Version classiqueVersion mobile

Toulouse, une métropole méridionale

 | 
Bernadette Suau
, 
Jean-Pierre Almaric
, 
Jean-Marc Olivier

Création artistique et littéraire

En marge de l’opéra et de la musique religieuse : musiques festives toulousaines au xviiie siècle

Jean-Christophe Maillard

Résumé

On sait que l’activité musicale de Toulouse aux XVIIe et XVIIIe siècles fut intense, et en partie des pièces qui y furent créées nous sont connues par divers témoignages, livrets ou partitions. Rejouées pour certaines d’entre elles, elles font l’objet de recherches, de publications, de partitions et de disques. On connaît un peu le répertoire religieux des Gilles, Levens et Dupuy ; on commence à évoquer les pièces lyriques de ces deux derniers. Nous insistons ici sur un troisième répertoire, plus complexe peut-être puisqu’il se situe à la charnière des deux : celui de la cantate en langue française traitant de sujets religieux (oratorios et assimilés) ou para-religieux (chant de louange pour un prélat, ou pour la naissance du dauphin). Ces musiques, associées aux fêtes, s’échappent des conventions de la liturgie ou de la scénographie, prétextes à des célébrations musicales bien définies. Une certaine spécificité toulousaine, déjà perceptible dans les autres répertoires, peut sans doute ici s’exprimer avec une plus nette évidence.

Texte intégral

1La légende selon laquelle la musique française des xviie et xviiie siècles aurait nécessairement gravité autour de la personne royale et de la sphère parisienne est désormais démontée. Certes, l’attraction vers la capitale et le prestige de la musique royale ont joué un rôle primordial dans un contexte politique centralisateur, contrairement aux productions, éclatées par nécessité, fournies par l’Italie et l’Allemagne : on s’aperçoit pourtant, depuis plusieurs années, que les créations françaises ont été abondantes et souvent d’excellente qualité, dans de nombreux centres régionaux et dans diverses métropoles du royaume. C’est d’ailleurs dans toute l’Europe, comme dans les Amériques, que nombre de chercheurs poursuivent quantité de campagnes de réhabilitation pour promouvoir la connaissance de ces répertoires délaissés, souvent laissés pour compte pour simple raison d’une approche historique schématique et réductrice. L’Europe centrale et l’Espagne ont associé à leur histoire nombre de réalisations musicales adaptées à la vie des cours et des chapelles, plus surprenante encore a été la découverte de ces productions missionnaires en Paraguay, Mexique, Colombie ou Pérou. La musique toulousaine serait-elle une curieuse excroissance, découverte surprenante issue d’un contexte socio-culturel mal perçu ? Celle que nous connaissons apporte un éclairage inédit au répertoire français des xviie et xviiie siècles. Sa filiation et son appartenance ne font aucun doute : elle est en effet conforme au style national. Pourtant, sa spécificité est là : on la trouvera dans ses finalités. Répertoire religieux, pour les chapelles de Saint-Étienne ou de Saint-Sernin, ou encore pour les confréries de pénitents ; répertoire profane, telles ces œuvres lyriques et scéniques écrites pour l’académie de musique, ou pour les collèges : les opportunités furent diverses. Les recherches entamées par divers chercheurs ont permis une meilleure connaissance des contextes, et la mise au jour de partitions enfouies. Les réalisations de quelques musiciens ont livré aux publics du concert et du disque des traces tangibles d’un répertoire attachant et appréciable.

  • 1 Le CMBV a notamment pris en charge, dans le cadre de ses « Cahiers de musique », la collection Patr (...)

2Les sources sont essentiellement localisées dans deux grands fonds publics : la Bibliothèque d’étude et du patrimoine de Toulouse et le département de la Musique de la Bibliothèque nationale de France. Les partitions en constituent les éléments les plus éloquents, mais quelques livrets, ou la mention de divers titres au sein d’inventaires de collections perdues, ou listes d’œuvres correspondant à des représentations, viennent compléter nos connaissances. Comme souvent avec les musiques méconnues, il n’est pas chose aisée de les faire entendre lorsque l’on dispose pourtant de leurs partitions, et leur connaissance diffère forcément de celle des autres expressions artistiques toulousaines. S’il est facile d’admirer la façade du Capitole ou les peintures de la chapelle des Carmélites, apprécier la musique de Vidal, Chauvigny ou Combes n’est réservé qu’à l’infime minorité des musiciens capables de lire et d’entendre intérieurement une partition manuscrite du xviiie siècle. Les concerts et enregistrements que nous venons d’évoquer mériteraient d’être plus nombreux, ce qui entraîne de lourds financements. Il est à souhaiter que les éditions assurées notamment par le Centre de Musique baroque de Versailles1 stimulent les interprètes et les organisateurs de concerts.

  • 2 Michel Cassan, La fête à Toulouse à l’ époque moderne de la fin de xvie siècle à la Révolution, thè (...)
  • 3 Luc Charles-Dominique et Patrick Lasseube, 800 ans de musique populaire à Toulouse, catalogue d’exp (...)

3Le répertoire religieux et les musiques scéniques, dont les genres sont facilement cernables, ont déjà fait l’objet de diverses études. Moins connues sont les pièces que nous proposons d’observer ici et sans doute correspondent-elles plus spécifiquement à un répertoire typiquement « toulousain ». La fête dans les murs de la cité toulousaine est relativement connue, notamment par les ouvrages de M. Cassan2 et L. Charles-Dominique3 : l’un comme l’autre insistent sur le rôle extrêmement important qu’y tient la musique. Évoquer les différents caractères qu’elle peut y revêtir est chose plus délicate : beaucoup de ces musiques appartenaient au monde de l’oralité, même si des bribes écrites ont pu y être exploitées. Parmi les sources musicales toulousaines dont nous disposons, quelques pages semblent correspondre aux exigences de tel ou tel type de fête, se démarquant des genres plus fréquents de la musique religieuse ou du répertoire lyrique. Lorsque la musique de fête n’est pas assurée par les bandes militaires, par les ensembles de ménétriers ou par les musiciens attitrés d’un centre religieux, les hasards des circonstances peuvent contribuer à la création de pages originales. Nous tenterons donc d’évoquer les diverses occasions de faire résonner la musique dans la fête toulousaine, tout en évoquant quelques références pouvant illustrer notre propos, puis en nous attardant sur un cas particulier.

