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Propriété collective et identité communale

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Nadine Vivier

Troisième partie. Le temps de l’affermage

Chapitre VI. 1816-1851. Une situation bloquée ?

Texte intégral

  • 1 Chambre des Députés, 19 février 1848. Moniteur Universel, p. 448.

L’amodiation des communaux « Une œuvre de prévoyance sociale... dont les classes laborieuses et pauvres sont particulièrement appelées à recueillir les bienfaits »
Comte Duchâtel1

1Après 1816, la question des communaux connaît un répit et subit une éclipse sur la scène parlementaire. Le traumatisme des partages révolutionnaires et celui des ventes de 1813 rendent le gouvernement hésitant à aborder un sujet encore plus marqué politiquement après le débat de 1816. Et les communes font de ces terres un enjeu de leur autonomie déjà mutilée par le Code forestier, un moyen de défendre une identité menacée. La question semble se compliquer encore durant cette période, de nouveaux enjeux réduisant les possibilités d’action dans un contexte de pression croissante sur le marché foncier. Pourtant, la monarchie de Juillet relance la réflexion à partir de 1836, et veut faire accepter une loi qui obligerait à la mise en valeur. Le débat s’épanouit en 1848, mais les divers projets de loi échouent en 1851.

2Au-delà des blocages législatifs, au-delà des discours officiels immuables, l’administration encourage avec succès la mise en location sous le nom d’amodiation, et autorise de nombreuses ventes et partages onéreux. Aussi, les pâturages communaux laissés en jouissance collective diminuent réellement. Bloquée au parlement, la question des communaux semble trouver localement des solutions.

Nouveaux enjeux, nouveaux facteurs de blocage

3Trois nouvelles données influencent la classe politique et les masses rurales usagères, contribuant à rendre leurs attitudes plus rigides. Ce sont trois lois qui jalonnent la période : 1816, 1827, 1837 qui font des communaux, plus que jamais, un enjeu politique et surtout un enjeu de pouvoir local.

1816 : les Ultras marquent les communaux du sceau du conservatisme

  • 2 Nous renvoyons à notre article déjà cité (Études et Documents. CHEFF, 1995) sur la loi de 1813 où l (...)

4En 1816, lors du débat sur la loi de finances qui aboutit au rapport de la loi de 1813, les Ultras utilisent des arguments qui marquent la défense des communaux du sceau de leur conservatisme politique2.

  • 3 Proclamation du 26 avril 1814 que diffusent les préfets royalistes du nord-est de la France, touché (...)
  • 4 Discussion des articles 17 à 20 du titre IV, Arch. Parl., t. XV pp. 511-512. Cf. N. Dauphin, La Cha (...)

5Dès son arrivée en France, en éclaireur, le comte d’Artois promet au nom de son frère que « les biens des communes si injustement usurpés et non aliénés, leur seraient rendus, et que le roi chercherait à dédommager les communes des parties de ces biens qui auraient été vendues »3. Mais Louis XVIII, sur les conseils du baron Louis, préfère honorer toutes les dettes de l’Etat. Le budget 1815, voté par l’ancien corps législatif, maintient la vente des communaux à laquelle s’ajoute celle de 300000 ha de bois de l’Etat pour financer l’arriéré. Mais lors de la seconde Restauration, la Chambre Introuvable (élue en août 1815) dominée par les Ultras, s’acharne contre le projet de budget 1816 qui reprend les principes du précédent : honorer les créanciers de l’arriéré et le financer par les ventes de communaux et de bois de l’État. La portée des débats dépasse largement la question financière4.

  • 5 Arch. Parl., t. XVI, p. 528, Baron Pasquier : « L’aliénation ne leur est pas aussi défavorable qu’o (...)
  • 6 Ibid, Josse-Beauvoir, p. 632.
  • 7 Ibid., Villèle, p. 620.
  • 8 Ibid., Bonald, p. 639. Son intervention a eu un grand succès : imprimée à six exemplaires et « expé (...)
  • 9 Ibid, p. 551.

6Le point restreint des biens communaux prend lui-même une grande envergure. Les modérés défendent le principe de l’irrévocabilité des lois votées et de la nécessité pour l’Etat d’honorer ses engagements. Ils acceptent la vente des communaux parce qu’ils sont convaincus que seule la propriété privée peut contribuer au progrès agricole. S’ils reconnaissent que les rentes devraient être meilleures et que le moment est peut-être mal choisi pour vendre, ils sont convaincus que les communes gagnent à se débarrasser de biens qu’ils considèrent comme improductifs5. Les Libéraux n’appréhendent cette vente que sous ses aspects économiques et financiers. Au contraire, les Ultras les négligent et entraînent le débat sur le terrain politique. Ils défendent à toutes forces la propriété des communes attaquée par « le dernier acte des convulsions de la tyrannie expirante »6. La première raison en est l’amalgame qui s’opère entre cette loi de 1813 et la vente des biens nationaux. Il a été fait spontanément dans l’esprit des gens dès 1813, par la similitude des démarches, par l’émission des bons, immédiatement qualifiés d’assignats et vite dépréciés. Ceci confère à la loi de 1813 un caractère révolutionnaire. Accepter cette vente, cette spoliation des communes, c’est pour les Ultras accepter la spoliation des émigrés, sentiment renforcé par le fait que la vente des communaux est associée, depuis la loi de finances de septembre 1814, à la vente de 300000 ha de bois de l’État, dont une partie trouve son origine dans les biens de l’Église et des émigrés. Si ceux-ci veulent l’application de la loi du 5 mars 1814 qui leur restitue les biens non vendus, ils doivent combattre la loi de 1813, sinon, ils perdent espoir de remettre en cause les actes révolutionnaires7. Ils estiment que leurs opposants « veulent la vente des propriétés publiques, non assurément dans l’intérêt des créanciers dont ils se soucient très peu mais contre la religion dont ils redoutent le rétablissement et contre nous-mêmes, pour nous déprécier aux yeux de la nation et nous ôter l’estime des gens de bien... Ils veulent nous faire boire à la coupe empoisonnée et rendre en un mot la Restauration complice de la Révolution »8. La deuxième raison qui pousse les Ultras à défendre le patrimoine communal est fondée sur leur conception de la société telle qu’elle transparaît dans le discours du comte de Rougé qui veut « favoriser la reconstitution des grandes propriétés et des corporations qui seules donnent les terres à long bail »9. C’est donc tout un programme social, les Ultras rêvent d’une communauté rurale forte, sous l’autorité d’un grand propriétaire foncier. Pour cela, elle doit garder son patrimoine.

