Version classiqueVersion mobile

Le temps des foires

 | 
Jack Thomas

Chapitre II. Pour une géographie historique des places marchandes

Texte intégral

1Considérable fut donc l'impact de l'environnement institutionnel sur l'évolution du nombre de foires et marchés attribués. Mais le nombre n'est pas tout. Il est temps maintenant de regarder de plus près leur répartition dans l'espace et les modifications que cette répartition a pu subir dans le temps. Il importe en effet de savoir si les habitants de la région toulousaine avaient à leur disposition un réseau de marchés et de foires susceptibles de répondre à leurs besoins commerciaux, que ce soit pour assurer leur subsistance ou pour rechercher un profit. D'où, à ce sujet, toute une série de questions.

2Il convient tout d'abord de suivre l'évolution du réseau des localités à vocation commerciale dans le temps et dans l'espace. Quel est le nombre de localités concernées ? Sont-elles réparties également dans l'espace régional ? Y a-t-il beaucoup de nouvelles venues au XIXe siècle ? Nous examinerons ensuite le nombre de marchés et de foires. Quelles sont les périodes d'accroissement, de ralentissement, de régression ? Enfin sera posé le problème des aires commerciales : peut-on déceler des modèles d'organisation de l'espace commercial ?

ÉVOLUTION DU RÉSEAU DES LOCALITÉS À VOCATION COMMERCIALE

  • 1 Le lecteur trouvera des renseignements sur l’ensemble de ces sources dans la partie « Sources et B (...)

3Etablir des listes de marchés et de foires n'est pas chose facile, surtout lorsque l'on veut y inclure des informations sur la période qui précède la Révolution. Le cadre départemental est anachronique ; les enchevêtrements administratifs de l'Ancien Régime obligent le chercheur à une chasse aux sources dispersées dans plusieurs dépôts sans aucune garantie de retrouver des listes comparables. Nous avons eu ainsi davantage de chance à Montpellier et à Montauban qu’à Auch. Nos informations sont donc plus complètes pour le Languedoc, le Quercy et le Rouergue que pour la Gascogne gersoise, bigourdane ou couseranaise. De même, nos renseignements sur le comté de Foix sont restés très lacunaires. Pour combler ces lacunes, nous avons eu recours aux almanachs, au Dictionnaire universel du commerce de Savary des Bruslons et à des monographies locales pouvant fournir des données sur la tenue de foires ou marchés dans tel ou tel lieu1 De ce fait, les analyses qui suivent sont fondées sur une documentation incomplète, qu'il semble néanmoins possible d'exploiter pour en tirer quelques conclusions relativement sûres.

TABLEAU 4. NOMBRE DE LIEUX DE MARCHÉ PAR PÉRIODE

TABLEAU 4. NOMBRE DE LIEUX DE MARCHÉ PAR PÉRIODE
  • 2 A.D. Haute-Garonne, C 117.
  • 3 A.D. Haute-Garonne, 12 M 22.
  • 4 A.D. Haute-Garonne, 12 M 24 : tableau des jours de tenue des marchés du département de la Haute-Ga (...)
  • 5 A.D. Haute-Garonne, M 126 : tableau des marchés, 1849.
  • 6 Ibid., extrait des délibérations du conseil municipal de Buzet, 3 mai 1828.
  • 7 Procès-verbal des délibérations du conseil général de la Haute-Garonne, Toulouse, 1851 (aux Archiv (...)
  • 8 Annuaire de la Haute-Garonne pour l'année 1880, Toulouse, 1880 ; A.D. Haute-Garonne, Br 4° 327-335 (...)
  • 9 Nouvel annuaire général de la Haute-Garonne, 1901, Toulouse, Privat, 1901, p. 1003.
  • 10 Annuaire de la Haute-Garonne, 1841, p. 230 : On y constate l'absence d'un pont et la présence d'un (...)

4L'apparente précision des chiffres cache l'imprécision d'une réalité difficile à saisir tant les témoignages sont rares, approximatifs ou intéressés. Un exemple, parmi d'autres, suffit à montrer combien est délicate la simple énumération des lieux de marché. Dans une liste des marchés établie en l'an XI (1803) pour la Haute-Garonne on trouve, par exemple, le petit bourg de Buzet avec un marché le mercredi de chaque semaine. Si l'on remonte dans le temps, on constate que ce marché, attribué au Moyen Age, n'existe plus en 1755 de l'aveu même de la communauté : [Notre communauté]... « a droit de marché le mercredy de chaque semaine, mais depuis que la Rivière du Tarn emporta le moulin, les marchés ne s'y tiennent plus »2. Au tout début du XIXe siècle, profitant d'une certaine confusion administrative, la municipalité tente de remettre ses marchés à l'honneur. Dans sa réponse à un questionnaire en l'an X, le maire écrit que « les marchés abolis depuis longtemps étaient très importants » et qu'il « serait à désirer qu'ils fussent rétablis pour l'avantage du commerce »3. L'administration départementale a répondu favorablement à son vœu ; le marché apparaît sur le tableau officiel publié en l'an XI4. Mais cela ne veut pas dire nécessairement qu'il ait existé véritablement. En effet, le marché de Buzet manque sur des tableaux publiés ultérieurement. La preuve de l'échec c'est la demande, en 1828, de rétablissement du marché5. Rétabli par l'administration l'année suivante, il ne semble pas avoir eu de succès puisqu'encore absent du tableau de 18496. Une nouvelle fois, en 1851, la municipalité représente sa demande et obtient le rétablissement du marché7. Il est difficile de juger le succès de cette entreprise : en 1880 encore, le marché ne figure pas dans l'annuaire du département ; en 1885, les monographies communales écrites par les instituteurs ne le mentionnent pas et aucune commune voisine n'avoue le fréquenter8. Ces indices suggèrent une existence pour le moins confidentielle. Mais au début du XXe siècle, des échos plus positifs nous parviennent. L'annuaire de 1901 parle d'un marché alimentaire et quotidien du 15 avril au 1er octobre et d’un marché hebdomadaire le mercredi du 1er octobre au 15 avril9. Il est clair que le marché de Buzet, attribué pour la première fois en 1297, n'a eu qu'une existence sporadique durant la période que nous étudions. C'est un marché marginal, sa situation géographique sur les bords du Tarn constituant plus un handicap qu'un avantage au XIXe siècle, car il est éloigné de la route principale entre Toulouse et Albi. Pendant la majeure partie du siècle, Buzet n'était lié aux communes tarnaises de l'autre rive que par un bac, ce qui représente un obstacle de taille à son développement commercial. Il n'est pas impossible que la renaissance du marché vers 1900 corresponde à la construction d'un pont sur la rivière facilitant ainsi ses relations avec ses voisins du Tarn10.

5Pour en revenir au tableau, deux ensembles ressortent : les départements ayant fait preuve d'une relative stabilité et ceux qui ont connu un accroissement significatif du nombre de lieux de marché. Les départements relativement stables – Ariège, Hautes-Pyrénées, Gers, Haute-Garonne et Tam-et-Garonne – occupent les deux tiers sud-ouest de la région, des Pyrénées à la moyenne Garonne. Les trois autres – Tarn, Aveyron et Lot – semblent avoir rattrapé leur retard au cours du XIXe siècle, si retard il y a eu. Examinons dans un premier temps les éléments qui ont pu favoriser ou expliquer la stabilité observée dan la majorité des départements.

  • 11 F. Taillefer (sous la direction de), Atlas et géographie du Midi toulousain, Paris, Flammarion, 19 (...)

6Un examen de la liste des marchés suggère immédiatement un phénomène de très longue durée, pour employer le concept cher à Braudel. Sans remonter jusqu'à la préhistoire, l'histoire de certains marchés, et non des moindres, se rattache fermement aux structures politiques et commerciales de l'époque gallo-romaine. En effet, six chefs-lieux de département – Albi, Auch, Cahors, Rodez, Tarbes et Toulouse – étaient déjà des capitales de cités gallo-romaines11. Si, durant les siècles qui ont suivi la chute de la domination romaine, la vie urbaine a connu un recul sensible, sa renaissance vers la fin du XIe et au XIIe siècle remet à l'honneur des sites qui nous sont familiers. Des villes marchés sont apparues autour de l'armature religieuse et politique, c'est-à-dire des abbayes et des châteaux. Parmi les abbayes, citons Figeac, Gaillac, Moissac, Pamiers, Castres et Saint-Gaudens. Il faut souligner le fait que ces abbayes-là jouissent de situations privilégiées car elles se trouvent dans des vallées où les communications sont relativement faciles et où l'agriculture peut se développer sans obstacle majeur. Ces avantages ne sont pas partagés par des institutions monastiques fondées dans des zones nettement plus rudes et isolées ; on pense aux abbayes cisterciennes de Sylvanès et de Bonneval en Rouergue ou de Bonnefont et d'Escaledieu en Comminges et en Bigorre.

  • 12 G. Bernard, Les bastides du Sud-Ouest de la France : morphologie et fonctions. Etude de géographie (...)

7Les grands châteaux féodaux peuvent également abriter la vie urbaine autour des cours de personnages puissants. Souvent construits dans des sites bénéficiant d'avantages stratégiques naturels, ils attirent des habitants par la protection qu'ils offrent. C'est ainsi que Foix, Lourdes, Gourdon, Muret ont pu se hisser au-dessus d'autres sites d'habitat. Mais plus encore que par les châteaux, le réseau urbain des pays toulousains s'est formé au Bas Moyen Age par la politique des castelnaux, des sauvetés et surtout des bastides. Si la création des bastides, dont les plus nombreuses se situent au cœur du Toulousain (aujourd'hui Haute-Garonne, Gers et Tarn), n'a pas suscité la naissance de grandes villes, elle a néanmoins fourni une armature assez solide pour les campagnes de la région. Répondant à des besoins divers : encadrement des campagnes, repeuplement, pénétration du pouvoir royal, ligne de défense contre les Anglais, les bastides ont permis une concentration de la population dans des sites souvent bien situés par rapport aux axes de circulation. Un nombre important d'entre elles ont réussi à percer en tant que lieux de marché, fonction fréquemment prévue par les fondateurs comme en témoignent les actes de paréage concédant la tenue de foires et marchés. Une analyse rapide de la liste des bastides établie par G. Bernard montre que plus d'un tiers ont disposé d'un marché à l'époque moderne ou contemporaine, taux de réussite fort honorable12. Le record appartient au territoire compris dans l'actuel département du Gers où, pour 25 créations, 17 au moins ont eu un marché durant notre période. Les régions de bonne réussite sont à peu près celles qui montrent la plus grande stabilité dans le tableau ci-dessus. Une seule exception, le Rouergue, mais c'est aussi la zone où les créations ont été les moins nombreuses.

8La fondation des bastides a été accompagnée d'une profonde réorganisation de l'espace ecclésiastique régional. Les grands évêchés, notamment celui de Toulouse, furent découpés en circonscriptions plus petites. Aux chefs-lieux diocésains de Toulouse, Auch, Tarbes, Cahors, Rodez et Albi, s'ajoutent au XIVe siècle Pamiers, Mirepoix, Lectoure, Montauban, Lavaur et Castres pour citer seulement ceux qui ont connu un important développement commercial postérieur. D'autres évêchés nouveaux n'ont pu s'imposer à cause d'une trop grande proximité de centres déjà existants : Saint-Papoul n'a jamais pu rivaliser avec Castelnaudary, Rieux avec Montesquieu-Volvestre ni Cazères, et Saint-Bertrand avec Montréjeau et Saint-Gaudens. Sur des bases gallo-romaines donc, les hommes du Moyen Age ont fortement contribué à modeler le réseau urbain dont nous avons hérité. Un marchand médiéval, égaré dans les temps modernes, aurait reconnu sans difficulté les grands contours du commerce régional ; pour une part importante, les centres économiques étaient les mêmes en 1350 et en 1750, voire en 1850.