Les musiciens de la ville

  • 4 Luc Charles-Dominique, Les ménétriers en France sous l’ancien régime, Paris, Klincksieck, 1994, p.  (...)

4Si l’on en croit Cassan et surtout Charles-Dominique, la musique est omniprésente lors des fêtes toulousaines : le contraire serait bien sûr impensable. Reste à savoir quelle était cette musique : cette courte approche ne saurait malheureusement en rendre compte dans son ensemble. Une grande quantité de sources écrites est disparue, et surtout, cette musique était en très large partie issue d’un répertoire connu par transmission orale. Une iconographie restreinte et quelques textes permettront d’en savoir plus. De rares sources musicales, observées ici, éclaireront tel ou tel aspect ponctuel de la question. La création musicale savante est chose avérée à Toulouse : on verra en elle le reflet d’une activité foisonnante, sans céder au travers d’imaginer que toutes les musiques de fête étaient de même type… Les musiciens étaient, comme dans toutes les grandes villes, de milieux et de métiers divers. Celui qui travaillait pour l’Église représentait sans doute le haut de l’échelle professionnelle : le maître de chapelle dirigeait et composait, assisté souvent de sous-maîtres ; les chantres exerçaient leurs fonctions, tout comme quelques instrumentistes, en tant qu’employés réguliers ; l’organiste, lui aussi titulaire, jouissait d’un grand prestige ; les enfants de chœur enfin, étaient formés avec rigueur au métier de chanteur comme à celui, éventuellement, de la composition. Parfois, et souvent au grand dam des membres des chapitres, ces personnes réalisaient quelques escapades dans le monde de la musique profane. L’organiste Mathieu Lanes, le maître de chapelle Charles Levens (tous deux de Saint-Étienne) ou Bernard-Aymable Dupuy (maître de chapelle à Saint-Sernin) ne négligeaient pas les occasions de se diversifier. De la même manière, des instrumentistes extérieurs venaient sans doute prêter main-forte lors des occasions exceptionnelles du calendrier religieux. Mais quels étaient ces instrumentistes extérieurs ? Probablement ceux du théâtre, sans que l’on sache exactement leurs fonctions. Les orchestres tels qu’ils apparaissent dans les quelques partitions profanes toulousaines semblent assez étoffés, avec leurs flûtes, hautbois, bassons et cors se joignant à un ensemble de cordes atteignant les quatre parties, celles de l’orchestre d’opéra du temps, comme à l’Académie royale de Musique à Paris : dessus, haute-contre, taille et basse. On ignore si ces instrumentistes étaient assimilables aux musiciens de la ville, appartenant de leur côté à la corporation des ménétriers. Ces derniers, quant à eux, représentaient l’autre versant de la vie musicale de l’Ancien Régime : face aux détenteurs d’une science fournissant la musique de l’élite, leurs fonctions plus modestes consistaient à assurer l’animation des réjouissances populaires, sous la forme d’orchestres de danse gagés lors des fêtes familiales comme les mariages, ou lors de réjouissances populaires. À Toulouse, on verra que certains d’entre eux avaient en outre la charge de précéder les capitouls lors de leurs déplacements dans la ville4.

La fête et la musique

5Plus encore que lors de cérémonies religieuses et de représentations théâtrales, la musique se fait entendre lors des fêtes. Celles-ci sont de types divers. Nous n’insisterons pas sur les manifestations entièrement privées et sur celles que l’on peut voir dans tout le pays, comme par exemple le carnaval, ou à l’opposé celles associées à une procession religieuse, fête des Corps Saints par exemple. Bien sûr, celles de Toulouse ont leurs particularités : on préférera pourtant s’attarder sur d’autres évènements, peut-être plus spécifiques. La cité exploite le double registre de la fête publique et de la fête réservée à une communauté précise, et que nous nommerons fête « semi-publique » : nous observerons quelques-unes de celles-ci.

  • 5 Le bâtiment accueille aujourd’hui une salle de cinéma, et le bas-relief est presque entièrement occ (...)
  • 6 L’unique trace musicale de cette visite n’est pas toulousaine à proprement parler : il s’agit du Ba (...)
  • 7 Luc Charles-Dominique et Patrick Lasseube, 800 ans de musique populaire à Toulouse, ouv. cité, p. 3 (...)
  • 8 Adanaxe. Tragedie, dediée a messieurs les Capitouls de Toulouse : par les ecoliers d’humanité des P (...)
  • 9 Hymne, ms., [1781], Toulouse, BMT, Bibliothèque d’étude et de patrimoine, RES. MUS.B. 60.
  • 10 Jean Combes, Hymne pour la Feste de l’annonciation…, ms. 1755, Toulouse, BMT, Bibliothèque d’étude (...)
  • 11 Alex et Janine Beges, La chapelle de musique de la cathédrale Saint-Nazaire, 1590-1790, Béziers, So (...)

