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Le karst du Yucatan

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Marie-Anne Héraud-Piña

Chapitre VIII. L’homme et le karst dans le Yucatan

Des anciens Mayas à aujourd’hui

Texte intégral

1L'empreinte de l'ancienne civilisation maya demeure très forte dans la péninsule du Yucatan. Les vestiges archéologiques sont nombreux, mais également tout un héritage culturel et un mode de vie. Depuis toujours, les problèmes des ressources en eau douce et de l'irrigation ont préoccupé les Mayas, de même que la mise en valeur des terres et l'agriculture. Si le Yucatan n’avait pas eu des ressources en eau souterraine accessibles par l’intermédiaire des grottes et des cenotes, cette région serait restée inhospitalière et la civilisation maya n'aurait pas pu s'y développer aussi largement.

I. L’UTILISATION DU KARST PAR LES ANCIENS MAYAS

2Une grande partie du pays maya s'étend dans une plaine et des bas plateaux calcaires très karstifiés, donc dépourvus de cours d’eau superficiels. De ce fait, la gestion des ressources en eau a toujours eu une influence majeure sur le développement culturel et économique du Yucatan (BACK et LESSER, 1981). Les grottes et les cenotes sont alors utilisés non seulement pour les besoins en eau, mais également comme sanctuaires religieux et refuges.

A. Origine et extension de la civilisation maya

3A l'origine de la grande civilisation maya se trouve une autre culture plus ancienne, mère des peuples de la Mésoamérique : la culture olmèque. Les vestiges des premiers signes de cette civilisation sont rares et il existe peu de données sur la période formative : en effet, le climat tropical humide de la région n'a pas permis la conservation des objets faits de matériaux périssables (bois surtout).

4Toutefois, nous savons que les premiers Mayas sont apparus vers 3 000 ans av. J.-C. L’aire maya comprend deux grandes divisions (fig. 81). Aux hautes terres situées au sud des Chiapas, comprenant la cordillère d'Amérique centrale, correspond une zone montagneuse qui, malgré un climat défavorable et une forte densité de population, va connaître un développement culturel de première importance. La forêt tropicale constitue le berceau de la civilisation maya : c’est une zone centrée autour du karst du Petén, et qui s'étend jusqu'aux Caraïbes à l'est et au Golfe du Mexique à l'ouest, incluant également le Belize, la partie occidentale du Honduras et les états du Tabasco et des Chiapas au Mexique. Aux Basses Terres, (altitude < 600 m), correspondent les trois états qui forment aujourd’hui la péninsule du Yuacatan, le Campeche au sud-ouest, le Yucatan au nord et le Quintana Roo au sud-est. Les premiers villages permanents et l’agriculture vont apparaître vers 1 300 av. J.-C. et marquer le début de la période dite préclassique. Les principaux sites mayas sont, à ce moment-là, avant tout ceux du Péten au Guatemala comme Tikal et Copán. Cependant, dès le pré-classique récent (-800 av. J.-C.) des cités importantes apparaissent dans les Basses Terres du Yucatan telles que Chichen Itza et Loltún.

5L'apogée de la civilisation maya est située entre 300 et 900 ap. J.-C., et correspond à ce que l'on appelle la période Classique. A cette époque le territoire maya couvre près de 390 000 km2. Il comprend plusieurs états du Mexique, le Tabasco, le Campeche, le Yucatan, le Quintana Roo, l'est des Chiapas, et il inclue le Guatemala, le Belize, l'ouest du Honduras et le Salvador. Malgré des conditions naturelles apparemment défavorables (plate-forme calcaire à peine ondulée, dépourvue de cours d’eau superficiels, climat humide au sud et au centre et aride au nord, et recouverte par la forêt tropicale), c’est dans les Basses Terres que la civilisation maya atteint toute sa splendeur. Les cités les plus prestigieuses sont Edzná et Uxmal (Campeche), Chichen Itza et Izamal (Yucatan) et enfin Tulum (Quintana Roo). Dans les Hautes Terres, les cités de Tikal, Copán (Petén), et Palenque (Chiapas) conservent une relative importance, La population connaît alors une forte croissance, accompagnée d’une prospérité économique et de nombreux échanges commerciaux. On estime à 2 millions le nombre d’habitants à cette époque dans les Basses Terres.

Figure 81 : Limites du territoire maya durant la période classique (300-900 av.J.-C.)

6La civilisation maya connaît près de six siècles de paix relative avant de décliner rapidement à partir du Xe siècle ap. J.-C. Les causes de cette décadence sont encore mal connues aujourd’hui ; ils sont probablement le résultat d’une convergence de nombreux facteurs. Vers 650 ap. J.-C., la grande cité de Téhotihuacan qui régne sur les hauts plateaux mexicains depuis près d’un demi siècle n’a plus qu’un équilibre fragile et d’importants mouvements migratoires se produisent ; la pression le long des frontières du territoire maya se fait de plus en plus forte ; d’autre part, au sein même des cités mayas, les problèmes se multiplient : des rendements du sol qui ont du mal à faire face aux besoins alimentaires d’une population croissante, un militarisme important et des guerres qui se succèdent entre les cités, un ralentissement notable des échanges commerciaux, des fléaux naturels (épidémies, sécheresse, innondations, ouragans...) qui affaiblissent les populations, le tout aboutissant à une lente désintégration de la société maya. Les Toltèques envahissent le territoire maya et prennent le pouvoir dans la célèbre cité de Chichen Itza qui conservera sa splendeur jusque dans le premier quart du XIIIe siècle.

