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Les encyclopédismes en France à l'ère des révolutions (1789-1850)

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Vincent Bourdeau
, 
Jean-Luc Chappey
, 
Julien Vincent

Première partie. Pour une histoire politique de l’encyclopédisme

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Un encyclopédisme républicain sous la monarchie de Juillet : Jean Reynaud (1806-1863) et l’Encyclopédie nouvelle

Vincent Bourdeau

Texte intégral

  • 1 Fabas Théodore, 1835, « De la tendance de notre époque vers la République », Revue encyclopédique, (...)

[A]près Thermidor, les masses restèrent fidèles à l’idéal républicain ; mais lasses de la carrière convulsive qu’elles avaient fournie, et d’ailleurs ayant plutôt un sentiment profond qu’une conviction intelligente, leur foi s’attiédit, et elles tombèrent dans un sommeil qui dura trente-cinq ans, agitées, pendant un temps, de rêves de gloire.Théodore Fabas1

  • 2 « Lettre de Jean Reynaud à Abel Transon, 21 novembre 1831 », BnF (bibliothèque de l’Arsenal), Paris (...)
  • 3 Guizot François, 1863, Histoire parlementaire de la France, Paris, Michel Lévy frères, t. i, p. 178 (...)
  • 4 Fabas est l’un des contributeurs réguliers de la Revue encyclopédique puis de l’Encyclopédie nouvel (...)

1Depuis Les Ruines de Volney jusqu’à la société « en poussière » dénoncée par Pierre Leroux dans la Revue encyclopédique ou « en lambeaux » comme la décrit Jean Reynaud dans sa correspondance2, nombreux sont les contemporains – des ultras aux saint-simoniens en passant par les libéraux – qui partagent le constat et l’inquiétude de Guizot dans son discours à la Chambre des députés le 29 décembre 1830 : « La classification des anciennes sociétés a disparu »3. Les fidèles à l’idéal républicain, pour reprendre l’expression de Fabas placée en exergue de ce chapitre, s’ils partagent cette description sont loin d’en tirer les conclusions proposées par Guizot4. Ce chapitre a pour ambition d’interroger la genèse théologico-politique de l’Encyclopédie nouvelle, c’est-à-dire les rapports spécifiques qui se nouent, après la révolution de 1830, entre engagement républicain, religion et encyclopédisme. L’encyclopédisme est alors perçu par les saint-simoniens qui ont rompu avec Enfantin, comme un outil pour donner à la république sa doctrine, l’objectif étant de prendre au sérieux, c’est-à-dire sans les dissocier, le besoin de religion nouvelle et la forme politique républicaine à donner au régime.

  • 5 Le Dictionnaire de Trévoux est conçu explicitement comme une entreprise de reprise en main catholiq (...)
  • 6 Mathiez Albert, 1975, La théophilanthropie et le culte décadaire : essai sur l'histoire de la Révol (...)
  • 7 Il ne s’agit pas pour Leroux et Reynaud de faire de la « Révolution » elle-même un objet de religio (...)
  • 8 Mathiez Albert, La théophilanthropie et le culte décadaire, op. cit., p. 40-80.
  • 9 Gauchet Marcel, 1985, Le désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Paris, Ga (...)
  • 10 Il prolonge aussi en un sens les « batailles encyclopédiques entre Révolution et Empire » que décri (...)

2L’Encyclopédie nouvelle est ainsi conçue comme une vaste synthèse – de la raison et du sentiment, des savoirs et des pratiques – qui occupe une place singulière dans le devenir de la religion au lendemain de la Révolution française. On doit la comprendre autant à partir du genre encyclopédique rationaliste hérité des Lumières, qu’à partir de celui – qui remonte au Dictionnaire de Trévoux5 – qui fait de l’encyclopédisme le lieu de défense de la ou d’une religion. Le découpage proposé en son temps par Albert Mathiez qui fait de l’après-Terreur le moment d’éclosion des religions républicaines, et de la Restauration ou de la monarchie de Juillet celui de la fabrique d’utopies sociales sécularisées (de Cabet à Fourier) ne tient guère face à la construction originale proposée par Jean Reynaud et Pierre Leroux, au-delà des divergences qui caractérisent les deux directeurs de l’Encyclopédie nouvelle6. On ne peut guère davantage rabattre les visions encyclopédiques de Reynaud, qui combinent religion, savoir et république, sur la forme que prend la religion civique, comme enthousiasme politique, au sein des courants néobabouvistes des années 1830 et 1840 – et dont Reynaud a pu, par certains aspects, être proche7. Mais si on ne le peut, c’est qu’en réalité la typologie proposée par Albert Mathiez pour analyser la théophilanthropie du tournant du siècle fournit une grille d’interprétation qui garde une bonne part de sa validité pour saisir l’effervescence religieuse des milieux intellectuels et politiques sous la monarchie de Juillet8 : depuis les panthéonistes adeptes de la religion naturelle jusqu’aux théistes, en passant par les promoteurs d’un culte social, d’un culte naturel ou d’un culte des adorateurs, toute cette gamme d’options religieuses décrite par Mathiez se retrouve dans les années 1830. La lecture qui fait du christianisme une religion de la sortie de la religion est elle aussi malmenée par l’éclosion religieuse de la période9. L’encyclopédisme républicain développé par Reynaud et Leroux s’inscrit en somme dans l’histoire des formulations conflictuelles d’une religion républicaine10.

  • 11 Sur ce caractère d’étape, voir l’« Avis » publié dans le numéro de septembre 1831, après le rachat (...)
  • 12 Sur le parti républicain à cette période, on se reportera à deux ouvrages classiques : Tchernoff Io (...)

3Au moment où naît le projet, dans les années 1832-1834, d’une Encyclopédie pittoresque à deux sous, Leroux et Reynaud ont déjà une pratique de collaboration bien établie autour de la Revue encyclopédique. Les deux projets éditoriaux, Revue et Encyclopédie, vont d’ailleurs un temps se chevaucher11. Si l’on veut comprendre la dimension républicaine de l’Encyclopédie nouvelle, il faut se plonger dans le contexte politique où elle voit le jour. Entre 1832 et 1834, le parti républicain se reconstruit sur des fondements théoriques clarifiés, et autour d’une organisation pratique elle-même renouvelée12. Reynaud et Leroux sont engagés dans les deux dimensions de cette réorganisation du mouvement républicain. Cette dernière imprime sa marque à l’encyclopédisme républicain qui peut être décrit à la fois comme sa conséquence, sur le plan intellectuel, et comme un outil de l’architecture militante qu’elle met en place.

  • 13 Sur la manière dont la Revue encyclopédique pose les bases d’une telle synthèse, notamment en s’app (...)

4On pourrait s’étonner de voir des partisans du régime républicain, dans la ferveur d’un activisme militant qui atteint son sommet au cours des années 1830-1835, consacrer une part non négligeable de leur temps à mettre sur pied une équipe dévouée à l’élaboration d’une encyclopédie. L’urgence politique semble appeler d’autres travaux, d’autant que vient de paraître l’ultime volume de l’Encyclopédie méthodique (1832). Or c’est précisément cette période que d’ex-saint-simoniens (Jean Reynaud, Pierre Leroux et Hippolyte Carnot en particulier) vont mettre à profit pour réactiver une vision républicaine de l’encyclopédisme. Reprenant la direction de l’honorable Revue encyclopédique de Marc-Antoine Jullien qu’Hippolyte Carnot rachète fin 1831, ils commencent à y diffuser des idées républicaines. Mais ils le font non sans un certain retour critique sur le républicanisme traditionnel, essentiellement politique, dont la Charbonnerie avait entretenu autant que possible la flamme sous la Restauration. En effet, à leurs yeux, l’attachement à la république ne saurait être vivifié sans une clarification théorique des principes d’une part, et sans le développement d’une foi républicaine nouvelle d’autre part, l’une et l’autre devant permettre d’affronter la question de la dissolution sociale et celle du sort nouveau des travailleurs. Cette articulation, raison et foi républicaines, surprenante au premier abord, repose sur un double constat : d’abord celui de l’impasse politique à laquelle conduisent les développements du saint-simonisme depuis la mort de Saint-Simon (1825) ; ensuite celui de l’impasse sociale que représente l’activisme républicain classique au sein de la Charbonnerie. Si la défense de la république semble un débouché politique plus prometteur que le repli dans des communautés saint-simoniennes, celle-ci doit toutefois affronter les défis du temps qui ne se limitent pas à la prise du pouvoir et à la forme à donner aux institutions politiques. La question du ralliement des travailleurs à l’idéal républicain est au cœur du renouveau républicain à partir de 1832. C’est dans ce contexte politique que Leroux et Reynaud vont faire de l’encyclopédisme le lieu d’une ample synthèse républicaine. Synthèse de la raison et de la foi, des sciences et des religions, mais aussi, sur le plan social, des savants et des classes laborieuses. Cette entreprise étant conçue comme le moyen d’élaborer une religion républicaine portée par Jean Reynaud, en association avec Leroux d’abord, puis contre lui après 184013.

I. Aux origines de l’Encyclopédie nouvelle : crise politique et nouveau régime des savoirs

  • 14 Voir notamment : Rosanvallon Pierre, 1985, Le moment Guizot, Paris, Gallimard.
  • 15 Le gouvernement annonce une redéfinition des prérogatives et du mode d’élection de la Chambre des p (...)

