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Et Toulouse pour apprendre

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Marielle Mouranche

L’institution

Moyen Âge et Ancien Régime

Texte intégral

Une fondation autoritaire d’origine pontificale et royale

1L’université de Toulouse, imposée par les autorités civiles et religieuses, est une création de toutes pièces, conçue dans un esprit de mission. Au lendemain de la croisade contre les Albigeois, une clause du traité de Paris de 1229, qui scelle la capitulation du comte de Toulouse Raymond VII, stipule en effet que celui-ci s'engage à financer pendant dix ans « 4 maîtres en théologie... 2 en droit canon... 6 maîtres ès arts libéraux... 2 maîtres en grammaire ». C'est la date traditionnellement retenue pour marquer la naissance de l'université de Toulouse, bien que le cadre institutionnel de cet enseignement ne soit pas précisé dans le traité. Pour attirer les étudiants, Jean de Garlande, l'un des premiers professeurs, venu de Paris, rédige à cette occasion un célèbre texte « publicitaire » où Toulouse est comparée à une « Terre promise, où coulent le miel et le lait.. ».

1 Traité de Paris. 1229. Copie du xvie siècle dans : Cartulaire de Jean Balard (1540), compilation de nombreux titres des archives exécutée par ordre des capitouls. Registre parchemin.
AMT AA5, no 4

Un bel essor après des débuts difficiles

2La nouvelle université, très impopulaire, connaît des débuts difficiles : des émeutes éclatent contre les maîtres dominicains, les salaires ne sont pas versés et les professeurs venus de Paris y retournent vite. Pendant plusieurs années, l'université végète. Pourtant, deux bulles pontificales, en 1233 et 1245, avaient précisé son statut d'université et lui avaient accordé les mêmes privilèges que l’université de Paris. Il faut attendre la fin du xiiie siècle pour qu'elle connaisse un réel développement, dans un esprit bien différent de celui de sa création : la faculté de Droit y domine, à tel point que l’enseignement de la théologie disparaît avant d'être recréé en 1360. L'université, bien implantée dans la société locale, qui offre de belles possibilités de carrière aux juristes qu’elle forme, est la seconde du royaume derrière Paris et la première pour les études de droit. Tout en gardant un certain prestige, elle subit un déclin au xve siècle, comme l’ensemble des universités européennes.

2 Bref d'innocent IV confirmant ta bulle de Grégoire IX du 30 avril 1233 sur les privilèges de l'université de Toulouse, dans : Livre blanc de la Maison Commune, cartulaire de Bernard de Sainte-Eulalie (1295). Registre parchemin.
AMT AA3, no 141

De réforme en réforme : les universités deviennent des affaires d’État

3À la fin du Moyen Âge, tout en conservant son rôle de protecteur des universités contre les autres autorités, le pouvoir royal leur témoigne une méfiance croissante et cherche de plus en plus à les contrôler. À Toulouse, cela se traduit par une série d’arrêts du parlement entre 1470 et 1499. Ces réformes, peu audacieuses sur le plan pédagogique, tentent de remédier aux abus, de réduire certaines durées d'études, et de mettre fin à une pratique jusque-là habituelle en cas de conflit : la grève, assimilée dorénavant à un crime de lèse-majesté. Les nouvelles réorganisations du xvie siècle n'empêchent pas la décadence sensible dès la fin du siècle : en 1615, Guillaume Maran, ancien professeur de droit à l'université de Toulouse, déclare lors des États généraux de Blois de 1614 que les universités (dont celle de Toulouse] se sont mises « à nonchaloir » et réclame des réformes vigoureuses. Son appel ne sera suivi d’effet que des décennies plus tard. À partir du règne de Louis XIV, l'emprise du pouvoir royal se fait plus forte et des réformes vont se succéder, unifiant tes pratiques dans toute la France. L'université de Toulouse est donc contrainte d’adopter de nouveaux règlements : en 1681 pour appliquer ledit de 1679 sur les études de droit, en 1707 pour les études médicales et en 1717 pour les études de théologie. Ces réformes nationales ont été précédées par la longue enquête sans concession, faite sur ordre du roi par Louis de Froidour en 1667 et 1668.

