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Négoce et industrie à Mulhouse

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Isabelle Bernier

Cinquième partie. L’ouverture (1785-1798)

Chapitre 2. Les entreprises

Texte intégral

1Les années 1780 représentent l’âge d’or des manufactures d’impression sur étoffes à Mulhouse : nous assistons à l’élaboration d’un capitalisme industriel, porté par la deuxième génération d’entrepreneurs. Le négociant fabricant cède la place au capitaine d’industrie, qui gère à la fois une société et un centre de production.

I. La deuxième génération de fabricants

A. La formation des fils

2La réussite des pionniers de l’indiennage, concrétisée par l’essor rapide du nombre de manufactures dans les années 1750 et 1760, permet l’implantation durable des fabriques d’impression sur étoffes à Mulhouse. Se pose inévitablement la question de la pérennité de ces entreprises, qui passe par l’existence et la formation d’une « relève » de la classe dirigeante, apte à poursuivre le travail engagé par la première génération de fabricants. Samuel Köchlin, Johann Jacob Feer, Johann Michael Hartmann ou Johann Heinrich Hofer combinent et représentent la transition entre deux activités, alors que la génération suivante, celle des « Herren Fabricanten », se forme au métier de fabricant au sein de l’entreprise paternelle.

  • 1 AMM ; cote VIIIG, 1.
  • 2 AMM ; cote IIB, 3 : p. 245. Règlement du Directoire du 14 mars 1742, article 6.

3Nous disposons, grâce au Directoire du commerce mulhousien, d’un registre des apprentis négociants formés entre 1750 et 17851. Rappelons que les entreprises d’indiennage sont considérées comme partie intégrante du négoce et que les principes d’apprentissage des futurs fabricants sont identiques à ceux énoncés pour les marchands. La formation se répartit sur cinq à sept années : l’apprentissage, d’une durée minimale de trois ans, est suivi d’un emploi de commis chez un négociant ; si cette période de service est effectuée à l’étranger, elle semble compter doublement dans le cursus de l’apprenti. En effet, un jeune qui n’a pas accompli son voyage de formation (que l’on pourrait comparer au tour de compagnonnage des métiers artisanaux), doit demeurer en aprentissage trois ou quatre années supplémentaires suivant la durée déjà accomplie à Mulhouse2. Quatorze ans étant l’âge minimal requis pour entrer en apprentissage, les jeunes négociants achèvent rarement leur cursus avant vingt-et-un ans.

  • 3 ENGELMANN Gottfried : « Chronique de la famille Engelmann de Mulhouse (1450-1898) », dans Le Vieux (...)

4L’unique exemple détaillé de l’apprentissage d’un jeune mulhousien au métier de négociant, est celui de Gottfried Engelmann (né en 1734) : son père, épicier de formation, l’envoie de 1750 à 1753 en apprentissage chez le négociant de Colmar Jean-Frédéric Sandherr. Son cursus se poursuit par un emploi de commis à Vienne (Autriche) durant un an, puis Fiume (Italie) où il travaille cinq années comme comptable. Il est inscrit à la tribu des Tailleurs, celle qui reçoit les négociants, en 17603.

5Nous trouvons plusieurs exemples de nouveaux fabricants associés dès la fin de leur formation, dans une entreprise de toiles imprimées :

  • Peter Thierry, né en 1743, devient l’un des associés fondateurs de la manufacture Jonas Thierry l’aîné et Cie créée en 1764

  • Peter Dollfus, né en 1748, entre dans l’entreprise Nicolaus Rissler et Cie créée en 1768, à la suite de la scission d’Anthès, Feer et Cie

  • le 1er janvier 1777, la nouvelle société Köchlin frères est composée de trois fils de Samuel Köchlin, décédé en août 1776 : Hartmann est né en 1755 et Josua en 1756

  • le 1er janvier 1777, Johann Georg Dollfus né en 1756, s’associe avec Gottfried Heilmann pour créer Heilmann, Dollfus et Cie.

6Le registre du Directoire consacré aux apprentis négociants, mentionne les contrats d’apprentissage des futurs fabricants ; en 1767 et 1785, vingt-cinq fils de manufacturiers mulhousiens sont formés dans l’entreprise où leur père est associé. Un relevé détaillé permet de faire émerger ces futurs fabricants de l’ensemble des cent dix apprentis négociants formés à Mulhouse entre 1764 et 1785 ; nous avons noté, pour chaque raison sociale d’entreprise, le nom de l’apprenti et la période d’apprentissage correspondants.

  • 4 Johann Ulrich Hartmann est le fils du fabricant Johann Ulrich Hartmann décédé en 1770 ; il a déjà e (...)
  • 5 Prénom en français dans le contrat.

Hofer, Rissler et Cie

Johannes Vetter

1er juillet 1765/1er juillet 1768

 

Johann Ulrich Hartmann4

9 juillet 1770/9 juillet 1772

Jonas Thierry l’aîné et Cie

Johann Ulrich Thierry

1er mai 1767/1er mai 1770

 

Josua Graf

1er déc 1770/1er déc. 1774

 

Jonas Thierry

1er mai 1780/1er mai 1785

Johannes Schön et Cie

Johann Bernhard Schön

1er mai 1767/1er mai 1770

 

Jean Louis Schön5

1er mai 1767/1er mai 1770

Tobias Hartmann père et fils

Peter Hartmann

15 avril 1768/15 avril 1771

Hartmann et Cie

Daniel Meyer

1er mai 1768/1er mai 1772

Heylmann, Blech et Cie

Heinrich Heylmann

15 sept 1768/15 sept 1771

Schmalzer et Cornetz

Johann Jacob Schmalzer

1er janv 1769/1er janv 1772

 

Friederich Schmalzer

1er janv 1770/1er janv 1773

Samuel Köchlin

Hartmann Köchlin

1er mars 1769/1er mars 1772

 

Heinrich Köchlin

1er janv 1771/1er janv 1774

 

Josua Köchlin

24 juin 1771/24 juin 1774

Dollfus et Hofer

Johannes Dollfus

1er janv 1771/1er janv 1774

 

Johann Heinrich Dollfus

1er août 1775/1er août 1778

Eck, Schwartz et Cie

Johannes Eck

1775/1779

 

Michael Schwartz

1777/1781

Jellensperger et Kohler

Friederich Moser

16 juin 1775/16 juin 1778

 

Lucas Kohler

16 juin 1775/16 juin 1778

Hügenin l’aîné

Johann Heinrich Hügenin

1er déc 1775/1er déc 1779

Dollfus et Vetter

Johannes Vetter

1779/1782

Johannes Dollfus

Heinrich Dollfus

1779/1782

Johannes Hofer et Cie

Johannes Hofer

1er janv 1785/1er janv 1789

7Nous constatons que la durée des contrats varie entre trois et quatre années ; cependant dix-neuf contrats sur vingt-cinq sont signés pour une période de trois ans. Un seul fils de fabricant (Jonas Thierry) demeure apprenti pendant cinq ans. Soulignons également que Samuel Köchlin établit un record en formant cinq fils dans son entreprise ; Johannes (né en 1746) et Jacob (apprenti avec son frère Hartmann, entre 1769 et 1772) n’apparaissent pas dans le tableau : le premier ne figure pas dans le registre du Directoire ; le second deviendra médecin. L’âge minimal d’entrée en apprentissage semble être respecté, si l’on considère les dates de naissance de certains garçons comme Hartmann Köchlin, né en 1755 et arrivé dans la fabrique paternelle en 1769 ou son frère Josua, né en 1756 et intégré en 1771.

8Les fils de fabricants ont plusieurs options pour compléter leur instruction : un emploi dans une maison de commerce ou dans une fabrique à l’étranger, ou encore des études qui les dispensent d’une partie de l’apprentissage. Bien que la formation des futurs entrepreneurs soit considérée comme une formation de négociant par le Directoire du commerce mulhousien, nous sommes tentés de souligner la différence importante qui apparaît nécessairement dans le contenu de l’apprentissage, puisque la technique de l’impression sur étoffes constitue une particularité que les futurs fabricants ne peuvent ignorer. Nous ne disposons malheureusement d’aucun témoignage écrit permettant d’obtenir des précisions sur le contenu de l’apprentissage au sein de l’entreprise paternelle.

B. La création de l’« Institut »

  • 6 LEONARDI Andrea : « Corporation et expérience sur le tas : la formation du marchand-entrepreneur da (...)
  • 7 HOOCK Jochen : « L’enseignement commercial anglais au 18e siècle », dans ANGIOLINI Franco et ROCHE (...)

9La formation des héritiers à leur future fonction de manufacturier, apparaît comme essentielle aux yeux de la première génération d’entrepreneurs. Nous retrouvons cette volonté de transmission, dans la création d’un institut du négoce en 1782. À titre de comparaison, la création du « premier institut d’enseignement commercial dans les pays allemands » est la « Commercial-Zeichnungsakademie » de Hambourg en 17676. En Angleterre, la Soho Academy fondée vers 1717, est un des premiers exemples d’école ouverte en tant qu’académie de commerce affirmant sa vocation »7.

  • 8 AMM ; cote IIA1,32 : « Grafengassen », 8 mai 1782, p. 720 et 29 mai 1782, p. 739.
  • 9 ENGEL A. : « Rapport sur la création à Mulhouse, à la fin du xviiie siècle, d’une école de commerce (...)
  • 10 AMM ; cote IIA4,82 : 20 juin 1782, p. 817.
  • 11 AMM ; cote VIIIM, 180 : inventaire d’Elisabeth Hofer commencé le 21 janvier 1793.

10Johannes Köchlin et son beau-frère Niklaus Thierry sont à l’origine de l’établissement de Mulhouse : le premier a quitté la société Köchlin frères l’année précédente et le second est commanditaire de l’entreprise Nicolaus Rissler et Cie. En mai 17828, Köchlin et Thierry demandent l’autorisation de rénover et agrandir un bâtiment situé dans la Grand’Rue, à côté de l’enclos de Saint-Jean. Un article paru en 1875, dans le Bulletin de la Société Industrielle de Mulhouse9, rapporte l’existence d’une école de commerce dès 1781 mais les registres du Conseil et les actes du notariat municipal, ne délivrent aucun indice pouvant valider cette hypothèse. Le 20 juin 1782, le bâtiment du futur établissement est vendu par Johannes Hofer à Köchlin et Thierry pour la somme de 1 300 livres tournois10. Entre le 31 mai 1782 et le 1er octobre 1792, les deux beaux-frères vont emprunter à Elisabeth Hofer, veuve de Samuel Köchlin et mère de Johannes Köchlin, un total de 40 200 livres tournois, pour le lancement et le fonctionnement de l’école11.

  • 12 AMM ; cote IIA1,33 : « Danzmeister », 22 décembre 1784, p. 558.
  • 13 AMM ; cote IIA1,33 : « Brandschrecken », 30 mars 1785, pp. 634 – 635.
  • 14 AMM ; cote IIA1,33 : « Institut », 30 mars 1785, p. 639.
  • 15 SCHRECK Nicolas : op. cit., pp. 116 – 120.