7Devant la passion des Ultras, le roi cède et propose la restitution des communaux non encore vendus. Mais cette discussion et les positions idéologiques qu’elle révèle ne seront pas oubliées par la classe politique et le personnel administratif. Les Ultras marquent le maintien des communaux du sceau du conservatisme. Le rapprochement entre propriété collective et archaïsme fait par les agronomes et les juristes trouve maintenant un fondement supplémentaire, celui de l’idéologie politique. Et durant la période où règnent les Ultras, la question des communaux est délaissée. Seule la productivité des communaux boisés retient l’attention.

1827, le Code forestier restreint les droits sur leurs bois

  • 10 Bulletin des lois n° 176, art. 1er. Chaque assemblée législative a réfléchi à la question, mais auc (...)
  • 11 Cf. M. Petitot-Mauries, « Forêt communale, droits d’usage et affouage en Châtillonnais », Études Ru (...)

8Le 21 mai 1827 est voté le Code forestier qui soumet à son régime « tous les bois et forêts de l’Etat, de la Couronne, des communes, sections de communes et établissements publics ». Le but est de restaurer les forêts dont l’état est jugé déplorable après les dégradations de la période révolutionnaire, afin de répondre aux besoins croissants en bois de construction et de chauffage (maîtres de forges...)10. Toutes les dispositions du code réduisent ou suppriment les droits d’usage pour les habitants, tant dans les forêts domaniales que communales. Ils ne pourront plus rien ramasser ni cueillir11 : herbages, feuilles mortes utilisés pour fumer les sols pauvres ; bruyères et genêts, fruits (myrtilles, champignons...) et même faînes et glands à partir desquels les pauvres fabriquaient leur huile et une sorte de café. Quand ce ramassage n’est pas interdit, il est concédé par adjudication (art. 53). Les attributions de bois dépendent entièrement des Eaux et Forêts. Une coupe décidée par le garde forestier doit être exploitée par une personne qualifiée, c’est-à-dire une personne qu’il faudra payer après avoir payé le martelage (marquage des arbres à abattre). Le garde régit la distribution de la coupe affouagère. Les autres coupes sont vendues et le produit destiné au paiement des gardes et de la contribution foncière (articles 8] à 109). Le paysan ne peut pas ramasser de bois, mort ou vert, ni bien entendu, couper d’arbres ; toute infraction est durement punie.

  • 12 Déjà auparavant, les Eaux et Forêts limitaient la dépaissance en interdisant les quartiers déclarés (...)
  • 13 Chiffres de la statistique agricole de 1852, donc au moment où le pâturage en forêt est déjà restre (...)
  • 14 Bois suffisamment forts pour être à Cabri des ravages des bestiaux et où le pâturage est autorisé.

9Enfin, la forêt offrait jusqu’ici la ressource essentielle du pâturage en sous- bois12. Dans le canton d’Ax (Ariège), la nourriture fournie par le pâturage de montagne est évaluée à 40000 quintaux de foin, celle des forêts à 2000013. L’existence matérielle des communes usagères est donc en jeu. Or le code limite les droits de parcours, dans l’espace d’abord : les bêtes n’ont accès qu’aux cantons défensables14, desservis par des chemins prédésignés (art. 69 à 71). Il les limite aussi dans le temps, à trois mois par an. Il limite encore la quantité des bêtes admises au pâturage et leur qualité : chèvres et moutons sont rigoureusement interdits sauf autorisation spéciale du gouvernement (art. 78 et 110). Un pâtre commun doit conduire le troupeau dont les animaux sont marqués et portent clochette (art. 72 à 74). Chacune de ces clauses est complétée par les amendes encourues, ainsi l’introduction frauduleuse d’un mouton vaut deux francs, celle d’une chèvre quatre francs. L’amende est doublée quand le délit est commis de nuit.

  • 15 44 pétitions adressées à la Chambre des députés sur ce sujet de 1828 à 1848. conservées dans les do (...)

10Bien qu’une étude détaillée du code et ses effets soit ici hors de propos, il est indispensable de s’y attarder car les régions qui possèdent beaucoup de communaux sont concernées. Toute leur économie en est bouleversée et ceci a des conséquences sur leur attitude à l’égard des communaux non boisés. Aussi, c’est la réception de la politique forestière par les populations qui est abordée ici, à partir des pétitions, des délibérations de conseils généraux et de l’enquête sur le travail agricole et industriel de 1848.15

  • 16 Latour de Saint-Ybars, La question forestière dans l’Ariège, Toulouse, 1849. p. 14.

11L’accueil du code en 1827 varie selon les régions, mais il n’est jamais positif : silence et attente dans les Alpes, réserves dans le nord-est, indignation dans les Pyrénées. « Il serait difficile de se faire une idée juste de l’étonnement et de l’indignation dont furent saisis les habitants des Pyrénées, eux qui avaient regardé jusqu’à ce jour les bois comme leur propriété particulière [...] quand une administration restreignit leurs usages, quand les gardes forestiers les chassèrent impitoyablement des pacages et des taillis qu’ils parcouraient en liberté »16. L’indignation persiste, entretenue par des conceptions inconciliables. Les Eaux et Forêts sont convaincus que les bois en piteux état ne peuvent être restaurés qu’en réduisant au maximum la délivrance de bois et le pâturage. Les paysans contestent, des notables même s’interrogent.

  • 17 Procureur de la République à Montlouis, Pyrénées-Orientales, juillet 1848, BB18 1460-5248a.

« Je ne sais si les forêts nationales et communales situées dans cet arrondissement suffisent ou non pour procurer à tous, en songeant à l’avenir, des bois de chauffage et de construction nécessaires aux communes propriétaires ou usagères. Je crois que l’administration n’a pas encore étudié cette question. Mais elle a agi comme si ce point délicat eût été résolu, et comme s’il eût été démontré que les forêts, sous peine d’être détruites en peu d’années, ne pouvaient fournir à leurs habitants les bois nécessaires à leurs usages »17

  • 18 Pétition de Thomas, bûcheron de la Nièvre, février 1850 (C 2297- 1461) et de G. Goldenberg, préside (...)

12La compétence des agents forestiers est mise en doute : « bureaucrates d’origine qui n’avaient pas la moindre idée de la culture et de l’exploitation des bois » et s’inspirent d’ouvrages allemands, mais le climat et les essences sont différents ici, et les Allemands tolèrent le pâturage. Dans l’enquête de 1848, de nombreux cantons arguent du fait que les nuisances du pâturage ne sont absolument pas prouvées, du moins pour les bovins. De plus, chaque région se bat pour son animal : les ovins en montagne, les porcs du nord-est, les chèvres du Midi18.

