Version classiqueVersion mobile

Vicomtes et vicomtés

 | 
Hélène Débax

Vicomtes et vicomtés dans le nord de la France (xie-xiiie siècles) : Un monde d’officiers au service du pouvoir princier

Jean-François Nieus

Texte intégral

1L’institution vicomtale présente dans l’aire septentrionale un visage radicalement différent de celui (ou de ceux) qu’elle affiche dans le centre et le sud de la France. On n’y trouve pas de lignées aristocratiques qui seraient parvenues à développer une puissance autonome, éventuellement inscrite dans un territoire aux arêtes bien nettes, au départ d’une charge vicomtale aux origines carolingiennes ou post-carolingiennes plus ou moins assurées. Tous les « vicomtes » actifs dans le nord de la France au Moyen Âge central appartiennent peu ou prou à un univers d’officiers qui font carrière au service des autorités princières. Et lorsqu’une « vicomté » leur est associée, il s’agit au mieux de la circonscription administrative dans laquelle ils opèrent, ou simplement de l’ensemble des droits et des revenus dont la gestion leur a été confiée. Il n’est pas question de continuité institutionnelle avec les vicomtes carolingiens, mais bien, comme nous allons le voir, d’un prolongement de la conception carolingienne de la charge vicomtale.

  • 1 Voir les notes en annexe 1 et la carte en annexe 2
  • 2 Voir l’annexe 3 (« Des vicomtes en Flandre ? »).

2La pointe septentrionale de la vieille Francia occidentalis fournit un cadre intéressant pour cette enquête dans les rouages du « gouvernement féodal », car elle comprend à la fois une principauté très forte – le comté de Flandre – et une mosaïque de comté secondaires plus ou moins vivaces, implantés à la périphérie méridionale de cette dernière1. La gamme des autorités comtales en présence offre donc de la variété. Toutes ne sont pas environnées d’auxiliaires parés de la titulature vicomtale. Celle-ci ne se rencontre d’ailleurs que marginalement à l’intérieur du comté de Flandre, divisé après l’an mil en « châtellenies » dirigées par des « châtelains » (castellani) comtaux2. C’est au sud de l’espace flamand, en Artois occidental et en Picardie, qu’elle a prospéré : dans les comtés de Boulogne, Guînes, Saint-Pol et Hesdin à la lisière immédiate de la Flandre, dans les comtés de Ponthieu et d’Amiens ensuite, sur les confins – ou presque – du duché de Normandie, haut lieu bien connu de l’institution vicomtale, qui a certainement exercé une influence décisive. Plus à l’est, en revanche, dans le Cambrésis et en Vermandois, les vicomtes sont absents. Leur diffusion géographique offre donc un spectacle relativement contrasté.

  • 3 La totalité des notes a été reportée en annexe 1.
  • 1 P. Feuchère, « Vicecomes et vicecomitatus en Artois aux XIe et XIIe siècles », Bulletin trimestriel (...)
  • 2 Ibid., p. 503.
  • 3 Ces compétences de nature judiciaire, telles que les énumère R. Fossier, sont en gros celles qui re (...)
  • 4 R. Fossier, La terre et les hommes en Picardie jusqu’à la fin du XIIIe siècle, Paris-Louvain, 1968, (...)

3Du reste, les vicecomites que l’on recense dans ces territoires n’ont certainement pas tous des origines communes, ni même des fonctions similaires, ni enfin des destinées parallèles. Ils constituent au final un objet d’étude rétif à la synthèse, auquel peu d’historiens se sont frottés. Il faut surtout signaler P. Feuchère et R. Fossier, qui se sont l’un et l’autre efforcés de mesurer l’originalité de la fonction vicomtale par rapport à l’office de châtelain, auquel on l’a parfois assimilée. P. Feuchère3, dans une rapide étude limitée aux vicomtes de l’espace artésien, refuse toute assimilation des vicomtes à des châtelains : ils auraient été tantôt (en Flandre) les subalternes de ceux-ci, tantôt (dans les petits comtés voisins) des « agents aux pouvoirs identiques à ceux des vicomtes carolingiens » en matière de police du territoire et de justice1. Cette tentative d’analyse différenciée avorte néanmoins quand l’auteur rejette pêle-mêle tous les vicomtes du nord de la France dans une « classe nettement inférieure dans la hiérarchie administrative », inférieure même à celle des vicomtes de la Normandie ducale2. R. Fossier, dans sa thèse sur la Picardie médiévale, ne s’encombre pas de nuances : pour lui, les vicomtes et les châtelains qui se côtoient dans l’espace picard relèvent d’un même groupe d’agents subalternes du pouvoir comtal, compétents dans le domaine de la justice de sang, de la répression des vols et de la police des routes3, et par ailleurs gardiens des forteresses comtales. La différence entre les uns et les autres se résumerait en définitive à « une question de vocabulaire4 ». En réalité, il ne faut pas longtemps pour se rendre compte que P. Feuchère et R. Fossier ont lourdement sous-estimé la diversité des situations locales : la nature de la charge vicomtale et les rapports de ses titulaires avec l’autorité comtale varient considérablement d’un contexte institutionnel à l’autre. Tel vicecomes est un officier aulique de premier plan, tel autre un modeste agent de recette domaniale…

4Les dossiers doivent donc être repris un à un, groupés par régions et par niveaux de pouvoir, pour éviter l’écueil de la généralisation abusive tout en s’efforçant quand même de dégager les traits communs à plusieurs administrations comtales. La tâche sera rude, il est vrai, tant les sources, qu’elles soient littéraires ou diplomatiques (chichement comptées dans le Nord avant le plein XIIe siècle !), rechignent à dévoiler le fonctionnement des institutions laïques.

LES VICOMTES DES CITÉS ÉPISCOPALES

5Commençons par deux cas un peu hors norme. À Amiens comme à Thérouanne, les chefs-lieux des deux diocèses qui recouvrent à peu près le cadre géographique de cette étude, les sources de la fin du XIe siècle ont gardé le souvenir ténu de personnages revêtus du titre de vicomte. Les maigres données relatives à leurs prérogatives semblent trahir une similitude entre leurs charges. Avons-nous affaire à un même type de fonction vicomtale ? Le rang des lieux où celle-ci s’exerce accréditerait-il éventuellement une origine carolingienne ? Les rares informations disponibles doivent être maniées avec prudence.

Amiens

  • 5 J. Roux et R. Soyer, Cartulaire…, p. 14-15, no 9.
  • 6 La succession des comtes d’Amiens à la fin du XIe siècle est pleine d’incertitudes. Selon une hypot (...)
  • 7 L’acte, connu à travers des copies de cartulaires, indique que l’objet doit être restitué comiti, m (...)

6Un seul acte, curieux à maints égards, témoigne de l’existence d’une charge vicomtale à Amiens au XIe siècle. Issu des archives de la cathédrale, il remonte au début des années 10905. Ses auteurs, deux personnages nommés Guy et Yves, qui se disent l’un et l’autre comtes d’Amiens6, s’accordent pour redéfinir les pouvoirs des vicomtes, sur les instances de l’évêque, des archidiacres et des primores urbis. Leur intention affichée est de répondre aux doléances du peuple d’Amiens, oppressé par les vicomtes « comme le peuple d’Israël opprimé en Égypte par les exacteurs de Pharaon » ; le ton général du document rappelle l’atmosphère des assemblées de paix. Le décret comtal vise deux attributions bien précises du vicomte. L’une est la justice des vols, le furtum : l’intéressé ne pourra dorénavant se saisir des accusés sans plainte préalable, et n’infligera plus d’amende supérieure à trois livres. L’autre paraît bien anodine. C’est le « droit d’épave », l’inventio d’un bien enfoui ou abandonné : le vicomte ne pourra accuser quelqu’un de dissimuler une trouvaille s’il n’a pas de témoins pour étayer son accusation, et, le cas échéant, recevra un maximum de trois livres en plus de la restitution de l’objet7. Chose étrange, alors que le préambule évoque les exactions des vicomtes, il est question du vicomte dans le dispositif. On envisage toutefois le cas où plusieurs vicomtes seraient en fonction (si autem plures vicecomites in loco fuerint), en spécifiant qu’un seul d’entre eux bénéficiera de l’amende.

  • 8 R. Fossier, La terre…, t. 2, p. 495.
  • 9 P. Feuchère, « Une tentative manquée de concentration territoriale entre Somme et Seine : la princi (...)
  • 10 Voir R. Kaiser, Bischofsherrschaft zwischen Königtum und Fürstenmacht. Studien zur bischöflichen St (...)

7R. Fossier a suggéré que cette action concertée des deux comtes d’Amiens visait à cantonner l’un d’eux en position de vicomte8, mais aucun élément ne plaide en faveur de cette hypothèse. Même si l’identité du (ou des) titulaire(s) de la charge vicomtale reste mystérieuse, il est clair que celle-ci était aux mains de tierces personnes qui en usaient pour rançonner les habitants d’Amiens. Le retrait du comte d’Amiens Simon de Crépy en 1077 avait créé un vide du pouvoir propice à ce genre de dérive : l’effondrement de l’autorité comtale profitait bien sûr au roi et à l’évêque d’Amiens, mais laissait aussi le champ le libre aux ambitions locales du vidame, du châtelain et de leurs semblables9. Ces dernières fonctions et les familles qui les tenaient sont bien connues à partir du deuxième tiers du XIe siècle10. Le contraste est grand avec la charge vicomtale, dont on ne sait ce qu’elle devient après les années 1090. Il apparaît seulement qu’elle est de nature judiciaire, nous venons de le voir, et qu’elle s’exerce en théorie dans tout le comté d’Amiens, puisque les mesures édictées par les comtes Guy et Yves s’appliquent aux droits des vicomtes in urbe et extra urbem in toto comitatu Ambianensi. L’adéquation du ressort vicomtal au vieux comté d’Amiens permet de supputer une origine ancienne de la fonction. Néanmoins, comme ce sont surtout les autorités de la cité qui réclament le décret comtal, on peut penser qu’au XIe siècle finissant, le rayon d’action du vicomte était de facto réduit à la ville d’Amiens.

Thérouanne

  • 11 Le concernant, voir aussi J.-F. Nieus, « Vicomte et avoué : les auxiliaires laïcs du pouvoir épisco (...)
  • 12 P. Feuchère, « Vicecomes… », p. 498-499 ; E. Warlop, De Vlaamse adel vóór 1300, t. 1, Handzame, 196 (...)
  • 13 Le registre de Lambert, évêque d’Arras (1093-1115), éd. et trad. C. Giordanengo, Paris, 2007, p. 38 (...)