6La fête publique, due à l’initiative de la ville, peut revêtir plusieurs aspects. Nous évoquions la musique des capitouls : celle-ci se fait entendre lors du cérémonial capitulaire, notamment lorsque l’assemblée défile dans la ville. Une troupe de hautbois, trompettes et tambours se fait alors entendre, dans un répertoire que l’on ignore mais que l’on peut imaginer analogue à ces airs de marches tels que Lully ou Charpentier ont pu en écrire pour d’autres circonstances. L’absence de sources ne nous permet pas de savoir quels sont les instruments utilisés : on pourra certes se référer à quelques iconographies, tel le bas-relief de Marc Arcis figurant sur un mur de l’ancien opéra toulousain, au24 de la rue Montardy5, et figurant Apollon et les muses. Un hautbois de facture assez archaïque figure en effet aux côtés d’autres instruments disposés en trophée. On a parfois songé que les hautbois traditionnels languedociens, un peu voisins de ce modèle (tel le Graile des monts de Lacaune, encore connu de nos jours), avaient pu figurer au sein des musiques municipales. La sculpture d’Arcis, probablement datable des alentours de 1725, représente en fait un instrument de facture savante, muni d’une clé et d’un barillet pour la protéger, connu dès le xvie siècle. Mais nos déductions doivent rester mesurées, quand on sait que les décorateurs de Versailles – certes une soixantaine d’années auparavant – avaient déjà pris pour modèle ce genre d’instrument, alors qu’il disparaissait doucement : il devient assez souvent, par la suite, un archétype de décoration. Nous serions tentés de supposer que les hautbois des capitouls, calqués sur une formation militaire typique (les régiments défilaient au son d’ensembles analogues), comprenaient les instruments les plus courants de la musique savante et des bandes de plein air au xviiie siècle. Aux ensembles destinés à accompagner la soldatesque venaient d’ailleurs s’associer d’autres ensembles, cette fois-ci composés de fifres et de tambours. Ces sonorités martiales ne servaient donc pas qu’à accompagner le conseil de la ville : on les entendait aussi lors de fêtes militaires, comme d’ailleurs dans l’ensemble du pays. Les entrées royales avaient cessé dès 1659, avec le passage de Louis XIV, accompagné notamment de Lully et de ses « petits violons »6. Celles-ci pouvaient trouver un reflet dans les fêtes données en l’honneur de personnages importants, tels les princes du sang : en 1701, le duc de Bourgogne et le duc de Berry étaient en effet accueillis à Toulouse au son de douze compagnies de tambours et de fifres7. La famille royale, et les événements heureux et malheureux qui s’y associaient étaient aussi prétexte à des manifestations variées : les fêtes dynastiques pouvaient parfois inspirer les pièces de collèges8, voire assurer l’argument d’une vaste œuvre chorale et instrumentale. Nous pensons notamment à cet Hymne anonyme, vraisemblablement écrit pour le premier fils de Louis XVI et Marie-Antoinette, le dauphin Louis-Joseph-Xavier-François. La reliure du manuscrit est somptueuse, ornée de fers aux armes royales. L’origine toulousaine du document reste incertaine, mais il figure dans les fonds municipaux9. Cette pièce ambitieuse, si elle a été jouée dans la cité (ce qui paraît très plausible), l’a probablement été lors d’une réjouissance officielle. À l’inverse, les pompes funèbres pour les souverains et souveraines impliquaient processions religieuses et consécrations d’édifices. On conçoit d’après ces exemples que les musiques des fêtes publiques pouvaient convenir soit au plein air, soit aux espaces clos. Les plus usuels de ces derniers restent bien sûr les églises : c’est là enfin que l’on joue les nombreuses compositions écrites spécialement pour les grandes fêtes comme Noël. La spécificité toulousaine, ou plutôt du grand Sud-Ouest, se remarque de façon accentuée. Une église comme Saint-Sernin de Toulouse, par exemple, demande chaque année à ses maîtres de chapelle la composition d’un nouveau Noël en symphonie : comme l’explique ailleurs Benoît Michel dans le présent ouvrage, les festivités de Noël deviennent alors l’occasion de créations régulières, dont un certain nombre nous est parvenu. Dans la même source d’inspiration, nous avons à l’esprit une œuvre originale : la Cantate pour la fête de l’Annonciation de Jean Combes10, sans doute composée à Béziers vers 1757 et que le tout jeune homme (il est né en 1740 et a donc dix-sept ans) semble avoir emportée à Toulouse en vue de la montrer ou de la faire jouer. Combes est en effet appelé à la lourde responsabilité de maître de chapelle de la cathédrale de sa ville, et il vient ici pour parfaire sa formation11. Comme les Noëls évoqués plus haut, il s’agit d’une pièce composée sur un texte français, associant la rhétorique du grand motet latin à celle du divertissement profane, agrémenté de danses et de pièces vocales brillantes.

  • 12 David et Jonathas, intermèdes musicaux à une tragédie (H 490), créé en 1688.
  • 13 Sigalion, ou le dieu du secret, ballet créé en 1689.
  • 14 Jean-Christophe Maillard, « Les représentations en musique dans les collèges toulousains à la fin d (...)
  • 15 Robert Cardo, Histoire de l’Art lyrique à Toulouse au xviiie siècle, mémoire de maîtrise dactylogra (...)
  • 16 Luc Charles-Dominique et Patrick Lasseube, 800 ans de musique populaire à Toulouse, ouv. cité, p. 4 (...)
  • 17 On possède le livret, sous la forme de trois éditions, des Noëls mis en musique par feu Monsieur Gi (...)

7Associée aux contextes politique et militaire comme à celui de l’Église, la musique revêt donc à Toulouse des atours variés. C’est aussi à huis-clos qu’elle peut résonner, lors de circonstances plus spécifiques. C’est ainsi qu’opèrent, selon un principe bien connu dans le royaume à la fin du xviie siècle, deux maisons d’éducation adversaires : le collège royal, dirigé par les jésuites, et le collège de l’Esquile, tenu par les frères de la Doctrine chrétienne. Les représentations des établissements parisiens sont assez bien connus, notamment à la lueur des œuvres écrites pour les jésuites du collège Louis-le Grand par des auteurs tel Marc-Antoine Charpentier12 ou Pascal Colasse13. Nous n’insisterons pas outre mesure sur leurs homologues toulousains, auxquels nous avons déjà consacré plusieurs études14 : leur rôle fut cependant stimulant pour la création locale, peut-on croire. Ils diffèrent des représentations d’opéras qui se déroulent aussi à l’académie de musique de Toulouse, sur laquelle on est assez peu informé15 : il ne s’agit pas en effet de représentations payantes comme dans cette institution à caractère lucratif, mais bien d’évènements ponctuels, créés pour souligner une solennité. C’est le plus souvent à l’occasion de la fin des cours, mais aussi lors de circonstances exceptionnelles, telle la naissance d’un dauphin : nous sommes bel et bien dans le contexte d’une festivité, d’autant plus que le public est constitué d’invités. Les participants au spectacles sont majoritairement les élèves du collège, encadrés d’une troupe de professionnels, danseurs et musiciens. La communauté d’un établissement d’enseignement a besoin de se valoriser et de donner une bonne image de soi par le biais de manifestations brillantes : il en est de même pour d’autres collectivités. La fête s’adapte alors à leurs particularités. Marchands et corporations se livrent alors à des défilés assez simples. La fête de la Basoche regroupe les clercs et gens de robe. Ici encore, les modèles nationaux sont de rigueur, et les fêtes organisées par ces associations prennent clairement une coloration semi-publique. Il en est de même pour les pénitents, regroupés en confréries et dont les défilés deviennent parfois spectaculaires16. Il leur arrive enfin de commander des compositions originales, comme ils l’ont probablement fait à Jean Gilles, puis à Jean-Baptiste Levens17.

