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Vivre et mourir en temps de guerre de la préhistoire à nos jours

 | 
Patrice Foissac

De la Guerre civile espagnole à la libération

Paul Vignaux à Toulouse : les débuts de la résistance syndicale chrétienne en zone non occupée (juin 1940-juin 1941)

Jean Lecuir

Texte intégral

  • 1 Sous la direction de Pierre Grémion et Françoise Piotet, Georges Friedmann. Un sociologue (...)

1Le nom de Paul Vignaux apparaissait dans une réunion tenue à Toulouse autour de Boris Vildé du réseau du Musée de lʼHomme et de Georges Friedmann1. Jʼavais constaté avec Jean-Pierre Amalric notre ignorance sur les activités toulousaines de ce syndicaliste à cette époque, avant son départ pour les États-Unis. Ce fut lʼorigine de cette recherche.

  • 2 Paul Vignaux a succinctement évoqué cette période dans trois témoignages (p. 197-200 dans (...)

2La moisson dans les livres et archives2 sʼest révélée si riche quʼil a fallu choisir. Je nʼai donc retenu ici que la partie syndicale de son activité, en excluant ses autres relations sociales qui, souvent, la recoupent, au travers des premiers groupes de la résistance toulousaine. Cette omission est volontaire, comme lʼest celle sur lʼorganisation de son départ aux États-Unis.

Qui est Paul Vignaux en 1940 ?

  • 3 Hervé Hamon, Patrick Rotman, La deuxième gauche. Histoire intellectuelle et politique de l (...)
  • 4 Laurent Jeanpierre, « Paul Vignaux, inspirateur de la Deuxième Gauche » : récits dʼun exil (...)

3Cette personnalité (fig. 1), essentielle à la compréhension du syndicalisme français, et donc de la France contemporaine3, est « un des rares intellectuels réfugiés aux USA à se consacrer exclusivement à lʼaction militante pendant son exil4 ». Militant, il le fut à Toulouse.

Fig. 1. Paul Vignaux en 1940

Fig. 1. Paul Vignaux en 1940

Source : Archives familiales Vignaux. Photo du certificat dʼimmatriculation au consulat de France à Chicago du 18 novembre 1941

4À 36 ans, cette autorité universitaire en matière de philosophie catholique médiévale à lʼEcole Pratique des Hautes Etudes à Paris, est aussi une figure du catholicisme social, de lʼAction Catholique de la Jeunesse Française à la Jeunesse Etudiante Chrétienne, en passant par la Jeunesse Ouvrière Chrétienne, les Semaines sociales et surtout la CFTC (Confédération Française des Travailleurs Chrétiens). Il écrit dans la Vie Intellectuelle, Politique, Esprit, Temps Présent, les Nouveaux Cahiers.

  • 5 Paul Vignaux, Traditionalisme et syndicalisme, ouv. cité, p. 72-73.

5Dès le début des années 30, avec la montée du fascisme et du nazisme, son antitotalitarisme le conduit à son engagement syndical à la CFTC : il introduit une formation générale décléricalisée dans les écoles normales ouvrières ; il y produit une réflexion solide sur lʼorganisation professionnelle, cʼest-à-dire les relations patronat-syndicalisme-État, armant la CFTC contre les tentations corporatistes. Il porte dʼailleurs le rapport central du Congrès CFTC de 1939 sur ce thème, où il affirmera : « il nʼy aura pas dʼorganisation professionnelle autonome à lʼégard de lʼÉtat si les professionnels ne veulent pas faire leurs affaires eux-mêmes : on ne demeure libre quʼen acceptant dʼêtre responsable. (…) Lʼorganisation professionnelle ne peut vivre que de lʼinitiative des professionnels »5.

6Personnalité non conformiste et respectée, doué dʼun caractère combatif, Paul Vignaux pèse donc dans la CFTC par sa connaissance des responsables dans les instances nationales et les sessions de formation, ses relations étroites avec la fédération de la Métallurgie, par le Syndicat Général de lʼEducation nationale (SGEN) quʼil a créé, par son réseau de relations, tant en milieu démocrate populaire quʼen milieu laïque, de lʼEcole Normale Supérieure, aux Nouveaux Cahiers, ou avec la Fédération des fonctionnaires CGT.

7Il est connu pour sa défense des catholiques basques aux côté des républicains espagnols, antimunichois, défenseur de lʼacceptation délibérée du « risque de guerre ». Exempté pour raisons médicales, il passe lʼessentiel de la guerre au Ministère de lʼInformation, où il apporte sa pierre à la propagande antinazie et anticommuniste en milieu catholique et en milieu syndical, notamment à lʼétranger. Il y travaille avec le cégétiste Christian Pineau et le germaniste Pierre Bertaux. Finalement incorporé dans lʼinfanterie le 20 mai 1940, à Auch, il est démobilisé à la mi-juillet et rejoint sa mère à Sarniguet (Hautes Pyrénées).

Que faire en juillet 40 ?

8Il est de ceux qui nʼont pas dʼétat dʼâme : il refuse la légitimité de Vichy, comme lʼarmistice, il est résistant dès juillet : comme Pierre Bertaux, qui fondera le premier réseau de résistance toulousain, il poursuit une guerre internationale quʼil a commencée avec lʼEthiopie, lʼAnschluss et la Guerre dʼEspagne. Il compte sur Londres et la mondialisation de la guerre, avec lʼentrée en guerre des États-Unis, pour assurer la victoire sur le nazisme.

  • 6 En juillet 1940, époque où le bureau de Gaston Tessier fut perquisitionné. Le dossier de s (...)

9Paul Vignaux est suffisamment informé des pratiques allemandes depuis 1933 pour ne pas se sentir en sécurité dans le Paris de la Gestapo. Sʼil avait eu un doute, il est vite levé ; son appartement parisien sera mis sous séquestre, ses papiers et sa bibliothèque emportée par la police nazie6.

  • 7 On peut suivre dans la correspondance Jacques Maritain-Yves Simon, en cours dʼédition par (...)

10Le directeur de lʼenseignement supérieur, Théodore Rosset, vu le 3 septembre 1940 à Vichy, connaissant ses rapports antérieurs avec de nombreux militants antifascistes étrangers et ses activités récentes au Ministère de lʼInformation, estima de sa responsabilité de ne pas le renvoyer à son poste dans Paris occupé, donc de lʼaffecter à une faculté de la « zone libre » à la rentrée de novembre. Il lui indiqua de surcroît la possibilité pratique dʼaccepter une éventuelle invitation universitaire aux États-Unis, allusion à lʼoffre que lui a faite le philosophe catholique Jacques Maritain7.

  • 8 On en trouve la preuve dans les Archives Vignaux à lʼEcole Pratique des Hautes Etudes.
  • 9 Rapport au Ministre du Conseil de lʼUniversité de Toulouse, rapport du Doyen Paul Dottin p (...)
  • 10 Publié seulement en 1948 (n° 1 du Journal de Psychologie), p. 65-68.

11Entre Toulouse et Montpellier, il choisit la proximité des Hautes-Pyrénées, donc Toulouse, où il savait retrouver Pierre Bertaux, son condisciple de lʼENS. Outre son enseignement, il allait devoir suppléer dʼautres condisciples, interdits dʼenseignement, comme Vladimir Jankélévitch et Ignace Meyerson, réfugiés à Toulouse. Même sʼil réutilise ses cours de lʼEPHE8, même si les effectifs sont squelettiques, il ne chôme pas ; comme lʼécrit le doyen Dottin : « En janvier 1941, il ne nous restait pour enseigner la philosophie, que M. Vignaux, dont heureusement lʼactivité égalait la compétence »9. Il écrit aussi une partie de son futur ouvrage Traditionalisme et syndicalisme qui paraîtra aux États-Unis et il participe au Colloque sur Le travail et les techniques de la Société dʼÉtudes psychologiques de Toulouse, créée en mai 1941 à lʼinitiative dʼIgnace Meyerson : le 23 juin, à la veille de son départ américain, il y intervient sur « Travail et théologie. Notes en marge de Proudhon »10, aux côtés de Marc Bloch, Ignace Meyerson, Georges Friedmann, et par procuration, Lucien Febvre et Marcel Mauss. Dans le public, deux auditeurs attentifs, Mgrs Saliège et de Solages.

  • 11 Traditionalisme et syndicalisme, p. 123 et 35.