  • 19 Pyrénées-Orientales, arr. Céret, pétition de 1848, BB18 1460- 5248a. Ils se plaignent aussi du reta (...)
  • 20 C’est un leitmotiv de l’enquête de 1848 : ex. Briançon (Hautes-Alpes), Ax, Saint-Girons, Foix (Ariè (...)
  • 21 Pétition C 2261-6132.
  • 22 C 944 : Latour de Saint-Ybars, op. cit., p. 19 ; et N. Vivier, Le Briançonnais rural, Paris, 1992, (...)

13L’application du Code forestier a bouleversé la vie des communautés. Par la réduction drastique des délivrances de bois d’affouage (chauffage) et de maronage (construction), les besoins essentiels ne sont plus couverts. Les habitants de Saint-Laurent de Cerdans se plaignent : « Pendant deux années entières, l’affouage que la loi nous accorde, nous a été refusé absolument. Pas même une branche de bois nous a été accordée »19. Les effets sur l’économie locale sont très graves. Partout, le nombre de bêtes diminue faute de pâturage, que ce soit en plaine, comme en Alsace ou dans les montagnes où les forêts de moyenne altitude sont indispensables au pâturage en mai-juin, pendant que la neige fond sur les alpages. Le code a aussi de lourdes conséquences financières. La commune doit entretenir un ou plusieurs gardes et les paysans sont frappés d’amendes qui les ruinent20. Les pénalités outrées les révoltent : « Dans une forêt où mille et mille sacs de glands pourrissent par terre, une pauvre femme emporte quelques-uns de ces fruits dans son mouchoir pour en faire du café ; elle est arrêtée et dénoncée par un forestier et le tribunal, pour un objet volé que le forestier évalue à cinq sous, est obligé de condamner la délinquante à 11 ou 12 francs d’amende et de frais »21. Les sanctions atteignent des sommes considérables. Le canton de Briançon les évalue à « des sommes égales aux impositions foncières des communes », à Saint-Paul (Barcelonnette), elles s’élèvent de 1840 à 1848, à 29 400 F, en Ariège les procès-verbaux des arrondissements de Foix et Saint-Girons montent à 8000 par an22. La misère des régions pauvres s’aggrave considérablement.

Carte 15. Origine des pétitions concernant les communaux boisés, 1827-1848

Carte 15. Origine des pétitions concernant les communaux boisés, 1827-1848

Sources : AN C 2114 à 2753.

  • 23 Dix pétitions conservées pour 1828-31, dont 6 en 1828, provenant de la Manche, Charente-maritime... (...)
  • 24 M. Agulhon, op. cit., p. 86. Cette célèbre et déroutante révolte forestière a suscité beaucoup de t (...)

14L’application du code est modulée dans le temps et l’espace car les conservateurs des Eaux et Forêts jouissent d’une certaine latitude. Des régions comme le Briançonnais ralentissent la procédure, essayant de ne pas soumettre leurs bois à cette loi, elles ne ressentent les effets qu’à partir des années 30. Ailleurs, les agents forestiers appliquent parfois d’emblée les restrictions, dès 1828, dans le contexte de crise économique, ce qui suscite immédiatement pétitions et révoltes23. La montagne ariégeoise flambe de cette immense colère des paysans qui, armés et déguisés en femmes, s’opposent aux gardes et aux soldats : c’est la guerre des Demoiselles, de mai 1829 à l’été 1830. La Révolution de Juillet donne lieu à quelques émeutes, comme à Crépières (Var)24.

  • 25 En 1837-39, 15 pétitions venant surtout de Côte-d’Or, Haute-Marne et Var.
  • 26 C 2223- 306, pétition des maires des communes usagères delà forêt de Haguenau (Bas-Rhin) ; C 2261-6 (...)
  • 27 BB30 364. BB30 362, et BB18 1460. Voir S. Coquerelle, « L’armée et la répression dans les campagnes (...)

15Louis-Philippe sent la nécessité de mesures de clémence : des autorisations de parcours pour les ovins sont accordées plus largement et le jeu se calme au début de la monarchie de Juillet. Puis, progressivement, à partir de 1836, les restrictions reprennent, dénoncées par les pétitions25. En Briançonnais, les autorisations de parcours ne sont accordées que pour le tiers du cheptel bovin de 1825. Elles tendent encore à se restreindre durant les années 40, aussi lorsque la crise sévit à partir de 1846, les mauvaises récoltes s’ajoutant au déclin de l’élevage, la misère de ces cantons forestiers est réellement poignante. Les pétitions, peu nombreuses, deviennent des brochures argumentées qui recueillent un nombre considérable de signatures dans les départements du nord-est26. La haine des usagers contre les gardes forestiers s’enfle, ils sont torturés plus ou moins ouvertement. Dès qu’éclate la Révolution en février 1848, les cantons forestiers s’embrasent. Si les habitants des Alpes restent assez calmes, ne touchent pas aux forêts enneigées et se contentent de faire fuir les gardes, ceux des Pyrénées rendent nécessaires les interventions militaires : gardes lapidés, forêts incendiées et pillées durant toute l’année 1848. Dans le Nord-est, les troubles se généralisent et jusqu’au printemps 1849, les habitants prennent le bois et envoient les troupeaux à leur convenance. Des localités qui ont pourtant moins souffert se révoltent aussi : Sainte-Affrique (Aveyron), Esne et Wallincourt (Nord)27.

Carte 16. Troubles forestiers en 1848

Carte 16. Troubles forestiers en 1848

Sources : A.N. séries BB 18, BB 30 et C (pétitions).

16Ainsi se révèle l’importance vitale des forêts : du bois et encore plus du pâturage. Toutes les contrées les mieux pourvues en communaux sont totalement accaparées par le problème forestier durant les années quarante. Souffrant des restrictions de dépaissance en forêt, les habitants sont très attentifs à défendre ce qu’il leur reste de communaux non boisés. Ils sont aussi très sensibles à la perte de tout droit de regard sur la gestion de leurs bois, çe qui les rend d’autant plus circonspects face à toute tentative d’ingérence de l’Etat. Cette tendance est encore renforcée par une troisième loi.

1837 : l’autonomie municipale

17Le 18 juillet 1837 est enfin voté, après quatre années de discussions, un texte qui accorde une relative autonomie au pouvoir local. Les conseils municipaux, élus depuis 1831 au suffrage censitaire, obtiennent la liberté de gestion des communaux.

  • 28 Bull, des lois, n° 521, p. 129.