  • 13 A Conques (Aveyron), il y avait un pèlerinage le 6 octobre pour la Sainte-Foy ; en 1821, il y a un (...)

9Exploitées déjà par des Romains, les sources d'eau chaude ont aussi fixé des populations dans des agglomérations à vocation commerciale. Les plus importantes dans la région sont les sources pyrénéennes : Bagnères-de-Bigorre, Bagnères-de-Luchon, Ax-les-Thermes et, à un degré moindre, Salies-du-Salat. Les trois premières avaient déjà acquis une certaine importance à l'époque médiévale grâce à leurs situations topographiques respectives, points de convergence de vallées montagnardes, favorables à la fois à la défense et au commerce. Avec le développement du thermalisme dès le XVIIIe siècle, en partie grâce aux efforts de l'intendant d’Etigny, d'Auch, ces petites villes ont commencé un essor qui a fait d’elles des lieux fréquentés par les grands au XIXe siècle. Une autre forme de tourisme, les pèlerinages, n'a pas suscité de nouveaux sites urbains. Même Conques, haut lieu spirituel du Rouergue, n’est jamais sorti du rang des villages, les seules grandes manifestations commerciales étant des foires qui accompagnaient les grands rassemblements de la Sainte-Foy au début du mois d'octobre13. Le plus grand pèlerinage de la région, Lourdes, est un produit de la religiosité du XIXe siècle ; son succès a certainement transformé la vie économique de la ville, mais son marché avait déjà de longs siècles derrière lui quand Bernadette Soubirous a vu « la Dame Blanche ».

10Jusqu'ici, nous avons insisté sur l'action des hommes dans la mise en place du réseau de marchés avant la Révolution, hérité pour l'essentiel du Moyen Age. Il convient maintenant d'attirer l'attention sur des facteurs plus strictement géographiques sans pour autant succomber à un quelconque déterminisme. Lorsqu’il s'agit de choisir un site et d'y vivre, les hommes et les femmes du passé n'ont pas agi par hasard au gré des errements. Le rôle de l'eau, déjà en évidence dans le cas des sources chaudes, ne peut être négligé. Le réseau fluvial de la région a modelé puissamment les paysages et la localisation des activités commerciales. L'eau est évidemment indispensable à la vie, mais l'eau vive dans une société préindustrielle est aussi nécessaire pour les transports. Son action a creusé des passages qui permettaient la pénétration des hommes et des marchandises jusqu’au cœur des montagnes ; de plus, érosion et inondations ont façonné des terrasses et des plaines où l'agriculture pouvait se développer sans obstacle majeur. L'eau elle-même était une voie de communication capitale surtout vers l'aval. Il n'est donc pas étonnant que certains fleuves et rivières aient vu naître sur leurs rives une multitude delieux d'changes.

MIDI-PYRENEES VILLES ET COURS D'EAU

MIDI-PYRENEES VILLES ET COURS D'EAU

Cartographie : J. BUOSI

11Descendons la Garonne après son entrée en France ; nous passons successivement les marchés de Saint-Béat, Montréjeau, Saint-Gaudens, Saint-Martory (après 1756), Martres-Tolosane (surtout à la fin du XIXe siècle), Cazères, Carbonne, Muret, Toulouse, Grenade, Castelsarrasin et Auvillar, avant d'arriver à Agen, Marmande, Langon et Bordeaux. Entre Saint-Béat et Toulouse, les marchés se suivent à une distance de moins de 20 kilomètres en moyenne. La vallée de l'Ariège est également jalonnée de marchés : Ax-les-Thermes, Tarascon, Foix, Pamiers, Saverdun, Cintegabelle, Auterive et Venerque. Si les rives du Tarn ne présentent aucune ville commerciale entre Millau et Albi, l'encaissement de la rivière y est sans doute pour quelque chose. Mais à partir de son passage au Saut du Sabo à Saint-Juéry, les petites villes et les bourgs ne manquent pas : Albi, Gaillac, Lisle, Rabastens, Saint-Sulpice, Buzet, Bessières, Villemur, Montauban, La Française et Moissac. Avant de se jeter dans le Tarn, l'Aveyron coule sous les murs des deux plus grandes villes du Rouergue, Rodez et Villefranche, et de plusieurs localités commerçantes de moindre envergure, Najac, Laguépie, Saint-Antonin et Nègrepelisse. Son encaissement néanmoins présente un obstacle à un peuplement plus dense de ses rives, phénomène qui se vérifie aussi pour le Lot où seuls quelques sites ont permis l'éclosion d'un bourg ou d'une petite ville : Saint-Geniès, Espalion, Estaing, Entraygues, Cajarc, Cahors, Luzech et Puy-l'Evêque.

12En Bigorre, les cours d'eau qui descendent de la montagne portent chacun des agglomérations d'importance variable. La vallée d'Aure n'en possède qu'une, Arreau, alors que l'Adour est riche de Bagnères-de-Bigorre, Tarbes, Vic et Maubourguet. Les gaves qui se rejoignent à Argelès passent aussi par Lourdes avant de gagner le Béarn et ses deux villes importantes, Pau et Orthez. A une toute autre échelle sont les petites rivières du plateau de Lannemezan ; elles donnent aux coteaux de la Gascogne leur profil dissymétrique si caractéristique. Citons seulement deux des plus importantes, le Gers et la Baise. Dans la vallée de la première on trouve Masseube, Seissan, Auch, Lectoure et Fleurance ; dans celle de la seconde, Trie, Mirande et Condom avant de passer à Nérac en Lot-et-Garonne. Les vallées favorisent ainsi les regroupements des hommes et les échanges.

13Autre élément de stabilité, le relief. Beaucoup de marchés se trouvent dans des zones de contact entre deux ensembles géographiques dont le plus typique est la rencontre de la plaine et de la montagne. Le front pyrénéen est exemplaire à cet égard avec de grands marchés à Tarbes, Lourdes, Montréjeau, Saint-Gaudens, Saint-Girons, Pamiers et Mirepoix. Un phénomène analogue se manifeste également au point de contact du Massif Central et du bassin aquitain. Revel, Castres et Albi se sont développés grâce aux échanges entre les riches terres du bas pays et les produits de l'élevage et de l'industrie de la montagne toute proche. Dans un département de relief tourmenté tel que l'Aveyron, les zones de contact ont aussi favorisé l'éclosion de lieux d'échanges. A l'ombre des causses, plusieurs sites de vallée ont été favorisés par la complémentarité des productions : Millau, Saint-Affrique, Nant et Saint-Jean-de-Bruel. Plus au nord, les pays d'élevage qui composent l'Aubrac trouvent des débouchés pour leurs animaux et des produits de première nécessité – grains et vin – dans le chapelet de bourgades au long du Lot : Saint-Geniès, Espalion, Estaing et Entraygues. La complémentarité des terroirs, née de la nature du sol, du relief, de l'altitude, de l'exposition, constitue donc un puissant facteur de continuité dans la localisation des centres d'échange.

  • 14 J. Scott, Les verriers de Carmaux, Paris, Flammarion, 1982. R. Trempé, Les mineurs de Carmaux, 184 (...)

14Continuité certainement, mais changement parfois aussi. Quelques localités ont réussi à émerger de leur anonymat commercial traditionnel pour assumer des fonctions économiques nouvelles au cours du XIXe siècle. La rareté des implantations industrielles a signifié une relative absence de nouveaux centres de population comme on en trouve dans d’autres régions de la France. Néanmoins, on peut en citer deux, les deux bassins houillers de Decazeville et de Carmaux. Carmaux est passé au XIXe siècle du statut de modeste village à celui de petite ville grâce à l'exploitation du charbon et à sa verrerie. Cette expansion industrielle et démographique s'est accompagnée du développement d’un secteur commercial presque inexistant auparavant. Vers le milieu du XIXe siècle, la localité possède désormais un marché hebdomadaire qui devient de plus en plus important avec la croissance urbaine14. Le développement de Decazeville et de son bassin a été encore plus fulgurant. Après la fondation d'une société industrielle en 1826, la ville fut créée de novo en 1834 par la réunion de plusieurs petites paroisses. A côté du marché traditionnel d’Aubin, un des plus importants du département pour les grains, ont été créés des marchés destinés aux ouvriers des mines et des usines, d'abord à Decazeville même, ensuite dans les communes voisines de Firmi et du Gua. Ces quelques nouvelles places marchandes n'ont pas cependant apporté des modifications décisives dans le réseau commercial antérieur.

15De façon moins visible, les changements dans l'encadrement administratif ont renforcé le maillage de l'espace régional. Déjà au XIVe siècle, la création de nouveaux évêchés avait fourni à quelques localités les moyens de se développer ; la suppression de la plupart au moment de la Révolution en a condamné certaines à une régression amèrement ressentie. Jamais très florissants d'un point de vue commercial, les petits centres et évêchés de Saint-Bertrand de Comminges, Rieux, Lombez et Saint-Lizier n'ont jamais pu retrouver par la suite les avantages perdus lors de la Révolution. Quelques foires de temps en temps, un marché qui ne fait que vivoter à Rieux, c'est le maigre reste de leur activité commerciale passée.

16Avec les nouvelles circonscriptions administratives de 1790 – département, district puis arrondissement, canton – un certain nombre de localités ont pu rêver d'un rôle plus glorieux au sein de leur petit pays. La situation de chef-lieu de canton est celle qui nous intéresse le plus, car la structure cantonale se rapproche beaucoup par sa taille d'un espace local organisé autour d'un marché. Il est vrai que la délimitation des circonscriptions ne s'est pas faite au hasard ; beaucoup de chefs-lieux étaient déjà le centre économique de leurs cantons respectifs. Si l'on examine les cantons tels qu'ils existent actuellement, on remarque que leur chef-lieu était très souvent doté d'un marché avant la Révolution. Dans le Gers et le Tam-et-Garonne on constate une correspondance quasi parfaite entre les chefs-lieux et les marchés ; la Haute-Garonne suit de peu avec environ 80 % des chefs-lieux possédant un marché. Viennent ensuite les Hautes-Pyrénées (2 sur 3), le Lot (6 sur 10), l'Ariège (plus de la moitié) ; puis le Tarn et l'Aveyron qui ont une structure commerciale moins calquée sur les chefs-lieux de canton, dont seulement un tiers environ ont un marché à l'issue de la Révolution. Cette hiérarchie correspond assez étroitement à celle dégagée par le tableau présenté au début de ce chapitre.

17Au cours du XIXe siècle, les chefs-lieux encore privés de marchés ont essayé de rattraper les autres avec plus ou moins de succès. Ce mouvement est très net dans les départements les moins bien lotis au début du siècle, l'Aveyron et le Tarn. Alors que dans le premier département, il n'y avait au départ que 13 chefs-lieux marchés sur 43, à l'arrivée il y en avait 29, soit les deux tiers. Dans le Tarn, on est passé de douze chefs-lieux marchés au début du XIXe siècle à 21. A un moindre degré, le même mouvement s'est manifesté dans les autres départements où il restait encore des chefs-lieux sans marché.