11En décembre 1784, un avis du Conseil mentionne un maître de danse nommé pour dispenser des cours aux garçons de l’« Institut »12. En mars 1785, le greffier évoque un incendie qui a pris dans la cheminée de la salle de concert et détruit une partie de la toiture de l’institution13. À la même date, les deux directeurs (« Directores des hiesigen Instituts ») présentent le projet d’une journée d’examen et d’une remise de prix pour leur première promotion d’élèves négociants14. Des membres du Conseil sont conviés à la cérémonie et pour plus de solennité, le bourgmestre est chargé de remettre prix et décorations aux élèves. La délivrance d’un brevet (« Patent ») demeure du ressort des directeurs et non de la chancellerie. Le Magistrat déclare que le développement de l’Institut est une nécessité car sa création présente un avantage certain pour la république. La scolarité semble s’effectuer sur trois ans mais nous ne disposons d’aucun document émanant de l’« Institut » qui pourrait confirmer cette hypothèse. Nicolas Schreck a étudié le rapport d’Alfred Engel sur la création d’une école de commerce à Mulhouse à la fin du xviiie siècle ; nous ne reprendrons pas les détails de son travail mais souhaitons souligner l’absence de sources directes et l’obligation de se fier aux affirmations de monsieur Engel, fondées sur des documents qui n’existent plus aujourd’hui15.

12La fondation d’un « Institut » dédié au négoce et aux manufactures, révèle le poids de ces activités dans la société mulhousienne. Les négociants et fabricants de la cité ont désormais la possibilité d’assurer l’éducation de leurs successeurs. La création de l’établissement revient à l’initiative de deux fabricants ; elle révèle donc une demande particulière du monde industriel et permet d’ajuster la formation aux besoins des entreprises.

II. L’élaboration d’un capitalisme industriel

A. Définitions et mises au point

  • 16 BRAUDEL Fernand : Civilisation matérielle, économie et capitalisme (xve-xviiie siècle). Paris, Arma (...)

13Tenter de définir les termes « capital » et « capitalisme » au xviiie siècle, n’est pas chose aisée et renvoie inévitablement à la terminologie actuelle ; à propos de « capitalisme », Fernand Braudel souligne ceci : « il y a, qu’on le veuille ou non, même à l’époque préindustrielle, une activité économique qui évoque irrésistiblement le mot et qui n’en acccepte aucun autre »16. De quelle manière peut-on l’appliquer à l’impression sur étoffes de la petite république ? Telle est la question qui nous intéresse ici.

  • 17 BREMOND Jeanine et GELEDAN Alain : Dictionnaire économique et social. Paris, Hatier, 1981.
  • 18 BRAUDEL Fernand : op. cit., p. 277. Citation d’Andrew Schonfield : Le Capitalisme d’aujourd’hui, 19 (...)

14L’accumulation des capitaux issus du négoce, justifiant la formation d’un capitalisme marchand, rejoint la notion de « patrimoine », telle que nous l’avons étudiée dans les inventaires des négociants, dans la première partie de notre travail. L’utilisation actuelle du terme « capital », suivant le sens qu’on accepte de lui donner, renvoie généralement aux deux grandes terminologies, libérale et marxiste ; la question se pose de la même manière pour le « capitalisme »17. Nous devons admettre que les débats le concernant sont loins d’être clos et qu’« une bonne raison de continuer à l’employer, c’est que personne, pas même les plus sévères de ses critiques, n’a proposé un meilleur terme pour le remplacer »18.

  • 19 BREMOND Jeanine et GELEDAN Alain : op. cit., p. 52.

15Voyons les éléments fondamentaux qui le définissent à l’heure actuelle19 :

  • la propriété des moyens de production et d’échange est privée

  • les objets produits sont des marchandises qui seront vendues sur un marché

  • la finalité de la production est donc l’échange et non la consommation directe

  • chacun est libre d’acheter ou de vendre avec une recherche de profit maximal

  • la détention du capital est source de revenus

  • la force de travail est rémunérée : apparaît la notion de salaire.

16Nous pouvons affirmer que tous ces éléments existent à Mulhouse au xviiie siècle, avec la réussite manufacturière : le fabricant possède les moyens de production et dirige les échanges de son entreprise ; le marché des indiennes mulhousiennes dispose dès sa création de réseaux d’achat et de vente à l’échelle internationale (France en priorité) ; chaque entreprise gère ses achats, ventes et profits librement (aucune intervention du Magistrat) ; les profits réalisés par la fabrique constituent une source de revenus pour les différents associés ; les ouvriers perçoivent un salaire (journalier, hebdomadaire, mensuel…) suivant le travail accompli.

17En déclarant l’indiennage « freye Kunst » (art libre), par l’ordonnance du 5 juillet 1753, les autorités gouvernementales de la petite république ont garanti la liberté d’entreprendre aux manufactures (thème cher aux libéraux). On peut même être tenté par l’anachronisme qui consiste à introduire la notion de « rapports de propriété » et « rapports de classes », puisque les moyens de production sont bel et bien détenus par un groupe d’individus (les fabricants) ; on assiste par ailleurs à la naissance d’une nouvelle « classe » sociale, celle des ouvriers, et la création d’un organe spécifique, la Commission des fabriques, qui règle majoritairement les litiges entre patrons et ouvriers.

  • 20 BRAUDEL Fernand : op. cit., p. 275.
  • 21 Renvoi à la cote XIIIG, 30 et au chapitre précédent.

18Puisque nous admettons que la notion de capitalisme s’applique à l’impression sur étoffes, peut-on qualifier les fabricants d’indiennes mulhousiens de « capitalistes », terme en usage pour désigner ceux qui détiennent les richesses et les moyens de production et qui, selon Fernand Braudel, « comme celui de capital, reste accroché à la notion d’argent, de richesse en soi »20, au xviiie siècle ? La question demeure ouverte mais nous disposons cependant d’éléments de réponses favorables, grâce au mémoire d’octobre 1785, relatif à l’assimilation douanière des fabriques de Mulhouse avec celles d’Alsace21. Ceci nous conduit à examiner de plus près l’accumulation des capitaux dans l’activité manufacturière mulhousienne.

B. Le capital des entrepreneurs

19L’évaluation du capital apporté par chaque associé dans l’entreprise, c’est-à-dire des parts qui définissent le capital social, est réalisable à partir d’un document comptable spécifique : le bilan annuel de l’entreprise. Or, les bilans de manufactures d’indiennes constituent des pièces très rares au xviiie siècle, dont nous pouvons éventuellement disposer lorsqu’il y a faillite ou contrat d’atermoiement, généralement accompagné d’un inventaire effectué sous le contrôle du Magistrat. Certains inventaires après décès de fabricants (ou de leurs épouses) révèlent au moins la part de l’entrepreneur dans la société à laquelle il appartenait. Nous avons donc dressé un tableau récapitulatif, à partir des indications fournies par les inventaires qu’il a été possible de consulter : sont relevés le nom du fabricant, la raison sociale de son entreprise, la date à laquelle le bilan est effectué (elle est généralement donnée dans l’inventaire après décès), la part de capital du fabricant dans sa société (en livres tournois arrondies à l’unité supérieure) et le nombres d’associés dans l’entreprise.

20Ce dernier élément permettrait d’envisager la valeur globale du capital social, en imaginant que l’on puisse multiplier la part inscrite dans l’inventaire d’un fabricant par le nombre d’associés. Or ce genre de calcul n’est réalisable que dans le cas d’associés à parts égales, ce qui constitue une situation peu probable en pratique.

  • 22 AMM ; cote VIIIM, 89 : inventaire après décès commencé le 26 janvier 1763.
  • 23 AMM ; cote VIIIM, 95 : inventaire de Anna Maria Vetter épouse de Johann Heinrich Dollfus, commencé (...)
  • 24 AMM ; cote VIIIM, 116 : inventaire de Maria Magdalena Mieg épouse de Johannes Dollfus, commencé le  (...)
  • 25 AMM ; cote VIIIM, 116 : inventaire commencé le 24 mars 1773.
  • 26 AMM ; cote VIIIM, 122 : inventaire de séparation entre Mathias Mieg et Francisca Schmalzer (fille d (...)
  • 27 AMM ; cote VIIIM, 121 : inventaire commencé le 15 septembre 1774 et liquidé le 23 mars 1775.
  • 28 AMM ; cote VIIIM, 126 : inventaire de Margaretha Cornetz épouse Schmalzer, commencé en juin 1776.
  • 29 AMM ; cote VIIIM, 140 : inventaire commencé le 26 septembre 1780.
  • 30 AMM ; cote VIIIM, 141 : inventaire de Margaretha Götz épouse de Lucas Kohler, commencé le 10 avril  (...)
  • 31 AMM ; cote VIIIM, 160 : inventaire commencé le 23 mars 1786.
  • 32 AMM ; cote VIIIM, 165 : inventaire commencé le 22 août 1787. Société composée de deux associés et t (...)
  • 33 AMM ; cote VIIM, 169 : inventaire commencé le 6 février 1789.
  • 34 AMM ; cote 64TT 438 : inventaire et bilan de la société Frères Dollfus et Cie du 31 décembre 1790.
  • 35 AMM ; cote VIIIM, 184 : inventaire commencé le 24 mars 1794.
  • 36 AMM ; cote VIIIM, 184 : inventaire de Anna Catharina Reber épouse de Johann Jacob Kielmann, commenc (...)

Fabricant

Entreprise

Date du bilan

Part du fabricant

Nombre d’associés

Philipp Jacob Anthès22

Anthès, Feer et Cie

1er janvier 1763

89 407

7

Johann Heinrich Dollfus23

Köchlin, Dollfus et Cie

31 déc. 1764

176 987

2

Johannes Dollfus24

Dollfus et Hofer

2 janvier 1773

149 032

3

Johann Georg Schwarz25

Hügenin Reber et Cie

31 déc. 1772

21 993

4

Mathias Mieg26

Schmalzer et Mieg

novembre 1774

37 906

2

Johannes Eck27

Eck, Schwarz et Cie

31 janvier 1775

104 983

4

Johann Jacob Schmalzer28

Johann Jacob Schmalzer

31 déc. 1775

112 284

4

Johann Jacob Feer29

Feer et Hofer

1er janvier 1780

321 631

3

Lucas Kohler30

Kohler et Junghaen

31 janvier 1781

53 286

3

Hans Caspar Wolf31

Wolf, Rissler et Cie

31 déc. 1785

41 316

3

Nicolaus Rissler32

Nicolaus Rissler et Cie

22 août 1787

165 938

5

Mathias Rissler le jeune33

Wolf, Rissler et Cie

6 février 1789

37 437

4

Dollfus père fils et Cie34

Frères Dollfus et Cie

31 déc. 1790

600 000

3

Pierre Dollfus et Cie

Frères Dollfus et Cie

31 déc. 1790

400 000

3

Johannes Vetter l’aîné35

Vetter, Blech et Cie

31 déc. 1793

96 820

2

Johann Jacob Kielmann36

Kielmann et Cie

8 avril 1794

330 000

3

21Les inventaires fournissent malheureusement très peu d’indications sur les parts respectives des associés ; la manufacture Schmalzer et Mieg fait établir le contrat de séparation des deux associés : il est précisé que Mathias Mieg détient un quart du capital de la société, avec 37 906 livres ; le capital social se monte donc à 151 624 livres avec une part estimée à 113 718 livres pour Johann Jacob Schmalzer, chiffre très proche de celui (112 284 livres) figurant dans le bilan de la société Johann Jacob Schmalzer, à la date du 31 décembre 1775.