8Le vicomte de Thérouanne, lui, n’est pas anonyme11. Un certain Robertus vicecomes apparaît dans l’entourage de l’évêque entre 1072 et 1097 environ. Le personnage a été identifié à Robert Ier, seigneur de Crecques, une localité située à faible distance de Thérouanne en direction d’Aire-sur-la-Lys12. Son titre vicomtal n’est jamais associé à un prédicat géographique, mais le lien avec la cité épiscopale est établi dans une lettre adressée par l’évêque Lambert d’Arras à la comtesse de Flandre vers 1097 : le prélat, relayant l’inquiétude de l’archevêque de Reims, se plaint des agissements de Robert, qui ne cesse d’opérer des coups de main contre les possessions des religieux de Thérouanne au départ de la munitio – entendons le château de Crecques – où il est retranché13.

  • 14 Th. Duchet et A. Giry, Cartulaires de l’église de Térouane, Saint-Omer, 1881, p. 303-305, no 348. L (...)
  • 15 Une clause de l’accord stipule en effet que les citations à comparaître (bannitiones) émanant du pr (...)
  • 16 L’évêque s’approprie ceux qui sont découverts sous terre.

9Ses descendants ne semblent plus porter le titre vicomtal, mais on en retrouve la trace dans un acte du milieu du XIIIe siècle qui dévoile tardivement la nature des rapports entre les seigneurs de Crecques et le pouvoir épiscopal. Le document, rédigé vers 1247, notifie un accord qui met fin à un conflit touchant les droits que Robert V de Crecques (1246-1267) tient en fief de l’évêque14. Ces droits, visiblement grignotés par le prévôt et l’échevinage épiscopal, sont de nature surtout judiciaire : l’héritier lointain du vicomte Robert – qui s’accroche encore au titre, dirait-on15 – perçoit la moitié dans amendes sur le territoire de la cité, emprisonne les gens accusés de vol ou d’autres crimes passibles de mort, est responsable de leur jugement par l’échevinage épiscopal et de l’exécution de leur peine, et assure en particulier le maintien de l’ordre durant les périodes de foire. Enfin, à ces attributs de justice et de police vient s’ajouter un droit d’épave, comme à Amiens : la moitié des objets trouvés sur le sol sont attribués au seigneur de Crecques16.

  • 17 H. Van Werveke, Het bisdom Terwaan van den oorsprong tot het begin der veertiende eeuw, Gand-Paris, (...)
  • 18 H. Van Werveke, Het bisdom…, p. 87-95.
  • 19 Directement, ou par l’intermédiaire de la lignée cadette issue d’Adalolfe, fils de Baudouin II.

10Répression des vols, jouissance du droit d’épave : le contenu de la charge vicomtale se ressemble d’une cité épiscopale à l’autre. Certes, le vicomte d’Amiens tient son pouvoir du comte, tandis que celui de Thérouanne est l’agent et le vassal de l’évêque. Le vicomte de Thérouanne n’est-il pour autant qu’un châtelain épiscopal paré d’un titre inattendu ? C’est l’opinion d’H. Van Werveke, qui a rapproché ses compétences de celles du châtelain de l’évêque de Noyon au XIIIe siècle17. Mais le prélat de Thérouanne dispose par ailleurs d’un avoué qui lui sert aussi de bras temporel18. À titre d’hypothèse, on verrait plutôt dans le vicomte local un vestige de l’administration mise place par les premiers comtes de Flandre dans les pagi de Boulogne et Thérouanne quand ils les contrôlaient encore19, c’est-à-dire dans le courant du Xe siècle.

  • 20 M. Bur, La formation du comté de Champagne, vers 950- vers 1150, Nancy, 1977, p. 443-445 ; A. Saint (...)

11Parmi les vicomtes étudiés, ceux d’Amiens et de Thérouanne sont les seuls auxquels on puisse prêter une origine reculée. Après l’effacement du pouvoir comtal dont ils procédaient, forts de leur position, ils ont tenté de maintenir une présence à l’intérieur de la cité épiscopale, tout en s’assurant au dehors un enracinement fondé sur le contrôle d’un château. Mais la concurrence d’autres officiers choisis par les évêques a sans doute eu raison de leurs ambitions. Cette persistance molle de lignées vicomtales a été observée dans d’autres cités épiscopales de la province de Reims, comme à Laon et Reims20 ; on pressent des évolutions parallèles, masquées par les défauts de la documentation.

LES VICOMTES DU PONTHIEU : LA MARQUE NORMANDE

  • 21 Sur l’origine des comtes de Ponthieu, voir en dernier lieu P. Bauduin, La première Normandie…, p. 2 (...)
  • 22 Ibid., p. 285-318.

12Le comté de Ponthieu a beau voisiner avec celui d’Amiens, l’institution vicomtale y offre une physionomie toute différente : nous pénétrons ici de plain-pied dans l’univers d’administrateurs évoqué en introduction. Le pouvoir comtal y est aussi beaucoup plus solide : c’est une lignée vigoureuse, issue des châtelains mis en place à Abbeville par Hugues Capet à la fin du Xe siècle, qui gouverne ce secteur stratégique de la façade maritime picarde21. Les comtes de Ponthieu ont très tôt divisé leur territoire en circonscriptions administrées par des vicomtes étroitement subordonnés à leur autorité. Cette organisation est clairement inspirée des institutions normandes. On ne s’en étonnera pas, dans la mesure où le Ponthieu, de par sa position géographique, a connu une forte influence de la Normandie ducale dès le début du XIe siècle22.

  • 23 Il y a un demi-siècle, M. de Boüard, « Le duché de Normandie », dans Histoire des institutions fran (...)
  • 24 À l’exception des vicomtes de Reims, il faut sans doute ajouter celle des vicomtes de Clefmont, aux (...)
  • 25 M. Bur, La formation…, p. 442-452.
  • 26 Ibid., p. 451-452.

13Il convient donc de faire un bref rappel concernant les vicomtes normands23. Dès la fin du Xe siècle semble-t-il, en tout cas au seuil du XIe siècle, un réseau de vicomtes, ordinairement responsables d’un ancien pagus (transformé en vicecomitatus, mot présent dans les actes dès les années 1020), forme la colonne vertébrale de l’administration ducale. Ces vicomtes sont en général issus de l’aristocratie, et l’on constate une nette tendance à la patrimonialisation de la charge et de ses revenus. Mais la vicomté gardera toujours le caractère d’une fonction, éventuellement confiscable en cas d’opposition à la politique ducale. Les titulaires exercent d’amples pouvoirs au nom du prince. Leurs compétences sont à la fois d’ordre économique, judiciaire et militaire : perception des revenus ducaux à l’intérieur de la vicomté, exercice de la justice de sang, garde de certaines forteresses ducales. Ce n’est qu’après le milieu du XIIe siècle que les vicomtes normands verront leurs prérogatives décroître au profit d’autres officiers (dont les baillis), et tendre à se limiter progressivement aux opérations financières. La réussite de l’institution vicomtale normande en a fait un modèle évident pour d’autres principautés septentrionales, au nombre desquelles, selon M. Bur, il faudrait même compter la Champagne. Alors que les vicomtes d’origine carolingienne avaient pratiquement disparu de l’espace champenois au Xe siècle24, des vicecomites d’un genre nouveau sont réapparus après 1080 dans les principales localités du comté (une douzaine à la fin du XIIe siècle)25. À l’instar de leurs collègues normands, ce sont de vrais agents de l’autorité comtale, qui n’échapperont pas à son contrôle en dépit d’une patrimonialisation difficilement évitable. Leurs principales fonctions semblent en fait liées à l’encadrement de l’essor commercial champenois à la fin du XIe siècle : ils ont juridiction sur les marchés, les locaux à usage commercial et les grands chemins, et sont rémunérés avec une part des taxes de péage, de tonlieu et de mesurage. Pour M. Bur, cet office vicomtal, de nature avant tout financière donc, résulterait « sinon d’un emprunt direct, du moins d’une adaptation de la vicomté normande au milieu champenois ». La comtesse Adèle d’Angleterre, fille de Guillaume le Conquérant, pourrait avoir favorisé cette innovation après son mariage avec le comte Étienne-Henri en 108426.

  • 27 Voir C. Brunel, Recueil des actes des comtes de Pontieu (1026-1279), Paris, 1930, en consultant l’i (...)
  • 28 Diplôme inséré dans Hariulf, Chronicon Centulense, IV, 7, éd. F. Lot, Chronique de l’abbaye de Sain (...)
  • 29 Montreuil-sur-Mer (dép. Pas-de-Calais, ch.-l. arr.) : R. Rodière, « Essai sur les prieurés de Beaur (...)
  • 30 C. Brunel, Recueil…, p. 209-210, no 139 (septembre 1195) ; p. 255-256, no 166 (avril 1205) ; p. 258 (...)
  • 31 Voir l’opuscule de G. de Lhomel, La vicomté…, qui évoque la substance et la destinée de cette vicom (...)

14Il n’en fallait pas tant pour les comtes de Ponthieu, témoins directs des progrès la fonction vicomtale normande. Les vicomtes du Ponthieu sont attestés à partir de l’extrême fin du XIe siècle dans les chartes comtales, qui constituent notre principale source d’information sur le sujet27, mais commencent seulement à devenir plus nombreuses à cette époque. La présence, parmi les témoins d’un diplôme royal de 1035 pour Saint-Riquier, d’un Godefridus vicecomes placé juste derrière le comte Enguerran Ier et son fils Hugues témoignerait de la précocité de la charge vicomtale en Ponthieu28. Les premières mentions s’égrènent ensuite jusqu’à la fin du XIIe siècle, désignant successivement Montreuil-sur-Mer (1095), Abbeville (actes de [1053-1100] et 1100), Rue (1100 ; à ce moment, il y a un seul vicomte pour Montreuil et Rue), Domart (début du XIIe siècle ?), Doullens (1139), Canchy (1147), Pont-Remy (1184), Crécy (1186) et Waben (1199) comme sièges de vicomté29. Le vicecomitatus en tant que circonscription – ou du moins en tant que cadre de perception des revenus comtaux – n’apparaît dans la documentation qu’à la fin du XIIe siècle30, mais l’attache géographique des vicomtes est régulièrement mentionnée depuis 1100. Les lieux où les vicomtes sont en poste correspondent aux principaux points d’ancrage du pouvoir comtal, tant à l’intérieur du comté que sur ses frontières. Domart et Doullens, en particulier, sont des postes avancés face au comté d’Amiens. Le port de Montreuil, au nord, est passé sous le contrôle des rois de France à la fin du Xe siècle, mais les comtes de Ponthieu y conservent un château et une série de droits et revenus gérés par leur vicomte local31.