  • 15 B. Ufferte, Notice sur Cadours et sa région, Poitiers, 1935.
  • 16 Sur le réseau urbain régional, voir R. Marconis, Midi-Pyrénées, XIXe-XXe siècles. Transports, Espa (...)

18Ces nouveaux marchés n'ont pas toujours réussi. Dans certains cas, la situation géographique du canton ne leur a pas permis un développement commercial réel. C'est le cas de plusieurs cantons de la Haute-Garonne, notamment Léguevin, Lanta, Rieux et Saint-Bertrand-de-Comminges. Comme nous le verrons plus loin, Léguevin était en concurrence avec une autre commune dans son canton, Lévignac, déjà pourvue d'un marché prospère. Et ce chef-lieu, sur la route entre Auch et Toulouse, n’arrivait pas à affirmer son autonomie commerciale face à l'aire envahissante de Toulouse à l'est et de L'Isle-Jourdain à l'ouest. Les autres chefs-lieux avaient des problèmes similaires de proximité par rapport à des marchés trop puissants pour permettre un développement significatif. Un des seuls exemples de réussite d'un nouveau chef-lieu marché dans la Haute-Garonne est Cadours. Situé à l'extrême ouest du département, à la lisière du Gers et du Tarn-et-Garonne, il a pu bénéficier d'un espace relativement libre de concurrents pour prendre son essor. Créé vers 1830, le marché a rapidement pris sa place parmi ceux du département et n'a jamais connu ces éclipses si fréquentes dans des cas similaires15. Parmi les nombreuses créations en Aveyron, plusieurs ont pleinement réussi : Laissac, Naucelle, Réquista, Rignac, Laguiole... En bref, la mise en place d'une nouvelle organisation administrative territoriale a suscité des vocations commerciales parmi les localités promues chefs-lieux de canton qui représentent le plus important contingent de nouveaux marchés depuis l'époque des bastides. Un tel constat n'est pas particulièrement surprenant dans une région pauvre en réalisations industrielles. Comme pour l'ensemble du réseau urbain, celui des marchés est étroitement lié à l'encadrement administratif16.

  • 17 G. Désert, Une société rurale au XIXe siècle : les paysans du Calvados, 1815-1895, thèse d'Etat, P (...)
  • 18 Ibid.

19Le tableau des marchés par département et par époque ne donne qu'une indication assez imparfaite de la densité du réseau des places marchandes. A la suite de G. Désert dans sa thèse sur le Calvados, nous avons voulu calculer la densité des marchés par arrondissement17 Nous l'avons fait pour l'année 1849, pour laquelle existaient des renseignements fiables pour l'ensemble des départements concernés. Par la même occasion, il nous a semblé utile de comparer les densités trouvées ici avec celles que l'on peut déterminer pour plusieurs régions françaises étudiées par d’autres chercheurs. Le tableau 5 présente les résultats de ces calculs. C'est dans l'arrondissement de Muret que l'implantation des marchés est la plus dense avec 0,77 marchés par 100 km2. Les autres zones de fortes densités relatives sont d'abord le cœur du pays toulousain de Pamiers jusqu'à Montauban avec un élargissement vers l'est (Villefranche et Lavaur), ensuite la plaine de Tarbes. Il s'agit là des plus riches terres de la région dotées en outre de voies de communication très favorables : vallées de l'Adour, de la Garonne, de l'Ariège ou le canal du Midi vers le Bas-Languedoc. Il convient cependant de relativiser ces densités par une comparaison avec d’autres départements. Selon les chiffres fournis par Désert, la densité des marchés dans le Calvados au début du XIXe siècle aurait été considérablement plus importante : 0,81 par 100 km2 pour l'ensemble du département, avec 1,10 pour le Pays d'Auge, 0,76 pour la Plaine, 0,72 pour le Bessin et 0,61 pour le Bocage18. A première vue, donc, seul l’arrondissement de Muret peut être comparé à trois des régions normandes étudiées par Désert. Il reste, toutefois, une question à propos de sa méthode : a-t-il compté seulement les localités, ou s'agit-il aussi des jours de marché ? Pour notre part, nous n'avons compté que les localités quel que soit le nombre de marchés hebdomadaires dans chacune. A Toulouse, par exemple, il y avait trois grands marchés par semaine, les lundi, mercredi, vendredi ; nous n'avons pas pris cette multiplication en compte car si dans ce cas il était facile de savoir que les trois marchés se tenaient réellement, pour la plupart des autres centres une telle vérification était malaisée. Par conséquent, nous nous sommes contenté d'un simple comptage des lieux de marché, procédé apparemment simple mais, comme nous avons pu le constater, semé d’embûches.

TABLEAU 5. DENSITÉ DES MARCHÉS PAR ARRONDISSEMENT ET PAR DÉPARTEMENT, 1849 (par 100 km2)

TABLEAU 5. DENSITÉ DES MARCHÉS PAR ARRONDISSEMENT ET PAR DÉPARTEMENT, 1849 (par 100 km2)
  • 19 R. Hubscher, L'agriculture et la société rurale dans le Pas-de-Calais du milieu du XIXe siècle à 1 (...)
  • 20 G. Désert, Le Calvados, t. 1, p. 158.
  • 21 Ministère des Travaux publics, de l'Agriculture et du Commerce, Statistique de la France, Territoi (...)

20Pour plusieurs départements, nous ne possédons que des indications permettant le calcul d’une densité départementale. Ces chiffres varient de 0,65 par 100 km2 dans le Pas-de-Calais selon les renseignements fournis par R. Hubscher, à 0,55 dans l'Indre-et-Loire étudiée par M. Bachelard, et à 0,40 dans la Haute-Loire selon M. Audras19. Le cas des deux premiers départements ressemble à celui des zones les plus favorisées de notre région, c'est-à-dire la Haute-Garonne, le Lot et le Tarn-et-Garonne. S’il est un peu surprenant de voir le Lot figurer en si bonne place, c'est parce que le nombre de marchés y a pratiquement doublé entre la fin de l'Ancien Régime et la fin de la Monarchie de Juillet. Ce département constitue un prolongement naturel du Bas-Quercy, ce que confirment les densités : du sud au nord, de Toulouse à Gourdon, on trouve les chiffres suivants : 0,63 ; 0,63 ; 0,57 ; 0,59 ; 0,55. A l'autre extrême, les zones les plus défavorisées pour l'implantation commerciale sont les régions de relief difficile : l'ensemble des Pyrénées et les pays montagneux du Tam et de l'Aveyron. La densité des marchés y est d'environ 0,25 par km2. Sans que la corrélation soit parfaite, il semble qu'il y ait un rapport entre la densité de la population et celle des marchés. Le Calvados de Désert fait partie en 1805 de la France fortement peuplée avec 91 habitants par km220. Le département de notre région avec la plus forte densité humaine, la Haute-Garonne, est également celui où la densité des marchés est la plus élevée. En bas de l'échelle, c'est le département le moins densément peuplé, l'Aveyron, qui possède le réseau de marchés le moins dense vers 1850. Dans le détail, cependant, il faut reconnaître que la situation se complique. Quatre exemples suffiront pour le constater21 :

Saint-Girons :

0,23 marchés par km2

/68,5 hab. par km2

Albi :

0,21 marchés par km2

/59,4 hab. par km2

Argelès :

0,22 marchés par km2

/30,3 hab. par km2

Rodez :

0,22 marchés par km2

/37,6 hab. par km2

21Comme on le voit, une densité comparable des marchés ne signifie pas automatiquement une fourchette étroite de densités humaines.

  • 22 G. W. Skinner, Marketing and Social Structure in Rural China, part II, Journal of Asian Studies, v (...)

22Si nous acceptons néanmoins un rapport entre les deux, nous retrouverons un élément de la théorie des lieux centraux telle qu'elle a été appliquée par G. W. Skinner dans ses articles pionniers sur la Chine. A la suite du géographe allemand Christaller, Skinner a tenté de rendre compte de l'organisation de l'espace commercial à partir d'une étude des marchés chinois. Il émet l’hypothèse qu'une augmentation de la densité de la population a pour conséquence, entre autres, l'établissement de nouveaux marchés22. Un problème crucial se pose : puisque la plupart des marchés situés dans la zone de plus forte densité remontent jusqu'au Moyen Age, il serait logique d'y faire remonter aussi une forte densité humaine relative aux autres sous-ensembles régionaux. Il faudrait aussi prendre en compte l'organisation de l’habitat. Le processus médiéval d’encellulement en gros villages et bourgs – les bastides en sont un exemple parmi d'autres – a été plus complètement réalisé dans les vallées et les plaines que dans les zones plus périphériques de la région. La dispersion de l'habitat en Rouergue, jusqu'à nos jours, est peut-être en rapport avec le faible encadrement marchand à l'époque moderne.

LES FOIRES

23Les lieux de foire sont encore plus nombreux que les lieux de marché. Les mêmes problèmes se posent quant à la précision des données que nous avons rassemblées et analysées. En effet, les cadres départementaux fixés à la Révolution ne correspondent qu'approximativement aux circonscriptions administratives de l'Ancien Régime. Pour compliquer encore plus le travail, il a fallu prendre en compte le cas du département de Tarn-et-Garonne, créé en 1808 seulement, à partir d'éléments récupérés sur les départements limitrophes : Lot, Aveyron, Haute-Garonne, Gers et Lot-et-Garonne. Nos efforts pour établir une liste complète pour ce territoire n'ont été que partiellement récompensés ; c'est pourquoi il sera malaisé de comparer ce département à ses voisins.

24Le tableau 6 doit être traité comme celui des marchés, c'est-à-dire comme un reflet des grandes tendances plutôt que comme un instrument d'analyse d'une grande précision. Il est impossible de vérifier aujourd'hui si toutes les foires inscrites sur les tableaux officiels et dans les almanachs se tenaient réellement. Nous avons, bien sûr, éliminé toute foire pour laquelle un témoignage précis montre qu'elle n'a pas eu lieu mais sur les quelques milliers de foires notées, un certain nombre ont dû tranquillement tomber en désuétude.

  • 23 On trouvera de nombreux exemples dans M. Ramière de Fortanier, Chartes du Lauragais, Paris, Sirey, (...)

25Commentons ce tableau colonne par colonne. Tout d'abord, il s’agit du nombre de localités ayant le droit de tenir des foires selon les époques. L'évolution générale est claire, il y a une augmentation dans la plupart des départements. Ceux qui ont connu le plus fort accroissement sont l'Aveyron, l'Ariège et les Hautes-Pyrénées ; la Haute-Garonne et le Gers ont eu une progression nettement plus faible alors que le Tarn est resté stable. Comme pour les marchés, une proportion significative des localités ayant une ou plusieurs foires vers 1900 en possédait déjà à l'époque de la Révolution. On trouve, en effet, les mêmes communes aux deux extrémités dans une proportion qui varie entre deux tiers et trois quarts. La localisation des foires relève aussi d'une histoire inscrite dans la longue durée comme en témoignent les multiples chartes de coutumes datant des XIIIe et XIVe siècles23.

  • 24 Tableau des foires : sources. Ariège : A.N., F121246 B ; A.D. Ariège, 13 M 18. Aveyron : A.N., F12(...)

TABLEAU 6. LES FOIRES24

TABLEAU 6. LES FOIRES24

26Le nombre de jours de foire dans l'année a considérablement augmenté au cours du XIXe siècle. Le tableau 7 permet de le constater plus facilement.

