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Les immortels du Sénat, 1875-1918

 | 
Alain Corbin
, 
Jean-Marie Mayeur

Les cent seize inamovibles de la Troisième République

Frébault Charles Victor 1813-1888

Rosemonde Sanson

Texte intégral

1 Charles Victor Frébault est né sous l’Empire, à Limon dans la Nièvre, le 1er février 1813. Son père, Jean-Marie Frébault, âgé de 28 ans, adjoint au maire de Limon et sa mère née Jacquette Périgord, étaient domiciliés à la propriété “Aux Perrines” à Limon.

2Après des études secondaires le jeune homme choisit la carrière militaire. Il entre à 20 ans à l’École polytechnique puis poursuit sa formation à l’École d’application de Metz en 1835 qu’il quitte, deux ans plus tard, avec le grade de lieutenant dans l’artillerie de marine.

3Charles Frébault connaît un avancement rapide dans l’artillerie justifié par sa conduite sur les champs de bataille et ses travaux de perfectionnement de l’armement. Il part d’abord dans le Golfe du Mexique, se distingue par la prise d’un fort ; cet exploit lui vaut la Légion d’honneur et l’accession au grade de capitaine. Puis il passe deux ans (1840-1842) en Guadeloupe, est attaché ensuite à la direction de Brest. En 1848 il est promu chef de bataillon, et ses supérieurs l’envoient diriger l’École de pyrotechnie de Toulon. Il acquiert, à peu de temps d’écart, le grade de lieutenant-colonel en 1854, puis de colonel, en récompense de sa conduite lors de la guerre d’Orient, et il est élevé au grade d’officier de la Légion d’honneur. De retour en France, il est nommé adjoint à l’inspection générale de la marine puis se voit confier, pendant deux ans, la direction de la fonderie de Nevers. De 1859 à 1864 il assure la fonction de gouverneur de la Guadeloupe. Au cours de son séjour il est promu commandeur de la Légion d’honneur. De retour il se voit confier la direction de l’artillerie au ministère de la Marine. Il reçoit alors les trois étoiles de général de division. Dans l’exercice de cette fonction, assistant à des manœuvres d’artillerie, il est victime d’un accident ; il a le tympan transpercé mais s’en tire à bon compte puisqu’un officier est tué et plusieurs grièvement blessés. En 1870, pendant le siège de Paris, il se distingue à la bataille de Champigny. Il a alors 47 ans.

4 Cet officier supérieur qui a servi avec dévouement et courage la Monarchie de Juillet, la Deuxième République, le Second Empire et le début de la Troisième République et fait montre de compétences techniques, éprouve des sentiments républicains. Candidat aux élections du 8 février 1871, il est élu représentant de la Seine à l’Assemblée nationale. Il siège à la Gauche républicaine. Ses principaux votes témoignent d’un républicanisme affirmé. Il se prononce contre l’abrogation des lois d’exil, pour le retour du Parlement à Paris. Soucieux d’une véritable égalité sociale il s’élève, en 1872, contre le volontariat d’un an en tant que sous-officier, car le projet privilégierait les jeunes gens les plus fortunés qui échapperaient ainsi au service long. Il vote par ailleurs contre la démission de Thiers le 24 mai 1873, contre le ministère Broglie, pour l’amendement Wallon et les lois constitutionnelles. Aussi, en décembre 1875, est-il porté sur la liste des gauches pour l’élection des sénateurs inamovibles. Il est élu le 10 décembre, au second tour. Il choisit de siéger à gauche ; il s’inscrit au groupe de la Gauche républicaine.

5Ses votes, au Sénat, se confondent avec ceux des républicains anticléricaux. Il vote contre la dissolution de la Chambre en 1877, pour l’article 7 de la loi d’enseignement supérieur que la majorité du Sénat a pourtant bloqué, pour la loi du divorce en 1884. En 1887, il refuse, pour raison de santé, la fonction de questeur du Sénat.

6A l’Assemblée comme au Sénat, il intervient lors des débats concernant les questions militaires. Il surprend en faisant l’apologie de l’armée de Metz. Il plaide à plusieurs reprises pour l’amélioration de la carrière des sous-officiers et officiers de marine dont il souhaiterait le rattachement aux armées de terre. Il est membre de diverses commissions s’intéressant aux questions de l’armée. Dès 1871, il compte au nombre des conseillers de la commission chargée d’éclairer l’Assemblée sur les forces militaires dont dispose la France. En 1876 une commission porte son nom : la commission Frébault. Ses membres doivent enquêter et réfléchir sur le recrutement des armées coloniales. Dans son rapport, Charles Frébault propose de créer des unités indigènes. Cette même année, en mai, il préside la première commission mixte formée de sénateurs, de députés et d’officiers supérieurs de la Marine et il est, par ailleurs, nommé inspecteur permanent de l’artillerie de marine. En 1878 un décret spécifique le maintient en activité comme général. Deux ans plus tard il rejoint les cadres de réserve. La Troisième République le promeut grand-croix de la Légion d’honneur et membre du Conseil de l’ordre.

7Devenu homme politique il se fixe à Paris. Il habite d’abord rue Auber puis en 1883 quitte le IXème arrondissement pour le VIIIème, se fixant au 12 rue d’Isly. Il possède, par ailleurs, un château près de Nevers. Resté célibataire, à la fin de sa vie un neveu et une nièce sont ses plus proches parents, soit Lucien Grillot, conducteur des Ponts et Chaussées qui habite Paris, et Marie Grillot, religieuse à la congrégation de Notre-Dame à Lunéville.

8Le général de division d’artillerie et sénateur Charles Frébault est décédé en son domicile, 12 rue d’Isly à Paris, à l’âge de 75 ans. Afin de justifier l’absence de cérémonie à Paris, ses parents ont fait inscrire sur le faire-part : “Conformément aux intentions du général, exprimées formellement par écrit, aucun honneur civil ou militaire ne lui a été rendu. Il n’y a pas eu de cérémonie à Paris et les obsèques ont eu lieu à Saint-Julien de Sault dans l’Yonne”. Seul honneur posthume, une statue de l’ancien gouverneur a été érigée, en 1892, dans l’île de la Guadeloupe.

Bibliographie

Sources et bibliographie

Mairie de Limon, acte de naissance ; A.D. Paris, acte de décès ; S.H.A.T. dossier personnel ;

École polytechnique, Livre du Centenaire. 1794-1894, Paris, Gauthiers Villars, 1896, t. 2, p. 390-402 ; Jean-Charles Jauffret, Parlement, Gouvernement, Commandement. L’armée de métier sous la Troisième République 1871-1914, Vincennes, Service historique de l’Armée de terre, 1987, 2 vol. ; William Serman, Les officiers français dans la nation (1848-1914), Paris, Aubier, 1982, 281 p.

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