  • 18 Bernard-Aymable Dupuy, Idylle chantée en présence de Monseigneur Arthur-Richard Dillon archevêque d (...)
  • 19 Jean-Baptiste Labat, Cantate pour la fête de M. Gratacap, ms. 1833.- Cantate pour la fête de M. Tré (...)
  • 20 Jean-Jacques Barthélémi, Le Siége de St. Malo et la bataille de St. Cast Pres de St. Malo Cantatill (...)

8C’est un autre type de circonstance sur lequel nous allons à présent nous attarder : la réception d’un dignitaire – archevêque, président du parlement – par une communauté. À notre connaissance, une seule pièce musicale toulousaine du xviiie siècle, créée pour une telle occasion, nous est connue : l’Idylle de Bernard Aymable Dupuy, qui sera ici l’objet de notre étude18. En revanche, un compositeur de la région s’y est volontiers adonné au xixe siècle : le Montalbanais Jean-Baptiste Labat, qui écrit à plusieurs reprises des cantates de circonstance, associées à des fêtes données en hommage à divers prélats19. Si l’on quitte la région proche, on pourra aussi évoquer trois pièces en l’honneur du duc d’Aiguillon, alors qu’il était gouverneur de Bretagne : si les circonstances de ces compositions restent à clarifier, la forme littéraire et musicale est analogue : texte sous forme de panégyrique, entrecoupé de passages instrumentaux20. Si l’on observe les quelques autres pièces toulousaines présentant un point commun avec celle-ci, sans doute aura-t-on une idée, bien imparfaite certes, de ces pièces occasionnelles exécutées lors de festivités. L’observation plus détaillée de l’œuvre de Dupuy aura valeur d’exemple, quitte à revenir, en conclusion, sur quelques spécificités de ces autres pages.

L’Idylle de Bernard-Aymable Dupuy

  • 21 La Société des Lettres, Sciences et Arts de l’Aveyron à Rodez possède un manuscrit dit Manuscrit Ma (...)
  • 22 On notera également la luxueuse présentation de cette partition, vraisemblablement destinée à être (...)

9Le titre complet est explicite : alors que les jésuites du grand collège de Toulouse ne semblent plus faire appel à des musiciens pour leur écrire les musiques de longs spectacles (telles les tragédies ornées d’entrées de ballet), ils ont commandité le musicien peut-être le plus fameux de la ville, maître de chapelle de Saint-Sernin et compositeur fécond. Bernard-Aymable Dupuy (1707-1789) est en effet, lors de la création de cette pièce, l’auteur d’un catalogue déjà bien long, dont nous possédons aujourd’hui encore une trentaine d’œuvres. Attaché aux exigences de son poste, il a écrit aussi pour la cathédrale de Saint-Bertrand-de-Comminges, où il avait officié quelques années, et sans doute pour le théâtre de Toulouse21. L’essentiel de sa production reste malgré tout destiné à la basilique, et cette Idylle constitue donc, à ce titre, une rareté. On sait que le contexte général est délicat pour la compagnie ignacienne, et qu’il ne va guère s’aplanir lors de l’année 1761, date de notre œuvre. L’influence que les jésuites exercent est contestée, et le rôle qu’ils vont tenir lors de l’affaire Calas, qui va éclater quelques mois plus tard à Toulouse même, contribuera à exacerber les rancœurs à leur égard. En cet instant du 11 mai, point encore de scandale, mais peut-être un besoin de coup d’éclat de la part de la Compagnie ? En réservant à l’archevêque un accueil grandiose dans leur grand collège, peut-être cherchent-ils à acquérir ses faveurs22.

  • 23 Une exécution partielle, regroupant les pièces instrumentales, avait déjà été faite en septembre200 (...)
  • 24 Alex et Janine Beges, La chapelle de musique de la cathédrale Saint-Nazaire, 1590-1790, ouv. cité, (...)
  • 25 Ibidem, p. 99.

10Arthur Richard Dillon (1721-1806) était le fils d’un émigré irlandais, partisan de Jacques II et accueilli, comme beaucoup d’autres de ses compatriotes, par la couronne française. Ce dernier, Arthur Dillon, avait mené par la suite une brillante carrière militaire au sein d’un régiment composé d’émigrés irlandais au service du roi de France, avant de s’éteindre en 1733. Plus tard, deux neveux d’Arthur Richard s’illustreront aussi dans le métier des armes. Seul prélat dans une famille de brillants militaires, il débute une belle carrière ecclésiastique. Après avoir administré l’évêché d’Évreux, il est appelé à rester quelques années à la tête de l’archevêché de Toulouse, de 1758 à 1762. Sa carrière se poursuivra à Narbonne, sa fonction épiscopale lui permettant, par la suite, d’assurer les charges de président des États du Languedoc, en 1776. Réfugié à Londres en 1790, il y termina ses jours, refusant de reconnaître le Concordat. La sépulture de Dillon a été retrouvée il y a quelque temps, ce qui a occasionné un retour solennel de ses cendres en la cathédrale de Narbonne, en mars2007. L’Idylle y fut rejouée à cette occasion, par le soin de l’ensemble toulousain Antiphona dirigé par son chef Rolandas Muleïka23. La personnalité de Dillon est assez connue. L’archevêque était une personne mondaine, résidant le plus souvent à Paris, ou dans ses villégiatures. C’était un personnage brillant, libertin, et passionné par les arts et notamment par la musique. Il avait pris sous sa protection le jeune Jean Combes, rencontré peut-être déjà à Toulouse, puis lorsqu’il exerçait ses charges languedociennes. Il l’avait fait venir à Paris pour qu’il approfondisse encore ses études musicales, puis l’avait pris à son service personnel24. Le passage de Dillon au collège royal de Toulouse pouvait être considéré comme un événement : ses déplacements dans ses diocèses du Sud-Ouest étaient rares : une fois tous les deux ans lorsqu’il était archevêque de Narbonne, affirme-t-on25. Sa présence sur les lieux de son poste précédent devait être tout autant sporadique.