  • 32 La lignée vicomtale de Doullens a été étudiée par Th. Lefèvre, « Histoire des communes rurales du c (...)

15La charge vicomtale en Ponthieu présente un visage très « moderne ». Les indices d’hérédité dans les rangs de ses titulaires sont des plus ténus : à l’exception des vicomtes de Doullens dans la première moitié du XIIe siècle32, ce sont des individus sans lien connu entre eux qui se succèdent dans la fonction. Si on leur trouve parfois une assise patrimoniale au sein de leur circonscription (indice probable d’un recrutement local), ils n’ont cependant jamais développé une autorité personnelle : ils sont et restent des servientes comtaux jusqu’au bas Moyen Âge. Ce succès institutionnel des comtes de Ponthieu a bien sûr été facilité par la petite taille de leur territoire. Contrairement à leurs collègues normands, les vicomtes du Ponthieu n’administrent pas un pagus entier, mais seulement une fraction de l’ancien pagus Pontivensis, soit l’équivalent d’une petite châtellenie.

  • 33 Voir, par exemple, C. Brunel, Recueil…, p. 127-129, no 90 (1175) ; p. 157-166, no 109 (9 juin 1184) (...)
  • 34 C. Brunel, Recueil…, p. 108-109, no 72 (4 décembre 1170) ; p. 264-265, no 172 (mars 1205 ou 1206) ; (...)
  • 35 Ibid., p. 575-576, no 419 (27 juin 1261) : […] et vicecomes noster qui vicecomitatum nostrum [de Ru (...)
  • 36 A. Janvier et C. Bréart, Étude…, p. 80.

16Les attributions des vicomtes du Ponthieu, telles qu’on les devine à travers actes comtaux, sont essentiellement judiciaires et financières. Ils répriment les vols, contrôlent le déroulement des duels, effectuent les arrestations et les saisies pour dettes, tranchent parfois les litiges fonciers ; ils interviennent aussi dans la police des marchés, comme en Champagne. Les chartes de franchises de la fin du XIIe siècle dessinent un partage de ces compétences avec les instances communales33. Plus nombreux sont les documents qui dévoilent leurs activités financières. Les vicomtes veillent à la bonne perception des revenus comtaux à l’intérieur de la vicomté, qui s’impose définitivement comme cadre de recette domaniale au tournant des XIIe et XIIIe siècles. Ils assurent le paiement des multiples rentes assignées sur elle, aussi bien en argent qu’en nature34. L’affermage de certaines vicomtés est une réalité au milieu du XIIIe siècle (et sans doute déjà plus tôt), ce qui montre bien la couleur économique du découpage administratif35. Il faut aussi supposer que les vicomtes du Ponthieu ont des responsabilités militaires, bien qu’elles soient difficiles à détecter dans les sources. Des châteaux comtaux existent en effet dans la plupart des chefs-lieux de vicomté, et l’on ne voit pas quel autre officier aurait été chargé de leur surveillance. On relève qu’à Domart, au bas Moyen Âge, le vicomte tient encore le donjon de la forteresse en fief36.

17La fonction vicomtale en Ponthieu présente donc de grandes ressemblances avec son modèle normand. L’originalité réside surtout dans son acclimatation à l’intérieur d’un cadre territorial réduit, qui a donné aux maîtres du Ponthieu l’opportunité d’un contrôle plus strict encore que celui exercé par les ducs.

LES VICOMTES DES COMTÉS FRONTALIERS DE LA FLANDRE

  • 37 Voir J.-F. Nieus, « Aux marges de la principauté : les ‘comtés vassaux’ de la Flandre, fin Xe-fin X (...)

18On rencontre ensuite des vicomtes dans les petits comtés qui font écran entre le Ponthieu et la Flandre : Boulogne, Guînes, Saint-Pol et Hesdin. Hormis le premier qui est l’héritier direct du pagus du même nom, ces comtés n’ont pas d’origines carolingiennes, puisqu’ils sont nés du démembrement de l’ancien pagus de Thérouanne après l’an mil37. Leurs détenteurs se sont pourtant entourés d’auxiliaires ornés du titre de vicomte, préférant donc la terminologie « normande » en usage dans le Ponthieu à celle adoptée par les comtes de Flandre. Ces nouveaux vicomtes présentent au premier abord un profil commun d’officier héréditaire, unique lieutenant comtal à l’échelle du comté (certes parfois guère plus grand qu’une vicomté du Ponthieu ou qu’une châtellenie flamande !), possessionné plutôt à la périphérie de celui-ci, mais bien intégré dans l’aristocratie régionale. Cette uniformité de façade doit toutefois être nuancée à la lumière d’un examen approfondi de la situation dans chaque comté.

Saint-Pol

  • 38 Déjà étudié précédemment : id., Un pouvoir comtal entre Flandre et France : Saint-Pol, 1000-1300, B (...)
  • 39 Sur une douzaine de mentions du vicomte Raimbaud, deux comportent le prédicat géographique accolé a (...)
  • 40 Concernant le sénéchal « de Ternois », voir id., Un pouvoir…, p. 373-381.

19Commençons par le cas de figure saint-polois38. Un « vicomte de Saint-Pol » nommé Raimbaud émerge dans les années 114039, quand les chartes des comtes locaux commencent enfin à se multiplier – avec beaucoup de retard, n’en doutons pas, sur la naissance de l’office vicomtal lui-même. Le personnage occupe visiblement une position de premier plan dans l’entourage comtal, puisqu’il est souvent cité en tête des « barons » saint-polois qui jouent le rôle de témoins dans les actes. À deux reprises, on le voit aussi assurer la promulgation de l’acte, comme s’il remplissait la fonction de chancelier. Sa carrière semble avoir pris fin à la mort du comte Anselme Candavène (1144-1164), et bien que son fils Alard lui ait succédé officiellement dans sa charge, ce dernier ne jouera apparemment plus aucun rôle à la cour comtale. Tout porte à croire qu’après la disparition de Raimbaud, les attributions du vicomte ont été absorbées par le sénéchal, qui apparaît dans les années 1160 et devient rapidement le principal officier de l’administration comtale40. La dernière occurrence du vicomte prend place en 1232 : un certain Adam Belleta est cité dans un acte passé à Saint-Pol en qualité de vicecomes eiusdem castelli.

20Quelques indices permettent de jauger le niveau socio-économique de Raimbaud et de son fils Alard. L’apparente modestie de leurs noms simples ne doit pas induire en erreur. Ils n’appartiennent peut-être pas aux vieilles familles nobles du comté, mais présentent tout de même des signes de prospérité et d’insertion dans le groupe aristocratique saint-polois. Ils sont bien implantés dans la zone frontalière au nord-est de Saint-Pol, où ils possèdent terres, dîmes et droits de vicecomitatus (une seule occurrence dans le corpus) dans quelques villages. Leurs donations en faveur des cisterciens et des chanoines réguliers ressemblent à celles des autres familles bien nées. Raimbaud a ses propres vassaux et, répétons-le, occupe manifestement un rang éminent à la cour comtale. On peut difficilement voir en lui un subalterne de condition modeste. Néanmoins, l’obscurité documentaire dans laquelle retombent ses descendants, à commencer par son fils Alard, trahit peut-être la fragilité d’une ascension trop étroitement liée au service comtal.

  • 41 Voir ibid., p. 60, 74-92 et 216-238.
  • 42 Concernant ces châtelains, voir ibid., p. 392-393.

21Un doute subsiste sur la nature de la charge vicomtale elle-même. Le vicomte de Saint-Pol est-il, à l’image de ses devanciers carolingiens, un substitut comtal dont l’autorité s’exerce sur tout le comté, ou au contraire, un agent local semblable aux vicomtes du Ponthieu ou aux châtelains flamands ? Si l’on tient compte de la mention du vicecomes castelli en 1232, la seconde possibilité doit être retenue. Mais si l’on en croit les données relatives à Raimbaud (et l’hypothèse de l’éviction de son fils au profit du sénéchal), c’est la première option qui paraît devoir s’imposer. Le problème est insoluble, sauf si l’on admet que l’office a subi entre 1160 et 1230 un glissement qui l’a fait passer du niveau central au niveau local de l’administration. Il faut savoir que le territoire contrôlé par les comtes de Saint-Pol s’est fortement dilaté dans la première moitié du XIIe siècle : au comté primitif, avec Saint-Pol pour seul château majeur, se sont ajoutées plusieurs châtellenies situées en Artois et en Amiénois41. Si le ressort du vicomte n’a pas été adapté à cette nouvelle réalité, celui-ci, confiné dans l’ancien comté (on parlera de la « châtellenie de Saint-Pol » au XIVe siècle), s’est retrouvé de facto sur un pied d’égalité avec les châtelains en poste dans les territoires annexés42.

Guînes

  • 43 D. Haigneré, Dictionnaire historique et archéologique du département du Pas-de-Calais. Arrondisseme (...)
  • 44 Lambert d’Ardres, Historia comitum Ghisnensium, c. 65-67, 133 et 144, éd. J. Heller, dans Monumenta (...)
  • 45 Ibid., c. 133, p. 627-628.
  • 4 Voir l’annexe 4 (« Généalogie des vicomtes de Guînes, seigneurs de Markene »).