5La révolution de Juillet entraîne une recomposition complète de l’opposition politique. L’ancienne opposition libérale voit en effet dans la monarchie de Juillet un régime politique qui satisfait pleinement à ses attentes, et nombreux sont ceux qui d’une position fragile d’opposants se retrouvent à occuper des postes de pouvoir14. Le fait de renouer avec une certaine liberté d’expression, le droit d’association en partie restauré, et le pouvoir retouché des anciennes élites semblent suffisants à nombre de bourgeois libéraux15. À l’inverse, Pierre Leroux et Jean Reynaud prennent aussitôt leur distance à l’égard du nouveau régime. Ils appartiennent à un courant qui vise à mettre au premier plan « la question sociale » tout en revendiquant l’approfondissement de la révolution politique – en cela ils s’opposent aux fouriéristes ou aux saint-simoniens restés fidèles à Enfantin. Mais ils s’écartent aussi de ceux, les animateurs du National par exemple, dont le combat ne vise qu’à l’instauration politique d’un régime républicain.

1. La question ouvrière et la nécessaire démocratisation des principes

  • 16 Sur la conjonction entre grèves ouvrières, insurrections lyonnaises et émeutes républicaines, voir (...)
  • 17 Sur la reprise en main de la revue par Carnot, Leroux et Reynaud, voir : BnF (bibliothèque de l’Ars (...)

6Les deux grandes révoltes des canuts lyonnais en novembre 1831 et avril 1834 encadrent la recomposition du paysage politique. Elles ont des répercussions bien au-delà de la ville de Lyon16. C’est en effet à l’automne 1831 que Leroux, qui dirige alors avec Michel Chevalier le journal saint-simonien Le Globe, et Reynaud vont se séparer du mouvement dirigé par Enfantin. Alors qu’ils avaient investi, aux côtés d’Hippolyte Carnot, la Revue encyclopédique en septembre 1831 pour en faire un organe supplémentaire de la diffusion de la doctrine, ils affichent dès décembre une réorientation claire de leur projet, émancipé du dogme saint-simonien17. En novembre en effet, la rupture avec le mouvement est intervenue.

  • 18 Reynaud Jean, 1832 (janvier-mars), « De la société saint-simonienne », Revue encyclopédique, n° 53. (...)
  • 19 Selon l’expression d’un contributeur anonyme de la Revue dans la section « Bibliographie », « Livre (...)
  • 20 Paul-Mathieu Laurent (1793-1877) fait partie des rédacteurs de la Revue encyclopédique. Avocat, il (...)
  • 21 Maurizio Gribaudi le cite comme étant le « premier […] à dire très clairement à quel point les évén (...)
  • 22 Sur ce sujet, voir : Aramini Aurélien et Bourdeau Vincent, 2015, « Synthèse et association. La Revu (...)
  • 23 Saint-Simon, en effet, pense la religion nouvelle, son « nouveau christianisme », comme un substitu (...)

7En décembre 1831, Jean Reynaud explique les raisons de la scission. Le sentiment que la doctrine sous la direction d’Enfantin s’est figée en une caricature de religion, fortement hiérarchisée et soumise à un enseignement dogmatique peu propice à la découverte de nouvelles vérités, l’absence aussi de prise de position claire du mouvement aux côtés des ouvriers lyonnais ont entériné la rupture qui couvait. Le saint-simonisme, version Enfantin, mime tristement la mécanique autoritaire du catholicisme18. En l’état, il ne permet pas de combler « le vide laissé dans les mœurs par l’absence de religion »19. Paul-Mathieu Laurent20, dans la même Revue encyclopédique, prend parti pour le rapprochement des républicains et des ouvriers21. La période 1832-1835 est ainsi marquée par la quête de plus en plus affirmée d’intégrer la « grande question du prolétariat » au programme républicain, sans renoncer à mettre en œuvre une religion nouvelle adaptée aux enjeux du temps22. L’avancement des connaissances, le développement des savoirs, leur diffusion aussi, doivent se faire sous l’aiguillon de cette boussole prolétarienne et religieuse. L’encyclopédisme ne se substitue pas à la nécessité d’établir une religion démocratique mais au contraire en devient l’auxiliaire, en un cheminement qui inverse le programme de Saint-Simon23.

  • 24 Griffiths David Albert, 1965, Jean Reynaud, encyclopédiste de l’époque romantique, Paris, Marcel Ri (...)
  • 25 Si le premier moment de l’Exposé des principes républicains de la Société des droits de l’homme et (...)

8À la différence de la Revue encyclopédique dont la principale limite est d’être encore trop élitiste dans sa forme, l’Encyclopédie populaire à deux sous, se veut résolument populaire. Le rythme de parution doit en être rapide et l’entreprise globale doit se clore en un laps de temps relativement court, trois ou quatre années maximum. Elle doit illustrer la croyance que Leroux a exprimée dans la Revue encyclopédique en « une nouvelle synthèse générale de la connaissance humaine ». Ce projet naît au moment même où les chefs du parti républicain, Raspail, Marrast et Cavaignac notamment, ressentent face à l’éclatement du « parti » la nécessité de « fixer les connaissances »24. L’Exposé des principes républicains rédigé par Leroux et Reynaud, qui répond à cette attente, est en quelque sorte le « discours préliminaire » masqué de l’encyclopédie qu’ils comptent mettre en œuvre depuis que Lachevardière, éditeur de la Revue encyclopédique, a accepté de soutenir l’entreprise25.

2. Les débuts de l’Encyclopédie nouvelle

  • 26 Sur Saint-Simon et son encyclopédisme, voir la contribution de Thomas Lalevée dans ce volume : « De (...)
  • 27 Sur Édouard Charton, saint-simonien et entrepreneur d’édition, on consultera : Aurenche Marie-Laure (...)

9L’Encyclopédie pittoresque à deux sous doit servir de fer de lance au mouvement républicain, reprenant le projet de Saint-Simon, exposé dans son opuscule Sur la nécessité de faire une nouvelle Encyclopédie pour préparer la réorganisation sociale26. Les collaborateurs sont recrutés au sein de la Revue encyclopédique, et le modèle qui mélange illustrations et textes accessibles au plus grand nombre est puisé dans l’expérience toute récente du Magasin pittoresque d’Euryale Cazeaux et Édouard Charton, ce dernier entretenant des liens étroits avec Carnot, Leroux et Reynaud27.

  • 28 Le Patriote de l’Allier est un journal républicain, dont le rédacteur en chef, Achille Roche, proch (...)

10Dans une lettre à Achille Roche, rédacteur en chef du Patriote de l’Allier, qui réside à Moulins28, le 26 juin 1833, Jean Reynaud écrit :

  • 29 Bibliothèque municipale de Lyon, ms 4561-4562, cité dans Griffiths David Albert, Jean Reynaud, ency (...)

L’encyclopédie va commencer ; Lachevardière y est complètement décidé et grandement en train. Le Magasin pittoresque est à 40.000 ; c’est une arme immense si l’on sait s’en servir avec prudence. Il faut agir de même avec l’encyclopédie, formant peu à peu une bonne masse de lecteurs sans les effaroucher, et les repousser tout d’abord par un air de docteur, et en venir à ses fins avec sagesse et bonne foi. – Maître d’école de 40.000 hommes ! C’est une chose que j’ai toujours enviée ; mais voilà que nous bâtissons seulement les murs de l’école et il n’y a encore personne dedans. Envoyez-nous donc le plus tôt que vous le pourrez les articles que vous avez. Le premier est parfait de ton et de mesure, et je regrette que vous en ayez si peu et que vous vous trouviez chargé29.

  • 30 Cité dans Griffiths David Albert, Jean Reynaud…, op. cit., p. 122.
  • 31 Leroux Pierre et Reynaud Jean, 1833 (novembre), « Prospectus de l’Encyclopédie pittoresque », Bibli (...)

11Cette trace de la parution prochaine de l’Encyclopédie permet de dater de juin 1833 la première mention du projet. La lettre indique cependant, puisqu’Achille Roche a déjà envoyé un article pour le premier fascicule, que le projet est un peu antérieur dans sa mise en œuvre. À cette date, Jean Reynaud a déjà rédigé pour la Société des droits de l’homme la brochure De l’instruction. Dans cet opuscule Reynaud écrit que « [s]i la république croit en Dieu, elle ne permettra pas qu’on prêche l’athéisme aux enfants ; si elle croit au dévouement et à l’association, elle ne permettra pas qu’on leur prêche l’égoïsme, l’individualisme ; si elle croit à la perfectibilité du genre humain, elle ne permettra pas qu’on leur prêche sa déchéance et sa dégradation »30. Ce sont ainsi les « croyances » républicaines qu’il s’agit de justifier théoriquement. L’Encyclopédie pittoresque entend ainsi « résumer, d’une façon claire et précise, les parties de la connaissance humaine qui sont maintenant assez avancées pour pouvoir être vulgarisées et placées au domaine commun »31.

  • 32 Sur ce sujet, voir : Bouyssy Maïté, 2012, L'urgence, l'horreur, la démocratie. Essai sur le moment (...)
  • 33 « Journal », bibliothèque de l’Institut de France, Chantilly, collection Spoelberch de Lovenjoul, D (...)
  • 34 C’est à cette époque que les « liens d’amitié se resserrent entre Jean Reynaud et le “républicanisa (...)

12Les obstacles externes à l’entreprise ne manquent pas. En particulier, la législation sur la presse et les librairies se durcit. Au début de l’année 1834, deux lois, contre les crieurs publics et contre les associations, vont perturber les projets de Leroux et Reynaud. L’année 1834 marque par ailleurs politiquement la fin de la relative liberté dont a pu jouir le mouvement républicain. Le 9 avril 1834, une insurrection républicaine à Lyon se solde par une répression sévère et si le 13 avril les républicains parisiens prennent le relais, sous l’impulsion du Comité central des droits de l’homme, leur manifestation se termine par le massacre de la rue Transnonain32. La période est marquée par des dissensions au sein de l’équipe des rédacteurs de l’Encyclopédie. Charles Didier, proche de Michel de Bourges et de George Sand, prend ses distances avec Leroux et Reynaud, accusant ce dernier d’être entré dans une « grande crise d’admiration pour Robespierre et la terreur »33. L’engagement républicain de ces derniers a fait fuir la plupart des rédacteurs de l’Encyclopédie. En mai 1835 a lieu un procès retentissant contre la Société des droits de l’homme tenue pour responsable des émeutes d’avril 1834, procès dans lequel Pierre Leroux et Jean Reynaud sont impliqués à des titres divers34.