« Le maire est chargé, sous la surveillance de l’administration supérieure... de la conservation et de l’administration des propriétés de la commune » (titre II, ch.1)
« Les conseils municipaux règlent par leurs délibérations, les objets suivants :
1° le mode d’administration des biens communaux ;
2° les conditions des baux à ferme et à loyer dont la durée n’excède pas 18 ans pour les baux ruraux et 9 ans pour les autres biens ;
3° le mode de jouissance et la répartition des pâturages et fruits communaux autres que les bois, ainsi que les conditions à imposer aux parties prenantes 4° les affouages, en se conformant aux lois forestières (titre II, ch. 2, art. 17) »28

18Le conseil municipal possède donc l’initiative en matière de gestion des communaux et le préfet ne peut en aucune manière se substituer à lui. Son pouvoir est de « surveillance », il ne s’agit donc pas d’approbation mais seulement de contrôle du respect des lois et des équilibres financiers. Ce droit d’initiative est cependant limité. Puisque le maire est chargé de la « conservation » des communaux, ventes et partages sont toujours soumis à enquête et décision gouvernementale.

  • 29 Moniteur Universel, Baron Mounier, 19 mars 1835 et ministre de l’intérieur, 27 janvier 1836. Amende (...)

19Les communaux ont contribué à la longueur des discussions du projet de loi, par leur double enjeu politique, idéologique et de pouvoir local. Le partage reste un sujet politique brûlant. La commission parlementaire avait introduit dans le projet un article qui l’autorisait mais le gouvernement et la chambre des Pairs le refusent en 1835,1836 et rejettent encore un amendement en février 1837. « Le partage des communaux est une des questions les plus graves de l’administration... Une révision de la législation qui touche à des intérêts si irritables a été souvent sollicitée ». « Le gouvernement n’a pas cru qu’il convînt de traiter incidemment une question aussi grave »29. Grave, car en fait, au simple mot de partage, c’est le spectre de la Révolution qui se profile, et la crainte de voir rejouer les luttes politiques.

  • 30 Arch. Parl., t. 83, pp. 409 et 465. Barthe, ministre de la Justice le soutient.
  • 31 L. Aucoc, « Les controverses sur la décentralisation administrative, étude historique », Revue géné (...)
  • 32 O. Barrot, Chambre des députés, 8 mai 1833, Arch. Parl., p. 464.

20Le débat donne aussi toute la dimension des communaux comme enjeu de pouvoir local. Deux conceptions juridiques de la propriété communale s’opposent. Pour Thiers, alors ministre du commerce et de l’agriculture (mai 1833), « les communes ne sont pas propriétaires, elles ne sont qu’usufruitières de ces biens » qui sont « la propriété de toutes les générations »30. La propriété communale a donc des caractères bien distincts de la propriété privée. En insistant sur l’originalité de ce statut, Thiers a pour but de justifier le maintien d’une tutelle administrative, car le gouvernement est inquiet depuis qu’il ne nomme plus les conseillers municipaux. « Ce qui justifie ces précautions, c’est surtout la crainte que ces pouvoirs [locaux] n’abusent de leur autorité, ... qu’ils compromettent les intérêts généraux du pays en épuisant les ressources des contribuables et n’engagent d’une manière excessive l’avenir de la localité »31. Face à Thiers, Odilon Barrot est partisan d’une plus grande autonomie pour les communes. II défend une conception juridique selon laquelle la commune jouit de la pleine propriété de ses biens, garants de son autonomie. « La commune ne saurait être niée dans un gouvernement de liberté et de civilisation, il n’y a pas de commune là où il n’y a pas de propriétés communales, où il n’y a pas de droits communaux »32. La proposition de Gillon et Vivien qui adopte une voie moyenne, est acceptée par le gouvernement et donne cet article 17 : les communes obtiennent la liberté de gestion de ces biens que le gouvernement a pour rôle de préserver.

  • 33 Ex. C*2410, 3 pétitions sur ce thème. De 1825 à 1830, 530 suppressions de communes ont eu lieu, et  (...)

21La loi de 1837 prévoit aussi de raviver le processus des réunions de communes (titre I), qui se font sous le signe de l’unité d’administration et de budget. Or les pétitions témoignent des réticences des communes qui craignent de ne plus profiter de leurs biens et de perdre leur autonomie33.

22Tous ces éléments concourrent donc à mettre les communaux au cœur du débat sur le pouvoir local. L’enjeu devient majeur sous la monarchie de Juillet. Les communes se sentent menacées dans leur identité par les regroupements, elles se sentent spoliées car elles ont perdu la gestion et la jouissance de leurs bois. Aussi tiennent-elles d’autant plus à ce que soit respectée la liberté d’administration des communaux non boisés qui a été accordée. Leurs biens deviennent le symbole du pouvoir local, leur conservation est une façon de préserver l’identité.

Le déclin de la jouissance commune

23Restauration et monarchie de Juillet ont deux approches idéologiques différentes du sujet. Au-delà des deux ordonnances de Louis XVIII en 1818 et 1819 qui semblent maintenir les principes adoptés par Bonaparte, la Restauration ne définit aucune politique à l’égard des communaux relégués à l’arrière-plan, et ne fait guère d’efforts pour les préserver. Au contraire, la monarchie de Juillet reprend les principes de sauvegarde et mise en valeur, en les justifiant par une doctrine d’économie sociale. Pourtant, dans les faits, l’attitude de l’administration sous les deux régimes est analogue. Elle accorde de nombreuses autorisations de vente et de partage, elle engage aussi une action d’envergure pour lutter contre les usurpations et pour convaincre les conseils municipaux de louer, aussi les pâturages en jouissance commune diminuent-ils.

Restauration et monarchie de Juillet : deux approches idéologiques

  • 34 Bulletin des lois, 239, texte n° 5112.
  • 35 De 1815 à 1830, 11 pétitions seulement sont adressées à la Chambre : 7 présentent un cas particulie (...)

24Louis XVIII signe deux ordonnances. La première, le 7 octobre 1818 « autorise la mise en ferme des biens communaux qui ne seraient pas nécessaires à la dépaissance des troupeaux »34. La deuxième, le 23 juin 1819, s’attaque aux usurpateurs. Ces mesures semblent bien dans la lignée de la politique adoptée sous le Consulat et au début de l’Empire. En réalité, elles ne correspondent pas à une politique précise envers les communaux, elles répondent seulement à la demande expresse des préfets et sont avant tout destinées à résoudre le problème des finances municipales. Au-delà de 1819, la question subit une éclipse au Parlement qui s’explique à la fois par la volonté des Ultras définie en 1816 de ne pas toucher aux communaux, et surtout par leur faible intérêt pour les questions agricoles, souci mineur dans une époque dominée par les débats de politique35.

