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Pour une histoire de la viande

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Bruno Laurioux
, 
Marie-Pierre Horard

Troisième partie. La boucherie, la production et la qualification des viandes aujourd’hui

Les particularités du métier d’artisan boucher détaillant en France, de la Révolution jusqu’au milieu du XXe siècle

Sylvain Leteux

Texte intégral

  • 1 Berthiaume G., Les Rôles du mageiros : étude sur la boucherie, la cuisine et le sacrifice dans la G (...)

1Le métier d’artisan boucher est un métier ancien qui existait déjà sous l’Antiquité et au Moyen Âge1. De façon traditionnelle, le boucher est défini comme une personne qui tue des bœufs, des veaux, des moutons et d’autres animaux d’élevage et qui en vend au détail la chair. Une transformation majeure du métier de boucher intervient au cours du xixe siècle avec la séparation entre deux activités distinctes : l’abattage des gros bestiaux qui revient aux bouchers de gros (les chevillards) et la vente au détail de la viande qui revient aux bouchers de détail (les détaillants). Cette séparation des deux métiers a été progressive et variable selon les espaces. Le boucher détaillant apparaît d’abord en ville, alors que l’ancien métier de boucher abatteur-détaillant va subsister longtemps dans les campagnes. Le cas de Paris sera largement évoqué car l’évolution du métier dans la capitale se retrouve ensuite dans toutes les autres villes de France.

2Nous avons choisi un cadre chronologique allant de la Révolution française jusqu’au milieu du xxe siècle car, à Paris, l’âge d’or de l’artisan boucher détaillant se situe entre 1867 et 1974, dates d’existence des abattoirs de la Villette, marché économique primordial et lieu symbolique fort pour toute la boucherie française. Avant les années 1860, les bouchers détaillants sont extrêmement rares : c’est la figure du boucher abatteur-détaillant qui domine. À Paris, la boucherie de détail est même officiellement interdite jusqu’en 1858. À partir des années 1960, la figure du boucher abatteur-détaillant disparaît avec la fin des tueries particulières, alors que le déclin des artisans bouchers détaillants commence avec le développement de la grande distribution.

3Outre cette évolution chronologique du métier de boucher, nous évoquerons les autres métiers qui gravitent autour du détaillant. Le boucher « traditionnel » se définit par les produits vendus (bœuf, veau, mouton), en opposition avec d’autres professions voisines, comme le charcutier, le tripier, le volailler, le boucher chevalin. Enfin, nous présenterons des pistes de réflexion sur des comportements qui seraient propres à l’artisan boucher détaillant.

La naissance du métier de boucher détaillant

  • 2 Ferrières M., Histoire des peurs alimentaires du Moyen Âge à l’aube du xxe siècle, Paris, Seuil, 20 (...)

4Pendant de nombreux siècles, le boucher cumule deux activités actuellement séparées, l’abattage et la vente au détail. En France, sous l’Ancien Régime, de multiples règlements interdisent la vente de la viande à la cheville, c’est-à-dire qu’il est formellement interdit à un boucher d’abattre une bête pour ensuite en revendre une partie à un confrère. Une telle interdiction se justifie par des raisons économiques (éviter le renchérissement de la viande en interdisant les intermédiaires) et sanitaires (le boucher est responsable de la qualité de la viande vendue). Depuis le Moyen Âge, le boucher à l’obligation de tuer lui-même le bétail vivant et d’en vendre rapidement la chair, pour des raisons d’hygiène et de santé publique. De telles prescriptions se retrouvent dans de nombreuses municipalités2.

  • 3 Le regrat est la revente au détail en seconde main de denrées. Le mercandage est la revente « libre (...)
  • 4 Abad R., Le Grand Marché : l’approvisionnement alimentaire de Paris sous l’Ancien Régime, Paris, Fa (...)

5Par ailleurs, la revente entre particuliers du bétail de boucherie vivant est également interdite, pour éviter la spéculation. Au xviiie siècle, on trouve de nombreuses protestations des bouchers réguliers contre le regrat, le « mercandage » et la boucherie foraine3. Dans le cas parisien, le système des marchés obligatoires, qui remonte au xve siècle et se structure au xviie siècle avec le système de la caisse de Poissy, interdit clairement la revente de bestiaux de boucherie entre particuliers pour permettre une centralisation des transactions dans des marchés officiels (principalement ceux de Sceaux et de Poissy4). Ce contrôle strict des circuits d’approvisionnement de Paris en bestiaux trouve diverses justifications : éviter les épizooties (en favorisant les contrôles sanitaires), connaître les prix de référence du marché (et prévenir les hausses trop importantes) et taxer les transactions (taxation qui provoque la colère des herbagers).

  • 5 Burstin H., Le Faubourg St-Marcel à l’époque révolutionnaire : structure économique et composition (...)
  • 6 Bourgin H., L’Industrie de la boucherie à Paris pendant la Révolution, Paris, Ernest Leroux, 1911, (...)

6L’interdiction des intermédiaires (regrat, mercandage, cheville) dans le commerce du bétail et de la viande a donc des raisons économiques et sanitaires. Ces règlementations d’Ancien Régime se trouvent balayées durant la Révolution française. En 1791, les corporations sont abolies et la caisse de Poissy est supprimée. Si l’on prend le cas parisien, le nombre des bouchers, autrefois limité, double entre 1791 et 1802 : on passe ainsi de 379 à 700 bouchers. Certaines sources évoquent même des chiffres bien supérieurs pour 1802, en prenant en compte les bouchers forains et les mercandiers : 850 selon le syndicat des bouchers, 1 200 selon le préfet de police, 2 000 selon le Conseil d’État. Le relâchement du cadre réglementaire pendant la décennie 1791- 1801 favorise donc la multiplication du nombre de particuliers vendant de la viande au détail, sans aucun contrôle sanitaire5. C’est au cœur de ce désordre libéral révolutionnaire que le commerce à la cheville apparaît à Paris et qu’il commence à être toléré par les pouvoirs publics. L’historien Hubert Bourgin a décrit avec précision cette « décomposition du métier » qui débute pendant la Révolution, avec la reconnaissance officielle des bouchers forains, la tolérance pour les colporteurs de viande et l’autorisation (temporaire) de la vente en gros des viandes sur les marchés6.

7Les bouchers réguliers, c’est-à-dire abatteurs détaillants, soumis à la patente et aux contrôles sanitaires, multiplient les plaintes contre les formes de concurrences jugées déloyales et obtiennent un retour progressif de la réglementation de leur activité. À Paris, les bouchers forains voient leur activité encadrée : précision des horaires de vente sur les marchés (1796), création de la catégorie des « forains patentés » (1800), interdiction de la vente en gros sur le carreau de la Halle (1803), interdiction de la vente sur la voie publique et du colportage (1806). Un arrêté du préfet de police de Paris de septembre 1802 rétablit une Caisse de la boucherie et un fonctionnement corporatif du métier. Un décret impérial du 6 février 1811 met en place la Caisse de Poissy, avec un système de marchés obligatoires identique à celui d’Ancien Régime et le rétablissement d’une corporation des bouchers à Paris, avec une limitation du nombre des étaux (le syndicat est autorisé à racheter les étaux vacants pour les fermer). Même si l’objectif affiché de 300 étaux ne sera jamais atteint, le nombre de bouchers diminue régulièrement entre 1800 et 1824, passant de 700 bouchers en 1800 à 575 en 1802, 479 en 1805, 444 en 1813, 370 en 1822 et 355 en 1824. La boucherie « régulière », construite sur le modèle du boucher abatteur-détaillant, semble donc triomphante à partir de 1811.

  • 7 Bizet L., Du commerce de la boucherie et de la charcuterie de Paris et des commerces qui en dépende (...)
  • 8 La boucherie parisienne semble présenter des particularités assez significatives dès le Moyen Âge. (...)