  • 35 Ulysse Trélat (1795-1879), étudiant en médecine dans les années 1810, devient psychiatre, auteur de (...)

13Ils font partie l’un et l’autre de la liste des treize défenseurs fournie par les accusés et ont contribué au rapprochement tactique de La Mennais et des républicains, non sans avoir eu à surmonter les réticences de certains chefs républicains. La récusation de cette liste par le président du tribunal entraîne la publication d’une adresse écrite par George Sand avec l’aide de l’avocat républicain Michel (de Bourges) et sans doute aussi d’Ulysse Trélat35. Dans leur enthousiasme, ils ont associé à celle-ci certains défenseurs, ce qui vaut à ces derniers un procès au cours duquel Jean Reynaud est condamné à un mois de prison. Il entre à Sainte-Pélagie le 27 juin 1835.

  • 36 À ce sujet, voir : Robert Vincent, 2010, Le temps des banquets. Politique et symbolique d’une génér (...)
  • 37 Griffiths David Albert, Jean Reynaud…, op. cit., p. 151.

14Le procès de mai a permis au pouvoir de museler le parti républicain, le renvoyant à la clandestinité pour de nombreuses années et relançant d’autres modes d’action politique comme les banquets, qui occupent, chez Pierre Leroux en particulier, une place théorique de choix dans la théologie qu’il défend36. L’« esprit militant », selon la formule de Griffiths, va se cristalliser désormais au sein des activités liées à l’Encyclopédie37. C’est dans ce contexte que Reynaud refond le projet encyclopédique à l’automne 1835 en abandonnant le caractère populaire qui devait, au départ, le caractériser. L’Encyclopédie pittoresque devient désormais Encyclopédie nouvelle ou Dictionnaire philosophique, scientifique, littéraire et industriel, offrant le tableau des connaissances humaines au xixe siècle, par une société de savans [sic] et de littérateurs, publiée sous la direction de MM. P. Leroux et J. Reynaud.

15Ainsi deux ans après la naissance du projet encyclopédique, et face à la tourmente politique, Leroux et Reynaud délaissent la Revue encyclopédique pour se consacrer à l’Encyclopédie. Il s’agit désormais d’offrir un ouvrage ambitieux, de longue haleine, qui sera la nouvelle synthèse dont a besoin le parti républicain.

II. L’Encyclopédie nouvelle : une nouvelle alliance

  • 38 Pour une approche qui montre les stratégies d’écriture encyclopédique variées au sein de l’Encyclop (...)
  • 39 Reynaud Jean, 1843, « Encyclopédie », in Leroux Pierre et Reynaud Jean, Encyclopédie nouvelle, Pari (...)

16L’unification de la doctrine républicaine projetée par Pierre Leroux et Jean Reynaud dans l’Exposé des principes républicains trouve au sein de l’Encyclopédie nouvelle une traduction matérielle. Au cours de l’hiver 1841-1842, alors qu’il rédige l’article « Encyclopédie », Reynaud affirme l’idée selon laquelle une encyclopédie doit pouvoir, au sein de chacun des articles qu’elle comporte, faire apparaître la philosophie générale qui l’anime38. Une telle affirmation supposait qu’un tel idéal encyclopédique soit présent à l’esprit des animateurs de l’Encyclopédie nouvelle bien avant que ne figure dans cette dernière l’article qui devait en fixer les termes épistémologiques (« Encyclopédie »). Nul obstacle, donc, à ce que l’Encyclopédie nouvelle adopte la forme « dictionnaire », par entrées alphabétiques puisque, comme le signale Jean Reynaud, toutes les entrées doivent manifester « la substance philosophique qui les anime »39.

1. L’encyclopédie comme outil de la conversation républicaine

  • 40 Ibid.

17L’absence de « Discours préliminaire », que compense partiellement la présence d’un « Avis » des éditeurs, a donc aussi des causes purement conjoncturelles et tient en partie à l’évolution du projet encyclopédique porté par Leroux et Reynaud à mesure que le contexte politique empêchait la réalisation pratique du républicanisme. L’article « Encyclopédie » de Reynaud joue à sa manière le rôle d’un « Discours préliminaire » a posteriori. Le principe étant, comme l’écrit Reynaud, « que les liens par lesquels chaque objet tient rang dans l’univers soient toujours indiqués, et que, sous chaque article, on puisse sentir battre en quelque sorte l’encyclopédie tout entière »40. Jean Reynaud, dans l’article « Encyclopédie » donne un exemple pour illustrer son propos : l’article « Conversation ».

18Publié lui aussi dans le tome iv de l’Encyclopédie nouvelle, l’article en question débute par une définition neutre en apparence :

  • 41 Reynaud Jean, « Conversation », in Leroux Pierre et Reynaud Jean, Encyclopédie nouvelle, op. cit., (...)

La conversation est le commerce que les âmes ont entre elles par le moyen de la parole. Si l’état d’une assemblée réunie autour d’un orateur peut être justement comparé à une monarchie, celui de plusieurs personnes s’entretenant poliment les unes avec les autres, peut l’être, avec non moins de raison, à une république41.

  • 42 Ibid., p. 38.

19Ainsi la république, souligne Reynaud, est le véritable régime politique de la conversation. À la fin du texte, Reynaud signale qu’« [a]ucun peuple [en dehors du peuple français] ne possède à un plus haut degré toutes les ressources nécessaires à l’alimentation de ce commerce familier des esprits »42. On voit donc se dérouler, ainsi que Reynaud l’annonce dans l’article « Encyclopédie », un usage de la notice encyclopédique comme vecteur d’un programme républicain – du moins est-ce le cas très clairement chez Reynaud lui-même, et chez ses collaborateurs les plus proches, comme Théodore Fabas. Dans les premiers volumes de l’Encyclopédie nouvelle, et donc dans les premiers articles, le ton peut même être assez ouvertement antimonarchiste et inclure une défense de la république dans toutes ses dimensions, c’est-à-dire politique, sociale, morale et religieuse.

20Le défaut d’avoir laissé à l’état inachevé l’Encyclopédie nouvelle, où ne figurent ni la fin du tome v (« epis-forc »), non plus que l’intégralité du tome vi et la fin du tome vii (« orga-philo »), peut être compensé par ce principe qui veut que la philosophie même portée par l’Encyclopédie soit incarnée dans chacune des notices, ce qui correspond bien d’ailleurs au perspectivisme de Reynaud, tel qu’il le développera plus tard dans Terre et Ciel et que sa théorie de la métempsychose illustre. Malgré l’absence de toute la série des entrées comprises entre forc et orga, ainsi que toute la série qui va de philo à sap, donc malgré l’absence d’une notice aussi attendue que la notice « République », l’ensemble de l’Encyclopédie forme une vaste entreprise définitionnelle de la doctrine républicaine, en même temps que l’outil qui rend possible l’existence pratique de la république puisque la conversation – à laquelle celle-ci s’identifie – est alimentée par la diffusion des savoirs contenus dans l’Encyclopédie.

21Une lecture des différentes entrées écrites par Reynaud, pendant l’année où s’intensifie la lutte politique, et qui figurent dans le tome ii (celui dont les entrées sont rédigées entre janvier 1835 et fin 1835, la date de parution du volume complet étant 1836) confirme cette hypothèse.

2. Visions encyclopédiques en contexte théologico-politique

22Au cours de l’année 1835, année politique agitée comme on l’a vu, Reynaud n’écrit pas moins de 54 articles pour ce qui s’appellera bientôt l’Encyclopédie nouvelle. L’article « Association » expose le cœur de la philosophie sociale du républicain Reynaud.

  • 43 Reynaud Jean, 1836, « Association », in Leroux Pierre et Reynaud Jean, Encyclopédie nouvelle, op. c (...)
  • 44 Ibid.

23L’« association » est décrite par Reynaud comme une réunion d’individus, compris comme individualités, « joints ensemble dans un ou plusieurs buts communs »43. Il ne peut s’agir en aucun cas d’une « liaison absolue des existences ». La « société générale » est un « réseau multiple d’associations particulières » et l’« association politique », loin d’être une finalité pour les individus, est conçue comme cette association qui doit encourager la vitalité associative de l’ensemble, soit de la société comprise comme un tout. L’article s’inscrit ainsi dans le débat qui fait encore rage sur la nécessité d’une loi garantissant la plus grande liberté possible d’association, alors même que les associations sont interdites du fait de la crainte de voir se reconstituer des coalitions ouvrières et républicaines. Refuser une telle garantie au droit d’association par la loi revient pour un gouvernement, selon Reynaud, à sacrifier sa raison d’être : « [c]e n’est que par une erreur grossière ou une brutale lésion de la liberté humaine, que la société politique prétendrait soumettre à sa juridiction, parmi les sociétés secondaires, celles qui ne réclament point sa sanction et celles qui sont incapables de lui nuire ». Reynaud rappelle, pour conclure, que « le droit d’association est fondée sur l’essence même de la nature humaine, sur la sociabilité, et ne relève que de Dieu ». Cette dernière formule, quelque peu énigmatique, ne s’éclaire véritablement que dans l’article « Encyclopédie », puisque les sciences de l’association (nous aurons à y revenir dans le dernier temps de notre chapitre) sont rangées sous la catégorie de la « pneumatologie », c’est-à-dire des sciences qui décrivent l’homme et les relations des hommes entre eux et qui sont placées sous le signe du « souffle divin » (pneuma). Ce souffle explique cette aspiration – tant au plan individuel que collectif – à sortir du cercle étroit de la relation égoïste à soi-même et aux autres – par l’espérance, par la charité notamment. Cette « sortie » caractérise l’espèce humaine, dont le trait spécifique est d’être animé du souffle divin44.