25Le désintérêt des hautes sphères gouvernementales conjugué au triomphe de l’idéologie des Ultras marque l’attitude du ministère de l’Intérieur. Il n’entrave pas les volontés de démantèlement des communaux par les habitants et les anciens seigneurs ; il accepte largement les demandes de vente et de partage moyennant redevance et il laisse les cours de justice se prononcer en faveur des seigneurs dans les contestations de propriété avec les communes.

  • 36 Latruffe-Montmeylian, Des droits des communes sur les biens communaux, Paris, 1825-26,2 vol., 1.1, (...)

26Dès 1800, les feudistes avaient repris leurs idées défendues sous l’Ancien Régime. Le plus éminent d’entre eux, Merlin de Douai, dominait la cour de cassation dont il fut procureur général de 1801 à 1814. Lui succède, après l’avoir secondé, Henrion de Pansey, « celui dont les opinions en la matière ont jusqu’à présent servi de base aux décisions de la cour régulatrice qu’il préside »36. Partant de l’axiome selon lequel les Francs seraient arrivés dans un pays réduit en esclavage et peu peuplé, les feudistes considèrent les communaux comme des concessions seigneuriales. Dans tous les procès qui opposent une commune à son ancien seigneur pour la possession d’une terre, ils accordent une présomption en faveur du seigneur.

  • 37 Merlin, Questions de droit, Bruxelles, 1829. t. 3. biens communaux.

« C’est à la commune de prouver l’ancienne possession qu’elle articule et qui fait le fondement de sa réclamation : si elle ne la prouve pas clairement, si elle ne la prouve que d’une manière obscure, équivoque, le jugement qui convertit en preuves les présomptions plus ou moins fortes qu’elle avance, fait par cela seul une fausse application de la loi ; en deux mots, dès qu’il y a doute, la réclamation de la commune doit être rejetée »37.

  • 38 Ceci touche au premier chef les propriétés boisées. Cf. A. Corvol, « L’affirmation de la propriété (...)
  • 39 Sous l’Empire, avis du Conseil d’Etat et décret du 2 février 1809. Sur la période de la Restauratio (...)
  • 40 Ex. Proudhon, annoté par Curasson.

27Le triage a été aboli certes, mais les feudistes essaient de prouver que le seigneur avait accordé un cantonnement qui, lui, est maintenu. L’avocat Latruffe-Montmeylian, le plus actif défenseur des communes, essaie d’opposer une argumentation lexicologique, montrant que les « usages » désignaient autrefois les propriétés communales. Ils obtiennent rarement gain de cause, et la présomption en faveur du seignejtr se transforme souvent en certitude par la volonté d’Henrion de Pansey38. A la fin de l’Ancien Régime, les intendants étaient vigilants pour aider les communes contre cette jurisprudence des cours. L’Empire a lui aussi contrecarré cette offensive réactionnaire, mais les Bourbons restaurés laissent les feudistes agir et il semble que les anciens seigneurs redressent la tête39. Ceci explique la floraison d’ouvrages juridiques sur les communaux où feudistes et modernistes s’affrontent autour d’un enjeu très actuel puisqu’il s’agit de déterminer la propriété foncière et de sauver ou non les acquis révolutionnaires40.

  • 41 Le député Enout dépose le 11 août 1830 une proposition de loi (C 747, 122), puis le 14 décembre 183 (...)
  • 42 F10 1578. Le dossier comporte les circulaires officielles et les réponses de la moitié des départem (...)
  • 43 Le comte Duchâtel est ministre du commerce et de l’agriculture d’avril 1834 à février 1836, et H. P (...)
  • 44 Circulaire du 6 août 1836, F10 1578. Sur la philosophie sociale des économistes libéraux, voir F. D (...)

28Dès l’installation de la monarchie de Juillet, le ton change, le débat reprend41. Progressivement, la politique gouvernementale s’affirme. En 1833, lors du débat sur les pouvoirs municipaux déjà évoqué, la propriété communale est définie comme celle de toutes les générations, qui doit être garantie contre les dilapidations pour ne pas ruiner l’avenir. L’idée de partage est catégoriquement écartée, comme une atteinte à ce droit de propriété. Ces principes sont solennellement affirmés dans la circulaire du 6 août 1836 qui lance la consultation sur les biens communaux. Le ministère demande aux conseils généraux de se prononcer sur ses opinions : opposé au partage, réticent envers la vente, il aboutit à la conclusion que le seul remède sur le fâcheux état de stérilité réside dans la mise en culture et l’amodiation42. Ces prémisses adoptées sous le Premier Empire n’étaient alors justifiées que de façon pragmatique par le souci d’équilibrer le budget municipal. Les économistes libéraux dont l’opinion domine le gouvernement les justifient par une idéologie cohérente, ce dont témoignent les écrits personnels des deux ministres qui interviennent dans la question des communaux, Hippolyte Passy et le comte Duchâtel43. Pour Duchâtel, seul le progrès économique peut remédier à la misère. L’Etat ne doit pas pratiquer la charité publique, mais organiser la société de telle manjère que les citoyens soient fibres tout en étant soutenus, aussi le rôle de l’Etat est-il d’encourager le progrès économique. L’agriculture, par sa place importante, est le fondement de la prospérité publique. Duchâtel s’en préoccupe donc constamment. Son but n’est pas d’intervenir directement mais de donner les moyens de prospérer par la formation technique et les encouragements. A cette vision globale de l’économie politique dans laquelle les communaux peuvent jouer un rôle en faveur du progrès et de l’aide aux pauvres, s’ajoutent les conceptions propres à l’agriculture. Hippolyte Passy publie en 1845, un ouvrage qui fait autorité. Alors que l’opinion générale est favorable aux grands domaines et que beaucoup d’agronomes prisent avant tout le modèle anglais (Dombasle), il propose au contraire de valoriser les petites exploitations, mieux soignées. Il démontre que le système de culture français, morcelé, a ses avantages : les ouvriers agricoles, nombreux, sont des consommateurs. Le Cours d’agriculture d’Adrien de Gasparin (1843), très apprécié et largement diffusé, va dans le même sens. Ces idées des économistes libéraux aboutissent logiquement à prôner la mise en ferme des communaux par petites parcelles. Mais devant les difficultés à « vaincre l’ignorance, l’esprit de routine, et les intérêts privés nombreux et puissants »44, ces libéraux veulent donner à l’Etat le droit d’intervenir pour obliger les municipalités à louer, ce qui est délicat dans le contexte des années 1840 et explique la prudence du gouvernement.

