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Pour la dignité

 | 
Vincent Gay

Mots d’ordre, pratiques et organisation des ouvriers immigrés

Chapitre 9

Pratiques de la violence, violence des pratiques

Texte intégral

  • 1 Proverbe communiste de l’entre-deux-guerres.

Pour un œil, les deux yeux.
Pour une dent, toute la gueule1.

1La violence dans les usines est un phénomène qui a été surtout étudié à propos des grèves. En particulier, le travail d’Edward Shorter et de Charles Tilly a montré un déclin des grèves violentes entre la fin du xixe siècle et les premières décennies du xxe siècle, concomitant avec une institutionnalisation des relations sociales, du syndicalisme et des formes des conflits (1971). Ce déclin n’est cependant pas linéaire et certaines périodes de conflictualité sociale voient le retour d’actes violents (Vigna, 2016). Cette violence propre aux conflits sociaux est plus rarement pensée au regard d’une violence moins spectaculaire mais plus quotidienne, qui participe de l’ambiance dans les ateliers sans nécessairement affecter la majeure partie des ouvriers et qui englobe divers incidents, différentes sanctions et violences verbales et physiques, bref tous ces actes qui participent de l’ordre politique régissant le quotidien des usines. Chez Simca-Talbot et chez Citroën, la violence traverse les récits, les témoignages, les écrits et les films syndicaux, mais également les discours patronaux. Les ouvriers et leurs organisations font de la violence l’un des aspects des relations sociales dans les usines permettant de dénoncer et de disqualifier les actes de leurs adversaires. Au début des années 1980, ces derniers font également de la violence un enjeu de disqualification des syndicalistes et des grévistes.

2Les violences ordinaires seront donc étudiées sous leurs différentes formes, en les considérant comme partie prenante des techniques de commandement et des modes de soumission qui visent à faire intégrer aux ouvriers les positions de chacun, les frontières et les règles qui régissent la vie d’usine. On verra ensuite que ces violences suscitent à partir de 1982 des réactions elles-mêmes violentes, entraînant à leur tour des contre-réactions. Enfin, en considérant que « la violence n’est pas dissociable d’une opération de qualification » (Cardi & Pruvost, 2012, p. 14), on abordera la violence à partir de ce qui est dit d’elle et de la façon dont elle sature les discours des camps en présence.

Des histoires d’usines marquées par les violences

3Bien avant les grèves des années 1980, les usines Simca et Citroën connaissent des conflits, notamment au sortir de la Seconde Guerre mondiale, lors desquels ont lieu des confrontations violentes, entre grévistes et forces de l’ordre principalement. Mais à partir des années 1950, chez Simca puis après 1968 chez Citroën, c’est la récurrence des violences en dehors des conflits sociaux qui marque l’histoire des usines.

Une longue histoire de violences

  • 2 C’est-à-dire les violences qui s’exercent contre les militants, réels ou supposés, le plus souvent (...)

4À partir de l’étude d’un relevé d’incidents établi entre 1953 et 1975 par des militants de la CGT dans l’usine de Poissy et de plusieurs témoignages, on constate à la fois une permanence des violences politiques2 et trois moments où elles s’exacerbent, entre 1955 et 1958, de 1960 à 1965 et de 1974 à 1975. Les actes signalés entre 1955 et 1958 peuvent s’expliquer par des raisons syndicales – c’est le moment où la CGT perd sa prééminence et où s’installe de façon quasi hégémonique le syndicat indépendant – et par des raisons politiques. En effet, autour du référendum donnant naissance à la Cinquième République, les affrontements entre gaullistes et communistes se multiplient, doublés de confrontations entre les militants du syndicat indépendant et ceux de la CGT, les sphères politiques et syndicalistes se confondant alors aisément. Ces affrontements culminent lors d’une fusillade contre des cégétistes en septembre 1958. Si certaines des agressions et des bagarres se déroulent hors de l’enceinte de l’usine, d’autres pénètrent à l’intérieur. Les agressions de militants peuvent se dérouler à proximité de leur domicile, lors des distributions de tracts et de journaux syndicaux ou être accompagnées de menaces de mort, et elles sont le fait de différents acteurs : membres de l’encadrement, gardiens, adhérents du syndicat indépendant, salariés membres du mouvement Paix et Liberté. La seconde période, de 1960 à 1965, s’inscrit dans la suite de ce qui précède, mais est également marquée par l’intensification de la guerre d’Algérie et de ses répercussions en France, dans une usine où la présence de partisans actifs de l’Algérie française est avérée. Les années 1974-1975, enfin, marquent un renouveau du syndicalisme CGT, un renforcement des équipes syndicales, qui doivent faire face à d’autant plus d’actes hostiles. L’augmentation des incidents au milieu des années 1970 concerne particulièrement les ouvriers immigrés et correspond à l’entrée, encore modeste mais certaine, de ces derniers dans les rangs du syndicat. Les violences signalées sont de divers ordres. Les pressions, provocations et violences physiques sont régulières, de même que les insultes, les agressions, les menaces (menaces de mort, de bagarres à venir, concernant les membres de la famille, etc.).

5Les pressions et les provocations sont particulièrement nombreuses lors des déplacements des délégués de la CGT dans les ateliers ou au moment des élections des représentants du personnel, poussant des salariés à la démission. Les pressions pour que les ouvriers quittent la CGT sont nombreuses, réitérées, diverses, allant des agressions à des successions de sanctions en passant par l’intervention d’éléments extérieurs comme, dans le cas des ouvriers marocains, celle des services de l’ambassade de leur pays. Les violences et les agressions physiques sont également récurrentes, mais elles connaissent des périodes de plus grande intensité. Il ne s’agit pas simplement d’échauffourées entre militants, mais de la pratique d’une violence antisyndicale et anticommuniste organisée au sein de groupes de salariés regroupés autour du « puissant service intérieur », dont les membres sont surnommés « les chaussettes à clous » (Loubet & Hatzfeld, 2001, p. 181).

6La violence politique qui voit s’affronter deux camps nettement identifiés pour des raisons pouvant être extérieures à l’entreprise, comme autour de 1958 ou à la fin de la guerre d’Algérie, se double d’une violence directement liée à la vie syndicale dans l’usine. Elle est l’un des moyens qui permettent d’installer et de renforcer l’audience du syndicat indépendant en provoquant l’abandon de toute pratique et de tout discours contestataire. Par ailleurs, elle devient l’apanage de groupes de salariés et de corps constitués pour ces tâches de maintien de l’ordre intérieur. Enfin, malgré les changements de propriétaire, ce type de pratiques perdure, avec cependant plus ou moins d’intensité selon les périodes.

Citroën-Aulnay, l’autre face de la modernité

  • 3 « Document sur la CFT remis au ministère du Travail », Fédération des travailleurs de la métallurg (...)

7Dans les usines Citroën, les violences politiques sont surtout perceptibles après 1968. Dans la région parisienne, des groupes d’intervention sont alors formés et sont prêts à chaque instant à affronter des militants politiques ou syndicalistes à l’extérieur des usines3. Un local dans une usine du 15e arrondissement sert par exemple à rassembler les matraques et autres armes nécessaires à la défense du territoire Citroën. De multiples témoignages attestent cette violence récurrente qui vise les syndicalistes et vont de l’insulte au tabassage en règle, en passant par les menaces.