24Si une telle définition de l’association renvoie bien à une nomenclature des sciences, d’un point de vue pragmatique ou politique elle fournit un critère pour évaluer la qualité des différents régimes politiques. C’est ce que montre l’analyse de l’entrée « Aristocratie » dans le même tome ii de 1835-1836.

  • 45 Il y a une orientation babouviste chez ces auteurs, que l’on retrouve d’ailleurs dans la notice, él (...)
  • 46 Reynaud Jean, 1836, « Aristocratie », in Leroux Pierre et Reynaud Jean, Encyclopédie nouvelle, op.  (...)

25L’entrée « Aristocratie » propose d’emblée une définition inclusive et subversive du terme. L’aristocratie n’est pas le « gouvernement des meilleurs » qui s’exerce sur la masse, mais la distribution des citoyens, de tous les citoyens, à des places et fonctions qu’ils occupent, chacun à leur niveau, de la meilleure des manières. Conformément à l’idéal saint-simonien, Reynaud ne rejette pas la différenciation sociale mais conçoit cette dernière, à la différence de Saint-Simon et de l’école saint-simonienne, sous une forme qui refuse d’y voir le levier d’une domination politique. En un sens, la hiérarchie qu’il décrit n’entraîne aucunement la disparition d’un horizon politique égalitariste45. L’aristocratie ainsi définie renvoie à une « société constituée par une hiérarchie de citoyens disposés, suivant l’ordre de leur mérite, dans les fonctions où chacun d’eux convient le mieux »46. Pour Reynaud :

  • 47 Ibid.

[u]n tel idéal n’est, en quelque sorte, que la traduction terrestre de cette république symbolique dont les chrétiens avaient relégué l’espoir dans le Paradis, et qui a pour fondement l’égalité, c’est-à-dire l’établissement de chaque individu d’après sa valeur personnelle, indépendamment de toute autre condition47.

  • 48 Ibid., p. 6.

26Reynaud défend une théorie de l’aristocratie républicaine, au nom de laquelle aucune forme sociale « constituée par [le] droit donné à un homme sur les autres par le seul fait de sa naissance » ne peut être tolérée48. Une telle défense s’élabore à une époque où la monarchie de Juillet est en train de construire – ou du moins de tenter de le faire – une aristocratie bourgeoise et libérale, notamment au sein de la Chambre des pairs.

27Ainsi pour Reynaud, la grande tâche du temps est une tâche de connaissance ; connaissance de l’homme, de ses capacités, et des relations des hommes entre eux, de leur association, pour parfaire la possibilité d’un classement des fonctions qui pourrait se passer du principe héréditaire dans l’attribution des rôles :

  • 49 Ibid., p. 5.

La force et l’étendue de l’aristocratie doivent donc varier à chaque époque en raison inverse du perfectionnement que les rapports mutuels des hommes peuvent subir. La civilisation se laisse mesurer par les abaissements progressifs de l’aristocratie49.

  • 50 Ibid., p. 8.

28Le critère de classification à venir repose sur le développement des sciences (en particulier des « sciences morales », « sciences historiques et naturelles », précise Reynaud) et non sur le sentiment de l’égalité qui ne fournit pas, par lui-même, un tel critère, ne faisant qu’indiquer plutôt l’existence de ce dernier. Ce sentiment doit être cultivé cependant, puisqu’il fait signe vers le vrai, et parce qu’il peut être « considéré comme subversif de l’ordre aristocratique, et préparateur de l’idéal divin »50. Là encore, comme dans l’article « Association », la figure de Dieu vient éclairer l’analyse et figure ainsi comme le principe de synthèse.

29Dans les années qui suivent, de 1836 à 1841, c’est précisément la question du lien entre les hommes, mais aussi du lien entre les sciences, qui préoccupe Reynaud. La religion va devenir à la fois un principe d’organisation des savoirs et un outil d’explication de la solidarité humaine. Mais sur ce point, Reynaud et Leroux ne parviennent pas à accorder leurs conceptions. Leroux défend une définition naturelle de la religion, immanentiste et proche de ce que Reynaud décrira comme un panthéisme. Ce dernier veut affirmer la dimension nécessairement transcendante de la religion. Cette dimension est, à ses yeux, la clef explicative de la méthode encyclopédique, dans l’ordre des savoirs, et de la synthèse associative républicaine, dans l’ordre des pratiques.

3. Reynaud et l’éloge du ciel

  • 51 Reynaud Jean, 1841, « Ciel », in Leroux Pierre et Reynaud Jean, Encyclopédie nouvelle, op. cit., vo (...)

30En 1836, Reynaud rédige l’article « Ciel » où se donne à lire une cosmogonie qui fait la part belle au « souffle divin » et à l’« idéal » divin. L’article marque les proches de Reynaud. Il affirme la coexistence de Dieu et de l’Univers, mais une coexistence qui sépare le Créateur de sa création, à la manière d’une main posée sur le sable, qui, maintenue en l’état, se distingue à peine de l’empreinte qu’elle suscite mais qui n’en est pas moins la cause ou l’origine. Dieu est une main posée sur le monde. De telles conceptions théologiques ne sont rendues possibles, selon Reynaud, qu’à mesure que notre connaissance du Ciel, de son « infinité », nous est accessible grâce à l’astronomie. Les premiers chrétiens, dont l’horizon réel était borné aux limites connues de la Terre, ne pouvaient ainsi se hisser à une conception adéquate du vrai Dieu : « Que notre religion accepte donc sans crainte [écrit Reynaud], ce que notre raison nous démontre ! L’univers est éternel et infini, et l’univers étant éternel et infini, il n’y a pas d’autre ciel que l’univers lui-même »51. La religion chrétienne s’appuie sur trois principes – la foi, l’espérance, la charité – que paradoxalement elle annule dans le paradis qu’elle annonce. Tous ces principes, en effet, sont tendus vers le besoin de combler le fossé entre ce qui doit être et ce qui est. Ces principes replacent l’idéal au cœur de l’action humaine et ont, en ce sens, un rapport analogique aux principes auxquels le militantisme républicain doit lui-même se rapporter.

  • 52 Ibid., p. 607.
  • 53 Ibid., p. 613. Sur ces sujets, et pour une analyse qui rapproche l’ontothéologie de Reynaud des tra (...)
  • 54 Reynaud écrit : « C’est l’espérance qui fait notre grandeur, c’est elle qui tient nos regards dirig (...)
  • 55 Foi, espérance et charité peuvent être retraduits au sein de la synthèse républicaine en république (...)

31Reynaud définit en effet le premier principe, la foi, comme « cette force qui nous fait adhérer de tout notre être à un idéal que nous ne voyons point, et qui nous paraît supérieur à la réalité présente ». L’espérance, second principe, est décrite comme une « vertu […] capable de concilier l’amour infini de nous-mêmes avec le sentiment de notre infériorité actuelle »52. L’espérance est donc croyance dans le progrès. La charité, troisième principe, est définie comme le « ciment de l’univers », dans la mesure où elle nous attache à un Dieu créateur, par l’amour que nous portons à la création comme conséquence de l’action divine. La foi et la charité sont donc portées par l’espérance qui renforce l’adhésion à l’idéal par la promesse de sa réalisation. Ce continuum, de l’idée à l’être, implique selon Reynaud une ontologie à la fois vitaliste et associationniste qui n’admet aucune rupture dans l’espace et le temps, qui ouvre à l’infini de ce qui est, au point que « naître [écrit Reynaud], ce n’est donc pas commencer, c’est changer de figure »53. L’espérance – sur le plan des sentiments humains – assure la liaison entre la foi et la charité54. L’encyclopédie s’intéresse autant aux savoirs positifs qu’au progrès des sentiments religieux. Jean Reynaud, dans la perspective d’un encyclopédisme conçu comme socle d’une religion nouvelle, plutôt que comme substitut de cette dernière, adopte clairement un langage auquel La Mennais a eu recours dans ses Paroles d’un croyant55. La main tendue par Leroux et Reynaud à La Mennais lors des procès républicains connaît ainsi une traduction théorique et ne se limite pas à des enjeux tactiques ou politiques.

III. La réhabilitation républicaine de la théologie

  • 56 Griffiths David Albert, Jean Reynaud…, op. cit., p. 185.

32En 1839, Reynaud rédige les articles « Serment », « Singes », « Société », « Souveraineté », « Spinoza » entre autres articles, qui ont tous pour point de départ la « conception d’un Créateur transcendant et indépendant de l’univers qui est sa création ». Au contraire d’un Leroux qui « décèle les attributs de Dieu dans l’Humanité en évolution »56.

  • 57 Le document est à manipuler avec précaution, d’une part parce que Duveyrier ne participait pas au r (...)
  • 58 Pour connaître la position d’Enfantin sur les questions qui divisent Reynaud et Leroux, on consulte (...)
  • 59 « Lettre inédite de Duveyrier à Prosper Enfantin », BnF (bibliothèque de l’Arsenal), Paris, fonds E (...)
  • 60 Leroux propose ainsi un « Dieu immanent, un Dieu dans le monde », au point que le ciel, selon lui, (...)