8En 1810, la décision de Napoléon de fermer les tueries particulières et de créer cinq grands abattoirs publics à Paris va favoriser le développement du commerce de la viande à la cheville. La création de cinq grands abattoirs publics (Roule, Montmartre, Ménilmontant, Grenelle et Villejuif) répond à un objectif d’hygiène publique, en assurant une plus grande salubrité des locaux d’abattage (les échaudoirs) et en facilitant les contrôles sanitaires (et fiscaux). Ce modèle parisien va être suivi progressivement au cours du xixe siècle par les villes de province. La fermeture des tueries particulières et la création d’abattoirs publics impliquent que chaque patron boucher dispose (en location) d’un échaudoir dans l’abattoir pour abattre ses bêtes et d’une boutique en ville pour vendre au détail la viande. La règle indique qu’un boucher ne peut pas disposer de plusieurs échaudoirs. En théorie, le système fonctionne ainsi : le boucher doit acheter ses bêtes sur les marchés obligatoires (Sceaux et Poissy), les abattre à l’abattoir public puis vendre la viande au détail dans sa boutique (ou à la Halle à la viande et sur les marchés s’il est forain). À Paris, les cinq abattoirs fonctionnent à partir de 1818. Dans les années 1820, les tueries particulières ferment progressivement et les patrons bouchers les plus riches vont constituer assez rapidement deux équipes de travail : l’une à l’étal qui se spécialise dans la vente au détail et l’autre à l’échaudoir qui s’occupe de l’abattage. Même si le commerce à la cheville demeure officiellement interdit jusqu’en 1858, on comprend bien que la séparation des lieux de travail favorise l’apparition de deux professions différentes. De plus, après 1830, les pouvoirs publics affichent une large tolérance pour cette évolution « naturelle » du métier. En 1847, sur les 501 bouchers de Paris, 214 sont « réguliers » (abatteurs détaillants), 215 sont des « bouchers acheteurs » (c’est-à-dire détaillants, qui ne pratiquent pas l’abattage) et 73 sont des chevillards (bouchers en gros7). Cette répartition montre bien que la naissance du métier de boucher détaillant est précoce à Paris et remonte aux années 1820. Cette précocité de Paris par rapport au reste de la France explique sans doute pourquoi les bouchers détaillants parisiens ont pu créer la « découpe parisienne », et diverses techniques commerciales spécifiques au débit de détail qui seront ensuite imitées en province8.

Graphique 1. Évolution du nombre de bouchers à Paris entre 1789 et 1964.

Graphique 1. Évolution du nombre de bouchers à Paris entre 1789 et 1964.

9Il faut noter que le cadre règlementaire parisien s’assouplit assez rapidement. En 1825, le ministère Villèle libéralise le commerce de la viande à Paris et supprime le syndicat : le nombre des étaux passe de 355 à 500. En 1829, le système corporatif est rétabli mais on relève à 400 le nombre des étaux autorisés. Dans les faits, ce sont 500 étaux qui fonctionnent à Paris entre 1830 et 1858. Avec la IIe République, diverses mesures entament le privilège corporatif des bouchers réguliers, comme la vente sur les marchés qui devient quotidienne en 1848 (et non plus limitée à deux jours par semaine) et la mise en place de la vente de la viande en gros à la criée des Halles centrales en 1849 (ce qui facilite le réassort des bouchers détaillants). Les bouchers forains passent de 77 en 1847 à 121 en 1857. Finalement, un décret impérial du 24 février 1858 libéralise définitivement la boucherie parisienne : la caisse de Poissy est supprimée, tout comme le syndicat de la boucherie, le système des marchés obligatoires et le numerus clausus. Le nombre des bouchers explose, passant de 500 en 1858 à 1 132 en 1860, 1 658 en 1883, 2 049 en 1911, même si le saut quantitatif après 1860 s’explique aussi par l’annexion des communes suburbaines.

  • 9 Garnier B., « Les marchés aux bestiaux : Paris et sa banlieue », Cahiers d’Histoire, no 3-4, 1997, (...)
  • 10 Leteux S., Libéralisme et corporatisme chez les bouchers parisiens (1776-1944), thèse de doctorat, (...)

10L’ouverture de l’abattoir général de la Villette en 1867 marque une étape importante pour la pérennité de la séparation entre les activités de détail et de gros. Avec l’annexion des communes suburbaines en 1860, trois petits abattoirs municipaux (Batignolles, Belleville et La Villette) se retrouvent présents sur le territoire communal de Paris9. Les édiles municipaux, dans le mouvement de rénovation urbaine porté par Haussmann, décident de fermer les cinq abattoirs créés sous Napoléon Ier et de centraliser l’abattage dans un lieu unique, à la Villette, sur la rive droite. L’abattoir général de la Villette, inauguré en 1867, est complété en 1898 par l’abattoir de Vaugirard, sur la rive gauche, plus petit (50 échaudoirs), qui se spécialisera dans l’abattage des chevaux et des porcs. En 1867, l’abattoir de la Villette ne compte que 150 échaudoirs (210 échaudoirs en 1900). Le nombre d’échaudoirs étant contraint, le nombre de chevillards va progresser mais ne pourra jamais dépasser 350, chiffre constaté dans les années 1920. Les échaudoirs appartiennent à la municipalité et sont loués aux professionnels, avec un système d’attribution des places assez opaque10. Officiellement, des places d’échaudoirs sont réservées pour les bouchers détaillants qui souhaitent venir abattre eux-mêmes leurs bêtes. En fait, le mouvement amorcé depuis les années 1820 va s’accentuer après 1867 : le nombre de bouchers-abatteurs détaillants diminue régulièrement alors que celui des chevillards augmente. Ainsi, le nombre des bouchers-abatteurs détaillants passe de 1 000 en 1862 à 177 en 1872, 98 en 1881 et 26 en 1899. Dans le même temps, le nombre des chevillards progresse, passant de 50 en 1842 (surtout concentrés à l’abattoir de Montmartre), 73 en 1847, 100 en 1862, 159 en 1873, 264 en 1883, 291 en 1896, 345 en 1910. Notons que certains échaudoirs sont occupés par plusieurs chevillards, avec un système d’alternance selon les jours de la semaine.

  • 11 Haddad P., Les Chevillards de la Villette. Naissance, vie et mort d’une corporation, thèse de docto (...)

11Au niveau de l’organisation professionnelle, les chevillards parisiens disposent dès 1873 d’une « commission administrative de la boucherie en gros de Paris », que l’on peut considérer comme l’ancêtre du Syndicat du commerce en gros de la boucherie, créé en 188611. La « boucherie régulière » de Paris a disposé entre 1811 et 1858 d’un bureau corporatif puis d’une chambre syndicale à partir de 1868. Entre 1868 et 1886, la chambre syndicale de la boucherie de Paris représente bien les deux branches du métier car les statuts précisent que parmi les 45 membres du bureau directeur, 20 représentent les chevillards, 23 les bouchers détaillants, sans compter les 2 pour les forains des marchés. En 1886, la chambre syndicale modifie ses statuts pour devenir le syndicat de la boucherie de Paris et de la Seine, qui ne regroupe que des bouchers de détail, les chevillards ayant créé leur propre syndicat. Au niveau national, le syndicat général de la boucherie Française est créé en 1894, alors qu’il faut attendre 1925 pour que se constitue une Fédération nationale de la boucherie en gros.