  • 4 Contrairement au printemps 1982 où la distance physique entre ceux qui restent dans l’usine et les (...)
  • 5 Déclaration du syndicat CGT Levallois à la commission des libertés, s.d. Archives ULCGTAsB.
  • 6 Témoignage de M. Brunet, 17 février 1983. Archives ULCGTAsB.
  • 7 Hadj (ou hadji) désigne un musulman qui a fait le pèlerinage jusqu’à La Mecque et à Médine.

8Concernant Citroën-Aulnay, les archives de l’inspection du travail de Seine-Saint-Denis donnent accès à de nombreux témoignages sur la période 1974-1985. Dans ces déclarations, la majeure partie des incidents relève de problèmes liés à l’activité syndicale, mais également à des interactions entre salariés : les violences physiques et les altercations verbales occupent en effet une part importante des discours. Les incidents sont à peu près constants entre 1974 et la moitié de l’année 1981 puis connaissent une forte croissance à partir de novembre 1981, se maintenant à un haut niveau jusqu’en juin 1982. Les altercations verbales sont relativement régulières entre 1974 et 1981 puis augmentent rapidement à la fin de cette année et au début de 1982. Quant aux violences physiques, elles diminuent à la fin des années 1970 puis connaissent des pointes beaucoup plus élevées au printemps 1982, conséquence directe de la grève. La récurrence des agressions verbales puis leur augmentation à partir de la fin de 1981 confirment l’accroissement du niveau de tensions dans l’usine et l’exacerbation des microconflits, en même temps qu’elles reflètent le renouveau encore timide de l’activité syndicale de la CGT et des réactions que celle-ci provoque. Ces insultes ne sont pas de simples paroles énoncées ; tout comme certains écrits, elles constituent « des actes de langage ou du langage comme action » (Cohen, 2003, p. 25) dont les évolutions dessinent certains pans de la vie dans l’usine, touchant notamment aux changements dans l’expression de la parole raciste. Ainsi, avant 1981, le caractère partisan ou syndical de telles altercations est déjà fréquent. Par exemple, en juin 1978, un ouvrier immigré raconte avoir été menacé et insulté par son régleur et d’autres membres de la hiérarchie dans le but de le pousser à démissionner : il a reçu un avertissement puis une mise à pied pendant deux jours et on lui reproche de mal faire son travail. Parmi les insultes, il mentionne : « tu es un singe », « tu es un gros cochon, un fainéant, tu es avec les Russes, les marxistes ». L’insulte par animalisation (singe, cochon) vise particulièrement les travailleurs arabes, ce type d’insulte étant l’une des variations des insultes proférées à l’encontre des immigrés issus du Maghreb, marquant ainsi leur absence de droit au respect par un « processus de destitution du droit à avoir des droits » (Burgat, 1999, 2005, p. 45). Parmi les insultes et altercations verbales, les paroles racistes deviennent plus nombreuses à partir de la fin 1981 et de façon encore plus accentuée lors des périodes où les conflits mettent face à face différents groupes de salariés, comme au début de 19834. À la reprise du travail dans l’usine de Levallois, la CGT constate des propos racistes quotidiens, à un double niveau : « Français contre immigrés et immigrés européens contre immigrés maghrébins5 ». Parmi les propos relevés : « tu es rentré avec les bêtes [les salariés maghrébins] la bave à la bouche », « rital, voleur, assassin », « bougnoule », « moi, les Arabes, je leur ferai comme ça [accompagné d’un geste un couteau à la main] ». À Aulnay, un ouvrier professionnel, souvent menaçant, pose sur son poste de travail une grande lame et dit « je les attends, ces sales bicots6 »... À cela s’ajoutent les salles de prière souillées ou incendiées ou le dépôt d’une tête de cochon dans le vestiaire d’un hadj7... Après le printemps 1982, cette xénophobie s’appuie plus particulièrement sur le constat du désordre provoqué par les grèves auxquelles prennent part les immigrés. À un rejet d’ensemble s’ajoute alors l’idée que les immigrés ne doivent pas se mêler de syndicalisme, qu’ils constituent un facteur de perturbation de la vie des usines d’autant plus illégitime qu’ils ne sont pas français. En effet, avant 1982, les propos racistes n’évoquent jamais le désordre dans les usines ni le fait que la loi n’est pas respectée par les immigrés. Après, en revanche, l’injonction à ne pas « faire la loi » en France, à ne pas provoquer de perturbations accompagne les propos racistes. La parole xénophobe évolue donc à la suite de la participation des ouvriers immigrés aux grèves, et à travers la dénonciation du désordre provoqué par ces derniers s’exprime la défense de positions et de pouvoirs réservés jusqu’alors aux Français.

  • 8 Entretien avec Christian Bonin, novembre 2009.
  • 9 Entretien avec Christian Bonin, novembre 2009, et avec Maurice, juin 2010.

9Les violences physiques à l’usine d’Aulnay sont perceptibles tout au long de la séquence 1974-1985, bien qu’elles semblent s’amoindrir entre 1978 et 1981. Une campagne menée par la CGT et le PCF à propos des agressions subies par les syndicalistes favorise, semble-t-il, une diminution des actes les plus violents8. Ces derniers connaissent ensuite une recrudescence puis une forte augmentation dans la première moitié de 1982 et au début de 1983. Les bagarres et les agressions ponctuelles prennent place dans un continuum d’incidents, de provocations et de sanctions ; les ouvriers peuvent être victimes de violences à plusieurs reprises, le plus souvent dans le but de leur faire quitter l’entreprise, de les faire renoncer à leurs activités syndicales ou de les punir d’avoir manifesté un soutien à la CGT. Les violences peuvent aller de l’arrachage de tracts aux coups et blessures en passant par des intimidations, comme lorsqu’un contremaître fonce avec sa voiture en direction d’un ouvrier et s’arrête à dix centimètres de ses tibias. Bien souvent, c’est lors des activités syndicales que ces violences se produisent. Par exemple, en juin 1975, Yves Léger, l’un des responsables de la CGT, voulant contacter un travailleur turc ayant subi des brimades, est ceinturé par un gardien de vestiaire et bousculé par l’un de ses collègues pendant que neuf salariés l’insultent et lui interdisent toute activité syndicale. Le 6 février 1976, Christian Bonin et Yves Léger sont agressés par 20 personnes lors d’une distribution de tracts. Léger est plaqué contre le grillage et reçoit des coups ; Bonin, à terre, reçoit des coups de pied et de poing. Le 1er juin 1976, un commando de militants de la CFT agresse des militants de la CGT lors d’une distribution de tracts ; un feu est allumé avec les tracts et Yves Léger est traîné en direction du feu. Les réactions des ouvriers à de tels actes sont rares, ce qui provoque chez les syndicalistes des doutes, voire des abandons9.

  • 10 Déclaration du docteur Nataf, centre hospitalier de Gonesse, 12 juillet 1977. Archives privées.
  • 11 Dossiers de la direction départementale du travail, en particulier la plainte avec constitution de (...)
  • 12 Courrier du syndicat CFDT des travailleurs de la métallurgie du 93 nord à M. le directeur de la so (...)

