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Une école sans Dieu ?

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Pierre Ognier

De la circulaire Ferry à l'enquête de la Correspondance générale. Le parcours contrasté de la morale scolaire

La préparation de l’enquête les auteurs des réponses et leurs positionnements

Texte intégral

UNE PREMIÈRE SÉRIE D’EXTRAITS DE PRESSE

  • 45 CG, 3e année, 01/11/1894.

1En première page du numéro du 1er novembre 1894, le comité de rédaction de la Correspondance Générale s’adresse à ses lecteurs, non sans une certaine solennité, en proposant à leur réflexion le thème suivant : « L’âme de l’école – Débat sur cette question : l’éducation morale et le sentiment religieux45 ». À lire ce libellé, il semblerait qu’il s’agisse d’un débat plutôt que d’une enquête. On a vu plus haut que le débat commençait à se nouer sur cette question, les personnels de l’enseignement primaire apportant leurs analyses, leurs propositions, mais aussi leurs inquiétudes et leurs interrogations. Ils s’expriment abondamment dans leurs journaux, mais le débat déborde également dans la grande presse d’opinion qui y consacre quelques articles. Cependant l’initiative de la Correspondance générale revêt plutôt la forme d’une enquête ou d’un « sondage » auprès de ses lecteurs, invités chacun par F. Buisson, à la fin de ce numéro, à envoyer leur contribution personnelle sur ce thème. Celles-ci seront réparties sur six numéros du journal, jusqu’au 15 février 1895 inclus.

2Si le thème et la proposition d’enquête émanent du comité de Rédaction de la Correspondance générale, en réalité c’est F. Buisson qui en est le principal artisan et le véritable coordonnateur. C’est lui qui « prépare le terrain » en proposant des extraits d’articles récemment parus, et notamment des « morceaux choisis » de deux articles d’un « maître éminent de l’enseignement supérieur », désigné par ses initiales, A.S. Cet apport de textes, qui constituent des aliments pour la réflexion des lecteurs, occupe en réalité deux numéros de la Correspondance générale, celui du 1er novembre et celui du premier décembre 1894. C’est en effet dans ce dernier numéro que sont publiées les réponses du professeur A. S. aux questions que lui a posées F. Buisson dans le numéro précédent. Les premières réponses à l’enquête paraissent aussi dans ce numéro de décembre.

  • 46 CG, 01/11/1894. À nos lecteurs. Cette phrase, qui a été souvent prononcée et écrite, est due à Théo (...)

3La première série d’extraits est tirée d’un article écrit par Jacques Bonzon, avocat à la Cour d’appel de Paris, qui avait paru en juillet 1894 dans la revue L’Art et la Vie, sous-titrée « revue des jeunes ». L’article a pour titre l’âme de l’école et Buisson semble bien l’avoir placé en première position puisqu’il offrait un titre « accrocheur » à l’enquête. Par la suite c’est cette appellation qui va servir à désigner l’enquête dans la presse scolaire et d’opinion. La phrase qui ouvre l’article est significative : « La question sociale est une question morale46 ». Cela signifie que le problème politique et économique du paupérisme, de la misère ouvrière, – c'est le sens de l’expression « question sociale »-, est en réalité une question de morale, c’est-à-dire de rigueur morale et de bonne moralité. La question sociale ne pourra donc être résolue que par un progrès de la moralité. Or Bonzon pense que, depuis vingt ans, « la vraie morale, la morale désintéressée » a été négligée. Et depuis tout ce temps « les directeurs de notre politique » et « jusqu’aux penseurs de notre pays » n’ont pas prêté attention à ce délaissement. Il y a donc toute « une éducation nationale à refaire ». Quant à l’Église, « elle n’est plus le berceau intellectuel de notre race » et « c’est l’école améliorée, spiritualisée, qui doit le devenir définitivement ».

  • 47 C’est évidemment l’opinion de J. Bonzon. Le positiviste Jules Ferry, initiateur de la législation s (...)

4Pour lui cependant, il y a un « vice originel » de l’école laïque, car les réformes qui l’ont mise en place « sont l’œuvre de la génération positiviste…47 » Certes, l’école est laïque et doit le rester, « mais on a oublié, ou ignoré, que le vide laissé par la religion demandait à être comblé… » Le constat est le même, au mot près, que celui qui sera fait par Devinat dans son second article publié par la REPPS. Pour combler ce vide, Bonzon propose que l’on introduise à l’école « un enseignement qui soit soucieux de l’âme autant que de la raison, en un mot, ajoute-t-il, vraiment moderne ». C’est sous-entendre que jusqu’ici l’école laïque s’est beaucoup trop occupée de la culture de la raison, et insuffisamment de la « culture de l’âme », de la vie morale et spirituelle. On se souvient que Devinat réclamait une idéal, un principe unificateur. Mais finalement la solution proposée par Bonzon reste classique : ce qui selon lui est susceptible de revitaliser l’éducation scolaire, ce n’est pas évidemment la religion, ni la Science, ni même l’Art, mais « le patriotisme ». À son avis c’est encore le principe qui est resté, aujourd’hui, « le plus vivant ». Ce qu’il propose en conclusion, c’est, selon Buisson, « la religion de la patrie ». Cela laisse un peu perplexe le Directeur de l’Enseignement primaire qui voit plutôt s’accentuer, « au-dehors et au-dedans de notre monde universitaire », « un mouvement en sens tout opposé », c’est-à-dire plutôt, une désaffection du sentiment patriotique.