  • 37 AMM ; cote IX, 16 : pp. 56 – 57 et 102. Revoir la troisième partie, chapitre 2, II-B.

22Chez Nicolaus Rissler et Cie, en novembre 1772, trois commanditaires apportent 175 000 livres tournois mais nous ignorons quelle peut être la part de deux associés solidaires. Nicolaus Rissler père se retire officiellement de la société mais détient encore une part du capital (soit 165 938 livres) comme le confirme son inventaire après décès, en 1787. Le contrat de société renouvelé le 15 novembre 1787 est plus explicite : le capital social représente 500 000 livres divisé en vingt actions de 25 000 livres, réparties entre six personnes dont deux associés solidaires, Peter Dollfus (détenteur de neuf actions) et Nicolaus Rissler fils (détenteur de cinq actions)37. L’entreprise Nicolaus Rissler et Cie est la seule à fournir des informations aussi précises dans le livre des raisons sociales de la république de Mulhouse.

23Dans le tableau ci-dessus, nous constatons que Johann Jacob Feer et Johann Jacob Kielmann disposent des parts de capital les plus importantes : Feer est un pionnier de l’indiennage mulhousien ; il détient une participation dans quatre sociétés successives entre 1746 et 1780. Kielmann est associé chez Eck, Schwarz et Cie de 1760 à 1785 ; il se constitue un capital manufacturier qui lui permet de créer la société Kielmann et Cie, en janvier 1786.

24Dans le cas de la manufacture Köchlin, Dollfus et Cie en décembre 1764, il y a deux associés, Samuel Köchlin et Johann Heinrich Dollfus, tous deux pionniers de l’indiennage mulhousien ; on peut supposer qu’ils se sont associés dans des proportions équivalentes en 1758. Avec une part de 176 987 livres tournois attribuée à Dollfus, le capital de la société se monte vraisemblablement à près de 354 000 livres en 1764.

  • 38 AMM ; cote 64TT 438.

25L’inventaire et bilan d’entreprise le plus complet est celui de la société Frères Dollfus et Cie, réalisé le 31 décembre 179038 : il s’agit en fait de l’association de trois sociétés, Dollfus père, fils et Cie de Mulhouse, Pierre Dollfus et Cie de Thann et la maison de négoce Bouscaren et Cie de Montpellier. L’état passif du bilan permet de connaître les parts respectives de chaque associé : pour un « fond capital » de 1 200 000 livres tournois, 600 000 livres constituent l’apport de Dollfus père, fils et Cie, 400 000 livres proviennent de Pierre Dollfus et Cie et 200 000 livres sont fournis par la société Bouscaren et Cie. Nous sommes certainement en présence du capital social le plus important, qui s’explique par l’originalité de l’association, unique en son genre à Mulhouse pour cette période.

  • 39 AMM ; cote VIIIG, 2 : pp. 155 – 156.

26Notons que le 8 mars 1790, les maisons Dollfus père, fils et Cie et Pierre Dollfus et Cie sont mentionnées par le Directoire du commerce, comme associées dans la nouvelle firme Frères Dollfus et Cie ; elles demandent l’inscription de la raison sociale dans le « Ragionenbuch », ce qui n’est pas accepté, l’ordonnance d’avril 1764 sur les commandites étrangères, étant toujours en vigueur à Mulhouse39.

  • 40 CHASSAGNE Serge : Oberkampf, un entrepreneur capitaliste au siècle des Lumières. Paris, Aubier, 198 (...)
  • 41 CHASSAGNE Serge : op. cit., tableau 3.
  • 42 Renvoi à la troisième partie, chapitre 2, I-C.

27Nous pouvons citer ici deux exemples significatifs de concentration des capitaux dans l’impression sur étoffes. Serge Chassagne évoque le cas de la manufacture Wetter d’Orange, « un bel exemple de la précoce concentration du capital en France » : de juillet 1757 à mars 1763, une société composée du fabricant Rodolphe Wetter et de sept commanditaires parisiens, est créée sur la base d’un capital social de 600 000 livres tournois, réparti en vingt-quatre parts de 25 000 livres40. Autre exemple cité par Serge Chassagne, celui de l’entreprise Oberkampf à Jouy-en-Josas : selon le bilan et inventaire de l’année 1773, les capitaux propres de la société représentent 1 398 162 livres, pour 966 589 livres en 177241. Il paraît certain que la possibilité de faire intervenir tous types de financement dans l’indiennage français en plein essor, permet d’atteindre rapidement une concentration de capitaux que l’impression sur étoffes de la petite république ne peut se permettre, avec un financement des entreprises limité aux apports mulhousiens jusqu’en juillet 1795. Certes les prêts privés émanant de négociants bâlois à des fabricants de la cité existent bien, mais ils demeurent très minoritaires puisqu’ils constituent entre 3 et 13 % du patrimoine des entrepreneurs42. En voulant protéger son négoce de toute ingérence étrangère, le Magistrat a sans doute freiné la formation de grandes sociétés de personnes et de capitaux à Mulhouse au xviiie siècle.

C. Inventaires et bilans de manufactures

  • 43 BREMOND Jeanine et GELEDAN Alain : op. cit., p. 88.

28Nous allons présenter, sous forme de tableaux, les bilans de plusieurs fabriques d’indiennes mulhousiennes ; nous avons conservé autant que possible les termes employés (traduits) et tenté de maintenir la présentation originale, déjà très proche de la forme actuelle d’un bilan de société. Rappelons que le bilan consiste à faire le point pour « déterminer le résultat positif ou négatif d’une entreprise » à un moment donné ; apparaît la notion de balance entre l’actif soit « l’ensemble des biens que possède l’entreprise » et le passif ou « origine des biens qui se trouvent à l’actif »43.

Le bilan de l’entreprise Tobias Hartmann et fils (1768)44

  • 44 AMM ; cotes VIIIL, 14 et VIIIL, 15 : bilan achevé le 20 décembre 1768.
  • 45 Renvoi à la troisième partie, chapitre 2, II-B.

29Un contrat d’atermoiement est conclu en décembre 1768 afin de permettre à la manufacture d’étaler le paiement de ses dettes ; sa double activité, négoce en tous genres et manufacture d’indiennes, est certainement à l’origine de ses difficultés financières45. Ce document nous permet d’obtenir le premier véritable bilan annuel d’une entreprise mulhousienne (en livres tournois arrondies à l’unité supérieure), certifié conforme aux livres de la manufacture par les deux négociants chargés de l’inventaire.

Actif (« Haben ») : 629 947 livres

Passif (« Soll ») : 629 947 livres

Créances (« Debitores ») : 290 188 livres

Capital Tobias Hartmann père : 103 469 livres

Marchandises : 306 000 livres

Capital Tobias Hartmann fils : 49 225 livres

Biens immobiliers : 27 178 livres

Capital Johann Jacob Hartmann : 17 428 livres

Caisse : 1 807 livres

Dettes (« Creditores ») : 459 825 livres

Effets en portefeuille : 4 774 livres

30Ce bilan ne laisse pas apparaître de déficit mais souligne l’importance du stock de marchandises, toiles blanches et imprimées (48,5 % de l’actif), la masse des créances (46 %) et le volume des dettes (ou capitaux étrangers) de l’entreprise (73 % du passif). Les capitaux propres constitués par les apports des trois associés, les réserves et les bénéfices, qui forment un chiffre global dans le cas présent, représentent donc 27 % du passif. Nous pourrons comparer ces données avec celles des bilans suivants. Le contrat d’atermoiement proposé à Tobias Hartmann père et fils et approuvé par les créanciers, présente un plan de remboursement sur dix-huit mois en trois échéances (juillet 1769, janvier 1770 et juillet 1770). Il s’avère impossible à tenir et la faillite définitive de la société est déclarée en juin 1771.

L’inventaire après décès de Samuel Köchlin (1777)46

  • 46 AMM ; cote VIIIM, 128.
  • 47 OBERLÉ Raymond : « La fortune de Samuel Köchlin, le fondateur de l’industrie mulhousienne », dans R (...)

31Nous devons signaler ce manuscrit très riche en informations, que nous ne détaillerons pas puisqu’il a été étudié avec précision par Raymond Oberlé47 : l’inventaire effectué cinq mois après le décès du fabricant, concerne le patrimoine le plus imposant de son siècle. Le bilan de l’entreprise, établi au 1er janvier 1777, n’apparaît malheureusement pas dans ce document ; y figure cependant le « Fond de Fabrique », d’une valeur de 404 362 livres tournois, qui correspond en fait aux capitaux propres de l’entreprise (Samuel Köchlin étant seul financier). Dans l’inventaire, les biens propres et les créances actives du fabricant représentent un total de 708 061 livres auquel il faut soustraire les dettes d’un montant de 172 056 livres. Notons que le « statut » de Samuel Köchlin lui permet d’avancer 64 100 livres tournois à plusieurs négociants et manufacturiers mulhousiens, entre juillet 1772 et septembre 1775. En 1777, il symbolise la transition réussie entre négoce et fabrique, le passage accompli entre capitalisme commercial et capitalisme industriel.

L’inventaire de faillite de la manufacture Hügenin, Reber et Cie (1779)48

  • 48 AMM ; cote VIIIM, 137 : inventaire commencé en décembre 1779.

32La faillite de l’entreprise est déclarée en décembre 1779 et trois fabricants (Johannes Dollfus, Johann Jacob Schmalzer et Johannes Vetter) sont désignés par le Magistrat pour effectuer l’inventaire et le bilan de la manufacture.