3 Guillaume MARAN, Remonstrance de la nécessité de restablir les universitez, pour le restablissement de l'Estat, & des moyens de ce faire... Paris, Gilles Blaizot, 1615.
BUA, SCDT1 Res Mn 8037

4 Recueil des edits et declarations du roi, arrests de son conseil et de sa cour de parlement de Toulouse, concernant l'université de ladite ville... Toulouse, Claude Gilles Lecamus, 1722.
BUA, SCDT1 Res 90573-37-11

5 Compte rendu de l’inspection de l’université de Toulouse faite par Louis de Froidour sur ordre de Louis XIV (copie manuscrite).
BMT Ms 659

Collèges et universités : des relations étroites

4Les collèges, dont les plus anciens à Toulouse remontent au xive siècle, sont à l'origine des fondations charitables destinées à offrir à un petit nombre d’étudiants le gîte et le couvert, et parfois une aide au travail (bibliothèques, répétitions). Certains d'entre eux voient leur fonction changer à la fin du xve siècle et deviennent de véritables établissements d’enseignement : ils sont alors appelés collèges d’exercice. Ancêtres de notre enseignement secondaire, ils enseignent les « humanités » [avec un enseignement élémentaire en science), et ne délivrent pas de diplôme. À partir de la fin du xvie siècle, et surtout au xviie siècle, les Jésuites prennent en mains un grand nombre de collèges, mais l’opposition des universités leur refuse le droit de délivrer les diplômes (arrêt du parlement de Toulouse, 1626). Ils s’implantent cependant dans certaines universités, en devenant collèges agrégés. C'est le cas à Toulouse en 1681. Cette intégration ne se fait pas sans mal, et les querelles entre les quatre professeurs jésuites et les autres professeurs ont nourri nombre de procédures...

5Près de trente ans plus tard, son principal concurrent, le collège de l'Esquille est également intégré à l’université. Transformé en collège municipal en 1551, il avait été confié aux Doctrinaires à partir de 1654.

6 Délibération de l'université de Toulouse enregistrant les lettres patentes sur l’union du collège des Jésuites à l'université. 22 mai 1681. Papier.
BUA, SCDT1 Ms 242

Le rattachement de l’université de Cahors

6L'université de Cahors, fondée en 1331, était devenue au xviiie siècle l'un des pires exemples de la décadence des universités françaises. C'est d'ailleurs le terme même employé dans l'édit pour justifier sa suppression, en précisant également qu'il était « inutile » et « peu convenable » de maintenir une université dans une ville si proche de Toulouse. Les professeurs de droit et de médecine conservent leur salaire à vie, (à condition de venir jusqu'à Toulouse le toucher), les officiers sont licenciés sans dédommagement, des équivalences sont prévues pour les étudiants transférés à Toulouse, qui doivent aussi bénéficier en théorie de plusieurs bourses de collège nouvellement créées, les archives de l'université seront transférées à l'université de Toulouse.

7La suppression étant prévue à compter du 18 octobre 1751, les dernières inscriptions prises sont celle du semestre de juillet 1751, mais elles se limitent à 34, en droit.

7 Édit du roi,... portant réunion de l'Université de Caors à celle de Toulouse..., À Toulouse, Claude-Gilles Lecamus, [1751].
BUA, SCDT1 Res 90573-37-11

Une création para-universitaire : le collège royal de Chirurgie

8Jusqu'au xviiie siècle, la formation des chirurgiens échappe à l'université, les médecins tenant en piètre estime cette profession. Ils sont formés au sein de leur corporation, patronnée par saint Côme et saint Damien, avec un brevet de maîtrise. Mais Louis XV intervient en faveur de la chirurgie : obligation de créer des chaires de chirurgie dans les facultés de Médecine (celle-ci a beaucoup de mal à s'imposer à Toulouse), création en 1731 d'une Académie royale de chirurgie, bientôt suivie d’écoles royales dans plusieurs villes du royaume. À Toulouse, la fondation de l'école date de 1761, avec six chaires, et elle comptera plusieurs centaines d’élèves à la fin du xviiie siècle. Ses professeurs enseignent et pratiquent des dissections principalement à l'Hôtel Dieu Saint-Jacques et à Saint-Joseph de La Grave.

8 Statuts et liste des membres de la corporation des chirurgiens. xvie siècle-1712. (Représentation de saint Côme et saint Damien). Registre parchemin.
BUA. SCDT1 Ms 199127

La suppression de l’université

9Comme l'ensemble des universités françaises, l’université de Toulouse est supprimée par fa loi du 15 septembre 1793 (malgré l'annulation du texte le lendemain). Elle était déjà totalement désorganisée par une série de mesures : abolition des droit féodaux et suppression des bénéfices ecclésiastiques, qui privaient momentanément de ressources les professeurs, obligation du serment civique qui entraîne des défections, raréfaction des étudiants. Pendant l'année universitaire 1792-1793, l'université de Toulouse ne délivre plus que 2 diplômes de bachelier en droit et 38 de bacheliers en médecine, dont le dernier huit jours avant sa suppression.

