagé l’amande de ce qu’il a tenu minage chez soi en préjudice et emprès le cri ».

253 A.N., JJ 78 n° 216, f° 174 v° : « licebit tam hominibus dicti nobilis de parrochia de Royano vendere intra domos suas et non extra panem et vinum suum et alia comestibilia diebus dominicis, alios autem foraneos sive extraneos ibidem apportare et vendere bona sua comestibilia diebus dominicis dictus nobilis nullatenus paciatur ».

254 « Documents relatifs à l’histoire de la Saintonge et de l’Aunis… », éd. P. Guérin, op. cit., p. 201-206.

255 « Chartrier de Pons, t. I, archives de l’hôpital neuf de Pons », op. cit., p. 326 : un « scissor pannorum laneorum » y est notamment mentionné en 1368. Voir aussi le « Chartrier de Pons, t. II : chartes de la maison de Pons », éd. G. Musset, A.H.S.A. t. XXI, p. 102 : Robert Gilbert, carnifex, et sa femme Pétronille vendent à Pierre Guillaume le Jeune, mercator de Ponte, une rente qui détaille des possessions dans ou près de la rue Saint-Jacques (1324)…

256 A.D. 17, 20 J 10, f° 10 r°.

257 P. Martin-Civat, Histoire de Cognac et des Cognaçais des origines à nos jours, op. cit., t. II, p. 308.

258 La place des Petits-Bancs existe encore actuellement. Elle est mentionnée en 1334 sous ce nom (« Cartulaire saintongeais de la Trinité de Vendôme », op. cit., p. 224), mais il convient de noter la mention des bancs au sens général dès 1199 (A.H.S.A. t. XI, p. 22, qui fait état des blanchis de Rochella). C’était le lieu privilégié des annonces royales au Moyen Âge.

259 « Chartes de Fontevraud concernant l’Aunis et La Rochelle », éd. P. Marchegay, B.E.C. 4e série t. IV, 1858, p. 158.

260 « Documents concernant l’Aunis et la Saintonge... », éd. P. Guérin, op. cit., p. 145.

261 A.N., JJ 89, n° 204 f° 92.

262 A.N., X1C 118, n° 15.

263 B.M.L.R., ms. 2692 (Mi 139), f° 14 r°.

264 « Chartes de Fontevraud... », op. cit., p. 325 (1209).

265 É. Trocmé et M. Delafosse, Le commerce rochelais de la fin du XVe au début du XVIIe siècle, op. cit., p. 4.

266 Cf supra, première partie, chapitre I, p. 75-76.

267 « Chartrier de Pons, t. I, archives de l’hôpital neuf de Pons », op. cit., p. 89 (1315).

268 A.N., 2 AP 15, pièce 17 (1445). De nouvelles foires sont d’ailleurs créées à Mirambeau en 1530 (A.N., JJ 245 A, n° 262 bis, f° 73 v°), qui figure ainsi comme un des principaux sites de foires et marchés de Saintonge.

269 A.N., JJ 245 A, n° 262 bis, f° 73 v° (1530).

270 A.N., JJ 235, n° 104, f° 17 (1501).

271 A.N., JJ 232, n° 149, f° 77.

272 B.M.L.R., Mi 139 (ms. 2691 et 2692 : censifs de 1459 et de 1472).

273 En 1417 plusieurs brigands, essentiellement bretons, opèrent sur ce chemin une série de larcins sur divers marchands, dont plusieurs angériens (« Registres de l’échevinage…, t. III », op. cit., p. 217-219).

274 A.H.S.A. t. I, 1874, p. 87-92 (1491) : création d’un péage à Marans pour l’entretien de cette route. Cette décision succède à des lettres de 1375 qui prévoyaient le même établissement pour le même but (Documents inédits sur le département de la Charente-Inférieure, éd. L. de Richemond, p. 29-30). Il est dit dans le document de 1491 qu’à Marans « affluent et viennent souvant, tant par mer que par terre, plusieurs marchans des pays de Flandres, Picardie, Normandie, Bretaigne, Espaigne et de plusieurs autres pays tant de nostre royaulme que d’ailleurs, pour aller et venir en nostre dicte ville de La Rochelle, et aussi pour venir d’icelle y passent lesdiz marchans et plusieurs marchandises pour aller ès pays de Poictou, Bretaigne, Anjou, le Mayne, Tourayne et autres pais ». D’où la nécessité de « faire continuellement plusieurs grandes reparacions pour les inundacions des eaues qui y affluent et rompent souvantes foiz lesdictes chaussées ».

275 Mervault, Recueil sur la naissance, progrès de La Rochelle, B.M.L.R., ms. 58, f° 162-163.

276 A.D. 17, H 67.

277 Cf supra, p. 197.

278 Cf supra, p. 161-162, les tableaux des revenus des assemblées de la seconde moitié du XVe siècle.

279 A.N., JJ 226 A, n° 198.

280 A.N., JJ 195 n° 28 f° 10. On les voit opérer à Marestay, Beauvais, Jarnac, Vergne, La Jarrie et Fontenay-le-Comte.

281 Ordonnances des rois de France..., t. XV, p. 363-364 (1462) : « Ledit lieu de Saint-Cendre est assis en pays fertil et bien peuplé, prochain de plusieurs bonnes villes, auquel fréquentent plusieurs bons marchands qui souventesfois y ameinent et font passer par icelle plusieurs denrées et marchandises en grand nombre et quantité, que lesdits marchands y distribueroient voulentiers, se audit lieu avoient foires establies (...) ».

282 A.D. 17, 1 J 161-30, p. 100-101 : l’inventaire des titres de la seigneurie d’Andilly mentionne une transaction de 1289 entre le seigneur d’Andilly et le chapitre de l’aumônerie de Villedoux, relative aux droits que prétend exercer le premier sur la terre de Villedoux. Un des articles prévoit que le seigneur d’Andilly « ne puisse avoir cause faire ne dresser ne establir ne faire foire ne dresser ne establir fourches ne ceps ne aucune autre maniere de torment ne de justice (...) jusqu’à une arbaleste loin de lor terre de Villedoux ».

283 A.D. 17, 1 J 161-20.

284 B.M.L.R., ms. 2691 et 2692.

285 B.M.L.R., ms. 300, f° 113 r°. La dame de Dompierre, malgré la fixation des jours de marché au jeudi par lettres royales en 1496, avait pris l’habitude de les faire tenir le lundi à partir de 1518. Le baron de Nuaillé, obtenant son marché le lundi, demanda que ceux de Dompierre soient rétablis au jeudi.

286 « Cartulaire de la Grâce-Dieu », op. cit., p. 286 (1574).

287 Cf supra, p. 161.

288 Il n’est explicitement mentionné qu’en 1340 (A.N., JJ 72, n° 213 f° 143 v°), mais dès 1247 sont vendues dans cette place d’importantes quantités de produits agricoles par Alphonse de Poitiers qui, on a pu le voir, recourait souvent aux marchés (« Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. A. Bardonnet, op. cit., p. 179 et 183).

289 « Cartulaire saintongeais de la Trinité de Vendôme », op. cit. Le commerce du sel y est attesté en 1068 (p. 50-52), et en 1257 est perçu un droit sur le sel vendu à Saint-Agnant, ainsi qu’une maltôte sur les navires fréquentant le port (p. 133-135). Les bancs du marché sont signalés en 1316 (p. 174-175).

290 « Recueil des documents concernant le Poitou… t. XIII (1483-1492) », éd. L. Célier, A.H.P. t. L, p. 84.