33En 1840 au cours d’un dîner qui réunit Pierre Leroux, Jean Reynaud, Édouard Charton et Hippolyte Carnot, une dispute éclate entre les deux premiers, dispute qui couvait depuis quelques années déjà, sans doute depuis la publication de l’article « Ciel » de Reynaud. On doit à Charles Duveyrier – disciple d’Enfantin – le récit de l’incident, dans une lettre écrite au « Père »57 : « Le digne Le Roux [sic] […], a tourné casaque aux théories sidérales sur l’immortalité de l’âme. Il veut maintenant une immortalité de chair et d’os »58. Leroux aurait crié au pic de la dispute : « À bas les étoiles ! Je m’en moque pas mal de vos étoiles ! Enfoncées les étoiles ! C’est de la terre qu’il me faut ! De la politique et du vin de champagne ! Voilà ma vie future ! »59. On peut douter de l’authenticité des faits, tant le témoignage de Duveyrier au chef de la secte saint-simonienne est entaché des enjeux des querelles passés entre les protagonistes et Enfantin lui-même. Mais il est sûr que l’immortalité exclusivement terrestre, fondée sur le culte de l’humanité (article « Humanité » que Leroux refusera de confier à Reynaud pour l’Encyclopédie) n’est guère compatible avec l’immortalité astrale fondée sur la migration des âmes d’une étoile à une autre, défendue par Reynaud60.

34Ce vaste système religieux s’inscrit dans un programme politique qui doit, dans l’esprit de Reynaud, répondre aux critiques qui jugent le républicanisme en manque de doctrine mais aussi de souffle ou de spiritualisme. L’article « Encyclopédie », rédigé peu après la dispute de Leroux et Reynaud, pendant l’hiver 1841-1842, en propose un exposé.

1. Définir l’encyclopédie ou les progrès du sentiment religieux

  • 61 Reynaud Jean, « Encyclopédie », art. cit., p. 766.
  • 62 Ibid., p. 769.
  • 63 Ibid., p. 772. Ampère avait exposé son système de classification lors de leçons au Collège de Franc (...)
  • 64 Ibid., p. 763.
  • 65 Ibid., p. 774 : « C’est ainsi qu’on y voit les arts et métiers insérés entre la physique et la géol (...)

35L’article « Encyclopédie » s’ouvre sur une critique de l’empirisme encyclopédique : qui comprend, selon Reynaud, la tradition encyclopédiste de Bacon à Ampère, en passant par l’« Encyclopédie » de Diderot et d’Alembert. La voie baconienne de l’encyclopédisme consiste « moins [en] une encyclopédie véritable, c’est-à-dire à une organisation, qu’[en] une dissection », où « semblable à l’anatomiste », on « isole les membres, mais sans s’occuper ni de leurs rapports, ni de la manière dont ils vivent ensemble et, pour ainsi dire, l’un par l’autre »61. Diderot serait un successeur de Bacon chez qui il a puisé « la direction générale de son encyclopédie », au point de n’être finalement qu’un « développement » de l’entreprise baconienne qui aurait pour cette raison pu lui servir de « prospectus »62. Diderot et d’Alembert ont été victimes de cette vaine « tentative de l’empirisme cherchant à se hausser de lui-même jusqu’à l’encyclopédie », dont Ampère serait le dernier avatar63. Si l’encyclopédie, « suivant le sens profond de l’étymologie, c’est le cercle de la connaissance »64, le cercle lui-même, qui fait lien entre toutes les sciences, depuis les premières jusqu’aux dernières, est un principe qui les transcende toutes, il ne saurait être trouvé par simple empilement des savoirs, puisqu’il est un savoir des savoirs, où l’esprit de l’Esprit. Ampère aurait le même défaut consistant à ne pas voir les « lois de génération mutuelle »65.

36À cette tradition baconienne, Reynaud oppose la tradition cartésienne (« l’encyclopédie selon Descartes ») dont le défaut principal est d’avoir porté l’accent sur la raison au détriment du sentiment :

  • 66 Ibid., p. 784-785.

Il est faux que la raison soit tellement tout l’homme, que l’homme, réduit aux seules lumières de la révélation rationnelle, soit en état d’en tirer, moyennant l’expérience et le calcul, tout ce que demande sa conduite ; et s’il m’est permis de parler ainsi sans jouer sur les mots, au contraire pour en signifier la confusion, notre raison suffisante n’est pas toujours une raison66.

37L’encyclopédisme de Reynaud entend ne verser ni dans l’empirisme, ni dans le rationalisme exclusif.

  • 67 Reynaud Jean, 1841, « Condorcet », in Leroux Pierre et Reynaud Jean, Encyclopédie nouvelle, op. cit (...)
  • 68 Ibid., p. 749.
  • 69 Reynaud Jean, « Encyclopédie », art. cit., p. 786.
  • 70 Ibid.

38Dans l’article « Condorcet » de 1838, Reynaud crédite l’auteur de l’Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain d’avoir su loger dans une théorie générale du progrès la clef de compréhension du lien entre les savoirs. En cela, il est le véritable « anneau de jonction entre le dix-huitième siècle et le nôtre », écrit-il, le véritable « prédécesseur de Saint-Simon »67. Il lui reproche cependant de n’avoir pas été au bout de son intuition et de n’avoir pas intégré dans sa théorie du progrès, les « progrès de la sentimentalité religieuse »68. C’est au contraire, souligne-t-il dans l’article « Encyclopédie », ce progrès de la sentimentalité religieuse qui, adossée au développement de la raison, doit venir en éclairer le sens : « Quelle preuve y a-t-il qu’il faille nécessairement restreindre à l’évidence rationnelle le critérium des vérités primitives ? »69. À l’inverse, l’exemple de Descartes « doit nous pousser au cœur de la religion pour y chercher le complément de ce premier savoir, et déterminer enfin sur quels motifs valables et jusqu’à quel terme il est dans les lois de l’esprit libre de s’accorder avec l’Église »70. Ainsi l’assurance (ontologique) d’un univers extérieur à nous et infini nous place, selon Reynaud, d’emblée sur le terrain de la foi comprise comme la :

  • 71 Ibid., p. 788.

[v]ertu qui nous porte à acquiescer entièrement, par élation spontanée de l’âme, sans nécessité logique […] [e]lle nous donne dès lors possession d’un infini étranger à notre être et dont nous avons moyen de nous emparer que par une grâce de Dieu tout aussi formelle que celle qu’il nous a faite en nous donnant la raison. […] Sans elle [la foi], en effet, nous sommes incapables d’acquérir une ferme conscience des autres êtres, par suite d’unir notre vie à la leur, enfin de nous élever à Dieu, puisque la loi de notre destinée est de nous y élever dans la communion et par le concours de nos semblables71.

  • 72 Ibid.

39Et Reynaud de citer le mot de saint Paul : « La foi est l’argument de ce qui ne paraît pas, la substance de ce qui doit être respecté »72. La classification des sciences chez Reynaud va ainsi décrire l’ensemble d’un parcours qui conduit de la foi (sentiment premier) à la charité (comprise comme les relations associatives que développent les hommes entre eux ou religion pratique) en passant par l’espérance, comme théorie du progrès inscrite dans le développement des savoirs positifs – soit l’argument de ce qui paraît, la théologie n’étant pour Reynaud que l’accomplissement (ou la redécouverte) de la foi dans l’ordre des savoirs positifs. Ainsi chez Reynaud, l’« ontologie » (premier des savoirs de la philosophie première – voir fig. 1) touche à la théologie (dernier des savoirs de la « pneumatologie »), ouvrant sur les derniers éléments du savoir qui ont trait à la pratique religieuse elle-même (la « théurgie »). Ce tableau synoptique des savoirs est traversé, dans la perspective de Reynaud, par une histoire progressive : nous ne ressaisissons le sens de l’ontologie qu’à partir de la connaissance de Dieu, et cette connaissance véritable n’est possible qu’avec le développement des savoirs « inférieurs » (philosophie première, cosmologie). C’est en cela que l’encyclopédie est un « cercle ».

Figure 1. Tableau des connaissances humaines par Jean Reynaud

Figure 1. Tableau des connaissances humaines par Jean Reynaud

Source : Reynaud Jean, 1843, « Encyclopédie », in Leroux Pierre et Reynaud Jean, Encyclopédie nouvelle, Paris, Gosselin, vol. 4 const-epic, p. 793.

40Pour comprendre en quoi la république trouve sa place dans l’Encyclopédie, il faut entrer dans le cœur de la classification proposée par Reynaud : dans ces sciences « divines » que recouvre la catégorie de « pneumatologie ».

2. République et sciences divines au cœur de l’encyclopédisme

41La pneumatologie signifie littéralement l’étude du souffle divin sur les êtres, c’est-à-dire l’étude de la manière dont l’homme, et la société, peuvent être saisis à partir de ce qui les caractérise en propre (par différence avec le règne cosmologique) : c’est-à-dire en tant qu’ils sont portés par un principe d’espérance tendu vers l’accomplissement de la charité (ou association en un langage profane). L’homme est cet être, parmi tous les êtres inanimés ou animés, qui espère :

  • 73 Ibid., p. 789-790.

[l]’instigation qui nous porte à désirer un état meilleur ne saurait venir de nous, qui sommes présentement étrangers à cet état, il faut nécessairement qu’elle soit l’effet d’une force supérieure à la nôtre, et comme aucune force ne saurait agir en nous de cette manière qu’elle ne soit d’une qualité infinie, il faut conséquemment que l’être idéal dont nous nous sommes formé la notion ait une existence réelle. D’autant que s’il est possible, comme nous en sommes persuadés, que nous devenions effectivement meilleurs, ce ne peut certainement être par nous-mêmes, puisque l’imparfait ne saurait produire le plus parfait, et il faut ainsi que ce soit par la puissance d’un être supérieur à nous, et qui dispose de nous, c’est-à-dire de Dieu. Voilà qui suffit pour expliquer mon dessein de placer sous l’invocation de l’espérance non seulement le règlement interne de l’homme et les lois de son association avec ses semblables, mais le développement même de la connaissance de Dieu, lequel met fin aux travaux de l’esprit sur lui-même73.