TABLEAU 7. INDICE DE L'AUGMENTATION DU NOMBRE DE JOURS DE FOIRE, AN VI-1900 (an VI = 100)

DÉPARTEMENT

1849

1900

Ariège

128

268

Aveyron

129

237

Haute-Garonne

122

204

Gers

138

210

Lot

131

151

(1881)

Hautes-Pyrénées

106

241

Tarn

119

154

27Jusqu'au milieu du siècle, le nombre de jours de foire a progressé dans une proportion assez modeste. Nous voyons là une des conséquences de la politique malthusienne d'attribution des foires pratiquée par les régimes successifs durant cette période. Les cinquante années qui ont suivi témoignent d'un formidable accroissement du nombre de jours de foire ; dans la majorité des départements, l'indice a dépassé 200.

28En divisant le nombre de jours par le nombre de lieux de foire, on obtient un chiffre qui indique la moyenne du nombre de jours de foire dans chaque localité. Le nombre de jours s'étant accru plus rapidement que le nombre de localités, ce chiffre a tendance, lui aussi, à augmenter : il y a eu intensification des foires au cours du siècle, davantage de foires dans chaque lieu. En fait il s'est produit une modification profonde dans la distribution des foires selon les communes. Pendant l'Ancien Régime et jusqu'au début du XIXe siècle, il est rare qu'une communauté possède plus de six foires annuelles. La plupart ne tiennent que deux, trois ou quatre foires par an : les listes de foires de l'an VI ne révèlent que 26 localités ayant une douzaine de foires par an ou davantage. En 1849, ce chiffre a plus que doublé (61 localités). Un demi-siècle plus tard, il a dépassé 170, soit une augmentation de plus de six fois par rapport à l'an VI.

29La foire mensuelle, voire bimensuelle s'est répandue dans tous les départements. Vers le milieu du XIXe siècle, beaucoup de communes ont réorganisé leurs foires de telle sorte qu’elles tombent le même jour que le marché, une fois par mois. C'est le modèle le plus répandu dans les départements du Gers, de la Haute-Garonne, de l'Ariège, des Hautes-Pyrénées et de Tarn-et-Garonne. C'est ainsi qu'en 1854, la commune de Salies-de-Salat est passée de six foires annuelles à dates variables (lundi de la Septuagésime et lundi après le 28 mai, par exemple) à douze foires qui se tiennent le troisième lundi de chaque mois. De façon similaire, Cazères a abandonné ses foires fixes (25 février, 2 mai...) en faveur de douze foires ayant lieu le second samedi du mois (1827).

30Faire coïncider le jour de foire et le jour de marché présente deux avantages considérables. De cette façon on peut augmenter le nombre de foires sans remplir un calendrier déjà plein, car on ne distingue plus les deux types de réunion. Les jours de marché-foire, on peut apporter non seulement les denrées périssables que l'on vend traditionnellement au marché, mais aussi les bestiaux que l’on réserve pour les foires. Cette coïncidence constitue un argument positif lorsqu'une municipalité cherche à convaincre conseil général, préfet et ministre du bien-fondé du projet. Le discours constant des notables contre la multiplication des réunions commerciales s'est heurté à la logique de ces nouvelles demandes. En fait, y accéder signifie une réduction de leur nombre : un bourg avec 52 marchés et six foires par an, soit 58 rassemblements annuels, passe à 40 marchés et 12 marchés-foires par an avec le nouveau système. La coïncidence des deux réunions réduit aussi la concurrence entre communes voisines pour trouver des places libres sur le calendrier. Celui des marchés, déjà établi depuis de longues années, voire des siècles, se prête merveilleusement à cette volonté d'augmenter le nombre de foires sans créer une concurrence directe entre centres voisins.

31Dans l'arrondissement de Muret, où quasiment tous les bourgs abritaient une foire mensuelle, on s'est arrangé pour éviter les conflits directs. Le samedi était, par exemple, un jour chargé avec des marchés à Cazères, Montesquieu-Volvestre et Muret. On a placé les foires mensuelles dans des semaines différentes pour permettre à chacune de profiter le plus largement possible du commerce : à Cazères le second samedi du mois, à Montesquieu-Volvestre le troisième samedi, à Muret le quatrième samedi. En 1904, un village ambitieux, Sainte-Foy-de-Peyrolières, a réussi à obtenir une foire le troisième samedi du mois comme à Montesquieu. Mais la distance entre les deux localités, plus de trente kilomètres, rendait hypothétique toute concurrence entre elles.

32Etablir les foires un jour déterminé de la semaine n'est pas la seule façon de les fixer même si c'est le plus courant dans tout le sud-ouest de notre région. Dans une autre zone allant des Monts de Lacaune au Périgord en passant par le Ségala rouergat, on a choisi plutôt le quantième du mois. A Alban (Tarn), par exemple, on a opté très tôt pour tenir les foires le 4 de chaque mois. La moitié ouest de l'Aveyron, limitrophe des départements de Tarn, Tarn-et-Garonne et Lot, a également suivi ce modèle dans la majorité des cas (15 sur 20). Les communes du Lot choisissaient aussi le plus souvent la date fixe, comme à Alban. En 1868, dans les trois arrondissements, il y avait une foire tous les premiers jours du mois, ensuite une autre les 3, 8, et 9 ; deux foires le 10, une les 15,16, 17,18, 19 et 20 ; deux le 22 et une le 27. La répartition géographique de ce système est tellement localisée que l'on sent qu'une explication doit pouvoir se trouver. Mais pour l'instant nous n’avons rien à proposer. La ligne Gourdon-Lacaune va-t-elle rentrer dans l’histoire à côté de sa célèbre aînée, la ligne Saint-Malo-Genève ?

33Une minorité de communes ont préféré intégrer de nouvelles foires dans leur calendrier traditionnel. C'est le cas de Gourdon. Après les foires des 7 et 29 janvier, on entre dans le cycle pascal avec des foires le premier vendredi de Carême, le samedi après la Mi-carême, le mercredi après Pâques, le lendemain de l'Ascension et ainsi de suite. A Valdériès, il est plus facile de distinguer les réunions traditionnelles des nouvelles, car il y a eu un début de régularisation : 25 janvier, Mardi gras, 25 mars, 25 avril, 27 mai, 27 juin, 1er août, lundi après le 8 septembre, 14 octobre, 13 novembre, 26 décembre. Avec une telle répartition, il n'est guère surprenant que les almanachs, avec leur calendrier des foires, aient été très utilisés par campagnards et marchands.

  • 25 P. M. Jones, Parish, Seigneurie and the Community of Inhabitants in Southern Central France, Past (...)
  • 26 A.D. Tarn, XII M7 3 (1899). Annuaire statistique du département du Lot, 1841.

34Le rapport entre le nombre de communes dans chaque département et le nombre de localités où se tiennent des foires varie dans le temps et dans l'espace. Dans le temps, parce qu'il y a, presque partout, de plus en plus de lieux ayant des foires alors que le nombre de communes n'a pas beaucoup varié. Plus intéressantes sont les structures régionales que l'on peut dégager. Il est possible d'en découvrir trois qui couvrent des superficies très différentes. Le plus petit ensemble englobe le seul département des Hautes-Pyrénées où seulement 5 % des communes ont des foires. Plus grand est l'ensemble comprenant le Gers, la Haute-Garonne et l'Ariège ; environ 15 % des communes y accueillent des foires. L'ensemble le plus vaste couvre une large moitié de la région : Tarn, Tam-et-Garonne, Lot et Aveyron. Dans ces départements, le pourcentage varie entre 33 % pour les deux premiers, 50 % pour le troisième et presque 100 % des communes pour le dernier. Encore une fois, l'Aveyron fait preuve d’originalité avec presque autant de lieux de foire que de communes. Le sud du Massif Central, comme l'a remarqué P. M. Jones, se caractérise par un habitat très dispersé, que l'ancienne communauté d'habitants tout comme les nouvelles communes ont imparfaitement encadré25. Nous y trouvons de nombreux exemples de communes où il se tient des foires dans plusieurs endroits différents. La commune d'Ambialet compte trois lieux de foire, au chef-lieu, à la Condamine et au Frayssé, soit une douzaine de foires au total. A Frayssinet-le-Gélat, il y avait 6 foires au chef-lieu et 8 dans la section de Saint-Capraise26. Il est clair qu'un lien existe entre la structure de l'habitat dans ces départements et l'émiettement de la vie des relations, mais il faudrait des études approfondies sur le modèle proposé par Jones pour y voir clair.

35La densité des foires ne suit pas celle des marchés. L'axe Ariège-Garonne cède la place à un axe Aveyron où une des zones de plus forte densité suit cette rivière à travers les arrondissements de Villefranche-de-Rouergue, Montauban et Castelsarrasin. Les arrondissements de Gourdon, d'Albi, de Pamiers et de Villefranche-de-Lauragais figurent également en bonne place. Ces fortes densités correspondent à un double mouvement. D'une part, les lieux de marché sont aussi d’importants centres de foire et comptabilisent une douzaine voire davantage de rassemblements chaque année. A Villefranche-de-Rouergue, les marchés hebdomadaires partagent l'activité commerciale avec 18 foires. D'autre part, beaucoup de communes participent à la vie des échanges uniquement par le biais des foires. Dans l'arrondissement de Villefranche, elles sont plus de 50 à accueillir acheteurs et vendeurs plusieurs fois par an. Un arrondissement moins favorisé sur ce plan, celui de Lombez, a autant de marchés et autant de foires dans ses centres ; mais en dehors, c'est le vide ; seulement trois communes supplémentaires possèdent des foires. Autrement dit, vers 1900, alors qu'il y avait des foires et des marchés dans une cinquantaine de localités dans l'arrondissement de Villefranche-de-Rouergue (sur environ 60 communes), il n'y avait que 7 communes commerçantes sur un total d'environ 70 dans celui de Lombez. Les plus faibles densités se trouvent surtout dans les Pyrénées où la structure des vallées semble avoir fortement limité la vie des échanges. Rares sont les communes de montagne qui parviennent à faire vivre des foires en dehors des principaux centres contrôlant une ou plusieurs vallées. Ceci se confirme que l'on regarde la région d'Argelès-Gazost dans les Hautes-Pyrénées, celle de Bagnères-de-Luchon dans la Haute-Garonne ou celle d'Ax-les-Thermes en Ariège. Il convient toutefois de nuancer quelque peu l'apparente précision de ces chiffres sur la densité des foires. Nous avons vu que la région de Tarbes avait beaucoup de marchés et relativement peu de foires. A cet égard, ces structures commerciales ressemblent beaucoup plus à celles de la région de Lombez qu'à celles de Villefranche-de-Rouergue. Mais il y a une différence : à Tarbes comme à Maubourguet, à Vic et à Trie, pour ne citer que les villes les plus importantes, on amène des bestiaux à tous les marchés, surtout à ceux que l'on nomme grands marchés, et qui ont lieu tous les quinze jours. Il s'agit de véritables foires car le bétail y est présent. La distinction entre marché et foire est extrêmement floue en Bigorre comme dans certaines autres régions. Si l'on comptait toutes les réunions où sont échangés des bestiaux au début du XXe siècle, on arriverait à une densité de 22,4 par 100 km2, qui classerait l'arrondissement en seconde position. Il nous a semblé néanmoins utile de garder la terminologie contemporaine comme un garant plus sûr de la comparabilité de ce que nous étudions.