12Si l’on suit l’évolution parisienne, il apparaît clairement que l’âge d’or de l’artisan boucher détaillant se situe entre 1870 et 1970, quand la séparation entre les activités de gros et de détail est nettement établie et que la présence de l’abattoir général de la Villette dans la ville permet au boucher détaillant de conserver un lien personnel avec le chevillard, c’est-à-dire l’artisan abatteur à qui il achète des carcasses. Les abattoirs de Vaugirard et de la Villette fonctionnent sur un mode artisanal, avec une coexistence de multiples petits patrons chevillards indépendants. Le marché aux bestiaux vivants jouxte chaque abattoir, ce qui signifie qu’un boucher détaillant conserve la possibilité de choisir une bête sur pied au marché et de la faire abattre à façon par un chevillard. Avec la fermeture des abattoirs de la Villette en 1974 puis de Vaugirard en 1978, c’est la fin d’une certaine pratique traditionnelle du métier qui s’opère car le lien personnel entre le boucher détaillant et le chevillard disparaît. Les abattoirs modernes fonctionnent sur un mode industriel et le boucher détaillant achète ses carcasses au Marché d’intérêt général de Rungis, qui remplace en 1969 les Halles centrales de Paris. La profession de chevillard disparaît brutalement alors que le nombre des artisans bouchers détaillants diminue régulièrement à partir des années 1950, avec la concurrence des magasins à succursales multiples et de la grande distribution, et plus tard à cause de la baisse de la consommation carnée.

13L’évolution décrite pour Paris se retrouve dans les villes de province, avec une temporalité décalée selon la taille de la commune. Le principe de la fermeture progressive des tueries particulières est marqué par différentes étapes règlementaires. Une ordonnance royale du 15 avril 1838 stipule clairement que la mise en activité de tout abattoir public entraîne de plein droit la suppression des tueries particulières situées dans la localité (et cette suppression ne peut donner lieu à aucune indemnité). Une loi du 8 janvier 1905 facilite la création d’abattoirs publics dans les villes par un système de taxes et de subventions. Si toutes les grandes villes, puis les villes moyennes, se dotent progressivement d’abattoirs publics au xixe ou au début du xxe siècle, il n’en demeure pas moins que les petites communes conservent longtemps des tueries particulières. Par exemple, on compte encore 200 tueries particulières dans la banlieue parisienne en 1904.

  • 12 La Bourdonnaye A. de, « Peut-on faire des abattoirs publics un outil économique ? », Économie rural (...)

14Une loi du 27 septembre 1941 supprime les tueries particulières, mais la tolérance administrative demeure importante. La France compte encore 25 000 tueries particulières en 1954 et 18 000 en 1961. En 1963, les tueries particulières représentent encore un quart du tonnage total des abattages. Une loi du 8 juillet 1965 institue le régime de l’exploitant unique : le boucher abatteur-détaillant ne peut plus venir abattre ses bêtes dans l’abattoir. Cette loi de 1965 marque vraiment le début de la disparition définitive des tueries particulières, car les conditions d’hygiène des abattoirs sont considérablement renforcées. En 1969, les tueries particulières ne représentent plus que 5 % du tonnage national des abattages12. Les années 1960 sont marquées par la fin du système des bouchers-abatteurs détaillants ruraux, alors que les années 1970 correspondent au début du déclin des bouchers détaillants urbains.

Le boucher détaillant face à ses concurrents

15Nous venons de détailler comment le métier de boucher s’est progressivement séparé en deux branches distinctes à partir du xixe siècle. Même si le détaillant et le chevillard deviennent deux métiers différents, il n’en demeure pas moins qu’un lien naturel relie ces deux professionnels qui forment deux étapes successives d’une même filière. De plus, les « bouchers à deux mains », c’est-à-dire à la fois abatteurs et détaillants, demeurent nombreux dans les campagnes françaises et dans les petites villes de province jusqu’au milieu du xxe siècle. Bien que leurs intérêts professionnels soient parfois divergents (sur la taxation de l’importation des viandes étrangères dans les années 1890 par exemple), les bouchers de gros et de détail conservent une identité commune forte. S’il n’y a pas de concurrence véritable entre détaillant et chevillard, les conflits ont été, en revanche, nombreux avec d’autres professionnels.

  • 13 Chatelain A., « Pour une histoire du petit commerce de détail en France. Lutte entre colporteurs et (...)

16Au début du xixe siècle, les bouchers concentrent leurs plaintes sur les forains et les colporteurs de viande (mercandiers). Les forains sont des bouchers des faubourgs qui viennent vendre de la viande sur les marchés certains jours de la semaine, en respectant certaines règles. Les colporteurs pratiquent le regrat : ils revendent au détail de la viande acquise en seconde main, dans des conditions sanitaires souvent douteuses. Le boucher « régulier » qui paie une patente et un droit d’usage dans les abattoirs municipaux, qui respecte des normes sanitaires et commerciales, juge déloyale la concurrence des bouchers forains sur les marchés et, de manière plus importante, celle des colporteurs de viande. Ce type de protestation est commun à tous les commerçants en boutique face aux forains13. À Paris, l’accès des forains à la Halle aux viandes est limité à deux jours par semaine (mercredi et samedi) en 1803 avant d’être assoupli en 1848 avec l’autorisation de la vente quotidienne. L’interdiction du colportage des viandes date de 1806 et a été renouvelée à Paris en 1858 au moment de la libéralisation de la boucherie (fin du système corporatif). À l’échelle nationale, dans le prolongement de la loi sanitaire de 1902 sur la protection de la santé publique et de la loi de 1905 sur la répression des fraudes et des falsifications alimentaires, c’est en 1906 que la règlementation devient plus stricte sur le colportage de la viande, pour des motifs avant tout sanitaires.

  • 14 Leteux S., Libéralisme et corporatisme chez les bouchers parisiens (1776-1944), op. cit., p. 91-93.

17Les bouchers ont souvent été en conflit avec d’autres professionnels de la filière viande, comme les charcutiers, les tripiers et les rôtisseurs (plus rarement avec les volaillers). La séparation entre boucher et charcutier remonte au Moyen Âge (1476 à Paris), mais les conflits ont été fréquents entre ces deux corporations14. À l’origine, les charcutiers avaient un monopole sur la viande cuite et les bouchers sur la viande fraîche. L’évolution des privilèges sous l’Ancien Régime a conduit les charcutiers à obtenir la vente exclusive de la viande de porc (crue ou cuite), privilège obtenu en 1705 à Paris. Les conflits entre les deux corporations portaient sur la délimitation de chaque métier, les bouchers voulant conserver par exemple le débit des côtes de porc fraîches. Cette séparation stricte entre boucherie et charcuterie demeure forte à Paris après la Révolution. Au xixe siècle, les charcutiers parisiens possèdent leur propre chambre syndicale (dès 1805), leur confrérie (qui se réunit à Saint-Eustache), leur mutuelle (1879), leur Confédération nationale (1891), bien distinctes de celles des bouchers.

18Une telle séparation liée à l’animal vendu se retrouve avec les bouchers chevalins, qui possèdent leur propre organisation professionnelle. Le syndicat de la boucherie hippophagique de Paris est créé en 1890 et le syndicat général de l’industrie chevaline de France en 1905, au moment où un conflit éclate entre les chevalins et les bouchers « classiques » sur la question de la délimitation de l’activité : le boucher chevalin a-t-il le droit de commercialiser d’autres espèces que le cheval ? L’hippophagie est officiellement autorisée en France en 1866, mais l’ordonnance de police du 9 juin 1866, qui encadre (strictement) les boucheries hippophagiques parisiennes, ne précise pas ce point. Dans sa thèse, Ghislaine Bouchet évoque la situation des boucheries chevalines :

  • 15 Bouchet G., Le Cheval à Paris de 1850 à 1914, thèse de l’École des chartes, Paris, Droz, 1993, p. 2 (...)

