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Les italiens à Byzance

 | 
Michel Balard
, 
Angeliki E. Laiou
, 
Catherine Otten-Froux

Avant-propos

Michel Balard

Texte intégral

1 Pise, Gênes, Venise : voici les trois grandes républiques maritimes italiennes en concurrence au cœur de l’empire byzantin.

2 On croyait tout connaître de l’ expansion pisane en Romanie : une installation précaire à Constantinople au début du XIIe siècle, une rivalité incessante avec les Génois dans les années 1150-1170, une prospérité étonnante à la veille de la Quatrième Croisade, un déclin inéluctable dans le cours du XIIIe siècle, aggravé par la défaite navale de la Meloria (1284). Or voici que les fonds d’archives pisans livrent des contrats commerciaux, des testaments, des procurations, des actes archiépiscopaux qui attestent l’ activité des Pisans en Romanie jusqu’à la fin du XIVe siècle : à Constantinople même, mais aussi à Clarence et en Chypre. L’effacement des Pisans en Orient après la Meloria ne serait-il qu’un mythe, ne résistant pas à l’épreuve des faits, c’est-à-dire de ces documents inédits heureusement retrouvés par Catherine Otten-Froux ?

  • 1 G. I. Bratianu, Actes des notaires génois de Péra et de Caffa de la fin du treizième siècle (1281-1 (...)
  • 2 A. Roccatagliata, Notai genovesi in Oltremare. Atti rogati a Pera e Mitilene. T. 1 : Pera 1408-1490(...)

3 Face à Constantinople, au-delà de la Corne d’Or, les Génois se sont installés au quartier de Péra dès les années 1267-1268. Leur comptoir a bien vite acquis une complète autonomie, à l’abri de ses murailles. Les actes notariés qui y furent instrumentés au XIVe siècle semblaient rares : rien de comparable avec la belle série du notaire Gabriele di Predono, jadis publiée par G.I. Bratianu 1, ni avec les actes du XVe siècle récemment édités par Ausilia Roccatagliata 2. Il nous a donc paru intéressant de rassembler, sous forme de régestes, les débris épars d’actes pérotes du XIVe siècle retrouvés dans les fonds génois. Une mention particulière va aux quatre-vingt-trois actes de Donato di Chiavari, scribe de la Cour du podestat en 1389-1390 : sans eux on ne connaîtrait guère les clans familiaux qui se sont formés à Péra, les relations des Génois avec les Turcs à l’avènement de Bayezid Ier, le commerce du blé dans l’espace byzantin. Le dossier met en évidence l’essor d’une société coloniale.

  • 3 Régestes des délibérations du Sénat de Venise concernant la Romanie, Paris-La Haye 1958-1961 (Docum (...)

4A côté des actes du Sénat et des autres assemblées vénitiennes, dont les ré gestes ont été publiés par F. Thiriet 3, les archives de Venise conservent de nombreux minutiers notariaux instrumentés en Orient. Le Comitato per la pubblicazione delle fonti relative alla Storia di Venezia a pris en charge l’édition des plus importants d’entre eux, les notaires de Candie, de Chypre, de l’Aïas et de Trébizonde. Il subsiste néanmoins dans les fonds des fragments de minutiers « orientaux » qui méritent d’être publiés. Angélique E. Laiou a retrouvé l’un d’eux, œuvre du notaire Antonio Bresciano, qui a instrumenté à Constantinople du 10 juillet au 24 octobre 1350. Venise vient alors de conclure un traité avec Jean VI Cantacuzène ; le dossier met en évidence les opérations financières qui en résultent. Les affrontements entre Génois et Vénitiens ont commencé en août 1350. On ne s’étonnera donc pas de voir le notaire rédiger si peu d’actes commerciaux nouveaux, mais autant de quittances et de procurations par lesquelles les hommes d’affaires cherchent à mettre de l’ordre dans leurs entreprises. Les contrats de vente d’esclaves – la plupart non encore baptisés – sont exceptionnels et prouvent, selon l’auteur, la pénurie de main-d’œuvre dans les années qui suivent la Peste Noire. L’imminence du conflit contraint la communauté vénitienne à limiter ses liens d’affaires aux territoires que Venise possède en mer Egée et en mer Noire ; le grand commerce méditerranéen se trouve entravé, alors que subsiste le commerce local.

5 D’un dossier à l’autre, les différences sont grandes, les centres d’intérêt variés. Chaque communauté mène son activité propre, sans grande relation avec les autres. A Constantinople, Pisans, Génois et Vénitiens n’ont guère d’intérêts communs. Les marchands rivalisent toujours dans les affaires, et parfois même s’affrontent pour l’exploitation économique des lambeaux de l’empire byzantin et de l’espace pontique. Juxtaposés, ces trois dossiers donnent une image de ces sévères concurrences.

Notes

1 G. I. Bratianu, Actes des notaires génois de Péra et de Caffa de la fin du treizième siècle (1281-1290), Bucarest 1927.

2 A. Roccatagliata, Notai genovesi in Oltremare. Atti rogati a Pera e Mitilene. T. 1 : Pera 1408-1490, Gênes 1982 (Collana storica di Fonti e Studi diretta da G. Pista rino).

3 Régestes des délibérations du Sénat de Venise concernant la Romanie, Paris-La Haye 1958-1961 (Documents et recherches sur l’économie des pays byzantins, islamiques et slaves et leurs relations commerciales au Moyen Age, I, II, IV) ; et Délibérations des assemblées vénitiennes concernant la Romanie, Paris-La Haye 1966-1971 (Documents et recherches..., VIII, XI).

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