22On trouve également dans le comté de Guînes une lignée de vicomtes héréditaires qui, eux, ne se disent jamais « de Guînes », mais dont la fortune est bel et bien liée au service des dynastes locaux. Il s’agit des vicomtes de Markene (aujourd’hui Saint-Tricat), du nom de la seigneurie qu’ils possédaient au nord-ouest de Guînes43. Chose rare, ces officiers sont correctement documentés dès la fin du XIe siècle, à la fois grâce aux chartes des comtes de Guînes et à la célèbre Histoire des comtes de Guînes et des seigneurs d’Ardres composée vers 1200 par le prêtre Lambert d’Ardres. Celui-ci s’intéresse aux vicomtes locaux dans la mesure où l’un d’eux a recueilli la seigneurie d’Ardres (la plus importante seigneurie châtelaine du comté de Guînes) par mariage dans les années 1140, et l’a ensuite transmise aux comtes de Guînes en donnant la main de son unique héritière au futur Baudouin II (1169-1206)44. Le chroniqueur rappelle qu’« il y eut autrefois à Markinium un vicomte », appelé Élembert, qui exerçait sa fonction auprès du comte de Guînes, cuius vices in absencia comitis agebat et inde nomen habebat45. Lambert n’a visiblement pas d’idée précise des attributions de l’ancien vicomte, puisqu’il se retranche derrière une sorte d’étymologie du titre vicomtal. En revanche, les mentions diplomatiques corroborent le schéma de parenté qu’il reconstruit autour de cet Elembertus vicecomes et de ses enfants4. Cité dans l’entourage des comtes de Guînes entre 1080 environ et 1124, le personnage a été successivement remplacé par ses fils Élembert « II » dit Païen, Eustache et Arnoul, lequel deviendra aussi seigneur d’Ardres vers 1147, à la mort de son beau-frère Baudouin d’Ardres en Orient.

  • 46 D. Haigneré, Les chartes de Saint-Bertin d’après le grand cartulaire de Dom Charles-Joseph Dewitte,(...)
  • 47 Guillaume d’Andres, Chronica Andrensis, éd. L. d’Achery, Spicilegium sive collectio veterum aliquot (...)
  • 48 Hormis ses mentions sans titre vicomtal (S. Elemberti de Marcenes) dans deux actes épiscopaux de 10 (...)
  • 49 Elle est utilisée à propos de la vicomtesse Emma en 1097/1108 (Guillaume d’Andres, Chronica…, p. 79 (...)

23Le vicomte Élembert et ses fils entretiennent des rapports étroits avec les maîtres de Guînes. Ils fréquentent assidûment la curia des comtes Baudouin Ier (av. 1065-1083/84) et Manassès (1083/84-1137/40), et sont donc des témoins réguliers de leurs chartes, souvent aux côtés du sénéchal. La plus ancienne occurrence d’Élembert le positionne déjà comme un personnage-clé de l’entourage comtal, nommé en tête du groupe des principes castelli réunis autour de Baudouin Ier à Guînes46. Quand ce dernier fonde l’abbaye d’Andres autour de 1080, il participe activement à la dotation de l’établissement. Les terres cédées par la famille vicomtale se trouvent à Guînes et aux alentours immédiats, ainsi que dans un groupe de villages situés au nord-ouest de Guînes, dans le secteur de Markene47. Soulignons que cet ensemble patrimonial, pour cohérent qu’il soit, ne constitue pas une vicomté territorialisée. Le mot n’apparaît pas. Élembert n’est même jamais associé à un nom de fief en un demi-siècle48 : il ne porte que le titre de sa charge, qui conserve sa signification première. La désignation « vicomte de Markene » ne s’imposera que timidement chez ses successeurs, sans autre but que de situer les intéressés par rapport à leur terre principale49. La fonction vicomtale reste donc dans l’ombre du pouvoir comtal.

  • 50 Lambert d’Ardres, Historia…, c. 52, p. 587.
  • 51 Ibid., c. 66, 132 et 144, p. 593, 627 et 634-635.

24Ses détenteurs ne sont cependant pas d’obscurs subalternes, loin de là. La position personnelle d’Élembert à la curia et la qualité de son patrimoine sont déjà les indices de sa respectabilité. L’énoncé des alliances matrimoniales contractées par les nombreuses filles que lui prête Lambert d’Ardres – on dépend du chroniqueur pour ce pan de la généalogie vicomtale – illustre sa parfaite intégration dans l’aristocratie du comté de Guînes et du comté voisin de Boulogne. Les noces de son fils Arnoul avec Adeline, fille du puissant châtelain d’Ardres, également. Selon Lambert, le vicomte Arnoul a même joué un certain rôle dans le conflit qui a suivi la mort du comte Manassès : son allégeance au futur comte Arnoul Ier (1142-1169) aurait été l’une des dernières grandes étapes de la prise du pouvoir par ce dernier, dans la mesure où beaucoup d’autres notables du comté auraient suivi son exemple50. Quelques années plus tard, ce ralliement opportun vaudra au vicomte de recueillir sans peine la seigneurie d’Ardres au nom de son épouse Adeline51. L’union de sa fille Christine avec le fils aîné d’Arnoul Ier mettra ensuite un comble à la réussite sociale de la famille vicomtale de Markene.

  • 52 Sur les pairs de Flandre, voir E. Warlop, De Vlaamse adel vóór 1300, Handzame, 1968, t. 1, p. 156-1 (...)
  • 53 A. Duchesne, Histoire généalogique des maisons de Guines, d’Ardres, de Gand et de Coucy et de quelq (...)
  • 54 A. Miraeus et J. F. Foppens, Opera diplomatica et historica, Louvain, 1723, t. 1, p. 391 ; Guillaum (...)

25Mais cette réussite est également à l’origine de la disparition du titre. Promu à la tête de la plus belle seigneurie du comté de Guînes, dont la possession faisait aussi de lui un pair de Flandre52, le vicomte Arnoul a vu son horizon s’élargir considérablement. Abandonnant toute référence à Markene après 1147, il se fait appeler « Arnoul d’Ardres », puis, vers 1160 au plus tard, prend la titulature inédite de « vicomte d’Ardres53 », qui ne lui survivra pas. La vicomté semble à ce moment être devenue une parure honorifique, artificiellement rattachée par Arnoul au patrimoine dont il tire sa puissance. Il faut en effet souligner l’émergence contemporaine, dans les chartes des comtes de Guînes, de vicomtes sans rapport avec le lignage de Markene : un dénommé Hugo de Reche vicecomes est cité en 1145 (dans un acte où Arnoul apparaît encore comme vicomte de Markene), puis un certain Guido Rufus vicecomes vers 118054. Ces vicomtes appartiennent manifestement à une nouvelle génération d’agents au service des comtes de Guînes.

Boulogne (et terre de Marck)

26Dans le comté de Boulogne, l’institution vicomtale s’écarte fortement du modèle rencontré à Guînes et Saint-Pol. En effet, pour autant qu’on puisse en juger au départ des archives boulonnaises qui ont beaucoup souffert, elle n’est ni patrimonialisée, ni même centralisée. Mais peut-être faut-il distinguer deux périodes au regard de ce second aspect du problème.

  • 55 Guillaume : D. Haigneré, « Quelques chartes de l’abbaye de Samer, recueillies et publiées avec un c (...)
  • 56 On ne sait s’il faut leur adjoindre un Drogo vicecomes qui s’est défait d’une terre à Éperlecques à (...)
  • 57 P. C. Boeren, Étude…, p. 119, no 10.

27Pendant les trois premiers quarts du XIIe siècle, on voit se succéder auprès des comtes une suite de vicomtes identifiés par un nom simple : Guillaume (en 1107, 1112 et 1113), Eustache (en 1111/19 et 1122), Bernard (en 1125/35, 1141 et 1145) et Thomas (en 1157 et 1169/73)55. Les occurrences nominatives dans les chartes comtales s’interrompent ensuite56. Rien n’indique que ces vicomtes soient apparentés entre eux. Ils paraissent donc occuper leur charge à titre personnel et temporaire. Ils semblent aussi faire partie de « l’administration centrale » du comté, car on les trouve dans l’entourage comtal où ils côtoient des officiers auliques comme le sénéchal, le connétable ou le maréchal. Quant à leurs attributions, les sources n’en illustrent guère que l’aspect judiciaire : en 1125/35, à Desvres, le comte, assisté du vicomte Bernard et du maréchal, reconnaît la liberté de personnes indûment soumises à des charges serviles par les prévôts locaux57.

  • 58 A. Miraeus et J. F. Foppens, Opera…, t. 3, p. 333. Voir aussi H. J. Tanner, Families, friends and a (...)
  • 59 Lille, Arch. départ. Nord, B 1006, no 231 (acte non daté, dont l’auteur se dissimule sous l’initial (...)
  • 60 À propos de Wissant, voir Ph. Grierson, « The relations between England and Flanders before the Nor (...)
  • 61 Paris, Bibliothèque nationale de France, Collection de Picardie, t. 200-201, f   166 r   (acte de l (...)

28Ceci étant, tout porte à croire qu’après 1140, il y a plusieurs vicomtes au service des comtes de Boulogne, et que ces vicomtes sont d’abord des agents financiers locaux. C’est l’époque à laquelle les dynastes boulonnais, influencés par la pratique anglaise, prennent l’habitude de destiner des mandements collectifs à leurs officiers. Les adresses de ces mandements suggèrent une pluralité de vicomtes : vers 1142, par exemple, tel ordre du comte Étienne de Blois est communiqué iusticiariis, vicecomitibus, ministris et omnibus fidelibus suis in comitatu Boloniensi58. On retrouve des variantes de cette adresse durant toute la seconde moitié du XIIe siècle. L’une d’elles est toutefois plus explicite. Vers 1160 ou 1170, la comtesse Marie notifie une exemption de tonlieu dapifero et vicecomito Bolonie et vicecomito suo de Witsand et ceteris ministris suis et hominibus tocius comitatus Bolonie59. Il existe donc (au moins ?) deux vicomtes, l’un en poste dans la capitale du comté, l’autre à Wissant, un port de liaison avec l’Angleterre dont l’importance ne cesse de croître depuis le XIe siècle60. De surcroît, à la même époque, Marie assigne aussi une rente en argent in vicecomitatu Bolonie : même isolée, cette occurrence confirme l’existence de circonscriptions associées aux offices vicomtaux61.

  • 62 H. J. Tanner, Families…, passim ; P. Bauduin, La première Normandie…, p. 311-312.
  • 63 Exemple : Fécamp, Musée Bénédictine, charte no 22 (acte de 1240).

29Est-on passé d’un vicomte unique, investi d’une autorité générale, à un réseau de vicomtes locaux ? Les données sont finalement trop fragmentaires pour en juger. Elles indiquent cependant que les vicomtes affectés aux grands centres économiques du comté avaient des compétences à caractère financier ; on en retire l’impression que l’influence normande a également touché le Boulonnais. C’est d’ailleurs fort probable, compte tenu des affinités historiques de cette région ouverte sur la Manche avec le monde anglo-normand62. L’hypothèse d’une réforme d’inspiration flamande, introduite à l’époque de Mathieu d’Alsace (1161-1173), époux de la comtesse Marie et frère du comte de Flandre, ne peut être totalement exclue (elle ferait des vicomtes de Boulogne et Wissant des officiers comparables aux « proto-baillis » flamands), mais la chronologie ne lui est pas favorable. En tout cas, les vicomtes boulonnais ne semblent pas avoir survécu à l’entrée du comté dans la mouvance capétienne sous Philippe Auguste : au XIIIe siècle, c’est aux ballivi des villes portuaires que les exemptions de tonlieu sont adressées63.

