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Paysages et environnement

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Didier Galop

Introduction

Didier Galop

Texte intégral

Paysages et Environnement. De la reconstitution du passé aux modèles prospectifs

  • 1  Muxart T., Vivien F.-D., Villalba B., Burnouf J., 2003. Des milieux et des hommes : fragments d’hi (...)

1Héritier du Programme Environnement Vie et Société (PEVS) du CNRS, et en particulier de l’appel à projets « Histoire des interactions sociétés-milieux », le Réseau Thématique Pluridisciplinaire (RTP) « Paysage et Environnement » a été créé en 2004 sous l’impulsion de François Favory et de Jean-Jacques Delannoy et soutenu par les départements Sciences de l’Homme et de la Société (SHS) et Environnement et Développement Durable (EDD) du CNRS. Les objectifs de ce RTP étaient de renforcer la formidable dynamique instaurée dans le cadre du PEVS1 en soutenant notamment les recherches menées par les sciences humaines et sociales dans le domaine de l’environnement et du paysage et, en particulier, les problématiques et approches méthodologiques émergentes.

2C’est dans cette perspective, et avec comme objectifs de favoriser les échanges disciplinaires et la diffusion des recherches de jeunes chercheurs, que s’est inscrit le colloque « Paysages et environnement. De la reconstitution du passé aux modèles prospectifs » du RTP qui s’est tenu à Chilhac en septembre 2006.

3Avec près d’une centaine de participants, il a rassemblé une large communauté scientifique relevant majoritairement des sciences humaines et sociales (géographes, géomaticiens, archéologues, historiens…) et des sciences naturelles (géosciences, écologie, paléoenvironnement…) ainsi que de nombreux représentants d’organismes publics impliqués dans la gestion ou la conservation des paysages et de l’environnement (Parcs naturels, CAUE, DRAC…).

4Les quarante-cinq communications et les quinze posters présentés ont brossé un tableau représentatif du dynamisme et de la richesse des recherches menées aujourd’hui dans ce domaine scientifique. La multiplicité des échelles chronologiques prises en considération, passant de la très longue durée multimillénaire propre aux paléoenvironnementalistes à l’étude des dynamiques contemporaines des anthroposystèmes, voire aux simulations prospectives, faisait écho à d’autres diversités qui concernaient tout autant la variabilité des échelles spatiales d’analyses que celle des méthodes, classiques pour certaines ou totalement originales et innovantes pour d’autres. Quelles que soient les démarches ou disciplines concernées, deux dénominateurs communs réunissaient cependant cette communauté : l’interdisciplinarité et la prise en compte des temporalités caractérisant les trajectoires environnementales et paysagères. Ce constat démontrait une fois de plus qu’en matière d’environnement et d’analyse des systèmes socio-écologiques, la dimension temporelle est incontournable dans les questionnements et les démarches nécessaires à la compréhension des processus en cours ou à venir.

5Ce volume qui réunit trente-six articles s’articule sur trois thèmes principaux organisés dans une logique « Passé-Présent-Futur » : « Le passé : reconstitutions, transmissions et nouveaux indicateurs des dynamiques environnementales » ; « Représentations sociales et formes de l’action » et enfin « Modélisations, scénarios prospectifs et rétro-prospectifs ».