TABLEAU 8. LA DENSITÉ DES FOIRES VERS 1900 PAR ARRONDISSEMENT (par 100 km2)

TABLEAU 8. LA DENSITÉ DES FOIRES VERS 1900 PAR ARRONDISSEMENT (par 100 km2)

AIRES DE MARCHÉ

36Une des caractéristiques des centres urbains est l'attraction qu'ils exercent sur les campagnes voisines. L'aire d'attraction est connue sous différents noms : umland, hinterland, plat pays. Elle est plus ou moins importante suivant la taille du centre et le dynamisme de son appareil commercial et administratif. Ici, nous sommes plus particulièrement intéressé par le rayonnement du marché physique, c'est-à-dire par la zone à l'intérieur de laquelle les ruraux se déplacent pour y assister.

  • 27 F. Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIze siècles, t. 2, Les jeux (...)
  • 28 F. Braudel, Civilisation matérielle, t. 2, pp. 28-33.
  • 29 P. Chaunu, Histoire, science sociale, pp. 188-191.
  • 30 J.-C. Perrot, Caen au XVIIIe siècle, genèse d'une ville moderne, Paris, 1975, p. 238.

37Fernand Braudel et Pierre Chaunu ont écrit des pages très stimulantes sur le problème de l'espace dans les sociétés préindustrielles, notamment l'espace des échanges27. A partir des travaux d'A. Everitt et d’E. Schremer respectivement sur l'Angleterre (1500-1640) et la Bavière (XVIIIe siècle), et de ses propres recherches sur la généralité de Caen vers 1725, F. Braudel esquisse un modèle d'aire de marché qui se situe dans une fourchette de 12 à 40 000 hectares. Il est intéressant de remarquer que la superficie moyenne des aires de marché anglaises au XVIe siècle et celle des marchés normands au XVIIIe siècle sont presque identiques : autour de 17 000 hectares. La population incluse dans ces aires varie entre 6 000-7 000 habitants pour l'Angleterre, environ 7 300 pour la Bavière, et un peu plus de 9 000 habitants dans la généralité de Caen. Il est vrai que la densité de la population bavaroise et normande est bien plus forte au XVIIIe siècle que celle de la population anglaise au XVIe siècle28. P. Chaunu propose un modèle un peu plus théorique en parlant « des cercles de communication » variables selon les activités. Le premier cercle engloberait la paroisse et celles immédiatement avoisinantes ; il retiendrait 90 % de la production jusque vers le milieu du XVIIIe siècle. Le second cercle serait celui du marché ou du petit pays et aurait une superficie de 35 000 à 150 000 hectares (ces limites sont inspirées par le travail d'A. Plaisse sur Le Neubourg et de P. Goubert sur Beauvais). Dans le cas de la limite supérieure, on trouverait plusieurs marchés satellites autour du principal marché29. A ces deux études de synthèse, ajoutons un cas concret évoqué à peu près au même moment, l'exemple de Caen au XVIIIe siècle, analysé par J.-C. Perrot. Cet historien présente des données sur l'aire d'approvisionnement du marché de Caen : la capitale normande se ravitaille en grains dans un territoire dont la superficie varie entre 45 et 67 000 hectares, donc plus près du Neubourg que de Beauvais30.

  • 31 W. Christaller, Central Places in Southern Germany, Englewood Cliffs, N. J., Prentice-Hall, 1966.

38Dans la littérature géographique sur les lieux centraux inspirée par la théorie de l'allemand W. Christaller, le cercle a cédé la place à l'hexagone, une forme géométrique plus efficace sur le plan de l'espace. En effet, des formes hexagonales remplissent mieux les angles laissés vides par des cercles centrés sur le même point31. Au risque de simplifier outre mesure notre étude, nous avons opté pour le cercle comme forme représentative des aires de marché car plus facile à manipuler, surtout lorsqu'il s'agit de calculer les superficies. Cette position se défend dans la mesure où nous ne cherchons pas à obtenir une précision absolue mais plus raisonnablement des ordres de grandeur étant donné l'état des informations brutes à partir desquelles nous sommes obligé de travailler.

  • 32 A.D. Gers, C 76 : mémoire remis à Monseigneur de Sérilly, intendant de la généralité d'Auch par MM (...)

39Quels documents nous permettent une analyse des aires de marché du passé ? Il y en a plusieurs, espacés entre 1741 et 1885. En 1741, les receveurs des tailles des élections d'Armagnac et de Comminges ont effectué une enquête sur chaque communauté ; on y trouve toujours une rubrique sur les débouchés des produits agricoles avec le nom d'un ou de plusieurs centres où les grains, les vins ou le bétail se vendent, ou, éventuellement, s'achètent. En 1744, une enquête similaire a eu lieu dans le diocèse civil de Rieux dont le territoire couvrait une partie des actuels départements de la Haute-Garonne et de l'Ariège. Deux questions nous intéressent dans l'enquête : « dans quelles foires et marchés les denrées se débitent-elles » ; « s'il y a foire dans le lieu, le commerce qui s'y fait, ce qu'il produit »32. Grâce à ces trois enquêtes fiscales, nous pouvons aborder les aires commerciales pour un territoire qui couvre une bonne partie de l'actuel département du Gers, du sud de la Haute-Garonne (de Muret à la frontière espagnole), du Couserans et une petite partie de la Bigorre autour de Castelnau-Rivière-Basse, soit une cinquantaine de marchés.

  • 33 A.D. Haute-Garonne, L 2297.
  • 34 A.D. Aude, L 528 ; A.D. Haute-Garonne, L 2297, L 2299.
  • 35 Les mesures de grains : Latapie et Lassime, Tables de comparaison pour toutes les communes du dépa (...)

40La Révolution française nous a fourni deux types de documents utiles dans la définition des espaces commerciaux. D'abord, au moment du maximum sur les grains, en l'an II, le gouvernement a ordonné la mise en place d'arrondissements de marché selon les habitudes d'avant 1790. Théoriquement, chaque département devait composer une liste de marchés existant avant la Révolution et un tableau des communautés ayant l'habitude de les fréquenter. Les habitants des communes ainsi réparties entre les divers marchés du département devaient livrer leurs grains à ces marchés et obéir aux réquisitions qui pouvaient être lancées par les autorités des districts ou du département. Nous avons trouvé cette liste pour la Haute-Garonne (sauf le district de Villefranche-de-Lauragais mais avec les districts de Beaumont-de-Lomagne et de Castelsarrasin qui faisaient alors partie de la Haute-Garonne)33. Nous avons également localisé le même type de renseignement pour les villes de Castelnaudary (Aude) et de Montauban (alors dans le Lot)34. Quelques années plus tard, les tentatives pour promouvoir le système métrique ont donné lieu à des publications fort intéressantes et utiles sur les anciennes mesures et les nouvelles. Les premiers ouvrages de ce type datent de l'an X, mais il y eut une nouvelle vague de publications vers 1839-1840 au moment du véritable démarrage du système métrique35. Les aires des mesures traditionnelles ont un rapport certain avec l'influence des centres commerciaux dont elles portent le nom.

  • 36 V. Fons, Les usages locaux... de la Haute-Garonne, Toulouse, 1845, pp. 205-226.
  • 37 A.D. Gers, dossiers archéologiques non cotés : enquête administrative, 1854. Ces dossiers sont org (...)

41En 1845, dans Les usages locaux ayant force de loi dans le département de la Haute-Garonne par Victor Fons, se trouve un tableau où sont désignés pour chaque commune les deux marchés les plus rapprochés dans chaque arrondissement ainsi que la distance entre les communes et les marchés. Ce tableau servait aux ventes judiciaires, car de telles ventes devaient avoir lieu dans le marché le plus rapproché de la commune où était domicilié celui dont les biens étaient vendus36. Ce tableau nous permet de déterminer de façon très précise la distance des marchés pour la population du département, même s'il ne dit rien sur ses véritables habitudes. En 1854, des enquêtes administratives (d'origine fiscale ?) eurent lieu dans le Gers et les Hautes-Pyrénées. Il est probable que de telles enquêtes existent pour la plupart, sinon pour tous les départements, mais nous n'avons pu les localiser ailleurs. Dans le Gers, les procès-verbaux des enquêtes ont été gardés, et nous les avons exploités directement. Dans les Hautes-Pyrénées, comme pour certains autres départements, l'enquête a été utilisée par un auteur local de l'époque pour former la base d'une statistique départementale. Ici, il s'agit de l'Indicateur des Hautes-Pyrénées par Abadie de Sarrancolin, édité en 185637. Le questionnaire imprimé contient une question sur les foires et marchés fréquentés par les habitants de la commune. Il n’est pas impossible que ce renseignement ait été destiné aux percepteurs qui se présentaient dans les réunions commerciales afin de se rappeler au bon souvenir de leurs contribuables.

  • 38 A.D. Haute-Garonne, Br 4° : monographies communales d'instituteurs, 1885. Il y en a environ 500, m (...)
  • 39 J.-P. Bove vient de soutenir un mémoire de maîtrise à l'Université de Pau portant sur les monograp (...)

42Notre dernière source est la collection des monographies communales d'instituteurs de la Haute-Garonne, rédigées en 1885 et 1886. Des rubriques concernent le commerce, les foires et marchés et les ventes des denrées agricoles ; malheureusement, les réponses ne sont pas toujours utilisables, soit par manque de renseignements, soit par l'emploi de termes généraux plutôt que l'énumération des localités fréquentées38. De telles monographies existent aussi dans les Hautes-Pyrénées, où elles ont été analysées tout récemment par J.-P. Bove, et dans le Lot où elles ne concernent, apparemment, que l'arrondissement de Cahors39.

43La moisson des documents a donc été abondante tout en restant très disparate quant aux renseignements fournis et à la zone géographique couverte réellement. Les comparaisons sont parfois rendues hasardeuses par des informations incomplètes ou de nature différente dans leur point de départ et dans leur finalité. Par exemple, les enquêtes de l'Ancien Régime contiennent peu d'éléments utiles sur les superficies concernées et les populations. De plus, beaucoup de communautés ont disparu à la Révolution, absorbées par des communes plus importantes. La question posée concerne avant tout les débouchés, alors que pendant la Révolution le souci est surtout administratif. Le point de vue n'est plus celui de la communauté ou de la commune, mais du centre commercial qui attend l'arrivée des grains sur sa place. Le problème des mesures de grains est encore différent ; il s'agit de savoir quelles communes employaient la même mesure que tel ou tel marché. Partager la même mesure de grains ne signifie pas nécessairement que tous les habitants allaient au même marché, mais qu'il existait des courants commerciaux communs, notamment dans le commerce de gros. Le tableau des marchés les plus rapprochés n'indique pas non plus un comportement, toutefois il donne une mesure de proximité qui peut le simuler. Les enquêtes du Second Empire tout comme les monographies d'instituteurs sont théoriquement basées sur les comportements des habitants dans chaque commune. C'est une réponse générale, alors que des individus peuvent, pour maintes raisons variées, fréquenter des marchés ou foires très éloignés. Néanmoins, il semble raisonnable de penser que les localités les plus fréquentées étaient aussi celles qui venaient tout de suite à l'esprit de la personne répondant aux deux enquêtes. D'ailleurs, la multiplicité des réponses suggère une connaissance assez précise des mouvements de ceux qui fréquentaient les marchés. En dépit de la nature hétéroclite des données, nous croyons pouvoir en extraire des informations utiles sur les aires de marché en ce qui concerne le nombre de communautés concernées, leur population et leur superficie.