  • 64 Ce flanc occidental de la châtellenie est devenu le Pays de Langle à la fin du XIIe siècle.
  • 65 Voir A. Derville, « Les origines de Gravelines et de Calais », Revue du Nord, t. 66, 1984, p. 1051- (...)
  • 66 Folquin de Saint-Bertin, Chartularium Sithiense, l. 2, c. 76, éd. B. Guérard, Cartulaire de l’abbay (...)
  • 67 Voir A. Derville, « Les origines… », p. 1058-1061 ; H. J. Tanner, Families…, p. 62, 107-108, 125, 1 (...)

30Enfin, pour compléter – et compliquer – le dossier boulonnais, il faut encore dire un mot des énigmatiques vicomtes de Marck, généralement confondus avec les vicomtes de Markene dans le comté de Guînes. La terre de Marck, du nom de son chef-lieu primitif, supplanté par Calais au XIIIe siècle, est sans doute la seule « vicomté » du nord de la France dont la consistance dépasse celle d’une simple circonscription administrative. Il s’agit d’une zone littorale située au nord du comté de Guînes, qui s’étend sur une dizaine de kilomètres entre l’étroite façade maritime de ce dernier et le flan occidental de la châtellenie flamande de Bourbourg64. Sujette aux transgressions de la mer du Nord, elle a longtemps présenté un paysage d’îlots entrecoupés de marais et de chenaux au tracé instable. Sa lente domestication par l’homme ne s’est achevée qu’à la fin du XIIe siècle, avec la fondation sur ses confins des ports de Calais et Gravelines65. Encore dominée par les comtes de Flandre au Xe siècle – Arnoul le Grand cède le fiscus Merki à l’abbaye de Saint-Bertin en 93866 –, la région est ensuite passée sous le contrôle des comtes de Boulogne. Le comte Eustache II (1047-vers 1089) et son fils Eustache III (vers 1089-1125) exerceront à Marck une influence vainement combattue par les princes flamands67.

  • 68 Emplois de ministerium et vicecomitatus (dans un sens clairement territorial) : A. Miraeus et J. F. (...)
  • 69 Paris, Bibliothèque nationale de France, Collection Moreau, t. 48, f   120 r  , ou encore ibid., Co (...)
  • 70 Voir supra, note 55. L’un, promulgué à Marck même, est une confirmation des biens de La Capelle ; l (...)
  • 71 Acte inédit évoqué par D. Haigneré, Dictionnaire historique…, p. 276.
  • 72 Voir supra, note 69. La Capelle : dép. Pas-de-Calais, arr. Calais, cant. Calais-Centre, comm. Les A (...)
  • 73 N.-N. Huyghebaert, Une translation de reliques à Gand en 944. Le Sermo de adventu sanctorum Wandreg (...)

31Ce territoire géographiquement coupé du Boulonnais jouit néanmoins d’une forte identité. On le désigne d’ordinaire comme la « terre de Marck », mais certains scribes usent aussi d’appellations plus choisies : ministerium de Merk (1122) ou vicecomitatus de Merch (1141)68. Les vicomtes qui s’en revendiquent émergent au seuil du XIIe siècle : en 1117, Eustachius de Oya, vicecomes de Merc, promulgue à Marck une charte de donation en faveur de l’abbaye de La Capelle, fondée trente ans plus tôt par la comtesse Ide de Boulogne pour affirmer l’autorité des siens sur la terre de Marck69. Il accomplit son geste en mémoire de la princesse, avec l’accord du comte Eustache III qu’il présente comme son seigneur. Cet Eustache d’Oye ne fait probablement qu’un avec le vicomte Eustache attesté vers 1120, car les deux actes boulonnais qui signalent ce personnage ont étés délivrés à Marck et concernent directement la région70. Il est encore cité dans une charte du comte de Guînes pour La Capelle en 113771. On sait peu de choses de lui, si ce n’est qu’il est de rang élevé (il fait partie du cercle très fermé des sigillants laïcs en ce début du XIIe siècle !), qu’il tient des marais en fief au sud de Marck, près du monastère de La Capelle72, et que son loconyme suggère une assise patrimoniale à Oye, une localité située au nord-est du territoire de Marck, connue par les textes dès 95073.

  • 74 Guillaume d’Andres, Chronica…, p. 847 (acte de [1140/69]) : Henricus vicecomes de Merc.
  • 75 Ibid., p. 815 et 855-856 (actes de [1180 environ] et 1215). Cet Eustache d’Oye n’est pas qualifié d (...)
  • 76 A. Miraeus et J. F. Foppens, Opera…, t. 4, p. 511 (version abrégée, sous la date fausse de 1209, d’ (...)

32Le titre vicomtal est héréditaire : il passe à un dénommé Henri au milieu du XIIe siècle74, avant d’échoir sans doute à un deuxième Eustache d’Oye, actif entre 1180 et 121575. Un demi-siècle plus tard, en 1269, un autre Henri, qui complète les donations de son aïeul en faveur de l’abbaye de La Capelle, se fait appeler vicecomes de Hoya76. Les vicomtes sembleraient donc avoir transféré leur titre sur la terre d’Oye au XIIIe siècle, à la manière d’Arnoul de Markene en faveur d’Ardres cent ans auparavant.

  • 77 Voir supra, notes 74 et 75.
  • 78 Guillaume d’Andres, Chronica…, p. 855-856 (acte de 1215).
  • 79 Comme le relève D. Haigneré, Dictionnaire historique…, p. 241.

33Ces vicomtes héréditaires sont-ils les représentants des comtes de Boulogne à Marck ? On pourrait finalement en douter : si Eustache « Ier » d’Oye fut bien en étroite relation avec le comte Eustache III au début du XIIe siècle, ses descendants, eux, n’ont guère de connexions avérées avec le Boulonnais. À en juger d’après le cartulaire-chronique d’Andres, ils ont plus de contacts avec Guînes et ses comtes77. Au demeurant, on ne leur connaît pas le moindre lien avec Marck. Leurs biens semblent localisés en périphérie du territoire, autour de La Capelle et à Oye, où se trouvent sans doute les salines que possède Eustache « II »78, et les documents qui évoquent les institutions locales de Marck à partir de la fin du XIIe siècle passent la fonction vicomtale sous silence79. Celle-ci, vidée de sa substance, depuis longtemps peut-être, n’est plus alors qu’un titre de vanité exploité par les seigneurs d’Oye. Dans ces conditions, une origine flamande (antérieure à l’an mil ?) de l’office vicomtal à Marck n’est pas inconcevable. La patrimonialisation de la charge – qui ne s’est pas produite à l’intérieur du comté de Boulogne, rappelons-le – aurait permis sa survie après la mainmise boulonnaise sur le territoire. Ce n’est bien sûr qu’une possibilité, qui n’élimine pas celle d’une création par les comtes de Boulogne après l’an mil.

Hesdin

  • 80 Voir R. Fossier, La terre…, t. 2, p. 500.
  • 81 Ibid., p. 500, note 177, et p. 512, note 195 (signale aussi des sources qui concernent les seigneur (...)
  • 82 R. Fossier, La terre…, t. 2, p. 500, note 177. Beauvoir-Wavans : dép. Pas-de-Calais, arr. Arras, ca (...)
  • 83 Id., Cartulaire-chronique du prieuré Saint-Georges d’Hesdin, Paris, 1988, p. 120, no 179.
  • 84 Ibid., p. 91, no 121.
  • 85 En juin 1205, le seigneur de Wavans accorde aux habitants du lieu une commune sur le modèle d’Abbev (...)

34On ne s’étendra pas inutilement sur le cas d’Hesdin : ces comtes sont très mal connus, et leurs agents bien plus encore. Il est certain qu’un sénéchal et un châtelain gravitent dans l’entourage comtal au XIIe siècle80. Ontils un vicomte pour collègue ? R. Fossier pense qu’il existe une vicomté territorialisée à Conchy-sur-Canche, mais les documents auxquels il renvoie concernent plutôt la vicomté de Canchy, près d’Abbeville, qui relève du comté de Ponthieu81. Le même historien aborde un terrain moins incertain quand il évoque une « vicomté de Wavans82 ». Le liber traditionum du prieuré Saint-Georges d’Hesdin mentionne en effet un Godefridus vicecomes prefati opidi, Wavanz videlicet, autour de 1120-113083. Ce château de Wavans s’élève au sud-est du comté d’Hesdin, sur la rivière Authie qui marque la frontière avec le Ponthieu. Son propriétaire est-il pour autant un officier du comte d’Hesdin ? Un Eustachius vicecomes signalé dans le même secteur vers 1110, toujours par le liber de Saint-Georges84, est-il seigneur châtelain de Wavans ? Rien ne le prouve. L’hypothèse se heurte même à une difficulté : au seuil du XIIIe siècle, la seigneurie de Wavans se trouve en fait dans la mouvance du comté de Ponthieu85.

  • 86 Il n’y a dès lors rien à retenir du raisonnement de P. Feuchère, « Vicecomes… », p. 504 (« Appendic (...)

35Quant au « vicomte » Christian en poste à Hesdin après l’annexion du comté à la principauté flamande vers 1150, il s’agit en fait d’un « protobailli » du type expérimenté par Philippe d’Alsace86.

***

36Restons un instant dans les comtés du sud de la Flandre. Il existe un parallélisme assez net, à un demi-siècle de distance, entre le vicomte de Guînes Élembert et son collègue saint-polois Raimbaud. Ils partagent un même profil de « vice-comte » unique à l’échelle du comté, parvenu à l’hérédité, très impliqué dans le fonctionnement de la curia comtale, et investi d’une certaine prééminence sur les barons locaux de par sa fonction. Le détail de leurs prérogatives nous échappe, mais leur situation rappelle assez celle de leurs prédécesseurs carolingiens dans les pagi. Cet écho n’est sans doute pas fortuit : les dynastes locaux, devenus comtes dans des circonstances discutables après l’an mil, ont pu vouloir conforter leur légitimité en s’entourant d’officiers aux allures carolingiennes.