Actif : 321 322 livres

Passif : 321 322 livres

Dettes actives : 113 091 livres

Dettes capitales et intérêts : 206 681 livres

Lettres de change : 13 584 livres

Dettes courantes : 114 641 livres

Marchandises : 50 144 livres

 

Drogues : 5 911 livres

 

Matériel de fabrique : 14 518 livres

 

Travail à façon : 4 011 livres

 

Caisse : 344 livres

 

Déficit : 119 719 livres

 

33Voici un bilan qui fait apparaître un déficit représentant 37,2 % de l’actif. Les capitaux propres de l’entreprise semblent inexistants dans un passif uniquement constitué de dettes (dites capitales c’est-à-dire à long terme, obligataires et dites courantes donc à court terme), ce qui expliquerait la faillite. L’accomodement prévoit un règlement des dettes établi de la manière suivante : les créanciers mulhousiens qui ont avancé 182 295 livres, acceptent un remboursement de 121 530 livres (soit les deux tiers des capitaux investis) ; les créanciers étrangers inscrits dans la masse de la faillite pour 100 837 livres, peuvent recevoir 50 % de leurs investissements soit 50 419 livres. Enfin les créanciers étrangers non inscrits dans la faillite, perçoivent 11 332 livres, c’est-à-dire 30 % des prêts qu’ils ont consentis à la société (soit 37 775 livres). Le total exigible se monte à 183 696 livres tournois et permet donc de couvrir le déficit de l’entreprise.

Accomodement et bilan de la manufacture Johann Jacob Schmalzer (1789)49

  • 49 AMM ; cote VIIIM, 171 : accomodement du 7 septembre 1789 et cote IIA1,35 : « Accomodement », 7 octo (...)
  • 50 AMM ; cote IX, 16 : p. 88.

34Au mois de septembre 1789, la société formée par Johann Jacob Schmalzer, son fils Peter et son gendre Josua Rissler, est déclarée en faillite et bénéficie d’un accomodement approuvé par les trois quarts de ses créanciers. Le livre des raisons sociales (« Ragionenbuch ») indique également la faillite de l’entreprise et la séparation des associés au cours de l’année 178950. Nous avons eu la chance de découvrir le bilan de la manufacture, dans la série des inventaires après décès de la république de Mulhouse. Le voici, sous forme de tableau récapitulatif, à la date du 15 août 1789 :

Actif : 471 362 livres tournois

Passif : 471 362 livres tournois

Biens immobiliers (fabrique) : 42 000 livres

Capitaux extérieurs : 178 047 livres

Marchandises : 58 247 livres

Capitaux mulhousiens : 147 697 livres

Drogues : 5 472 livres

Dettes courantes : 85 396 livres

Matériel de fabrique : 11 072 livres

Dettes de Schmalzer père : 11 768 livres

Créances : 88 468 livres

Dettes de Peter Schmalzer : 38 230 livres

Façon des toiles étrangères : 3 000 livres

Dettes de Josua Rissler : 10 224 livres

Lettres de change : 7 079 livres

 

Caisse : 414 livres

 

Biens de Schmalzer père : 11 958 livres

 

Biens de Peter Schmalzer : 2 464 livres

 

Biens de Josua Rissler : 13 642 livres

 

Déficit : 227 546 livres

 

  • 51 BREMOND Jeanine et GELEDAN Alain : op. cit., p. 90.
  • 52 Éléments calculés à partir d’indications figurant dans le document coté IX, 10 aux AMM.

35Les biens des trois associés annoncés à l’actif sont des immobilisations c’est-à-dire des biens durables (terrains, mobilier…), parce que « destinés à permettre l’activité de l’entreprise » sur une longue durée51. Le déficit très important représente 48,3 % de l’actif, avec des capitaux propres atteignant 69 % du passif ; la faillite est certainement en rapport avec le chiffre d’affaires de l’entreprise, que nous pouvons retrouver à partir de la taxe annuelle prélevée sur les ventes. En 1789, le chiffre d’affaires se monte à 102 960 livres, pour 442 080 livres en 178652 : il a chuté de 77 % en trois ans. Les difficultés politiques et économiques de la période 1785-1789 peuvent expliquer la baisse très importante des ventes réalisées par la manufacture Schmalzer.

Inventaire de faillite et bilan de l’entreprise Friederich Cornetz53

  • 53 AMM ; cote VIIIM, 171 : inventaire commencé le 7 octobre 1789.

36Le 21 août 1789, un accomodement est accordé à l’entreprise Cornetz en faillite, avec l’approbation des trois quarts des créanciers. Un inventaire et un bilan sont effectués au mois d’octobre : le fabricant possède un ensemble de biens propres d’une valeur globale de 63 350 livres tournois, comprenant une maison d’habitation, trois jardins sur lesquels sont implantés les bâtiments de la manufacture, une blanchisserie, un demi hectare de champs et environ un hectare de vignes. Le bilan met en évidence les éléments suivants :

Actif (« Activa ») : 415 455 livres

Passif (« Passiva ») : 415 455 livres

Marchandises (toiles, coton) : 182 645 livres

Créanciers mulhousiens : 139 703 livres

Drogues : 12 182 livres

Créanciers extérieurs : 239 939 livres

Matériel : 10 027 livres

Emprunts avec hypothèque : 17 374 livres

Biens immobiliers : 42 000 livres

Créanciers hors accomodement : 18 439 livres

Créances (« Debitores ») : 93 184 livres

 

Déficit : 75 417 livres

 

  • 54 Éléments calculés à partir des indications obtenues dans le document coté IX, 10.

37Nous observons un cas de figure similaire à celui de la manufacture Hügenin, Reber et Cie, à savoir que les capitaux propres sont absents du passif, uniquement constitué des différentes dettes de l’entreprise. La faillite intervient la même année que celle de la fabrique Schmalzer : la taxe annuelle sur les ventes nous permet d’obtenir le chiffre d’affaires, qui est passé de 286 080 livres en 1786 à 53 760 livres en 1789, soit une chute de 81 % en trois ans54.

Inventaire et bilan de la société Dollfus frères (1790)

38Ce document de trente pages constitue l’inventaire d’entreprise le plus complet que nous ayons rencontré juqu’à présent, pour le xviiie siècle à Mulhouse. Voici le tableau reprenant le bilan du 31 décembre 1790 :

Actif : 2 204 600 livres

Passif : 2 204 600 livres

Marchandises à Thann : 393 765 livres

Dettes passives : 764 600 livres

Marchandises à Mulhouse : 133 874 livres

Fond capital : 1 200 000 livres

Marchandises à Francfort : 50 183 livres

Bénéfice : 240 000 livres

Marchandises à Leipzig : 10 385 livres

 

Toiles blanches : 360 000 livres

 

Marchandises à Montpellier : 77 269 livres

 

Marchandises à Bordeaux : 71195 livres

 

Marchandises à Saint-Denis :
110 309 livres

 

Dettes actives : 993 552 livres

 

Argent en caisse : 503 livres

 

Effets en portefeuille : 3 565 livres

 

39Le bilan annuel fait apparaître une société en « excellente santé » qui dégage un bénéfice de 240 000 livres tournois pour une balance actif/passif affichant 2 204 600 livres, chiffre nettement plus important que celui des bilans précédemment cités. Le capital social représente 54 % du passif ; le bénéfice se répartit entre les trois associés suivant leur participation, définie « selon la Teneur du Traitté de Société » : Pierre Dollfus et Cie de Thann (un tiers des parts de capital), Dollfus père, fils et Cie de Mulhouse (la moitié des parts) et Bouscaren et Cie de Montpellier (un sizième). L’entreprise dispose d’entrepôts de vente à Francfort, de comptes ouverts chez des négociants de Leipzig, Bordeaux, Saint-Denis et l’associé Bouscaren et Cie ; nous assistons à l’épanouissement d’un capitalisme industriel de dimension européenne. Nous nous attacherons ultérieurement à l’étendue du marché de l’indiennage mulhousien.

  • 55 CHASSAGNE Serge : op. cit., tableau 3.

40Ces différents inventaires et bilans démontrent l’importance des capitaux investis dans l’activité manufacturière à Mulhouse ; à titre de comparaison, nous pouvons compléter cette présentation avec le bilan de la manufacture Oberkampf à Jouy-en-Josas, pour l’année 1773 (remanié à partir du tableau de Serge Chassagne)55 :

Actif : 2 728 997 livres

Passif : 2 728 997 livres

Créances : 906 220 livres

Dettes passives : 1 330 835 livres

Disponibilités : 509 605 livres

Capitaux propres : 966 589 livres

Marchandises, drogues : 1 148 167 livres

Bénéfice : 431 573 livres

Biens immobiliers : 127 278 livres

 

Matériel de fabrique : 37 727 livres

 

41En considérant que le bilan de la maison Oberkampf puisse être rapproché de celui de la société Frères Dollfus et Cie, nous constatons dans le cas de cette dernière, que nous avons affaire à une entreprise de négoce : ce sont les marchandises et les débiteurs qui sont mis en avant dans l’actif.

42Le bilan d’Oberkampf fait apparaître un patrimoine immobilier et des disponibilités en argent, lettres de change, lettres de crédits… très importants par rapport aux manufactures mulhousiennes. La différence est sans doute à ce niveau : il n’est pas possible pour les entreprises de la petite république de compter sur des disponibilités de plus de 500 000 livres tournois.

D. Taxe des fabricants et chiffre d’affaires

  • 56 AMM ; cote IX, 10 : « Kaufhaus und Zollbuch », années 1783 à 1797. Voir aussi les cotes IVB, 16 à I (...)
  • 57 RUPIED : L’art d’imprimer sur toile en Alsace, 1786. Manuscrit n° 8827 du Musée de l’Impression sur (...)
  • 58 AMM ; cote IX, 9.

43Nous disposons des relevés de la taxe des fabricants établis annuellement par la trésorerie municipale56. Cette « Fabricantenzoll » représente 5/12 % du chiffre d’affaires annuel des entreprises. En 1786, la trésorerie perçoit un montant global de 27 055 livres tournois, ce qui laisse envisager 6 493 200 livres de ventes réalisées par les vingt-deux fabriques mulhousiennes et non 7 200 000 livres comme l’indique l’élève-inspecteur Rupied dans son mémoire, qui a donc également surestimé le chiffre d’affaires des manufactures alsaciennes57. En 1787, la taxe des fabricants représente 24 604 livres tournois, soit un chiffre d’affaires global de 5 904 960 livres (pour le même nombre d’entreprises qu’en 1786). Un prix moyen de 36 livres par pièce d’indienne (selon l’estimation de Rupied), correspond à 180 366 pièces d’indiennes produites en 1786 et 164 026 pièces en 1787. En annonçant 200 000 pièces, l’élève-inspecteur est sans doute optimiste ; sachant que 109 544 imprimés ont été envoyés vers le royaume de France en 1786, cela signifie qu’au moins 70 800 pièces (c’est-à-dire 39 % de la production) sont exportées principalement vers l’Allemagne et l’Italie. En 1787, avec 105 398 pièces d’indiennes envoyées vers la France, ce sont environ 58 600 pièces (soit 35 %) qui fournissent les marchés allemand et italien. En octobre 1749, la première manufacture Köchlin, Schmalzer et Cie déclarait vendre uniquement à des négociants étrangers, en très grande majorité lorrains donc diriés vers les maisons de négoce françaises58. En 1787, le royaume de France demeure incontestablement le partenaire privilégié de l’indiennage mulhousien.