7Lorsque les Espagnols entreprennent la conquête du Yucatan au 15ème siècle, il y a près de 600 ans que la civilisation maya est en plein chaos culturel et politique. Mises à part les petites cités de la côte caraïbe, telles que Tulum et Cozumel, les autres cités qui avaient été les témoins de la grandeur de la période classique, sont abandonnées et leurs ruines dévorées par la forêt tropicale. Seuls quelques foyers relativement importants d’une civilisation encore vivace mais déjà décadente survivent dans le Hautes Terres du Guatemala (GENDROP, 1994).

8Des 2 millions de Mayas qui occupaient le territoire yucatèque durant la période classique, il ne reste qu’environ 800 000 individus en 1530 et moins de 300 000 au début du 19e siècle. Outre l’invasion des groupes toltèques, ils ont à souffrir à la fois du génocide perpétré par les Espagnols et des maladies apportées du vieux continent. Aujourd’hui, sur les 2 400 000 habitants de la péninsule, on compte environ 450 000 Mayas qui ont conservé le dialecte de leur ancêtres et un certain mode de vie, notamment en ce qui concerne l’exploitation des ressources en eau et des terres cultivables.

B. L’exploitation de l’eau souterraine

9La particularité de cette civilisation est donc d’avoir choisi de s’installer sur un vaste territoire karstique : les chaînes calcaires de Chiapas et du Péten et la plate-forme yucatèque. Du fait des caractéristiques du milieu physique, la vie des Mayas va s’organiser inévitablement autour du karst et de ses ressources et notamment des ressources en eau qui de ce fait va devenir l’élément central à la fois de la vie religieuse et quotidienne.

10Les seuls réservoirs d'eau douce de la péninsule sont les cavités et certaines dépressions karstiques en eau. Les Mayas les appellent dz'onot (cenote), actun (grotte), ch'en (puits) ou chultuns (réservoirs souterrains). La plupart des villages portent des noms se terminant par ch'en ou bien ha (eau) signifiant qu'un village n'est jamais construit sans qu'il y ait, à proximité, le point d'eau nécessaire à son développement. Ainsi, certaines cités et localités se nomment-elles Kanachen (le puits nécessaire), Nacheha (l'endroit où l'eau est distante), Yocdzonot (en bas du cenote), ou Chichen Itza (au bord du puits des Itzas).

11Les Mayas d’il y a 3 000 ans sont déjà de bons « spéléologues » sans le savoir : toujours en quête d'eau, ils explorent chacune des grottes qu'ils rencontrent, faisant parfois plusieurs centaines de mètres dans des galeries souterraines pour atteindre l'eau tant convoitée. Ces grottes sont aménagées et si cela est nécessaire, le chemin d'accès au plan d'eau est jalonné d'échelles en bois et d'escaliers. L'eau est transportée dans des jares en argiles ou remontée par des cordes, puis stockée en surface dans des réservoirs. Des vestiges de ces divers objets ont été retrouvés dans de nombreuses grottes comme celle de Balancanchen (chap. III).

12L'exemple de la grotte de Bolonch'en visitée par STEPHENS et CATHERWOOD en 1843 (in MERCER, 1975) illustre parfaitement cette nécessité de trouver de l'eau quelle que soit la difficulté pour y parvenir. Située dans le Campeche, près de Ticul, Bolonch’en signifie « les neuf sources d'eau pure » et constitue la seule source d'eau du secteur durant la saison sèche (fig. 82). Le plan d'eau se trouve à une profondeur de 137 m et à une distance de 4 km de l'entrée de la grotte !

Figure 82 : Gravure de la grotte de Bolonchen (Campeche). Les Mayas l’avait aménagée avec des échelles à plusieurs niveaux afin de faciliter l’accès au plan d’eau. (STEPHENS, 1843).

13Pour y accéder, nous raconte STEPHENS, il faut descendre le long de grandes échelles souvent précaires, passer dans des conduits naturels tortueux, parfois encombrés de débris rocheux et dans les lesquels flottent des gaz quelque peu nocifs (sans doute du CO2). On peut atteindre les autres bassins en empruntant de nouveaux passages.

14Les Mayas savaient aussi creuser des puits artificiels comme à Xhambak afin de recouper les niveaux horizontaux où ils savaient pouvoir trouver de l’eau douce (fig. 83).

15Les villages sont également construits autour ou à proximité des cenotes. C'est le cas de Dzibilchaltun, à 15 km au nord de Mérida, qui se situe à une altitude de 2 ou 3 m à peine au-dessus du niveau de la mer. Mais ici, le grave problème rencontré par les Mayas est la pollution du cenote par l'eau de mer ; toutefois la couche d'eau douce superficielle est généralement suffisante pour subvenir aux besoins d'un village (BACK et LESSER, 1981).

16Tout comme les Mayas, les conquistadors espagnols font face à de sérieux problèmes d'approvisionnement en eau, ce qui d'ailleurs est une des raisons pour lesquelles la conquête du Yucatan dure près de 20 ans. En effet, les Mayas bouchent leurs puits avec des blocs de pierre et quittent les villages ; eux, connaissant les grottes, contrairement à leurs ennemis, peuvent s'approvisionner en eau douce, quelle que soit la saison.

Figure 83 : Cavité de Xhambak recoupée par un puits artificiel construit par les Mayas afin de recueillir l'eau douce. (STEPHENS, 1843).