6La première partie réunit les articles dédiés aux reconstitutions des environnements et des paysages du passé utilisant les outils des disciplines paléoécologiques, de l’archéologie, de la géographie, de la géoarchéologie, de l’archéogéographie ou bien encore de l’écologie historique ; cette liste n’étant bien évidemment pas exhaustive. On y retrouvera, au travers de la présentation des résultats de nombreux travaux monodisciplinaires ou relevant d’approches interdisciplinaires intégrées réalisés sur le territoire français, des approches traditionnelles – mais vivantes – de la reconstitution faisant appel à l’utilisation d’archives forestières (X. Rochel), ou celles plus neuves explorant de nouvelles pistes telles que la transmission des formes dans le temps (S. Robert) ou bien encore l’utilisation de nouvelles technologies aéroportées (B. Sittler et K. Hauger). De nouvelles pistes méthodologiques explorant la mémoire des sols sont également proposées. Elles font appel à des disciplines encore peu ou très récemment mobilisées dans ces domaines de recherche telles que la spectrométrie dans le proche infrarouge (D. Ertlen et al.), la géochimie isotopique du plomb (S. Baron et al.) ou la pédochimie (T. Vigneau). Cette exploration des contenus biotiques et abiotiques des archives sédimentaires et leurs interprétations nécessitent néanmoins la constitution de référentiels actuels, seul état de référence observable. Bien qu’ils restent encore trop peu utilisés ou mis en œuvre, leur intérêt est indéniable quelles que soient les disciplines et il est magistralement souligné dans le cadre des recherches malacologiques (S. Martin et F. Magnin) ou palynologiques (C. Brun et al.), tandis que ces référentiels sont fortement souhaités lorsqu’il s’agit de l’utilisation de nouveaux bio-indicateurs tels que les restes de chironomes conservés dans les sédiments lacustres (L. Millet). Sans doute plus classiques, les résidus carbonisés qu’ils proviennent de sols (pédoanthracologie) ou de séquences sédimentaires, n’en constituent pas moins de remarquables mémoires biologiques de l’histoire des incendies et des transformations de la couverture forestière. Plusieurs contributions en font la démonstration à partir des résultats de travaux récents réalisés en contexte montagnard (M.-C. Bal ; C. Boutterin et al. ; P. Touflan et B. Talon ; S. Goepp et al.) et de plaines (T. Dutoit et al. ; F. Henry et al.).

7Ce volet dédié à la reconstitution des environnements et paysages du passé s’achève sur une série d’articles consacrés à des approches intégrées régionales : qu’ils soient orientés sur une analyse principalement géomorphologique de l’histoire des paysages du lac de Van en Turquie (A. Christol et al.), sur l’étude multiproxy des processus historiques d’artificialisation des basses terres dauphinoises ou de l’Isère (G. Gaucher et al., N. Bernigaud et al.) ou bien encore sur la mise en évidence du contrôle sociétal exercé sur l’hydrosystème des vallées normandes (L. Lespez et al.) et sur les moyennes montagnes alpines (L. Astrade), ces travaux représentent de bons exemples d’approches interdisciplinaires intégrées et multi-archives articulés sur une étude territoriale des dynamiques des systèmes socio-écologiques.

8Ce second volet est dédié aux formes de l’action en matière d’environnement et de paysages et aux représentations sociales qui, dans bien des cas, unissent les façons d’agir et de voir et font une place importante au processus de patrimonialisation qui est un élément du succès du paysage. Ces relations entre pratiques et représentations sociales sont au centre des articles consacrés aux systèmes agroforestiers du Kérala (S. Guillerme), tandis que l’étude comparative des paysages d’herbages en Inde et en Amérique du sud (P. Gautreau et C. Hinnewinkel) pose la question de la protection et de la valorisation de ces espaces.

9L’action et les politiques publiques en matière de paysages sont situées à la croisée des connaissances scientifiques, des processus de décision et des attentes sociales. Elles représentent un champ d’investigation et de réflexion importante qui a déjà fait l’objet de nombreux programmes de recherche et de colloques. Dans ce domaine, l’inventaire, l’analyse et les méthodes de représentation deviennent supports de médiation et outils stratégiques destinés à faciliter l’aide à la décision. Plusieurs exemples en font la brillante démonstration que ce soit dans le cas de la construction de documents d’objectif Natura 2000 en vallée de la Loire (L. Couderchet et al.), de l’inventaire des paysages témoins de Wallonie en Belgique (E. Droeven), de l’étude des zones urbaines et périurbaines (S. Loudiyi ; S. Dournel) ou bien encore dans celui de la Guinée maritime (Afrique de l’ouest) où le paysage s’est positionné comme un outil intégrateur facilitant la concertation en matière de gestion environnementale (E. Leciak).

10Les deux articles qui concluent cette partie renvoient plus particulièrement aux questions de représentations sociales et aux méthodes permettant d’en ressentir leurs évolutions et à ce titre, l’exemple de l’analyse des discours liées aux inondations dans les Alpes et leur piémont contenus dans la presse quotidienne régionale depuis le XIXe siècle est éloquent (Y.-F. Le Lay et A. Rivière-Honegger). Enfin, les résultats des travaux récents réalisés sur la fabrication culturelle du « paysage » dans l’Italie de la Renaissance (H. Brunon) montrent que, dès cette époque, les élites s’étaient approprié les valeurs associées aux paysages de l’Antiquité afin de légitimer leurs modes d’interventions ou d’aménagements.