44Grâce au revenu annuel de la taxe des fabricants établi par les trésoriers, nous pouvons retrouver le chiffre d’affaires global des entreprises mulhousiennes, année par année depuis 1758. Dans le tableau ci-dessous, le nombre de fabriques donné à tire indicatif, est fiable jusqu’en 1789 et plus incertain à partir de 1790. La taxe des fabricants, le chiffre d’affaires global et le chiffre d’affaires moyen par entreprise, sont indiqués uniquement en livres stebler jusqu’en 1779 ; la livre française devenant la monnaie de compte officielle de la république en 1780, les deux livres (stebler et tournois) apparaissent ensemble dans le tableau. Nous avons également fait figurer le pourcentage que représente la « Fabricantenzoll » par rapport au total des recettes de la halle des marchands. Malgré les différences de « gabarit » entre fabriques, nous souhaitons mentionner un chiffre d’affaires moyen par manufacture, parce qu’il permet d’apprécier le volume des ventes approché de la majorité des entreprises mulhousiennes et de le voir évoluer sur une longue durée. Nous avons souligné en caractères gras les chiffres remarquables pour la période 1758-1793. Les données du tableau s’arrêtent en 1793 : après cette date, les recoupements entre documents deviennent aléatoires.

  • 59 Voir le chapitre précédent.

45La lecture du tableau amène plusieurs commentaires : en 1759, le chiffre d’affaires global augmente de 89,4 % ; la scission de la manufacture pionnière en trois entreprises, à la fin de l’été 1758, explique cette progression brutale d’une année sur l’autre. En 1765 et 1766, nous pouvons affirmer qu’il s’agit d’un schéma similaire, avec la création en 1764, de trois nouvelles entreprises dans un contexte très favorable d’immigration massive d’ouvriers étrangers. En 1782, le chiffre d’affaires global et la taxe des fabricants atteignent leur point culminant ; le début des années 1780 offre une conjoncture économique favorable et permet à l’activité industrielle mulhousienne d’atteindre son apogée. L’année 1789 voit la confirmation de difficultés politiques et économiques amorcées en 1785, avec la réapparition d’un contexte douanier désavantageux pour les manufactures de la petite république. Pourtant en 1791, le chiffre d’affaires moyen par entreprise dépasse le niveau atteint en 1787 : le projet de traité de commerce avec la France59 agit-il comme un stimulant sur les ventes ? En novembre 1792, l’instauration d’un blocus douanier autour de Mulhouse provoque inévitablement une baisse de la production l’année suivante. Nous pouvons encore souligner que le nombre de manufactures diminue régulièrement depuis 1789, pour atteindre quinze fabriques en 1793, chiffre équivalent à celui de l’année 1770.

  • 60 AMM ; cote IIA1,36 : « Fabriquen Zoll », 9 décembre 1791, pp. 1 – 2.
  • 61 AMM ; cote IX, 10.
  • 62 AMM ; cote XIIIP, 7. Chiffres donnant un ordre d’appréciation mais devant être considérés avec prud (...)

46Notons que la dévaluation des assignats pose problème au Magistrat : au mois de décembre 1791, leur valeur monétaire a déjà diminué de 20 % ; le Conseil incite les fabricants à privilégier le règlement en espèces mais il les autorise cependant à utiliser les assignats pour payer 50 % au plus du montant de la taxe60. En 1794, le paiement de la « Fabricanten Zoll » avec assignats et espèces, fausse les données : le relevé des trésoriers affiche 41 506 livres tournois, ce qui est en décalage complet avec l’année 1793 (9 130 livres)61 ; un autre document nous fournit la valeur nettement plus acceptable de 10 686 livres tournois pour 179462, soit un chiffre d’affaires global de 2 564 640 livres.

  • 63 AMM ; cote IX, 9.

47À titre indicatif, nous pouvons comparer le total des ventes de la manufacture Köchlin, Schmalzer et Cie pour l’année 174963 avec le chiffre d’affaires annuel moyen par entreprise : avec une valeur de 94 309 livres tournois, il se situe dans une progression logique par rapport aux données figurant dans le tableau ci-dessus, à partir de 1758. En 1755, nous estimons le chiffre d’affaires de la fabrique pionnière à environ 144 000 livres tournois, identique à celui d’Anthès, Feer et Cie (créée en 1754) et trois fois plus important que celui de Hartmann et Cie (née en 1752), ce qui laisse entrevoir la différence de « gabarit » entre manufactures.

  • 64 AMM ; cote IX, 10.

48Il est possible d’établir une hiérarchie des entreprises d’après le montant de leur ventes64 : ainsi en 1783, la manufacture Dollfus et Vetter domine le secteur des ventes d’indiennes à Mulhouse, avec un chiffre d’affaires de 903 600 livres, calculé à partir d’une « Fabricantenzoll » de 3 765 livres.

49Nous n’avons à notre disposition qu’un nombre restreint de bilans de manufactures, ce qui limite les comparaisons ; par contre, le chiffre d’affaires pouvant être calculé à partir de la taxe prélevée sur les ventes de toutes les fabriques, constitue un critère valable de classement des entreprises selon leur importance économique. Nous avons établi un tableau comparatif grâce aux données fournies entre 1783 et 1793, par les relevés des trésoriers municipaux. Après 1793, les lacunes documentaires sont encore une fois trop importantes pour nous permettre de retrouver le chiffre d’affaires de chaque manufacture.

  • 65 Dollfus et Vetter devient Dollus père, fils et Cie le 1er janvier 1786. Elle n’apparaît pas sur les (...)
  • 66 Taxe de 1786 insignifiante ; fin de l’activité à Mulhouse en 1787.
  • 67 La société disparaît des relevés de la taxe des fabricants en 1788 ; nous n’avons pas trouvé de dat (...)
  • 68 Heilmann, Dollfus devient Heilmann, Hofer et Cie le 1er juin 1790 ; séparation des deux associés le (...)
  • 69 La taxe de l’entreprise est devenue insignifiante sur le relevé de 1793. Thierry l’aîné et Cie est (...)
  • 70 Dissolution de la société le 31 décembre 1785.
  • 71 La société disparaît le 1er janvier 1789.
  • 72 Fin de la société le 1er juillet 1793.
  • 73 Faillite d’un des quatre pionniers de l’impression sur étoffes en 1789.
  • 74 Liquidation annoncée le 27 novembre 1789 et étalée sur deux années au moins, eu égard au prestige
  • 75 La société est dissoute le 30 mai 1789 ; une raison sociale Johannes Hofer et Cie réapparaît en 179 (...)
  • 76 L’entreprise disparaît le 31 décembre 1785.
  • 77 Scission de la société le 31 décembre 1788.
  • 78 La fabrique disparaît le 1er juin 1786.
  • 79 Existe depuis le 1er janvier 1786.
  • 80 La société existe depuis le 1er janvier 1786 ; fin le 31 décembre 1792.
  • 81 Devient Baumgartner et Cie le 1er janvier 1791.
  • 82 Daniel Hügenin le jeune fonde sa société le 1er janvier 1786.
  • 83 L’entreprise existe depuis le 1er janvier 1789, à la suite de Wolf, Rissler et Cie ; elle fait fail (...)
  • 84 La société est constituée le 1er juin 1786.
  • 85 Existe depuis le 1er avril 1788.
  • 86 Existe depuis le 1er septembre 1786 ; faillite en 1794.
  • 87 Apparaît sur le relevé de la taxe de 1791 : il s’agit d’une fabrique de papiers peints. Est enregis (...)

Tableau 6566676869707172737475767778798081828384858687

50Ce tableau ne prend pas en compte l’entreprise Wagner et Cie, créée en 1785 et disparue en février 1789, car elle n’a jamais payé entièrement la taxe des fabricants. Le chiffre d’affaires est donc difficilement calculable ; nous pouvons l’évaluer à 106 560 livres tournois pour l’année 1787, sachant qu’elle s’acquitte d’une demi-taxe de 222 livres.

  • 88 Revoir le chapitre précédent.

51Nous constatons une diminution du chiffre d’affaires pour la moitié des entreprises entre 1783 et 1786 : notons que 1782 a constitué une année record à Mulhouse pour le chiffre d’affaires global, suivie d’une baisse (de 18 %) jusqu’en 1785 inclus puis d’une reprise en 1786, année au cours de laquelle cinq sociétés sont créées. L’ensemble des manufactures subit les arrêts du Conseil d’État du Roi, du 3 mars 1789, qui rétablissent des conditions douanières très défavorables pour l’activité industrielle de la petite république88. Trois fabriques font faillite au cours de l’année 1789 mais il faut constater qu’en 1791, les ventes d’une majorité d’entreprises ont dépassé celles de 1786 ; l’impact de la crise économique de 1789 est de courte durée sur la production manufacturière mulhousienne. C’est l’installation du cordon douanier en novembre 1792, qui signe une forte décélération des ventes de tissus imprimés : 1793 peut être considérée comme « l’année noire » pour l’activité industrielle de la petite république.

  • 89 CASPARD Pierre : La Fabrique-Neuve de Cortaillod, 1752-1854. Entreprise et profit pendant la révolu (...)
  • 90 CHASSAGNE Serge : op. cit., appendice : Evolution de la production d’après le compte marchandises.

52Nous pouvons comparer le chiffre d’affaires des manufactures mulhousiennes avec celui de la Fabrique-Neuve de Cortaillod89 : il affiche par exemple 181 574 livres tournois en 1770 (l’entreprise Oberkampf de Jouy-en-Josas, créée en 1762, annonce déjà un chiffre d’affaires de 1 090 813 livres en 177090), 374 500 livres en 1783 (ce qui la situe entre les manufactures Blech et Hügenin et Thierry l’aîné et Cie), 422 784 livres en 1787 (l’entreprise au chiffre d’affaires le plus important en 1786 est Dollfus père, fils et Cie avec 1 177 440 livres), 56 8000 livres en 1794 et 710 000 livres en 1795 (Heilmann, Dollfus et Cie, la plus performante en 1793, atteint 510 960 livres ; Kielmann et Cie se trouve en position de leader en 1794 avec 425 730 livres). Soulignons que la Fabrique-Neuve ne connaît pas les problèmes de blocus douanier supportés par les manufactures de la petite république.

E. L’impression sur étoffes à Mulhouse et ses entreprises « leaders »

53La comparaison entre le chiffre d’affaire d’une manufacture et le chiffre d’affaires global pour une année, permet de voir la percée d’une entreprise dans son secteur. Nous avons effectué une sélection des firmes les plus représentatives, d’après le tableau précédent. Voici d’abord un rappel du chiffre d’affaires global pour les années relevées précédemment :

  • 1783 : 6 785 600 livres (tournois)

  • 1786 : 6 493 200 livres

  • 1789 : 2 701 760 livres

  • 1791 : 4 634 240 livres

  • 1793 : 2 191 040 livres

    • 91 D’après la taxe des fabricants de 1794, évaluée précédemment à 10686 livres tournois.
    • 92 Devenue Dollfus père, fils et Cie en 1786.