29Malgré cette idéologie nettement définie, l’attitude de l’administration se révèle assez pragmatique et se rapproche de celle de la Restauration : ventes et partages sont nombreux, bien masqués derrière le discours de protection du patrimoine. C’est là une grande surprise pour l’historien.

De nombreuses autorisations de vente et de partage contre redevance

30La faim de terres durant la première moitié du xixe siècle s’accroît sous l’effet de la pression démographique et des progrès agricoles. Le prix des terres augmente, aussi les communaux sont-ils de plus en plus convoités.

Les ventes

  • 45 La série F3 II comporte aussi de nombreux exemples de ventes éparses (Côtes-du-Nord, Orne). Claude (...)
  • 46 F3 II Ille-et-Vilaine 13, Le Theil, 1834, vente de 5 ha, aux enchères par lots. Les dossiers généra (...)
  • 47 Ex. Flc VII Somme 1.
  • 48 Ex. dans la série F3 II : Nord 12 et 33, Ille-et-Vilaine, Landes où le préfet préconise les ventes (...)

31Les ventes ont commencé dès 1800. Le Conseil d’État autorisait l’aliénation de petites surfaces dans le but d’assainir la situation financière ou de mener à bien des travaux, réfection des routes ou églises. À partir de 1816, cette procédure connaît un regain. Par la circulaire du 22 mars 1816, la monarchie demande d’établir un état des communes dépourvues de presbytères. Le nombre des communes concernées est très important : 382 sur 525 dans l’Eure ; dans le Loiret, 89 d’entre elles établissent un devis de 348865 F. Préfets et évêques les pressent alors d’acquérir un presbytère45. Elles trouvent les fonds soit par des impôts extraordinaires soit par la vente d’une parcelle, opération logique puisqu’il s’agit d’une sorte d’échange, mais la nature des biens a changé et la part consacrée à l’agriculture est réduite d’autant. Une fois cet effort accompli, les ventes ne se tarissent pas, elles sont justifiées par des réparations à l’église ou aux chemins, par des frais de procès, par l’acquisition d’une maison d’école (surtout après la loi Guizot de 1833), ou même tout simplement « pour l’avantage de la commune et encourager l’agriculture »46. Puis pour faire face à la crise de 1846-48, des communes vendent pour financer les ateliers de charité47. Ces petites ventes qui ont lieu, après une enquête de commodo et incommoda, aux enchères et le plus souvent en plusieurs lots, se retrouvent un peu partout sur le territoire. Il semble qu’on ne puisse pas dire de façon simple à qui profitent ces ventes. Philippe Vigier voit les notables se porter acquéreurs dans la zone montagneuse des Alpes, par contre dans le Vaucluse où les ventes se font en très petites parcelles, ce sont les petits propriétaires. En Seine-inférieure, on voit même un domestique se porter acquéreur48.

Les partages

  • 49 Citations successives : F3 II Manche 1, 1818 ; F3 II Hérault 1, projet de Latude, 1822 ; F3 II Cors (...)

32La pression démographique et le manque de terre poussent les habitants à réclamer le partage. Ils ne sont nullement résignés malgré les refus obstinés de l’administration impériale. Bien des préfets, fidèles à ces principes, font barrage à toute demande, mais d’autres, convaincus du bien fondé de cette solution, en réfèrent au ministre de l’Intérieur. Or, celui-ci, dès 1817, se montre ouvert. Hostile au partage en pleine propriété, « par contre il est prêt à encourager les partages faits à titre de concessions soit par baux emphytéotiques, soit à rente perpétuelle ». Ils doivent se faire « par feu et sans égard à la masse des contributions ». En 1818, à la demande du conseil général de Corse et du préfet, le comte de Vignolle, le ministre de l’Intérieur autorise, en Corse, les partages facultatifs par feu, qui connaissent un grand succès49.

  • 50 Cf. Wœlflé, Mémoire sur les biens communaux du département du Bas-Rhin, 1862.

33La monarchie de Juillet, dans ses discours officiels, proscrit catégoriquement le partage. Lors de l’élaboration de la loi sur les pouvoirs municipaux, le gouvernement refuse toute proposition envisageant cette possibilité en 1833 et 1834. Cette opposition doctrinale a des fondements politiques déjà évoqués, le seul mot de partage fait peur car il ressuscite le spectre de la Révolution. Elle a aussi des raisons économiques. Si la monarchie de Juillet préfère la mise en ferme, c’est parce que la différence est considérable pour la commune. Les baux n’engagent que pour 9 ans, (terme le plus fréquent), et peuvent être réévalués. Dans un partage à rente perpétuelle, la commune ne peut plus disposer de ses biens, elle a beaucoup de mal à recouvrer la rente, très modique, et à la faire accepter par les habitants qui se considèrent propriétaires50. En ces années où s’élabore le cadastre, n’y a-t-il pas des chances pour que l’opération aboutisse à une diminution de la propriété communale ?

Carte 17. Pétitions et troubles concernant les communaux non boisés, 1820-1850

Carte 17. Pétitions et troubles concernant les communaux non boisés, 1820-1850

Sources : A.N. C* 2407 à 343 J et C 2080 à 2260.

  • 51 Rapport de Rouland devant la chambre des députés, Moniteur Universel, 28 mars 1847, p. 633-34 et ra (...)
  • 52 Avis du 26 avril 1844. Ceux du 21 février 1838,16 mars 1838 allaient dans le même sens. L. Aucoc, o (...)

34Mais la population est favorable au partage, des pétitions le réclament, et des députés soutiennent cette idée devant les chambres51. Aussi la jurisprudence du Conseil d’Etat, qui proclame comme le gouvernement : « Il ne peut y avoir lieu à partage des biens communaux », accepte-t-elle les demandes de partage onéreux mais à condition de les qualifier de vente à l’amiable52. Hypocrisie révélatrice de la vivacité des désirs de partage qui contrecarrent les volontés gouvernementales ! La commission de réflexion sur les communaux incite le ministre, dans son rapport de 1843, à une position nuancée. Citant l’exemple de la Corse « il y a quelques années », elle ajoute :

« Des milliers de partages de cette nature ont également été autorisés depuis 25 ans dans d’autres départements... La législation ne s’oppose pas expressément aux partages comme quelques-uns l’ont pensé. Dès lors, ce moyen pouvant, dans certains cas, être utilement employé, il paraîtrait sage de conserver à l’administration supérieure la faculté de l’autoriser à des conditions profitables pour les caisses municipales ».

  • 53 F3 II Côte-d’Or 41, lettre du préfet, sept. 1838 ; F3 II Yonne 1. Troubles en Isère BB18 1414, 6941 (...)