  • 26 Ouv. cité en note 10.
  • 27 Blaise Vidal, Noel a Grand chœur (…), 1725, ms. BMT, Bibliothèque d’étude et de patrimoine, RES. MU (...)

11Le texte de l’Idylle se présente à la manière d’un poème divisé en plusieurs sections. On ne peut pas vraiment évoquer l’idée d’un livret : on n’y trouve aucun dialogue, mais une série de courtes strophes correspondant au découpage musical en airs et en chœurs. Le poème est dû à un auteur anonyme. Cette production d’un collège de jésuites peut laisser croire qu’il y a eu plusieurs collaborateurs pour le construire : les tragédies de la fin du xviie siècle, obsolètes en ce temps, étaient élaborées de manière comparable. Les élèves, sous la direction de leurs maîtres, façonnaient un texte commun, à moins qu’un professeur ne prît l’initiative d’en rédiger un à lui seul. L’absence de toute explication sur cette question nous ferait plutôt pencher pour l’hypothèse d’un texte collectif, mais sans aucune certitude. La structure du texte est limpide : discours empruntant aux procédés de la rhétorique, exploitant clairement les topiques. Il débute par une très courte narratio, et se poursuit par une série de digressions, qui aboutissent à un chœur de louanges équivalant à la péroraison. Comme dans la plupart des textes destinés à être mis en musique, la longueur des vers change continuellement : octosyllabes, décasyllabes et alexandrins se succèdent de façon apparemment aléatoire. La préoccupation du (ou des) poète(s) est bien sûr de conjurer la monotonie par cette modification rythmique fréquente. Nous ne nous attarderons pas davantage sur le texte lui-même ; son style pompeux reprend les poncifs d’un discours de louanges, à quelques exceptions près : on note par exemple l’absence d’exorde, destinée à introduire le texte par une apostrophe insistante et parfois même dérangeante. Le texte laudatif est entrecoupé d’épisodes de divers caractères : emphatique, héroïque, léger et tendre pour conclure. On pourra se référer à l’intégralité de ce court texte, placé en annexe à la fin de cet article. Le contenu musical n’étonne guère par rapport à d’autres pièces toulousaines. Reprenant le principe du divertissement, on constate que celui-ci se retrouve dans diverses œuvres, comme les noëls en symphonie, et que la place de la danse y est considérable. Le côté spécifiquement toulousain de cette musique n’éclate pas de prime abord : l’Hymne de Jean Combes26, écrit pour la cathédrale de Béziers, reprend les mêmes particularités, tout comme le Noël de Blaise Vidal27, écrit pour la cathédrale Saint-André de Bordeaux.

12L’effectif est imposant : ce spectacle « d’enfants » ne met pas vraiment les jeunes écoliers en vedette, si ce n’est par certains aspects du texte littéraire. On peut malgré tout penser que certains d’entre eux se détachent du chœur, probablement de très vastes dimensions lors de la représentation devant l’archevêque. Les voix de dessus et de haute-contre sont souvent confiées à de jeunes garçons, enfants ou pré-adolescents. Les parties de taille et de basse sont assurées par des musiciens de l’extérieur, peut-être des membres des chapelles des grandes églises, Saint-Étienne ou Saint-Sernin. De ces deux pupitres, seule la voix de basse chante en solo. Le texte littéraire exige en effet des voix masculines adultes, et Dupuy lui donne sa préférence pour diverses raisons difficiles à établir : le texte convient-il mieux à ce registre, ou les tailles recrutées sont-elles inférieures aux basses ? L’orchestre est particulièrement imposant, et il semble que Dupuy ne se soit guère surpassé ailleurs dans le chatoiement orchestral. Flûtes et petites flûtes, hautbois, basson et cors viennent renforcer les timbres des cordes et du continuo. Dans le cas de l’Idylle, ce dernier est sans doute confié à un clavecin et un violoncelle : la représentation se déroule dans une salle du pensionnat, et l’on imagine mal un orgue en cet emplacement.

  • 28 Ouv. cité, cf. note20.

13Dupuy a su s’adapter à différents styles : ce musicien habile a montré, dans ses œuvres antérieures, qu’il connaissait parfaitement les grands maîtres de la musique religieuse (de Lalande en premier lieu, mais aussi probablement Campra, Bernier ou Morin) tout comme les auteurs d’opéras (Rameau en tête, mais bien sûr Lully, Campra et Destouches). Dans un style peu novateur, mais informé des musiques récentes, il a déjà écrit, lorsqu’il compose l’Idylle, en 1761, un certain nombre de motets et de noëls, et son opéra-ballet Le Triomphe des Arts28. L’écriture de l’Idylle nous montre un autre Dupuy. Le musicien, visiblement, cherche à écrire dans un style moderne, proche du plus récent répertoire d’opéra. L’utilisation des cors peut en être un premier indice. Cet instrument, tardivement employé dans l’orchestre lyrique, s’est longtemps cantonné dans l’évocation de scènes de chasse, et c’est justement Jean-Philippe Rameau qui est l’un des premiers à l’exploiter comme composante sonore détachée de tout contexte pittoresque ou descriptif. C’est ainsi que Dupuy l’exploite dans la belle ouverture où ses ponctuations, entrecoupant notamment une importante partie de hautbois solo, contribuent à donner une couleur toute spécifique à cette page. On notera aussi l’accompagnement en arpège des violons, autre élément innovant dans l’orchestre de cette époque.