291 A.N., P 5552 n° 302, aveu de l’abbesse de Saintes (1469).

292 Le marché est cité pour la première fois en 1236 (« Cartulaire de Notre-Dame de la Garde, en Arvert », op. cit., p. 132), et assurait une rente de 50 livres, comme on l’a vu, aux seigneurs de Didonne depuis sans doute la fin du XIIIe siècle. La halle est couverte de tuile en 1476 (cf supra, p. 211).

293 Deux foires et un marchés y sont établis en 1538 (A.N., JJ 254, n° 199 f° 41).

294 Des foires y sont signalées dans un aveu de 1285 (A.D. 17, 1 J 471), où la bande de Jean Airaut commet divers vols en 1468 (A.N., JJ 195 n° 28 f° 10).

295 Des foires et marchés y furent créés avant 1429, qui rencontrèrent l’opposition de la dame de Matha (A.D. 17, 1 J 369-15), avant qu’un accord soit trouvé en 1432, assurant leur pérennité (ibid., 1 J 353, p. 9- 10).

296 Une foire y est inféodée par le seigneur de Matha en 1218 (A.D. 17, 1 J 353, p. 2).

297 Déplacées à Cognac dès 1349 (« Compte de l’Angoumois… » éd. L. Imbert, op. cit., p. 121 et 124), elles se tiennent en 1536 dans le feriou du bourg (A.D. 17, 20 J 10, censif de Cherves).

298 Attestées régulièrement depuis la fin du XIe siècle (Cartulaire de l’abbaye de Baigne, éd. abbé Cholet, p. 21) les assemblées d’Archiac étaient assez importantes pour drainer des marchands de Jonzac en 1486 (A.N., JJ 225, n° 73, f° 16).

299 Important chef-lieu de châtellenie, Montendre est le premier site de l’extrême sud saintongeais, assez défavorisé, à s’être doté de halles, dès 1317, quoique leur rentabilité ne fût pas assurée (Foedera…, op. cit., p. 142).

300 A.N., JJ 226 A n° 197 f° 119.

301 A.N., JJ 195 n° 28 f° 10 (1468).

302 Un marché, qui y existait avant la guerre de Cent ans, y est rétabli en 1511 (B.M.P., Dom Fonteneau, t. XL, p. 93).

303 R. Favreau, La ville de Poitiers au Moyen Âge…, montre que le transport de marchandises par voie de terre a un coût en forte hausse dès que la distance est supérieure à la journée. Pour rester en deçà des 10- 15 % de frais de transport par terre, il ne faut pas dépasser les 20-30 km. Le coût de transport représente en effet 81,8 % du prix d’achat pour une somme de poisson envoyée en 1440 de Saint-Jean-d’Angély à Poitiers (5 l. 10 s. de prix d’achat, 4 l. 10 s. de transport). Si le contexte de guerre (il fallait faire accompagner la marchandise de soldats) expliquait le coût important, il restait encore élevé en temps de paix.

304 Ces flottes avaient été exemptées des droits prélevés par le seigneur de Taillebourg devant son port entre 1096 et 1107 (« Cartulaire de l’abbaye royale de Notre-Dame de Saintes », éd. abbé Grasilier, p. 62).

305 « Recueil de documents pour servir à l’histoire du commerce et de l’industrie en Angoumois », éd. Babinet de Rencogne, B.S.A.H.C., 1876, p. 302-306 : l’enquête sur la création des foires d’Angoulême en 1503, mentionne notamment les foires de Châteauneuf et Jarnac. Ibid., p. 307-312 : ces foires sont proclamées aux marchés de Vars et Montignac. Le même recueil contient des documents sur les foires de Mansle. Pour les foires, marchés et halle (encore en place actuellement) de Charroux, voir les « Chartes et documents pour servir à l’histoire de l’abbaye de Charroux » éd. P. de Monsabert, A.H.P. t. XXXIX. Les créations de foires et marchés à Vars et Montignac furent entérinées à la fin du XVe siècle par le sénéchal de Saintonge, quoique ces bourgades soient situées géographiquement en Angoumois (A.N., JJ 234 n° 90 f° 49 v°, et JJ 207 n° 52 f° 25 v°).

306 Cf supra, première partie, chapitre I, 4, p. 90-93.

307 Attestées depuis 1243 (« Comptes d’Alphonse de Poitiers », éd. A. Bardonnet, p. 5), elles sont enrichies de nouvelles tenues en 1530 (A.N., JJ 2451, n° 297, f° 82 v°).

308 « État du domaine du comte de Poitou à Chizé », éd. A. Bardonnet, A.H.P. t. VII, p. 80.

309 C’est sous Louis XI que le cours de la Sèvre, après avoir été envasé par manque d’entretien lors des guerres, est rouvert à la navigation (É.-R. Labande (dir.), Histoire du Poitou, Limousin, et des pays Charentais, p. 221).

310 C. Masse, Recueil des plans d’Aunis et de Poictou, feuille 27, 1716. Ce dernier note également la présence d’importantes infrastructures de stockage (pour le bois et le blé, notamment) qui illustraient bien la vocation de la place comme avant-port et centre de transit.

311 L’abbaye de Maillezais possédait des foires depuis le XIe siècle, qui sont mentionnées au milieu du XIIIe siècle à l’occasion d’une plainte de l’abbé à l’encontre des foires de Fontenay-le-Comte, qui se tiennent le même jour et asphyxient celles de l’abbaye (B.N., Clairambault 1021, n° 33). Les « scanna, id est bancos », de Vix, sont évoqués dans le « Cartulaire de l’abbaye royale de Notre-Dame de Saintes », op. cit., p. 150 (1065).

312 B.M.P., Dom Fonteneau t. XXV, p. 179 : en 1170 Aliénor donne à l’abbaye de Maillezais les revenus du marché aux grains (minage) de Maillé.

313 « Cartulaire de Notre-Dame de la Garde en Arvert », op. cit., p. 109 et 111.

314 Les foires et marchés de Mornac sont mentionnés à partir de 1290 (« Matha, Mornac, Royan, Arvert », éd. Denys d’Aussy, A.H.S.A. t. XVI p. 227-228), ceux d’Arvert depuis le milieu du XIIIe siècle (« Chartes saintongeaises de l’abbaye de la Couronne », op. cit., p. 82-83). Le rôle et l’importance de Marennes ont été plusieurs fois évoqué. Voir notamment R. Favreau, « Le commerce du sel en Poitou », op. cit., p. 211 et 216. Son dynamisme commercial, alimenté par le sel, lui permettait d’animer les foires et marchés de deux seigneuries et deux halles différentes (A.D.17, H 76).

315 Ce trafic est bien connu pour la fin du XVe siècle par les registres de la coutume de Royan qui ont été conservés, et détaillent les navires qui passaient devant le port et leur cargaison, édités par G. Musset, La coutume de Royan au Moyen Âge. F. Julien-Labruyère en a réalisé l’étude dans « Le cabotage girondin du XVe siècle », Roccafortis 2e série, t. IV, 1980, p. 1-14.

316 « Recueil des documents concernant le Poitou… t. XI (1465-1474) », éd. P. Guérin, A.H.P. t. XXXVIII, p. 400.

317 B.S.A.H.C. t. IV, 1894, p. XLVII. La concession, apparemment non appliquée, fut renouvelée en 1549 (A.N., JJ 259, n° 59, f° 39 v°). Le bourg est aussi desservi par une route fréquentée « par où affluent, passsent et repassent plusieurs marchans venans et trasficquant avec toute sorte de marchandises, mesmement de bestail et autres denrées ».