Profitant du vide juridique de l’ordonnance, certaines de ces boucheries se mirent à vendre viande et saucissons de cheval, d’âne ou de mulet, mais aussi porc salé, veau et mouton, plus rarement du bœuf, réservé aux boucheries classiques. Bien évidemment, cette concurrence ne faisait pas l’affaire du Syndicat général de la Boucherie française, qui argua du préjudice causé à ses adhérents. Pour lui l’ambiguïté n’existait pas sur la signification du mot « spécialité » mentionné par l’ordonnance du 9 juin 1866 ; la spécialité interdisait aux bouchers hippophagiques de vendre toute autre viande que celle de cheval.15

19Un rapport d’un inspecteur principal des Halles et marchés de 1872 indique clairement que la vente exclusive du cheval ne rapporte pas assez au boucher chevalin et que la vente simultanée d’autres viandes lui assure un complément de revenus.

  • 16 Escourrou G., La Localisation des boucheries de détail à Paris, thèse de 3e cycle, Faculté de géogr (...)

20Dans les années 1880, la consommation hippophagique prend de l’ampleur à Paris. On passe de 48 boucheries chevalines en 1874 à 180 en 1894 et 311 en 1908, fortement implantées dans les quartiers ouvriers16. Les abattages annuels de chevaux pour la boucherie passent de 7 000 en 1875 à 17 000 en 1890, 40 000 en 1905 et 62 000 en 1911. Cette activité chevaline est mal perçue par les bouchers classiques. En 1896, alors que l’abattoir de Villejuif (où se pratique l’abattage des chevaux) doit être prochainement fermé, les chevillards de la Villette protestent avec vigueur contre un projet d’installation des chevalins à la Villette et obtiennent gain de cause. Les chevalins disposeront finalement en 1904 de leur propre abattoir rue Brançion, près des abattoirs de Vaugirard. Avec les bouchers détaillants, c’est en 1898 que le conflit éclate, dans le contexte de l’affaire Dreyfus. Alors qu’une importante vague d’antisémitisme touche la France, les bouchers détaillants s’adressent à Ernest Barillier pour faire entendre leurs doléances contre les chevalins. Ernest Barillier est un riche boucher de la rue des Martyrs, conseiller municipal de Paris, militant antisémite et intime de Déroulède. Il mène une active campagne de lobbying contre les chevalins au sein du conseil municipal, qui aboutit en 1901 à l’adoption d’une délibération par laquelle « la vente des viandes bovines, ovines et porcines est formellement interdite dans les boucheries hippophagiques » à partir du 1er janvier 1902. Cette décision ne sera pas appliquée et la règlementation restera inchangée jusqu’en 1914. Cette crise montre l’extrême tension qui règne entre 1890 et 1910 entre la boucherie classique et la boucherie hippophagique.

  • 17 Bourgin H., L’Industrie de la boucherie à Paris pendant la Révolution, op. cit., p. 57.

21Les bouchers ont eu des relations tendues avec les charcutiers sous l’Ancien Régime, avec les bouchers chevalins à la Belle Époque. Qu’en est-il avec les tripiers ? Les bouchers semblent peu craindre la concurrence des tripiers sous l’Ancien Régime car, étant abatteurs, c’est eux qui contrôlent la matière première. Au xviiie siècle, la triperie était un métier libre et surtout féminin. En 1789, les rôles semblent bien répartis car la vente des tripes crues revient aux bouchers, la cuisson est monopolisée (de fait mais non de droit) par quelques industriels et la vente des tripes cuites est assurée par des revendeuses17. La situation change avec la Révolution. À Paris, dès 1803, une ordonnance de police réserve aux tripières la vente et la préparation des tripes, pour empêcher les bouchers de cuire les tripes dans leur boutique, ce qui nuit à la qualité des viandes présentes. En 1812, une seconde ordonnance de police clarifie le fonctionnement : les bouchers sont obligés de livrer immédiatement les tripes après l’abattage. Les tripes rouges (cœur, foie, rate, poumon) sont livrées à la triperie et les tripes blanches (pied, panse, tête, langue, mamelle) sont livrées à l’entrepreneur de cuisson qui remet les tripes préparées aux tripières. La cuisson des tripes est donc clairement interdite aux bouchers. La préparation des tripes va faire le succès d’industriels comme la société Artus, installée en 1871 dans les abattoirs de la Villette.

22La séparation entre boucherie de détail et de gros est lourde de conséquences au niveau financier. Une partie non négligeable du revenu du chevillard provient de la vente du cinquième quartier, c’est-à-dire l’ensemble des matières animales qui ne sont pas de la viande : cuir, suif, abats, sang, boyaux, os, crins, etc. Les revenus provenant des cuirs et des suifs étant très importants, les bouchers détaillants vont lutter pendant une bonne partie du xixe siècle pour tenter de conserver le contrôle de ces matières premières stratégiques.

  • 18 Baudier M., Le Commerce du bétail et de la viande en France, thèse de droit, Paris, 1914, p. 274-27 (...)

23À Paris, au début du xixe siècle, certains bouchers salent et emmagasinent les cuirs, mais ils trouvent contre eux l’opposition active des marchands de cuirs, qui contrôlent la Halle aux cuirs. Pendant toute la première moitié du xixe siècle, le syndicat des bouchers aura le projet d’acheter et de gérer une Halle aux cuirs pour résister aux prix imposés par les marchands de cuirs, mais ces multiples projets ne rencontreront jamais un soutien suffisant de la part des autorités locales. Il faut attendre 1841 pour que le syndicat de la boucherie achète un dépôt pour les cuirs, et patienter jusqu’en 1848 pour que l’administration autorise le financement des appointements du préposé sur les deniers de la caisse de Poissy. Le projet n’aboutira jamais. Après 1870, les chevillards vont tenter à leur tour de s’organiser contre les marchands de cuir, sans plus de succès. En 1892 a été créé un « syndicat de la boucherie de Paris et de la banlieue pour la vente directe de ses cuirs classés », dont nous ne connaissons pas le destin. Les bouchers de province semblent avoir été plus efficaces : ils ont formé diverses sociétés anonymes pour la vente collective des cuirs et des suifs. Dans certaines villes, c’est le syndicat de la boucherie qui procède directement aux opérations sur les cuirs, les suifs et la triperie, comme à Versailles, Orléans, Lyon, Rouen, Valenciennes, Limoges, Tours18.

  • 19 Paquette C., Histoire de la boucherie, Paris, Imprimerie du réveil économique, 1930, p. 124.

24À Paris, les revenus des suifs échappent rapidement aux bouchers à partir du xixe siècle. Sous l’Ancien Régime, pour empêcher un éventuel accaparement, les bouchers étaient obligés de vendre chaque semaine leurs suifs aux chandeliers. À la fin du xviiie siècle, une minorité de bouchers parisiens possédaient un fondoir de suifs à côté de leur échaudoir. Avec l’ouverture des abattoirs publics après 1810, les autorités imposent que la fonte des suifs soit centralisée dans les abattoirs et que les petits ateliers privés soient fermés, à cause des nuisances olfactives et du risque d’incendie. Dès 1810, les fonderies de suifs sont classées dans la première classe des établissements dangereux, insalubres ou incommodes et sont soumises à la surveillance du Conseil d’hygiène et de salubrité. On trouve vingt-huit fondoirs de suifs dans les cinq abattoirs parisiens de la période 1818-1867. Entre 1811 et 1858, le syndicat de la boucherie de Paris tente de conserver, en vain, un contrôle sur la vente des suifs. Après 1867, avec l’ouverture des abattoirs de la Villette, les fondeurs de suifs installent leurs usines dans la banlieue parisienne. Face à la forte concentration industrielle des fondeurs de suifs, les chevillards tentent à leur tour de se regrouper pour pouvoir agir sur les cours, sans grand succès. En 1886, le syndicat des bouchers détaillants crée un Fondoir central de la boucherie, « société anonyme pour la fabrication et l’exploitation des suifs par la boucherie elle-même19 ». Installé à Pantin, ce Fondoir central, dirigé par des responsables syndicaux de la boucherie de détail, fonctionne jusque dans les années 1920. Dans sa thèse sur les chevillards parisiens, Pierre Haddad explique pourquoi les bouchers détaillants disposent encore de suif (en faible quantité), alors que l’essentiel du suif est « produit » dans les abattoirs par les chevillards :

  • 20 Haddad P., Les Chevillards de la Villette, op. cit., p. 59-60.