12Pendant cette année juin 1940-juin 1941, Paul Vignaux a une conviction : « il faut lier lʼattitude sociale et lʼattitude nationale (…) unir la lutte pour lʼindépendance personnelle des travailleurs, contre le paternalisme et lʼétatisme totalitaire, à lʼespoir, à la volonté de recouvrer lʼindépendance nationale » et, pour ce faire, « être présent » au mouvement ouvrier, car il « est deux fois dangereux, par la volonté dʼindépendance de ses organisations et par leur esprit de solidarité interprofessionnelle. Ce qui sʼexprime dans les Unions et les Confédérations de syndicats »11. Pour lui, là se joue lʼorganisation de la résistance ouvrière à Vichy et au nazisme.

  • 12 Les textes quʼil rédige sont en général anonymes, sous couvert des instances CFTC ; les ar (...)

13Dʼoù sa priorité : sʼappuyer sur les plus lucides et les plus courageux des militants pour empêcher le syndicalisme chrétien de basculer du côté de Vichy, comme y poussent déclarations dʼévêques ou de jésuites de lʼAction Populaire. Son comportement quotidien est marqué par deux préoccupations : suivre les péripéties administratives du projet de départ pour les USA, dont il nʼignore pas les aléas ; se consacrer à ses multiples activités, surtout syndicales, en zone non occupée. Il conservera donc deux fers au feu : agir, sans prendre des engagements ou des risques inutiles pouvant compromettre son projet de départ12 ; faire tout, cependant, comme sʼil devait rester en France, tout en se sachant susceptible de partir du jour au lendemain. Très rares sont ceux qui sont dans la confidence du projet américain, du moins jusquʼà fin mai 41. Il va déployer son capital de solidarités relationnelles, tant à lʼintérieur de la CFTC quʼà lʼextérieur, pour y investir sa capacité dʼaction.

La constitution dʼun « groupe résistant » dans la CFTC13

  • 13 Je reprends lʼexpression même de Vignaux (Observations complémentaires, 18 octobre 1941, p (...)

14Les cartes de lʼadhésion CFTC en 1940 (page suivante) montre quʼen zone non occupée (ZNO), lʼessentiel des effectifs se rassemble autour de la Loire, du Rhône et de la Savoie, puis sur la côte méditerranéenne. La Haute-Garonne compte environ un millier dʼadhérents. Entre réfugiés CFTC, les retrouvailles sont rapides au siège de la CFTC, 6 rue Lakanal : Paul Vignaux y retrouve en août 1940 une Union départementale créée récemment, très faible par rapport à la CGT, surtout implantée en milieu employé, mais avec un syndicat dans la métallurgie.

  • 14 Revue du Nord, art. cité, p. 700.

15Cette UD est enrichie de réfugiés venant du Nord, « aptes, nous dit Paul Vignaux14, par leur origine, à rappeler la continuation de la guerre dans une zone alors inclinée à la croire terminée. En ne séparant pas les aspects national, syndical et politique, spirituel de leur résistance, ces réfugiés du Nord ont contribué à assurer à un milieu catholique une place de premier rang dans la formation de la résistance dans une ville de tradition anticléricale ».

Fig. 2. Jean Brodier en 1945

Fig. 2. Jean Brodier en 1945

Source : Archives confédérales CFDT

La géographie CFTC en 1940

La géographie CFTC en 1940

Source : Michel Launay, La CFTC, origines et développement (1919-1940), Paris 1986, p. 401-402

16Soulignons quʼils présentent quatre autres caractéristiques : jeunes autour de trente ans, anciens jocistes, salariés dʼindustrie, ils ont aussi lʼexpérience du syndicalisme dans des zones de forte implantation et ont acquis des capacités dʼorganisation qui existent peu à Toulouse en milieu CFTC : Jean Brodier (fig. 2), arrive en mai 1940, ancien permanent de lʼUnion locale de Valenciennois, dans lʼindustrie aéronautique, Guy Thorel était le secrétaire général de lʼUnion départementale du Morbihan. Ces deux anciens permanents, militants de la métallurgie, connus de Paul Vignaux par les sessions des ENO, sʼimposent rapidement à lʼUD, face au délégué confédéral François Méric, plus âgé (la cinquantaine). Ils formeront équipe avec André Etcheverlepo, jeune président de 28 ans du syndicat CFTC de la métallurgie, lui homme du Midi lui (fig. 3), qui sʼadjoindra Emmanuel Schirmer, 21 ans en mars 1941.

Fig. 3 André Etcheverlepo, assassiné par la Milice en 1944

Fig. 3 André Etcheverlepo, assassiné par la Milice en 1944

Source : Bulletin Municipal de Toulouse, Numéro spécial consacré à la Libération, octobre 1944, p. 35

Fig. 4 Marcel Vanhove en 1938

Fig. 4 Marcel Vanhove en 1938

Source : archives Famille Vanhove

  • 15 Renée Bedarida a souligné son rôle ultérieur dans Les armes de lʼesprit. Témoignage chréti (...)

17Le dernier nom de cette histoire est celui dʼun autre Nordiste, Marcel Vanhove15 (fig. 4), 32 ans, chef dʼentrepôt à la Compagnie industrielle des Pétroles, syndicaliste chrétien ; il participe au « groupement des réfugiés du nord » et constitue, dès juin 1940, un centre dʼaccueil pour les militaires dunkerquois.

  • 16 Outre les notations repérées au cours de cette recherche, une liste de militants SGEN par (...)
  • 17 Il est secrétaire du SGEN à Toulouse et de son académie pendant la guerre.
  • 18 Elle témoigne sur le rôle de la librairie Trentin dans Silvio Trentin e la Francia, ouv. c (...)
  • 19 Voir François Igersheim, en collaboration avec Geneviève Baas, Les carrefours des Tilleuls (...)

18Lʼautre noyau militant de lʼUD, souvent jeune lui aussi, est celui du SGEN : une quinzaine de professeurs de lycée, très opposés à la politique cléricale de Vichy, dévoués au fondateur de leur syndicat. Citons quelques noms16 : Mlles Alibert et Demongeot, le professeur de droit Dupeyroux, Marc Genestet17, Mylène Petitgirard, Marie-Madeleine Mouflard, Alice Herland18, (sœur de Gabriel Marty, avocat). Et à Montauban, Marie Colombani, répétitrice au lycée Michelet, proche de Marie-Rose Gineste, adhérente CFTC. Ou encore, Thérèse Dauty, dont on connaît le rôle auprès de Mgr Saliège en 1942, militante du SGEN de lʼAveyron, professeur au lycée de Rodez. Ajoutons-y un Alsacien réfugié en Dordogne lʼinstituteur Antoine Diener et peut-être Emile Baas, professeur de philosophie à Rodez19.

19Ces militants bénéficient de lʼaide de Mgr Saliège et de son entourage (les chanoines Gèze et Dessort, lʼabbé Garrail, Mgr de Solages).

Deux équipes dʼanimateurs CFTC, à Toulouse et à Lyon

  • 20 Voir Pierre Trimouille, « Aux origines du syndicalisme moderne dʼinspiration chrétienne, l (...)

20Ces équipes ont pour originalité dʼassocier, en coopération étroite, à Paul Vignaux des militants de la métallurgie, ce segment plus ouvrier, plus militant dans une confédération à dominante dʼemployés20. Paul Vignaux tenait à cette confrontation dʼexpériences et de cultures, entre lʼuniversitaire quʼil était et des militants salariés dʼindustrie. Sa réflexion syndicale y était soumise.

À Toulouse, le couple Paul Vignaux-Jean Brodier au 8 rue Ozenne

  • 21 Silvio Trentin e la francia, ouv. cité, p. 198.
  • 22 Lettre de Paul Vignaux du 19 octobre 1944 à Jean Brodier (Archives Jean Brodier, OIT, Genè (...)
  • 23 La résistance sans héroïsme, Paris, 2001, p. 89.

21Comme avant-guerre, il y avait eu une équipe de travail Paul Vignaux-Jean Pérès, secrétaire général de la fédération de la Métallurgie, pour la formation des cadres syndicaux, il va se constituer à Toulouse une équipe Paul Vignaux-Jean Brodier, partageant les mêmes objectifs de résistance syndicale à Vichy et de lutte contre le nazisme. « Cette orientation, écrit Paul Vignaux, nous conduisit ma femme et moi à partager en location un appartement sur deux étages dans un vieil hôtel Renaissance (aujourdʼhui démoli), au n° 8 de la rue Ozenne, avec la famille dʼun réfugié de Valenciennes, Jean Brodier21 ». Retenons que cet appartement, proche de la librairie Trentin, fut un des lieux toulousains de rencontres de militants, de dirigeants même de la résistance. Vignaux évoque « cette vieille cour de la rue Ozenne, cette chère vieille cour ouverte aux conspirateurs de lʼété 4022 ». Rappelons la description de Charles dʼAragon : Vignaux tenait à Toulouse, « salon de résistance », « recevait les opposants dispersés dans les universités et les lycées des villes voisines », « professeurs issus des gauches laïques et de la naissante gauche chrétienne, militants des centrales syndicales, anciens collaborateurs des publications antifascistes »23.