318 On y prélève un tonlieu en 1201 (Cartulaire de Saint-Seurin de Bordeaux, p. 345-347), et au XVe siècle y sont mentionnés des foires et marchés relativement actifs (A.N., 1 AP 1928).

319 Enquêtes administratives d’Alphonse de Poitiers, op. cit., p. 185 où il est question des exactions fiscales du prévôt de Talmont sur les panetiers « vendentibus die sabbati in foro panem suum » (1264). Le site qui, on l’a vu, était équipé d’une halle assez ancienne pour être ruinée dès 1290, fait l’objet de deux créations successives de foires et marchés à la fin du XVe siècle (A.N., JJ 218, n° 202, f° 112, 1486, et JJ 222 n° 58, 1491).

320 Édité par P. Marchegay dans la Revue des Sociétés Savantes, 1er semestre 1867, p. 501-502.

321 A.N., JJ 78 n° 216, f° 173 (1266).

322 L’on a déjà vu combien ce site de marché, qui apparaissait dans un document de 829 de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés était sujet à caution. La présence d’un tonlieu à cette date reculée y est néanmoins le signe d’un passage de gens et de marchandises important.

323 A.N., JJ 253 A, n° 95, f° 32 v°-33.

324 Le site de La Madeleine y est néanmoins actif depuis le XIe siècle (« Cartulaire du prieuré de Notre-Dame de Barbezieux », op. cit., p. 145), jusqu’à l’interruption de la foire par les guerres vers 1349 (« Compte de l’Angoumois... » éd. L. Imbert, op. cit., p. 118).

325 L’acte de création des foires et marché de Taillebourg de 1480 permet de montrer l’intérêt d’un site de franchissement pour les communications et, partant, pour les foires et marchés. Une des justifications de la création était en effet que « y passent et fréquentent chacun jour plusieurs bons marchans et autres gens allans et venans de païs en autres portans marchandises et autrement » (A.N., JJ 208 n° 14, f° 7 v°). En face du pont de Taillebourg, dans la prairie de Saint-Jammes, se tenaient d’anciennes foires, attestées à partir du milieu du XIIIe siècle.

326 Foires et marchés dans les campagnes de l’Europe médiévale et moderne, op. cit., p. 9.

327 Ainsi lorsqu’en 1218 le seigneur de Matha concède à son vassal de Mons le droit de tenir une foire à Chevallon (A.D. 17, 1 J 353 p. 2). C’est également le cas de la foire de Saint-Jammes tenue du sire de Taillebourg par les Trinitaires au devoir d’une pelote et de diverses denrées au XVe siècle (« Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 335-336 et 344), ou de la juridiction de l’assemblée de Saint-Ouen possédée par le seigneur de la Gremenaudière en guise de fief de celui de Marans (B.M.L.R., ms. 116, censif de Marans, fin du XVe siècle, p. 590 : Cens dus le jour saint Bertolomé à la foyre Saint Ouain, « le seigneur de la Gremenaudiere devant que prandre nulz droitz en la dite foyre de Sainct Ouain doibt VII s. VI d. et sont tous les droitz de juridicion a monseigneur de Marant jucques a ce que les offissiers dudit Marant ayant levé la bource laquelle bource les meneurs la doibvent bailler et devront bailler pour la faire errer ». Voir également les aveux du seigneur de Marans de 1508 et 1516, A.N., P 5551 n° 525 bis et P 5552 n° 602).

328 L’on trouve simplement mention en 1445 dans ces deux bourgades de droits perçus sur les « vendes des marchandises vendues » et sur les « numbles des chars et lesches et levage des vins » (B.M.S., ms. 537-A, f° 68 r°-v°). Ne méritant pas, aux yeux des contemporains, le statut de foire ou de marché, ces assemblées paraissent occasionnelles, et sans doute liées à la désorganisation des circuits traditionnels d’échanges suite à la guerre : elles se tiennent, à Saint-Sulpice, « au lieu appellé Abrit ». Toponyme significatif…

329 Revue des Sociétés Savantes, 4e série, t. V, p. 501 (1308).

330 « Matha, Mornac, Royan, Arvert », op. cit., p. 227-228 : le document mentionne « totum emolumentum fructus, redditus, existus et proventus (...) de castellaniis nostris Mornacensi et Royanensi provenientes per plures annos receperit et perceperit, et de doictis costumos, mercatis et nundinis et aliis fructibus, provenientibus et redditibus tocius terre nostre (...) ».

331 A.H.S.A. t. XL, p. 419 : « Item ledit [Jacques] de Pons tient aussy du roy à mesme debvoir que ladicte baronnie de Miranbeau, aussy à cause de son comté de Saintonge son chasteau et chastelenie de Plassac (...). Item de laquelle chastelanie a esté distret la seigneurie de Clionet. Laquelle est tenue et poceddée par la vesve et héritière de feu Robert de la Roche-Chandry et a esté baillée par ledict seigneur de Clyonet, par cy devant, à la distraction pour 300 livres de ranthes en assiettes qu’elle vaut par chascun an et plus ».

332 A.N., JJ 245 A, n° 262 bis, f° 73 v°.

333 A.N., JJ 253 A, n° 95, f° 32 v°.

334 A.N., JJ 232, n° 149, f° 77 (janvier 1500 n. s.).

335 A.D. 17, 20 J 28-1 (22 août 1500) : « Charles, comte de Taillebourg (...), consentons que led. de Poulignac, ses successeurs, et qui de luy auront cause, puissent ériger, ordonner et establir audit lieu d’Escoyeulx, estant comme dit est, en et au dedans de notredit comté, troys foyres l’an, (...) desquelles il dit le Roy luy avoir fayt octroy en donnant en mandement et commandement par ces présentes à tous noz justiciers et justiciables présens et advenir, de ne perturber ne donner aucun trouble ne empeschement pour le présent, ne pour l’advenir audit de Poulignac, ne essiens en l’érection ne en la joyssance desd. foyres ».

336 A.D. 17, 1 J 369-15 (16 août 1429), « lectre de complainte en cas de saisine et nouvelleté impectrée » par Aliénor de Périgord dame de Matha contre Isabeau de Vivonne dame de Thors pour protester contre la création par celle-ci de quatre foires et d’un marché à Thors.

337 Ordonnance des rois de France... t. XVIII, p. 203-204.

338 « Saint Eutrope et son prieuré », éd. L. Audiat, A.H.S.A. t. II, 1875, p. 297, note, d’après le fonds de Beaumont de la B.M.S.

339 L’aveu du prieur de Saint-Savinien (A.N., P 584 n° 16, 1363) ne mentionne aucun droit important sur les marchés de cette place, et en 1344 c’est le seigneur de Taillebourg qui accense une place de marché à Saint-Savinien (« Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 121).

340 B.M.L.R., Mi 139 (ms. 2691-2692, 1458 et 1472) : une foire annuelle se tenait à Périgny, La Jarne, Saint-Jean-des-Sables et Salles, dont tous les revenus étaient perçus par le sire de Châtelaillon. Des assemblées commerciales se tenaient aussi à Angoulins où est mentionnée uene halle, où le seigneur ne percevait que les revenus de quelques bancs, le reste des droits commerciaux appartenant sans doute à un autre seigneur laïc ou aux religieux de Saint-Cyprien de Poitiers.

341 A.N., JJ 78 n° 216, f° 173.

342 Cinq foires sont concédées par Audoin, seigneur de Barbezieux, aux religieux entre 1043 et 1060 (« Cartulaire du prieuré Notre-Dame de Barbezieux », op. cit., p. 3-4). Les deux foires laïques, dont celle de la saint Séverin est mentionnée vers 1143, sont affermées en 1316 avec les marchés (ibid., p. 233-234).