  • 48 Professeur de philosophie à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm et fervent catholique.

5F. Buisson évoque ensuite rapidement, à l’aide de quelques extraits, les articles récemment parus dans la REPPS : la longue étude de François Lépine, professeur à l’École normale de Versailles, L’éducation à l’École normale, et l’article du Directeur d’École normale Émile Devinat, Dieu à l’école. Deux textes que nous avons analysés dans le chapitre précédent. Il qualifie la première de « long travail pénétré des idées de M. Ollé-Laprune48 ». Il rappelle sa conclusion : « Pas d’instruction sans éducation ; pas d’éducation sans morale ; pas de morale sans l’idée religieuse et le sentiment religieux ». Buisson constate simplement que ni cette idée, ni ce sentiment ne sont hors des programmes, bien au contraire. Mais finalement, pour Lépine, « l’objet de l’éducation se confond avec celui de la religion », puisque, selon lui, « la plus haute ambition de l’éducateur », c’est de « donner à l’élève la conviction intime que Dieu est notre origine et notre fin ». Quant à l’article de Devinat, ce qu’il en a retenu pour les lecteurs, c’est qu’il faut désormais s’habituer à l’idée que l’école laïque ne peut plus cultiver le sentiment religieux, mais qu’elle peut, en revanche, « prêcher la tolérance et le respect mutuel des croyances ».

6Sur cette question de l’éducation en général et de l’éducation morale en particulier, F. Buisson rappelle les préoccupations de la Ligue de l’Enseignement « dans ses derniers manifestes et dans son congrès tenu à Nantes ». Ces préoccupations, voire ces inquiétudes en matière d’éducation morale datent en réalité de la fin de l’année 1892. Elles recoupent assez précisément celles que nous avons vues s’exprimer dans les journaux scolaires en 1893 et 1894. En novembre 1892, la Ligue avait diffusé un « Appel » qui annonçait, entre autres, un changement d’orientation de sa politique : elle entendait désormais s’occuper aussi des problèmes internes à l’école, et pas seulement de ses « à-côtés » et de ses lendemains. Ce texte précisait que l’école publique avait deux missions à remplir, « aussi sacrées l’une que l’autre », l’instruction et l’éducation. Dans son discours d’ouverture au 13e congrès, à la fin du mois d’octobre 1893, le président de la Ligue, Léon Bourgeois, avait reconnu la nécessité « de donner à l’enseignement populaire une force intérieure plus puissante et plus consciente d’elle-même, en un mot une âme vraiment vivante et agissante ». Et il avait vu dans « l’éducation du sens moral… le point de départ » incontournable de l’éducation elle-même. Pour réaliser cette éducation morale, au-delà des méthodes, « il n’y a qu’une force, c’est l’âme du maître ».

  • 49 Mots soulignés dans le texte.
  • 50 RP, 15/09/1894. La ligue de l’Enseignement et son 14e congrès, signé X. Le rédacteur, probablement (...)
  • 51 Ce ton d’urgence patriotique et civique s’explique évidemment par le climat social de l’époque : sc (...)
  • 52 RP, 15/07/1894. Œuvre de l’éducation morale et civique de la Jeunesse française – Appel de la Ligue (...)

7Dans son texte introductif à l’enquête, Buisson cite le premier considérant de l’un des vœux émis par le congrès de 1893, selon lequel « l’instruction qui n’aboutit pas à une éducation est plus dangereuse qu’utile à l’ordre social et à la discipline militaire ». La première partie de ce vœu voté par les congressistes demande « qu’un enseignement comprenant les devoirs de l’homme dans toutes les situations précède à l’école l’enseignement des droits civiques49 ». Après le congrès, les adversaires de la Ligue n’avaient pas manqué de se demander si le fondateur de la Ligue, Jean Macé, n’en était pas venu « à douter de son œuvre » et à « reconnaître qu’aucune éducation ne peut se passer de l’idée religieuse ». Ils avaient en effet rapproché les déclarations de la Ligue avec « des opinions nettement déistes et spiritualistes professées par son fondateur dans un petit volume récent, Philosophie de poche50. » À la fin de mars 1894, la Ligue lance un nouvel Appel où, conformément à sa mission traditionnelle, elle s’adresse à l’initiative privée pour mener à bien un projet sur lequel elle travaille depuis quelque temps : assurer à l’adulte et au jeune homme, entre la sortie de l’école primaire et l’entrée au régiment, « les connaissances acquises pendant l’enfance… et les munir des solides principes qui sont indispensables aux citoyens d’une démocratie ». Elle partage « les légitimes anxiétés de tous les bons Français » et déclare que « la situation sociale rend impérieux pour elle… son devoir d’initiatrice et de Française…51 » Elle appelle donc, et aidera, à la création méthodique de Patronages, de « Sociétés protectrices laïques », de « cours professionnels » et de « conférences populaires » dans tout le pays52.

  • 53 RP, 15/09/1894. Article cité.