Le relais lyonnais : Louis Naillod et Joseph Botton

22Joseph Botton, secrétaire permanent de la métallurgie (fig. 5), sʼétait réfugié à Villeurbanne chez Louis Naillod, président de lʼUnion Départementale du Rhône et président de la commission nationale de formation, tous deux tourneurs dʼorigine, tous deux membres du bureau confédéral CFTC, tous deux amis de Paul Vignaux, qui logeait chez eux quand il venait à Lyon.

Fig.5. Joseph Botton

Fig.5. Joseph Botton

Source : F.Georgi, ouv. cité, extrait dʼune photo de session de formation à Lormoy avant-guerre.

  • 24 Paul Vignaux, Préface (p. 7) à Un non-conformiste chez Schneider : Edouard Morin (1897-196 (...)

23Joseph Botton quittera Lyon pour Alger le 1er mai 1941, rejoindra Londres, puis New-York où il sera le partenaire de Paul Vignaux pendant toute la guerre. Cette équipe lyonnaise, en complicité étroite avec Paul Vignaux, assure sur Lyon et sa région le relais des initiatives toulousaines, avec lʼaide de deux autres métallurgistes : Edouard Morin24 et Alexis Delorme, secrétaire général de lʼUnion Départementale du Rhône.

Le partage des tâches entre Vignaux et Brodier

  • 25 Conscient des effets pervers de lʼaura universitaire et de la tentation de « tirer la couv (...)
  • 26 François Méric nʼen est pas moins acteur, puisquʼil répond, en mars 1941, au commissaire d (...)

24Paul Vignaux, qui ne veut pas se mettre en avant25, noue des contacts très divers, assure les relations extérieures, y compris avec lʼadministration, conseille, écrit, fait des conférences. Jean Brodier, qui manie la plume lui aussi, assure par son « exceptionnel dynamisme » lʼorganisation au quotidien et la représentation institutionnelle de lʼUD26. Complémentaires, ils partagent initiatives et questions dans les échanges du 8 rue Ozenne. Derrière Brodier, il y a souvent Vignaux ; derrière Vignaux, Brodier nʼest pas loin. On pourrait en dire de même pour Naillod et Botton à Lyon. La communauté de sensibilité et la connivence pallient les difficultés de communication entre les deux équipes : les longues conversations à lʼoccasion des voyages de Paul Vignaux ou de Jean Brodier sur Lyon sont plus sûres que lʼusage du téléphone.

  • 27 Note sur la situation dans le Midi, signée Vig (P. Vignaux) à Gaston Tessier, 19 février 1 (...)
  • 28 Arch. CFDT, 3H1, Observations complémentaires, 18 octobre 1941.

25Cʼest ce groupe, à la fois toulousain et lyonnais, qui va être à « lʼimpulsion » : ce mot, pesé par Paul Vignaux27, laisse aux autres acteurs CFTC leur part, toute leur part, dans lʼaction collective. Cʼest ce groupe qui, dès la mi-août, prend « en mains le mouvement chrétien en lʼorientant vers lʼunité dʼaction vers les éléments résistants de la CGT »28.

26On peut relever cinq axes où sont attestées ces impulsions, plus précoces et plus fermes à Toulouse quʼà Lyon. Cʼest que Vignaux réside à Toulouse, et ne fait que passer à Lyon. Dʼautre part, la maigre CFTC toulousaine est plus malléable que ne lʼest le poids lourd Rhône-alpin.

Les impulsions

Première impulsion : la CFTC de Toulouse promeut lʼunité dʼaction avec la CGT résistante à Vichy

  • 29 Églises et chrétiens…, ouv. cité, p. 133.

27Ce choix est audacieux, pour qui veut bien se souvenir du rejet cégétiste dʼavant-guerre à lʼégard de la CFTC et du contexte dʼun Ministre du travail, René Belin, issu de la CGT. Il nʼempêche : Paul Vignaux considère quʼautour de Léon Jouhaux la CGT non-communiste qui refuse le régime de Vichy est le cœur dʼune résistance politique au pétainisme, au nazisme, aux projets corporatistes de Belin. Il raconte29 comment, en juillet 1940, une rencontre fortuite à Auch avec Walter Schevenels, secrétaire de la Fédération Syndicale Mondiale, lʼa conforté dans la possibilité dʼune résistance syndicaliste et dʼune démarche commune avec Léon Jouhaux.

28Or, au début août 1940, François Méric, secrétaire général de lʼUnion départementale CFTC de Haute-Garonne, délégué confédéral du Midi et deux responsables de la CFTC réfugiés à Toulouse, Jean Brodier et Guy Thorel, sont alertés sur une démarche de la CGT auprès de lʼUD CFTC des Pyrénées Orientales, puis auprès de Marie-Rose Gineste à Montauban. Cette dernière leur transmet une circulaire CGT sur la Communauté Française du Travail et sur lʼincitation à une démarche commune CGT-CFTC, faisant référence à un échange de correspondance Jouhaux-Tessier. Elle leur suggère dʼaller à la Bourse du Travail de Toulouse pour avoir la lettre de Tessier.

  • 30 Arch. CFDT, 11 P 2.
  • 31 Il sʼagit de toutes les U.D. de la Z.N.O. et des organisations dʼAfrique du Nord.
  • 32 Hevers, réfugié du Nord à Nice ; Gérard Espéret (Saint-Amand Montrond) ; Marcel Poimboeuf (...)
  • 33 Le Fonds Jean Brodier (FJB 1-1, Archives du BIT à Genève) conserve ces réponses et les éch (...)
  • 34 Paul Vignaux a rencontré à diverses reprises Léon Jouhaux, en particulier à Sète, et parti (...)
  • 35 Arch. Départementales du Nord, archives Madeleine Singer, J 1471 (20), lettre de Paul Vign (...)

29En lʼabsence de directives confédérales CFTC, par suite de lʼinterruption des communications, le trio prend sur lui dʼenvoyer une lettre de lʼUD de Toulouse datée du 5 août30 : elle informe sur ces initiatives, consulte par un bref questionnaire les organisations syndicales CFTC dans la zone non occupée sur leurs relations actuelles avec la CGT, en vue dʼune décision collective organisée. Cette lettre est adressée à 29 organisations31 et à six personnalités32, dont Vignaux. 24 réponses ont été conservées par Jean Brodier33. Paul Vignaux établit ainsi le contact avec lʼéquipe toulousaine et les dirigeants confédéraux CGT à la mi-août. Il sʼassociera alors aux relations cordiales qui se sont déjà établies entre Jean Brodier et Guy Thorel dʼune part, Léon Jouhaux34, Robert Bothereau35(fig. 6), Georges Buisson, Julien Forgues (secrétaire de lʼUnion Départementale CGT) (fig.7) dʼautre part. Il en sera de même à Lyon respectivement entre Naillod-Botton et Vivier-Merle.

Fig.6. Robert Bothereau et Léon Jouhaux au Congrès CGT de Toulouse

Fig.6. Robert Bothereau et Léon Jouhaux au Congrès CGT de Toulouse

Source : Bulletin Municipal de Toulouse, mars 1936

Fig 7. Léon Jouhaux et Julien Forgues au Congrès CGT de Toulouse

Fig 7. Léon Jouhaux et Julien Forgues au Congrès CGT de Toulouse

Source : Bulletin municipal de Toulouse, mars 1936

  • 36 Le Comité dʼInformation ouvrière, auxquels participaient Léon Jouhaux, Gaston Tessier, Geo (...)