343 A.D. 17, 1 J 356-21, censif de Matha de 1533, f° 51 v°, qui mentionne « la ruhe que l’on va au marché de Marestay ».

344 Andilly (1517), Angoulins (1458), Benon (1497), Bourgneuf (1493), Dompierre (1409), Esnandes (1517), La Jarne (1401), La Jarrie (1467), Marans (1441), Marsilly (1409), Périgny (1401), La Rochelle (XVe s.), Saint-Jean-de-Liversay (1497), Saint-Jean-des-Sables (1472), Saint-Martin-de-Ré (1484), Saint-Ouen (fin XVe s.), Saint-Xandre (1409), Salles (1401).

345 La seigneurie de Châtelaillon aux XIVe et XVe siècle, mémoire de maîtrise, Poitiers 1992, p. 62-67.

346 En 1363, l’hommage du seigneur de Dompierre au prince d’Aquitaine ne mentionne que des droits de foires (A.N., P 584, n° 5), et le détail des revenus de la seigneurie lors de l’enquête de 1409 n’indique que la présence de trois foires, qui rapportent cependant 10-12 livres par an, malgré la crise que connaît alors Dompierre (B.M.L.R., ms. 300, f° 15-16). Pourtant en 1375 le seigneur de Dompierre avait protesté contre le transfert du marché de Bourgneuf du dimanche au samedi, affirmant que cela préjudiciait à son propre marché (A.D. 86, 3 H 1-272 et 299, f° 75-76). Même s’il existait alors, ce marché ne semble pas avoir résisté à la concurrence de celui de Bourgneuf, lieu « le plus sollempne et aisé du païs d’Aunys » (Ordonnances des rois de France... t. V, p. 605-607).

347 Foedera…, op. cit., t. III, partie 2, p. 124. Dans ses plaintes au roi d’Angleterre, Jeanne de Surgères proteste contre la tenue du marché à Bourgneuf le samedi (« Come les habitans de Burneof soient et ount comenc marchee el samadie (...) »), qui préjudicie à celui de Surgères se tenant le même jour.

348 Celui-ci est mentionné lors de la proclamation des foires d’Andilly en 1518 (A.D. 17, 1 J 161-20). Il datait des XIVe-XVe siècles puisque l’octroi de 1462 ne concerne que des foires (Ordonnances des rois de France…, t. XV, 363). Le cohuage, mentionné en 1409 (Bib. Arsenal Paris, ms. 137, f° 248, communication de J.-C. Bonnin) et entre 1293 et 1306 (Comptes royaux, op. cit., t. I, p. 378, 379 et 386, et t. II, p. 156) concernait également un marché. À Angoulins, la présence de halle n’est pas forcément le signe de la présence d’un marché : un tel édifice existe à Salles, qui n’a qu’une foire.

349 É. Birrier, La seigneurie de Châtelaillon... op. cit., p. 85, note que le canal de la Moulinette aurait porté un trafic de près de 2 400 tonneaux en 1401 et de 4 840 en 1471. Ces chiffres témoignent par ailleurs de la très rapide reconstruction commerciale aunisienne (achevée avant les années 1460) par rapport au reste de la Saintonge.

350 A.N., JJ 190, n° 187, f° 162 v°, lettre de rémission accordée à « Jehan Chupprat et Colas Godet, povres homes de labour demourans au villaige de Salles en Aulnys ou gouvernement de La Rochelle, contenant que ou mois d’octobre derr. passé lesd. supplians pour gaigner leurs povres vies et de leurs femmes et enfans furent dudit lieu de Salles jusques en la dicte ville de La Rochelle avec leurs beufs et charrettes mener et charroyer du vin pour ung marchant de la dicte ville nonmé Thomas Basset dont ilz avoient chacun tonneau quinze s. ». Cet achat doit apparemment être mis en relation avec la tenue, le neuf octobre, de la foire de la saint Denis à Salles, peu après les vendanges et la vinification (ce qui ne saurait être un hasard).

351 B.M.L.R., Mi 220, f° 18, 22, 33, 42, 43, 57, 69, 73, 75…

352 B.M.L.R., ms. 285, pièce n° 2.

353 B.M.L.R., ms. 300, f° 110-111.

354 B.M.L.R., ms. 2465, compte de la châtellenie de Rochefort, f° 25 r°, et enquête sur la forêt de Rochefort, f° 4 r°.

355 Cf supra, p. 215. Les Desnorp et leurs nombreuses possessions de Salles sont évoquées par É. Birier, La seigneurie de Châtelaillon…, op. cit., p. 62.

356 Cf supra, p. 228.

357 En 1554, le cohuage à Saint-Xandre est estimé à un peu plus de 27 livres par an (R.C.A.M. t. XII, 1893- 1894, p. 498). En 1553, la ferme du « plassage, cohuage, quarentaine, vente de chevaux » se monte à Esnandes à 4 livres (près de 7 fois moins, donc), et encore celle-ci atteint-elle à cette date son plus haut niveau depuis le début du siècle (B.M.L.R., ms. 280).

358 A.N., JJ 211, n° 595, f° 133 : « Le samedi XVIIe jour de juillet derr. passé, le dit suppliant [Jehan Delacourt, dit Danjou, boucher demourant à Nantilly en la paroisse de Marsilly en Aulnis], pour épargner la vie et substentacion de luy, sa femme et enfant, se partit de sa maison et s’en ala à Bourgneuf ou dit païs d’Aulnis pour achapter des moustons et autres bestes pour l’entretenement de sa boucherie, ce qu’il fit (...) ».

359 Réveillaud, Histoire de la ville, commune et sénéchaussée de Saint-Jean-d’Angély, p. 117.

360 A.N., P 5602, n° 1798 (1550).

361 Le « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 344, rapporte ainsi le conflit relatif à la juridiction des foires de Saint-Jammes entre le seigneur de Taillebourg et les échevins de Saintes.

362 Les registres de l’échevinage de Saint-Jean-d’Angély livrent de nombreux exemples de ce procédé. G. David, de Fontenet (six kilomètres de Saint-Jean), vient ainsi vendre en 1332 pour 7 sous de vin dans la ville (« Registres de l’échevinage… t. I », éd. Denys-d’Aussy, A.H.S.A. t. XXIV, p. 67).

363 Cf supra, p. 159-161, divers exemples de cette opinion largement diffusée, jusqu’à l’entourage royal.

364 Ordonnance des rois de France…, t. XV, p. 363-364.

365 A.N., JJ 208 n° 14, f° 7 v°.

366 « Recueil des documents concernant le Poitou…, t. XIII (1483-1492) », éd. L. Célier, A.H.P. t. L, p. 84.

367 Les couvents mendiants ont en effet cherché, du fait des visées de leur prédication, à s’installer en milieu urbain. Leur nombre dans les villes donne donc une idée de l’importance de celles-ci. Cette méthode, introduite par Jacques Le Goff, a été appliquée au Centre-Ouest par Robert Favreau (« La formation d’un nouveau réseau urbain dans le Centre-Ouest du Xe au XIIIe siècle », Les réseaux urbains du Centre-Ouest atlantique de l’Antiquité à nos jours, actes du colloque de Poitiers, 1993, M.S.A.O. 5e série, t. III, 1995, p. 106).

368 Ibid., p 106-107.

369 « Le serment de fidélité des habitants de La Rochelle en 1224 », éd. A. Bardonnet, A.H.P. t. XX, p. 233-261, mentionne 1 360 noms de chefs de famille.