14Une telle utilisation des cors se retrouve en d’autres endroits. Dupuy soigne ses effets instrumentaux : c’est aux flûtes qu’il confie, dans un Air vif, des répliques aériennes et enlevées donnant à cette autre pièce une couleur instrumentale particulièrement réussie, dans une esthétique de morcellement de la phrase, que violons et flûtes se renvoient continuellement, qui évoque encore une fois les recherches de Rameau.

Ex. musical 1 : Ouverture, p. 2.

Ex. musical2 : Air vif, p. 23.

15L’écriture orchestrale telle qu’elle apparaît dans l’Idylle est d’ailleurs problématique : aux côtés d’un pupitre de vents fourni, les cordes semblent un peu en retrait : deux parties de violons et une partie de basse, les deux violons n’apparaissant que lorsqu’ils sont solistes. En fait, il s’agit peut-être, comme c’est le cas dans les éditions d’opéras de cette époque, d’une copie réduite de l’orchestre, ne mentionnant que le dessus (partie instrumentale confiée aux premiers violons, première flûte et premier hautbois), les instruments solistes lorsqu’ils sont requis (premier et second violons, les deux flûtes, le hautbois, les deux bassons et les deux cors), et la partie de basse (basse continue ou ensemble des basses). On peut alors supposer qu’une partie de haute-contre et de taille, voix intermédiaires de l’orchestre, avaient pu être ajoutées lors de l’exécution, ce qui enrichirait deux autres airs instrumentaux, cette fois-ci d’une orchestration minimaliste puisqu’ils se limitent à deux portées, dessus et basse. Malgré tout, les deux voix, très resserrées, laissent peu de place à des voix intermédiaires : l’Idylle est une œuvre composite, semblant parfois se contredire, l’auteur faisant alterner pages complexes et pièces d’une grande simplicité.

16L’écriture vocale, elle aussi, exploite plusieurs registres. D’une manière générale, elle n’est guère virtuose, et peu encline aux vocalises brillantes. On en trouvera quelques rares exemples, par exemple dans l’ariette Jeux amusants. Cette page, la plus profane d’inspiration, sorte de digression légère et charmante, constitue d’ailleurs une page assez réussie, elle aussi écrite dans un langage moderne, presque ouverte au style du nouvel opéra comique.

17L’écriture chorale reste simple : on a essentiellement affaire à de grandes pages homorythmiques, peu soucieuses du contrepoint et des passages fugués. Voici là l’un des autres paradoxes de cette œuvre : à une écriture instrumentale souvent riche et novatrice par rapport aux autres pages que nous connaissions de Dupuy, les parties vocales restent beaucoup plus sages que ce qu’il a pu écrire ailleurs, lui qui prend souvent plaisir à écrire de virtuoses roucoulades, ou de solides fugues mettant en œuvre l’ensemble de la masse sonore. La destination pédagogique semble avoir guidé notre musicien. Ces chœurs simples sont assez facilement chantables par des enfants, et les solistes, adultes comme jeunes élèves, ne sont guère sollicités pour d’éventuelles prouesses vocales, comme peuvent l’être les chantres et enfants de chœur de Saint-Sernin, musiciens habituels de Dupuy. Le souci d’exploiter ces contraintes permet au compositeur quelques agréables trouvailles, comme à la fin du chœur conclusif Qu’il règne ce pasteur aimable. La péroraison est étudiée : après une longue partie victorieuse, faisant alterner les différents pupitres (plus par masses que par imbrication savante entre les voix, bien sûr), voici une réminiscence inattendue d’une pièce orchestrale entendue auparavant, le Rondeau gratieux et louré de la page22. La mélodie sert à présent de support à un air (ou récit selon le terme du compositeur) qui est repris alternativement par le chœur des enfants, employés à l’unisson. Probablement s’agit-il des plus jeunes, les autres étant réquisitionnés dans le grand chœur aux parties plus complexes.

Ex. musical3 : Ariette. Léger, p. 28.

Ex. musical 4 : Récit alternativement avec le chœur des Enfants, p. 58.

18Cette vaste page laissera la place à une brève et très joyeuse contredanse, avant d’être reprise de manière abrégée. Durant une quarantaine de minutes, Dupuy est parvenu à maintenir son auditoire dans une attention renouvelée d’une page à l’autre. D’autre part, il s’est livré à un exercice de style apparemment inhabituel pour ce maître de chapelle d’une grande église : inclure des enfants d’un niveau musical moyen dans une œuvre relativement ambitieuse. Un autre enjeu s’ouvre à lui : satisfaire les goûts musicaux du brillant Monseigneur Dillon, prélat passionné de musique, dont les délassements privés ne sont pas uniquement en relation avec son sacerdoce… Cet esprit mondain attend probablement de la part de Dupuy une musique plaisante et en accord avec la mode nationale.

19Cette musique de circonstance, unique en son genre même si l’on y retrouve de nombreux éléments stylistiques empruntés aux répertoires habituels, nous semble bien correspondre aux critères d’une musique de fête. L’opéra y est présent, au moins par l’orchestre et par les danses. La structure des pièces vocales ressort plutôt de la rhétorique de la musique religieuse : récits, duos, chœurs se succèdent comme à l’intérieur d’un motet. Pièce non théâtrale, non cultuelle, elle ne s’apparente pas non plus au genre du divertissement, à destination plutôt scénique. On peut alors la rattacher au genre de la cantate à grand chœur, comme le sont également les Noëls en symphonie, genre plutôt spécifique au Sud de la France, comme nous l’avons déjà observé. L’Hymne pour la fête de l’Annonciation de Combes, pièce unique en son genre (dans l’état actuel de nos connaissances bien sûr), appartiendrait au même genre musical, tout comme peut-être l’Hymne pour la naissance du Dauphin déjà cité. Ce type de pièce de circonstance, assez rare lorsque l’on observe la production dite « nationale », due aux grands noms habituels du baroque musical français, est donc assez fréquente à Toulouse. Si une connotation religieuse, importante dans les cas que nous venons d’évoquer, ou plus estompée pour l’Idylle de Dupuy (l’hommage à l’archevêque n’évoque les choses de la religion qu’avec modération), reste toujours présente, il s’agit malgré tout de musique de réjouissance, non directement associée au culte. On a vu que les musiques de fêtes étaient plurielles, appartenant à tous les genres et associées à toutes les classes sociales. L’exemple que nous avons ici retenu, s’il n’est évidemment pas susceptible d’évoquer à lui seul la multiplicité des facettes dont se revêt la Fête toulousaine, en montre l’une d’entre elles de manière particulièrement éloquente.