    1794 : 2 564 640 livres9192

54Nous constatons que l’entreprise Dollfus et Vetter, devenue Dollfus père, fils et Cie depuis le 1er janvier 1786, domine les ventes d’indiennes à Mulhouse et s’affirme comme la manufacture « leader » jusqu’en 1789. Associée dans la société Frères Dollfus et Cie depuis 1790, elle réapparaît sous sa raison sociale en 1794 mais sa position sur le marché mulhousien s’est considérablement affaiblie. L’entreprise Heilmann, Dollfus et Cie, devenue Heilmann, Hofer et Cie en juin 1790, arrête son activité le 30 novembre 1793, année où elle s’impose nettement sur le marché de l’impression sur étoffe. Le commanditaire Johannes Hofer, fils du greffier Josua Hofer, a décidé d’investir dans d’autres sociétés. Le chiffre de la maison Nicolaus Rissler et Cie est donné à titre indicatif, sachant que la production n’est plus mulhousienne en 1786.

55La manufacture Vetter et Blech, issue de Dollfus et Vetter et constituée en 1786, conquiert progressivement le secteur de l’indiennage pour atteindre le premier rang en 1791 et concurrence l’entreprise Kielmann et Ciequi s’impose en 1794, au moment où une manufacture ancienne comme Eck Schwarz et Cie (créée en 1760) affronte plus difficilement le blocus douanier imposé à Mulhouse et que Heilmann Blech et Cie disparaît en juillet 1793.

III. La capacité de produire et de diffuser

56Chiffrer la production manufacturière mulhousienne à son apogée, c’est-à-dire évaluer la quantité de tissus imprimés par les fabriques d’indiennes de la cité dans les années 1780, n’est pas chose aisée faute de documents d’entreprises adéquats ou de calculs effectués par les autorités. Nous avons cependant tenté de répondre à la question, grâce aux relevés des inspecteurs des manufactures établis pour les années 1786 et 1787.

A. L’état de la production mulhousienne en 1786 et 1787

  • 93 LÉVY Robert : Histoire économique de l’industrie cotonnière en Alsace, p. 164, d’après la cote C111 (...)

57En 1786, avec l’instauration des bureaux de visite, il est possible d’approcher le nombre de tables en activité dans les fabriques d’Alsace et de Mulhouse ; voici le relevé de Robert Lévy93 :

  • Wesserling, manufacture Senn Bidermann et Cie : 186 (tables)

  • Logelbach, manufacture Haussmann et Cie : 125

  • Thann, manufacture Dollfus et Cie : 100

  • Munster, manufacture Riegé et Cie : 80

  • Cernay, manufacture Arnold père et fils : 60

  • Ribeauvillé, manufacture Steffan et Cie : 50

  • Cernay, manufacture Zurcher : 30

  • Bollwiller, manufacture Drouhin et Cie : 4

  • Mulhouse : 794

  • 94 SCHMITT Jean-Marie : Aux origines de la Révolution industrielle en Alsace. Investissements et relat (...)

58Jean-Marie Schmitt fournit également le nombre de tables à imprimer pour Mulhouse, qu’il estime à 1030 en 1786 avec dix-neuf entreprises94 ; il s’agit d’évaluations et non de données précises puisque les chiffres sont arrondis à la dizaine supérieure. Nous retrouvons, avec le nombre de tables par fabrique, le « classement » révélé précédemment par l’étude du chiffre d’affaires, à savoir Dollfus père, fils et Cie, première manufacture avec 120 tables d’impression (à comparer avec Wesserling et Logelbach) suivie de Eck, Schwarz et Cie, Hügenin l’aîné (70 tables) et Heilmann, Dollfus et Cie (60 tables).

  • 95 AMM ; cote VIIIM, 171. Jean-Marie Schmitt avance le chiffre de 40 en 1786.

59Même si les indications de messieurs Levy et Schmitt ne correspondent pas vraiment et que le calcul exact du nombre de tables d’impression en activité en 1786 n’a jamais été effectué par le Magistrat, on entrevoit tout de même l’importance de la capacité de production mulhousienne : avec une moyenne située autour de 900 tables contre 635 pour l’ensemble des manufactures alsaciennes, la petite république s’impose comme premier centre textile de sa région ; considérons toutefois que la taille de ses entreprises varie de la même manière que celle des fabriques alsaciennes précédemment citées. En 1789, nous savons que l’entreprise Friederich Cornetz fonctionne avec 34 tables d’impression95, ce qui représente un établissement de faible envergure comparé aux manufactures de Wesserling et du Logelbach, mais il s’agit d’un chiffre donné au moment de l’inventaire de faillite donc pas vraiment représentatif d’une fabrique en « bonne santé ».

60En 1786, l’élève-inspecteur des manufactures Rupied, dans son mémoire intitulé « L’art d’imprimer sur toile en Alsace », évoque la « petite République enclavée dans l’Alsace, (qui) a non seulement formée les premiers Etablissements en ce genre ; mais aussi les a étendus sur plusieurs surfaces de la province, comme Cernay, Ribeauviller, Munster, Wesserling et Thann ». Rupied tente d’évaluer la production mulhousienne : « Son commerce annuel est de 200 000 pièces, qui au prix réduit de 36 livres chacune forment un total de 7 200 000 livres, la moitié se consomme dans l’intérieur et l’autre passe en Allemagne et Italie ». Il avance également le chiffre de 6 250 000 livres pour la production alsacienne. Nous laissons à Rupied la responsabilité de ses indications, sachant que le prix d’une toile imprimée est fonction de sa qualité et que le prix de vente des indiennes alsaciennes n’est pas nécessairement celui des toiles imprimées mulhousiennes.

  • 96 AMM ; cote XIIIP, 4.

61Afin d’obtenir des indices ciblés sur la production de la petit république, intéressons-nous plus particulièrement à l « État » des toiles blanches et imprimées, certifié conforme par les « Préposés à la Marque de visite des Manufactures de Mulhausen » Ackermann et Rupied, en janvier 1788. Ce relevé concernant les années 1786 et 178796, est effectué à la demande du gouvernement français, pour les raisons de politique douanière détaillées dans le chapitre précédent. Nous ne disposons évidemment pas, dans ces tableaux validés par des inspecteurs français pour des exportations vers le royaume de France, de chiffres concernant la production mulhousienne dirigée vers d’autres pays, comme l’Allemagne et l’Italie. Voici les données à retenir plus particulièrement :

62– Nombre de toiles blanches tissées en Alsace et utilisées à Mulhouse pour l’impression,
en 1786 : 97 564
en 1787 : 73 503

63– Nombre de toiles blanches provenant des manufactures de l’intérieur du royaume et des ventes de la Compagnie française des Indes, utilisées pour l’impression à Mulhouse,
en 1786 : 7 2911/2
en 1787 : 651

64– Nombre de mousselines utilisées à Mulhouse pour l’impression sur étoffes,
en 1786 : 0
en 1787 : 8

  • 97 Renvoi au chapitre 3 de la troisième partie, paragraphe I-A.

65Nous remarquons immédiatement l’importance de la production alsacienne de toiles de coton, par rapport au nombre total de toiles blanches utilisées pour l’indiennage ; en fait, il s’agit surtout d’une production mulhousienne, comme le précise l’intitulé du tableau dressé en janvier 1788 : « État de la quantité de Mousselines et de Toiles blanches de Coton qui ont été fabriquées dans les Manufactures de la ville de Mulhausen ainsi que celles qui ont été tirées du Commerce de l’Intérieur du Royaume et des ventes de l’orient (port de Lorient) ». Rappelons en effet que les manufactures de coton de la petite république se situent sur le territoire de l’Alsace, notamment dans les vallées vosgiennes de Masevaux, Saint-Amarin, Munster et Orbey97.

66Nous disposons également du nombre total de « pièces imprimées plombées » à Mulhouse pour les deux années citées ;
en 1786 : 109 544 ½
en 1787 : 105 398 1/2

  • 98 Nous savons d’après les litiges enregistrés par le Directoire du commerce mulhousien, que certains (...)
  • 99 Par françaises, nous entendons évidemment les toiles tissées par les manufactures situées sur l’esp (...)

67Il existe un décalage certain entre le nombre de pièces de toiles blanches et le nombre de pièces d’indiennes : 104 855 pièces tissées et 109 544 1/2 imprimées en 1786 ; 74 162 pièces tissées et 105 398 1/2 imprimées en 1787. Les impressions sur toiles de coton étrangères ne sont pas prises en compte par les relevés des deux préposés98. En 1786, sur le nombre total d’indiennes exportées vers le royaume de France, il apparaît que 4,2 % des tissus de coton utilisés sont d’origine étrangère, contre 89 % de toiles locales et 6,8 % de toiles françaises99. En 1787, les toiles blanches étrangères correspondent cette fois à 29,6 % des tissus utilisés pour les imprimés destinés au royal voisin, contre 69,7 % de toiles de fabrication locale et 0,7 % de toiles françaises.

  • 100 AMM ; cote XIIIP, 3 : Arrêts du 17 février 1786 et du 21 décembre 1786. Voir également le chapitre (...)
  • 101 AMM ; cote XIIIP, 5 : « Réclamation de la ci-devant province d’Alsace… », par Haussmann frères et C(...)

68Les explications sont d’ordre politique et qualitatif : en 1786100, deux arrêts contradictoires du Conseil d’État du Roi, ont établi puis supprimé des droits de douane très favorables aux manufactures alsaciennes et mulhousiennes ; ces décisions incitent les entreprises mulhousiennes à « boycotter » la production du royaume et à se tourner vers leur propre fabrication ou les tissus de coton étrangers. Soulignons également que l’argument de la différence de qualité entre toiles étrangères et françaises intervient certainement dans le choix des fabricants : en mai 1791, une réclamation de la manufacture Haussmann frères et Cie de Colmar, adressée à l’Assemblée Nationale au nom de la province d’Alsace, précise que l’achat des toiles étrangères est indispensable parce que les toiles de coton françaises sont de qualité inférieure et plus chères que leurs concurrentes étrangères101.

  • 102 AMM ; cote XIIIP, 4 : « État et Répartition des 44760 Pièces de Mousselines, Toiles de Coton Nation (...)

69Le nombre total de toiles blanches (179 026 pièces) certifié conforme par les préposés Ackermann et Rupied, le 27 janvier 1788, est très proche de celui fourni en mars 1788, par Josua Hofer102 : il correspond théoriquement à 179 040 pièces, calculé sur la base du quart de la production d’imprimés en 1786 et 1787 (tissus de coton d’origine étrangère non compris). Le greffier réalise ce relevé à la demande du gouvernement français, dans le cadre de questions douanières développées dans le chapitre précédent. Notons que deux autres états de répartition sont effectués simultanément avec celui de Josua Hofer mais ils s’avèrent incomplets et donc peu fiables.