C. Les grottes : lieux sacrés

17Comme la religion maya est évidemment orientée vers le culte de l'eau, les Mayas font de nombreux sacrifices au dieu Chac, dont les statues montrent les yeux pleins de larmes, afin d'obtenir son aide dans leur quête de l'eau.

18Dans les grottes, l'eau destinée aux rites religieux est en général recueillie dans des haltun, réceptacles que MERCER (1975) décrit comme des blocs de calcaire de 60 à 90 cm de diamètre avec au sommet une partie en creux d'une trentaine de centimètre de profondeur. Ces pierres sont généralement placées sous les stalagmites pour récupérer l'eau qui s'égoutte. A cette époque, il est très important que cette eau soit pure (zuhuy ha) et que les ustensiles utilisés pour la cérémonie soient neufs. C'est probablement la raison pour laquelle des enfants et des jeunes filles vierges sont sacrifiés au dieu Chac. C'est ainsi qu'entre 1904 et 1907, THOMPSON extrait du Cenote Sagrado de Chichen Itza, des squelettes de femmes et d'enfants qui ont été sacrifiés au dieu de la pluie ainsi qu'un grand nombre d'offrandes précieuses, objets divers en bois, bijoux en jade et en or. Les femmes n'ont pas le droit d'aller recueillir l'eau sacrée ou d'assister aux cérémonies ayant lieu dans des grottes sacrées spécialement réservées à cet effet.

19Les grottes sont également utilisées pour les enterrements et les incinérations. De nombreux restes humains (parfois calcinés) ont été retrouvés jonchant le sol de certaines grottes ; peut-être s'agit-il des restes de hauts personnages ou de prêtres (THOMPSON, 1897, in MERCER, 1975).

D. Autres utilisations des grottes

20Ce n'est qu'en cas de danger imminent que les Mayas se réfugient dans les grottes, mais ils n'y vivent pas. Signalons que certaines grottes sèches où abondent les chauves souris sont contaminées par une moisissure (histoplasma capsulatum) susceptible de donner l’histoplasmose, une grave maladie pulmonaire endémique signalée dans toute l’Amérique centrale, le Mexique et les Caraïbes.

21Les anciens Mayas sont des agriculteurs et ils ne s'éloignent de leurs champs que pour de courtes périodes (MERCER, 1975). En revanche, les grottes servent de galeries d'art. On a retrouvé à l'intérieur de nombreuses grottes des stalagmites et des stalactites sculptées et des peintures sur les murs. Ces manifestations artistiques ont plusieurs explications possibles : beaucoup sont probablement en relation avec des rites religieux, peut-être servent-elles aussi pour effrayer et éloigner les visiteurs indésirables, ou encore sont-elles le lieu d’expression choisi par les artistes (SIMOES, 1991).

22Les grottes sont également utilisées comme “dépotoirs” d'objets et d'ustensiles en tout genre, des poteries cassées jusqu'aux ornements des statues de leurs dieux, mais ce ne sont pas des objets d’art. Les dépôts de ces objets dans les grottes se font lors de cérémonies annuelles (MERCER, 1975).

IL LA MISE EN VALEUR DU KARST DEPUIS LES ANCIENS MAYAS JUSQU'À AUJOURD’HUI

23Les anciens Mayas sont des agriculteurs avant tout, mais en s'installant dans le Yucatan, ils apprennent à tirer le meilleur parti de cette région inhospitalière. L'agriculture commence à se développer dès l'époque préclassique, du XIVe au IIIe siècle av. J.-C., alors que débutent les premiers processus d'urbanisation. Elle est associée à la chasse, la pêche, la cueillette, l'artisanat, l'industrie textile, le commerce ; l'écosystème en place est la forêt tropicale. Les techniques doivent donc s'adapter à la quantité et à la qualité de la terre disponible. De plus, les fortes densités de population en dehors des villes constituent une preuve de l'efficacité des techniques agricoles intensives de l’époque. Après la conquête espagnole, le système agraire est modifié et les milpas disparaissent au profit des grandes propriétés. Le processus de déforestation commence.

A. Les aménagements agraires chez les anciens Mayas et le rôle du maïs

24Les anciens Mayas basent leur production agricole sur le maïs (zea mais, originaire du Mexique), le haricot noir et la courgette. Les techniques qu’ils emploient sont adaptées aux terres dont ils disposent qui ne sont ni de très bonnes terres ni des terres abondantes. Débroussaillage, brûlis et systèmes de terrasses sont les principaux systèmes agricoles utilisés et en raison de l’aridité des terrains karstiques, les Mayas mettent au point des systèmes d'irrigation très évolués qui leur permettent de gérer l’eau.

25Les Mayas sont de grands connaisseurs du milieu dans lequel ils vivent. Leur classification des sols coïncide avec les études modernes et leur connaissance de la faune et de flore est précise. Ils parviennent à tirer le meilleur parti de leur terre avec des moyens simples, mais très efficaces. La milpa typique est un champs dans lequel le maïs est associé à d'autres cultures ; c’est un bon exemple de l'utilisation optimale du milieu. En plus du maïs, on y cultive des courgettes, des haricots, des piments et des fruits ne laissant jamais une aire à la monoculture. En plus de ces surfaces agricoles, les Mayas utilisent des jardins pour les semis avant les transplantations, mais aussi pour des cultures secondaires telles que la pastèque, la tomate, le cacao, etc. Le maïs est non seulement l’aliment de base mais il a également un rôle déterminant dans les légendes et la religion maya. Sa domestication est locale (Vallée de Téotihuacan), et il fait partie de la religion tout comme l'eau, il sert d’offrandes aux dieux et constitue une des bases du culte maya. Sa production reste l’élément principal de l’agriculture au moins jusqu’à l’arrivée des espagnols qui vont boulverser un système en place depuis des siècles.