Annexes

Annexe

Idylle chantée en présence de Monseigneur Arthur-Richard Dillon
archevêque de Toulouse,
dans une Salle de la Maison des Pensionnaires du Grand Collège de Toulouse,
de la Compagnie de Jésus
le 11 May de 1761
Mise en Musique par M. Dupuy,
Maître de la Chapelle-Musique de l’insigne Eglise Abbatiale de Saint Sernin.

[Livret]

[1] Ouverture

[2] [Haute-Contre, chœur]

Un pasteur de son peuple et la gloire et l’amour
Vient des arts qu’il protège honorer le séjour.
C’est lui, peut-on le méconnoitre
A cet abord sérain qui fait seul des heureux
A cet air noble et grand, ce front majestueux,
Qui dans les cœurs fit toujours naître
Des mouvements respectueux.
Rendés hommage à sa présence
Publiés sa bonté, réunissés vos voix
Chantés, célébrés à la fois
Le plus beau jour de votre enfance.
 
Rendons hommage à sa présence…

[3] Rondeau gracieux et louré.

[4] Air vif

[5] Ariette [Dessus]

Jeux amusants, ris agréables
Délices de nos jeunes ans,
Charmants loisirs, plaisirs aimables
Non, vous n’avez rien de si doux
Que les instants qui le montrent à nous.
Vous n’offrés qu’un bonheur frivole
Qui comme vous fuit et s’envole.
Mais celuy que nos cœurs doivent à ses bienfaits
Va sur nos jours se répandre à jamais.

[6] Pesamment et marqué [Basse], chœur

Son nom célèbre aux plages britanniques
Reçut un nouveau lustre à l’ombrage des lys.
On a vu des Dillons dans les plaines belgiques
Arroser de leur sang leurs exploits magnifiques,
Et laisser la victoire et leur cœur à Louis.
Qu’il croisse l’espoir de sa race
Ce rejeton chéri de ces guerriers fameux,
Ce jeune héros digne d’eux
Dont l’aspect enrichit la pompe de nos jeux.

[7] Gay [Chœur]

Qu’il triomphe un jour sur leurs traces,
Que de la France il remplisse les vœux,
Qu’en luy renaissent ses ayeux.

[8] Air

[9] Chœur

Son front nous retrace
Toute leur grandeur,
Déjà dans son cœur
Renaît leur audace.
Déjà sous les traits
Du premier des âges,
De tous ses hauts faits
On lit les présages,
Tous le feu de Mars
Est dans ses regards.

[10] Menuet en rondeau

[11] Duo [deux basses]

Mais de tous les héros dont l’éclat l’environne
Le pontife embellit les fastes immortels.
Ils ont été l’appui du thrône,
Il est la gloire des autels.

[12] Récitatif [Haute-contre]

Peuples de nos climats, digne objet de son zèle
Ne cessés de bénir les Cieux
Reconnoissés, aimés, dans ce guide fidelle
Leur présent le plus pretieux

[13] Duo gratieux et louré [Dessus, Haute-contre]

Par luy la largesse dispense ses dons,
Par luy la largesse dicte ses leçons
Sa vie innocente décore les mœurs
Sa voix éloquente captive les cœurs.

[14] Chœur

Qu’il vive, ce pasteur aimable
Qu’il vive, qu’il règne toujours.
Que jusque dans nos derniers jours
Nous voyons de ses ans recommencer le cours,
Qu’autant que ses bienfaits son bonheur soit durable.
Qu’il vive pour être à jamais
Des vrais pasteurs le vray modèle,
Pour être d’un troupeau fidelle
Et le pere et l’ange de paix.
Qu’il puisse voir sous ses auspices
Triompher la vertu dont il fait ses délices.
Que seul il goute à la fois
Tout le bonheur de ceux qui vivent sous ses loix.

[15] Contredanse

[16] Chœur

Qu’il vive, ce pasteur aimable
Qu’il vive, qu’il règne toujours.
Que jusque dans nos derniers jours
Nous voyons de ses ans recommencer le cours,
Qu’autant que ses bienfaits son bonheur soit durable.

Notes

1 Le CMBV a notamment pris en charge, dans le cadre de ses « Cahiers de musique », la collection Patrimoine musical en Midi-Pyrénées, dirigée par Françoise Talvard, et qui comprend diverses œuvres de B. A. Dupuy.

2 Michel Cassan, La fête à Toulouse à l’ époque moderne de la fin de xvie siècle à la Révolution, thèse dactylographiée, université de Toulouse-Le Mirail, 1980.

3 Luc Charles-Dominique et Patrick Lasseube, 800 ans de musique populaire à Toulouse, catalogue d’exposition, Toulouse, Conservatoire occitan, 1984.

4 Luc Charles-Dominique, Les ménétriers en France sous l’ancien régime, Paris, Klincksieck, 1994, p. 135-142.- Luc Charles-Dominique, « La couble des hautbois des capitouls de Toulouse (xve-xviiie siècle) », La musique dans le Midi de la France, xviie-xviiie siècles, Actes des Rencontres de Villecroze, 5 au 7 octobre 1994, réunis par François Lesure, Académie Musicale de Villecroze, Paris, Klincksieck, 1996, p. 43-55.

5 Le bâtiment accueille aujourd’hui une salle de cinéma, et le bas-relief est presque entièrement occulté par un second mur parallèle au premier.

6 L’unique trace musicale de cette visite n’est pas toulousaine à proprement parler : il s’agit du Ballet de Toulouse LWV 13, composée par Lully pour la circonstance, et dont on a conservé deux pièces instrumentales.