8Le congrès de Nantes se place dans le prolongement de cet appel et contribuera de façon décisive à la mise en place de tout le dispositif périet postscolaire impulsé par la Ligue. Le discours d’ouverture du président Léon Bourgeois revient sur le thème qu’il avait développé dans son discours de 1893, l’importance de l’éducation morale. Certes, à la suite de la Révolution de 1789, « le suffrage universel exigeait, après l’égalité civile, l’instruction universelle ». Mais « celle-ci n’est rien si l’éducation morale et civique ne la vient pas compléter et rendre féconde ». Certes « notre siècle a été témoin » d’une profonde révolution politique et sociale. Notre temps connaît aussi une « révolution dans les esprits », une révolution « qui fait la grandeur tragique de l’heure où nous sommes ». Ce bouleversement « éveille chez les uns toutes les terreurs, chez les autres toutes les espérances ». Cependant, affirme clairement Léon Bourgeois, « les questions sociales ne sont pas seulement, je l’ai dit, des questions d’ordre intellectuel, elles sont aussi, et surtout, des questions morales ». Et dans sa péroraison, il oppose la « révolution intérieure » à la « révolution politique ». En effet, « les lois ne sont rien sans les mœurs » et « toutes les révisions des constitutions politiques seront vaines tant que la révision de la constitution intellectuelle et morale de chacun de nous ne sera pas accomplie53 ». Le président de la Ligue mettait clairement en exergue le facteur moral dans un contexte de bouleversement politique et social inquiétant. Il confirmait ainsi implicitement la nécessaire mission d’éducation morale de l’école primaire, indispensable dans la situation de crise sociale et politique dans laquelle se trouvait le pays. Dans les textes qui vont suivre, le théologien protestant Auguste Sabatier va montrer la fragilité d’un sentiment moral qui n’est pas soutenu par le religieux.

LES ARTICLES DE « A.S. », « UN MAÎTRE ÉMINENT DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR FRANÇAIS »

  • 54 Dans une causerie présentant la brochure de Paul Desjardins, Le Devoir présent, Charles Bigot évoqu (...)

9Celui que F. Buisson ne désigne que par ses initiales est Auguste Sabatier, professeur titulaire à la Faculté de Théologie de Paris depuis 1877. Né en 1839, il a exercé les fonctions de pasteur à Aubenas de 1864 à 1868 après ses études de théologie à la Faculté de Théologie protestante de Montauban. Comme Félix Pécaut, qui a fréquenté la même faculté, Sabatier a complété ses études religieuses dans les principales universités allemandes. En 1868 il est chargé du cours de dogme réformé à la Faculté de Théologie protestante de Strasbourg et soutient avec succès son doctorat d’État en 1870. En 1894 il a déjà publié plusieurs ouvrages théologiques. Il compte aussi parmi les principaux rédacteurs du journal Le Temps où Pécaut a fait paraître ses « Lettres de province » de 1871 à 1878. Il assure également une correspondance littéraire au Journal de Genève depuis 1875. C’est dans ce journal qu’ont paru les deux articles dont Buisson présente de larges extraits aux lecteurs de la Correspondance générale, sans cependant citer leur titre. À ces extraits, Buisson ajoute la conclusion d’un article du même auteur paru dans Le Temps. À la fin du numéro du 1er novembre 1894, Buisson s’adresse à Auguste Sabatier pour lui demander d’expliquer aux lecteurs l’opération qui consiste à « laïciser la religion », évoquée dans un de ses articles du Journal de Genève. Se faisant leur porte-parole, il signale qu’ils sont « résolus à savoir au juste ce qui peut se cacher sous les formules séduisantes et vagues du néo-mysticisme54 ».

  • 55 Érigée en philosophie dans la théorie évolutionniste de Herbert Spencer.
  • 56 RP, 15/09/1894. La Ligue de l’Enseignement et son 14e congrès, signé X.

10Dans ses articles du Journal de Genève Sabatier s’adresse aux responsables de la Ligue Française de l’Enseignement dont Buisson a évoqué plus haut les manifestes et le discours de Léon Bourgeois, son président, au congrès de Nantes. Il les félicite d’avoir reconnu les lacunes de l’éducation scolaire, mais leur pose néanmoins cette question : « Avec quoi ferez-vous cette éducation morale ? Sera-ce avec les seuls mobiles tirés des notions scientifiques ? » On le voit, la science commence à préoccuper les moralistes laïques. Pour Sabatier la réponse est claire : ces notions scientifiques « même élémentaires, se ramènent à la notion de la force ». À quelle théorie scientifique le théologien protestant se réfère-t-il ? Il ne le précise pas, mais on peut supposer qu’il a en tête les apports des sciences physiques et naturelles, ou peut-être encore la théorie darwinienne de l’évolution55. Sabatier reformule la question : « Où prendrez-vous donc le mobile de votre morale ? » Est-ce dans « la religion de l’amour » ? Cette expression, il l’a trouvée dans le discours de Léon Bourgeois prononcé à l’ouverture du congrès de Nantes, le 2 août 1894. Bourgeois ne l’a d’ailleurs pas inventée lui-même, mais empruntée à Herbert Spencer. Pour ce philosophe anglais, si « l’humanité primitive n’avait qu’une religion, celle de la haine, il y en a deux qui se combattent aujourd’hui ; l’humanité du lointain avenir n’en aura qu’une, celle de l’amour ». Le président de la Ligue avait clos son allocution sur cette résolution : « Messieurs, nous sommes les croyants de cette religion, ne la professons pas du bout des lèvres, pratiquons-la du fond du cœur56 ». Sabatier s’empare lui aussi du mot et s’adresse aux responsables de la Ligue : « dans ce cas, avouez qu’une religion est nécessaire à l’éducateur. »

  • 57 L’évolution négative du mot semble bien confirmée. On se souvient que Lichtenberger, dans son rappo (...)