  • 74 Ibid., p. 788.

42Ainsi le modèle républicain, dont les articles « Aristocratie » et « Association » nous ont donné un aperçu, devient un effet même de ce principe, l’espérance, qui nourrit notre foi en l’existence de Dieu, d’un Dieu qui choisit pour se manifester de solliciter en l’homme sa propension à se lier, en égal, à autrui, à fonder des sociétés d’égaux en vue du perfectionnement individuel et collectif. La « pneumatologie » recouvre ainsi l’ensemble des sciences qui étudient l’homme (« anthropologie », qui comprend la psychologie et l’anthropologie proprement dite ou éthique), mais aussi la « connaissance des conditions de l’association » ou « cœnologie », qui comprend la « glossologie », à savoir l’étude de tous les « moyens de correspondance à l’aide desquels les hommes communiquent entre eux », et la « dicéologie » (soit l’étude des « actes mêmes par lesquels les hommes influent les uns sur les autres », selon des normes de justice)74. Mais la « pneumatologie » comprend aussi la « théologie », c’est-à-dire la connaissance des principes mêmes qui la rendent possibles :

  • 75 Ibid., p. 790.

C’est l’activité produite en eux par l’espérance qui les conduit infailliblement à ce dernier terme, qui est la connaissance même de Dieu ; et c’est conséquemment par le groupe de sciences qui se rapporte à Dieu que la pneumatologie prend logiquement sa conclusion75.

  • 76 Ibid.
  • 77 Ibid., p. 791.
  • 78 Ibid.

43L’Encyclopédie nouvelle, par la classification des savoirs qu’elle met en scène, fait de Dieu le terminus du parcours encyclopédique, et ce parce qu’intuitivement nous reconnaissons qu’il en est l’origine, sur un plan ontologique. La quête rationnelle de la religion scelle l’alliance de la République et de la religion, plutôt que leur divorce. On revient, dans l’ordre du savoir, à Dieu, après avoir parcouru l’ordre de la création. Le Dieu espérance de Reynaud est la clef d’explication de l’homme comme animal sociable, des plus petits éléments de socialisation jusqu’à la république universelle, ici désignée sous le chapeau de « législation du genre humain »76. L’encyclopédie « nouvelle » est donc prise de conscience de ce vaste mouvement de perfectionnement de l’homme – au sens d’humanité – au cours de l’histoire, vers la réalisation d’un idéal divin, dont le but, sur le plan théorique, est la « connaissance même de Dieu » et, sur le plan pratique, la réalisation d’une république universelle dont l’étude entre dans la dimension pratique de la religion que la dernière classe des savoirs, la théurgie, a pour objet d’étudier. Si l’individu peut avoir accès à Dieu par « les seules forces de la raison appliquée aux révélations primitives de l’entendement » – ce qui constitue la théologie élémentaire – il n’y accède véritablement qu’en se rapportant aux manifestations théologiques du passé et de toutes les aires culturelles connues sur le globe77. La théologie transcendante – qui éloigne irrémédiablement Reynaud des thèses de la religion de l’humanité défendues par Pierre Leroux – invite à ne plus « marcher simplement à la connaissance de Dieu par l’étude de l’homme seul, il faut maintenant y marcher par l’étude générale des hommes considérés dans leur communauté devant Dieu, avec toutes les diversités que la tradition religieuse nous témoigne »78. Il faut donc conserver dans l’étude des religions la dimension religieuse proprement dite, c’est-à-dire la part de mystère qui échappe à la raison. Ainsi la théologie transcendante (dernière science de la classe « pneumatologie ») ouvre-t-elle le champ de la théurgie ou de la religion pratique dans toutes ses dimensions (esthétique et liturgie en font donc partie).

44En possession de cette ultime science, c’est tout le parcours encyclopédique qui peut être revisité (et l’Encyclopédie nouvelle donne à lire, selon Reynaud, une telle redescente encyclopédique ; elle est un cercle qui se referme sur chaque entrée) :

  • 79 Ibid., p. 791-792.

Ainsi, écrit-il, après s’être élevé à Dieu en partant de soi-même, l’esprit revient à soi-même en partant de Dieu, et s’étant expliqué l’auteur des destinées, s’explique par contrecoup les destinées elles-mêmes79.

  • 80 Ibid., p. 792.
  • 81 On retrouve d’ailleurs cette nécessité d’une démarche libre et individuelle dans l’article « Culte  (...)

45Contrairement à des formes de panthéismes qui se perdent dans la « contemplation » selon Reynaud, une telle marche encyclopédique du savoir qui s’accomplit de l’homme vers Dieu puis de Dieu vers les hommes, invite à l’action : « Dieu ne veut pas seulement qu’on le connaisse, il veut qu’on l’aime, et qu’on l’aime de telle sorte que, sans cesser d’être soi-même, on ne soit qu’un avec lui par l’amour »80. Dieu en appelle ainsi à l’instauration de la république : et la « théurgie » n’est autre que cette religion pratique qui implique un rapport au monde, à soi, aux autres, teinté d’un élan de charité. Si la république est le régime de la conversation, l’encyclopédie en est l’outil indispensable en ce qu’elle vient établir les définitions conformément aux besoins mêmes de ce régime. L’encyclopédie est ainsi à la religion républicaine ce que l’Évangile est au dogme catholique, la conversation y fait office de culte, mais d’un culte où chacun doit avoir d’abord pour soi cultivé tous les savoirs dans leur forme encyclopédique, où chacun, en somme, doit avoir accompli le chemin qui mène à Dieu, sans que ce cheminement ne lui soit imposé de l’extérieur81.

Notes

1 Fabas Théodore, 1835, « De la tendance de notre époque vers la République », Revue encyclopédique, n° 61, p. 42.

2 « Lettre de Jean Reynaud à Abel Transon, 21 novembre 1831 », BnF (bibliothèque de l’Arsenal), Paris, fonds Enfantin, ms 7774 (R138914). Je remercie Julien Vincent pour ses relectures successives et généreuses de ce chapitre qui ont grandement contribué à sa formulation finale.

3 Guizot François, 1863, Histoire parlementaire de la France, Paris, Michel Lévy frères, t. i, p. 178, cité dans Rosanvallon Pierre, 2004, Le modèle politique français. La société civile contre le jacobinisme de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, p. 159. Sur cette question voir plus généralement le chapitre vi du même ouvrage : « L’épreuve sociologique ».

4 Fabas est l’un des contributeurs réguliers de la Revue encyclopédique puis de l’Encyclopédie nouvelle. On lui doit notamment l’article célèbre « Du droit d’association » dans la Revue encyclopédique en 1833.

5 Le Dictionnaire de Trévoux est conçu explicitement comme une entreprise de reprise en main catholique de la diffusion du savoir, au moment où le Dictionnaire universel de Furetière fait l’objet d’une publication en Hollande sous l’égide du protestant Basnage. Sur ce sujet voir : Le Guern Michel, 2009, « Les contributions religieuses dans le Dictionnaire de Trévoux de 1704 », in Turcan Isabelle (dir.), Quand le Dictionnaire de Trévoux rayonne sur l’Europe des Lumières, Paris, L’Harmattan, p. 103-110.

6 Mathiez Albert, 1975, La théophilanthropie et le culte décadaire : essai sur l'histoire de la Révolution, 1796-1801, Genève, Slatkine Reprints. Par exemple Mathiez note à propos de la période 1796-1801 : « En ce temps-là, on traçait des projets de religion nouvelle avec la même facilité que plus tard on élaborera des plans de cité future » (p. 29).

7 Il ne s’agit pas pour Leroux et Reynaud de faire de la « Révolution » elle-même un objet de religion (cf. Lefort Claude, 1989, « La Révolution comme religion nouvelle », in Furet François et Ozouf Mona, The French Revolution and the Creation of Modern Political Culture, vol. 3 The Transformation of Political Culture, 1789-1848, Oxford/New York, Pergamon Press, p. 391-399), non plus que de rechercher dans l’effervescence politique un enthousiasme religieux ; le « moment Robespierre », réel pour Leroux et Reynaud, n’est pas (contrairement à ce qu’Alain Maillard y voit pour les jacobins de 1830) synonyme d’« un enthousiasme religieux pour la chose publique » (Maillard Alain, 1999, La communauté des égaux. Le communisme néobabouviste dans la France des années 1840, Paris, Kimé, p. 172).

8 Mathiez Albert, La théophilanthropie et le culte décadaire, op. cit., p. 40-80.

9 Gauchet Marcel, 1985, Le désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Paris, Gallimard.

10 Il prolonge aussi en un sens les « batailles encyclopédiques entre Révolution et Empire » que décrit Jean-Luc Chappey, sous ce titre, dans sa contribution à ce volume, en particulier le moment de la convention thermidorienne où l’encyclopédisme républicain est un enjeu de stabilisation du régime.

11 Sur ce caractère d’étape, voir l’« Avis » publié dans le numéro de septembre 1831, après le rachat de la Revue à Jullien par Carnot : « pour établir le nouveau lien encyclopédique, de grands travaux préparatoires sont indispensables ; nous voulons les entreprendre, et nous appelons les savans [sic] à y coopérer avec nous. […] Ramener à l’unité des théories isolées, souvent contradictoires, faire subir à ces théories les transformations que nécessite la pratique, telle est la tâche que nous proposons » (Revue encyclopédique, n° 26, septembre 1831).