35« Des milliers de partages », dit le rapport : rhétorique ou réalité ? Il semble bien qu’en effet, la pression des habitants ait été plus forte que les réticences de l’administration. Dès que les circonstances s’y prêtent, les villageois se partagent spontanément les terres. Ainsi, durant la crise frumentaire de 1817 dans l’Yonne et jusqu’au début des années 1820 en Côte-d’Or : « Des députations tumultueuses m’arrivaient presque tous les jours, dans les moments de crise, pour réclamer le partage immédiat des terrains en friche, conformément à la loi de 1793 ». La Révolution de 1830 est l’occasion pour les habitants des arrondissements de Bourgoin et Vienne (Isère) de s’emparer des communaux. La volonté de l’administration, à partir de 1836, de convertir ces partages en fermages se heurte à de telles résistances qu’un régiment d’infanterie doit être envoyé à Saint-Marcel où « la terreur règne ». Au printemps 1848, au moindre incident renaît le désir53.

  • 54 G. Désert, Une société rurale au 19es., les paysans du Calvados, 1815-1895, Lille, 1975, p. 546. Vo (...)
  • 55 F3 II Côte-d’Or 41 et C 2177,353 ; C 2185,89 ; BB18 1410,6179, Échenon, canton de Saint-Jean-de-Los (...)

36Lorsque le conseil général en prend l’initiative, l’opération se réalise sur une grande échelle. C’est le cas de la Corse, du Calvados, où de 1839 à 1841,29 communes partagent 2173 ha entre les chefs de famille résidents. Le partage par feu a finalement été accepté dans cette Normandie où les petits refusaient le partage selon les propriétés réclamé par les notables54. Par contre, lorsque l’appui du conseil général fait défaut, les habitants ont du mal à obtenir gain de cause car le préfet essaie de faire accepter l’affermage. Les exemples de telles conversions sont multiples. En Côte-d’Or, de 1837 à 1842, un dénommé Amiot, avocat en mal de clients, ravive les espoirs de partage des habitants, déçus en 1820. Il fait signer des pétitions dans 66 communes de Côte-d’Or, Jura et Saône-et-Loire, et se fait rétribuer. Les habitants, qui n’obtiennent pas gain de cause, passent à l’action : rassemblements tumultueux qui justifient l’intervention de la gendarmerie, mais le préfet impose l’affermage55.

37Ventes et partages se font assez discrets dans les archives, aussi est-il impossible de les chiffrer. Par contre la publicité entoure les opérations qui préservent la propriété communale et la mettent en valeur.

Le temps de l’amodiation et de la lutte contre les usurpations

  • 56 Textes : rapport au ministre de l’Intérieur, janvier 1818, F3 I 3. Prescription trentenaire : Code (...)

38L’ordonnance du 23 juin 1819 s’attaque aux usurpations dans le but de résoudre les difficultés financières des communes, mais les motivations sont bien plus profondes. Préfets et conseils généraux ont été rendus encore plus attentifs par les actions des directeurs des Domaines qui recherchaient tous les biens à vendre en application de la loi de 1813. Ils peuvent être mus par un sentiment de justice, ne pas laisser à l’abri les usurpateurs alors que ceux qui louaient un lot ont dû le racheter ou le perdre. Enfin, ils ont conscience qu’il faut agir rapidement car la plupart des usurpations ayant eu heu dans les premières années de la Révolution, la prescription trentenaire sera bientôt atteinte. Aussi, c’est une action déjà entamée par les préfets que le roi entérine et facilite. L’ordonnance du 23 juin 1819 veut une action rapide et généralisée. « Les administrations locales s’occuperont sans délai de la recherche et de la reconnaissance des terrains usurpés sur les communes depuis la publication de la loi du 10 juin 1793 ». Chaque détenteur devra, dans les trois mois, faire soumission et payer les biens aux 4/5e de leur valeur, sinon, « il sera poursuivi, à la diligence du maire, devant le conseil de préfecture »56.

  • 57 Citations : Doubs, préfet de Villiers du Terrage, février 1819, F3 I 3. Loubressac : lettre du préf (...)

39Les préfets semblent appliquer la loi activement, mais les difficultés se révèlent rapidement, identiques à celles rencontrées sous le Consulat. La première tient à l’implication des conseillers municipaux. Le préfet du Doubs rapporte : « On voit partout figurer les fonctionnaires municipaux au nombre des détenteurs. Ils me l’écrivent eux-mêmes, me déclarant qu’ils ne peuvent verbaliser contre leurs parents, leurs amis, contre leurs voisins aux représailles desquels ils se plaignent d’être déjà trop exposés ». De façon plus générale, l’application de la loi jetterait le trouble, comme à Loubressac, dans le Lot où « les esprits ont été dans une agitation extrême ; les frais matériels de plans et de reconnaissance s’élèvent déjà à 1900 F ; ce serait un événement de déposséder une foule de détenteurs qui ne possèdent que de deuxième ou troisième main, et d’exproprier des biens qui ont essuyé des mutations et des partages les plus multipliés ». L’attitude du préfet Locard est très révélatrice. Lorsqu’il arrive dans le Cantal en juillet 1815, il prend conscience de l’ampleur des partages non régularisés et des usurpations. Il les fait recenser en septembre 1815 : 3474 détenteurs de communaux (1032 ha dans 122 communes). Il prévoit des mesures énergiques, mais dès 1816, il se rend compte que les poursuites risquent d’être plus nocives que la situation actuelle. « On porterait l’alarme et l’inquiétude dans des milliers de famille qui possèdent et qui jouissent de ces terrains depuis vingt ans ; la plupart de ces tenanciers n’ont aucun moyen pour en payer la valeur, quelque modique qu’elle soit ». Enfin s’ajoute l’obstacle du coût financier : il faut payer les commissaires chargés de la reconnaissance des terrains, ensuite, si les détenteurs ne font pas soumission, la commune peut les poursuivre devant le conseil de préfecture. La procédure est gratuite mais il faut pour chacun d’eux un exploit d’huissier qui coûte 2,50 F de droit de timbre à la commune. Le conseil général de l’Ariège estime ces frais impossibles à assumer car « beaucoup de communes ont plus de 300 personnes à faire citer »57.

  • 58 F3 I 3, Rapport au ministre de janvier 1818. Selon le préfet des Hautes-Pyrénées, dans son départem (...)
  • 59 Parfois, il ne souhaite pas bouger, ex. Aiguesvives, F6 II Aude 2. Lorsque les habitants refusent d (...)