11Le reste du texte cité traite des rapports entre religion et laïcité. Sabatier adresse plusieurs demandes à Léon Bourgeois et aux autres responsables de cette grande association d’éducation populaire. Il leur demande d’abord « de professer hautement la religion (de l’amour) » dont ils se proclament les fidèles. Il les prie également « de nous débarrasser enfin de cette superstition à rebours qui a fait du mot « laïque » le synonyme d’irréligieux57 ». Il leur demande enfin « de rompre avec le respect humain, véritable tyrannie aussi absurde qu’odieuse, qui fait que, du dernier instituteur au premier magistrat de la République… personne n’ose, dans un discours public et solennel, prononcer même le nom de Dieu ».

  • 58 Mot souligné dans le texte.

12Quant aux congressistes de Nantes, ils devront aussi « se demander pourquoi l’enseignement moral est si faible, si pauvre, si terre à terre dans l’école publique et pourquoi il n’en reste rien au bout de quelques années ». Sabatier leur suggère sa solution pour revitaliser la morale de l’école primaire. Car s’il apparaît à ces maîtres adhérents de la Ligue, comme il en est persuadé, « que la morale qui n’a pas une foi religieuse pour âme intérieure et mobile d’action, est impuissante et reste vulgaire, ils auront le devoir de rechercher comment ils réussiront à faire rentrer l’action religieuse dans l’éducation de la jeunesse, sans livrer l’école au joug intolérable d’une Église particulière ». La solution est formulée à la suite de cette phrase : ces maîtres devront en effet rechercher « comment il conviendrait, peut-être, au lieu de proscrire la religion comme un fétiche malfaisant, de la laïciser58 à son tour après tout le reste et de la faire servir, dépouillée de tout caractère confessionnel et de toute prérogative tyrannique, au progrès de l’éducation nationale ».

  • 59 Sabatier reprend là l’idée exprimée dans un vœu voté par le 13e congrès de la Ligue de l’Enseigneme (...)

13Le texte suivant est la conclusion d’un article du Temps où Sabatier commente le discours inaugural de sir John Lubbock, chancelier de l’Université de Londres, prononcé à l’occasion du 1er congrès international de sociologie. Ce qui l’a frappé dans ce discours, c’est que le chancelier anglais (équivalent d’un recteur français) ne parle jamais d’instruction, mais seulement d’éducation. C’est pour lui une occasion de comparer avec la France. En Angleterre, « le mot « éducation » est le mot large et souverain : il comprend l’instruction qui n’en est qu’une partie… » Que constate-t-on en France ? Tout le contraire. Depuis vingt ans, on ne parle que de l’instruction « à côté de laquelle, et comme quelque chose de séparé, nous plaçons l’éducation : il s’en suit que la morale apparaît toujours à l’élève comme chose accessoire, ennuyeuse, mise là pour limiter et empêcher la pleine expansion de sa vie individuelle, de ses aspirations profondes et de ses droits ». Au fond, nous ne visons chez nous qu’à l’instruction, « c’est-à-dire à munir l’individu d’outils supérieurs pour mieux se satisfaire ». Le résultat prévisible c’est que « séparées ou juxtaposées par simple addition, l’éducation devient impuissante et l’instruction véritablement dangereuse59 ».

  • 60 L’expression est soulignée dans le texte. Sabatier reprend à son compte une idée issue de la tradit (...)

14Sabatier constate ensuite que le mot « laïque » (du moins l’idée, car il est douteux que le mot existe dans la langue anglaise de cette époque) n’a pas le même sens en France et en Angleterre. Dans notre pays, « avec notre logique brutale, nous avons fait du mot laïque le synonyme d’antireligieux ». Et Sabatier montre ce que ce mot est devenu dans le langage et la pratique courante : « Chez nous, une école n’est pas laïque si l’on y parle de Dieu et de notre responsabilité intérieure devant Dieu. Ainsi nous avons éliminé de l’éducation toute la vertu, toutes les richesses d’une foi religieuse libre, personnelle et vivante ». En Angleterre, au contraire, le mot laïque a gardé le sens de « non-confessionnel ». En conséquence, les Anglais « ont la religion laïque » et ils ont donc pu « conserver et utiliser, dans la réforme de leur éducation nationale, la puissance et la chaleur de la religion en tant que force éducative ». Ce qui ne les a pas empêchés d’affranchir « l’école, l’enseignement et la science de toute ingérence et de toute tyrannie cléricale ». Dans les dernières phrases du texte, Sabatier apporte son soutien et son appui à la Ligue de l’Enseignement qui « commence une nouvelle et vigoureuse campagne pour relever l’éducation dans l’école et après l’école ». L’instruction n’est qu’un moyen et ce moyen, ou cet instrument, il faut, selon lui, l’intégrer « dans une œuvre plus haute qui est celle de l’éducation intégrale de l’homme et du citoyen60 ».

