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Les immortels du Sénat, 1875-1918

 | 
Alain Corbin
, 
Jean-Marie Mayeur

Les cent seize inamovibles de la Troisième République

Chareton Joseph de 1813-1878

Jacques-Olivier Boudon

Texte intégral

1Joseph Veye, dit Joseph de Chareton, naît le 8 juillet 1813 à Montélimar (Drôme). Il est le fils de Joseph Veye dit Chareton, confiseur, et de Marie Fayolle. Il a deux sœurs. Il entre à l’École polytechnique en novembre 1832, puis passe en octobre 1834, en qualité de sous-lieutenant, à l’École d’application de l’artillerie et du génie de Metz. Lieutenant au 1er régiment du génie en avril 1837, il est envoyé en Algérie et participe au second siège de Constantine en octobre 1837, avant d’être muté en mars 1838 à l’État-major du génie à Alger. Puis en juin 1838, il est muté à Antibes où il est employé aux fortifications des Iles Sainte-Marguerite. Promu capitaine en 1840, il repart en Algérie en juillet 1844 et se trouve attaché au 2ème régiment du génie ; il est fait chevalier de la Légion d’honneur en 1846 avant de revenir en février 1848 à l’État-major du génie à Alger. Il est ensuite promu chef de bataillon en décembre 1853 et envoyé comme chef du génie à Aumale en mai 1854. Puis ses capacités le conduisent à participer à la guerre de Crimée à partir de février 1855. Il est notamment employé au siège de Malakoff au cours duquel il est blessé en mai, ce qui lui vaut d’être fait officier de la Légion d’honneur en juin, avant d’être nommé chef du génie à Sébastopol en septembre 1855. Il reste en Orient jusqu’en juillet 1856, puis après cinq mois de disponibilité, il est promu lieutenant-colonel en janvier 1857 et nommé commandant du génie à Lyon. Devenu colonel en 1861, il est employé comme directeur des fortifications à Grenoble à partir d’avril 1862, puis à Toulon en 1868. En 1867 il a été promu commandeur de la Légion d’honneur. Au début de la guerre de 1870, il est placé à la tête du génie du 5ème corps de l’armée du Rhin, commandé par le général Failly. Il se trouve donc à Sedan le 2 septembre et est fait prisonnier, avant d’être interné à Wiesbaden. Libéré en février 1871, il est promu général de brigade en avril et devient membre en juin du comité des fortifications. Puis, à partir de juin 1872, il est inspecteur général des armées. Il est enfin promu général de division le 3 mai 1875, tout en conservant sa place au comité des fortifications dont il est finalement nommé président le 28 mars 1878. Il est également nommé en avril 1878 membre de la commission de défense des côtes et conserve ses fonctions à l’inspection générale.

2Joseph de Chareton a épousé en 1857 Marie Louise Euphrasie Liotard, issue d’une vieille famille de robins montélimartais. Née le 13 mars 1833, elle était la fille d’Aimard Antoine Bertrand Martin Liotard, docteur en médecine, et de Claire Marie Philippine Deloye. Sa femme lui apporte en dot 60 000 francs, lui-même ne paraissant pas avoir de fortune personnelle. Ils ont quatre fils dont deux meurent en bas âge, les deux autres deviennent officiers après avoir été élevés au collège Stanislas à Paris. L’aîné est tué à 23 ans en Tunisie. Le second, Jean, officier d’infanterie, épouse Valentine Dutheil de la Rochère dont il a un fils. Il est tué au combat le 30 juin 1915.

3Joseph de Chareton était l’élu du canton de Montélimar depuis 1861. Ce n’est donc pas surprenant de le voir se présenter au suffrage des électeurs de la Drôme le 8 février 1871 et obtenir leurs faveurs, avant d’être réélu en octobre conseiller général. Il devient même ensuite président du conseil général de la Drôme et le demeure jusqu’à sa mort. Républicain modéré, il s’inscrit au groupe de la Gauche républicaine. Il propose notamment en 1871 un projet de loi sur la réorganisation de l’armée qui reprend les remarques consignées dans l’ouvrage qu’il a rédigé en captivité et qu’il publie alors sous le titre Projet motivé de réorganisation militaire de la France ; il y tire le bilan de l’échec des armées françaises, en montrant combien l’idée de levée en masse est devenue illusoire et combien il est nécessaire de reconstruire une armée de techniciens, extrêmement prompte à se mobiliser. Mais son livre, très précis dans le détail des réformes à accomplir, est aussi une réflexion sur l’état moral de la France au sortir de la guerre. Il en appelle au "réveil de la nation endormie" et à "la reconstruction de son état moral". Il intervient également sur le projet de paix, le commerce des armes et se spécialise véritablement dans les questions militaires. Membre de la commission des 45 sur la réorganisation de l’armée, il est l’auteur d’un amendement sur le service court qui indisposa Thiers. Sous la pression du Président de la République et pour ne pas faire le jeu des légitimistes, il finit par le retirer. Il vote généralement avec la gauche, mais, resté attaché à l’Église catholique, s’abstient sur le projet relatif au Sacré Cœur. En revanche, il vote en faveur de Thiers le 24 mai 1873 et approuve les lois constitutionnelles, y compris l’amendement Wallon. Élu sénateur inamovible en décembre 1875 comme candidat des gauches, il se prononce contre la dissolution de la Chambre des députés, au lendemain de la crise du 16 mai. Il meurt le 15 juin 1878 à son domicile parisien, rue de Rennes. Après les obsèques religieuses qui ont lieu en l’église Saint-Sulpice, son corps est inhumé à Montélimar.

Bibliographie

Sources et bibliographie :

S.H.A. T. GD2/1557, dossier de général de division ; A.D. Paris, V4E 3205 acte de décès ; Charles Bellet, Notice sur Jean Chareton, Grenoble, imp. Baratier, 1916, 23 p. ; William Serman, Les officiers français dans la nation 1848-1914, Paris, Aubier, 1982, 283 p. ; William Serman, Les origines des officiers français 1848-1870, Paris, Publications de la Sorbonne, 1979, 406 p. ; David B. Ralston, The army of the Republic. The Place of the Military in the Political Evolution of France, 1871-1914, Cambridge, Massachusetts, M.I.T. Press, 1967, 395 p. ; Jean-Charles Jauffret, Parlement, Gouvernement, Commandement. L’Armée de métier sous la Troisième République, 1871-1914, Vincennes, S.H.A.T., 1988, 2 vol., 1355 p.

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