Sous la dénomination de suif vert, ou de suif brut ou encore de suif en branche, il était récolté, soit dans les abattoirs sous la forme de suif d’abat et suif de rognons, de suif de triperie et suif de boyauderie, soit dans les boutiques de détaillants sous forme de suif d’étal.20

25Dans les années 1930, les bouchers de détail et de gros ont perdu la « bataille du suif » car les cours sont fixés par la multinationale hollandaise Unilever.

  • 21 Ministère du Commerce, Office du travail, La Petite Industrie : salaires et durée du travail, t. I  (...)

26Quand le boucher devient un simple détaillant, il perd tous les revenus liés au cinquième quartier. À partir des années 1870, les bouchers détaillants cherchent donc à diversifier leur activité et se mettent à vendre des abats. La logique de séparation stricte des activités (boucher, charcutier, tripier, volailler, traiteur) qui prévalait sous l’Ancien Régime se trouve mise en cause. Depuis 1858, plus aucune loi n’oblige le boucher à se spécialiser dans la vente exclusive de la viande. Après le tournant libéral du Second Empire, le détaillant a le choix de rester spécialisé ou bien de se diversifier. Le boucher, devenu simple vendeur au détail, cherche à diversifier les produits vendus pour augmenter ses revenus. En 1893, une enquête de l’Office du travail indique qu’à Paris « la triperie se rapproche de la boucherie et s’associe avec elle dans l’entreprise et dans le local de certains bouchers » et qu’il y a un « nombre croissant de bouchers qui commencent la vente des abats21 ». Cette évolution, constatée à Paris dans les années 1890, se retrouve sur le reste du territoire national.

27Cette diversification de l’activité des bouchers détaillants concerne la triperie mais aussi la charcuterie et l’activité de traiteur. Dans un article de 1903, Hubert Bourgin constate l’empiètement des bouchers sur les traiteurs :

  • 22 Bourgin H., « Essai sur une forme d’industrie : l’industrie de la boucherie à Paris au xixe siècle  (...)

À la boucherie de détail s’est associée une industrie qui ne représente pas une partie du procès industriel, mais qui comporte la transformation des produits fournis par lui : cette industrie est celle de la cuisine. Aujourd’hui, dans la boucherie de détail de Paris, un nombre considérable des établissements livrent, en outre des produits du débit et du détail de la viande, des produits culinaires résultant de la préparation de certains de ces produits.22

28Cette évolution est importante car elle marque un basculement de la boucherie de l’industrie (abattage des bestiaux) vers le commerce (découpe et vente de la viande). À partir du moment où le boucher détaillant se définit davantage comme un artisan-commerçant, il doit développer des techniques de vente plus efficaces. Il doit conseiller et fidéliser sa clientèle. À Paris, les premiers beaux étalages remonteraient à 1845, quand un boucher de la rue Saint-Denis a eu l’idée d’une présentation esthétique de la viande, au moment de Pâques. Le souci de bien présenter la viande va se développer après 1870. Les premières vitrines d’exposition apparaissent vers 1904 pour la boucherie. La recherche de la mise en valeur du produit va conduire certains bouchers peu scrupuleux à utiliser du sang de cochenille ou du « silopire » (un produit chimique) pour donner un aspect bien rouge à la viande. Comme les autres commerçants, les bouchers utilisent diverses techniques pour augmenter la clientèle (publicité, coupons de fidélité, etc.). Gisèle Escourrou évoque ce phénomène à la Belle Époque :

  • 23 Escourrou G., La Localisation des boucheries de détail à Paris, op. cit., p. 77-78.

C’est vers le début du siècle que l’on accorda des primes à tout acheteur à partir de 0,50 à 1 franc de marchandises. Ces bons donnaient droit à des objets variés, vaisselle… Dans les quartiers riches, la coutume d’accorder le sou du franc à la cuisinière ou à l’employé qui faisait les achats se maintint. Tout changement de propriétaire donnait lieu soit à des distributions de primes, kilos de sucre, verres… soit à des manifestations diverses. Un boucher installa même un orchestre au-dessus de sa marquise le jour de l’ouverture de son établissement.23

  • 24 Au moment du tournant libéral du Second Empire, le banquier républicain Cernuschi a profité de la l (...)
  • 25 Gide C., Les Sociétés coopératives de consommation, Paris, Colin, 1904, p. 86.

29À partir du moment où le boucher détaillant devient avant tout un commerçant, il se retrouve en concurrence avec d’autres formes de commerce, notamment les coopératives de consommation et les magasins d’alimentation, sans oublier le vieux métier des cuisiniers-traiteurs. Cette rivalité commerciale devient forte à partir de la fin du xixe siècle. Pendant longtemps, le mouvement coopératif a eu beaucoup de mal à investir le champ de la boucherie, à cause du savoir-faire spécifique du boucher (Charles Gide évoque « l’œil du maître »), des difficultés de conservation de la viande, de la variabilité du débit et de la difficulté à fixer le prix de chaque morceau (les qualités de viande étant très diverses). D’ailleurs, l’échec retentissant de la boucherie coopérative du banquier Cernuschi à Paris en 1862 a découragé pour un temps d’autres tentatives similaires24. En 1904, Charles Gide, le principal animateur du mouvement coopératif français, reconnaît lui-même que la boucherie est de toutes les formes d’entreprises la plus réfractaire à la coopération25. Malgré cette difficulté pour les coopératives de consommation de vendre de la viande fraîche, les bouchers détaillants vont lutter très activement contre tous les avantages fiscaux octroyés aux coopératives (l’exemption de la patente notamment, qui date de 1867). Alors que le mouvement coopératif se structure à partir de 1885 grâce à Charles Gide (avec le premier congrès national des coopératives de consommation), le petit commerce organise la résistance au sein du Comité de l’alimentation de Paris, fondé en 1885 par Nicolas Marguery. Ce sont notamment les aides financières et fiscales accordées aux coopératives en 1896 au nom des théories « solidaristes » du gouvernement de Léon Bourgeois qui vont provoquer la colère du petit commerce. En 1896, le Syndicat général de la boucherie française réclame clairement que les coopératives soient assimilées à des sociétés commerciales et soumises à la patente. Cette lutte du petit commerce, relayée à l’Assemblée nationale par le député Georges Berry, aboutit en 1905 sur une loi qui soumet les coopératives à la patente. Malgré cette victoire importante, la vigilance des bouchers reste importante jusqu’au milieu du xxe siècle pour freiner la concurrence « déloyale » des coopératives de consommation.

  • 26 Paquette C., Histoire de la boucherie, Paris, Imprimerie du réveil économique, 1930, p. 140.

30Les magasins d’alimentation constituent de nouveaux concurrents pour les bouchers à la Belle Époque. Si les grands magasins et les magasins à succursales multiples existent depuis le Second Empire, il faut attendre le début du xxe siècle pour que la boucherie soit concernée par cette nouvelle forme de concurrence. Selon Camille Paquette, c’est Félix Potin en 1904 qui met fin à « l’exclusivité des bouchers » en ouvrant un premier rayon de boucherie dans son grand magasin de la rue de Rennes à Paris26. Ce modèle des magasins d’alimentation avec succursales, initié par Potin, est rapidement suivi par Damoy et d’autres sociétés. La boucherie de détail artisanale voit naître en 1904 un nouveau concurrent, qui sera à l’origine de son lent déclin à partir des années 1960. Nos données sur ce point sont malheureusement très lacunaires.