LES RÉPONSES À LA QUESTION DE FERDINAND BUISSON

15Dans la Correspondance générale du 1er décembre 1894, « Monsieur le professeur A.S. » apporte sa réponse à la question que Buisson a posée au nom des lecteurs : « Que faut-il entendre par « laïciser la religion » ? Buisson attend lui aussi cette réponse avec intérêt, lui qui avait également tenté de « laïciser la religion » en fondant à Neuchâtel l’Union du Christianisme libéral. C’est au terme d’un développement sur les finalités jugées essentielles pour l’école primaire que Sabatier livre ce qu’il met sous l’expression « laïciser la religion ». Dans une deuxième partie, il examine comment, à l’école, à travers ses programmes et son action morale et éducative, cet objectif peut être réalisé.

  • 61 Ou « relie », du latin religare.

16Il est évident pour Sabatier que les lois scolaires de 1881, 1882 et 1886 ont donné des résultats heureux et considérables en matière d’instruction. Du côté de l’éducation morale, les résultats ne lui paraissent pas « avoir été ni aussi heureux, ni aussi décisifs ». Et, à son avis, ce « surdéveloppement » de l’instruction a entretenu une illusion, celle de penser que de cette instruction, notamment scientifique, « puisse logiquement découler une morale capable d’élever les caractères au-dessus de l’égoïsme ». Il faut donc réaffirmer très fermement que « la tâche suprême de l’école doit être l’éducation ». Et le support, ou l’âme, de cette éducation ne peut être adopté à la légère. Par exemple, selon Sabatier « le patriotisme ne saurait être l’âme de l’éducation morale humaine ». Le refus de la solution préconisée par Jacques Bonzon se justifie surtout par l’impossibilité de rattacher à l’idée de patrie « la vie intérieure et personnelle ». Le patriotisme enferme la conscience humaine et la moralité dans des bornes trop étroites : « le citoyen n’est pas tout l’homme » et la patrie a tendance à exclure la famille, qui est au-dessous d’elle, et l’humanité, qui est au-dessus d’elle. Par ailleurs, l’idéal humain de dimension universelle, légué par le christianisme, « il y aurait péril à le laisser confisquer par les internationalistes et les anarchistes ». Pour Sabatier, « un idéal moral de vie intérieure est nécessairement un idéal religieux ». Pourquoi ? « Parce que cet idéal lie61 la conscience individuelle et la conscience générale à un principe spirituel infini, immanent en elles ». Ainsi l’âme de la morale n’est autre que la religion et il « faut donc rouvrir à la religion l’œuvre de l’éducation morale ».

  • 62 Mot souligné dans le texte.

17Cependant cette réouverture de la morale à la religion, – ou cette mobilisation de la religion en faveur de la morale –, ne peut être envisagée qu’à la condition de « laïciser la religion ». Qu’est-ce à dire ? Il ne s’agit pas de constituer à l’école « une nouvelle religion extérieure », mais il faut « intérioriser la religion62 », c’est-à-dire « la faire passer du dehors au dedans, de l’état d’institution externe à l’état de sentiment et de vie intime… » En effet ce rapport intime de chacun avec Dieu, « cette religion intérieure est laïque ». Elle est laïque car elle subsiste « sans l’immixtion d’aucun clergé » et, « loin d’être un instrument de tyrannie, elle est un moyen d’affranchissement absolu… » Laïciser la religion c’est donc, pour Sabatier, l’intérioriser, c’est-à-dire développer en chaque individu, en chaque élève, un rapport personnel, intime, avec la divinité, hors de tout dogme, de tout culte extérieur et sans que le clergé s’en mêle. On voit bien ce qui sépare le point de vue de Sabatier de celui de Devinat ; ce dernier ne voit dans la religion que l’extériorité, les formes extérieures (celles, très visibles, de la religion catholique par exemple) et il ne peut donc concevoir l’idée d’une religion intérieure et personnelle. Cette approche est plutôt celle du protestantisme et particulièrement celle du protestantisme libéral dont se réclame Sabatier et qui forme le terreau de la pensée morale de Pécaut, Steeg et Buisson.

18« Intérioriser la religion », telle doit être la fonction du maître laïque. Et cette « action religieuse du maître… implique nécessairement l’idée de Dieu non pas comme couronnement, mais comme base de toute la morale ». Cette idée de Dieu n’est pas de nature confessionnelle ou cultuelle, il s’agit bien plutôt d’une « idée morale de Dieu », une approche de la divinité qui, constate Sabatier, est « amplement » présente dans les programmes de morale de 1882. Le théologien protestant compare l’action éducative de l’instituteur à celle du père de famille et non pas à celle du prêtre. En effet l’instituteur « doit avoir à son service les moyens légitimes dont disposerait un père idéal pour remplir sa tâche naturelle d’éducateur ». Or quelle meilleure référence, pour ce père idéal que le Dieu Père ? D’où l’utilité du « symbole chrétien du Père » que Sabatier suggère à l’école laïque d’adopter sous la forme du « Notre Père ». Un texte, une prière que le « Parlement des religions » réuni à Chicago vient d’adopter comme « formulaire universel ».