30Ils ont donc été informés par leurs interlocuteurs CGT de lʼéchange de correspondance des deux secrétaires généraux, Gaston Tessier et Léon Jouhaux, avant la mi-juillet, évoquant une « communauté de pensée » devant la situation. Celle-ci sʼétait très certainement élaborée au sein du Comité dʼinformation ouvrière au Ministère de lʼinformation : autour de Christian Pineau (CGT) et Paul Vignaux (CFTC) sʼétait alors ébauchée une réflexion sur le « Syndicalisme français », bien commun dʼun mouvement ouvrier face au totalitarisme36. La circulaire CFTC du 26 août devait répondre favorablement à celle de Jouhaux du 26 juillet sur la possibilité dʼaccords dʼaction commune respectant chaque organisation.

  • 37 Parmi eux, Christian Pineau (ancien secrétaire de Léon Jouhaux et secrétaire du Conseil éc (...)
  • 38 Le président Jules Zirnheld, de la CFTC et de lʼInternationale syndicale chrétienne (décéd (...)
  • 39 Églises et chrétiens…, ouv. cité, p. 134. Selon le témoignage de Marcel Vanhove (rapporté (...)

31La démarche sʼaffirmera enfin le 15 novembre par le texte quʼon appelle le Manifeste des Douze, réplique à la dissolution des confédérations, signé de neuf dirigeants CGT37 et trois CFTC38 de la zone occupée. « Nous savions, écrit Paul Vignaux, au moins par le Manifeste des Douze, que Gaston Tessier (fig. 8) était en accord avec nous et les amis de Jouhaux »39.

Fig 8. Gaston Tessier

Fig 8. Gaston Tessier

Source : photo Harcourt, brochure CFTC pour le cinquantenaire du syndicalisme chrétien (1937)

  • 40 Voir sur le Manifeste des Douze, Paul Vignaux, Traditionalisme et syndicalisme, ouv. cité, (...)
  • 41 Observations complémentaires, texte cité, p. 2 et p. 3 : « Il y a dans tout cela la possib (...)
  • 42 Églises et chrétiens, ouv. cité, p. 135.

32Considéré comme le deuxième acte de résistance symbolique après lʼappel du général de Gaulle le 18 juin, il affirmait lʼidentité de la cause ouvrière et de la cause nationale, reprenant et complétant une formule CFTC, la nécessité dʼun « syndicalisme libre dans la profession organisée et dans lʼÉtat souverain ». « Le syndicalisme français doit être anticapitaliste : au régime capitaliste doit succéder un régime dʼéconomie dirigée au profit de la collectivité. » (…) « Syndicalisme constructif, il vise à transformer les rapports entre le travail, lʼindustrie et lʼÉtat »40. Paul Vignaux y voyait un « langage commun (…) sur la question même de la lutte des classes », pouvant laisser espérer « dʼabord de cœur et dʼesprit, puis organiquement un grand mouvement ouvrier »41 autour duquel se rassemblerait la résistance au régime de Vichy et à la collaboration. Ce texte, par son énoncé de principes, par son esprit démocratique et son rejet de lʼantisémitisme se révéla un instrument de clivage entre les contaminés par Vichy et les autres. Il fut apporté par Julien Forgues, le secrétaire de lʼUD-CGT, au 8 rue Ozenne, avec ce commentaire : « Si cʼest un testament, cʼest un beau testament…! »42. Il sera largement diffusé et commenté.

Deuxième impulsion toulousaine : structurer lʼorganisation de la CFTC en ZNO

  • 43 Arch. CFDT, 11 P 2, lettre de Maurice Guérin à Alexandre Chaulet, 29 août 1940. – Lettre d (...)

33La circulaire du 5 août 1940, signée de François Méric, Jean Brodier et Guy Thorel propose non seulement une coordination des relations avec la CGT dans la ZNO, mais suggère surtout quʼelle sʼorganise à Toulouse, en arguant de la présence de responsables nationaux CGT. Elle sera suivie dʼun projet de circulaire le 23 août qui propose des activités de formation et la constitution de cartels CGT-CFTC paritaires. Cʼest le tollé chez les délégués CFTC régionaux, scandalisés de cette initiative de « jeunes43 », considérée comme imprudente et peu respectueuse de leur rôle. Mais elle débouche sur une décision dʼorganisation.

Les régions CFTC en 1940 en Zone non occupée

Les régions CFTC en 1940 en Zone non occupée

34La carte de la page précédente montre les régions CFTC en 1940 en ZNO : Centre (Limoges, Maurice Guérin), Centre Est (Saint-Étienne, Éloi Chacornac), Lyonnaise (Lyon, Louis Naillod), Provence (Marseille, Cavallera), Midi (Toulouse, François Méric). Les régions Centre et Midi prennent en charge la partie non occupée de la région du Sud-ouest (Bordeaux). LʼAfrique du Nord constitue une région : son responsable Alexandre Chaulet est en relations étroites avec Maurice Guérin.

Fig 9. Maurice Guérin

Fig 9. Maurice Guérin

Source : dʼaprès Syndicalisme, journal de la CFCTC, juin 1939

  • 44 Arch. dép. du Rhône, 68 AJ 46 et Arch. Gaston Tessier, IHS, Caisse II. Circulaire n° 2 dʼa (...)

35Finalement, les délégués confédéraux régionaux se réunissent à lʼinvitation de Maurice Guérin (fondateur de la CFTC en Rhône-Alpes, métallurgiste, membre du Bureau confédéral, bientôt représentant de Gaston Tessier en ZNO) (fig. 9) et créent le 8 septembre le comité interrégional de liaison des organisations chrétiennes de la zone non occupée à Lyon, reprenant ainsi les suggestions toulousaines. Son siège ne sera pas à Toulouse, mais à Lyon qui sera le pivot de la résistance syndicale CFTC. Peu importe : Louis Naillod et Joseph Botton veillent à Lyon et apportent leur pierre à lʼorientation du comité interrégional, en liaison étroite avec Paul Vignaux. Le groupe toulousain se concentre alors sur les 13 départements de leur région CFTC où ils se déplacent, avec Roger Castagner, de Montpellier, pour réorganiser, informer, former. Ils diffusent une circulaire riche dʼune argumentation de qualité, rédigée par Jean Brodier et Paul Vignaux44.

Troisième impulsion : « briser avec les opportunistes du syndicalisme dans la CFTC »

36La CFTC est divisée, surtout en zone occupée, où une partie des responsables sont favorables au compromis avec Vichy. Leur chef de file est Jean Pérès, secrétaire général de la métallurgie, secrétaire général adjoint de la CFTC (fig. 10), détenteur dʼun laissez-passer permanent, ce qui a été refusé à Gaston Tessier.

Fig 10. Jean Pérès

Fig 10. Jean Pérès

Source : dʼaprès Syndicalisme, journal de la CFTC, juin 1939

  • 45 Le dossier « Août 1940 » (voir note 33) comprend une page de lʼécriture de Paul Vignaux qu (...)
  • 46 Archives Gaston Tessier, IHS, caisse II.
  • 47 Maurice Bouladoux secrétaire général adjoint de la CFTC a signé le Manifeste ; Jean Pérès, (...)
  • 48 F. Georgi, Soufflons…, ouv. cité, p. 77. Le texte de la motion est dans le dossier « Août  (...)

37Vichy cherche à jouer cette carte. Car Jean Pérès est favorable à une politique de présence, même dans le cas dʼun syndicalisme unique et étatisé. Paul Vignaux nʼaura donc de cesse de marginaliser Jean Pérès, craignant à juste titre, que le secrétaire général adjoint de la CFTC, dont il ne sous-estime pas lʼinfluence, nʼengage la réputation de la CFTC aux côtés de Vichy45. Ce nʼest donc pas un hasard si, le 15 décembre 1940, une réunion de la région Midi à Toulouse, en présence de Maurice Guérin, vote « le principe de la responsabilité personnelle de chaque militant46 », quant à la décision de participer à un éventuel syndicalisme dʼÉtat. Autrement dit, les responsables CFTC ne doivent pas participer en tant que tels. Pour faire bonne mesure, le même jour, le syndicat des métallurgistes de Toulouse, adopte un texte reprochant à Jean Pérès de ne pas avoir signé le Manifeste des Douze47 et « considère que lʼaction du secrétaire de la Fédération depuis juin 1940 ne saurait engager le mouvement », « faute de liaison avec ses mandants48 ».

  • 49 Lettre de Joseph Botton à Gaston Tessier du 15 février 1941. Note « Situation dans le Midi (...)