  • 103 Il s’agit ici de l’aune de Paris qui mesure 1,188 m.

70L’aunage total des toiles blanches est indiqué par les tableaux de Rupied et Hofer : 152 757 aunes de tissus soit 181 475 mètres (ou 181,4 km)103 ont été fournies à 95,5 % par les manufactures alsaciennes, contre 4,5 % par celles de l’intérieur du royaume et les ventes de la Compagnie des Indes. Nous ne tenterons pas d’établir le kilométrage de tissus étrangers employé dans l’indiennage mulhousien car la longueur des pièces de coton helvétiques, par exemple, varie du simple au double par rapport aux toiles fabriquées en Alsace. Mesurer la production totale des manufactures de la petite république n’est donc pas envisageable à la fin du xviiie siècle, puisque nous disposons uniquement du kilométrage de tissus à destination de la France, pour les années 1786 et 1787.

B. Les réseaux commerciaux de l’indiennage mulhousien

71Intéressons-nous maintenant à la diffusion de la production, grâce à certains inventaires d’entreprises qui dévoilent leurs réseaux commerciaux et permettent ainsi de visualiser l’étendue du marché mulhousien de l’impression sur étoffes.

Zetter Schwarz et Cie (1762)

  • 104 AMM ; cote VIIIM, 85.

72L’inventaire de la société a lieu au mois de février 1762, suite à la séparation des trois associés ; il nous permet de situer géographiquement les négociants et particuliers redevables à la manufacture104 :

73Mulhouse, Strasbourg, Sainte-Marie-aux-Mines, Sélestat, Belfort, Remiremont, Toul, Ligny-en-Barrois, Paris, Bâle, Porrentruy, Lyon.

74Nous constatons que le réseau commercial de la fabrique Zetter Schwarz et Cie est situé majoritairement sur le nord-est du royaume, avec une prédilection pour la Lorraine dont les maisons de commerce ont abondamment servi de relais vers la France jusqu’à la fin de la prohibition des indiennes.

Tobias Hartmann père et fils (1771)

  • 105 AMM ; cote VIIIL, 15. En caractères gras figurent les villes citées dans l’inventaire Zetter, Schwa (...)

75L’inventaire complet et la collocation sont particulièrement instructifs sur la localisation des maisons de commerce et des négociants créanciers de l’entreprise105 :

  • 106 Trieste est un port franc depuis 1719, seul débouché de l’Autriche sur la Méditerranée.

76Mulhouse, Colmar, Strasbourg, Belfort, Montbéliard, Nancy, Lunéville, Metz, Paris, Lyon, Marseille, Genève, Vevey, Bâle, Berne, Zürich, Aarau, Landau, Cologne, Hambourg, Augsbourg, Amsterdam, Rotterdam, Madrid, Trieste106

77Avec la manufacture Tobias Hartmann, nous assistons entre 1762 et 1771, à une extension significative du marché des tissus imprimés, non seulement vers la France mais également vers l’Allemagne et la Suisse. La présence de plusieurs ports maritimes européens indique la relation directe entre impression sur étoffes et négoce international. Nous retrouvons comme dans le précédent inventaire, les villes centres d’échanges régionaux et nationaux (Strasbourg, Bâle, Lyon, Paris).

Friederich Cornetz (1789)

  • 107 Nous avons noté en caractères gras les villes déjà présentes dans l’inventaire de Tobias Hartmann.

78Voici une liste non exhaustive de maisons de négoce, avec lesquelles la manufacture se trouve en relation pour attente de paiement ou marchandises en dépôt107 :

79Mulhouse, Cernay, Colmar, Strasbourg (trois maisons), Besançon, Versailles (cinq maisons), Paris (six maisons), Bar-le-Duc (cinq maisons), Nancy, Epinal, Saint-Dizier, Montbéliard, Chalon-sur-Saône, Lille, Amiens, Cambrai, Reims, Dijon (trois maisons), Lyon, Marseille, Toulon, Genève, Bâle, Francfort, Bruxelles…

80Nous observons que l’entreprise Friederich Cornetz s’est déployée sur un réseau commercial très majoritairement français. Les maisons de commerce lorraines de Bar-le-Duc et Nancy sont toujours présentes en 1789 ; quarante ans auparavant, la manufacture pionnière Köchlin, Schmalzer et Cie les utilisaient comme intermédiaires pour l’entrée de ses indiennes (alors prohibées) dans le royaume. Francfort, Strasbourg, Genève, Bâle, Lyon, Lille, villes de grandes foires, disposent logiquement de négociants en toiles, ainsi que Marseille et Toulon, ports tournés vers la Méditerranée. Paris et Versailles, en tant que capitale et siège de la Cour, constituent un centre névralgique pour la diffusion d’un produit très en vogue et atteignant progressivement toutes les catégories sociales.

Dollfus frères et Cie (1790)

  • 108 AMM ; cote 64TT 438. Nous avons noté en caractères gras les villes rencontrées dans les deux invent (...)

81L’inventaire de la manufacture, effectué le 31 décembre 1790, nous fournit la liste exceptionnelle des maisons de commerce et négociants en liaison avec l’entreprise108 :

  • 109 Riga est annexée par la Russie en 1710.
  • 110 Milan est donnée à l’Autriche au traité de Rastatt de 1714.

82Mulhouse, Strasbourg, Bâle, Neuchâtel, Herisau, Glaris, Saint-Gall, Bar-le-Duc, Troyes, Dijon, Chalon-sur-Saône, Paris, Versailles, Lyon, Grenoble, Valence, Marseille, Toulon, Montpellier, Toulouse, Bordeaux, Bruxelles, Liège, Ostende, Amsterdam, Manchester, Francfort, Leipzig, Berlin, Magdeburg, Königsberg, Hambourg, Dortmund, Düsseldorf, Aix-la-Chapelle, Varsovie, Riga109, Milan110

83Notons qu’avec des dettes actives s’élevant à 993 552 livres, les créances de négociants de Leipzig représentent 368 541 livres, soit 37 % des sommes dues à la société Frères Dollfus et Cie. Pour 764 600 livres de dettes passives, c’est-à-dire dues par la firme à ses créanciers, 241 040 livres soit 31,5 % sont redevables à des négociants de Francfort.

84La société Dollfus frères et Cie dispose d’une implantation très partagée entre le territoire français et l’Allemagne ; elle se tourne volontiers vers le nord de l’Europe (Angleterre, Hollande…) et réussit même à pénétrer en Russie par le port de Riga. Elle tisse des relations avec des villes portuaires de la Méditerranée, l’Atlantique, la Mer du Nord et la Baltique ; nous pouvons la qualifier d’entreprise européenne.

85Depuis la manufacture Zetter, Schwarz et Cie en 1762 jusqu’à l’entreprise Frères Dollfus et Cie en 1790, le marché mulhousien des indiennes s’est considérablement élargi, de l’échelle régionale et française, il s’est rapidement étendu au territoire européen. L’industrie de l’impression sur étoffes fait entrer la petite république dans le négoce international ; la France s’affirme cependant jusqu’aux années 1790, comme le partenaire privilégié des manufactures de la cité. Soulignons l’importance des ports maritimes et l’ouverture de marchés vers le nord et l’est de l’Europe à la fin du siècle.

Conclusion

  • 111 AMM ; cote XIIIG, 30.

86Un mémoire d’octobre 1785 adressé au gouvernement français, explique le succès manufacturier mulhousien par la présence de capitaux et l’existence de « plusieurs capitalistes forts riches »111 : la deuxième génération de fabricants, formée dans l’entreprise paternelle, confirme par les inventaires et bilans d’entreprises, la nécessité d’une concentration des capitaux permettant d’assurer une activité industrielle compétitive, dans un marché désormais ouvert à tous.

Notes

1 AMM ; cote VIIIG, 1.

2 AMM ; cote IIB, 3 : p. 245. Règlement du Directoire du 14 mars 1742, article 6.

3 ENGELMANN Gottfried : « Chronique de la famille Engelmann de Mulhouse (1450-1898) », dans Le Vieux Mulhouse, tome V, traduit par Ernest Meininger. Voir également SCHRECK Nicolas : La République de Mulhouse et l’Europe des Lumières. Strasbourg, publications de la Société savante d’Alsace et des régions de l’Est, 1993, pp. 115 – 116.

4 Johann Ulrich Hartmann est le fils du fabricant Johann Ulrich Hartmann décédé en 1770 ; il a déjà effectué une période d’apprentissage d’un an dans la manufacture paternelle.

5 Prénom en français dans le contrat.

6 LEONARDI Andrea : « Corporation et expérience sur le tas : la formation du marchand-entrepreneur dans l’Autriche de Marie-Thérèse », dans ANGIOLINI Franco et ROCHE Daniel (sous la direction de) : Cultures et formations négociantes dans l’Europe moderne. Paris, éditions de l’EHESS, 1995, p. 298.

7 HOOCK Jochen : « L’enseignement commercial anglais au 18e siècle », dans ANGIOLINI Franco et ROCHE Daniel (sous la direction de) : op. cit., p. 162.

8 AMM ; cote IIA1,32 : « Grafengassen », 8 mai 1782, p. 720 et 29 mai 1782, p. 739.

9 ENGEL A. : « Rapport sur la création à Mulhouse, à la fin du xviiie siècle, d’une école de commerce », dans BSIM, tome XVI, 1875, p. 341 – 352.

10 AMM ; cote IIA4,82 : 20 juin 1782, p. 817.

11 AMM ; cote VIIIM, 180 : inventaire d’Elisabeth Hofer commencé le 21 janvier 1793.

12 AMM ; cote IIA1,33 : « Danzmeister », 22 décembre 1784, p. 558.

13 AMM ; cote IIA1,33 : « Brandschrecken », 30 mars 1785, pp. 634 – 635.

14 AMM ; cote IIA1,33 : « Institut », 30 mars 1785, p. 639.

15 SCHRECK Nicolas : op. cit., pp. 116 – 120.

16 BRAUDEL Fernand : Civilisation matérielle, économie et capitalisme (xve-xviiie siècle). Paris, Armand Colin, 1979, tome 2. Réédition Le Livre de Poche références, 1993, tome 2 : Les jeux de l’échange.

17 BREMOND Jeanine et GELEDAN Alain : Dictionnaire économique et social. Paris, Hatier, 1981.

18 BRAUDEL Fernand : op. cit., p. 277. Citation d’Andrew Schonfield : Le Capitalisme d’aujourd’hui, 1967.

19 BREMOND Jeanine et GELEDAN Alain : op. cit., p. 52.

20 BRAUDEL Fernand : op. cit., p. 275.

21 Renvoi à la cote XIIIG, 30 et au chapitre précédent.

22 AMM ; cote VIIIM, 89 : inventaire après décès commencé le 26 janvier 1763.

23 AMM ; cote VIIIM, 95 : inventaire de Anna Maria Vetter épouse de Johann Heinrich Dollfus, commencé le 11 janvier 1765.