10Si, durant les trois premières années de l’usine (1974-1976), les violences touchent seulement les délégués les plus anciens qui étaient syndicalistes avant d’être mutés à Aulnay et qui sont en majorité français, à partir de 1977, des ouvriers immigrés qui sympathisent ou adhèrent à la CGT sont également victimes de tels actes. Ainsi, un ouvrier immigré désigné comme délégué syndical par la CGT en février 1977 puis candidat aux élections de DP est agressé le 5 juillet 1977, ce qui lui cause un traumatisme crânien et des contusions et érosions cutanées multiples10. Après cet incident, la direction l’accuse d’avoir frappé son contremaître et cherche à le licencier. L’un des témoins du procès que la CGT intente contre les fraudes électorales reçoit plusieurs coups de tournevis au visage et est hospitalisé en mai 1977, puis menacé de licenciement. L’un des cas les plus exemplaires de cette séquence antérieure à 1982 est celui d’un ouvrier marocain ; il permet de constater la systématicité, l’inscription durable de la violence et l’implication répétée de militants de la CSL et de divers personnels11. Cet ouvrier spécialisé engagé à l’usine d’Aulnay-sous-Bois en mai 1976 est désigné comme délégué de la section CFDT de l’usine le 22 mai 1981. Dès le 3 juin, il est convoqué pendant plus d’une heure dans le bureau de l’agent de secteur qui lui prédit des ennuis en raison de son affiliation à la CFDT. Le même jour il est interpellé par son responsable de groupe qui lui dit « hé, le syndiqué, on attend ta mort ». Puis un ouvrier de la chaîne lui heurte les jambes avec une voiture et dit « comme ça, j’aurai ta peau et une prime de Citroën ». Les semaines suivantes, il est constamment critiqué par son responsable de groupe pour la supposée mauvaise qualité de son travail et éconduit lors des démarches qu’il effectue en tant que délégué syndical. Interdiction est faite aux autres salariés de lui adresser la parole et il se dit qu’une prime de 500 francs (soit environ 190 euros aujourd’hui) serait offerte à qui lui casserait la figure. Le 2 septembre, à la suite d’une nouvelle agression d’un ouvrier qui le coince entre deux pare-chocs de voitures, on lui interdit d’aller à l’infirmerie, alors que son médecin traitant lui prescrit le soir même dix-sept jours d’arrêt de travail. Le 10 novembre, lors d’une distribution de tracts, il est victime d’injures à caractère raciste. Deux jours plus tard, des tracts lui sont arrachés des mains et brûlés devant lui. Le 16 novembre, après un arrêt de travail, le syndicaliste est empêché de reprendre son poste de travail et reconduit vers la sortie de l’usine ; il apprend que durant son absence tous les ouvriers du bâtiment où il travaille ont été convoqués individuellement et menacés de licenciement s’ils adhéraient à la CFDT. Le 15 décembre, une nouvelle agression l’empêche de distribuer ses tracts ; parmi les 13 agresseurs sont reconnus des délégués de la CSL ainsi que deux gardiens. Le syndicat CFDT porte alors plainte, ce qui n’empêche pas les agressions, les menaces, les entraves, les tracasseries et les insultes de se poursuivre : agression le 22 janvier 1982, refus de versement d’un acompte le 27 janvier, insultes et menaces le 28 (le chef infirmier lui dit ainsi : « voilà la tête de maquereau qui sait si bien écrire au directeur, la France n’a pas besoin de ta sale race », un autre salarié ajoutant « si tu es un homme, je te trouverai en dehors de l’usine et tant que tu resteras chez Citroën, je ne te laisserai pas en vie. T’as quinze jours pour évacuer les lieux, sans ça tu finiras au cimetière »). Le lendemain, il est poursuivi par un gardien turc armé d’un couteau qui finit par s’emparer de ses affaires et les disperse dans le couloir du vestiaire. Le 11 mars, cinq personnes – parmi lesquelles trois délégués connus de la CSL – le frappent au visage, le renversent et lui donnent des coups de pied. À cela s’ajoutent des coups de téléphone anonymes de menace au domicile du syndicaliste. À la suite de ces agressions contre son délégué, la CFDT parvient à faire inculper 16 agents de secteur et militants de la CSL pour violences12.

11Le harcèlement subi par cet ouvrier est l’une des situations les plus extrêmes signalées dans les archives syndicales, néanmoins elle doit être vue non comme un cas exceptionnel mais comme la systématisation d’un ordinaire antisyndical. L’insulte, l’altercation verbale, la violence ne sont pas des épiphénomènes, mais des pratiques qui contribuent à un ordre politique et sont des éléments d’une politique visant à éliminer toute contestation. Cette politique tire ses racines dans les années 1950 à Poissy et se prolonge ensuite dans les usines Citroën, qui adoptent des modes de relations sociales relativement similaires, particulièrement dans l’usine d’Aulnay tout juste ouverte où l’absence de tradition syndicale limite les capacités de résistance. Les conflits de 1982-1984 héritent de cette situation et de la relative normalité des violences politiques dans ces usines.

Un renversement partiel des pratiques

12Alors qu’avant 1982 la violence n’est décrite dans les archives que comme une violence antiouvrière et antisyndicale, elle apparaît ensuite dans des témoignages hostiles aux grévistes et aux syndicalistes. Un retournement des pratiques violentes est alors perceptible, suscitant en retour de nouvelles réactions.

Territoire usinier et imaginaire guerrier

  • 13 Un même climat guerrier semble régner dans l’usine en mai 1968, alors qu’elle n’est pas en grève : (...)

13Plusieurs rapports et relevés d’incidents témoignent des dégâts qu’occasionnent les conflits de 1982 sur les bâtiments des usines. À Poissy, les constats d’huissier signalent ainsi les vitres brisées du B3, les détériorations, les jets de boulons, de pièces et de boucles de ceinture de sécurité en direction du chef de service et de l’huissier, le saccage de bureaux, les pneus de voiture ou de mobylette crevés, etc. Au-delà de ces atteintes aux biens, les conflits du travail ont à voir avec le contrôle du territoire des usines, d’où l’importance symbolique des occupations, durant lesquelles, pendant un temps, les ouvriers prennent possession d’un espace dédié en temps normal uniquement à la production et à la contrainte (Pénissat, 2005). La grève avec occupation produit un renversement possible des rapports au territoire usinier. Dans les usines de la région parisienne, trois types de configurations spatiales existent : soit l’usine est totalement isolée par rapport au reste de la commune (cas d’Aulnay-sous-Bois), soit elle est imbriquée dans le tissu urbain (cas des usines des Hauts-de-Seine et de celles de Saint-Ouen), soit elle se situe à proximité de la ville mais constitue un territoire à part entière, quasi autonome par rapport à son environnement (cas de Poissy). Dans les deux premiers cas, les usines restent fermées aux grévistes du printemps 1982, qui ne cherchent pas à les occuper, mais qui disposent de leurs propres espaces (les parkings à Aulnay, la rue et les quartiers environnant les usines dans les autres cas). Le troisième cas fait en revanche du territoire de l’usine, de sa conquête, de son occupation et de sa défense un enjeu propre, autant pour les grévistes que pour leurs opposants. Tout au long du conflit, la direction de Talbot édite presque quotidiennement des plans de l’usine sur lesquels elle représente la configuration spatiale des affrontements, leurs points névralgiques, la position des protagonistes, les barrages, les points de filtrage, les positions des forces de police, etc. Résurgence d’une autorité et d’un contrôle du territoire industriel sous les traits du commandement à travers la représentation du champ de bataille, ces plans révèlent des pratiques héritées d’une pensée de type militaire, suscitant une organisation de défense du territoire mobilisée dans des circonstances d’affrontement collectif. Les métaphores guerrières reviennent d’ailleurs à plusieurs reprises dans les propos patronaux, aussi bien chez Talbot que chez Citroën, et si l’effet de discours est le but premier de ces métaphores, elles illustrent aussi les représentations sous-jacentes perceptibles lors des conflits. Cette cartographie de l’ordinaire du combat renvoie à l’image de l’usine comme territoire agressé, occupé et corrobore les propos patronaux faisant de la grève une agression, un acte de violence dirigé contre la marque et contre tous les salariés qui ne participent pas au conflit13.