26Les Mayas emploient différents systèmes agraires selon les terrains. Dans les zones les plus humides, ils utilisent le système de labour en billon, c’est-à-dire un exhaussement de la terre obtenu par adossement de deux sillons. Ils cultivent là le maïs, le sisal, le tabac et le coton. Les terrasses les aident à modifier la pente des terrains afin de préserver l'humidité, la fertilité et autres attributs du sol, évitant ainsi son érosion. Aujourd'hui on peut voir des vestiges de ces terrasses sur les collines du sud du Campeche et dans le Quintana Roo (BARTOLOME, 1992).

27Dans le même temps, les Mayas parviennent à des systèmes d'irrigation très évolués. Ils collectent, stockent, puis redistribuent l'eau par des systèmes complexes de canaux, évitant ainsi l'inondation des terrains les plus bas, et permettant l'irrigation des autres. Il existe actuellement des vestiges de ces systèmes, notamment dans le Campeche, près de la cité de l'Edzna : digues, citernes, puits, bassins et canaux artificiels. Ils aménagent les zones basses inondables en construisant des plate-formes artificielles dont le drainage est assuré par des canaux.

28Les Mayas pratiquent la culture sur brûlis de faible rendement mais qui reste une technique quasiment inchangée jusqu’à nos jours contribuant ainsi inévitablement à l’appauvrissement des sols. A la fin de la saison sèche, en avril, les champs sont brûlés, les semences se font en mai et les récoltes en octobre ou novembre. Une milpa produit seulement pendant deux ou trois ans ce qui impose des aménagements incessants et l’ouverture régulière de nouvelles zones de culture par le défrichement.

29La sylviculture connaît durant la période classique un large développement. Outre la nécessité d’aménager de nouvelles terres, les Mayas exploitent la forêt et le palmier pour la construction des maisons, l'acajou et le cèdre pour la fabrication des canoës, des récipients d'usage domestique et des meubles.

30La domination technique de cet écosystème difficile leur permet de produire de la matière première pour les activités économiques secondaires comme la préparation de la peinture, l'élaboration de médicaments, l'utilisation des résines. Cette remarquable maîtrise dans la gestion du milieu karstique yucatèque est encore un exemple à méditer. Dans son livre « La agricultura intensiva de trabajo en las tierras mayas », TURNER (1980, in BARTOLOME, 1992) écrit :

« L'agriculture variée et la technologie que les anciens mayas ont établi dans les zones tropicales de la péninsule du Yucatan continuent d'être une alternative possible pour le développement moderne de la région. Les techniques mayas ont augmenté la production par unité, beaucoup plus que les niveaux atteints par l'élevage extensif et les cultures sur terrain débroussaillé qui se pratiquent aujourd'hui dans la région. »

B. Les aménagements agraires depuis la colonisation

31C'est après plusieurs tentatives malheureuses (Francisco Hernandez de Córdoba en 1517, Juan de Grijalva en 1518, Hemán Cortes en 1519) que les Espagnols parviennent finalement en 1526 à initier la colonisation de la péninsule du Yucatan. Avec à leur tête Francisco de Montejo, ils profitent des tensions existant entre les différents états et entament la destruction de la société maya et la mise en esclavage de son peuple. La colonisation n’est pas facile et nécessite plus de vingt ans.

32Les premiers effets sur cette société complexe et très organisée se font sentir dans les campagnes. Les villages sont abandonnés, les habitants se dispersent et l’ensemble du système de production est stoppé. En plus du manque de nourriture, les maladies apportées par les conquérants espagnols, telles que le typhus et la rougeole, ont raison d'un grand nombre de Mayas. Déçus par l'absence d'or dans la péninsule, les Espagnols trouvent dans l'esclavage la seule manière de s'enrichir. Pendant plus de trois siècles, ils vont dominer l'économie et faire du peuple maya un peuple d'esclaves.

33Tout le système agraire des anciens Mayas s'en trouve modifié. Au début du 19e siècle, on voit apparaître les grandes haciendas dans lesquelles on pratique la culture du maïs et l'élevage. L'hacienda est une exploitation extensive qui nécessite beaucoup de main d'oeuvre. Les travailleurs sont payés s'ils résident sur les terres, ou bien travaillent en échange d'une parcelle en dehors du domaine qu'ils cultivent pour eux. Dans les deux cas, ils restent « propriété » de l'hacienda.

34Le contrôle de l'eau par les grands propriétaires joue un rôle important dans la dépendance économique des Mayas, les grandes réserves étant à l'intérieur des haciendas. Or les Mayas avaient construit les premiers puits artificiels, ce qui était une véritable révolution pour l'agriculture. A partir de 1830, les haciendas se transforment petit à petit en zone de monoculture de maïs ou de sisal, puis se convertissent définitivement en grandes plantations de sisal. Ce changement est un autre coup dur pour les paysans mayas qui ont désormais des difficultés plus grandes à pousuivre les rites cérémoniaux du maïs, d'où la disparition progressive des prêtres mayas qui n'ont plus de raison d'être (BARTOLOME, 1992).