38À la mi-février, après un déplacement de Jean Pérès en ZNO – où il aurait eu une rude explication avec Paul Vignaux49 –, ce dernier et Joseph Botton écrivent à Gaston Tessier pour lʼalerter sur les propos tenus par Jean Pérès (laissant entendre que Gaston Tessier regrettait sa signature du manifeste des Douze, quʼil aurait signé avec Jules Zirnheld, sous lʼeffet dʼun état de dépression). Ils demandent une mise au point, ainsi quʼune prise de position sur la nomination de Jean Pérès au Conseil National de Vichy (acte personnel ou engagement du mouvement ? demandent-ils).

  • 50 Par ailleurs, député social chrétien alsacien, expulsé, réfugié en ZNO. Il a voté les plei (...)
  • 51 Secrétaire général de la fédération des Employés, membre du Bureau confédéral, vice-présid (...)

39Le 16 mars, le comité interrégional de la ZNO, en présence de Joseph Botton et de Jean Brodier, refuse unanimement à Jean Pérès sa confiance. Il mandate Henri Meck, délégué confédéral pour lʼAlsace-Lorraine50, pour obtenir de Vichy la désignation de Marcel Poimboeuf51 (fig. 11), réfugié à Lyon, au Comité dʼorganisation professionnelle, chargé de préparer le texte de la Charte du Travail.

40Il lʼobtiendra, ce qui assurera à la CFTC un porte-parole qui marquera des refus et portera des contrepropositions. Exit Jean Pérès dont la nomination était pourtant acquise.

Fig. 11. Marcel Poimboeuf

Fig. 11. Marcel Poimboeuf

Source : archives CFDT, 1945

Quatrième impulsion : intervenir de manière tenace auprès de Vichy par des résolutions, des notes, des contreprojets

  • 52 Paul Vignaux, Traditionalisme et syndicalisme, ouv. cité, p. 138-145 et p. 153-155

41Leur objectif est clair : défendre les libertés syndicales, le pluralisme, la nécessité des confédérations, face aux projets de Vichy. Cette pression maintenue pied à pied sʼopère sans illusion sur le résultat final. Lʼessentiel est ainsi de former les militants pour lʼavenir, homogénéiser leur capacité dʼargumentation, y compris par rapport aux cégétistes, toujours tentés par le monopole52.

  • 53 Arch. CFDT, 3H3 et archives jésuites de Vanves, papiers du R.P. Desqueyrat, dossier « Le m (...)
  • 54 Observations complémentaires, texte cité, p. 2.
  • 55 Arch. Vanves, papiers du R.P. Desqueyrat, ibidem.
  • 56 Le Midi publie ce texte, en enlevant la partie sur lʼabolition des mesures dʼexclusion pro (...)
  • 57 Jean-Louis Clément, Monseigneur Saliège, archevêque de Toulouse (1929-1956), Paris, 1994, (...)
  • 58 Silvio Trentin e la Francia, ouv. cité, p. 199. Il sʼagit probablement des « Menus propos  (...)

42Une initiative toulousaine est largement53 mise en valeur : « la commission intersyndicale de représentation unique de la métallurgie toulousaine », créée le 12 janvier 1941 par les syndicats CGT, CFTC, SFP, est lʼexemple dʼun travail en commun solidaire entre ces organisations face aux interlocuteurs patronaux et aux pouvoirs publics, puisque les partenaires sʼengagent à ne pas négocier séparément. Pour Paul Vignaux, cette autolimitation de la concurrence syndicale, développait « un sens nouveau de lʼunité du syndicalisme français »54. Cette commission élaborera un rapport revendicatif sur les budgets familiaux55. La même pratique sʼaffichera publiquement le 1er Mai 1941 par un cahier de vœux commun56, se concluant par une demande dʼabolition des restrictions racistes. Il est évident que cette prise de position courageuse est concertée avec Mgr Saliège : celui-ci prend position dans son homélie en faveur du respect de la liberté syndicale, lors de la messe de la Fête chrétienne du travail, à la Daurade, le 1er mai 194157. « Je garde, nous dit Paul Vignaux, surtout le souvenir dʼune prière rédigée et publiée au printemps par Mgr Saliège dans des termes tels que le « laïque » italien Trentin en souhaita immédiatement la diffusion et que Julien Forgues se déclara pour la première fois de sa vie « en accord avec un archevêque »58.

  • 59 Arch. CFDT, 3H1, Situation et possibilités du mouvement syndical en France, Rapport à Luig (...)
  • 60 Arch. départementales du Rhône, 68 AJ 46 ; papiers Gaston Tessier, IHS, Caisse III et, env (...)

43Quinze jours plus tard, Belin, reçu « très fraîchement » à Toulouse59, où « on lui a publiquement rappelé la fidélité des travailleurs à la cause de la démocratie et de lʼindépendance », demandera à la CFTC un développement de ses positions : il prit la forme dʼun argumentaire de neuf pages accompagnant un projet de loi sur la représentation des salariés dans lʼorganisation professionnelle, associant liberté syndicale et autolimitation de la concurrence syndicale. Marcel Poimboeuf aura le mandat formel et impératif de lʼUD de la Haute-Garonne de le défendre au comité dʼorganisation professionnelle, parce quʼil est le « seul de la délégation ouvrière au Comité dʼorganisation professionnelle à défendre le point de vue de la liberté syndicale ». Jean Brodier conclut : « Indépendamment de nous, de nombreux camarades de la CGT comptent absolument sur toi qui est le seul représentant de la tradition ouvrière française en même temps que de lʼorientation chrétienne dans le mouvement ouvrier »60. Lʼargumentaire sera largement diffusé et repris dans des transmissions à Vichy, notamment par les Lyonnais. Paul Vignaux ira à Vichy avec dʼautres responsables CFTC le défendre, avant de revenir faire le point avec Louis Naillod à la veille de la réunion du Comité interrégional du 22 juin à Lyon.

  • 61 Traditionalisme et syndicalisme, ouv. cité, p. 175.

44Présidé par Gaston Tessier, venu pour la première fois en ZNO, en présence dʼAndré Chaulet, le Comité conclut la démarche engagée depuis août 1940. Il vote une résolution reprenant lʼessentiel des positions toulousaines. Il affirme lʼopposition de la CFTC aux projets gouvernementaux, à la Charte du Travail, dont Paul Vignaux aimait citer lʼappréciation de la Pariser Zeitung du 31 octobre 1941 : « La Charte du Travail peut être considérée comme une synthèse du système fasciste des Corporations et de lʼorganisation allemande du Front du Travail »61. Toutefois, malgré Henri Meck et Jean Brodier qui demandent le départ de Marcel Poimboeuf du Comité dʼorganisation professionnelle, la majorité décide dʼattendre pour ne pas compromettre lʼun des moyens de poursuivre la pression pour retarder, voire empêcher lʼinévitable. Paul Vignaux, absent de Lyon, envoie un télégramme au Comité interrégional, et peut partir tranquille pour les États-Unis, via Lisbonne où il arrivera le 26 juin.

Cinquième impulsion : former les consciences et prévenir une dissolution éventuelle des UD

  • 62 En date du 15 avril 1941 (Arch. CFDT, 11 P 2)
  • 63 La Voix sociale du Sud-est, n° 8, Janvier 1941. Le R.P. André Arnou, jésuite de lʼAction P (...)
  • 64 Archives municipales de Lyon, 133 ii 58.
  • 65 AD du Rhône, 68 AJ 46, Cahier du bureau de lʼUD.
  • 66 Transcription des bandes dʼinterview dʼaoût 1977 de Joseph Botton (Archives familiales Vig (...)
  • 67 Le 19 janvier 1940. Une partie de son exposé (8 pages) sur la nécessité dʼune capacité du (...)

45Cette dimension est chère, on le sait, à Paul Vignaux et à Louis Naillod qui, mandatés à ce sujet par le comité interrégional du 16 mars, diffusent une circulaire dʼincitation avec des fiches argumentaires sur les raisons dʼêtre du syndicalisme62. Mais ils nʼont pas attendu cette décision collective. La CFTC toulousaine a repris dès la mi-octobre des cercles dʼétudes le dimanche soir, et des journées dʼétudes (une en particulier est animée par Paul Vignaux et le jésuite André Arnou63). Lyon, à la même époque, reprend ses séances de formation mensuelles, consulte Paul Vignaux à ce propos64, comme sur le programme et les conférenciers pour sa session de lʼété 194165. Les réunions accueillent de 60 à 100 participants. Lʼhistorien Joseph Hours livre une analyse des raisons politiques de la défaite ; la discussion est parfois ardente, notamment sur le problème des conditions de la politique de présence aux nouvelles institutions de Vichy, par exemple devant les propos du R.P. de Lestapis66. Paul Vignaux intervient sur le Manifeste des Douze67, Jean Lacroix sur Patrie, Nation, État, Henri-Irénée Marrou, lʼami très cher de Vignaux, sur la conscience ouvrière et le sentiment national. Il interviendra aussi à la Chronique sociale sur lʼAmérique.