19Quel est donc, pour finir, le résultat attendu de cette « rentrée du sentiment religieux à l’école » ? Pour le théologien protestant Sabatier, c’est tout simplement de « créer dans l’école laïque, qui ne saurait être que laïque, étant commune, un milieu moral et religieux élémentaire qui, non seulement ne soit pas hostile, mais soit positivement favorable et préparateur à l’enseignement confessionnel qui viendra s’y superposer ». Cette idée, nous l’avons vue maintes fois énoncée dans les articles des journaux scolaires, et elle est conforme aux recommandations formulées par les instructions de 1882 qui défendent à l’instituteur de contredire l’enseignement religieux confessionnel dans ses leçons de morale. Or, dans la France de 1894, il faut bien déplorer comme « un malheur » que « les forces éducatives qu’elle possède, au lieu de coopérer vers un but moral élevé, entrent en conflit et se paralysent l’une l’autre en se combattant ». Cependant si « l’école laïque a mal réussi son œuvre d’éducation morale », est-ce bien au fond de sa faute ? L’Église, et notamment l’Église catholique, n’a pas mieux réussi cette œuvre. On voit pointer ici la même critique que celle que Pécaut développe dans ses Notes d’inspection. Mais, ajoute Sabatier, il est aussi permis de regretter « que la religion officielle n’ait pas favorisé, en France, la laïcisation de l’école, au lieu de combattre cette transformation nécessaire ».

20Il est donc indispensable qu’il y ait, dans les programmes et dans leur application, « une pierre d’attente, une plate-forme où puisse venir se juxtaposer et s’additionner, si j’ose ainsi parler, à l’action éducatrice de l’école, l’action morale de toutes les Églises ainsi que leur enseignement particulier ». Cette pierre d’attente n’est autre que cette « idée morale de Dieu », ou encore, plus justement, « l’idée pratique de Dieu ». À l’école laïque, en effet, cette idée a à voir avec la pratique morale et non pas avec les dogmes ou avec la théologie. Dieu, dans le tribunal de la conscience personnelle, représente la « sanction religieuse de la morale ». Ou encore, pour citer une autre formule de Sabatier, « la religion, c’est le ferment qui doit faire lever la pâte de la morale ». L’idée pratique de Dieu, c’est aussi, tout simplement « l’idéal moral conçu comme présent dans l’âme, comme une réalité effective et agissante ».

21Avec cette nouvelle approche de la religion, il faut évidemment s’attendre à une réaction de la puissante Église catholique. Elle qui « s’arroge le monopole de Dieu… croyez-vous qu’elle nous laissera cette doctrine de Dieu ? » Bien plus, « si nous enseignons Dieu, ne criera-t-elle pas à une usurpation plus intolérable que toutes les autres ? » Il faut la laisser crier « et (la laisser) se mettre à plaisir en contradiction avec elle-même puisque naguère elle vous faisait un grief mortel d’exclure Dieu de l’école ». À la fin de son texte Sabatier ménage cependant une petite ouverture, bien hypothétique à l’heure où il écrit : « Qui vous dit que l’Église, de guerre lasse, un jour, ne s’accommodera pas de l’école laïque ? »

LES RÉPONSES À L’ENQUÊTE. LES AUTEURS ET LEUR POSITIONNEMENT À L’ÉGARD DE LA QUESTION RELIGIEUSE

  • 63 RP, 15/04/1883. Note en réponse à cette question : comment enseigneriez-vous la morale à l’école pr (...)
  • 64 RP, 15/03/1883. Leçon d’ouverture du cours de Science de l’éducation à la Faculté des Lettres de Ly (...)
  • 65 RP, 15/07/1892. L’instruction morale à l’école, article paru dans la Dépêche de Toulouse. On signal (...)

22Le thème de l’enquête : « L’âme de l’école – l’éducation morale et le sentiment religieux » est au cœur d’un débat largement engagé dans la presse scolaire de l’enseignement primaire. L’expression « l’âme de l’école » reprise par F. Buisson est d’ailleurs « dans l’air du temps » car elle se retrouve souvent dans la bouche des orateurs scolaires ou sous la plume de ceux qui écrivent dans les journaux scolaires. Dès le lendemain de la loi du 28 mars 1882 le mot « âme » est fréquemment utilisé pour désigner métaphoriquement la partie centrale ou le « cœur » d’une tâche d’enseignement ou d’éducation. Le nouvel enseignement moral est évidemment le champ privilégié dans lequel on voit fleurir des expressions employant ce mot. Dès 1883 l’Inspecteur général Pécaut l’utilise dans une expression qui semble bien annoncer l’enquête de 1894. S’interrogeant sur la place à accorder à l’idée de Dieu dans le nouvel enseignement moral, il en conclut que cette idée devrait s’établir « comme l’âme même de la morale63 ». La même année le philosophe Raymond Thamin, dans sa leçon d’ouverture, qualifie l’enseignement de la morale comme « l’âme de l’éducation64 ». Enfin, à une date plus proche de l’enquête, Jean Jaurès se sert du substantif, mais dans une formule qui déborde quelque peu le monde de l’école. Pour lui en effet, si la morale laïque est bien au cœur des enseignements de l’école primaire, c’est qu’elle est en réalité « l’âme de nos institutions65 ».