35Vers la fin du 19e siècle, les grandes exploitations, tournées vers la production de sisal, s'équipent de pompes mécaniques pour les puits afin de faire face à la forte demande mondiale. Les premières éoliennes sont installées et deviennent très populaires. Mérida devient « la ville aux éoliennes », elle en compte plus de 20 000 (BACK et LESSER, 1981). Les grandes haciendas disparaissent dans la première moitié du 20e siècle avec la réforme agraire, mais celle-ci est très longue à se mettre en place dans le Yucatan et le partage des terres aux petits paysans mayas ne se fait pas sans heurts. Sans l'intervention du Président CARDENAS en 1937, les haciendas auraient probablement survécu jusqu'à nos jours (KNOX, 1977).

Figure 84 : Interprétation d’une partie de l’image satellitaire. Auteur du village d’Ignacio Guttierze, les parcelles affectées par les brûlis constituent près de 50 % des terres cultivées. La prise de vue date de début mai soit un mois environ avant le début des semis.

36Aujourd'hui, l'agriculture se développe et se diversifie mais certaines pratiques héritées, comme le brûlis, sont conservées. La forte croissance démographique de la région et l’exploitation des bois précieux accélèrent la déforestation, mais rien n’est véritablement prévu pour la mise en valeur des terres défrichées. Le gouvernement tente de réintroduire des familles d’agriculteurs dans la péninsule. C’est ainsi qu’en 20 ans, de 1970 à 1990, la population de la péninsule a plus que doublé malgré un milieu peu hospitalier (tableau 22). Ne doutons pas que cette forte croissance est aussi en rapport avec le développement touristique, notamment dans le nord de la péninsule (Cancún).

Tableau 22 : Statistiques de population dans les trois Etats de la péninsule du Yucatan.

37Le sol est pauvre, les cultures sont variées mais de faible rendement. Cependant pour le seul Etat du Campeche, plus de 30 % de la population est impliquée dans le secteur agricole (culture et élevage). La pratique ininterrompue du brûlis depuis plus de 3 000 ans a entraîné un appauvrissement et une érosion des sols (photo 34). Les paysans continuent de brûler chaque année entre avril et mai juste avant les semis. Les villages sont généralement très dispersés à l’exception des abords des grandes villes. Autour de ces villages se développe la polyculture et se multiplient les petits lopins de terre. Les terres les plus riches concernent surtout les fonds de dépression et les poljés (chap. II). Près de Miguel Colorado, entre les mogotes boisés, un poljé est entièrement converti à la culture du maïs (photo 33).

38Sur l’image satellitaire, on constate que sur cette portion du territoire du Campeche, 30 à 40 % des terres sont déjà brûlés (rappelons que l’image date du 1er mai 1988) alors que les semis n’auront lieu qu’au début du mois de juin. L’exemple d’ignacio Guttierez (fig. 84) montre très clairement l’importance des surfaces brûlées et leur distribution spatiale. Le brûlis est également employé pour le débroussaillage ; il est fréquent de voir dans le paysage, des flancs de mogotes brûlés afin de préparer la mise en valeur des sols qui les recouvrent ou pour l'élevage (photo 22, chap. V). Déforestation et brûlis associés contribuent inévitablement à l’érosion des sols, peu épais, qui, une fois décapés, laissent apparaître la roche calcaire sous-jacente et rend impossible toute exploitation.

39Le maïs est au Mexique l'élément de base de l'alimentation. Dans le Campeche, les champs de maïs représentent plus de 65 % de la surface agricole utilisée, ensuite viennent le riz (15 %), le piment (3,5 %), le haricot noir (1,5 %), et d’autres cultures (soja, coton, tomates, courgettes, canne à sucre, fruits, représentant 15 %). La plus grande superficie du territoire est cependant destinée à l'élevage extensif, bovin et porcin essentiellement. Dans le Campeche, on compte près de 65 000 têtes de bétail bovin et presque autant de porcs. Plus de 14 000 tonnes de viande (68 % de boeuf et 32 % de porc) sont produites chaque année dans cet état (statistiques de l'INEGI, 1993).

C. La déforestation recente

40Le bois est une ressource naturelle importante pour l'ensemble des trois états de la péninsule, une large superficie étant couverte par la forêt tropicale. C'est une forêt moyenne où les arbres peuvent atteindre entre 40 et 50 m de hauteur ; elle est exploitée pour le bois précieux, surtout le cèdre, l'acajou et le « palo de rosa » (bois de rose). Aucun contrôle n'est exercé et aucune plantation de remplacement n'est prévue pour régénérer cette forêt surexploitée (photo 34).

41Il en résulte des effets négatifs sur la faune et l'équilibre écologique, mais on assiste surtout à une intensification de l'érosion des sols. Un peu partout dans le centre de la péninsule, on voit de vastes parcelles défrichées qui sont souvent abandonnées ensuite. Près des villages, comme nous avons pu l’observer fréquemment dans le Campeche, des parcelles entières sont coupées régulièrement, puis brûlées afin de les utiliser pour l'agriculture et cela jusqu'à épuisement des sols.