44Afin d’alléger la démonstration, nous présentons seulement une dizaine d’exemples dans le détail, sur lesquels on possède des renseignements sur une assez longue durée. Différents cas de figure se présentent, qu'il convient de commenter. Il y a d'abord des marchés que nous pouvons appeler des marchés cantonaux : dans la Haute-Garonne, Aspet et L'Isle-en-Dodon ; dans le Gers, Fleurance, Mauvezin et Vic-Fezensac. Le cas d'Aspet nous semble caractéristique des cantons de montagne, où le chef-lieu marché occupe une place stratégique par rapport à la géographie locale, souvent au confluent de plusieurs vallées. Ce serait le cas d'autres marchés tels que Bagnères-de-Luchon, Saint-Béat, Argelès. L'ensemble des communautés montagnardes est regroupé administrativement dans un seul canton et se retrouve le jour de marché au chef-lieu, débouché naturel des denrées et point d'entrée des marchandises importées. Les exigences géographiques sont moins contraignantes dans le cas des marchés cantonaux de plaine ou de coteaux. Le canton est structuré autour du chef-lieu marché, permettant une relative égalité d’accès à toutes les communes le composant. On remarquera une relative identité entre le nombre de communes, la population et la superficie dans le canton et dans les aires de marché diversement définies selon les époques. Le cas de Vic-Fezensac reste un peu ambigu dans la mesure où il manque des informations sur les cantons voisins (Eauze et Aignan) en 1854 alors qu’en 1741 l'aire de son marché comprend plusieurs communautés qui seront intégrées dans ces cantons au moment de la Révolution. Les marchés cantonaux ne sont pas les plus petites unités commerciales, ni sous l'Ancien Régime, ni au XIXe siècle. On trouve assez souvent des centres marchands de très faible envergure, avec seulement trois, quatre, cinq communautés qui les fréquentent en premier lieu : Valence-sur-Baïse, Montréal, Cologne (Gers) ; Cassagnabère-Tournas, Nailloux, Blagnac, Auriac (Haute-Garonne). Par rapport aux marchés cantonaux, l'activité commerciale y est plus faible, et même irrégulière.

45Au-dessus des marchés cantonaux se trouvent des marchés fréquentés de façon régulière par des habitants de plusieurs cantons. Ils ne sont pas toujours faciles à reconnaître car l'espace administratif et l’espace commercial ne sont pas nécessairement identiques. Prenons deux exemples assez contrastés de la Haute-Garonne, Cazères et Montréjeau, deux localités situées au bord de la Garonne en remontant le fleuve vers les Pyrénées depuis Toulouse. Selon le Plumitif de Comminges et le questionnaire du diocèse de Rieux, 35 communautés, au moins, considérent Cazères comme leur principal débouché. Ces villages se trouvent surtout dans l’actuel département de la Haute-Garonne mais aussi dans l'Ariège. Le fait d'avoir les réponses aux deux enquêtes nous a permis de dresser une aire commerciale plus complète que si nous n'en avions trouvé qu'une. L'arrondissement du marché de Cazères en l'an II, défini par l'administration départementale, est bien plus réduit, et cela pour deux raisons. D'abord, on a pris au sérieux l'affirmation des habitants de Martres-Tolosane selon laquelle leur village possédait un marché (c'était alors aussi un chef-lieu de canton avant le regroupement effectué quelques années plus tard). En fait, le marché de Martres était au mieux épisodique, au pire inexistant. Il n'empêche que l'inclusion de ce marché a amputé une bonne partie des communes de l’arrondissement de Cazères. En second lieu, l'administration n'a pas pris en compte des communes situées à l'extérieur du département dans l’établissement des listes, coupant ainsi Cazères des villages ariégeois. Les listes des communes partageant les mêmes mesures de grains réparent la première injustice mais pas la seconde, les données ariégeoises étant insuffisamment détaillées. Il en est de même pour les autres sources qui ne prennent jamais en considération les communes du département voisin. Par conséquent, malgré des renseignements sur l'importance du marché de Cazères – les mercuriales, par exemple, suggèrent un marché d'importance régionale – nos sources nous empêchent de mesurer plus précisement la véritable étendue de son rayonnement commercial.

TABLEAU 9. AIRES DE MARCHÉ, HAUTE-GARONNE ET GERS, XVIIIe ET XIXe SIÈCLES

TABLEAU 9. AIRES DE MARCHÉ, HAUTE-GARONNE ET GERS, XVIIIe ET XIXe SIÈCLES
  • 40 J.-P. Bove, mémoire de maîtrise.

46Avec le marché de Montréjeau, nous avons davantage de chance. En effet, cette localité limitrophe du département des Hautes-Pyrénées attirait une part plus importante encore de sa clientèle en dehors de son propre département. Le Plumitif de Comminges ne mesure que la partie commingeoise de son attraction et il manque des sources du côté bigourdan. Heureusement, les administrateurs du district de Saint-Gaudens ont inclu les communes étrangères au département dans leurs tableaux de l'an II, de telle sorte que le marché de Montréjeau s'est vu crédité d'un arrondissement comprenant une vingtaine de villages haut-pyrénéens. Les mesures de grain, en revanche, sont spécifiques des deux départements selon les ouvrages de l'époque, mais il faudrait une recherche plus approfondie dans les archives notariales pour aboutir à des conclusions plus fermes. Si le tableau des marchés les plus rapprochés de Victor Fons exclut a priori les communes des départements voisins, les monographies communales d'instituteurs de 1885, effectuées dans les deux départements, nous révèlent l'attraction toujours vive du marché de Montréjeau sur les villages de la Neste40. Le marché de Montréjeau rayonnait sur au moins trois cantons en entier ou en partie. D'abord, le sien, sauf pour quelques communes à l'ouest attirées par le marché de Lannemezan ; ensuite celui de Saint-Bertrand-de-Comminges (puis Barbazan), dépourvu de centre commercial, surtout depuis la totale déchéance de l'ancien siège épiscopal ; ensuite celui de Saint-Laurent-de-Neste, en dépit des frontières départementales. Néanmoins, il semblerait que le marché de Montréjeau ait subi une certaine érosion avec la montée de celui de Lannemezan, en partie à cause des facilités administratives offertes aux habitants des villages haut-pyrénéens. En somme, l'importante aire de marché de Montréjeau, s'étendant sur des villages dans deux départements, a pu être déterminée grâce à des documents ignorant les limites administratives, phénomène malheureusement trop rare.

47Le Gers nous fournit deux exemples de marchés dont l'importance dépasse un seul canton. Le cas de Samatan est intéressant à cause de sa forte progression entre 1741 et 1854. A la première date, Samatan apparaît comme un petit marché de dimension très moyenne. Il est vrai qu'à quelques kilomètres de distance seulement la ville épiscopale de Lombez exerçait, semble-t-il, une attraction plus grande sur les communautés voisines. A la Révolution, cependant, Lombez perd son évêché et, avec lui, sa prééminence commerciale. En 1854, Lombez ne rayonnait plus guère sur le voisinage tandis que Samatan avait tout récupéré ; son aire d'influence s'étendait désormais sur les deux cantons de Lombez et de Samatan et sur quelques communes de la Haute-Garonne limitrophe. Auch aussi a connu un important essor entre 1741 et 1854, sans que l'on puisse dire catégoriquement quelle en a été la cause. Comme Samatan, Auch semblait attirer peu de commerce en 1741 ; il est vrai que la ville n'avait pas de marché de grains hebdomadaire comme la grande majorité de lieux centraux de l'époque. S'agit-il d'une avance commerciale – le triomphe d'un marché abstrait – ou de l'absence d'une infrastructure adaptée ? Au siècle suivant, Auch possèdait de vrais marchés, mais son marché de grains est resté toujours plutôt invisible, car absent des mercuriales départementales, chose peu fréquente si l'on juge par les autres départements étudiés. Mais l'attraction d'Auch avait progressé et couvrait assez complètement ses deux cantons, Nord et Sud. Il est vraisemblable que les fonctions de préfecture, de sous-préfecture et de chef-lieu de deux cantons ont renforcé les liens entre cette petite ville et les communes du voisinage, attirées aussi bien pour leur commerce que pour leurs affaires administratives et juridiques.

48Examinons, maintenant, les données d'un point de vue plus général. En ce qui concerne le nombre de villages attirés par chaque marché, la diversité est grande entre les très petits centres et les centres rayonnant sur plusieurs cantons. En 1741, si l'on considère les marchés reconnus par au moins 5 communautés, la moyenne globale est de 17,7 communautés par marché. La moitié des marchés attirent entre 6 et 14 communautés tandis que l'autre moitié rayonnent sur 15 à 41 villages. Ces chiffres doivent être compris comme des approximations pour au moins deux raisons : beaucoup de communautés sont très petites et n'accèdent jamais au statut de commune en 1789 ; toutes ne fournissent pas de renseignements utilisables. Nous ne proposerons pas une estimation de la superficie moyenne, ni de la population moyenne, les données étant vraiment trop approximatives.

  • 41 Aire primaire = premier marché nommé. Aire secondaire = ensemble des autres marchés nommés.

49Un siècle plus tard, trouve-t-on des modifications fondamentales ? Considérons d’abord les informations fournies par V. Fons dans Les usages locaux pour la Haute-Garonne (1845). Il s'agit des marchés les plus rapprochés, ce qui mesure plus la proximité stricte que la fréquentation. Pour chacun des principaux marchés, on dénombre 18 communes, en moyenne, qui sont proches. La superficie moyenne est d'environ 18 000 hectares ; la population moyenne est entre 11 000 et 12 000 habitants. Selon les enquêtes de 1854 concernant la fréquentation des marchés, les centres gersois attirent en moyenne 14 à 15 communes en priorité et environ 18 autres communes en second lieu, soit un total de 33 communes. Puisque chaque témoin pouvait donner plusieurs réponses, nous avons délimité une aire primaire et une aire secondaire pour tous les marchés41. La superficie moyenne des aires primaires dans le Gers est de 24 000 hectares environ tandis que celle de l'aire totale (primaire et secondaire) est de 56 000 hectares. On dénombre 12 000 habitants dans l'aire primaire et un total de 27 000 dans l'ensemble de la zone d'attraction du marché moyen. La même année dans les Hautes-Pyrénées, l'aire primaire regroupe environ 24 communes (l'attraction de la ville de Tarbes modifie presque seule la moyenne qui serait de 18 communes sans elle). L'aire totale est de 38 communes. La superficie de l'aire primaire est d'environ 22 000 hectares et celle de l'aire totale de 34 000 hectares. La population moyenne attirée dans chaque marché s'élève à 13 000 pour le premier cercle et à 21 000 pour l'ensemble de l'aire d'attraction.