Blesser et humilier

  • 14 Relevé des constats établis par maître Hollande, huissier de justice, à la demande de la direction (...)
  • 15 Ibid.
  • 16 Entretien avec Youssef, janvier 2013.
  • 17 Déclarations d’accidents du travail, direction du travail de Seine-Saint-Denis, avril et mai 1982. (...)
  • 18 Courrier de Jacques Lombard au ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, Gaston Defferre, (...)
  • 19 Note de l’inspectrice du travail à la suite d’une entrevue avec M. Planchais, responsable de la CS (...)

14Les descriptions des conflits du côté patronal, les constats d’huissier, les déclarations d’accidents du travail montrent comment les personnes incarnant l’ordre patronal ou les récalcitrants à la grève sont violemment pris à partie par les grévistes. Chez Talbot, un huissier décrit les menaces à l’aide de barres de fer, les moments où un régleur est menacé de se faire trancher la gorge, où des ouvriers sont empêchés de rejoindre leur lieu de travail par des manifestants qui utilisent des lance-pierres et des billes d’acier, où des salariés non grévistes sont menacés de mort ou frappés ou encore la brève séquestration d’un militant de Force ouvrière (FO)14. Cette violence gréviste déborde également à l’extérieur des usines. Un ouvrier non gréviste voit par exemple son pavillon envahi par une trentaine de grévistes de Talbot afin de le convaincre par la force de les rejoindre dans la grève15. Dans les quartiers de Beauregard et de La Coudraie, certains grévistes font la chasse aux mouchards et aux délégués de la CSL16. À Aulnay également, particulièrement pendant les premiers jours de la grève, plusieurs non-grévistes sont blessés à l’aide de pierres ou d’autres projectiles. L’inspection du travail reçoit dans cette période au moins 23 déclarations d’accident du travail dus à des agressions liées au conflit qui secoue l’usine17. La direction de Citroën comptabilise quant à elle 71 déclarations d’accident entre le 23 avril et le 18 mai18. D’autres actes relèvent plutôt de l’humiliation. Ainsi, le 27 mai, un membre de la CSL arrêté sur le parking et obligé de descendre de sa voiture reçoit une claque avant d’être conduit devant les grévistes19. De même, un des grévistes raconte comment leurs adversaires peuvent subir de semblables agressions en dehors du lieu du conflit :

  • 20 Entretien avec Ayoub, septembre 2012.

Il y a un gars, une fois, qui est venu. C’était un gars de l’amicale marocaine, bien habillé, tout ça, c’est Citroën qui lui a donné tout ça. [...] Ça, c’était avant la grève. Pendant la grève de 1982, on l’a trouvé à la banque à Aulnay : « Bonjour, bonjour. » Nous, on allait boire un café. « Ah, c’est lui, attends, on va l’attendre. » Mais il voulait pas sortir, il a téléphoné à la police en disant qu’on voulait le tuer... Il est resté là-bas. [...] Alors ils sont venus à 30, ils l’ont attrapé, ils l’ont mis dans le coffre de leur voiture et ils l’ont ramené jusqu’aux grévistes. Ils ont appelé tout le monde : « On va vous montrer quelque chose, faut venir tous. » Ils ont ouvert le coffre, tout le monde lui a craché dessus20...

  • 21 Courrier du SNISC-CSL à M. Malaval, conseiller honoraire à la Cour de cassation, 7 juin 1982. AD93 (...)
  • 22 Haya, film de Claude Blanchet, 1982.

À côté de ces humiliations, les menaces et les agressions se poursuivent même après la reprise du travail. Un courrier de la CSL du 7 juin 1982 adressé à l’inspection du travail récapitule un certain nombre de faits subis par ses membres à la fin de la grève : menaces pour obliger des salariés à adhérer à la CGT, insultes, crachats, etc., qui visent plusieurs salariés ; une lettre de menace est retrouvée sur le vestiaire d’un ouvrier : « [...] hier soir on t’a vu partir avec les mouchards de la CSL. Retourne avec nous, sinon tu le regretteras. Si tu veux pas retourner avec nous, Dieu te punira par notre main, ainsi que tes enfants. » L’ouvrier refuse alors de se présenter aux élections21. Ainsi, on assiste à une inversion des violences commises, des intimidations ou des insultes, dirigées désormais contre les petits chefs et les membres de la CSL. Comme dans d’autres conflits du travail, ces violences dirigées contre les personnes « atteignent la plupart du temps des cadres subalternes, ces agents d’exécution détestés, au vrai les seuls en contact direct, corporel avec les travailleurs » (Perrot, 1973, p. 582). Peu de traces dans les archives évoquent les consignes de la CGT, mais certains responsables du syndicat s’inquiètent de l’image que peut donner une insubordination permanente de la part d’ouvriers immigrés. Entre les libertés prises par les ouvriers, notamment dans l’usage de la violence verbale ou physique, et le « travail de politesse / polissage [des responsables syndicaux] afin de corriger les écarts de comportements, d’attitudes et d’expression qui seraient dissonants par rapport à l’objectif de “respectabilisation” du mouvement ouvrier » (Sommier, 1996, p. 67), un fossé se creuse et, s’il peut être circonscrit lors des grèves, il tend à s’accentuer ensuite. Cet écart tient en bonne partie aux pratiques syndicales et au respect d’un certain ordre usinier, ainsi qu’à des différences d’expériences entre syndicalistes français et immigrés. Si les premiers ont pu être victimes d’agressions lors de leur activité syndicale, ils ne sont pas soumis depuis leur embauche à des insultes régulières, notamment à connotation raciste. Or les insultes ne sont pas un simple échange verbal inamical ; elles caractérisent les rapports entre individus au sein des usines qui sont le résultat des rapports de forces, des positions sociales sédimentées au fil du temps. « Le pouvoir de causer une [...] blessure en usant du nom injurieux » apparaît alors comme « un pouvoir accumulé à travers le temps, dont l’historicité est dissimulée au moment où un sujet singulier prononce ses rapports injurieux » (Butler, 2008, p. 78). Le retournement de l’insulte à partir de 1982 et son appropriation par ceux qui ne sont pas autorisés à en user constituent donc une déprise du pouvoir régnant antérieurement et une inversion de la honte et de la peur qui doivent désormais marquer l’adversaire patronal. Dignité retrouvée, honte et violence infligées à l’adversaire vont ainsi de pair et agissent comme un renversement, partiel et provisoire, des rapports symboliques de domination, à la manière dont les carnavals inversent, le temps de la fête, les positions de pouvoir. Ce caractère carnavalesque et de symbolisation de la violence est visible notamment lorsque les ouvriers grévistes de Citroën-Aulnay et de Talbot-Poissy miment un enterrement de la CSL : sur un simili cercueil, on peut lire « Ici gît la CSL, née CFT, épouse Citroën, décédée en mai 198222. » Cependant, l’inversion des pratiques violentes n’est pas à sens unique et les adversaires de la grève et de la CGT continuent également à user des insultes et des actes physiques contre des ouvriers. C’est particulièrement le cas en janvier 1984 : manifestation de l’ampleur de la crise, la violence contre les grévistes évoquée au chapitre 6 dépasse alors ses usages ordinaires du fait même du degré d’affrontement, du changement de situation et de nature du conflit. Certaines dispositions des salariés, parmi les opposants à la grève, sont alors réactivées, illustrant certains traits d’un « capital guerrier » (Sauvadet, 2006) composé à la fois d’aptitudes mobilisables face à des situations violentes, mais également de capacités à s’organiser lors de telles situations, à commander d’autres individus et à maîtriser des opérations de type militaire. Plusieurs logiques s’entrecroisent alors, expliquant l’exacerbation de la violence. Le renversement des pouvoirs, plus ou moins fantasmé par une partie de la maîtrise depuis 1982, provoque une réelle inquiétude : la peur des salariés quant à l’avenir de l’entreprise, déjà palpable avant décembre 1983, ne fait que s’accroître au cours de la grève, alimentée par les discours de la direction de PSA ; la logique territoriale, prévalant déjà en partie lors du printemps 1982, est d’autant plus attisée par l’occupation de l’atelier B3 ; le territoire occupé nécessite une libération par la force en bonne et due forme, qui doit marquer une remise en ordre : remise en ordre des installations, de la bonne marche du travail, mais aussi remise en ordre symbolique des pouvoirs dans les ateliers et par conséquent du monopole de la violence légitime. Pour un responsable de la CFDT :