37Le système attesté sur le tard en Boulonnais est totalement différent. Pour le peu qu’il nous est donné d’en connaître, il s’apparente tout à fait au modèle normand acclimaté dans le Ponthieu voisin : plusieurs vicomtes forment un groupe d’officiers locaux en poste dans les principaux centres économiques du comté ; leurs compétences sont financières, judiciaires et vraisemblablement militaires ; leur charge n’est pas patrimonialisée, mais confiée pour un temps limité à des individus d’extraction plutôt modeste. Ces vicomtes de type normand ne sont finalement pas si différents – hérédité mise à part – des « châtelains » de la principauté flamande. En un sens, R. Fossier n’a pas tort : des agents du pouvoir aux caractéristiques similaires ont reçu des dénominations variables au gré des préférences régionales. Ces écarts de vocabulaire ne doivent pas masquer les jeux d’influences réciproques qui ont marqué l’organisation institutionnelle des principautés.

  • 87 Voir D. Barthélemy, Les deux âges…, p. 61 et 146.

38Le terme vicecomes possédait toutefois une saveur particulière, liée à ses antécédents carolingiens comme à ses vertus expressives (« vice-comte »), qui explique pourquoi il a eu tendance à se manifester ponctuellement là où il ne faisait pas partie de la terminologie officielle. C’est vrai dans le comté de Flandre. C’est vrai aussi dans la seigneurie de Coucy au début du XIIe siècle : en un temps où le seigneur des lieux ambitionnait de devenir comte, son châtelain s’est aligné sur ses prétentions en se proclamant vicecomes87.

Notes

1 P. Feuchère, « Vicecomes et vicecomitatus en Artois aux XIe et XIIe siècles », Bulletin trimestriel de la Société des antiquaires de la Morinie, t. 17, 1951, p. 498-507 (citation p. 500).

2 Ibid., p. 503.

3 Ces compétences de nature judiciaire, telles que les énumère R. Fossier, sont en gros celles qui relèvent à partir du XIIe siècle finissant de la « moyenne justice », généralement désignée sous le nom de vicecomitatus en Picardie (voir A.C.F. Koch, « L’origine de la haute et de la moyenne justice dans l’Ouest et le Nord de la France », Revue d’histoire du droit, t. 21, 1953, p. 420-458, surtout p. 449-453). Ce vocabulaire a incité les érudits à considérer un peu trop facilement les vicomtes rencontrés dans les textes comme des agents judiciaires spécialement investis de cette partie de la justice. En réalité, la corrélation n’est pas aussi directe, même si des vicomtes ont effectivement pu disposer des « droits de vicomté » (ou « droits vicomtiers », « justice vicomtière ») là où leur prince les possédait. Le champ sémantique du vicecomitatus est également proche de l’avouerie : les deux termes se côtoient parfois dans les documents (exemple : J. Roux et R. Soyer, Cartulaire du chapitre de la cathédrale d’Amiens, Amiens, 1903, t. 1, p. 102-103, no 76 [1190]), et l’on rencontre à l’occasion des avoués locaux transformés en vicecomites par les rédacteurs de chartes (exemples : ibid., p. 9-10, no 5 [1069] ; J.-P. Gerzaguet, Les chartes de l’abbaye d’Anchin (1079-1201), Turnhout, 2005, p. 317-318, no 230 [1183] ; voir aussi D. Barthélemy, Les deux âges de la seigneurie banale : pouvoir et société dans la terre des sires de Coucy, milieu XIe-milieu XIIIe siècle, Paris, 1984, p. 263-264). Cette polysémie encore mal cernée est la cause de certains amalgames dans l’historiographie.

4 R. Fossier, La terre et les hommes en Picardie jusqu’à la fin du XIIIe siècle, Paris-Louvain, 1968, t. 2, p. 494-510.

5 J. Roux et R. Soyer, Cartulaire…, p. 14-15, no 9.

6 La succession des comtes d’Amiens à la fin du XIe siècle est pleine d’incertitudes. Selon une hypothèse récente, Guy et Yves seraient respectivement le comte de Ponthieu et le seigneur de Nesle, alors en concurrence pour le titre d’Amiens (O. Leblanc, Les seigneurs de Boves. Origines et exercice du pouvoir en Picardie, IXe-XIIIe siècles, thèse, Université de Picardie, Amiens, 2003, dactyl., t. 1, p. 201-202).

7 L’acte, connu à travers des copies de cartulaires, indique que l’objet doit être restitué comiti, mais il faut manifestement lire vicecomiti.

8 R. Fossier, La terre…, t. 2, p. 495.

9 P. Feuchère, « Une tentative manquée de concentration territoriale entre Somme et Seine : la principauté d’Amiens-Valois au XIe siècle », Le Moyen Âge, t. 60, 1954, p. 1-37 ; O. Leblanc, Les seigneurs…, t. 1, p. 180-185 ; P. Bauduin, La première Normandie (Xe-XIe siècles). Sur les frontières de la Haute-Normandie : identité et construction d’une principauté, Caen, 2004, p. 258-261.

10 Voir R. Kaiser, Bischofsherrschaft zwischen Königtum und Fürstenmacht. Studien zur bischöflichen Stadtherrschaft im westfränkisch-französischen Reich im frühen und hohen Mittelalter, Bonn, 1981, p. 605.

11 Le concernant, voir aussi J.-F. Nieus, « Vicomte et avoué : les auxiliaires laïcs du pouvoir épiscopal (XIe-XIIIe siècles) », dans La ville et le diocèse de Thérouanne au Moyen Âge (Actes de la journée d’études du 3 mai 2007), éd. J. Rider et B.-M. Tock, à paraître.

12 P. Feuchère, « Vicecomes… », p. 498-499 ; E. Warlop, De Vlaamse adel vóór 1300, t. 1, Handzame, 1968, p. 219-220 (voir aussi t. 2, I, p. 137). Crecques (3,5 km à l’est de Thérouanne) : dép. Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer, cant. Aire-sur-la-Lys, comm. Mametz.

13 Le registre de Lambert, évêque d’Arras (1093-1115), éd. et trad. C. Giordanengo, Paris, 2007, p. 380, no E 38. L’identification correcte du personnage incriminé dans la lettre est due à E. Warlop, De Vlaamse adel…, t. 1, p. 219, note 37.

14 Th. Duchet et A. Giry, Cartulaires de l’église de Térouane, Saint-Omer, 1881, p. 303-305, no 348. L’acte n’est pas daté, mais se situe entre la désignation des arbitres du conflit en décembre 1246 (ibid., p. 159, no 197) et la mort de l’un des suscripteurs, Gérard de Picquigny, avant juin 1249 (C. de Tourtier, « Les seigneurs de Picquigny, vidames d’Amiens, et leur famille, des origines à la fin du XIVe siècle », Positions des thèses de l’École des chartes, Paris, 1954, p. 136).

15 Une clause de l’accord stipule en effet que les citations à comparaître (bannitiones) émanant du prévôt de Crecques ne peuvent mentionner le vicecomes sive dominus de Creseke. Cette occurrence du « vicomte de Crecques » est isolée au XIIIe siècle, mais, dans son contexte particulier, suggère que les héritiers de Robert Ier restaient attachés à leur ancien titre vicomtal – au grand déplaisir de l’évêque.

16 L’évêque s’approprie ceux qui sont découverts sous terre.

17 H. Van Werveke, Het bisdom Terwaan van den oorsprong tot het begin der veertiende eeuw, Gand-Paris, 1924, p. 82-84 (Van Werveke ignore toutefois que le seigneur de Crecques au XIIIe siècle est le descendant du vicomte Robert) ; suivi par R. Kaiser, Bischofsherrschaft…, p. 611.

18 H. Van Werveke, Het bisdom…, p. 87-95.

19 Directement, ou par l’intermédiaire de la lignée cadette issue d’Adalolfe, fils de Baudouin II.

20 M. Bur, La formation du comté de Champagne, vers 950- vers 1150, Nancy, 1977, p. 443-445 ; A. Saint-Denis, Apogée d’une cité. Laon et le Laonnois aux XIIe et XIIIe siècles, Nancy, 1994, p. 218-219 et 467.

21 Sur l’origine des comtes de Ponthieu, voir en dernier lieu P. Bauduin, La première Normandie…, p. 286-287.

22 Ibid., p. 285-318.

23 Il y a un demi-siècle, M. de Boüard, « Le duché de Normandie », dans Histoire des institutions françaises au Moyen Âge, dir. F. Lot et R. Fawtier, t. 1 : Institutions seigneuriales, Paris, 1957, p. 1-33, ici p. 18-19, observait que l’étude exhaustive de l’institution vicomtale normande restait à faire. Ce constat est toujours d’actualité, même si certains aspects du problème ont été traités en ordre dispersé. On consultera surtout J. Yver, « Les premières institutions du duché de Normandie », dans I Normanni e la loro espansione in Europa nell’alto Medioevo, Spolète, 1969, p. 299-366, ici p. 325-332 et 345-347 ; J.-M. Bouvris, « Contribution à une étude de l’institution vicomtale en Normandie au XIe siècle. L’exemple de la partie orientale du Duché : les vicomtes de Rouen et de Fécamp », dans L. Musset, J.-M. Bouvris, J.-M. Maillefer, Autour du pouvoir ducal normand, Xe-XIIe siècles, Caen, 1985, p. 149-174 ; D. Bates, Normandy before 1066, Londres-New York, 1982, p. 156-159.

24 À l’exception des vicomtes de Reims, il faut sans doute ajouter celle des vicomtes de Clefmont, aux confins de la Champagne et de la Lorraine : H. Flammarion, « Les vicomtes de Clefmont : une survivance carolingienne aux XIe et XIIe siècles », Les cahiers haut-marnais, no 167, 1986, p. 96-106.

25 M. Bur, La formation…, p. 442-452.

26 Ibid., p. 451-452.

27 Voir C. Brunel, Recueil des actes des comtes de Pontieu (1026-1279), Paris, 1930, en consultant l’index s.v. vicecomes, vicecomitatus, visconte, visconté.

28 Diplôme inséré dans Hariulf, Chronicon Centulense, IV, 7, éd. F. Lot, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, Paris, 1894, p. 192-193. L’éditeur indique (p. 193, note 2) que ce vicomte Godefroid est inconnu par ailleurs. Comme l’acte concerne un bien situé près d’Abbeville, on pourrait voir en lui le vicomte de cette localité (lequel s’appelle au demeurant Godefroid dans la seconde moitié du XIe siècle : C. Brunel, Recueil…, p. 27, no 14 [1053-1100]).