  • 68 Arkheia, n° 2-3, février-juillet 2000, « Mémoires de Marie-Rose Gineste », p. 118. Voir au (...)
  • 69 Arch. départementales Haute-Garonne, 1672 W 8 (dossier de déclaration de lʼassociation)
  • 70 Arch. départementales Haute-Garonne, 1831 W 93 (note du 31.12.1942).

46Mais la formation se voit assigner une autre fonction : légitimer la création dʼune institution de suppléance en cas de dissolution de lʼUD, voire de couverture aussi à des activités de résistance (Marie-Rose Gineste et Edouard Morin en témoignent68). Alger crée le « Centre dʼaction sociale dʼAlger », Lyon « La Rencontre », Toulouse « le Comité fraternel des travailleurs chrétiens » (fig.12). Ce dernier, déposé le 24 janvier 194169, par Jean Brodier, François Méric et Marcel Vanhove, organisera des Ecoles Normales ouvrières toulousaines pendant lʼoccupation. À noter que Julien Forgues fera de même pour la CGT avec une Association pour la documentation juridique et lʼétude des questions économiques et sociales70.

  • 71 Pour un autre regard, voir Michel Launay, « Les syndicats chrétiens dans le Nord de la Fra (...)
  • 72 Paul Vignaux, Traditionalisme et syndicalisme, ouv. cité, p. 182.
  • 73 Arch. CFDT, 3 H 1, Rapport à Luigi Antonini, vice-président au International Ladies Garmen (...)

47Ainsi la CFTC en ZNO71 est très tôt engagée dans un combat de résistance syndicale sous lʼoccupation, refusant tout compromis qui conduit à « accepter le totalitarisme par glissement continu, transitions insensibles. En France, Hitler sʼavance sous un masque »72. Si Toulouse nʼest pas devenue la capitale de la résistance syndicale chrétienne, elle nʼen a pas moins, grâce à Paul Vignaux et à ses amis, tenu une place significative. Sʼadressant à des syndicats américains73 en août 1941, Paul Vignaux résume son analyse : « cette opposition syndicale est tout entière soutenue par lʼhostilité à lʼAllemagne et lʼespoir dans la victoire anglaise. Par deux fois, les syndicats de Toulouse ont formulé publiquement le mot dʼordre de lʼindépendance française, (opposé à celui de Darlan-Belin, collaboration avec lʼAllemagne). Dans lʼesprit des dirigeants et de plus en plus dans celui de la masse, cette opposition sʼadresse en bloc à lʼAllemagne nazie et au régime de Vichy, y compris le Maréchal dont les discours sociaux attaquent régulièrement le syndicalisme et sʼinspirent des conceptions patronales antisyndicales. » Ce nʼest pas un hasard si Jean Brodier devient le secrétaire du comité clandestin des organisations syndicales chrétiennes, puis secrétaire général adjoint de la CFTC ; il est toujours en relations avec Paul Vignaux en 1944. Paul Vignaux, au travers des deux équipes auxquelles il participa, a apporté une contribution essentielle à la démarche collective des responsables CFTC de la ZNO. Après le départ de Joseph Botton dʼabord, puis celui de Vignaux, la détermination CFTC en ZNO ne se démentira pas, autour de deux de ses proches Jean Brodier et Louis Naillod. Toute cette histoire syndicale a, de plus, des liens nourris avec le développement des mouvements de résistance politiques en ZNO.

Notes

1 Sous la direction de Pierre Grémion et Françoise Piotet, Georges Friedmann. Un sociologue dans le siècle (1902-1977), Paris, CNRS éditions, 2004, 186 pages. Voir p. 29-49 la contribution de Jean-Pierre Amalric sur Georges Friedmann à Toulouse sous lʼoccupation.

2 Paul Vignaux a succinctement évoqué cette période dans trois témoignages (p. 197-200 dans Silvio Trentin e la Francia : saggi e testimonianze, Venezia, 1989 ; p. 133-136 dans Églises et Chrétiens dans la Seconde Guerre Mondiale. 2. La France, Lyon, 1982 ; p. 700, dans Revue du Nord, t. 60, n° 237, avril-juin 1978) et dans son ouvrage Traditionalisme et syndicalisme, New York, 1943.
Les archives familiales (dont les papiers saisis par la Gestapo revenus de Moscou et restitués), les fonds CFDT (notamment Gaston Tessier, Paul Vignaux, François Fraudeau-Alexandre Chaulet, Gérard Esperet), les papiers (non classés) Gaston Tessier de lʼInstitut dʼHistoire sociale-Bibliothèque Souvarine et du Musée social, le fonds CFDT des archives départementales du Rhône, le fonds Madeleine Singer aux Archives Départementales du Nord, le fonds Jean Brodier au BIT à Genève ont donné nombre de compléments aux livres de Renée Bédarida, Les catholiques dans la guerre, 1939-1945 : entre Vichy et la Résistance, Paris, 1998 et de Carole Saudejaud, Le syndicalisme chrétien sous lʼoccupation, Paris, 1999 (voir notamment p. 23-39, p. 125-129, p. 162-167).

3 Hervé Hamon, Patrick Rotman, La deuxième gauche. Histoire intellectuelle et politique de la CFDT, Paris, 1982, p. 13. Paul Vignaux, De la CFTC à la CFDT : Syndicalisme et socialisme. « Reconstruction » (1946-1972), Paris, 1980 ; Paul Vignaux, un intellectuel syndicaliste, Paris, 1988. Voir aussi Madeleine Singer, Histoire du SGEN : 1937-1970, Lille, 1987, éditée en version abrégée et prolongée, Le SGEN. Des origines à nos jours, Paris, 1993, « Paul Vignaux » (Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier) et Dictionnaire biographique du SGEN-CFDT, CD, Editions de lʼAtelier, Paris, 2004. Paul Vignaux, De la CFTC à la CFDT : Syndicalisme et socialisme. « Reconstruction » (1946-1972), Paris, 1980 ; Paul Vignaux, un intellectuel syndicaliste, Paris, 1988.

4 Laurent Jeanpierre, « Paul Vignaux, inspirateur de la Deuxième Gauche » : récits dʼun exil français aux États-Unis pendant la Seconde guerre mondiale », p. 48, Matériaux pour lʼhistoire de notre temps, 60 (octobre-décembre 2000).

5 Paul Vignaux, Traditionalisme et syndicalisme, ouv. cité, p. 72-73.

6 En juillet 1940, époque où le bureau de Gaston Tessier fut perquisitionné. Le dossier de séquestre (Archives du Ministère des Affaires Etrangères, OBIP, série spoliations allemandes en France, dossiers 28155 et 28156) donne les listes de livres saisis.

7 On peut suivre dans la correspondance Jacques Maritain-Yves Simon, en cours dʼédition par Michel Florian, les difficultés quʼils rencontrent pour obtenir lʼinvitation de Paul Vignaux à lʼUniversité Notre-Dame (Indiana).

8 On en trouve la preuve dans les Archives Vignaux à lʼEcole Pratique des Hautes Etudes.

9 Rapport au Ministre du Conseil de lʼUniversité de Toulouse, rapport du Doyen Paul Dottin pour 1940- 1941, Toulouse, 1941, p. 107-108.

10 Publié seulement en 1948 (n° 1 du Journal de Psychologie), p. 65-68.

11 Traditionalisme et syndicalisme, p. 123 et 35.

12 Les textes quʼil rédige sont en général anonymes, sous couvert des instances CFTC ; les articles quʼil donne avec Jean Brodier à Temps nouveau paraissent sous le pseudonyme de Paul ou Jean Terrasse, selon le cas (Voir Temps nouveau, n° 4, 10, 12 et 20 de 1941 et La Voix sociale, n° 44 et 46 du printemps 1944). Les trois textes signés Paul Terrasse (Paul Vignaux) sont « Les syndicalistes chrétiens demeurent attachés au pluralisme syndical » ; « Lʼorganisation professionnelle » ; « Fidélité à lʼAssociation ouvrière ».