Les particularismes de la boucherie de détail

31Nous avons évoqué la naissance de la profession de détaillant et la construction progressive des contours du métier par l’opposition avec d’autres professionnels proches (forain, colporteur, chevillard, boucher chevalin, charcutier, tripier, traiteur, marchand de cuir, fondeur de suif). On va maintenant tenter d’exposer des comportements qui nous semblent spécifiques aux bouchers et qui peuvent constituer des marqueurs d’une identité propre à ce métier.

  • 27 Leteux S., « De l’étal à l’église : l’Union professionnelle catholique de la boucherie (1930-1980)  (...)

32Il y a plusieurs domaines dans lesquels les bouchers ont développé des formes de sociabilité spécifiques, sans doute plus marquées que dans d’autres métiers : la pratique religieuse, la mutualité et, dans une moindre mesure, la formation professionnelle. Sous l’Ancien Régime, l’organisation corporative se double souvent d’une confrérie. Chez les bouchers, certaines confréries étaient très actives et influentes, comme la confrérie Saint-Aurélien à Limoges ou celle du Saint-Sacrement pour les bouchers de la Grande Boucherie de Paris à Saint-Jacques-de-la-Boucherie (créée en 1547). Après la Révolution, la confrérie Saint-Aurélien de Limoges est réactivée en 1827, mais c’est sans doute la seule confrérie de bouchers réellement active au xixe siècle. Par contre, à Paris, jusqu’en 1870, les bouchers organisent chaque année une messe corporative à Pâques à Saint-Eustache. La mise en place de la IIIe République s’accompagne de la disparition de toute cérémonie religieuse corporative à Paris. En 1930, dans la mouvance des jésuites de l’Action catholique, est créée l’Union professionnelle catholique de la boucherie, active à Paris mais aussi en province, qui propose des activités de patronage et une messe annuelle corporative, qui disparaît en 197927. Les bouchers français font preuve d’un attachement profond aux valeurs catholiques jusque dans les années 1970 : cet attachement semble plus marqué que dans d’autres professions.

  • 28 Leteux S., « La société de secours mutuels des Vrais Amis (1820-1898) : comment les bouchers parisi (...)

33De même, si de nombreux métiers organisent leur protection sociale au xixe siècle, les bouchers ont été très précoces et actifs pour se doter d’une mutuelle. Seul le cas parisien sera ici traité : il n’est pas représentatif de l’ensemble du territoire. En 1820 et 1824, deux sociétés de secours mutuels sont créées à Paris pour les bouchers, l’une d’origine « ouvrière » et l’autre d’origine « patronale », émanant du syndicat officiel des bouchers28. Ces deux mutuelles rivales fusionnent en 1851 sous le nom de « Vrais Amis ». Elles proposent des secours en cas de maladie, d’infirmité et une pension de retraite. La société des Vrais Amis est très dynamique entre 1880 et 1914 : elle organise des festivités corporatives (bals, concerts, banquets) et entretient des rapports étroits avec le syndicat de la boucherie de Paris. L’organe de presse de la mutuelle, La Mutualité corporative, était entre 1902 et 1914 le plus fort tirage des journaux corporatifs de la mutualité française. Dans les années 1890, les Vrais Amis rassemblent essentiellement des bouchers détaillants car les charcutiers disposent de leur propre mutuelle à partir de 1879, de même pour les ouvriers de la boucherie en gros en 1892 et les boyaudiers en 1897. La situation parisienne est tout à fait exceptionnelle. Une enquête de l’Office du travail en 1894 indique qu’en France les bouchers disposent de huit sociétés de secours mutuels pour un total de 978 membres. Les Vrais Amis comptant environ 600 adhérents, cela signifie que les autres mutuelles sont de taille modeste. La mutuelle des bouchers de Paris perd de sa spécificité après 1918. En 1930 est créée une caisse primaire d’assurances sociales de la boucherie de Paris, puis en 1948 la caisse obligatoire de retraite et de prévoyance de la boucherie française. Les Vrais Amis ne sont alors plus qu’une simple mutuelle complémentaire de retraite, qui disparaît en 1988.

34Au niveau de la formation professionnelle, le comportement des bouchers est plus classique. La relation maître/apprenti est primordiale dans la formation des bouchers détaillants au xixe siècle, avec un fonctionnement paternaliste très affirmé. Dans un manuel de 1970, Georges Chaudieu exprime sans doute le sentiment général de la profession :

  • 29 Chaudieu G., Manuel pratique de boucherie, Paris, Dunod, 1970, p. 197.

Le patron n’est pas quitte envers ses employés lorsqu’il leur a payé le salaire convenu. Lorsque l’adolescent aborde le métier, il a encore besoin de conseils, il a besoin de vivre dans une ambiance morale, l’atelier doit être pour lui le prolongement de la famille. Le contrat d’apprentissage stipule que le patron doit se comporter, vis-à-vis de ses apprentis, en bon père de famille.29

35En se basant sur les revendications exprimées entre 1886 et 1904 par la chambre syndicale ouvrière de la boucherie de Paris (fondée en 1886), on constate que le lien personnel entre le patron et l’ouvrier est très important car les abus de pouvoir de certains patrons entraînent des situations très tendues, soit à cause d’un turn-over trop fréquent des employés (ce qui entraîne des frais de placement répétés), soit à cause de l’exploitation des jeunes apprentis. Dans une enquête de 1893, l’Office du travail souligne que « l’apprentissage est complètement désorganisé » dans la boucherie parisienne :

les parents parisiens ont pris l’habitude de placer chez les bouchers leurs garçonnets de 14 ans, au pair, pour la nourriture et le logement ou avec un minime salaire. Ces enfants « font les courses » (rôle du commis-livreur). L’enseignement du métier ne leur est pas donné ; mais le plus grand encombrement en résulte.

36Ainsi, l’apprentissage est

  • 30 Office du travail, La Petite Industrie (salaires et durée du travail), t. 1 : L’Alimentation à Pari (...)

détruit à proprement parler dans le milieu parisien ; car les « petits garçons », embauchés en grand nombre, sont des commis ou ouvriers, mais non des apprentis.30

37En 1880, le président du syndicat des patrons bouchers avait proposé la création d’une école des apprentis bouchers, mais il faut attendre 1927 pour que ce projet se réalise. Les positions des patrons-bouchers demeurent longtemps très conservatrices. En 1910 et en 1922, le syndicat général de la boucherie française réclame le droit de pouvoir embaucher les apprentis dès 14 ans. C’est dans la lignée des « ateliers-écoles » gérés par la chambre de commerce de Paris que le syndicat de la boucherie crée en 1927 l’École professionnelle de la boucherie de Paris. Cette école forme des apprentis mais propose également des cours de perfectionnement pour les adultes.

38Des initiatives ont existé dans le domaine sportif pour organiser des formes de sociabilité « corporatives ». Entre 1912 et 1914 a fonctionné une « Société d’éducation physique, de sports et de préparation militaire », créée par le syndicat de la boucherie de Paris. Une « Association sportive de la Boucherie », proposant des compétitions de cyclisme, de course à pied et de football, a existé à la Belle Époque et dans les années 1920. Les compétitions sont toujours organisées selon un calendrier religieux, au moment de Pâques. En 1941 s’est formé un « Club corporatif de la Boucherie » pour l’éducation physique des jeunes bouchers (foot, natation, cyclisme, boxe, athlétisme).