29 Montreuil-sur-Mer (dép. Pas-de-Calais, ch.-l. arr.) : R. Rodière, « Essai sur les prieurés de Beaurain et de Maintenay et leurs chartes », Mémoires de l’Académie des sciences, lettres et arts d’Arras, 2e série, t. 34, 1903, p. 235-389, ici p. 322-323, no 1 ; voir aussi G. de Lhomel, La vicomté de Montreuil-sur-Mer, Montreuil-sur-Mer, 1904, p. 18. Abbeville (dép. Somme, ch.-l. arr.) : C. Brunel, Recueil…, p. 10-15, no 8 ; p. 15-20, no 9 ; p. 21-23, no 11 ; p. 27, no 14 (acte de [1053-1100]). Rue (dép. Somme, arr. Abbeville, ch.-l. cant.) : ibid., p. 21-23, no 11. Domart-en-Ponthieu (dép. Somme, arr. Amiens, ch.-l. cant.) : voir A. Janvier et C. Bréart, Étude sur Domart-lès-Ponthieu, Amiens, 1898 [réimpr. Woignarue, 2003], p. 82, et R. Fossier, La terre…, t. 2, p. 495, note 161 ; p. 500, note 179 ; p. 515, note 206 ; p. 551, note 276. Doullens (dép. Somme, arr. Amiens, ch.-l. cant.) : J.-P. Gerzaguet, Les chartes…, p. 164-165, no 70 ; à croiser avec C. Brunel, Recueil…, p. 49-50, no 30 (1144). Canchy (dép. Somme, arr. Abbeville, cant. Nouvion-en-Ponthieu) : Amiens, Arch. départ. Somme, 30 H 2 (cartulaire de Valloires), p. 31. Pont-Remy (dép. Somme, arr. Abbeville, cant. Ailly-le-Haut-Clocher) : C. Brunel, Recueil…, p. 157-166, no 109. Crécy-en-Ponthieu (dép. Somme, arr. Abbeville, ch.-l. cant.) : ibid., p. 176-177, no 115. Waben (dép. Pas-de-Calais, arr. et cant. Montreuil-sur-Mer) : ibid., p. 433-435, no 298 (acte vidimé). Ce relevé ne repose pas sur un dépouillement complet des sources du Ponthieu ; il pourrait donc être amendé à l’avenir.

30 C. Brunel, Recueil…, p. 209-210, no 139 (septembre 1195) ; p. 255-256, no 166 (avril 1205) ; p. 258-259, no 169 (sept 1205) ; p. 264-265, no 172 (mars 1205 ou 1206) ; p. 280-281, no 180 (23 mai 1207) ; etc. Dans son acception judiciaire (voir supra, note 4), le terme est présent dès le milieu du XIIe siècle.

31 Voir l’opuscule de G. de Lhomel, La vicomté…, qui évoque la substance et la destinée de cette vicomté au bas Moyen Âge.

32 La lignée vicomtale de Doullens a été étudiée par Th. Lefèvre, « Histoire des communes rurales du canton de Doullens », Mémoires de la Société des antiquaires de Picardie, t. 29 (3e série, t. 9), 1887, p. 60-252, ici p. 99-103.

33 Voir, par exemple, C. Brunel, Recueil…, p. 127-129, no 90 (1175) ; p. 157-166, no 109 (9 juin 1184), p. 310-316 ; no 206 (mai 1210) ; p. 444-447, no 305 (août 1237) ; p. 564-565, no 410 (février 1258, n. st.) ; R. Fossier, Chartes de coutume en Picardie (XIe-XIIIe siècles), Paris, 1974, p. 459-464, no 147 (février 1247, n. st.).

34 C. Brunel, Recueil…, p. 108-109, no 72 (4 décembre 1170) ; p. 264-265, no 172 (mars 1205 ou 1206) ; p. 351-352, no 238 (août 1214) ; p. 357-359, no 243 (1214) ; p. 427-428, no 293 (mandement adressé au vicomte de Rue, février 1234, n. st.) ; p. 436-437, no 299 (mai 1235) ; p. 447-449, no 306-307 (août 1237) ; etc.

35 Ibid., p. 575-576, no 419 (27 juin 1261) : […] et vicecomes noster qui vicecomitatum nostrum [de Rua] pro tempore ad firmam seu alio modo tenuerit, dictos denarios […] reddere tenebitur.

36 A. Janvier et C. Bréart, Étude…, p. 80.

37 Voir J.-F. Nieus, « Aux marges de la principauté : les ‘comtés vassaux’ de la Flandre, fin Xe-fin XIIe siècle », dans Actes du sixième congrès de l’Association des cercles francophones d’histoire et d’archéologie de Belgique, et LIIIe congrès de la Fédération des cercles d’archéologie et d’histoire de Belgique. Congrès de Mons, 25, 26 et 27 août 2000, t. 2, Mons, 2002, p. 309-324.

38 Déjà étudié précédemment : id., Un pouvoir comtal entre Flandre et France : Saint-Pol, 1000-1300, Bruxelles, 2005, p. 388-392. Je renvoie le lecteur à cet ouvrage pour le détail des justifications.

39 Sur une douzaine de mentions du vicomte Raimbaud, deux comportent le prédicat géographique accolé au titre vicomtal : id., Les chartes des comtes de Saint-Pol, XIe-XIIIe siècle, sous presse, no 17 (10 juin 1151) et 33 ([1146/64]).

40 Concernant le sénéchal « de Ternois », voir id., Un pouvoir…, p. 373-381.

41 Voir ibid., p. 60, 74-92 et 216-238.

42 Concernant ces châtelains, voir ibid., p. 392-393.

43 D. Haigneré, Dictionnaire historique et archéologique du département du Pas-de-Calais. Arrondissement de Boulogne-sur-Mer, Arras, 1882, t. 2, p. 271-273, a montré que Markene est le nom porté jusqu’à la fin du Moyen Âge par une localité qui correspondait vraisemblablement à l’actuel village de Saint-Tricat, à 4,5 kilomètres au nord-ouest de Guînes (dép. Pas-de-Calais, arr. Calais, cant. Calais-Nord-Ouest). Précisons que les historiens n’ont cessé, depuis le XVIIe siècle, de confondre les vicomtes de Markene avec les vicomtes de Marck, un territoire situé au nord du comté de Guînes et placé sous domination boulonnaise (à propos de ces vicomtes, voir le texte principal). Cette erreur entache encore les travaux les plus récents, en dépit des mises au point très sûres du même D. Haigneré (ibid., p. 242, et id., Dictionnaire topographique de la France comprenant les noms de lieux anciens et modernes. Arrondissement de Boulogne-sur-Mer, Boulogne-sur-Mer, 1881, p. 219-223, s.v. Marck et Markene).

44 Lambert d’Ardres, Historia comitum Ghisnensium, c. 65-67, 133 et 144, éd. J. Heller, dans Monumenta Germaniae historica. Scriptores, t. 24, Hanovre, 1879, p. 593-594, 627 et 634-635. Ardres : dép. Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer, ch.-l. cant.

45 Ibid., c. 133, p. 627-628.

46 D. Haigneré, Les chartes de Saint-Bertin d’après le grand cartulaire de Dom Charles-Joseph Dewitte, Saint-Omer, 1886, t. 1, p. 31, no 81 (notice de [1065/84]).

47 Guillaume d’Andres, Chronica Andrensis, éd. L. d’Achery, Spicilegium sive collectio veterum aliquot scriptorum, Paris, 1723, 2e éd., t. 2, II, p. 783-785 (notice de 1084). Les lieux cités se trouvent dans les communes actuelles de Hames-Boucres, Saint-Tricat, Bonningues-lès-Calais et Peuplingues.

48 Hormis ses mentions sans titre vicomtal (S. Elemberti de Marcenes) dans deux actes épiscopaux de 1084 : M. Gysseling et A.C.F. Koch, Diplomata belgica ante annum millesimum centesimum scripta, Bruxelles, 1950, t. 1, p. 285-286, no 166 ; Guillaume d’Andres, Chronica…, p. 782-783 (acte peut-être manipulé).

49 Elle est utilisée à propos de la vicomtesse Emma en 1097/1108 (Guillaume d’Andres, Chronica…, p. 790), d’Élembert II vers 1130 (ibid., p. 801) et d’Arnoul en 1144 et 1145 (voir l’annexe 3).

50 Lambert d’Ardres, Historia…, c. 52, p. 587.

51 Ibid., c. 66, 132 et 144, p. 593, 627 et 634-635.

52 Sur les pairs de Flandre, voir E. Warlop, De Vlaamse adel vóór 1300, Handzame, 1968, t. 1, p. 156-178 et 268-277, et pour l’institution en général, J.-F. Nieus, « Du donjon au tribunal. Les deux âges de la pairie châtelaine en France du Nord, Flandre et Lotharingie (fin XIe-XIIIe siècle) », Le Moyen Âge, t. 112, 2006, p. 9-41 et 307-336.

53 A. Duchesne, Histoire généalogique des maisons de Guines, d’Ardres, de Gand et de Coucy et de quelques autres familles illustres, qui y ont esté alliées, Paris, 1631, Preuves, p. 95 et 97 (actes de [1162/65] et [1163]) ; Th. de Hemptinne, A. Verhulst, De oorkonden der graven van Vlaanderen (Juli 1128- September 1191), t. 2 : Uitgave, II : Regering van Filips van de Elzas (Eerste deel : 1168-1177), Bruxelles, 2001, p. 72, no 318 (acte de 1169) ; M. G. Beaurain, Le cartulaire de l’abbaye de Sélincourt (1131-1513), Amiens, 1925, p. 85, no 27 (acte de [1169/76]).

54 A. Miraeus et J. F. Foppens, Opera diplomatica et historica, Louvain, 1723, t. 1, p. 391 ; Guillaume d’Andres, Chronica…, p. 815 (acte de [1180 environ]).