  • 66 CG, 15/02/1895.
  • 67 On ne peut évidemment indiquer aucune hypothèse chiffrée à partir de ce « grand nombre ». Seul l’ac (...)

23Dans les six numéros de la Correspondance générale qui contiennent les réponses à l’enquête nous avons comptabilisé un ensemble de 62 textes, de dimensions très diverses. Ce chiffre demande une explication : il comprend les contributions reproduites dans leur intégralité, mais aussi celles qui sont seulement évoquées par une mention ou quelques extraits66 qui permettent cependant de connaître les positions de leur auteur. Dans le numéro du 1er février 1895, annonçant la clôture de l’enquête et de la publication des réponses, la Rédaction signale qu’« un grand nombre de communications, étaient parvenues à la revue67. » Elle aurait souhaité pouvoir les publier toutes, mais renonce à le faire par « manque de place », mais aussi parce qu’un certain nombre d’entre elles étaient redondantes.

  • 68 Nous avons rattaché à cet effectif Jules Steeg, Inspecteur général de l’Instruction publique pour l (...)

24Quant aux auteurs des réponses, leur identification n’est pas toujours évidente. Dans l’ensemble elle est aisée puisque, la plupart du temps, le nom, voire le prénom, et la fonction sont précisés. Assez souvent ce sont des initiales, suivies de la fonction, mais un certain nombre de réponses ne sont signées que par des initiales sans indication des fonctions. Sur les 62 auteurs, 41 sont du cadre de l’Enseignement primaire, ou du moins peuvent être rattachés clairement à la Direction de l’Enseignement primaire, soit 66 % des contributeurs68. La liste des auteurs, classée par fonctions, peut être établie comme suit :

Directeurs et Directrices d’école : 3

Instituteurs et institutrices : 10

Inspecteurs primaires : 7

Directeurs d’École normale : 5

Directrices d’École normale : 6

Professeurs d’École normale (instituteurs) : 4

Professeurs d’École normale (institutrices) : 1

Directeurs d’École primaire supérieur : 2

Professeurs d’École primaire supérieur : 1

IGIP (Enseignement primaire) : 1

Professeurs de philosophie : 2 (dont un retraité).

Fonctionnaires au Ministère de l’Instruction publique : 2 (dont 1 à la Direction de l’Enseignement primaire).

Autres (fonctions non connues) : 18.

25Cette liste comporte une catégorie « Autres » : il s’agit des auteurs dont les noms, fonctions ou qualités ne sont pas indiquées, les intéressés ayant signé de leurs seules initiales. Ils pèsent quand même 29 % de l’effectif total. Il est possible que parmi ces 18 auteurs, un certain nombre ait une fonction dans l’Enseignement primaire. Cette liste appelle un autre commentaire : les auteurs des contributions au titre de l’Enseignement primaire sont en majorité des « cadres » : inspecteurs primaires, directeurs et directrices d’École Normale, directeurs et directrice d’école… et des « formateurs » d’enseignants (professeurs d’École normale d’instituteurs et d’institutrices) et cela dans une proportion de 68 %. C’est indéniablement la preuve que ces fonctionnaires, qui ont une certaine responsabilité dans le système, sont préoccupés, ou du moins intéressés par le sujet et ont des idées à exprimer. On notera qu’il n’y a aucun recteur, ni aucun inspecteur d’Académie, et seulement un inspecteur général parmi les auteurs.

  • 69 26 contributions sur 41.
  • 70 CG, 15/02/1895. P.V., inspecteur primaire.
  • 71 CG, 15/02/1895, contribution de L. March.

26Les contributions exploitables peuvent être classées en cinq groupes en fonction de leur positionnement par rapport au thème de l’enquête et aux articles et textes évoqués et/ou cités par F. Buisson, en particulier ceux d’Auguste Sabatier. On identifiera un premier groupe de contributions, les plus nombreuses, celles qui sont favorables au sentiment religieux dans l’enseignement moral. Leurs auteurs considèrent effectivement ce sentiment comme « l’âme de l’école ». À ce groupe on peut agréger celles qui se prononcent en faveur d’une instruction religieuse (quel que soit son contenu) qui serait donnée à l’intérieur même de l’école laïque. Parmi les partisans d’un enseignement de ce type, Clarisse Coignet, ancienne collaboratrice de la Morale Indépendante. Ainsi, pour 62 % des répondants, toutes fonctions et toutes origines confondues, et pour 63 % des membres de l’Enseignement primaire69, le sentiment religieux, dissocié de tout dogme et sous des formes diverses, joue un rôle important, voire essentiel et fondamental dans l’éducation morale laïque et peut être identifié comme « l’âme de l’école ». Cette opinion recoupe bien le sentiment de deux auteurs de contribution. Le premier, un inspecteur primaire, pose une question qui semble purement rhétorique : « La majorité des instituteurs s’est-elle montrée, dans notre pays, fanatique d’irréligion ? » Réponse : « Personne ne peut le soutenir sérieusement70 ». Un autre contributeur, qui n’indique pas sa fonction, évoque « cette superstition à rebours qui fait du mot laïque le synonyme d’irréligieux ». Il déclare que cette superstition « n’est pas celle du personnel de l’enseignement primaire71 ».