  • 23 Entretien avec Daniel Richter, mai 2010.

Il y avait un pouvoir qui s’instaurait à côté de la hiérarchie traditionnelle, ça a provoqué la contre-réaction de l’autre côté. Ce genre de conflictualité, qui n’est pas une véritable guerre civile mais qui n’en est pas loin, c’est une guerre civile dans les têtes, y compris au niveau larvé du rapport physique quasiment quotidien, psychologique et physique. Moi, j’ai failli me faire enlever par quatre agents de maîtrise, mais qui n’étaient pas parmi les plus terribles de la CSL. Mais ils en avaient tellement marre [...] Et avec les immigrés, c’était amplifié parce qu’ils avaient peur que ce soient eux qui fassent la loi, et puis ils étaient convaincus que ça allait couler l’entreprise. C’est devenu quelque chose de complètement ressenti23...

La dynamique de violence que décrit ici le syndicaliste s’inscrit donc dans différents temps : un temps long qui a construit ce lien entre des salariés et leur usine ; un temps plus court, dans lequel, depuis 1982, l’ordre et le respect des hiérarchies sociales sont bouleversés ; un temps de l’immédiateté enfin, celui de la peur de la fermeture de l’usine. La « guerre civile dans les têtes » et la violence de la fin du conflit sont donc liées à des éléments conjoncturels propres à la grève contre les licenciements et à l’aboutissement, ou plutôt à la fermeture, du processus enclenché en 1982. L’image de l’usine comme champ de bataille est poussée à son comble, l’exacerbation de la crise que connaît Talbot accentuant d’autant plus le sentiment d’appartenance à l’entreprise dont découle la volonté de la défendre et d’en exclure les corps étrangers et perturbateurs.

Des pratiques physiques aux pratiques discursives

15Les phénomènes violents peuvent aussi être abordés à travers les pratiques discursives des acteurs. La violence est en effet un élément de décrédibilisation de l’adversaire et elle occupe une place importante dans les discours oraux et écrits. Dans les années 1968, une partie du patronat dénonce ainsi les violences liées aux grèves, mais chez Citroën comme chez Talbot, ce registre discursif n’apparaît qu’à partir de 1982. Dans les discours syndicaux, la nécessité de médiatiser une violence patronale s’exprime en revanche avant et pendant les grèves.

Médiatiser une violence patronale

  • 24 « La violence dans les conflits du travail », Union des industries et métiers de la métallurgie (U (...)

16En 1977, le patronat de la métallurgie s’inquiète de la violence dans les conflits du travail s’inscrivant « dans le cadre d’une stratégie de subversion24 ». Les organisations patronales produisent alors une série de notes et de conseils afin de fournir aux dirigeants les outils pour défendre leurs entreprises. Cette inquiétude patronale n’est ni fortuite ni totalement fantasmée. En effet, malgré un apaisement sur le long terme des formes de grèves violentes, les années 1968 sont marquées par « une résurgence des formes les plus vives d’opposition entre ouvriers et patronat » (Vigna, 2007, p. 97), conjuguant sabotage, mise à sac de bureaux et séquestrations. Mais des violences peuvent également être dirigées contre des ouvriers grévistes de la part du personnel d’encadrement, de vigiles ou d’ouvriers antigrévistes, comme en témoignent de la façon la plus dramatique les meurtres de Pierre Overney par un vigile de Renault-Billancourt en février 1972 et de Pierre Maitre lors d’une grève aux Verreries mécaniques champenoises en juin 1977. Dans ce dernier cas, les meurtriers sont salariés de l’usine Citroën de Reims et membres de la CFT (Caille, 1978). Au-delà de ces drames, dans certaines usines se mettent en place des services de sécurité, de gardiennage, voire ce que les syndicalistes désignent comme des « milices patronales », qui n’hésitent pas à user de violences physiques. Au début des années 1970, Peugeot – qui par ailleurs essaie d’implanter la CFT dans ses usines après mai-juin 1968 – embauche des hommes de main, recrutés le plus souvent dans des milieux d’extrême droite et / ou du banditisme (Angeli & Brimo, 1975), chargés de renseigner la direction de l’entreprise sur les activités des militants et au besoin de les agresser. Si les expériences de violence patronale organisée sont rares, elles n’en dénotent pas moins une des voies choisies pour « préserver l’ordre usinier » (Vigna, 2013), qui n’est pas nécessairement contradictoire avec des politiques sociales permettant un apaisement ou une domestication des relations sociales.

17Du fait de ce contexte, particulièrement prégnant à Poissy et à Aulnay-sous-Bois, « la violence s’étale dans le discours » (Perrot, 1973, p. 587), les camps en présence l’évoquent et l’utilisent pour déconsidérer l’adversaire et contribuent ainsi à la caractériser.