370 B. Chevalier, « Les bonnes villes du Centre-Ouest au XVIe siècle : constellation ou nébuleuse ? », Les réseaux urbains du Centre-Ouest atlantique de l’Antiquité à nos jours, op. cit., p. 116-117.

371 Ibid., p. 118.

372 Foires et marchés dans les campagnes de l’Europe médiévale et moderne, op. cit., avant-propos, p. 11.

373 Ordonnances des rois de France..., t. XVIII, p. 203 (1476).

374 A.N., JJ 245 A n° 262 bis, f° 73 v°.

375 A.N., JJ 259 n° 59 f° 39 v°.

376 A.N., JJ 232 n° 149 f° 77.

377 A.N., JJ 235 n° 322 f° 107 (Boutiers) et JJ 235 n° 104 f° 17 (Saint-Disant).

378 A.N., JJ 226 A n° 197 f° 119.

379 M. Dillay, Les chartes de franchise dans le Poitou, Paris 1927, p. 71. L’article quatre prévoit que les habitants, une fois hors de la ville neuve, ne seront plus tenus de payer au seigneur un droit sur les ventes de porcs, et l’article huit que les bouchers du bourg adopteront le tarif suivant pour la viande vendue au seigneur : douze deniers pour un bœuf, six deniers pour un porc, et quatre deniers pour un bélier.

380 « Recueil des documents relatifs à l’abbaye de Montierneuf de Poitiers », éd. F. Villard, A.H.P. t. LIX, p. 242 : le seigneur de Chizé, en accordant aux religieux de la Foye-Monjault un deuxième marché dans la semaine, demande qu’il ne se tienne pas le même jour que celui qu’il possède à Villeneuve. La Foye-Monjault est d’ailleurs un autre bourg de défrichement, fondé vers 1076 (A. Debord, La société laïque dans les pays de la Charente..., op. cit., p. 337-341).

381 Ibid., p. 240 : « Radulphus, quondam comes Augi, dissaziverat seu spoliaverat ipsos mercato quod die martis et bianno sive cairoe quod die veneris dicebant se habere in villa superius nominata, faciendo mercatum et biannum dictis diebus in villa nostra que vocatur Villa nova et sic transferendo dictum mercatum et biannum ad Villam nostram novam predictam (...) ».

382 Entre 1255 et 1260 les halles de la ville furent bâties sur l’emplacement d’un ancien marché aux bestiaux (A.N., J 1033 n° 9), et l’on trouve de fréquentes mentions aux XIVe-XVe siècle des ventes de bétail ainsi que de porcs (cf par exemple « Registres de l’échevinage… t. I », op. cit., p. 95-96, 1332 et p. 444, 1395).

383 À Saintes les halles sont également construites au XIIIe siècle sur un terrain « or l’on solet vendre beus et vaches » (« Réclamations par Foulques de Matha… », éd. P. Marchegay, p. 32-36. À Saint-Savinien est mentionnée en 1344 une « place ou l’on vend les pourceaux » (« Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 124-125), et en 1476 des « bancs à vendre chair » à Burie (A.D. 17, 1 J 460).

384 Un « lieu establi pour vendre le bestail » y existait en 1481 (A.N., JJ 209 n° 119 f° 68).

385 Selon les bourgeois de Saint-Jean-d’Angély, « ledit païx est fondé sur blé et vin » (B.M.S.J., BB 30, 1434).

386 J.-A. Chartres, « Foires et marchés en Angleterre de 1500 à 1850 », Foires et marchés dans les campagnes de l’Europe médiévales et moderne, op. cit., p. 159-160.

387 G. Duby, L’économie rurale et la vie des campagnes… t. I, p. 235.

388 Andilly (1517), Benon (1497), Bourgneuf (1488), Dompierre (1496), La Jarrie (vers 1520), Marans (1441), La Rochelle (XVe siècle), Saint-Xandre (1518).

389 Cette méthode d’établissement des aires d’influence des foires et marchés a été utilisée avec succès par Jürgen Schneider et Markus A. Denzel, « Foires et marchés en Allemagne à l’époque moderne », Foires et marchés dans les campagnes de l’Europe médiévale et moderne, op. cit., p. 148-151.

390 A.D. 17, 1 J 369-15 (1429). Le règlement du conflit en 1432, perdu, est donné dans une analyse du tome I de l’inventaire des titres du duché de Matha de 1757 (A.D. 17, 1 J 353, p. 9-10, article 3 : la dame de Thors « aura foire aux jours de saint Barnabé et sainte Margueritte et non le jour de saint André, parce que ce jour là il y a foire à Mastas ; pourra ladite damoselle avoir une foire à Thors pourveu que ce ne soit point le jour qu’il y en aura à Mastas »).

391 A.D. 17, 1 J 356-21 : les registres relatifs à la seigneurie de Thors signalent de nombreux tenanciers à Matha.

392 Foedera…, op. cit., t. III partie 2, p. 124 : « come les habitans de Burneof soient et ount comenc marchee el samadie, et puis les guerres, et a Surgeres soit chastiel et chastelleyne, et d’auncien temps ordene la marchee a Surgeres, la quelle choses est en graunt grief et prejudice dudit marchee et ville de Surgeres. Que plese a vestre Roial majesté de mettre tiel remedie, come a droit appartient, et a estée accustume d’Antiquite ».

393 Ibid., p. 125 : « come, par cause des dissenssions et debatz entre lui [sic. pour Jeanne de Surgères] et les habitans de Burt Neof, en temps le roi Johan, n’adgairs Roi de France (...), plusours damages et grevances estoient faitz par la Dame, ses amys et adherentz a les ditz habitatours (...) ».

394 Ordonnances des rois de France…, t. V, p. 605-607.

395 En 1481, c’est par exemple un homme d’Angoulins qui se rend aux foires de Surgères, quoique les deux bourgades soient distantes de 27 kilomètres environ (A.N., JJ 209 n° 119 f° 68).

396 A.D. 86, 3 H 1-272 et 3 H 1-299 f° 75-76.

397 Les commanderies des Templiers et des Hospitaliers..., op. cit., p. 199.

398 L’on a déjà signalé que le marché de Dompierre, qui n’apparaît plus dans la documentation du XIVe siècle, n’est rétabli au jeudi qu’en 1496, puis au lundi à partir de 1518 (B.M.L.R., ms. 300, f°110 v°).

399 A.N., JJ 211 n° 595, f° 133.

400 A.D. 86, 3 H 1-272 : « Semble au conseil soubz script que le seigneur commandeur de Borneuf se doibt pourvoir par complaincte contre les seigneurs et dame de La Jarrye [c’est la démarche qu’avait faite en 1429 la dame de Matha contre celle de Thors] pour les troubles par eulx faictz chacun mercredy de la sepmaine en faisant tenir le marché audit lieu de La Jarrie contre et ou prejudice dudit commandeur seigneur de Borneuf qui est en possession immémoriale d’avoir marché comme il a encores de présent audit lieu de Borneuf ledit jour de mercredy. Et nobste le previlege par eulx obtenu des droitz de foyres et marché actendu la clause y apposée qu’est pourveu que esdits jours ny ayt marché quatre lieux autour (...) ».

401 B.M.S.J., FF 41. L’on a signalé, en 1384, la présence de deux petites marchandes angériennes à Tonnay-Charente lors du siège de la ville par l’armée française (abbé Brodut, Tonnay-Charente et le canton, op. cit., t. I, p. 153). Même due à des circonstances exceptionnelles, cette mention atteste les liens commerciaux entre les deux bourgades, réversibles (des marchands ou des clients de Tonnay pouvaient se rendre aux assemblées angériennes).