50Si l'on résume l'ensemble de ces données, le nombre de communes attirées en priorité vers un marché varie entre 14 (Gers, 1854) et 24 (Hautes-Pyrénées, 1854). Cela correspond à ce que l'on attendait à partir de la densité des marchés étudiée plus haut. Le Gers ayant davantage de marchés que les Hautes-Pyrénées, le nombre de communes dans chaque aire de marché y est moindre. En 1854, l'attraction globale s'exerce dans ces deux départements sur 35 communes environ, soit sur l'équivalent de deux cantons. En termes de superficie, au milieu du siècle dernier, elle s'étend entre 18 000 et 24 000 hectares dans l'aire principale et entre 34 000 et 56 000 hectares dans l’aire totale (chiffres volontairement arrondis pour éviter toute illusion statistique). Comparons ces moyennes aux renseignements donnés pour l'Angleterre aux XVIe-XVIIe siècles, la Normandie vers 1725 et la fourchette proposée par P. Chaunu : respectivement 17 000 ha, 17 500 ha et de 35 000 à 150 000 ha. Elles apparaissent légèrement supérieures aux aires anglaises et normandes et inférieures à celles mises en avant par P. Chaunu. De même, l'aire du marché de Caen, environ 66 000 ha en l'an III, semble plutôt dans les limites supérieures par rapport à la moyenne de nos marchés régionaux. Il est vrai que les exemples fournis par P. Chaunu et J.-C. Perrot concernent des marchés d'importance régionale alors que les autres correspondent à un ensemble de marchés sur tout un espace régional.

  • 42 A.D. Aude, L 528 ; A.D. Haute-Garonne, L 2297, L 2299.
  • 43 A.D. Tarn-et-Garonne, M 680.
  • 44 Archives municipales de Toulouse, 4 F 66.
  • 45 V. Fons, Les usages locaux... de la Haute-Garonne, 1845.

51Si l'on prend quelques exemples de marchés régionaux, les superficies deviennent immédiatement plus importantes. Le marché de Tarbes rayonne sur une zone principale d’environ 45 000 ha (450 km2) ; celui d’Auch sur une aire de 54 000 ha. Ce sont les deux principaux marchés dans leurs départements respectifs, leur aire d'attraction commerciale étant certainement renforcée par leurs fonctions administratives. Pendant la Révolution, la définition des aires d'approvisionnement donne quelques indications sur le rayonnement de quelques grands marchés dont Castelnaudary, Montauban et Toulouse. Le marché de Castelnaudary pouvait compter sur une zone de ravitaillement de presque 90 000 hectares situés dans le Lauragais audois. La zone d'approvisionnement de Montauban s'étend sur plus de 250 000 ha (plus de 2 500 km2), celle de Toulouse sur plus de 625 000 ha (plus de 6 250 km2)42. Dans ces derniers cas, il ne s'agit pas d'une éventuelle fréquentation du marché par l'ensemble des habitants de l'aire de ravitaillement ; les autorités y ont délimité plutôt une zone à l'intérieur de laquelle les grains devaient être orientés vers la grande ville. Néanmoins, on voit la différence entre le rayonnement d'un grand et d'un petit centre. La fréquentation du marché de Montauban a aussi pu être mesurée à partir d'une mercuriale de 1858 où étaient notés les domiciles des vendeurs et des acheteurs. L’aire du marché, en fonction des déplacements humains, se situe autour de 85 000 à 90 000 ha43. A Toulouse, d'après les registres des mercuriales de 1849, les vendeurs de grains au marché venaient d’un rayon d’une vingtaine de kilomètres à la ronde, soit dans une aire de plus de 1 200 km2 (125 600 ha)44. Il est probablement plus facile d'appréhender ces chiffres si l'on parle en termes de rayon. Au milieu du XIXe siècle, dans les trois départements de la Haute-Garonne, du Gers et des Hautes-Pyrénées, le marché moyen attire des villageois dans un rayon de 7,5 à 8,5 kilomètres. Cela implique un déplacement de deux heures environ pour atteindre le marché pour ceux qui habitent à l’extrémité du cercle. Dans la Haute-Garonne en 1845, presque 50 % de la population n'a que 4 kilomètres à faire pour aller au marché ; plus de 75 % a moins de 8 kilomètres de marche. Les arrondissements les plus favorisés sont ceux de Toulouse (naturellement la concentration de la population urbaine à Toulouse écrase les distances à parcourir), de Muret et de Villefranche. Moins bien desservi est l'arrondissement de Saint-Gaudens où la zone montagneuse fait allonger les distances du marché le plus rapproché, mais même là, plus de deux tiers de la population habite dans un rayon de moins de 8 kilomètres45. Les déplacements semblent s'allonger autour des principales villes : Toulouse, Montauban, Auch, Tarbes et, sans doute, les quelques autres grands centres tels que Villefranche-de-Rouergue, Cahors, Albi, Castres... Le marché toulousain attire des vendeurs d'une vingtaine de kilomètres des alentours, Montauban de 16-17 km, Auch de 13 km, Tarbes d'une douzaine. Ces villes sont favorisées par le réseau de bonnes routes qui convergent vers elles et qui permettent des déplacements plus longs en distance sans perte correspondante de temps par rapport à des centres secondaires moins bien desservis. Elles profitent également de leur statut de chef-lieu de département et surtout de leur fort secteur secondaire et tertiaire.

  • 46 J.-C. Claverie, Cadres spatiaux de la vie de relation dans le Sud-Ouest de la France durant la pre (...)
  • 47 Ibid., p. 348.

52Dans cette partie de notre région du moins, la notion de zones dites « intégrées », accessibles en deux heures de marche, semble réalisée pour la majorité des habitants46. Pour eux, le marché physique n'est pas trop éloigné pour que les contacts avec ses commerces ne soient pas réguliers. Le problème est de savoir si tel est le cas dans les régions pour lesquelles nous n'avons pas des informations aussi complètes. On peut penser, cependant, que la Haute-Garonne, le Gers et la partie non montagneuse des Hautes-Pyrénées sont relativement bien loties par rapport à des zones plus enclavées et plus difficiles d'accès. Le cas extrême semble avoir été l'Aveyron ; selon J.-C. Claverie, ce département aurait été de loin le moins « intégré » durant la première moitié du XIXe siècle47. Ce jugement correspond aux indices fournis par les densités des marchés vers 1849, très faibles dans les arrondissements de Saint-Affrique, d'Espalion et de Rodez.

53Vers le milieu du XIXe siècle, les populations du Midi toulousain ne sont pas égales devant le réseau des places marchandes. Plusieurs zones paraissent favorisées : le Toulousain proprement dit, y compris le Lauragais et toute la vallée de la Garonne depuis Montréjeau jusqu'à Toulouse ; l'ensemble du Tarn-et-Garonne ; la vallée de l'Ariège autour de Pamiers ; la vallée de l'Adour à partir de Lourdes ; la région de Lavaur ; le Gers et les arrondissements lotois de Cahors et de Gourdon. Nettement moins dotés en places marchandes, les régions pyrénéennes, la Montagne Noire et les Monts de Lacaune, le Rouergue et les Ségalas tarnais, rouergats et quercynols. Les larges vallées, les riches plaines, les couloirs naturels de circulation sont, ce n'est guère surprenant, mieux armés en infrastructures commerciales que les zones de relief tourmenté, de vallées étroites, de sols pauvres. Ces infrastructures ne sont pas récentes, l'héritage du passé est partout présent. La stabilité des structures commerciales semble peser davantage que les changements, avec une exception notable, l'Aveyron, qui dans la seconde moitié du XIXe siècle rattrape son retard. Pour l'ensemble des autres places de la région, le XIXe siècle confirme avant tout leur hégémonie locale sur de petits pays comprenant une vingtaine de communes et une dizaine de milliers d'habitants.

LES MARCHES DE MIDI-PYRENEES VERS 1850 DANS LEUR CONTEXTE CANTONAL

LES MARCHES DE MIDI-PYRENEES VERS 1850 DANS LEUR CONTEXTE CANTONAL

Cartographie : J. BUOIS

Les zones d'influence des marchés du diocèse civil de Rieux et de l'élection de Comminges vers 1740

Les zones d'influence des marchés du diocèse civil de Rieux et de l'élection de Comminges vers 1740

Source : AD H-G (C 1925, w Mi 168)
Cartographie : J. THOMAS-J. BUOSI

Les zones d'influence des marchés de la Haute-Garonne vers 1885

Les zones d'influence des marchés de la Haute-Garonne vers 1885

Source : AD H-G – Monographies communales d'instituteurs (BR 4)
Cartographie : J. THOMAS – J. BUOSI

Les zones d'influence des marchés de l'élection d'Armagnac vers 1740

Les zones d'influence des marchés de l'élection d'Armagnac vers 1740

Source : AD Gers (C76)
Cartographie : J. THOMAS – J. BUOSI

Les zones d'influence des marchés du Gers vers 1850

Les zones d'influence des marchés du Gers vers 1850

Source : AD Gers – Enquêtes administratives, non classées.
Cartographie : J. THOMAS-J. BUOSI

Les zones d'influence des marchés des Hautes-Pyrénées vers 1850

Les zones d'influence des marchés des Hautes-Pyrénées vers 1850

Source : Abadie de Sarrancolin, L'indicateur des Hautes-Pyrénées, Paris, 1856.
Cartographie : J. THOMAS – J. BUOSI

FOIRES DE L'ARIEGE

FOIRES DE L'ARIEGE

Cartographie : A. THOMAS – J. BUOSI

FOIRES DE L'AVEYRON

FOIRES DE L'AVEYRON

Cartographie : A. THOMAS – J. BUOSI

FOIRES DE LA HAUTE-GARONNE

FOIRES DE LA HAUTE-GARONNE

Cartographie : A. THOMAS – J. BUOSI

FOIRES DU GERS

FOIRES DU GERS

Cartographie : A. THOMAS – J. BUOSI

FOIRES DU LOT

FOIRES DU LOT

Cartographie : A. THOMAS – J. BUOSI

FOIRES DES HAUTES-PYRENEES

FOIRES DES HAUTES-PYRENEES

Cartographie : A. THOMAS – J. BUOSI

FOIRES DU TARN

FOIRES DU TARN

Cartographie : A. THOMAS – J. BUOSI

FOIRES DU FUTUR DEPARTEMENT DU TARN ET GARONNE

FOIRES DU FUTUR DEPARTEMENT DU TARN ET GARONNE

Cartographie : A. THOMAS – J. BUOSI

Notes

1 Le lecteur trouvera des renseignements sur l’ensemble de ces sources dans la partie « Sources et Bibliographie » en fin de volume.

2 A.D. Haute-Garonne, C 117.

3 A.D. Haute-Garonne, 12 M 22.

4 A.D. Haute-Garonne, 12 M 24 : tableau des jours de tenue des marchés du département de la Haute-Garonne, 8 vendémiaire an XI (30 septembre 1802).

5 A.D. Haute-Garonne, M 126 : tableau des marchés, 1849.

6 Ibid., extrait des délibérations du conseil municipal de Buzet, 3 mai 1828.

7 Procès-verbal des délibérations du conseil général de la Haute-Garonne, Toulouse, 1851 (aux Archives départementales de la Haute-Garonne, ces volumes se trouvent sous la cote 1 N).

8 Annuaire de la Haute-Garonne pour l'année 1880, Toulouse, 1880 ; A.D. Haute-Garonne, Br 4° 327-335 : monographies communales d'instituteurs, canton de Montastruc, 1885.

9 Nouvel annuaire général de la Haute-Garonne, 1901, Toulouse, Privat, 1901, p. 1003.

10 Annuaire de la Haute-Garonne, 1841, p. 230 : On y constate l'absence d'un pont et la présence d'un bac affermé.

11 F. Taillefer (sous la direction de), Atlas et géographie du Midi toulousain, Paris, Flammarion, 1978, p. 50.

12 G. Bernard, Les bastides du Sud-Ouest de la France : morphologie et fonctions. Etude de géographie historique, thèse de 3e cycle, Paris IV, 1983, pp. 217-224. Voir également les travaux novateurs de C. Higounet, Paysages et villages neufs du Moyen Age, Bordeaux, 1975.