D. L’exploitation de l’eau et l’irrigation

42Les Mayas sont les premiers à avoir fait des efforts de contrôle sur la gestion et le stockage de l'eau. Il reste des vestiges de leurs installations, des aqueducs, des canaux qui irriguaient les champs et amenaient l'eau dans les zones habitées et des citernes qui servaient au stockage. Aujourd'hui, le plus gros handicap de la région est le manque d'eau. Bien que les réseaux souterrains soient bien développés sur l'ensemble du territoire, leur exploitation reste souvent limitée aux besoins domestiques étant donné les problèmes importants de pollution par l'eau de mer qu'entraîne inévitablement un pompage excessif. De plus, des risques de contamination de l'aquifère sont à craindre même si pour l'instant les industries sont surtout installées près du littoral, comme c'est le cas pour Campeche. Enfin, il existe très peu de stations de purification sur le territoire yucatèque.

43Les grands bassins-versants sont concentrés dans le sud de la péninsule autour de la lagune de Terminos. Le district Del Carmen, au sud de l'état de Campeche, comprend un grand nombre de rivières pérennes : El Este, le Chumpan, le Candelaria, le Mamantel et le Chivoja, qui débouchent dans des lagunes annexes à celle de Terminos. Le plus important de ces fleuves est sans doute le Candelaria (bassinversant de 7 700 km2). Il naît au Guatemala dans la région du Petén mais presque la totalité de son bassin-versant se situe en territoire mexicain.

44Dans la moitié nord du Campeche, on trouve le Champoton avec un bassin-versant de taille beaucoup plus réduite puisqu'il fait 650 km2 pour une longueur de 47 km seulement. Le Champoton se jette directement dans le Golfe du Mexique au niveau de la ville du même nom. Il existe également dans cette région quelques petits cours d’eau à écoulement temporaire comme la Malinche et l'Icajao.

45Dans l'état du Yucatan, à l'extrémité nord de la péninsule, les réseaux superficiels ont quasiment disparu, mis à part quelques cours d'eau de longueur restreinte qui disparaissent puis réapparaissent sans direction définie, partie intégrante du réseau souterrain. Dans le Quintana Roo, il n'existe pratiquement aucun cours d'eau superficiel mis à part au sud, le Río Hondo qui sert de frontière avec le Belize. Dans l'Etat du Campeche, il existe plusieurs unités d'irrigation avec système de drainage : Campeche, Calkini, Carmen, Hecelchakan, Tenabo et Champoton pour une superficie totale arrosable de 12 226 ha, Chicbul 1 et 2, 97 ha, Division Del Norte 48 ha et Venustiano Carranza 47 ha. Cette eau est utilisée pour les cultures (maïs, canne à sucre, haricot noir, riz, cultures maraîchères, fruits, sorgho, etc.), l'élevage et l'usage domestique, si la potabilité le permet. Il arrive que la salinité soit telle qu'elle conditionne le drainage des sols et impose une sélection des cultures. En effet, dans les parties les plus basses où l'accumulation de l'eau est fréquente, les sols peuvent présenter un taux de sels élevé, ce qui limite les pratiques agricoles rentables.

46Les aménagements ont réellement commencé depuis 1959 quand le Secrétariat des Ressources Hydrauliques s'est chargé des recherches scientifiques sur le terrain et a installé les premières stations météorologiques et fait les premières analyses chimiques des eaux souterraines. La recharge naturelle de l'aquifère, pour la moitié nord du Yucatan, a été estimée à 9 000 millions de m3/an en tenant compte des taux de précipitations et de l'évapotranspiration. Le pompage, lui, est estimé à environ 350 millions de m3/an (BACK et LESSER, 1981). Ce qui laisse supposer qu'un important volume part directement dans l'océan et est donc gaspillé. Le vrai problème vient de la pollution, non seulement par l'eau de mer, mais surtout par les eaux usées qui s'infiltrent dans l'aquifère. Des solutions sont envisagées, mais elles restent trop onéreuses pour être mises en place comme le projet d’un système d’acqueducs qui évacuerait les eaux usées directement vers la mer, avec stations d'épuration.

E. Les grottes touristiques

47Nous avons vu que de nombreuses grottes et cenotes sont aménagés à des fins touristiques. Cependant, ces cavités sont limitées à la moitié nord de la péninsule (Yucatan et nord du Campeche et du Quintana Roo), où les touristes viennent surtout pour visiter les grands sites archéologiques (Chichen Itza, Uxmal, Edzna, Tulum). Le sud de la péninsule est très peu touristique et les grottes et les cenotes restent dans le secret des villages mayas disséminés dans la région. Par exemple, le cenote Agua Azul, situé près du village de Miguel Colorado, est inconnu des touristes, et pourtant il n'a rien à envier à certains cenotes du nord.

48Plusieurs grottes aménagées sont des propriétés privées comme le cenote San Ignacio ou le cenote Chiuan (cf. chap. III) ; d'autres servent de piscines publiques, par exemple le cenote X'Keken ; d'autres encore, comme le cenote Sagrado de Chichen Itza, ont une valeur archéologique. Les grottes ont été exploitées et le sont probablement encore avec moins de respect, notamment par des pillages systématiques d'objets anciens mayas et de concrétionnements. Une mention particulière doit être faite aux grandes grottes noyées de la côte caraïbe qui, même si elles sont réservées aux plongeurs spéléologues, sont de véritables trésors pour la région (cf. chap. III).