402 En 1540 Tonnay-Charente ne possédait en effet qu’un marché le mercredi (A.N., P 5582, n° 1251, enquête sur les droits de la seigneurie).

403 B.M.L.R., ms. 300, f° 113 r°.

404 « Recueil des documents concernant le Poitou… t. IV (1369-1376) », éd. P. Guérin, A.H.P. t. XIX, p. 262, note.

405 « Recueil de documents relatifs à l’abbaye de Montierneuf de Poitiers », op. cit., p. 240 : « Radulphus, quondam comes Augi, dissaziverat seu spoliaverat ipsos mercato quod die martis et bianno sive cairoe quod die veneris dicebant se habere in villa superius nominata, faciendo mercatum et biannum dictis diebus in villa nostra que vocatur Villa nova et sic transferendo dictum mercatum et biannum ad Villam nostram novam predictam (...) ».

406 Ibid., p. 242-243 : « De mercato vero et bianno superius nominatis, inter nos et dictos abbatem et conventum ita convenit quod, exceptis tribus diebus videlicet martis, mercurii et sabbati, in quibus habemus mercata in villis nostris de Chisiaco, de Villa Nova et de Bello Visu, possint et debeant dicti abbas et conventus facere et habere integre, plene et libere mercatum suum et biannum sive cairoe in villa sua de Faya, supradicta duobus diebus cuilibet ebdomada quibus malu erint de quatuor diebus, videlicet dominica, lune, jovis et veneris ». Il semble que Villeneuve-la-Comtesse ait conservé le marché du mardi usurpé au début du XIIIe siècle, puisque les religieux ne peuvent le rétablir.

407 « État du domaine du comte de Poitou à Chizé », éd. A. Bardonnet, A.H.P. t. VII. On y mentionne, p. 82, la « domus fori ». Le chapelain touchait sur les revenus des droits de vente et péage de Chizé dix livres, et Guillaume de Claraval sept livres et demies (p. 80). La part du comte lui rapportait onze livres sur les droits de vente du marché, et cinquante livres sur les revenus du péage (Layettes du Trésor des Chartes, t. III, éd. J. de Laborde, p. 385, recette comtale de 1257).

408 « Répertoire des titres du comté de Taillebourg », op. cit., p. 48. L’enquête répondant à cette demande n’a hélas pas été retrouvée.

409 A.H.S.A. t. I, p. 81-87, extrait du livre de l’Hôtel d’Olivier de Coëtivy, seigneur de Taillebourg.

410 B.M.L.R., ms. 2468, fragment d’un compte de l’Hôtel de Taillebourg de 1450, f° 5 r° : « Le samedi XXVIe jour dudit mois [septembre 1450] mondit seigneur le seneschal estant à Saint Jehan Dangeli pour trois aulnes et demie de noir alui faire une robe longue du pris de deux escux l’ausne valant sept escus pour ce IX l. XII s. VI d. ; pour une aulne de fin noir alui faire ung chaperon de IIII escuz pour ce CX s. ; pour la tonture desdits draps V s. ; à Lancelot cousturier demourant audit Saint Jehan pour la façon desdits robe et chaperon XV s. ; à lui pour deux bourrelez qu’il a mis en ung pour mectre dedans ledit chaperon VIII s. IIII d. ; pour trois manteaux et demy de penne mort à fourrer ladite robe du pris de XL s. chascun valant VII l. ; pour la fourreure de ladite robe X s. ».

411 A.D. 17, 1 J 161-20 (original de la proclamation à La Jarrie et Saint-Xandre), et 1 J 161-30 p. 81 à 83 (inventaire des titres de la seigneurie d’Andilly).

412 « Jonzac et Ozillac », op. cit., p. 339 à 344.

413 A.H.S.A. t. XL, p. 438.

414 A.N., JJ 184 n° 220, f° 147.

415 A.N., JJ 209 n° 119, f° 68.

416 A.N., JJ 226 A, n° 198.

417 A.D. 86, 3 H1-272.

418 A.N., JJ 211 n° 595, f° 133.

419 A.H.P. t. XXV, p. 320 : « Dicit Galterius Raynerii, parrochianus de Boet, quod Guillebertus Bertonneau, prepositus de Benaum, extorsit ab ipso XXX solidos, hac de causa quod ceperat unum canem in nundinis de Benaum, quem canem ipse perdiderat ».

420 « Recueil des documents concernant le Poitou… t. V (1376-1390) », éd. P. Guérin, A.H.P. t. XXI, p. 97-98.

421 B.M.P., Dom Fonteneau t. XVII, p. 645-647.

422 « Registres de l’échevinage de Saint-Jean-d’Angély t. I », éd. Denys-D’Aussy, A.H.S.A. t. XXIV, p. 64, 76, 80, 81, 95.

423 Ibid., p. 174, 182, 200, 202, 232.

424 Ibid., t. II, éd. Denys-d’Aussy, A.H.S.A. t. XXVI, p. 27-31, 154, 222-223, 225, 234, 301.

425 Ibid., t. III, éd. Denys-d’Aussy, A.H.S.A. t. XXXII, p. 123.

426 Ibid., t. III, p. 217, 223, 253.

427 B.M.S.J., FF 28, f° 13 v°.

428 Saudau, Saint-Jean-d’Angély d’après les archives de l’échevinage, p. 156.

429 « Registres de l’échevinage de Saint-Jean-d’Angély t. I », op. cit., p. 53, 57, 62, 66, 67, 81, 91, 96, 83, 87.

430 Ibid., p. 185 et 444.

431 « Registres de l’échevinage de Saint-Jean-d’Angély t. II », op. cit., p. 118, 137, 374.

432 Ibid., t. III, p. 432.

433 Ibid., p. 106, 113-114, 141-142, 292.

434 Rappelons qu’en 1373 Saint-Jean s’est associée à Frontenay dans l’opposition à la création des foires et marchés de Saint-Georges-de-Rex, ce qui témoigne des liens commerciaux que ses foires et marchés y avaient tissés.

435 En cela, la densification du réseau commercial est évidente depuis la fin du XIe siècle, quand Achard de Born, seigneur d’Aujac, renonçait à percevoir des droits sur les produits que les paysans de sa seigneurie venaient vendre lors des foires et marchés de Saint-Jean-d’Angély, à quinze kilomètres de distance (« Cartulaire de l’abbaye royale de Saint-Jean-d’Angély, t. I », op. cit., p. 149).

436 A.H.S.A. t. I, p. 77-81 (compte de 1470) et B.M.L.R., ms. 2468 f° 5 r° (fragment de compte de 1450).

437 B.M.S., ms. 532-2, f° 23.

438 A.D. 17, 1 J 356-21, « 7 cote 2 » dans l’inventaire de 1757, f° 8 à 10 (récolte de 1437) et 22-25 (récolte de 1438).

439 Celui-ci est apparemment spécialisé dans le négoce des blés, puisqu’on le retrouve en 1426 impliqué dans le l’achat et le rapatriement à Saint-Jean-d’Angély d’un chargement de froment d’Asnières (« Registres de l’échevinage…, t. III », op. cit., p. 432).

440 A.D. 17, 1 J 56-21, « 11 cote 2 » de l’inventaire de 1757, f° 106.

441 Ph. Wolff (Commerces et marchands de Toulouse, p. 450) et B. Guenée (« Espace et temps dans la France du bas Moyen Âge », Annales E.S.C., 1968, p. 751-752) parviennent à des évaluations proches : pour le premier les marchands parcourent en moyenne 60 km par jour, et selon le second l’étape journalière d’un homme à cheval varie de 50 à 75 km.