13 Je reprends lʼexpression même de Vignaux (Observations complémentaires, 18 octobre 1941, p. 2, arch. CFDT, 3 H 1).

14 Revue du Nord, art. cité, p. 700.

15 Renée Bedarida a souligné son rôle ultérieur dans Les armes de lʼesprit. Témoignage chrétien (1941- 44), Paris 1977.

16 Outre les notations repérées au cours de cette recherche, une liste de militants SGEN par académie était dans les archives saisies par la Gestapo.

17 Il est secrétaire du SGEN à Toulouse et de son académie pendant la guerre.

18 Elle témoigne sur le rôle de la librairie Trentin dans Silvio Trentin e la Francia, ouv. cité, p. 183.

19 Voir François Igersheim, en collaboration avec Geneviève Baas, Les carrefours des Tilleuls. Jeune Alsace résistante, Strasbourg, 2008.

20 Voir Pierre Trimouille, « Aux origines du syndicalisme moderne dʼinspiration chrétienne, les syndicats chrétiens dans la métallurgie française, de 1935 à 1939 », Le Mouvement social, janvier-mars 1968, p. 27-47. Frank Georgi, Soufflons nous-mêmes notre forge. Une histoire de la Fédération de la métallurgie CFTC-CFDT (1920-1974), Les Éditions Ouvrières, Paris, 1991.

21 Silvio Trentin e la francia, ouv. cité, p. 198.

22 Lettre de Paul Vignaux du 19 octobre 1944 à Jean Brodier (Archives Jean Brodier, OIT, Genève)

23 La résistance sans héroïsme, Paris, 2001, p. 89.

24 Paul Vignaux, Préface (p. 7) à Un non-conformiste chez Schneider : Edouard Morin (1897-1967) : journal présenté et annoté par Renée Bédarida, Paris, 1984.

25 Conscient des effets pervers de lʼaura universitaire et de la tentation de « tirer la couverture à soi », il veille dans ses témoignages à restituer ce quʼil doit à ses compagnons.

26 François Méric nʼen est pas moins acteur, puisquʼil répond, en mars 1941, au commissaire de police spécial sur la désignation dʼun adhérent CFTC au conseil municipal, en donnant trois noms, mais en émettant la réserve quʼun éventuel désigné « ne saurait engager lʼorganisation à laquelle ce travailleur appartient, ni surtout lʼensemble du mouvement syndical chrétien ». Le commissaire en tire la conclusion : mieux vaut désigner André Teillard qui dirige la Ligue Ouvrière Catholique, qui semble « animée dʼun parfait loyalisme à lʼégard de nos institutions » (A.D. Haute-Garonne, 1831 W 184).

27 Note sur la situation dans le Midi, signée Vig (P. Vignaux) à Gaston Tessier, 19 février 1941 (Papiers Gaston Tessier, IHS, caisse II) : « A la suite de la lettre du 15 novembre (le manifeste des Douze) et de la réunion du 15 décembre (journée des cadres à Toulouse), les liens se sont resserrés autour de Toulouse qui donne et donnera de plus en plus lʼimpulsion (souligné par JL) ; des voyages sont prévus ; la formation est réorganisée et en voie de développement. La lettre du 15 novembre est presquʼunanimement approuvée, a ranimé lʼespoir et la fidélité ». Ce bref rappel informe Gaston Tessier, sʼil ne lʼétait pas, du rôle que sʼassigne lʼéquipe toulousaine.

28 Arch. CFDT, 3H1, Observations complémentaires, 18 octobre 1941.

29 Églises et chrétiens…, ouv. cité, p. 133.

30 Arch. CFDT, 11 P 2.

31 Il sʼagit de toutes les U.D. de la Z.N.O. et des organisations dʼAfrique du Nord.

32 Hevers, réfugié du Nord à Nice ; Gérard Espéret (Saint-Amand Montrond) ; Marcel Poimboeuf (Pau) ; Henri Meck ; Paquet et Laurent de lʼUL de Valenciennes ; Paul Vignaux.

33 Le Fonds Jean Brodier (FJB 1-1, Archives du BIT à Genève) conserve ces réponses et les échanges de lettres à ce propos dans un dossier intitulé « Août 1940), dont nous comptons faire une exploitation ultérieure. Les réponses de Paul Vignaux, qui y sont conservées, sont utilisées dans notre contribution « Paul Vignaux à Toulouse : résistance spirituelle et politique en zone non occupée (juin 1940-juin 1941) » à paraître dans Paul Vignaux, philosophe et citoyen (dir. O. Boulnois), Bibliothèque de lʼE.P.H.E., 2012).

34 Paul Vignaux a rencontré à diverses reprises Léon Jouhaux, en particulier à Sète, et partira aux États-Unis avec une lettre autographe de Léon Jouhaux du 19 juin 1941, le recommandant auprès du Président William Green de lʼAmerican Federation of Labor.

35 Arch. Départementales du Nord, archives Madeleine Singer, J 1471 (20), lettre de Paul Vignaux à Robert Bothereau du 4 juin 1949 : « les relations que nous avons eues en 1940 nous permettent dʼenvisager ici les relations les plus délicates. »

36 Le Comité dʼInformation ouvrière, auxquels participaient Léon Jouhaux, Gaston Tessier, Georges Lefranc, Christian Pineau et Paul Vignaux, entre février et juin 1940, publie un Bulletin dʼinformation ouvrière dont la collection ronéotypée de la Bibliothèque Nationale peut être complétée grâce aux Archives Pineau des Archives nationales. Voir aussi Traditionalisme et Syndicalisme, ouv. cité, p. 110.

37 Parmi eux, Christian Pineau (ancien secrétaire de Léon Jouhaux et secrétaire du Conseil économique de la CGT), Albert Gazier (Employés), Robert Lacoste (Fonctionnaires), Louis Chevalme (Métaux).

38 Le président Jules Zirnheld, de la CFTC et de lʼInternationale syndicale chrétienne (décédé le 28 décembre 1940), le secrétaire général Gaston Tessier, Maurice Bouladoux, un des trois secrétaires généraux adjoints.

39 Églises et chrétiens…, ouv. cité, p. 134. Selon le témoignage de Marcel Vanhove (rapporté par Pierre Mouterde, La résistance chrétienne dans la région lyonnaise, Diplôme dʼétudes supérieures, 1946 (p. 18) (Archives Etienne Borne, Carton 22 au Centre Edmond Michelet, exemplaire complet des notes), les contacts toulousains CFTC-CGT autour de Jean Brodier, de Paul Vignaux et des membres du comité directeur de la CGT en juillet-Août 1940 auraient contribué à préparer le texte du Manifeste.

40 Voir sur le Manifeste des Douze, Paul Vignaux, Traditionalisme et syndicalisme, ouv. cité, p. 124-133

41 Observations complémentaires, texte cité, p. 2 et p. 3 : « Il y a dans tout cela la possibilité dʼun rassemblement autour du syndicalisme et de tous les milieux nationaux et antitotalitaires, rassemblement auquel les syndicalistes peuvent donner des conceptions économiques et sociales assez radicales, étant donné lʼaspect patronal et capitaliste que présentent de plus en plus le régime de Vichy et la politique de collaboration ».

42 Églises et chrétiens, ouv. cité, p. 135.

43 Arch. CFDT, 11 P 2, lettre de Maurice Guérin à Alexandre Chaulet, 29 août 1940. – Lettre de Maurice Guérin à Gaston Tessier, 31 août 1940 (Arch. Gaston Tessier, IHS, Caisse III)

44 Arch. dép. du Rhône, 68 AJ 46 et Arch. Gaston Tessier, IHS, Caisse II. Circulaire n° 2 dʼavril et n° 4 de juillet-août 1941.

45 Le dossier « Août 1940 » (voir note 33) comprend une page de lʼécriture de Paul Vignaux qui rapporte un extrait dʼune lettre de Jean Pérès du 10 septembre 1940, mentionnant ses contacts avec le ministre du travail et sa certitude dʼune « expérience dʼorganisation patronale et ouvrière unique », où les pouvoirs publiques espèrent voir la CFTC y tenir sa place.

46 Archives Gaston Tessier, IHS, caisse II.

47 Maurice Bouladoux secrétaire général adjoint de la CFTC a signé le Manifeste ; Jean Pérès, et Jules Mennelet, autres secrétaires généraux adjoints ne lʼont pas fait.

48 F. Georgi, Soufflons…, ouv. cité, p. 77. Le texte de la motion est dans le dossier « Août 40 » (Archives OIT, Genève, FJB, 1-1)

49 Lettre de Joseph Botton à Gaston Tessier du 15 février 1941. Note « Situation dans le Midi », signée Vig (Vignaux) du 19 février 1941 à Gaston Tessier (Papiers Gaston Tessier, IHS, Caisse II).