III. L’AMÉNAGEMENT DE LA PLAINE QUATERNAIRE DU CAMPECHE

49Les sols de cette plaine sont généralement considérés comme inaptes à l'agriculture et sont donc voués essentiellement à l'élevage. Les aguadas qui sont largement développées dans la région ne sont plus exploitées comme elles l'étaient par les anciens Mayas avant la conquête espagnole. Aujourd'hui, elles servent de réservoirs d'eau douce pour le bétail et accessoirement pour la pêche artisanale.

A. L'exploitation de la plaine par les anciens Mayas

50Dans la moitié nord de la péninsule, les anciens Mayas ont exploité surtout les eaux souterraines ; ici ils se sont servis des eaux accumulées dans les dépressions karstiques creusées dans les caliches que sont les aguadas. Ils ont aménagé ces réservoirs naturels, ce qui leur a permis de développer l'agriculture dans une région apparemment hostile à ce type d'activité.

51Les Mayas utilisent les aguadas, mais creusent aussi des dépressions artificielles ou agrandissent celles existant si le besoin s'en fait sentir (BACK et LESSER, 1981). L'aménagement de ces dépressions a disparu aujourd'hui, mais les explorateurs du siècle dernier les ont décrit précisément. STEPHENS (1843, in BACK et LESSER, 1981) raconte que le fond des aguadas était recouvert de pierres plates et les interstices comblés par des argiles rouges. Les Mayas extraient la vase des marécages et confectionnent des « adobes » qui sont des briques séchées au soleil. De cette façon, les dépressions sont entourées par des murs bas de roches imperméables argileuses, ce qui évite les inondations en saison des pluies.

52Les Mayas construisent également des citernes ou chultun et des puits, directement au fond de certaines grandes aguadas afin de conserver l'eau durant la saison sèche. Le chultun est une demi-sphère à fond plat, dont le toit est percé d'un trou de quelques dizaines de centimètres de diamètre. Ils pouvaient contenir jusqu'à 30 000 litres d'eau et un seul d'entre eux pouvait survenir aux besoins de 25 personnes pendant une année. Des chultun énormes existaient à l'intérieur des grandes cités et pouvaient pourvoir aux besoins de 2 000 à 6 000 personnes (BACK et LESSER, 1981).

53Ainsi, à cette époque, la plaine quaternaire du Campeche était-elle une région riche sur le plan agricole. Cependant, la population était plus restreinte et les besoins très probablement moins importants.

B. L'exploitation de la plaine aujourd'hui

54Certes, les conditions de vie ont changé et aujourd'hui la région est vouée surtout à l'élevage bovin, l'agriculture étant réservée à quelques lopins autour des villages ; cependant les aguadas sont toujours utilisées. Lors de la saison sèche, les plus importantes et surtout les plus profondes, ne s'assèchent pas ou seulement partiellement. Pratiquement chaque ranch a un accès direct à une aguada de ce type et des chemins de terre ont été aménagés afin de pouvoir y conduire le bétail. Les difficultés arrivent avec la saison des pluies, car le niveau général des eaux monte d'environ 1,50 m et entraîne l'inondation de la plaine, d'où un développement des zones marécageuses et des problèmes de parcage des bêtes dans des secteurs restreints.

55Par ailleurs, une activité de pêche artisanale s'est développée grâce aux aguadas, quelle que soit la saison et d'autant plus qu'il ne s'agit pas de propriétés privées. Ces dépressions renferment en effet une grande quantité de poissons d'eau douce. La perte est grande durant la saison sèche, mais le vivier se reconstitue avec la remontée des eaux, preuve de l'existence d'un réseau souterrain reliant les aguadas entre elles. Le poisson le plus fréquemment pêché est la mojarra.

56Leur exploitation en tant que réservoirs naturels d’eau douce est inexistante aujourd’hui ; il existe des problèmes non négligeable de pollution par l’eau salée du fait de la proximité du littoral (environ 30 km). Les capacités de pompage à l’heure actuelle sont très supérieures à celles que pouvaient pratiquer les anciens Mayas, or il est nécessaire de limiter ce pompage car l’adaptation des cultures à des eaux saumâtres, voire salées, est très difficile. De plus, elles se trouvent dans une région où les inondations sont systématiques lors de la saison des pluies d’où des difficultés supplémentaires : la région nécessite des systèmes d’irrigation durant la saison sèche et devrait être équipée de systèmes de drainage durant le reste de l’année. Probablement que la solution de l’élevage reste la meilleure pour le secteur.

IV. LA MISE EN VALEUR RÉCENTE DU LITTORAL

57Avec trois façades sur l'océan, le Yucatan peut difficilement éviter de se tourner vers l'exploitation des ressources maritimes. La pêche est une activité commune à l'ensemble du littoral des trois Etats. Le Golfe du Mexique est réputé pour ses poissons variés (pámpano, sierra, corbina, robalo, huachinango, mojarra, etc.) et pour la pêche aux requins, la spécialité étant le bébé requin ou cazón. Dans les lagunes, en particulier la Lagune de Terminos, la pêche à la crevette est largement développée. Les côtes caraïbes sont riches en crustacés, langoustes notamment. La pêche est donc une activité très importante, mais la mer est également exploitée sur le plan touristique, surtout sur la côte caraïbe (Cancun).

A. Les activités artisanales

58Les petits villages de pêcheurs sont fréquents sur les côtes de la péninsule du Campeche au Quintana Roo. Ils pratiquent une pêche artisanale et se limitent souvent à des zones relativement proches du rivage. Au-delà, s'étend le domaine de la pêche industrielle.