13 A Conques (Aveyron), il y avait un pèlerinage le 6 octobre pour la Sainte-Foy ; en 1821, il y a une foire le 7 octobre. R. Calmettes, Foires et marchés de l’Aveyron (XIXe-XXe siècles), Rodez, Service éducatif des Archives départementales de l’Aveyron dossier no 3,1982.

14 J. Scott, Les verriers de Carmaux, Paris, Flammarion, 1982. R. Trempé, Les mineurs de Carmaux, 1848-1914, Paris, Editions ouvrières, 1971.

15 B. Ufferte, Notice sur Cadours et sa région, Poitiers, 1935.

16 Sur le réseau urbain régional, voir R. Marconis, Midi-Pyrénées, XIXe-XXe siècles. Transports, Espaces, Société, t. 1, Genèse et fonctionnement, Toulouse, Milan, 1986.

17 G. Désert, Une société rurale au XIXe siècle : les paysans du Calvados, 1815-1895, thèse d'Etat, Paris I, 1971, Service de reproduction des thèses, Lille III, 1975, t. 1, pp. 146-149.

18 Ibid.

19 R. Hubscher, L'agriculture et la société rurale dans le Pas-de-Calais du milieu du XIXe siècle à 1914, 2 vol., Arras, 1979 et 1980. M. Bachelard, Foires et marchés en Touraine, Blois, Le Gairmirouère du temps, 1981. M. Audras, Les foires et marchés en Haute-Loire, Revue d'Auvergne, t. 97, no 1, Institut de géographie, Faculté des Lettres de Clermont-Ferrand, 1983, pp. 37-50. J. Vidalenc, Le département de l'Eure sous la Monarchie constitutionnelle, 1814-1848, Paris, M. Rivière et Cie., 1952. Cet auteur donne un nombre de marchés d'une densité de 1,03 par 100 km2, mais comme chez G. Désert on n'est pas sûr s'il s'agit du nombre de places ou du nombre de jours.

20 G. Désert, Le Calvados, t. 1, p. 158.

21 Ministère des Travaux publics, de l'Agriculture et du Commerce, Statistique de la France, Territoire et population, 2 tomes, Paris, 1837.

22 G. W. Skinner, Marketing and Social Structure in Rural China, part II, Journal of Asian Studies, vol. 24, 1965, pp. 208-209.

23 On trouvera de nombreux exemples dans M. Ramière de Fortanier, Chartes du Lauragais, Paris, Sirey, 1939.

24 Tableau des foires : sources. Ariège : A.N., F121246 B ; A.D. Ariège, 13 M 18. Aveyron : A.N., F121247 ; A.D. Aveyron, 49 M 1-14 ; R. Calmettes, Foires et marchés. Haute-Garonne : A.D. Haute-Garonne, 12 M 22 ; M 126. Gers : A.N., F12 1255 B ; A.D. Gers, 8 M 2. Lot : A.N., F12 1258 B ; Annuaire statistique du département du Lot, 1841 ; L. Combarieu, Dictionnaire des communes du Lot, Cahors, Ed. Laytou, 1881. Hautes-Pyrénées : A.N., F12 1263 ; A.D. Hautes-Pyrénées, 8 M 8 ; Annuaire du département des Hautes-Pyrénées, 1901. Tarn : A.N., F12 12 ; A.D. Tarn, XX M7 4 ; XII M7 3. Tarn-et-Garonne : A.D. Tam-et-Garonne, 83 M 1 ; Annuaire administratif du département du Tarn-et-Garonne pour l'année 1905.

25 P. M. Jones, Parish, Seigneurie and the Community of Inhabitants in Southern Central France, Past and Present, no 91, may 1981, pp. 74-108.

26 A.D. Tarn, XII M7 3 (1899). Annuaire statistique du département du Lot, 1841.

27 F. Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIze siècles, t. 2, Les jeux de l'échange, Paris, A. Colin, 1979, pp. 28-33. P. Chaunu, Histoire, science sociale. La durée, l’espace et l’homme à l’époque moderne, Paris, SEDES, 1974, pp. 188-191.

28 F. Braudel, Civilisation matérielle, t. 2, pp. 28-33.

29 P. Chaunu, Histoire, science sociale, pp. 188-191.

30 J.-C. Perrot, Caen au XVIIIe siècle, genèse d'une ville moderne, Paris, 1975, p. 238.

31 W. Christaller, Central Places in Southern Germany, Englewood Cliffs, N. J., Prentice-Hall, 1966.

32 A.D. Gers, C 76 : mémoire remis à Monseigneur de Sérilly, intendant de la généralité d'Auch par MM. de Labacome, Bascous et Vidaillan, receveurs des tailles de l'élection d'Armagnac, 1741. A.D. Haute-Garonne, 1 Mi 168 : Plumitif de l'élection de Comminges, 1741 (sur microfilm). A.D. Haute-Garonne, C 1925 : réponses de 84 paroisses du diocèse de Rieux à 29 questions..., 1744.

33 A.D. Haute-Garonne, L 2297.

34 A.D. Aude, L 528 ; A.D. Haute-Garonne, L 2297, L 2299.

35 Les mesures de grains : Latapie et Lassime, Tables de comparaison pour toutes les communes du département des Hautes-Pyrénées entre les mesures anciennes et celles qui les remplacent, Tarbes, 1803. G. Ruch, Système légal des poids et mesures comparés aux anciennes mesures du département du Tarn-et-Garonne, Montauban, 1838. Tables de comparaison entre les mesures anciennes et celles qui les remplacent dans le nouveau système métrique pour le département de la Haute-Garonne, Toulouse, an X. A. Domergue, Métrologie du département de la Haute-Garonne. Anciennes mesures usitées de ce département comparées au système métrique, Toulouse, 1839.

36 V. Fons, Les usages locaux... de la Haute-Garonne, Toulouse, 1845, pp. 205-226.

37 A.D. Gers, dossiers archéologiques non cotés : enquête administrative, 1854. Ces dossiers sont organisés par commune, puis regroupés par cantons. Abadie de Sarrancolin, L'indicateur des Hautes-Pyrénées, Tarbes, 1856. C. Picamilh a publié un ouvrage avec des informations similaires : Statistique des Basses-Pyrénées, Pau, 1858. Nous avons espéré retrouver les mêmes enquêtes pour les départements du Lot et du Tam-et-Garonne, mais jusqu'ici nos recherches sont restées infructueuses.

38 A.D. Haute-Garonne, Br 4° : monographies communales d'instituteurs, 1885. Il y en a environ 500, mais les informations données par chaque maître d'école ne sont pas toujours complètes.

39 J.-P. Bove vient de soutenir un mémoire de maîtrise à l'Université de Pau portant sur les monographies communales des Hautes-Pyrénées. Je voudrais le remercier chaleureusement, car il a eu la gentillesse de me faire parvenir ses documents de travail sur la fréquentation des marchés bigourdans. J'ai utilisé surtout les renseignements concernant les communes attirées vers les marchés de Montréjeau.

40 J.-P. Bove, mémoire de maîtrise.

41 Aire primaire = premier marché nommé. Aire secondaire = ensemble des autres marchés nommés.

42 A.D. Aude, L 528 ; A.D. Haute-Garonne, L 2297, L 2299.

43 A.D. Tarn-et-Garonne, M 680.

44 Archives municipales de Toulouse, 4 F 66.

45 V. Fons, Les usages locaux... de la Haute-Garonne, 1845.

46 J.-C. Claverie, Cadres spatiaux de la vie de relation dans le Sud-Ouest de la France durant la première moitié du XIXe siècle, Revue géographique de l’Est, t. 13, no 3, 1973, p. 338.

47 Ibid., p. 348.

Table des illustrations

Titre TABLEAU 4. NOMBRE DE LIEUX DE MARCHÉ PAR PÉRIODE
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/17331/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 49k
Titre MIDI-PYRENEES VILLES ET COURS D'EAU
Légende Cartographie : J. BUOSI
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/17331/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 228k
Titre TABLEAU 5. DENSITÉ DES MARCHÉS PAR ARRONDISSEMENT ET PAR DÉPARTEMENT, 1849 (par 100 km2)
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/17331/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 163k
Titre TABLEAU 6. LES FOIRES24
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/17331/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 147k
Titre TABLEAU 8. LA DENSITÉ DES FOIRES VERS 1900 PAR ARRONDISSEMENT (par 100 km2)
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/17331/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 155k
Titre TABLEAU 9. AIRES DE MARCHÉ, HAUTE-GARONNE ET GERS, XVIIIe ET XIXe SIÈCLES
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/17331/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 204k
Titre LES MARCHES DE MIDI-PYRENEES VERS 1850 DANS LEUR CONTEXTE CANTONAL
Légende Cartographie : J. BUOIS
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/17331/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 297k
Titre Les zones d'influence des marchés du diocèse civil de Rieux et de l'élection de Comminges vers 1740
Légende Source : AD H-G (C 1925, w Mi 168)Cartographie : J. THOMAS-J. BUOSI
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/17331/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 339k
Titre Les zones d'influence des marchés de la Haute-Garonne vers 1885
Légende Source : AD H-G – Monographies communales d'instituteurs (BR 4)Cartographie : J. THOMAS – J. BUOSI
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/17331/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 213k
Titre Les zones d'influence des marchés de l'élection d'Armagnac vers 1740
Légende Source : AD Gers (C76)Cartographie : J. THOMAS – J. BUOSI
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/17331/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 219k
Titre Les zones d'influence des marchés du Gers vers 1850
Légende Source : AD Gers – Enquêtes administratives, non classées.Cartographie : J. THOMAS-J. BUOSI
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/17331/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 237k
Titre Les zones d'influence des marchés des Hautes-Pyrénées vers 1850
Légende Source : Abadie de Sarrancolin, L'indicateur des Hautes-Pyrénées, Paris, 1856.Cartographie : J. THOMAS – J. BUOSI
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/17331/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 213k
Titre FOIRES DE L'ARIEGE
Légende Cartographie : A. THOMAS – J. BUOSI
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/17331/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 307k
Titre FOIRES DE L'AVEYRON
Légende Cartographie : A. THOMAS – J. BUOSI
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/17331/img-14.jpg
Fichier image/jpeg, 335k
Titre FOIRES DE LA HAUTE-GARONNE
Légende Cartographie : A. THOMAS – J. BUOSI
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/17331/img-15.jpg
Fichier image/jpeg, 350k
Titre FOIRES DU GERS
Légende Cartographie : A. THOMAS – J. BUOSI
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/17331/img-16.jpg
Fichier image/jpeg, 426k
Titre FOIRES DU LOT
Légende Cartographie : A. THOMAS – J. BUOSI
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/17331/img-17.jpg
Fichier image/jpeg, 381k
Titre FOIRES DES HAUTES-PYRENEES
Légende Cartographie : A. THOMAS – J. BUOSI
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/17331/img-18.jpg
Fichier image/jpeg, 302k
Titre FOIRES DU TARN
Légende Cartographie : A. THOMAS – J. BUOSI
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/17331/img-19.jpg
Fichier image/jpeg, 385k
Titre FOIRES DU FUTUR DEPARTEMENT DU TARN ET GARONNE
Légende Cartographie : A. THOMAS – J. BUOSI
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/17331/img-20.jpg
Fichier image/jpeg, 380k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de caractères.
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search