50 Par ailleurs, député social chrétien alsacien, expulsé, réfugié en ZNO. Il a voté les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain et est écouté à Vichy ; cʼest un défenseur intransigeant de lʼindépendance du syndicalisme chrétien et un adversaire des nazis. Voir François Igersheim, « Henri Meck, syndicaliste et député alsacien, la première carrière (1919-1945) », Annuaire de la Société dʼHistoire et dʼArchéologie de Molsheim et environs, 2006

51 Secrétaire général de la fédération des Employés, membre du Bureau confédéral, vice-président de la CFTC. Il quittera le Comité dʼorganisation professionnel en 1942 ; il sera ultérieurement représentant de la CFTC à Londres et membre de lʼAssemblée consultative provisoire dʼAlger à partir de novembre 1943.

52 Paul Vignaux, Traditionalisme et syndicalisme, ouv. cité, p. 138-145 et p. 153-155

53 Arch. CFDT, 3H3 et archives jésuites de Vanves, papiers du R.P. Desqueyrat, dossier « Le monde ouvrier ». Le Midi publie ce texte, en enlevant le passage sur lʼabolition des mesures dʼexclusion professionnelle. Le cahier de vœux propres à la CFTC de Toulouse (CFDT, 4 H 8), résumé politique dʼun contre-projet dʼorganisation professionnelle, est corrigé de la main de Vignaux.

54 Observations complémentaires, texte cité, p. 2.

55 Arch. Vanves, papiers du R.P. Desqueyrat, ibidem.

56 Le Midi publie ce texte, en enlevant la partie sur lʼabolition des mesures dʼexclusion professionnelle. Le cahier de vœux propres à la CFTC de Toulouse (Arch. CFDT, 4 H 8), résumé politique dʼun contre-projet dʼorganisation professionnelle, est corrigé de la main de Vignaux.

57 Jean-Louis Clément, Monseigneur Saliège, archevêque de Toulouse (1929-1956), Paris, 1994, p. 179- 180. Paul Vignaux, Traditionalisme et syndicalisme, ouv. cité, p. 157-159. Le texte de lʼhomélie de Monseigneur Saliège demeure introuvable. À noter que le chanoine Tellier de Poncheville, « lʼorateur de toutes les grandes manifestations catholiques », aux positions favorables à Vichy, fut lʼobjet dʼune protestation collective de fidèles conduite par Marcel Vanhove, lors dʼun sermon à Toulouse, à lʼhiver 1940-41, où il glorifiait lʼarmistice qui avait mis la France « hors de la guerre » (Paul Vignaux, Revue du Nord, art. cité, p. 700).

58 Silvio Trentin e la Francia, ouv. cité, p. 199. Il sʼagit probablement des « Menus propos » du 16 mars 1941 sur le Silence (voir Cardinal Saliège, La croix contre le Christ contre la croix gammée, Langres, 2009, p. 93).

59 Arch. CFDT, 3H1, Situation et possibilités du mouvement syndical en France, Rapport à Luigi Antonini, 24.8.1941 et Observations complémentaires, 18 octobre 1941. Le dossier toulousain est notamment dans Arch. Départementales du Rhône, 68 AJ 46.

60 Arch. départementales du Rhône, 68 AJ 46 ; papiers Gaston Tessier, IHS, Caisse III et, envoyé par Jean Pérès, Caisse II.

61 Traditionalisme et syndicalisme, ouv. cité, p. 175.

62 En date du 15 avril 1941 (Arch. CFDT, 11 P 2)

63 La Voix sociale du Sud-est, n° 8, Janvier 1941. Le R.P. André Arnou, jésuite de lʼAction Populaire, ancien délégué du Saint-Siège au BIT, professeur de sociologie et dʼéconomie politique à Lille, réfugié à Toulouse, opposé à lʼaventure » constitutionnelle de lʼÉtat Français, jouissant de la confiance de Mgr Saliège, conseille le mouvement patronal chrétien et établit des contrefeux aux positions favorables à Vichy de ses confrères Gustave Desbuquois, Jean Villain, Ferdinand Cavallera. Voir aussi les témoignages de Paul Vignaux.

64 Archives municipales de Lyon, 133 ii 58.

65 AD du Rhône, 68 AJ 46, Cahier du bureau de lʼUD.

66 Transcription des bandes dʼinterview dʼaoût 1977 de Joseph Botton (Archives familiales Vignaux)

67 Le 19 janvier 1940. Une partie de son exposé (8 pages) sur la nécessité dʼune capacité du syndicalisme « de se placer du point de vue national, en face de problèmes non politiques, mais nationaux ». Archives municipales de Lyon, 133 ii 58. Paul Vignaux soulignera plus tard (« Lʼouvrier français », dans Esquisse de la France, Montréal, 1946, p. 128-129) que « le syndicalisme constructif a intégré la classe ouvrière à la nation par la reconnaissance expresse de lʼintérêt général, à côté de lʼintérêt de classe. (…) Dans cette opposition (au régime de Vichy), la classe ouvrière a pris conscience plus quʼelle ne lʼavait jamais fait auparavant, dʼappartenir à la nation, dʼêtre la nation elle-même ».

68 Arkheia, n° 2-3, février-juillet 2000, « Mémoires de Marie-Rose Gineste », p. 118. Voir aussi Edouard Morin, ouv. cité, p. 71.

69 Arch. départementales Haute-Garonne, 1672 W 8 (dossier de déclaration de lʼassociation)

70 Arch. départementales Haute-Garonne, 1831 W 93 (note du 31.12.1942).

71 Pour un autre regard, voir Michel Launay, « Les syndicats chrétiens dans le Nord de la France de 1940 à 1944 » (Revue du Nord, juillet-septembre 1978, p. 475-494)

72 Paul Vignaux, Traditionalisme et syndicalisme, ouv. cité, p. 182.

73 Arch. CFDT, 3 H 1, Rapport à Luigi Antonini, vice-président au International Ladies Garment Workers Union (ILGWU) et au Jewish Labor Committee, texte cité, p. 3.

Table des illustrations

Titre Fig. 1. Paul Vignaux en 1940
Crédits Source : Archives familiales Vignaux. Photo du certificat dʼimmatriculation au consulat de France à Chicago du 18 novembre 1941
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Titre Fig. 2. Jean Brodier en 1945
Crédits Source : Archives confédérales CFDT
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/31241/img-2.jpg
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Titre La géographie CFTC en 1940
Crédits Source : Michel Launay, La CFTC, origines et développement (1919-1940), Paris 1986, p. 401-402
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/31241/img-3.jpg
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Titre Fig. 3 André Etcheverlepo, assassiné par la Milice en 1944
Crédits Source : Bulletin Municipal de Toulouse, Numéro spécial consacré à la Libération, octobre 1944, p. 35
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/31241/img-4.jpg
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Titre Fig. 4 Marcel Vanhove en 1938
Crédits Source : archives Famille Vanhove
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/31241/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 8,6k
Titre Fig.5. Joseph Botton
Crédits Source : F.Georgi, ouv. cité, extrait dʼune photo de session de formation à Lormoy avant-guerre.
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/31241/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 10k
Titre Fig.6. Robert Bothereau et Léon Jouhaux au Congrès CGT de Toulouse
Crédits Source : Bulletin Municipal de Toulouse, mars 1936
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/31241/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 8,9k
Titre Fig 7. Léon Jouhaux et Julien Forgues au Congrès CGT de Toulouse
Crédits Source : Bulletin municipal de Toulouse, mars 1936
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/31241/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 15k
Titre Fig 8. Gaston Tessier
Crédits Source : photo Harcourt, brochure CFTC pour le cinquantenaire du syndicalisme chrétien (1937)
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/31241/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 10k
Titre Les régions CFTC en 1940 en Zone non occupée
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/31241/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 30k
Titre Fig 9. Maurice Guérin
Crédits Source : dʼaprès Syndicalisme, journal de la CFCTC, juin 1939
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/31241/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 14k
Titre Fig 10. Jean Pérès
Crédits Source : dʼaprès Syndicalisme, journal de la CFTC, juin 1939
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/31241/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 18k
Titre Fig. 11. Marcel Poimboeuf
Crédits Source : archives CFDT, 1945
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/31241/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 6,3k

Auteur

Maître de conférences retraité.

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