11La troisième et dernière partie de ce volume est, quant à elle, consacrée aux questions de modélisations et de prospectives. À travers la présentation de nouvelles approches, d’outils innovants ou de résultats récents, elle renvoie sur les possibilités d’articulation entre passé et présent afin de définir les futurs possibles. Les territoires, de par leurs compositions et leurs organisations spatiales, possèdent des fonctionnalités écologiques et socio-environnementales qui font l’objet d’une attention particulière de la part des décideurs ou des acteurs territoriaux. Aussi, face à la généralisation du concept de développement durable, les démarches de gestion et d’aménagement à moyen terme du territoire et des ressources naturelles requièrent-elles de connaître leurs trajectoires passées et actuelles et de s’appuyer sur des modèles de simulation et d’évaluation. Différentes approches, utilisant des modèles appliqués à la reconstitution des processus dynamiques des paysages sont présentées ici : elles s’appliquent à reconstruire l’évolution d’un paysage rural auvergnat (C. Ballut et al.), la répartition et les processus de recolonisation de la couverture végétale d’une zone humide du Forez (P.-O. Mazagol et J. Porteret), l’évolution d’un anthroposystème complexe dans le cas du delta du Saloum au Sénégal (J. Andrieu et al.), celle des plateaux sommitaux du mont Lozère (M. Lion), des paysages de Haute-Normandie (P. Fajon et al.) ou des moraines du Spitsberg (M. Moreau) ; tandis qu’une nouvelle démarche – la géoprospective – propose une modélisation prospective des usages du sol à partir d’exemples contrastés pris en Bretagne et aux Etats-Unis (T. Houet et L. Hubert-Moy).

  • 2  Workshop international « Vegetation on fire : history and actuality », 2008, Besançon et Summer Sc (...)
  • 3  Colloque International « Modélisation paysagère spatialisée : des approches dynamiques aux évaluat (...)

12En guise de conclusion, ce colloque a une fois de plus mis en évidence l’existence d’une communauté scientifique qui, réunie autour des problématiques environnementales et paysagères, transcende les clivages disciplinaires et/ou institutionnels. Le dialogue entre sciences sociales et humaines et les sciences dites « dures » est bel et bien instauré ainsi que le prouve la forte proportion d’études multi- et interdisciplinaires présentées dans ce volume. Cependant si les « frontières » sont franchies dans le domaine de la reconstitution des dynamiques, force est de constater que du chemin reste à faire sur d’autres aspects et tout particulièrement dans les registres de l’action ou de l’aide à la décision. D’autres domaines, tels que l’étude des périodes récentes, restent certainement encore trop faiblement explorés. Toutefois plusieurs thématiques fortes ont émergé durant ce colloque, à l’instar des recherches qui se développent actuellement sur l’étude des incendies et de leurs impacts sur les écosystèmes et sur les approches modélisatrices ou prospectives. Ces deux thèmes de recherche, qui ont aujourd’hui largement dépassé le stade de l’émergence, ont été soutenues par le RTP en facilitant notamment la tenue d’une table ronde internationale et d’une école thématique consacrées aux feux2 ainsi qu’en participant à l’organisation d’un colloque international dédié aux modélisations paysagères spatialisées3.

Notes

1  Muxart T., Vivien F.-D., Villalba B., Burnouf J., 2003. Des milieux et des hommes : fragments d’histoires croisées. Paris, Elsevier, 214 p.

2  Workshop international « Vegetation on fire : history and actuality », 2008, Besançon et Summer School 2009 of the Quaternary Ecosystems Science Training International Group (QUESTING), 2009, Arc-et-Senans.

3  Colloque International « Modélisation paysagère spatialisée : des approches dynamiques aux évaluations fonctionnelles » 2008, Toulouse. Gaucherel C. & Houet T. (2009). Preface to the selected papers on spatially explicit landscape modelling : current practices and challenges. Ecological Modelling, 220 (24) : 3477-3658.

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