39À travers ces différents domaines (religion, mutualité, apprentissage, sport), on perçoit bien que le métier de boucher conserve un fonctionnement corporatif plus marqué que dans d’autres secteurs. Dans le cas de Paris, cela n’est pas étonnant car les autorités publiques ont choisi de reconstituer une corporation officielle entre 1802 et 1858. Le Bureau de la boucherie dispose d’un siège, d’une publication annuelle (almanach puis annuaire de la boucherie), de revenus réguliers (grâce aux intérêts de la caution obligatoire versée par chaque boucher au moment de son installation). La profession est chargée de l’arbitrage des conflits entre les bouchers. Par exemple, en 1848, 86 % des conflits professionnels sont résolus par le syndicat ; seuls 14 % des cas vont au tribunal de commerce. Jusqu’en 1855, le syndicat est pleinement en charge des contrôles sanitaires sur la viande. Les vétérinaires commencent en 1842 à avoir un rôle, très modeste, dans l’inspection des viandes, mais il faut attendre les années 1870 pour que les professionnels perdent vraiment leurs prérogatives en matière de contrôle sanitaire.

  • 31 Pour plus de détails sur la banque Blache-Gravereau, je renvoie à ma thèse : Leteux S., Libéralisme (...)

40La suppression de la caisse de Poissy en 1858 ne met pas fin au fonctionnement corporatif des bouchers. Les activités financières de la caisse de Poissy sont reprises par un organisme privé, la banque Blache-Gravereau (1859- 1974), qui se spécialise comme intermédiaire entre les bouchers détaillants et les chevillards31. Le crédit continue donc à fonctionner sur un mode corporatif jusqu’à la fermeture des abattoirs de la Villette (1974). La chambre syndicale de la boucherie de Paris se reconstitue dès 1868 et conserve son rôle d’arbitrage et de conciliation. En 1892, 27 % des conflits professionnels passent devant le tribunal de commerce. Le syndicat possède un organe de presse mensuel et un siège, situé 11, rue du Roule, puis rue Clapeyron après 1943. Les patrons bouchers multiplient les initiatives collectives. Le syndicat de la boucherie de Paris fonde en 1886 un Fondoir central des suifs, une société d’assurance en 1894 (« la Boucherie-Incendie ») et même une société d’édition en 1951 (la Sepeta).

41L’exemple de la Corpo montre bien la persistance tenace d’un fonctionnement corporatif chez les bouchers. En 1913 est fondée la « Société corporative d’approvisionnement de la boucherie de détail de Paris et de la Seine », qui prendra plus tard le nom de « Corpo ». À sa fondation, la Corpo s’occupe de négoce en gros des viandes, dans une volonté de la part des détaillants de concurrencer les commissionnaires en viande. En 1919, la Corpo se lance dans la vente et la répartition des stocks militaires de viande congelée. À partir de 1922, la société se met à vendre diverses fournitures pour les bouchers détaillants (papier, ficelle, outillage : couteaux, hachoirs, etc.). Après 1947, l’activité viande décline alors que la branche matériel se développe de plus en plus, avec le rachat de sociétés concurrentes. Ce qui est marquant dans le fonctionnement de la Corpo, c’est la proximité qui demeure longtemps (au moins jusqu’en 1972) entre l’entreprise et les responsables du syndicat de la boucherie de détail de Paris.

42Un dernier particularisme des artisans bouchers détaillants doit-il être cherché du côté des rapports entretenus avec les pouvoirs publics ? Au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime, les bouchers ont plusieurs fois fait trembler le pouvoir en place, l’exemple le plus célèbre étant la révolte cabochienne de 1413 à Paris. La profession porte longtemps une image négative liée à sa violence et à sa fréquente participation aux émeutes urbaines. Pour la période allant de la Révolution au milieu du xxe siècle, la violence politique des bouchers s’exprime surtout dans les années 1890. Les ouvriers des abattoirs et certains chevillards de la Villette vont apporter un soutien actif au marquis de Morès en 1892 et à Jules Guérin en 1898, deux représentants de la poussée nationaliste et antisémite qui touche alors la France. Du côté des détaillants, nous avons évoqué le rôle d’Ernest Barillier, conseiller municipal nationaliste de Paris, choisi en 1898 par la profession pour défendre ses doléances contre les bouchers chevalins. Mais, d’une manière générale, les bouchers détaillants semblent faire preuve d’une grande modération politique sous la IIIe République, attachés à cultiver une image de respectabilité liée à leur statut de commerçant « honnête », débarrassé de l’activité infamante de l’abattage. Michel Boyer résume très bien cet état d’esprit dans sa thèse sur les bouchers lyonnais :

  • 32 Boyer M., Les Métiers de la viande à Lyon de 1860 à 1914 : une étude sur la petite bourgeoisie, thè (...)

ils partagent les idéaux de la société de leur temps, ils refusent la violence en politique, ils sont républicains, conformistes à tous les points de vue, et ils adhèrent aux valeurs de la bourgeoisie, dont ils portent le costume. Mais ils le font avec l’ostentation et l’obstination de ceux qui cherchent à effacer une mauvaise réputation. La volonté de respectabilité des bouchers correspond en effet à ce sentiment d’être en quelque sorte les « boucs émissaires » de la société, chargés de toute la frayeur et de tout le dégoût qui se trouvent, au moins inconsciemment, attachés au meurtre et au dépeçage d’un être vivant. Plus encore, il leur faut faire oublier leur tablier taché de sang et le couteau qu’ils portent en permanence.32

  • 33 Leteux S., « Revendications professionnelles et usage de la violence : le cas des bouchers parisien (...)

43Entre 1880 et 1914, les bouchers détaillants participent aux diverses luttes communes au petit commerce (contre l’octroi, la patente, la taxation), mais ils font preuve d’une grande modération, contrairement à d’autres professions. Les bouchers sont présents au sein du Comité de l’alimentation de Paris (1885) et de la Ligue syndicale pour la défense des intérêts du travail, de l’industrie et du commerce (1888), mais les représentants de la boucherie de détail y tiennent une position modérée. Ce refus de la violence et du conflit se retrouve aussi chez les ouvriers de la boucherie de détail, qui participent aux luttes syndicales de l’époque (contre les bureaux de placement notamment) en incarnant une ligne « conciliante », très éloignée des thèses du syndicalisme révolutionnaire33. Le fonctionnement paternaliste de la boucherie de détail doit largement expliquer cette modération du corps de métier.

44La modération et le conformisme social et politique observés chez les bouchers avant 1914 disparaissent dans les années 1930. Après la première guerre mondiale, l’État intervient dans l’économie sous de nouvelles formes, jugées scandaleuses par les professionnels : loi de 1919 sur les hausses illicites, loi de 1926 sur les boucheries municipales, mesures diverses de lutte contre la vie chère (barème, taxation, surveillance des prix). Les positions modérées des dirigeants syndicaux entraînent une montée de la contestation. En 1928 est créée l’Union des anciens combattants de la boucherie (UACB), organisme qui proteste contre la mollesse et l’inaction du syndicat général de la boucherie française. Entre 1928 et 1936, l’UACB mène une campagne très violente contre le gouvernement, notamment à travers son organe de presse, Le Réveil de la boucherie française. Les positions politiques de l’UACB sont clairement populistes et antirépublicaines, surtout au moment de l’agitation des ligues en 1933-1934.

  • 34 Sur la période de Vichy, je renvoie à Leteux S., « Le commerce de la viande à Paris : qui tire prof (...)

45Avec l’arrivée au pouvoir du Front populaire en 1936 s’opère une radicalisation des positions syndicales patronales. René Serre, président du syndicat de la boucherie de Paris en 1936 puis de la Confédération nationale de la boucherie française en 1938, incarne une ligne très conservatrice et antilibérale. Il participe à tous les grands meetings du comité de l’alimentation parisienne contre le Front populaire. Cette tendance dure trouve un plein épanouissement sous Vichy et la Charte corporative de la boucherie est signée dès 194234. Au même moment, Georges Chaudieu est très actif au sein du Comité d’entente et d’actions artisanales et de la Confédération générale des syndicats de la classe moyenne. Personnalité très influente parmi les bouchers, Georges Chaudieu a une vision très réactionnaire du corporatisme, proche de celle de Maurice Bouvier-Ajam. En 1942, il devient président de l’École des hautes études artisanales. De façon générale, les bouchers français sont plutôt favorables au projet social corporatiste et conservateur proposé par Vichy. Sur la période postérieure à 1945, nos connaissances sont insuffisantes pour déterminer s’il y a ou non un particularisme politique des bouchers. Nous notons simplement que la Confédération nationale de la boucherie française, dirigée entre 1946 et 1970 par Marcel Drugbert, a été longtemps très influente au sein de la Confédération générale de l’alimentation de détail.