12 Sur le parti républicain à cette période, on se reportera à deux ouvrages classiques : Tchernoff Iouda, 1901, Le parti républicain sous la monarchie de Juillet. Formation et évolution de la doctrine républicaine, Paris, Pedone ; Weil Georges, 1928, Histoire du parti républicain en France (1814-1870), Paris, Alcan. On pourrait décrire ce moment républicain comme celui d’un néojacobinisme qui se colore de socialisme, pour employer l’expression de Maurice Agulhon : « Il est bien vrai, d’abord, que dans les années 20, 30, 40 du siècle les néojacobins ont été attentifs aux nouvelles analyses du problème social, produites notamment par les saint-simoniens, et que leur populisme encore initialement flou, à la manière de 1793 ou de la conspiration des Égaux, a tendu peu à peu à se préciser en socialisme. À parler de “prolétaire” au lieu de parler de “sans-culotte”. Mais le fait que les néojacobins se soient colorés de socialisme ne signifie pas qu’en revanche tout le socialisme se soit jacobinisé ! » (Agulhon Maurice, 1989, « À propos de “néorobespierrisme” : quelques visages de “jacobins” sous Louis-Philippe », in Ozouf Mona et Furet François, The French Revolution…, op. cit., p. 530).

13 Sur la manière dont la Revue encyclopédique pose les bases d’une telle synthèse, notamment en s’appuyant sur le renouveau de la philologie et de l’orientalisme à cette période, on consultera la contribution d’Aurélien Aramini à ce volume : « Traditions religieuses et synthèse républicaine dans la Revue encyclopédique ».

14 Voir notamment : Rosanvallon Pierre, 1985, Le moment Guizot, Paris, Gallimard.

15 Le gouvernement annonce une redéfinition des prérogatives et du mode d’élection de la Chambre des pairs pour l’année 1831.

16 Sur la conjonction entre grèves ouvrières, insurrections lyonnaises et émeutes républicaines, voir le tableau proposé dans : Gribaudi Maurizio, 2014, Paris, ville ouvrière, Paris, La Découverte, p. 308-309.

17 Sur la reprise en main de la revue par Carnot, Leroux et Reynaud, voir : BnF (bibliothèque de l’Arsenal), Paris, fonds Enfantin, liasse 658 (FE-658). L’avis, rédigé par Carnot, paraît dans la Revue encyclopédique, n° 26, septembre 1831 : « La Revue encyclopédique vient de changer de mains : M. Jullien de Paris en a fait cession à de nouveaux éditeurs ». Comme le dit encore l’« Avis », la Revue encyclopédique version Jullien, n’a pas théorisé le « lien encyclopédique ». Le lien entre les différents articles commandés par Jullien tient, si l’on en croit le texte de l’« Avis », à la seule figure-pivot de Jullien lui-même, ce qui est insuffisant aux yeux de Carnot.

18 Reynaud Jean, 1832 (janvier-mars), « De la société saint-simonienne », Revue encyclopédique, n° 53. Il note ainsi : « ni l’odieux ni le ridicule de ce nom décrépit ne furent, pour les chefs de la doctrine, empêchement à la prise de possession de ce titre bizarre ; ils furent papes. Ce fut une vie nouvelle ; il ne s’agissait non plus, comme autrefois, d’enseignemens [sic] au public, mais de commandemens [sic] aux fidèles ; non plus de discussions à soutenir, mais de sacremens [sic] à administrer ; confessions, baptêmes et mariages formaient de pieux spectacles amenant à la file processions de dévots convertis » (p. 29-30).

19 Selon l’expression d’un contributeur anonyme de la Revue dans la section « Bibliographie », « Livres français » (Revue encyclopédique, n° 52, décembre 1831, p. 718).

20 Paul-Mathieu Laurent (1793-1877) fait partie des rédacteurs de la Revue encyclopédique. Avocat, il a rejoint le mouvement saint-simonien en 1828, puis s’en est détaché, tout en gardant des liens avec Enfantin. Directeur de la bibliothèque de l’Arsenal sous le Second Empire, on lui doit la constitution du fonds Enfantin. Sur le rôle de Reynaud et Laurent dans l’orientation républicaine et révolutionnaire, voir : Régnier Philippe, 1983, Les idées et les opinions littéraires des saint-simoniens (1825-1835), thèse de doctorat, Paris, Université de Paris 3, t. 2, p. 301 sqq.

21 Maurizio Gribaudi le cite comme étant le « premier […] à dire très clairement à quel point les événements de Lyon constituent une rupture avec la vision de la majorité républicaine » (Gribaudi Maurizio, Paris, ville ouvrière, op. cit., p. 321).

22 Sur ce sujet, voir : Aramini Aurélien et Bourdeau Vincent, 2015, « Synthèse et association. La Revue encyclopédique (1831-1835) », in Bouchet Thomas, Bourdeau Vincent, Castleton Edward, Frobert Ludovic et Jarrige François (dir.), Quand les socialistes inventaient l’avenir. Presse, théories et expériences, 1825-1860, Paris, La Découverte, p. 84-96.

23 Saint-Simon, en effet, pense la religion nouvelle, son « nouveau christianisme », comme un substitut au programme avorté de l’encyclopédisme organique qu’il a développé dans la décennie 1810.

24 Griffiths David Albert, 1965, Jean Reynaud, encyclopédiste de l’époque romantique, Paris, Marcel Rivière et Cie, p. 121.

25 Si le premier moment de l’Exposé des principes républicains de la Société des droits de l’homme et du citoyen, vise à rappeler les buts, les principes et les moyens, la suite est consacrée à souligner la philosophie qui soutient le projet républicain. Selon Leroux et Reynaud, trois courants philosophiques dominent la scène politique : ceux qui placent la souveraineté en un Dieu dont les prêtres relaient les directives ; ceux qui voient la souveraineté dans la raison « telle qu’il plaît à quelques exploiteurs, à quelques pédans [sic] misérables, de la faire parler » ; ceux, enfin, pour qui « la force » et le « fait » sont l’alpha et l’oméga de la politique. Ces trois philosophies correspondent aux « carlistes », au « juste-milieu » et à l’« opposition » conservatrice. Les uns se rattachent au passé pour le passé, et les autres au présent tel qu’il est. Les dernières pages du texte mettent en avant la question d’une « religion » républicaine : d’une sentimentalité, d’une espérance, appuyée sur une philosophie du progrès qui fait défaut aux rétrogrades ou aux conservateurs. Recueil de tous les savoirs, l’encyclopédie inscrit la foi républicaine au cœur de son dispositif. Voir : Exposé des principes républicains de la Société des droits de l’homme et du citoyen suivi des noms des membres du comité central, publié dans Sauriac Xavier, 1974, La Société des droits de l’homme et du citoyen, 1832-1834, Paris, EDHIS, p. 6 et p. 8. Sur le statut des « discours préliminaires » et la crise qu’ils connaissent, voir dans ce volume la contribution de Julien Vincent : « La crise des discours préliminaires. L’encyclopédisme à l’épreuve des sciences morales et politiques (1803-1832) ».

26 Sur Saint-Simon et son encyclopédisme, voir la contribution de Thomas Lalevée dans ce volume : « De l’Idéologie au socialisme : l’encyclopédisme de Saint-Simon ».

27 Sur Édouard Charton, saint-simonien et entrepreneur d’édition, on consultera : Aurenche Marie-Laure, 2007, Édouard Charton et l’invention du Magasin pittoresque (1833-1870), Paris, Honoré Champion.

28 Le Patriote de l’Allier est un journal républicain, dont le rédacteur en chef, Achille Roche, proche de Reynaud, est l’auteur du Manuel du prolétaire. Il est en 1833 accusé d’offense au roi et traduit devant la cour d’assises de Moulins.

29 Bibliothèque municipale de Lyon, ms 4561-4562, cité dans Griffiths David Albert, Jean Reynaud, encyclopédiste de l’époque romantique, op. cit., p. 127.

30 Cité dans Griffiths David Albert, Jean Reynaud…, op. cit., p. 122.

31 Leroux Pierre et Reynaud Jean, 1833 (novembre), « Prospectus de l’Encyclopédie pittoresque », Bibliothèque nationale (BN), Paris, Z 2707, cité dans Griffiths David Albert, Jean Reynaud…, op. cit., p. 132. Les premiers fascicules paraissent le 23 novembre 1833. Leroux et Reynaud sont un peu seuls pour la rédaction du premier fascicule. Ils comptent sur Achille Roche, fervent républicain. Mais ce dernier, leur ami commun, meurt le 14 janvier 1834. Après le premier fascicule, de nombreuses plumes participent à l’entreprise, par exemple Pauline Roland (1810-1852), institutrice à Falaise, installée à Paris pour suivre les saint-simoniens depuis 1832.

32 Sur ce sujet, voir : Bouyssy Maïté, 2012, L'urgence, l'horreur, la démocratie. Essai sur le moment frénétique français 1824-1834, Paris, Publications de la Sorbonne.

33 « Journal », bibliothèque de l’Institut de France, Chantilly, collection Spoelberch de Lovenjoul, D672 bis, f° 23 verso, cité dans Griffiths David Albert, Jean Reynaud…, op. cit., p. 137.

34 C’est à cette époque que les « liens d’amitié se resserrent entre Jean Reynaud et le “républicanisant” Béranger », in Griffiths David Albert, Jean Reynaud…, op. cit., p. 144, n. 2.