7 Luc Charles-Dominique et Patrick Lasseube, 800 ans de musique populaire à Toulouse, ouv. cité, p. 36.

8 Adanaxe. Tragedie, dediée a messieurs les Capitouls de Toulouse : par les ecoliers d’humanité des Peres de la Doctrine Chrêtienne du College de Lesquille. Suivi du drame allégorique Le Triomphe de la Joye. A Toulouse, par Jean Boude (…), 1682. BMT, Bibliothèque d’étude et de patrimoine de Toulouse, Res. C. XVII 50. Le Triomphe de la Joye est joué en l’honneur de la naissance du fils du Dauphin, le duc de Bourgogne.

9 Hymne, ms., [1781], Toulouse, BMT, Bibliothèque d’étude et de patrimoine, RES. MUS.B. 60.

10 Jean Combes, Hymne pour la Feste de l’annonciation…, ms. 1755, Toulouse, BMT, Bibliothèque d’étude et de patrimoine, RES. MUS. CONS.899.

11 Alex et Janine Beges, La chapelle de musique de la cathédrale Saint-Nazaire, 1590-1790, Béziers, Société de Musicologie du Languedoc, 1982, p. 97.

12 David et Jonathas, intermèdes musicaux à une tragédie (H 490), créé en 1688.

13 Sigalion, ou le dieu du secret, ballet créé en 1689.

14 Jean-Christophe Maillard, « Les représentations en musique dans les collèges toulousains à la fin du xviie siècle », Littératures classiques n° 52 : Campistron et consorts : tragédie et opéra en France (1680-1733) Paris, Honoré Champion,2004, p. 349-363.- Jean-Christophe Maillard, « Les Pères de la Doctrine Chrétienne à Toulouse : les enjeux du théâtre et de la musique au Collège de l’Esquile à la fin du xviie siècle », Plaire et instruire, Le spectacle dans les collèges de l’Ancien Régime, sous la direction d’Anne Piéjus, Presses Universitaires de Rennes,2007, p. 255-269.

15 Robert Cardo, Histoire de l’Art lyrique à Toulouse au xviiie siècle, mémoire de maîtrise dactylographié, université de Paris-Sorbonne, 1974.

16 Luc Charles-Dominique et Patrick Lasseube, 800 ans de musique populaire à Toulouse, ouv. cité, p. 47.

17 On possède le livret, sous la forme de trois éditions, des Noëls mis en musique par feu Monsieur Gilles et mis en simphonie par Monsieur Levens, Toulouse, 1780, 1784, 1804, BMT, Bibliothèque d’étude et de patrimoine, 285f et RES.C.XVIII.193(2,5).

18 Bernard-Aymable Dupuy, Idylle chantée en présence de Monseigneur Arthur-Richard Dillon archevêque de Toulouse, dans une Salle de la Maison des Pensionnaires du Grand Collège de Toulouse, de la Compagnie de Jésus le 11 May de 1761 Mise en Musique par M. Dupuy (…), ms. 1761, BMT, Bibliothèque d’étude et de patrimoine, RES. MUS.B.525. Les exemples musicaux que nous fournissons proviennent de ce manuscrit.

19 Jean-Baptiste Labat, Cantate pour la fête de M. Gratacap, ms. 1833.- Cantate pour la fête de M. Trélissac, ms. 1834. Montauban, médiathèque Antonin-Perbosc.

20 Jean-Jacques Barthélémi, Le Siége de St. Malo et la bataille de St. Cast Pres de St. Malo Cantatilles A voix Seule avec Symphonie Dediées A Monseigneur Le duc d’Aiguillon (…), Paris, La Chevardière, Bayard, Castagnery, Le Menu, [ca 1760].- Depoix, Divertissement Exécuté Par l’académie de Musique de Nantes En Rejouissance De la Victoire Remportée sur les Anglais Par Monseigneur Le Duc d’Aiguillon a Saint Cas sur la côte de Bretagne le 11 7bre 1758 (…), ms., Arch. dép. Lot-et-Garonne, fonds Aiguillon 705.

21 La Société des Lettres, Sciences et Arts de l’Aveyron à Rodez possède un manuscrit dit Manuscrit Marcorelles contenant quinze œuvres religieuses composées par Dupuy lors de son séjour à Saint-Bertrand de Comminges. L’unique ouvrage lyrique que l’on connaisse de lui est un opéra-ballet, Le Triomphe des Arts, conservé sous forme de manuscrit à la Bibliothèque d’étude et de patrimoine de la BMT de Toulouse (RES. MUS. CONS.185).

22 On notera également la luxueuse présentation de cette partition, vraisemblablement destinée à être offerte à l’archevêque. La reliure est extrêmement soignée, et la page de titre consiste en une aquarelle représentant une sorte de monument, dressé face à la cathédrale Saint-Étienne, sur lequel le titre apparaît comme gravé sur une stèle. On relève également, au bas de la stèle, le quatrain suivant : Avec tant de génie, avec un goût si rare, / Les arts auront en vous un Modèle parfait, / Mais en les protégeant, votre bonté répare / Le vol que votre rang leur fait.

23 Une exécution partielle, regroupant les pièces instrumentales, avait déjà été faite en septembre2000 par l’orchestre de Montauban Les Passions, dirigé par Jean-Marc Andrieu, à l’occasion des journées de la Société française de Musicologie, en l’université de Toulouse-Le Mirail.

24 Alex et Janine Beges, La chapelle de musique de la cathédrale Saint-Nazaire, 1590-1790, ouv. cité, p. 98.

25 Ibidem, p. 99.

26 Ouv. cité en note 10.

27 Blaise Vidal, Noel a Grand chœur (…), 1725, ms. BMT, Bibliothèque d’étude et de patrimoine, RES. MUS. CONS.902.

28 Ouv. cité, cf. note20.

Table des illustrations

Légende Ex. musical 1 : Ouverture, p. 2.
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/34071/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 64k
Légende Ex. musical2 : Air vif, p. 23.
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/34071/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 82k
Légende Ex. musical3 : Ariette. Léger, p. 28.
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/34071/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 85k
Légende Ex. musical 4 : Récit alternativement avec le chœur des Enfants, p. 58.
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/34071/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 42k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search