59Dans le Campeche, la pêche est essentiellement une activité artisanale. Les pêcheurs partent en mer avec des filets qu'ils jettent à l'eau et laissent dériver. Leurs embarcations sont de petite taille et ne peuvent pas lutter contre les hautes vagues du large, c'est pourquoi généralement les pêches sont peu importantes et le travail ingrat ; malgré cela, nombreux sont ceux qui tentent d'en vivre. Les poissons sont revendus dans les grandes villes (Ciudad Del Carmen, Campeche) et de là, partent par camion vers le reste du Mexique.

60Le sud du Campeche est réputé pour ses crevettes, notamment la lagune de Terminos qui constitue un vivier exceptionnel. La lagune de Sabancuy était également exploitée pour les crevettes, mais l'exploitation a dû être suspendue pour permettre au vivier de se reconstituer. Par contre, les pêcheurs du village ont formé une coopérative et le tiers nord de la lagune a été fermé artificiellement, depuis la Angostura jusqu'à Noján, afin d'y créer un élevage de poissons. La pêche y est réservée et contrôlée, les frais et les gains sont partagés. Ces pêcheurs sont malheureusement très dépendants des banques qui leur ont alloué des crédits et ils se sont largement endettés pour créer cette coopérative. Grâce à ce vivier « naturel », ils pourraient augmenter assez considérablement la production et améliorer leur niveau de vie. Ils y élèvent les poissons les plus recherchés du marché et leur projet est de pouvoir fonctionner selon la demande. Le projet a été mis en place en 1992-1993 et beaucoup de pêcheurs y ont mis tous leurs espoirs.

61Les côtes du Golfe ont la chance de recevoir la visite des tortues de mer qui viennent s'échouer sur les plages afin d'assurer leur reproduction. Le gouvernement, après en avoir interdit la pêche, a créé des “secrétariats” qui sont chargés de récupérer les jeunes tortues à leur naissance, de les élever (en partie) afin de permettre la survie de cette espèce menacée.

62Sur la côte caraïbe, les espèces les plus exploitées sont la langouste et la crevette qui sont exportées au Mexique et à l’Etranger. La production est faible à l'échelle nationale car il s'agit là encore pour l'essentiel d'une pêche artisanale.

B. Le tourisme

63Peu développé du côté du Golfe du Mexique, le tourisme l'est largement sur la façade caraïbe du Quintana Roo et dans l'ensemble du Yucatan réputé pour ses richesses archéologiques. Avec ses superbes plages de sable blanc, au nord du Quintana Roo, Cancun est devenu un grand centre balnéaire où se bousculent des touristes étrangers, surtout américains et européens. Devant la réussite qu'a été l'aménagement de Cancun et de l'île de Cozumel, de grandes sociétés se sont empressées de développer les zones hôtelières et touristiques vers le sud. Les aménagements vont bon train et la côte change de visage à une allure impressionnante.

64Tandis que la pêche est la ressource la plus importante du Campeche (en dehors du pétrole, mais la production est considérée comme nationale et non régionale), le tourisme est l'activité la plus développée des deux états du Yucatan et surtout du Quintana Roo. Elle a permis une croissance économique importante. La difficulté à laquelle est confrontée cette activité est sa dépendance vis-à-vis des autres entités régionales et surtout vis-à-vis de la capitale, notamment en ce qui concerne les approvisionnements en produits alimentaires (céréales, légumes, viandes) car la production locale est assez limitée.

CONCLUSION

65Les conditions de vie et les ressources naturelles de la péninsule du Yucatan restent très fortement liées aux conditions environnementales. Depuis le début de l'occupation du territoire par les Mayas, il y a près de 5 000 ans, les mêmes problèmes ont préoccupé les habitants. La contrainte liée au milieu physique demeure toujours forte : une plate-forme entièrement calcaire où le réseau hydrographique superficiel est limité au sud. Les réserves d'eau douce sont mal exploitées et sont victimes de la pollution marine et humaine. L'agriculture éprouve des difficultés à se développer non seulement en raison des problèmes d'eau, mais également du fait de la pauvreté des sols, accentuée par une pratique ancestrale du brûlis et intensifiée par la déforestation.

Table des illustrations

Légende Figure 81 : Limites du territoire maya durant la période classique (300-900 av.J.-C.)
URL http://books.openedition.org/pub/docannexe/image/1566/img-1.jpg
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Légende Figure 82 : Gravure de la grotte de Bolonchen (Campeche). Les Mayas l’avait aménagée avec des échelles à plusieurs niveaux afin de faciliter l’accès au plan d’eau. (STEPHENS, 1843).
URL http://books.openedition.org/pub/docannexe/image/1566/img-2.jpg
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Légende Figure 83 : Cavité de Xhambak recoupée par un puits artificiel construit par les Mayas afin de recueillir l'eau douce. (STEPHENS, 1843).
URL http://books.openedition.org/pub/docannexe/image/1566/img-3.jpg
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Légende Figure 84 : Interprétation d’une partie de l’image satellitaire. Auteur du village d’Ignacio Guttierze, les parcelles affectées par les brûlis constituent près de 50 % des terres cultivées. La prise de vue date de début mai soit un mois environ avant le début des semis.
URL http://books.openedition.org/pub/docannexe/image/1566/img-4.jpg
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Légende Tableau 22 : Statistiques de population dans les trois Etats de la péninsule du Yucatan.
URL http://books.openedition.org/pub/docannexe/image/1566/img-5.jpg
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