46Le boucher détaillant français présente un certain nombre de particularités notables. Certains fonctionnements peuvent se comprendre par l’histoire de la profession, autrefois marquée par l’activité d’abattage, progressivement perdue au profit des chevillards. L’identité liée aux produits travaillés (bœuf, veau, mouton, porc, cheval, volaille, triperie) a perdu de son importance dans la seconde moitié du xxe siècle alors que l’artisan-commerçant est obligé de diversifier son activité. Même si le métier de boucher a connu de profondes mutations depuis le xixe siècle, il n’en demeure pas moins que la profession a longtemps conservé des formes de sociabilités spécifiques, un fonctionnement corporatif et paternaliste prégnant et, parfois, des comportements politiques originaux.

Notes

1 Berthiaume G., Les Rôles du mageiros : étude sur la boucherie, la cuisine et le sacrifice dans la Grèce ancienne, Montréal, Presses de l’université de Montréal, 1982 ; Vanandringa W. (dir.), Food & History, vol. 5, no 1 : Sacrifices, marché de la viande et pratiques alimentaires dans les cités du monde romain, 2007 ; Descamps B., « Tuer, tailler et vendre chair » : les bouchers parisiens à la fin du Moyen Âge, thèse de doctorat, université de Paris I, 2009 ; Banegas Lopez R., Europa carnivora, Somonte-Cenero, Ediciones Trea, 2012.

2 Ferrières M., Histoire des peurs alimentaires du Moyen Âge à l’aube du xxe siècle, Paris, Seuil, 2002, p. 48-53.

3 Le regrat est la revente au détail en seconde main de denrées. Le mercandage est la revente « libre » de bêtes entre deux particuliers, sans passer par les marchés officiels.

4 Abad R., Le Grand Marché : l’approvisionnement alimentaire de Paris sous l’Ancien Régime, Paris, Fayard, 2002, p. 192-208.

5 Burstin H., Le Faubourg St-Marcel à l’époque révolutionnaire : structure économique et composition sociale, Paris, Société des études robespierristes, 1983, p. 163-164.

6 Bourgin H., L’Industrie de la boucherie à Paris pendant la Révolution, Paris, Ernest Leroux, 1911, p. 61-87.

7 Bizet L., Du commerce de la boucherie et de la charcuterie de Paris et des commerces qui en dépendent, Paris, Dupont, 1847, p. 182.

8 La boucherie parisienne semble présenter des particularités assez significatives dès le Moyen Âge. Descamps B., « Tuer, tailler et vendre chair »…, op. cit.

9 Garnier B., « Les marchés aux bestiaux : Paris et sa banlieue », Cahiers d’Histoire, no 3-4, 1997, p. 595.

10 Leteux S., Libéralisme et corporatisme chez les bouchers parisiens (1776-1944), thèse de doctorat, université de Lille 3, 2005, p. 360-364.

11 Haddad P., Les Chevillards de la Villette. Naissance, vie et mort d’une corporation, thèse de doctorat, université de Paris X, 1995, p. 35.

12 La Bourdonnaye A. de, « Peut-on faire des abattoirs publics un outil économique ? », Économie rurale, no 85, 1970, p. 140.

13 Chatelain A., « Pour une histoire du petit commerce de détail en France. Lutte entre colporteurs et boutiquiers en France pendant la première moitié du xixe siècle », Revue d’histoire économique et sociale, vol. 49, 1971, p. 359-384.

14 Leteux S., Libéralisme et corporatisme chez les bouchers parisiens (1776-1944), op. cit., p. 91-93.

15 Bouchet G., Le Cheval à Paris de 1850 à 1914, thèse de l’École des chartes, Paris, Droz, 1993, p. 243.

16 Escourrou G., La Localisation des boucheries de détail à Paris, thèse de 3e cycle, Faculté de géographie de Paris, 1967, p. 89.

17 Bourgin H., L’Industrie de la boucherie à Paris pendant la Révolution, op. cit., p. 57.

18 Baudier M., Le Commerce du bétail et de la viande en France, thèse de droit, Paris, 1914, p. 274-276.

19 Paquette C., Histoire de la boucherie, Paris, Imprimerie du réveil économique, 1930, p. 124.

20 Haddad P., Les Chevillards de la Villette, op. cit., p. 59-60.

21 Ministère du Commerce, Office du travail, La Petite Industrie : salaires et durée du travail, t. I : L’Alimentation à Paris, Paris, Imprimerie nationale, 1893, p. 243.

22 Bourgin H., « Essai sur une forme d’industrie : l’industrie de la boucherie à Paris au xixe siècle », L’Année sociologique, vol. 8, 1903-1904, p. 104.

23 Escourrou G., La Localisation des boucheries de détail à Paris, op. cit., p. 77-78.

24 Au moment du tournant libéral du Second Empire, le banquier républicain Cernuschi a profité de la libéralisation du commerce de la boucherie à Paris en 1858 pour créer une boucherie coopérative à Paris en 1859. Il voulait démontrer que la coopération pouvait réduire le prix de la viande pour les consommateurs. L’expérience s’est soldée par un échec cuisant en 1862. Cernuschi H., Illusions des sociétés coopératives, Paris, A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie, 1866.

25 Gide C., Les Sociétés coopératives de consommation, Paris, Colin, 1904, p. 86.

26 Paquette C., Histoire de la boucherie, Paris, Imprimerie du réveil économique, 1930, p. 140.

27 Leteux S., « De l’étal à l’église : l’Union professionnelle catholique de la boucherie (1930-1980) », Revue de l’histoire des religions, t. 221, avril-juin 2004, p. 191.

28 Leteux S., « La société de secours mutuels des Vrais Amis (1820-1898) : comment les bouchers parisiens ont-ils organisé leur “protection sociale” au xixe siècle ? », Revue d’histoire de la protection sociale, no 3, 2010, p. 9-27.

29 Chaudieu G., Manuel pratique de boucherie, Paris, Dunod, 1970, p. 197.

30 Office du travail, La Petite Industrie (salaires et durée du travail), t. 1 : L’Alimentation à Paris, Paris, Imprimerie nationale, 1893, p. 219.

31 Pour plus de détails sur la banque Blache-Gravereau, je renvoie à ma thèse : Leteux S., Libéralisme et corporatisme chez les bouchers parisiens (1776-1944), op. cit., p. 334-338.

32 Boyer M., Les Métiers de la viande à Lyon de 1860 à 1914 : une étude sur la petite bourgeoisie, thèse de 3e cycle, université de Lyon II, 1985, p. 347.

33 Leteux S., « Revendications professionnelles et usage de la violence : le cas des bouchers parisiens (1886-1904) », Caron J.-C., Chauvaud F., Fureix E. et Luc J.-N. (dir.), Entre violence et conciliation : la résolution des conflits sociopolitiques en Europe au xixe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 127-137.

34 Sur la période de Vichy, je renvoie à Leteux S., « Le commerce de la viande à Paris : qui tire profit de la situation ? », Effosse S., FerrierE Le Vayer M. de et Joly H. (dir.), Les Entreprises de biens de consommation sous l’Occupation, Tours, Presses universitaires de Tours, 2010, p. 81-98.

Table des illustrations

Titre Graphique 1. Évolution du nombre de bouchers à Paris entre 1789 et 1964.
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