9 Dernier acte conservé de l’université de Toulouse avant sa suppression : enregistrement du diplôme de bachelier en médecine obtenu par Antoine Roulié le 7 septembre 1793. Registre papier.
BUA, SCDT1 Ms 135

L'organisation

10L’université de Toulouse adopte au début du xive siècle une série de statuts généraux ou particuliers, modifiés en 1329 sans remise en cause fondamentale. Ils règlent le fonctionnement de l'université, selon un système original, associant de nombreux emprunts aux universités françaises (Paris, Orléans] à des éléments d’origine italienne et à des particularités locales. L’université de Toulouse est très autonome, sous la tutelle peu contraignante du chancelier de la cathédrale qui remet les diplômes. Elle a à sa tête un recteur élu tous les trois mois par les professeurs des diverses facultés. Il est assisté d'un conseil de maîtres - où figurent également quelques étudiants - et de différents employés (« officiers ») comme les bedeaux, les syndics... Les facultés - faculté de Grammaire, faculté de Logique, faculté de Droit, et faculté de Théologie, après 1360 - sont administrées par l’assemblée de tous les maîtres en exercice, présidée par un doyen élu. Les statuts fixent également le calendrier des fêtes religieuses, des cours et des vacances, et organisent l'enseignement.

11Du xvie au xviiie siècle, les institutions évoluent mais sans grand changement. Les réformes adoptées modifient surtout l’enseignement. L’université possède alors quatre facultés : facultés des Arts - peu importante - de Droit, de Médecine et de Théologie.

10 Statuts de l'université de Toulouse.1314 (articles 4,5 et 6). Copie du xve siècle. Registre parchemin.
BUA, SCDT1, Ms 1

11 Livre de recteurs de l'université de Toulouse (copies de statuts et courtes notes de la main des recteurs en exercice). xive-xvie siècles. Registre parchemin.
BUA, SCDT1, Ms 261

12 Le plus ancien procès-verbal de délibération du conseil de l'université (nomination d'un bedeau). 1297. Parchemin.
ADHG 7 D 15

13 Registre de délibérations de la faculté de Médecine. 1773-1793. (nomination des conseillers étudiants en 1773). Registre papier.
BUA, SCDT1, Ms 199 116

Table des illustrations

Légende 1 Traité de Paris. 1229. Copie du xvie siècle dans : Cartulaire de Jean Balard (1540), compilation de nombreux titres des archives exécutée par ordre des capitouls. Registre parchemin.AMT AA5, no 4
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/20902/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 371k
Légende 2 Bref d'innocent IV confirmant ta bulle de Grégoire IX du 30 avril 1233 sur les privilèges de l'université de Toulouse, dans : Livre blanc de la Maison Commune, cartulaire de Bernard de Sainte-Eulalie (1295). Registre parchemin.AMT AA3, no 141
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/20902/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 450k
Légende 3 Guillaume MARAN, Remonstrance de la nécessité de restablir les universitez, pour le restablissement de l'Estat, & des moyens de ce faire... Paris, Gilles Blaizot, 1615.BUA, SCDT1 Res Mn 8037
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/20902/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 182k
Légende 4 Recueil des edits et declarations du roi, arrests de son conseil et de sa cour de parlement de Toulouse, concernant l'université de ladite ville... Toulouse, Claude Gilles Lecamus, 1722.BUA, SCDT1 Res 90573-37-11
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/20902/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 178k
Légende 5 Compte rendu de l’inspection de l’université de Toulouse faite par Louis de Froidour sur ordre de Louis XIV (copie manuscrite).BMT Ms 659
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/20902/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 342k
Légende 6 Délibération de l'université de Toulouse enregistrant les lettres patentes sur l’union du collège des Jésuites à l'université. 22 mai 1681. Papier.BUA, SCDT1 Ms 242
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/20902/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 309k
Légende 7 Édit du roi,... portant réunion de l'Université de Caors à celle de Toulouse..., À Toulouse, Claude-Gilles Lecamus, [1751].BUA, SCDT1 Res 90573-37-11
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/20902/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 417k
Légende 8 Statuts et liste des membres de la corporation des chirurgiens. xvie siècle-1712. (Représentation de saint Côme et saint Damien). Registre parchemin.BUA. SCDT1 Ms 199127
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/20902/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 86k
Légende 9 Dernier acte conservé de l’université de Toulouse avant sa suppression : enregistrement du diplôme de bachelier en médecine obtenu par Antoine Roulié le 7 septembre 1793. Registre papier.BUA, SCDT1 Ms 135
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/20902/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 276k
Légende 10 Statuts de l'université de Toulouse.1314 (articles 4,5 et 6). Copie du xve siècle. Registre parchemin.BUA, SCDT1, Ms 1
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/20902/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 92k
Légende 11 Livre de recteurs de l'université de Toulouse (copies de statuts et courtes notes de la main des recteurs en exercice). xive-xvie siècles. Registre parchemin.BUA, SCDT1, Ms 261
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/20902/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 220k
Légende 12 Le plus ancien procès-verbal de délibération du conseil de l'université (nomination d'un bedeau). 1297. Parchemin.ADHG 7 D 15
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/20902/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 188k
Légende 13 Registre de délibérations de la faculté de Médecine. 1773-1793. (nomination des conseillers étudiants en 1773). Registre papier.BUA, SCDT1, Ms 199 116
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/20902/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 20k

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