24 AMM ; cote VIIIM, 116 : inventaire de Maria Magdalena Mieg épouse de Johannes Dollfus, commencé le 21 janvier 1773.

25 AMM ; cote VIIIM, 116 : inventaire commencé le 24 mars 1773.

26 AMM ; cote VIIIM, 122 : inventaire de séparation entre Mathias Mieg et Francisca Schmalzer (fille du fabricant Johann Jacob Schmalzer), commencé le 7 novembre 1774. Mathias Mieg détient le quart de la société Schmalzer et Mieg.

27 AMM ; cote VIIIM, 121 : inventaire commencé le 15 septembre 1774 et liquidé le 23 mars 1775.

28 AMM ; cote VIIIM, 126 : inventaire de Margaretha Cornetz épouse Schmalzer, commencé en juin 1776.

29 AMM ; cote VIIIM, 140 : inventaire commencé le 26 septembre 1780.

30 AMM ; cote VIIIM, 141 : inventaire de Margaretha Götz épouse de Lucas Kohler, commencé le 10 avril 1781.

31 AMM ; cote VIIIM, 160 : inventaire commencé le 23 mars 1786.

32 AMM ; cote VIIIM, 165 : inventaire commencé le 22 août 1787. Société composée de deux associés et trois commanditaires.

33 AMM ; cote VIIM, 169 : inventaire commencé le 6 février 1789.

34 AMM ; cote 64TT 438 : inventaire et bilan de la société Frères Dollfus et Cie du 31 décembre 1790.

35 AMM ; cote VIIIM, 184 : inventaire commencé le 24 mars 1794.

36 AMM ; cote VIIIM, 184 : inventaire de Anna Catharina Reber épouse de Johann Jacob Kielmann, commencé le 8 avril 1794.

37 AMM ; cote IX, 16 : pp. 56 – 57 et 102. Revoir la troisième partie, chapitre 2, II-B.

38 AMM ; cote 64TT 438.

39 AMM ; cote VIIIG, 2 : pp. 155 – 156.

40 CHASSAGNE Serge : Oberkampf, un entrepreneur capitaliste au siècle des Lumières. Paris, Aubier, 1980, pp. 16 – 17.

41 CHASSAGNE Serge : op. cit., tableau 3.

42 Renvoi à la troisième partie, chapitre 2, I-C.

43 BREMOND Jeanine et GELEDAN Alain : op. cit., p. 88.

44 AMM ; cotes VIIIL, 14 et VIIIL, 15 : bilan achevé le 20 décembre 1768.

45 Renvoi à la troisième partie, chapitre 2, II-B.

46 AMM ; cote VIIIM, 128.

47 OBERLÉ Raymond : « La fortune de Samuel Köchlin, le fondateur de l’industrie mulhousienne », dans Revue d’Histoire Économique et Sociale, 1969, n° 1, pp. 108 – 116.

48 AMM ; cote VIIIM, 137 : inventaire commencé en décembre 1779.

49 AMM ; cote VIIIM, 171 : accomodement du 7 septembre 1789 et cote IIA1,35 : « Accomodement », 7 octobre 1789, p. 71.

50 AMM ; cote IX, 16 : p. 88.

51 BREMOND Jeanine et GELEDAN Alain : op. cit., p. 90.

52 Éléments calculés à partir d’indications figurant dans le document coté IX, 10 aux AMM.

53 AMM ; cote VIIIM, 171 : inventaire commencé le 7 octobre 1789.

54 Éléments calculés à partir des indications obtenues dans le document coté IX, 10.

55 CHASSAGNE Serge : op. cit., tableau 3.

56 AMM ; cote IX, 10 : « Kaufhaus und Zollbuch », années 1783 à 1797. Voir aussi les cotes IVB, 16 à IVB, 21 : « Einnahm von dem Kaufhaus ».

57 RUPIED : L’art d’imprimer sur toile en Alsace, 1786. Manuscrit n° 8827 du Musée de l’Impression sur Étoffes de Mulhouse (MISE).

58 AMM ; cote IX, 9.

59 Voir le chapitre précédent.

60 AMM ; cote IIA1,36 : « Fabriquen Zoll », 9 décembre 1791, pp. 1 – 2.

61 AMM ; cote IX, 10.

62 AMM ; cote XIIIP, 7. Chiffres donnant un ordre d’appréciation mais devant être considérés avec prudence car variables d’un registre à l’autre.

63 AMM ; cote IX, 9.

64 AMM ; cote IX, 10.

65 Dollfus et Vetter devient Dollus père, fils et Cie le 1er janvier 1786. Elle n’apparaît pas sur les relevés de la taxe des fabricants en 1791 ni en 1793 (l’association avec Pierre Dollfus et Cie de Thann pouvant être une explication), mais réapparaît sous cette raison sociale en 1794, avec un chiffre d’affaires présumé de 603360 livres.

66 Taxe de 1786 insignifiante ; fin de l’activité à Mulhouse en 1787.

67 La société disparaît des relevés de la taxe des fabricants en 1788 ; nous n’avons pas trouvé de date de cessation d’activité dans le livre des raisons sociales.

68 Heilmann, Dollfus devient Heilmann, Hofer et Cie le 1er juin 1790 ; séparation des deux associés le 30 novembre 1793.

69 La taxe de l’entreprise est devenue insignifiante sur le relevé de 1793. Thierry l’aîné et Cie est commanditaire de la société Thierry frères et Cie créée le 1er août 1791.

70 Dissolution de la société le 31 décembre 1785.

71 La société disparaît le 1er janvier 1789.

72 Fin de la société le 1er juillet 1793.

73 Faillite d’un des quatre pionniers de l’impression sur étoffes en 1789.

74 Liquidation annoncée le 27 novembre 1789 et étalée sur deux années au moins, eu égard au prestige

de la famille Cornetz à Mulhouse ; voir cote VIIIM,171 et cote IX,10 : taxe des fabricants payée en

1790 et 1791.

75 La société est dissoute le 30 mai 1789 ; une raison sociale Johannes Hofer et Cie réapparaît en 1794,

aux cotes IX,10 et IX,16 mais il ne s’agit pas du même Johannes Hofer.

76 L’entreprise disparaît le 31 décembre 1785.

77 Scission de la société le 31 décembre 1788.

78 La fabrique disparaît le 1er juin 1786.

79 Existe depuis le 1er janvier 1786.

80 La société existe depuis le 1er janvier 1786 ; fin le 31 décembre 1792.

81 Devient Baumgartner et Cie le 1er janvier 1791.

82 Daniel Hügenin le jeune fonde sa société le 1er janvier 1786.

83 L’entreprise existe depuis le 1er janvier 1789, à la suite de Wolf, Rissler et Cie ; elle fait faillite en

1792.

84 La société est constituée le 1er juin 1786.

85 Existe depuis le 1er avril 1788.

86 Existe depuis le 1er septembre 1786 ; faillite en 1794.

87 Apparaît sur le relevé de la taxe de 1791 : il s’agit d’une fabrique de papiers peints. Est enregistrée

dans le « Ragionenbuch » le 12 juin 1792. L’inventaire d’août 1793 annonce un bénéfice de 58411

livres tournois, chiffre très proche de notre calcul. Voir JACQUE Bernard : De la manufacture au

mur. Pour une histoire matérielle du papier peint (1770-1914). Thèse de doctorat en Histoire

contemporaine, Université de Lyon II Lumière, 2003, p. 40.

88 Revoir le chapitre précédent.

89 CASPARD Pierre : La Fabrique-Neuve de Cortaillod, 1752-1854. Entreprise et profit pendant la révolution industrielle. Paris, Publications de la Sorbonne, 1979 ; voir graphique de la production de la Fabrique-Neuve de 1752 à 1795, p. 104 et annexe II p. 186. Il est nécessaire de transformer les livres neuchâteloises en livres tournois (1 livre de Neuchâtel vaut 1,42 livre de France).

90 CHASSAGNE Serge : op. cit., appendice : Evolution de la production d’après le compte marchandises.

91 D’après la taxe des fabricants de 1794, évaluée précédemment à 10686 livres tournois.

92 Devenue Dollfus père, fils et Cie en 1786.

93 LÉVY Robert : Histoire économique de l’industrie cotonnière en Alsace, p. 164, d’après la cote C1118 aux Archives Départementales. Pour Mulhouse, chiffre donné pour 19 manufactures alors qu’elles sont au nombre de 22 en 1786.

94 SCHMITT Jean-Marie : Aux origines de la Révolution industrielle en Alsace. Investissements et relations sociales dans la vallée de Saint-Amarin au xviiie siècle. Strasbourg, Istra, 1980. Les chiffres fournis ne figurent pas dans les documents d’archives cités par l’auteur ; sans doute y a-t-il erreur de cote.

95 AMM ; cote VIIIM, 171. Jean-Marie Schmitt avance le chiffre de 40 en 1786.

96 AMM ; cote XIIIP, 4.

97 Renvoi au chapitre 3 de la troisième partie, paragraphe I-A.

98 Nous savons d’après les litiges enregistrés par le Directoire du commerce mulhousien, que certains fabricants de la petite république se fournissent encore chez des négociants suisses de toiles de coton, notamment à Zürich. Voir aussi Paul BUTEL : op. cit., p. 105.

99 Par françaises, nous entendons évidemment les toiles tissées par les manufactures situées sur l’espace géographique des cinq grosses fermes ou toiles dites de l’intérieur du royaume.

100 AMM ; cote XIIIP, 3 : Arrêts du 17 février 1786 et du 21 décembre 1786. Voir également le chapitre suivant.

101 AMM ; cote XIIIP, 5 : « Réclamation de la ci-devant province d’Alsace… », par Haussmann frères et Cie, le 15 mai 1791. Renvoi au chapitre précédent.

102 AMM ; cote XIIIP, 4 : « État et Répartition des 44760 Pièces de Mousselines, Toiles de Coton Nationales d’Alsace et de celles tirées de l’Intérieur, accordées aux Manufacturiers de Mulhausen pour le quart de leur fabrication des années 1786 et 1787, avec Permission de les faire Entrer par le Bureau de Saint-Dizier au Droit de £ 4 par Cent et 10 sols par Livre »

103 Il s’agit ici de l’aune de Paris qui mesure 1,188 m.

104 AMM ; cote VIIIM, 85.

105 AMM ; cote VIIIL, 15. En caractères gras figurent les villes citées dans l’inventaire Zetter, Schwarz et Cie.

106 Trieste est un port franc depuis 1719, seul débouché de l’Autriche sur la Méditerranée.

107 Nous avons noté en caractères gras les villes déjà présentes dans l’inventaire de Tobias Hartmann.

108 AMM ; cote 64TT 438. Nous avons noté en caractères gras les villes rencontrées dans les deux inventaires précédents.

109 Riga est annexée par la Russie en 1710.

110 Milan est donnée à l’Autriche au traité de Rastatt de 1714.

111 AMM ; cote XIIIG, 30.

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