27Dans un deuxième groupe de contributions, on placera les auteurs qui identifient l’âme de l’école à la recherche de l’Idéal, ou d’un Idéal, dont le contenu est précisé ou non. On distinguera ensuite deux autres groupes de contributions, d’une part celles qui, à la suite de Jacques Bonzon, voient dans la patrie l’âme véritable de l’école, d’autre part celles pour lesquelles cette âme est en réalité « l’âme du maître ». Ces contributions sont peu nombreuses, de l’ordre de quelques unités pour chacun de ces groupes. Cinquième et dernier groupe de réponses, celles qui sont plus ou moins franchement réservées sur le thème proposé à l’enquête et qui expriment un net désaccord, pour différentes raisons, avec le « système » ou la « théorie religieuse » du professeur Sabatier.

Notes

45 CG, 3e année, 01/11/1894.

46 CG, 01/11/1894. À nos lecteurs. Cette phrase, qui a été souvent prononcée et écrite, est due à Théodore Ziegler, un universitaire strasbourgeois. En 1890 il a d’ailleurs publié un ouvrage intitulé La question sociale est une question morale, dont la RP rend compte en janvier 1894, sous la plume de Théodore Steeg. Dans son discours au 14e congrès de la Ligue de l’Enseignement, Léon Bourgeois prononcera pratiquement la même phrase.

47 C’est évidemment l’opinion de J. Bonzon. Le positiviste Jules Ferry, initiateur de la législation scolaire laïque avec Paul Bert, n’a pas, à lui tout seul, mis en place les rouages institutionnels et surtout les programmes de l’enseignement primaire laïque.

48 Professeur de philosophie à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm et fervent catholique.

49 Mots soulignés dans le texte.

50 RP, 15/09/1894. La ligue de l’Enseignement et son 14e congrès, signé X. Le rédacteur, probablement F. Buisson, présente une rétrospective des positions de la Ligue depuis la fin de l’année 1892, dont nous nous sommes inspirés.

51 Ce ton d’urgence patriotique et civique s’explique évidemment par le climat social de l’époque : scandales financiers, attentats anarchistes…

52 RP, 15/07/1894. Œuvre de l’éducation morale et civique de la Jeunesse française – Appel de la Ligue de l’Enseignement.

53 RP, 15/09/1894. Article cité.

54 Dans une causerie présentant la brochure de Paul Desjardins, Le Devoir présent, Charles Bigot évoque, dans le climat de crise sociale et morale qui prévaut dans le pays, des « tentatives de réveil mystique plus ou moins vagues… » (RP, 15/03/1892. Causerie littéraire, par Charles Bigot.)

55 Érigée en philosophie dans la théorie évolutionniste de Herbert Spencer.

56 RP, 15/09/1894. La Ligue de l’Enseignement et son 14e congrès, signé X.

57 L’évolution négative du mot semble bien confirmée. On se souvient que Lichtenberger, dans son rapport d’enquête de 1889, avait déjà dénoncé ce qui apparaissait comme une dérive naissante.

58 Mot souligné dans le texte.

59 Sabatier reprend là l’idée exprimée dans un vœu voté par le 13e congrès de la Ligue de l’Enseignement en 1893.

60 L’expression est soulignée dans le texte. Sabatier reprend à son compte une idée issue de la tradition socialiste. Pour lui cette éducation, pour être complète, intègre nécessairement la dimension religieuse qui était exclue de la définition léguée par la tradition socialiste et ouvrière (Première Internationale des Travailleurs).

61 Ou « relie », du latin religare.

62 Mot souligné dans le texte.

63 RP, 15/04/1883. Note en réponse à cette question : comment enseigneriez-vous la morale à l’école primaire ?

64 RP, 15/03/1883. Leçon d’ouverture du cours de Science de l’éducation à la Faculté des Lettres de Lyon.

65 RP, 15/07/1892. L’instruction morale à l’école, article paru dans la Dépêche de Toulouse. On signalera d’autres emplois du mot « âme », tout d’abord dans une circulaire d’André Vessiot, IA de Marseille, qui voit dans l’instruction morale et civique la véritable « âme de l’école ». (JDI, no 9, 26/02/1882) Dans son discours de distribution des prix du concours général (4 août 1890), la morale est pour Alphonse Darlu « l’âme de tout l’enseignement ». Enfin dans son discours d’ouverture au congrès de la Ligue de l’Enseignement en 1893, son président Léon Bourgeois insiste sur la nécessité d’« une âme vraiment vivante et agissante » pour l’enseignement populaire.

66 CG, 15/02/1895.

67 On ne peut évidemment indiquer aucune hypothèse chiffrée à partir de ce « grand nombre ». Seul l’accès aux archives de la CG, si elles existent, permettrait peut-être de connaître ce chiffre. La maison Hachette, éditrice du périodique, n’en possède pas. Il est cependant probable que le nombre des communications reçues soit bien supérieur à celui que nous avons arrêté.

68 Nous avons rattaché à cet effectif Jules Steeg, Inspecteur général de l’Instruction publique pour l’Enseignement primaire, et Charles Boniface, chef de bureau à la Direction de l’Enseignement primaire.

69 26 contributions sur 41.

70 CG, 15/02/1895. P.V., inspecteur primaire.

71 CG, 15/02/1895, contribution de L. March.

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