55 Guillaume : D. Haigneré, « Quelques chartes de l’abbaye de Samer, recueillies et publiées avec un commentaire onomastique et topographique », Mémoires de la Société académique de l’arrondissement de Boulogne-sur-Mer, t. 12, 1880, p. 109-116, no 1-3 (ces chartes ont peut-être été interpolées au XIIIe siècle, mais les listes de témoins paraissent dignes de foi : E. Rigaux, « Note sur quelques chartes de Samer », Bulletin de la Société académique de l’arrondissement de Boulogne-sur-Mer, t. 6, 1900-1903, p. 361-369). Eustache : A. Miraeus et J. F. Foppens, Opera…, t. 1, p. 84 (acte de 1122 pour l’abbaye de Saint-Bertin, dont la liste de témoins est tronquée dans les autres éditions), et t. 2, p. 1311-1312 (acte de [1111/19], antidaté 1100). Bernard : P. C. Boeren, Étude sur les tributaires d’Église dans le comté de Flandre du IXe au XIIIe siècle, Amsterdam-Paris, 1936, p. 119, no 10 ; D. Haigneré, « Quelques chartes… », p. 117-123, no 4-5. Thomas : D. Haigneré, « Les chartes de l’abbaye de Beaulieu, ordre de Saint-Augustin de la congrégation d’Arrouaise (1137-1574) », Mémoires de la Société académique de l’arrondissement de Boulogne-sur-Mer, t. 13, 1882-1886, p. 388-389, no 6 ; O. Guyotjeannin, Le chartier de l’abbaye prémontrée de Saint-Yved de Braine (1134-1250), Paris, 2000, p. 222-223, no 78.

56 On ne sait s’il faut leur adjoindre un Drogo vicecomes qui s’est défait d’une terre à Éperlecques à une date indéterminée : D. Haigneré, « Les chartes de Notre-Dame de Licques », Mémoires de la Société académique de l’arrondissement de Boulogne-sur-Mer, t. 15, 1889-1890, p. 52, no 11 (bulle du 12 février 1174).

57 P. C. Boeren, Étude…, p. 119, no 10.

58 A. Miraeus et J. F. Foppens, Opera…, t. 3, p. 333. Voir aussi H. J. Tanner, Families, friends and allies. Boulogne and politics in Northern France and England, c. 879-1160, Leyde-Boston, 2004, p. 231.

59 Lille, Arch. départ. Nord, B 1006, no 231 (acte non daté, dont l’auteur se dissimule sous l’initiale « M. » ; l’écriture appartenant à la seconde moitié du XIIe siècle, il ne peut s’agir que de la comtesse Marie, épouse de Mathieu d’Alsace). Je remercie Jean-François Cauche (doctorant à l’Université de Paris I) de m’avoir aimablement fourni une reproduction de cet acte.

60 À propos de Wissant, voir Ph. Grierson, « The relations between England and Flanders before the Norman conquest », Transactions of the Royal Historical Society, t. 23, 1941, p. 71-113, ici p. 80-81, ou encore P. Héliot, Histoire de Boulogne et du Boulonnais, Lille, 1937, p. 94. À en croire P. Héliot, au seuil du XIIIe siècle, l’administration locale du Boulonnais serait l’affaire de huit baillis et de « quatre vicomtes, attachés aux ports de Wissant, Ambleteuse, Boulogne et Étaples, [qui] recueillent le montant des droits de douane et jugent les transactions opérées sur les foires et marchés » (P. Héliot, Histoire…, p. 88). Les sources contemporaines, que l’on sache, n’autorisent pas tant de précision. Wissant : dép. Pas-de-Calais, arr. Boulogne-sur-Mer, cant. Marquise.

61 Paris, Bibliothèque nationale de France, Collection de Picardie, t. 200-201, f   166 r   (acte de l’évêque de Thérouanne, 1171 ; autres copies signalées dans le CR-Rom Thesaurus diplomaticus, sous le no NW 12683). Cet acte inédit m’a été signalé par le professeur Benoît-Michel Tock (Université Marc Bloch- Strasbourg 2), qui prépare l’édition des actes des évêques de Thérouanne jusqu’en 1200.

62 H. J. Tanner, Families…, passim ; P. Bauduin, La première Normandie…, p. 311-312.

63 Exemple : Fécamp, Musée Bénédictine, charte no 22 (acte de 1240).

64 Ce flanc occidental de la châtellenie est devenu le Pays de Langle à la fin du XIIe siècle.

65 Voir A. Derville, « Les origines de Gravelines et de Calais », Revue du Nord, t. 66, 1984, p. 1051-1069. Marck : dép. Pas-de-Calais, arr. Calais, cant. Calais-Est.

66 Folquin de Saint-Bertin, Chartularium Sithiense, l. 2, c. 76, éd. B. Guérard, Cartulaire de l’abbaye de Saint-Bertin, Paris, 1841, p. 142. L’identification à Marck, que ne suit pas B. Guérard, est retenue par M. Gysseling, Toponymisch woordenboek van België, Nederlands, Luxemburg, Noord-Frankrijk en West-Duitsland vóór 1226, Bruxelles, 1960, t. 2, p. 661.

67 Voir A. Derville, « Les origines… », p. 1058-1061 ; H. J. Tanner, Families…, p. 62, 107-108, 125, 140-142, 171-173, 179 et 222-223.

68 Emplois de ministerium et vicecomitatus (dans un sens clairement territorial) : A. Miraeus et J. F. Foppens, Opera…, t. 1, p. 84 (1122) ; B.-M. Tock et L. Milis, Monumenta Arroasiensia, Turnhout, 2000, p. 83-85, no 28 (1141). Quelques mentions de la terra de Merk (comme équivalent de la « terre de Boulogne » ou de la « terre de Guînes ») : H. Malo, Un grand feudataire : Renaud de Dammartin et la coalition de Bouvines. Contribution à l’étude du règne de Philippe Auguste, Paris, 1898, p. 276, no 59 (avril 1206), et p. 290-291, no 79 (mai 1210) ; Guillaume d’Andres, Chronica…, p. 847 (vers 1230).

69 Paris, Bibliothèque nationale de France, Collection Moreau, t. 48, f   120 r  , ou encore ibid., Collection de Picardie, t. 240, f   19 r   (le texte publié par A. Miraeus et J. F. Foppens, Opera…, t. 4, p. 511, n’est qu’un abrégé). Je remercie ma collègue Heather J. Tanner (Ohio State University) d’avoir eu l’obligeance de me communiquer sa transcription de ce document.

70 Voir supra, note 55. L’un, promulgué à Marck même, est une confirmation des biens de La Capelle ; l’autre, donné à La Capelle, dispense l’abbaye de Saint-Bertin de toute charge pour les biens qu’elle possède sur le territoire de Marck.

71 Acte inédit évoqué par D. Haigneré, Dictionnaire historique…, p. 276.

72 Voir supra, note 69. La Capelle : dép. Pas-de-Calais, arr. Calais, cant. Calais-Centre, comm. Les Attaques.

73 N.-N. Huyghebaert, Une translation de reliques à Gand en 944. Le Sermo de adventu sanctorum Wandregisili, Ansberti et Vulframni in Blandinium, Bruxelles, 1978, p. 43 : villam vocabulo Ogiam. Il est intéressant de noter qu’au bas Moyen Âge, Oye fait figure de chef-lieu en second de la terre de Marck : a deux lieues de Calais on entre sur la terre de Mellie (sic) et d’Oye et de la conté de Guines, écrit Jean Froissart, Chroniques, l. 4, c. 5, éd. P. Ainsworth et A. Varvaro, Jean Froissart. Chroniques, Livre III (du Voyage en Béarn à la campagne de Gascogne) et Livre IV (années 1389-1400), Paris, 2004, p. 386. Oye-Plage : dép. Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer, cant. Audruicq.

74 Guillaume d’Andres, Chronica…, p. 847 (acte de [1140/69]) : Henricus vicecomes de Merc.

75 Ibid., p. 815 et 855-856 (actes de [1180 environ] et 1215). Cet Eustache d’Oye n’est pas qualifié de vicomte de Marck, mais c’est peut-être lui qui apparaît sous le nom d’Eustachius de Merk en 1174 (H. Malo, Un grand feudataire…, p. 232-234, no 3-4).

76 A. Miraeus et J. F. Foppens, Opera…, t. 4, p. 511 (version abrégée, sous la date fausse de 1209, d’un acte résumé d’après une meilleure copie par D. Haigneré, Dictionnaire historique…, p. 195 et 241).

77 Voir supra, notes 74 et 75.

78 Guillaume d’Andres, Chronica…, p. 855-856 (acte de 1215).

79 Comme le relève D. Haigneré, Dictionnaire historique…, p. 241.

80 Voir R. Fossier, La terre…, t. 2, p. 500.

81 Ibid., p. 500, note 177, et p. 512, note 195 (signale aussi des sources qui concernent les seigneurs de Conchy et de Caumont, apparentés aux Conchy, mais sans référence à un titre vicomtal). R. Fossier renvoie notamment à un acte de 1147 notifiant une donation confirmée à Abbeville en présence de la comtesse de Ponthieu et de son fils, ainsi que de G. vicecomite de Canchi (Amiens, Archives départementales de la Somme, 30 H 2, p. 31). Il ne peut s’agir que du vicomte de Canchy, connu par ailleurs (voir C. Brunel, Recueil…, p. 73-74, no 48 [1152] ; p. 89-91, no 60 [1156/59]). Conchy-sur-Canche : dép. Pas-de-Calais, arr. Arras, cant. Auxi-le-Château.

82 R. Fossier, La terre…, t. 2, p. 500, note 177. Beauvoir-Wavans : dép. Pas-de-Calais, arr. Arras, cant. Auxi-le-Château.

83 Id., Cartulaire-chronique du prieuré Saint-Georges d’Hesdin, Paris, 1988, p. 120, no 179.

84 Ibid., p. 91, no 121.

85 En juin 1205, le seigneur de Wavans accorde aux habitants du lieu une commune sur le modèle d’Abbeville, avec l’accord du comte de Ponthieu : R. Fossier, Chartes…, p. 265-270, no 61.

86 Il n’y a dès lors rien à retenir du raisonnement de P. Feuchère, « Vicecomes… », p. 504 (« Appendice : la question des vicomtes d’Hesdin »).

87 Voir D. Barthélemy, Les deux âges…, p. 61 et 146.

Notes de fin

1 Voir les notes en annexe 1 et la carte en annexe 2

2 Voir l’annexe 3 (« Des vicomtes en Flandre ? »).

3 La totalité des notes a été reportée en annexe 1.

4 Voir l’annexe 4 (« Généalogie des vicomtes de Guînes, seigneurs de Markene »).

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search