442 G. Chérubini, « Foires et marchés dans les campagnes italiennes au Moyen Âge », Foires et marchés dans les campagnes de l’Europe médiévale et moderne, p. 79.

443 « L’aire d’influence et l’espace de relations économiques de Bordeaux vers 1475 », La ville au Moyen Âge, t. I, « Ville et espace », 120e congrès du C.T.H.S., p. 279-292.

444 D. Margairaz, « La formation du réseau des foires et des marchés : stratégies, pratiques et idéologies », Annales E.S.C., novembre-décembre 1986, p. 1229.

445 B.M.L.R., ms. 300, f° 111-112.

446 B.M.P., Dom Fonteneau, t. XVII, p. 645-647 (1512). Le marché se tenait le jeudi jusqu’à la fin du XVe siècle, quand le seigneur décida de le déplacer au samedi. Subissant alors la concurrence de marchés voisins se tenant le même jour, il fut décidé qu’il serait rétabli au jeudi.

447 « Jonzac et Ozillac », op. cit., p. 266, où l’on parle du mois d’août, « où il y a foire et beaux marchés ». Or le rétablissement des assemblées de Jonzac, en 1473 (ibid., p. 232-235), se bornait à instituer une foire à la saint Christophe (25 juillet) et une à la saint Mathieu (21 septembre).

448 Les lettres royales octroient trois foires, « c’est assavoir la premiere le XXVIIIe jour d’aoust, la seconde le XIIe jour de novembre et la tierce le landemain XIIIe jour dudit moys de novembre » (A.N., JJ 232 n° 149, f° 77). Pourtant dans la lettre du seigneur d’Écoyeux à son suzerain de Taillebourg pour obtenir l’accord de celui-ci à la création, il est dit que ces trois foires se tiennent « la première le huytiesme jour d’aougst, la seconde le onziesme de novembre, et la tierce le tiers jour de février » (A.D. 17, 20 J 28-1).

449 A.D. 17, 1 J 369-15 (protestation de la dame de Matha contre la création de foires et marchés à Thors, 1429) et 1 J 353 p. 9-10 (règlement du conflit, 1432) : « elle aura foire aux jours de saint Barnabé et sainte Margueritte, et non le jour de saint André, parce que ce jour-là il y a foire à Mastas ».

450 Le détail du calendrier des foires d’Aunis-Saintonge au Moyen Âge est donné en annexe.

451 « Belles foires et marchés du Berry, XIVe-XVIe siècle », Foires et marchés dans les campagnes de l’Europe médiévale et moderne, annexe I, « calendrier des foires en Berry », p. 100-102. La comparaison est intéressante en ce que l’échantillon de cet auteur, une quarantaine de sites, est proche du nôtre, à superficie comparable.

452 « Documents extraits des registres du Trésor des Chartes relatifs à l’histoire de la Saintonge et de l’Aunis », éd. P. Guérin, A.H.S.A. t. XII, p. 76.

453 A.N., JJ 64, f° 265 v°, n° 491. Aimable communication de Guy Binot (traduction dans Histoire de Royan et de la presqu’île d’Arvert, avec une erreur : ce ne sont pas deux mais une foire qui est créée par l’acte).

454 Le détail du calendrier des marchés d’Aunis-Saintonge au Moyen Âge est donné en annexe. Nous n’y avons pas mentionné les anciennes tenues de marchés déplacés, comme ceux de Bourgneuf en 1372, d’Aulnay en 1512, ou de Dompierre en 1518, ni ceux qui furent supprimés (marché du samedi de Tonnay-Boutonne) ou abandonnés (marché du samedi de Dompierre au XIVe siècle).

455 « Belles foires et marchés du Berry », op. cit., p. 102, calendrier des assemblées hebdomadaires en Berry.

456 Ordonnances des rois de France... t. V, p. 605-607.

457 J. Schneider, M. A. Denzel, « Foires et marchés en Allemagne à l’époque moderne », Foires et marchés dans les campagnes de l’Europe médiévale et moderne, p. 138.

458 A.N., JJ 222, n° 58 f° 21, création des foires et marchés de Talmont (juin 1491).

459 « Documents extraits des registres du Trésor des Chartes relatifs à l’histoire de la Saintonge et de l’Aunis », op. cit., p. 75-76, charte d’institution de la foire d’Esnandes, 1312 : « inquireret si rei publice illarum partium dicte nundine essent utiles vel dampnose, et si sine prejudicio juris alieni fieri possent ».

460 « Jonzac et Ozillac », op. cit., p. 232-235 : « Audit lieu de Jonzac, a accoustumé avoir de toute ancyenneté six foyres et les marchés chascune semayne, en chascun jour et festes saint Andrieu, saint Matieu, le jour de la conversion saint Paul, le jour de la mi quaresme, le jour et feste saint Jan Porte Latine, et le jour saint Cristofle, jour desdites foyres ».

461 Ibid., p. 343 : « la première desdictes foires nous avons assignée au jour de la feste de sainct Luc prochain venant ; la seconde au jour de la feste des Innocens ; la troisième au jour de la feste de sainct Mathias ; le quatriesme au jour de sainte Croix, au mois de may ; la cinquiesme au jour de la feste de sainct Pierre et de sainct Paul, au mois de juing, et le sixiesme (...) au jour de la feste de sainct Lorans ».

462 La coexistence entre les foires de Jonzac et de Fontaines ne devait se réaliser qu’au XVIIe siècle. Si, en effet, les assemblées de cette dernière place étaient prévues à ces dates par des lettres royales dès 1483, elles ne furent appliquées qu’en 1599, pour des raisons non spécifiées (opposition du seigneur de Jonzac ?).

463 A.N., JJ 245 A n° 262 bis, f° 73 v° (Mirambeau) et JJ 253 A n° 69, f° 22 v° (Courpignac).

464 A.N., JJ 235 n° 104 f° 17 (Saint-Disant) et 2 AP 15, pièce 17 (Mirambeau).

465 L’ensemble de ces faits est rapporté dans le ms. 300 de la B.M.L.R., f° 111 à 113, dans un mémoire du XVIe siècle sur les Geoffroy, seigneurs de Dompierre.

466 Foedera..., op. cit., t. III partie 2, p. 125 (1366) : « Come, par cause de dissensions et debatz entre lui et les habitatours de Bourt Neof, en temps le roi Johan, n’adgairs roi de France, adoncques seignur de celles parties, plusours damages et grevances esoitent faitz par la Dame [Jeanne de Surgères], ses amys et adherentz a les ditz habitatours (...) ».

467 Le marché d’Andilly est créé en 1517 (A.D. 17, 1 J 161-20), et celui d’Esnandes est évoqué en 1566, quand, un jeudi, « jour de marché », est apposé à la halle du lieu le tarif des denrées des hôtelleries et tavernes du bourg (B.M.L.R., ms. 260).

468 Ordonnances des rois de France…, t. XV, 363-364.

469 Celle-ci est mentionnée dans la charte d’institution des foires d’Andilly (A.D. 17, 1 J 161-20 et 1 J 161-30 p. 82).

470 A.D. 86, 3 H 1-272, vers 1520-1530 : pour protester « contre les seigneur et dame de La Jarrye pour les troubles par eulx faictz chacun mercredy de la sepmaine en faidsant tenir le marché audit lieu de la Jarrie », le commandeur est invité à adresser une plainte officielle par le conseil royal, « nobste le previlege par eulx [les seigneurs de La Jarrie] obtenu des droitz de foyre et marché actendu la clause y apposée qu’est pourveu que esdits jours ny ayt marché quatre lieux autour ».