Comme tout phénomène social [la violence est] le résultat d’une lutte de définition entre acteurs poursuivant des intérêts divergents et des ressources dissemblables ; lutte d’autant plus terrible que le concept est accusatoire et moralement condamnable dans un mode pacifié où le violent a presque toujours tort. (Crettiez, 2008, p. 4)

  • 25 Courrier de l’USTM de Seine-et-Oise aux conseillers généraux du département, 18 janvier 1963. Arch (...)

Le registre du discours syndical insiste sur le caractère organisé de la violence : « matraquages », « hommes de main de la Simca », « attaques caractérisées des distributeurs de tracts », « groupes paramilitaires », « commandos », « tentatives d’assassinat de cégétistes », « climat de terreur permanente », « méthodes fascistes »... tel est par exemple le vocabulaire utilisé par la CGT dès le début des années 1960 pour décrire les pratiques antisyndicales ayant cours chez Simca, donnant d’autant plus de relief à ces violences25. De même, un tract évoque des tortures perpétrées au sein de l’usine d’Aulnay contre un ouvrier turc :

  • 26 « On torture chez Citroën », tract CGT, juillet 1975. AM d’Aulnay-sous-Bois. La direction de Citro (...)

Un témoin de nationalité turque a été convoqué dans le bureau de l’agent de secteur, entouré par une dizaine de personnes [...] on a commencé par lui tirer la moustache, ne voulant toujours pas démissionner, on lui a brûlé la moustache, on lui a tapé dans le dos en le menaçant de se retrouver dans la Seine. Tout le monde autour de lui l’insultait, « sale p..., etc. » et on lui criait dessus. On lui a dit « si tu ne signes pas, cela se reproduira tous les jours comme aujourd’hui, tu seras obligé de signer ». Cela a duré cinq heures [...] pour le camarade, cela s’est traduit par une question de vie, on lui répétait continuellement « tu ne sortiras pas d’ici tant que tu n’auras pas signé »26.

  • 27 « Ils l’ont tué... », tract CGT Talbot, 12 novembre 1979. AD93, 49J91.

Les syndicalistes peuvent également qualifier de meurtre le suicide d’un de leurs camarades, comme dans le cas de Léon Chailleux, proche de la retraite et candidat aux élections professionnelles en 1978 sur la liste de la CGT. Il reçoit une sanction pour avoir, supposément, travaillé trop lentement puis est mis à pied avant d’être licencié, à la suite de quoi il se suicide. Pour la CGT, « la direction Talbot [...] a tué Léon Chailleux en engageant le licenciement27 ».

  • 28 Ce film amateur tourné en 1975 est inséré ensuite en introduction du documentaire Haya, film cité.
  • 29 Réalisateur proche du PCF, Paul Seban a réalisé quelques films pour le cinéma mais a consacré l’es (...)

18Une partie de l’activité syndicale est consacrée à dénoncer ces violences – de nombreuses plaintes sont déposées à ce sujet – et cherche à faire reconnaître cet état de fait. En collaboration avec le PCF, les syndicalistes CGT des usines d’Aulnay et de Poissy filment ainsi les agressions que subissent les militants devant les usines et diffusent ces films dans les communes alentour. Le premier de ces films est tourné depuis les tours de la cité des 3 000 d’Aulnay-sous-Bois et montre comment les syndicalistes sont poursuivis physiquement par les hommes du service de sécurité intérieur de Citroën et comment leurs tracts sont arrachés et brûlés28. Un second film est réalisé pour le Parti communiste par Paul Seban29 et montre une agression de distributeurs de tracts par des membres de la CSL à Poissy, d’abord une première fois à vitesse normale, puis une seconde fois au ralenti, assorti du commentaire suivant :

Regardez cet homme en bleu, c’est un membre du service intérieur, c’est une sorte de police de l’usine, payée par le patronat. Ceux qui la composent ne travaillent pas et ne sont là que pour espionner et pour réprimer. Ces deux hommes qui sont là sur les lieux de l’agression sont des responsables de la CFT-CSL, ils dirigent les nervis et les observent. [...] L’homme en bleu frappe, c’est le signal de l’agression. Un second nervi venu de l’arrière agresse un autre militant. L’homme en bleu s’acharne contre un troisième militant. [...] L’agression est bien organisée. Un peu plus loin, un autre nervi s’attaque à un autre militant et le projette à terre. [...] Ce professionnel de la répression est un homme entraîné. [...] Estimant avoir stoppé la distribution, ils s’enfuient et vont se réfugier dans l’usine30.

L’agression, de courte durée, n’empêche finalement pas la distribution de tracts, mais le commentaire est là pour attester une professionnalisation de la violence.

  • 31 « Deux militants de la CSL sont écroués pour violences contre un membre de la CGT », Le Monde, 3 n (...)
  • 32 « Réponse à la lettre de M. Roussel », syndicat CGT Citroën Levallois, 17 février 1983. Archives U (...)
  • 33 Note du syndicat CGT de Citroën-Aulnay, s.d. Archives ULCGTAsB. Lors d’un bal organisé par le Seco (...)
  • 34 « Pour encadrer les commandos, Citroën a recruté le colonel de la Légion étrangère Domigo », Notre (...)
  • 35 « Les gourdins de la CSL », L’Humanité, 19 mai 1982.

19C’est également en désignant par leurs noms propres les salariés chargés de ces basses œuvres que la CGT décrit une violence qui repose sur des groupes et des individus clairement identifiés. Certains sont d’ailleurs écroués pour coups et blessures avec violences en novembre 1982 après avoir agressé un militant cégétiste nord-africain31. Les spécialistes de la violence sont également décrits par leurs faits d’armes et leur photographie est reproduite dans certains tracts. Ainsi, M. C., chef d’atelier à Aulnay-sous-Bois, souvent dénoncé nominalement dans les tracts de la CGT, est décrit comme « le casseur du self Lutetia, l’agresseur de Camposeo en avril 1976 [...] l’un des principaux responsables de la terreur patronale à Aulnay de 1974 à 198232 » et comme « inculpé dans l’affaire du viol d’Issy-les-Moulineaux33 ». Quant à M. D., chef du personnel et, selon la CGT, ancien colonel de la Légion étrangère ayant participé aux guerres coloniales, « son passé nous porte à croire qu’il a été recruté non pas pour ses connaissances de l’industrie automobile, mais pour son expérience à casser du militant, après avoir cassé du “Viet” (en Indochine), de “l’Arabe” (pendant la guerre d’Algérie)34 ». Le discours syndical met donc en scène un corps de professionnels chargés du maintien de l’ordre et de la violence, souvent membres du syndicat indépendant et fréquemment désignés par le terme « nervis ». Selon Le Grand Robert de la langue française, « nervi » désigne un homme de main aux ordres d’un parti politique, et parfois un tueur. Tout autant que l’image de collaboration de classe, ce sont donc bien les pratiques violentes auxquelles sont confrontés les syndicalistes que révèle l’usage de ce terme. Ces nervis sont également mis en images, particulièrement en 1982 à travers des photographies. L’une d’entre elles, publiée par le journal L’Humanité, montre un groupe d’intervention de salariés en train de défendre leur usine35. Certains sont armés de matraques ou d’objets faisant office de matraques. Tous portent des casques, ce qui accentue l’effet militaire de l’image, les casques pouvant être vus comme un substitut d’uniforme en même temps qu’ils signalent la possibilité de violences. Un autre moyen de médiatiser la violence par l’image est d’utiliser les photographies des victimes. Ce type d’image prolonge les écrits syndicaux sur la violence patronale et les livres que la CGT consacre à cette question, en particulier deux ouvrages de Marcel Caille, responsable du secteur droits et libertés de la confédération, dans lesquels les usines Simca-Chrysler et Citroën occupent une place prépondérante : Les Truands du patronat (1977) et L’assassin était chez Citroën (1978). Il y est notamment question de « la séquestration, les passages à tabac, les attentats, les opérations de commando contre les grévistes, les milices patronales, les formations antisyndicales, les hold-up, le fichage, la surveillance, la filature, etc. » (1978). Les illustrations de ces livres usent d’un imaginaire qui n’est pas lié au monde ouvrier, mais bien au banditisme et à la délinquance.