35 Ulysse Trélat (1795-1879), étudiant en médecine dans les années 1810, devient psychiatre, auteur de nombreux ouvrages sur la folie. Il s’engage aux côtés des libéraux, fonde avec d’autres la société Aide-toi, le ciel t’aidera, et se distingue pendant les combats de barricades des Trois Glorieuses. Accusé de complot contre le roi, il est acquitté finalement par la cour d’assises. À Clermont, il est le directeur du Patriote du Puy-de-Dôme jusqu’en 1835, date de son retour à Paris pour la défense des accusés d’Avril. Emprisonné suite à l’adresse au président de la Cour des pairs, il effectue un séjour à Clairvaux, jusqu’à l’acquittement de 1837. Il devient médecin à la Salpêtrière (1840-1848, puis 1849-1870), puis député en 1848-1849. En mai 1848, il est ministre des Travaux publics, mais démissionne le 18 juin, suite à la suppression des ateliers nationaux.

36 À ce sujet, voir : Robert Vincent, 2010, Le temps des banquets. Politique et symbolique d’une génération, Paris, Publications de la Sorbonne, p. 230-243.

37 Griffiths David Albert, Jean Reynaud…, op. cit., p. 151.

38 Pour une approche qui montre les stratégies d’écriture encyclopédique variées au sein de l’Encyclopédie nouvelle, voir dans ce volume la contribution de Pierre Philippe : « L’écriture encyclopédique en pratique : Achille Requin, la physiologie et l’hygiène dans l’Encyclopédie nouvelle ». Pierre Philippe y souligne la manière dont le choix de confier l’écriture des articles qui portent sur la physiologie à un jeune médecin permet de contenir le programme organiciste trop marqué au sein du mouvement saint-simonien.

39 Reynaud Jean, 1843, « Encyclopédie », in Leroux Pierre et Reynaud Jean, Encyclopédie nouvelle, Paris, Gosselin, vol. 4 const-epic, p. 795.

40 Ibid.

41 Reynaud Jean, « Conversation », in Leroux Pierre et Reynaud Jean, Encyclopédie nouvelle, op. cit., vol. 4, p. 37.

42 Ibid., p. 38.

43 Reynaud Jean, 1836, « Association », in Leroux Pierre et Reynaud Jean, Encyclopédie nouvelle, op. cit., vol. 2 ari-bos, p. 159 (réédité à Genève, chez Slatkine Reprints, 1991).

44 Ibid.

45 Il y a une orientation babouviste chez ces auteurs, que l’on retrouve d’ailleurs dans la notice, élogieuse, que rédige Reynaud sur Babeuf, dans le même volume. Sur l’importance du renouveau babouviste pendant cette période et la place d’un néojacobinisme niveleur, voir : Maillard Alain, La communauté des égaux, op. cit.

46 Reynaud Jean, 1836, « Aristocratie », in Leroux Pierre et Reynaud Jean, Encyclopédie nouvelle, op. cit., vol. 2, ari-bos, p. 159.

47 Ibid.

48 Ibid., p. 6.

49 Ibid., p. 5.

50 Ibid., p. 8.

51 Reynaud Jean, 1841, « Ciel », in Leroux Pierre et Reynaud Jean, Encyclopédie nouvelle, op. cit., vol. 3 bot-con, p. 603.

52 Ibid., p. 607.

53 Ibid., p. 613. Sur ces sujets, et pour une analyse qui rapproche l’ontothéologie de Reynaud des traditions orphiques et platoniciennes, notamment à partir du retour en vogue qu’elles connaissent chez des penseurs comme Ballanche sous la Restauration, voir : Juden Brian, 1971, Traditions orphiques et tendances mystiques dans le romantisme français (1800-1855), Paris, Klincksieck.

54 Reynaud écrit : « C’est l’espérance qui fait notre grandeur, c’est elle qui tient nos regards dirigés vers le ciel, c’est elle qui nous élève au-dessus du néant, et qui, dans notre petitesse d’aujourd’hui, enfans [sic] qui retournons à Dieu, nous fait tous infinis en nous rendant tous susceptibles de vouloir l’infini pour dernier terme de nos progrès futurs » (Reynaud Jean, « Ciel », art. cit., p. 607).

55 Foi, espérance et charité peuvent être retraduits au sein de la synthèse républicaine en république, encyclopédie et association. Cette synthèse fait écho à la manière dont La Mennais articule la puissance, la sagesse et l’amour ou encore l’être, l’intelligence et le sentiment à la Sainte-Trinité. Voir par exemple : La Mennais Félicité (de), 1834, Paroles d’un croyant, Paris, Eugène Renduel, chap. xli. On voit ainsi à l’œuvre le travail de traduction et réappropriation des traditions religieuses qui caractérise l’approche républicaine de l’encyclopédisme selon Reynaud.

56 Griffiths David Albert, Jean Reynaud…, op. cit., p. 185.

57 Le document est à manipuler avec précaution, d’une part parce que Duveyrier ne participait pas au repas en question et, d’autre part, parce qu’écrivant à Enfantin, il prend sans doute plaisir à montrer que les récriminations à propos des questions religieuses mises en avant par Leroux et Reynaud au moment de la rupture avec l’école saint-simonienne n’ont guère été l’objet d’un consensus ultérieur entre les deux penseurs.

58 Pour connaître la position d’Enfantin sur les questions qui divisent Reynaud et Leroux, on consultera : Enfantin Barthélemy-Prosper, 1834, Lettre du Père à Charles Duveyrier sur la vie éternelle (juin 1830), Paris, Alexandre Johanneau.

59 « Lettre inédite de Duveyrier à Prosper Enfantin », BnF (bibliothèque de l’Arsenal), Paris, fonds Enfantin, ms 7720, cité dans Griffiths David Albert, Jean Reynaud…, op. cit., p. 197. Voir autour de cette citation, l’analyse très fine que propose Vincent Robert, à propos du « Banquet », des options religieuses antagonistes de Leroux et Reynaud : Robert Vincent, 2007, « Le banquet selon Jean Reynaud », Romantisme, n° 137, en particulier p. 42-47.

60 Leroux propose ainsi un « Dieu immanent, un Dieu dans le monde », au point que le ciel, selon lui, doit être ramené « sur la terre », comme le note Le Bras-Chopard Armelle, 1986, De l’égalité dans la différence. Le socialisme de Pierre Leroux, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, p. 131.

61 Reynaud Jean, « Encyclopédie », art. cit., p. 766.

62 Ibid., p. 769.

63 Ibid., p. 772. Ampère avait exposé son système de classification lors de leçons au Collège de France et en avait proposé une élaboration définitive avant sa mort en 1836. Toutefois, un volume seulement avait été publié de son Essai sur la philosophie des sciences, ou, Exposition analytique d'une classification naturelle de toutes les connaissances humaines, chez Bachelier à Paris en 1834. Le second volume paraîtra en 1843, après que Reynaud a écrit son propre article « Encyclopédie ». Reynaud a néanmoins suivi les cours d’Ampère et en a rendu compte dans la Revue encyclopédique ; sur ce point on se reportera à la contribution de Julien Vincent dans ce volume : « “La Grande Famille réunie” ? Le champ encyclopédique en France dans la première moitié du xixe siècle ».

64 Ibid., p. 763.

65 Ibid., p. 774 : « C’est ainsi qu’on y voit les arts et métiers insérés entre la physique et la géologie, et […] séparés de l’art d’élever les animaux », note Reynaud à propos de l’Essai sur la philosophie des sciences. Pour une vision plus nuancée des thèses d’Ampère, voir : Merleau-Ponty Jacques, 1977, « Essai sur la philosophie des sciences d’Ampère », Revue d’histoire des sciences, vol. 30, n° 2, p. 113-118. Ce dernier met en avant le spiritualisme d’Ampère autant que son empirisme, partant son dualisme. Il note toutefois un pluralisme épistémologique à l’œuvre chez Ampère, précisément ce que lui reproche Jean Reynaud.

66 Ibid., p. 784-785.

67 Reynaud Jean, 1841, « Condorcet », in Leroux Pierre et Reynaud Jean, Encyclopédie nouvelle, op. cit., vol. 3 bot-con, p. 748.

68 Ibid., p. 749.

69 Reynaud Jean, « Encyclopédie », art. cit., p. 786.

70 Ibid.

71 Ibid., p. 788.

72 Ibid.

73 Ibid., p. 789-790.

74 Ibid., p. 788.

75 Ibid., p. 790.

76 Ibid.

77 Ibid., p. 791.

78 Ibid.

79 Ibid., p. 791-792.

80 Ibid., p. 792.

81 On retrouve d’ailleurs cette nécessité d’une démarche libre et individuelle dans l’article « Culte » de Pierre Leroux dans l’Encyclopédie nouvelle, où il commente en particulier le chapitre 8 du livre iv du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau qui porte sur la religion civile. Il ne saurait être question, pour Leroux, pas plus que pour Reynaud, d’imposer une religion nouvelle.

Table des illustrations

Titre Figure 1. Tableau des connaissances humaines par Jean Reynaud
Crédits Source : Reynaud Jean, 1843, « Encyclopédie », in Leroux Pierre et Reynaud Jean, Encyclopédie nouvelle, Paris, Gosselin, vol. 4 const-epic, p. 793.
URL http://books.openedition.org/pufc/docannexe/image/18699/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 89k

Auteur

Vincent Bourdeau est enseignant-chercheur en philosophie à l’université de Franche-Comté (Besançon), membre du laboratoire EA 2274 Logiques de l’agir (dirigé par Arnaud Macé) et responsable du pôle 3 « Normes, pratiques et savoirs » au sein de la MSHE Claude-Nicolas Ledoux (USR 3124). Il travaille sur les rapports entre discours politiques et sciences sociales au xixe siècle en France, en particulier sur les socialismes et républicanismes de cette période. Il a codirigé Quand les socialistes inventaient l’avenir, 1825-1860 (Paris, La Découverte, 2015). Il est responsable (avec Edward Castleton) de la série « Archives de l’imaginaire social » publiée dans la collection des Cahiers de la MSHE (Presses universitaires de Franche-Comté).

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