471 A.N., JJ 235 n° 104 f° 17.

472 A.N., JJ 2451 n° 296 f° 82 v° (1530).

473 A.D. 17, 13 M 5-1. Le tableau général des foires de Charente-Inférieure du 19 septembre 1806 mentionne plusieurs foires qui sont l’occasion, avant les moissons ou les vendanges, de louer des ouvriers agricoles.

474 « Belles foires et marchés du Berry… », op. cit., p. 101.

475 Le seigneur de Châtelaillon déclarait ainsi un « banc ou estaut à vendre vin dans le temps de quarante jours en madicte ville de Salles en 1401 (A.N., P 5531, n° 11, transcription et communication de M.-J.-C. Bonnin), qui ne rapportait que 60 sous en 1458-1459 (B.M.L.R., ms. 2691 (Mi 139), f° 174 r°).

476 É. Birrier, La seigneurie de Châtelaillon..., op. cit., p. 53.

477 J. Schneider, M. A. Denzel, « Foires et marchés en Allemagne à l’époque moderne », Foires et marchés dans les campagnes de l’Europe médiévale et moderne, op. cit., p. 146.

478 Nous donnons en annexe un calendrier des foires patronales, qui montre la répartition assez régulière dans l’année de celles-ci. L’on y observe notamment le même pic d’activité en août, la logique patronale ne rompant apparement pas toujours avec celle du calendrier agraire.

479 C’est l’opinion de Jean Favier, dont nous nous sommes fait plus haut l’écho en en montrant la pertinence pour la Saintonge (cf supra, première partie, p. 78).

480 À Marennes en 1451 est ainsi créée une foire le jour la Chaise saint Pierre (A.N., JJ 184 n° 220, f° 147). Saint Pierre était le patron de la paroisse, où l’abbaye Notre-Dame de Saintes tenait déjà deux foires « es deux festes de saint pierre chacun an, es mois de juin et d’aoust », dès avant 1393 (A.D. 17, H 76, pièce 25). À Bagnizeau, c’est en 1538 qu’une foire est établie à la saint Vivien, patron du bourg (A.N., JJ 254 n° 199, f° 41). Le cas est identique à Taillebourg en 1480 avec la foire de la saint Savin (A.N., JJ 208 n° 14, f° 7 v°)…

481 « Chartes et documents pour servir à l’histoire de l’abbaye de Saint-Maixent, tome I », éd. A. Richard, A.H.P. t. XVI, p. 13.

482 « Cartulaire du prieuré de Notre-Dame de Barbezieux », éd. La Martinière, A.H.S.A. t. XLI, p. 3-4.

483 Cartulaire de l’abbaye de Baigne, éd. abbé Cholet, p. 233-234.

484 « Cartulaire du prieuré de Notre-Dame de Barbezieux », op. cit., p. 145 (1083-1106). La Madeleine sur le Né, commune de Criteuil-la-Magdeleine (Charente).

485 Dès 1177 cependant, des foires se tenaient déjà autour du prieuré Saint-Pierre « in festivitatibus sancti Petri », à la juridiction desquelles le seigneur de Didonne avait dû renoncer au profit des religieux de Saint-Vivien de Saintes (B.M.S., ms. 537-A, f° 2 r°).

486 A.D. 17, H 76, pièce 25.

487 A.H.S.A. t. IV, 1877, p. 485, 487, 489-491.

488 Aveu de la baronnie de Châtelaillon, 22 mars 1401, A.N., P 5531, n° 11.

489 « Registres de l’échevinage..., tome III », op. cit., p. 292.

490 « Registres de l’échevinage…, tome I », op. cit., p. 103, note, d’après Guillonnet-Merville, Recherches topographiques et historiques sur Saint-Jean-d’Angély, p. 9. Celui-ci ajoutait la foire de la Toussaint à la liste des foires municipales qui, dit-il, se tenaient « avant la révolution ». Ceci ne saurait cependant, malgré le conservatisme parfois observé en la matière, être automatiquement valable pour le Moyen Âge.

491 « Recueil de documents pour servir à l’histoire du commerce et de l’industrie en Angoumois », éd. Babinet de Rencogne, B.S.A.H.C., année 1876, p. 335 : la foire est citée comme terme pour le versement d’une rente.

492 « Chartes sur les premiers seigneurs de Barbezieux », éd. La Martinière, A.H.S.A. t. XLI, p. 233.

493 « Cartulaire du prieuré de Notre-Dame de Barbezieux », op. cit., p. 8.

494 Cf supra, première partie, p. 66.

495 Enquêtes administratives d’Alphonse de Poitiers, op. cit., p. 197 : « fiat restitutio alte justicie et basse dicto actori nundinarum que sunt prope Taleburgum coram domo Trinitatis annuatim ».

496 A.H.S.A. t. VII, p. 425-426 : le prieur de Saint-Jammes « est tenu, le jour de foire et feste de saint Jacques », de fournir la pelote que les marchands courront.

497 Foedera…, op. cit., t. III partie 2, p. 124 (1366) et Ordonnances des rois de Fance… t. V, p. 605-607 (1372).

498 Enquêtes administratives d’Alphonse de Poitiers, op. cit., p. 125 : le prévôt de Saintes, en raison du préjudice subi, obtient un rabais du montant de sa ferme.

499 Cf infra, troisième partie, chapitre IV, 2, p. 349-356.

500 B.M.P., Dom Fonteneau, t. XVII, p. 646. Ce déplacement se révéla catastrophique : « nya afflué grand peuple, parceque au dit jour y a plusieurs autres marchez ès lieux circonvoisin ». Pour Dompierre, voir B.M.L.R., ms. 300.

501 « Chartes de l’abbaye de Nouaillé (678-1200) », éd. P. de Monsabert, A.H.P. t. XLIX, p. 358-359 : « (...) quorum medietas in Ramis Palmarum, alia vero medietas in nundinis Rogationum solveretur ».

502 « Recueil de documents pour servir à l’histoire du commerce… », op. cit., p. 335

503 « Registres de l’échevinage... tome I », op. cit., p. 88 : « Item sunt d’assentement que P. de Charcoigne soit retenuz au conseil de la ville à XX réaux d’or de pension chacun an en la foire de saint Lucas (...) ».

504 B.M.L.R., ms. 2691 (Mi 139) f° 175 r°, qui porte en titre : « Autres fermes baillees et affermees a la foyre tenue a la Gerne a la maniere accoustumee (...) ».

505 B.M.L.R., ms. 279, greffe de la seigneurie d’Esnandes, 1542-1544 : « les fermes de la terre seigneurie et châtellenie d’Esnandes ont esté baillées ce jourd’huy au plus offrant et dernier encherisseur pour ung an (...) par nous Jehan Rochelle lieutenant es loix seneschal de ladite seigneurie le sabmedy XXIIIe jour de juing aud an [1543] en la halle dudit lyeu ».

506 A.D. 17, 1 J 356-21, f° 6 v° (« 17 cote 2 » de l’inventaire de 1757), recette de la baronnie de Matha 1533- 1534. La foire de la saint Barthélémy, mentionnée en 1438, existait encore en 1622 (1 J 353, p. 437-438).

507 A.N., P 5561, n° 701.

508 B.M.L.R., ms. 116 (Mi 106), p. 590, censif de Marans, fin XVe siècle, et A.N., P 5551 n° 525 bis (1508) et P 5552 n° 602 (1516).

509 Foires et marchés d’Occitanie, op. cit., p. 168.

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Légende Rythme annuel de tenue des foires en Saintonge et Berry
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Légende Les marchés en Saintonge et Berry
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