De la violence à la terreur, l’inflation du discours patronal

  • 36 « La violence dans les usines », information au personnel, 9 juin 1982. AM de Saint-Ouen, 25S62.

20Les discours sur la violence ne sont pas l’apanage des syndicats. À partir de 1982, les directions d’entreprise et le syndicat indépendant s’emparent du thème de la violence pour dénoncer les pratiques de la CGT et des ouvriers en grève, y compris en dehors des usines qui connaissent des conflits. Ainsi, à Peugeot-Mulhouse, une note destinée au personnel est spécialement consacrée à « la violence dans les usines » et dénonce « l’escalade de la violence » qui conduit à ce que l’entreprise soit « maintenant considérée par certains comme un champ de bataille où les problèmes se règlent à coups de barres de fer et de boulons36 ». Au sein même des usines qui connaissent des conflits, les directions s’adressent au gouvernement pour dénoncer les violences dont sont victimes leurs salariés non grévistes, de même que des salariés de Citroën et de Talbot déposent des pétitions contre les grèves qui mentionnent systématiquement l’usage de la violence par les grévistes.

  • 37 « La violence et la terreur », conférence de M. Fauvet sur le conflit de Poissy. AN, 19890442/16. (...)

21Ce recours presque systématique à la notion de violence pour caractériser les pratiques des grévistes n’est pas anodin. Il traduit une vision des événements – conflits sociaux, syndicalisation, contestation de l’autorité hiérarchique – comme étant violents en soi. Ce ne sont pas seulement les agissements de certains ouvriers qui sont ainsi stigmatisés, mais une attitude contestataire prise dans son ensemble. Cependant, une formation dispensée aux cadres de PSA à l’automne 1982, essentiellement consacrée au thème de la violence, fait des événements de Talbot et de Citroën des conflits atypiques caractérisés par le passage d’une violence classique à une forme de terrorisme37. Pour le formateur, les conflits sociaux classiques constituent déjà une forme de violence :

Les débrayages, les grèves, les séquestrations, les occupations, les brutalités individuelles contre les agents de maîtrise ou les cadres, les intimidations chahutantes et maintenant, de plus en plus, la pratique des monômes de grévistes qui circulent pendant des heures dans les buildings de la direction sont [...] des actes de violence.

Mais cette violence est régulée, elle répond à l’attitude des directions des entreprises, elle est en quelque sorte son symétrique et relève d’actions raisonnées. La terreur au contraire conduit à des actes aveugles, débridés, illogiques et aléatoires : « C’est au nom de la dignité qu’on blesse, c’est au nom de la justice qu’on saccage, c’est au nom de la liberté qu’on séquestre et qu’on tue la liberté. C’est au nom de la solidarité qu’on est tous les jours plus injuste. » La différence entre violence et terreur tient aux positions des protagonistes. Alors que « le terrorisé n’a aucune chance d’en réchapper, que tout joue contre lui », les agissements syndicaux peuvent provoquer chez leurs adversaires un effondrement physique, une lassitude résignée ou une panique muette se traduisant à Poissy par « le refus de témoigner [...] de porter plainte [...] de désigner les agresseurs par leur nom, ou même de les reconnaître ». Ainsi, les expressions d’un accord, même partiel, de certains salariés avec l’action de la CGT ne doivent pas être considérées comme un soutien, mais comme un effet du terrorisme syndical. Parmi les dangers les plus grands, le formateur des cadres de Talbot cible particulièrement les délégués de chaîne, « invention révolutionnaire diabolique », « acte de violence pseudo-juridique destiné à accentuer le phénomène de terreur par son caractère unilatéral, comme si le droit n’existait pas, et surtout, comme si Peugeot n’existait plus ». La terreur englobe et dépasse ainsi la simple violence physique.

  • 38 Cette phrase, souvent attribuée à Charles Pasqua lors de la vague d’attentats en France de 1986, a (...)
  • 39 À côté des livres blancs, brochures, conférences ou articles, le formateur propose qu’en liaison a (...)

22La qualification de terrorisme pour évoquer les grèves se situe donc dans un autre registre que la violence sinon légitime du moins habituelle des conflits du travail et appelle des réponses adéquates. Malgré les dégâts qu’elle peut provoquer chez les salariés, la terreur peut également susciter par réaction un sursaut de courage sur lequel les directions doivent s’appuyer pour mener une « action anti-terreur [qui] consiste à redonner confiance aux ouvriers, aux Maghrébins, aux agents de maîtrise, aux cadres, aux syndicats réformistes, à tous les alliés de l’intérieur et de l’extérieur, aux journalistes qui nous sont proches, à l’opinion publique mal informée [afin d’] inverser le sens de la terreur [et de] terroriser les terroristes38 ». En ce sens, la violence n’est pas proscrite ; son utilisation est même le premier conseil donné aux cadres de Talbot, « mais évidemment une violence contrôlée, adaptée à notre dignité de responsables d’entreprise. Le jour où un inspecteur du travail indigne de sa fonction de magistrat social sera séquestré par 300 ouvriers en colère, l’opinion publique comprendra que la violence a changé de camp ». Un deuxième conseil est de mener un travail d’information et de formation destiné à « expliquer le phénomène, à démonter le mécanisme, à remonter les procédés et les techniques et les buts de la terreur39 ». Cela doit s’accompagner de ripostes de masse (campagnes de signatures, manifestations) et de la création d’une association contre la violence. Enfin, les actions musclées n’ont aucun sens, voire peuvent devenir nuisibles, si elles ne sont pensées que comme des représailles. Elles doivent au contraire être liées à un « grand projet d’entreprise » capable de faire taire toutes les critiques dirigées contre Talbot. On voit combien le formateur incite son auditoire à une violence antisyndicale.

23Enjeu de disqualification de l’adversaire, les discours sur la violence illustrent eux aussi les changements à l’œuvre au début des années 1980, puisque, jusque-là, la dénonciation de la violence est essentiellement utilisée par les syndicats, alors qu’elle est ensuite appropriée par les adversaires de la CGT. De plus, si l’existence de bagarres, d’altercations voire d’agressions est souvent mentionnée, c’est aussi sous l’angle de catégories politiques qu’est évoquée la violence. En effet, les références au fascisme d’un côté, au terrorisme de l’autre évoquent des types de violence qui ne se situent pas simplement au niveau des interactions entre salariés, mais elles qualifient des violences de nature politique et totalitaire. Dès lors, la catégorie de violence apparaît insuffisante pour exprimer ce que les acteurs perçoivent ou du moins veulent faire percevoir à travers les tracts, les images ou les interventions écrites et orales.

*

24Si la violence constitue un phénomène marquant du quotidien de ces usines, avant et après 1982, considérer de manière isolée les actes de violence fait courir le risque d’autonomiser ces phénomènes par rapport aux autres formes de relations sociales. Il faut au contraire les insérer dans un ensemble de « pratiques qui contrôlent et [de] pratiques qui s’exercent dans leur confrontation avec ce contrôle » (Cohen, 2016, p. 106). Ces pratiques de violence constituent l’une des modalités de l’exercice de l’autorité et de sa contestation. Elles s’articulent à des formes de domination et de pouvoir instituées, inscrites dans l’ordre usinier et au cœur de l’organisation du travail. Par ailleurs, le retournement partiel des pratiques violentes permises par l’insubordination ouvrière est à penser en regard des enjeux de fierté et de dignité qui sont au cœur de la participation des ouvriers immigrés aux conflits sociaux et dont les dimensions physiques ne doivent pas être négligées. La violence chez les grévistes révèle en effet une transformation des usages corporels, qui tient au fait de « relever la tête » et finalement l’ensemble du corps, et de pouvoir se servir de son corps à des fins non productives mais agonistiques.

Notes

1 Proverbe communiste de l’entre-deux-guerres.

2 C’est-à-dire les violences qui s’exercent contre les militants, réels ou supposés, le plus souvent pour les intimider ou les empêcher de mener une activité militante.

3 « Document sur la CFT remis au ministère du Travail », Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT, 20 octobre 1971, archives IHS CGT métallurgie, 8SD15 ; et entretien avec Christian Bonin, novembre 2009.

4 Contrairement au printemps 1982 où la distance physique entre ceux qui restent dans l’usine et les grévistes qui sont sur les parkings réduit le risque d’altercations.

5 Déclaration du syndicat CGT Levallois à la commission des libertés, s.d. Archives ULCGTAsB.

6 Témoignage de M. Brunet, 17 février 1983. Archives ULCGTAsB.

7 Hadj (ou hadji) désigne un musulman qui a fait le pèlerinage jusqu’à La Mecque et à Médine.

8 Entretien avec Christian Bonin, novembre 2009.

9 Entretien avec Christian Bonin, novembre 2009, et avec Maurice, juin 2010.

10 Déclaration du docteur Nataf, centre hospitalier de Gonesse, 12 juillet 1977. Archives privées.

11 Dossiers de la direction départementale du travail, en particulier la plainte avec constitution de partie civile déposée par l’ouvrier, le Syndicat des travailleurs de la métallurgie du 93-nord CFDT et l’union parisienne des syndicats de la métallurgie CFDT, 11 mars 1982. AD93, 1608W92.

12 Courrier du syndicat CFDT des travailleurs de la métallurgie du 93 nord à M. le directeur de la société Citroën, 18 février 1982. Archives interfédérales CFDT, 1B426.

13 Un même climat guerrier semble régner dans l’usine en mai 1968, alors qu’elle n’est pas en grève : une partie du personnel, armée de matraques et de divers projectiles, monte la garde et s’apprête à protéger l’usine d’éventuelles attaques (voir Tréhel, 1982).

14 Relevé des constats établis par maître Hollande, huissier de justice, à la demande de la direction de la société Talbot, 21 juin 1982. AN, 1987121/74.

15 Ibid.

16 Entretien avec Youssef, janvier 2013.

17 Déclarations d’accidents du travail, direction du travail de Seine-Saint-Denis, avril et mai 1982. AD93, 1508W100.

18 Courrier de Jacques Lombard au ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, Gaston Defferre, 19 mai 1982. AN, 19890442/15.

19 Note de l’inspectrice du travail à la suite d’une entrevue avec M. Planchais, responsable de la CSL, 2 juin 1982. AD93, 1508W114.

20 Entretien avec Ayoub, septembre 2012.

21 Courrier du SNISC-CSL à M. Malaval, conseiller honoraire à la Cour de cassation, 7 juin 1982. AD93, 1508W114.

22 Haya, film de Claude Blanchet, 1982.

23 Entretien avec Daniel Richter, mai 2010.

24 « La violence dans les conflits du travail », Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), mars 1977. Archives IHS CGT métallurgie, 8SD16.

25 Courrier de l’USTM de Seine-et-Oise aux conseillers généraux du département, 18 janvier 1963. Archives IHS CGT métallurgie, 8SD15.

26 « On torture chez Citroën », tract CGT, juillet 1975. AM d’Aulnay-sous-Bois. La direction de Citroën réagit en distribuant une mise au point à ses salariés dénonçant « les consignes d’agitation d’un parti politique », note des Renseignements généraux, 21 juillet 1975. Archives PPP, GAC35.

27 « Ils l’ont tué... », tract CGT Talbot, 12 novembre 1979. AD93, 49J91.

28 Ce film amateur tourné en 1975 est inséré ensuite en introduction du documentaire Haya, film cité.

29 Réalisateur proche du PCF, Paul Seban a réalisé quelques films pour le cinéma mais a consacré l’essentiel de sa carrière à la télévision.

30 L’Agression, film de Paul Seban, 1979, en ligne : www.cinearchives.org/Films-447-557-0-0.html (octobre 2020).

31 « Deux militants de la CSL sont écroués pour violences contre un membre de la CGT », Le Monde, 3 novembre 1982.

32 « Réponse à la lettre de M. Roussel », syndicat CGT Citroën Levallois, 17 février 1983. Archives ULCGTAsB.

33 Note du syndicat CGT de Citroën-Aulnay, s.d. Archives ULCGTAsB. Lors d’un bal organisé par le Secours rouge dans une maison occupée en juillet 1972, deux femmes sont enlevées par un petit groupe de salariés de Citroën, puis violées, vraisemblablement dans l’enceinte d’une usine du 15e arrondissement.

34 « Pour encadrer les commandos, Citroën a recruté le colonel de la Légion étrangère Domigo », Notre Voix, journal de la CGT dans les usines Citroën, novembre 1976. AM de Saint-Ouen, 25S27.

35 « Les gourdins de la CSL », L’Humanité, 19 mai 1982.

36 « La violence dans les usines », information au personnel, 9 juin 1982. AM de Saint-Ouen, 25S62.

37 « La violence et la terreur », conférence de M. Fauvet sur le conflit de Poissy. AN, 19890442/16. Sauf mention contraire, les citations qui suivent sont extraites de ce document.

38 Cette phrase, souvent attribuée à Charles Pasqua lors de la vague d’attentats en France de 1986, aurait d’abord été employée par Georges Bidault en 1937 après des attentats fascistes (Thorel, 2013).

39 À côté des livres blancs, brochures, conférences ou articles, le formateur propose qu’en liaison avec l’UIMM et d’autres sociétés Talbot organise une « exposition-musée sur la violence ».

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