40Comment apprécier les résultats de cette offensive contre les usurpateurs ? Les états récapitulatifs demandés par les préfets ne figurent pas aux Archives Nationales. Les documents donnent l’impression que « c’est dans les départements du Midi que les usurpations se sont le plus multipliées »58. L’Ariège, les Hautes et Basses-Pyrénées, ainsi que les Pyrénées-Orientales sont très atteints. Le Massif Central et le Doubs connaissent une situation voisine. En fait, on remarque que les départements dont les préfets se plaignent le plus, sont ceux où durant la période révolutionnaire des volontés de partage ont été exprimées et n’ont pas abouti. Elles se sont transformées en usurpations généralisées, de plus en plus difficiles à légaliser au fur et à mesure que le temps passe, d’autant plus que l’aboutissement de la procédure dépend de la volonté du maire59.

  • 60 Malgré les consignes de rapidité, l’action a été lente. Dans les années 1823-25, des préfets demand (...)
  • 61 Il est impossible de mener une étude plus approfondie de ces documents épars. Chaque soumission est (...)

41L’ordonnance du 23 juin 1819 porte lentement ses fruits, des usurpateurs doivent acheter la terre ou payer une rente annuelle60. Voici quelques exemples61.

  • 62 Exemples extraits de l’enquête de 1836, F10 1578 : Pyrénées-orientales, Pas-de-Calais, Béthune. Aut (...)

42Malgré tout, l’hydre de l’usurpation reste bien vivante et les plaintes se perpétuent, la confection du cadastre ne semble pas résoudre la question. L’arrondissement de Céret déplore en 1836 « les usurpations indécentes qui se commettent chaque jour ». Les fauteurs dénoncés sont encore « ceux qui exercent une influence locale », mais moins que dans les années 1820. Le plus souvent, ce sont les riverains, quelle que soit leur fortune, qui grignotent à chaque labour62. En définitive, les communaux sont la proie des plus avides et des plus hardis. Cependant, on peut se demander s’il n’existe pas un problème de définition. Si l’usurpation semble se généraliser, n’est-ce pas dû au fait que la possibilité de défrichement temporaire, qui existait jadis, ne peut être tolérée au xixe siècle qu’après la signature d’un bail ? Or, cette coutume était répandue dans les régions où la location n’était pas courante (Bresse, Massif Central). Deux conceptions s’affrontent : celle des paysans qui respectent la coutume et celle de l’administration qui qualifie d’usurpations ces mises en valeur temporaires. Elle a d’ailleurs raison car la faim de terres incite à garder l’acquis.

Le temps de l’amodiation

  • 63 Le conseil général de Seine-Inférieure en 1823 « observe en dernier lieu qu’un des motifs d’opposit (...)
  • 64 F3 II Haut-Rhin 1, bilan dressé en janvier 1821, 233 ha affermés. F3 II Vosges 1 : en 1819 sont adj (...)
  • 65 « Cette mesure met un terme à des inconvénients d’une nature assez grave. Les habitants d’une commu (...)

43Le temps de l’amodiation commence réellement sous Louis-Philippe. L’ordonnance signée par Louis XVIII le 7 octobre 1818 « qui autorise la mise en ferme des biens communaux qui ne seraient pas nécessaires à la dépaissance des troupeaux » simplifie la procédure en supprimant l’autorisation du roi pour les baux dont la durée n’excède pas 9 ans. Prise à la demande des préfets, elle a pour but d’aider les communes à trouver des ressources, dans un moment où leurs finances sont dans un état déplorable (guerre, vente de communaux). Elle ne prélude pas à une campagne de persuasion qui serait prématurée et inopportune63. Mais quelques préfets agissent, de leur propre initiative, comme ceux du Haut-Rhin et des Vosges où l’affermage est de tradition64. Le préfet de Corse, le comte de Lantivy, prend dès son arrivée, un arrêté (12 août 1824) pour encourager la mise en ferme, afin d’améliorer l’agriculture et de faire payer la contribution foncière sur les communaux et il obtient des résultats65. Les budgets des communes rurales fournis chaque année prouvent le nombre croissant des mises en ferme et de la perception des droits de chasse, de pêche ou de pâturage. Alors qu’en 1823, 69 communes (soit 20 % du total) obtenaient 20361 F de leur patrimoine, elles sont 261 (75 %) en 1826, (65389 F). En 1828, le comte de Lantivy est remplacé et aussitôt les affermages régressent car il s’agissait de baux courts de 3 ans (en 1829,243 communes afferment pour 50649 F, en 1832, il n’y a plus que 177 communes, 32 710 F). Cet exemple montre bien, au-delà du cas particulier de la Corse, que le succès de l’affermage durant la Restauration n’est dû qu’à l’action individuelle d’un préfet : les habitants, méfiants, hésitent, et le gouvernement ne met sur pied aucune politique incitative.

  • 66 Elle est associée à une volonté de connaissances précises. Dans ce but sont créés le 24 janvier 184 (...)
  • 67 Fla 40.
  • 68 Ex. Grellet-Dumazeau, op. cit., et V. Deschamps, Du partage des communaux, Besançon, 1834. Le Journ (...)
  • 69 F10 1577, rapports des préfets aux conseils généraux., Ceux-ci, élus au suffrage censitaire élargi (...)

44L’attitude change totalement sous la monarchie de Juillet qui met tout en œuvre pour faire progresser l’amodiation qui seule respecte la justice sociale et les intérêts financiers des communes. Le choix du terme d’amodiation est symptomatique. Fréquent du Moyen Âge au xviie siècle, son usage a décliné ensuite. Depuis 1750, on parle de location, affermage, comme le fait encore Louis XVIII. Mais à partir de 1830, le gouvernement veut faire oublier les fâcheux souvenirs de vente des communaux affermés ; il choisit donc ce synonyme ancien qui permet de présenter l’amodiation comme une pratique peu répandue, facteur de progrès, novatrice et donc nouvelle. La prudence et l’habileté sont nécessaires pour vaincre la méfiance des habitants. L’arme du gouvernement est la persuasion ; il l’utilise auprès des conseils généraux et des sociétés d’agriculture66. Le comte Duchâtel, en 1834, encourage les comices agricoles et les sociétés et chambres d’agriculture, prêt à leur accorder des subventions pour les stimuler67. Effectivement, elles redeviennent actives et favorisent les progrès agricoles. Elles « provoquent des études sur ce sujet des communaux » qui sont rarement publiées mais marquent les débats ; les notables expriment leur opinion dans des brochures ou des journaux d’agriculture68. Auprès des conseils généraux, le gouvernement lance l’enquête de 1836 qui a manifestement un double but, d’information et de persuasion, car le préfet ouvre chaque année la session du conseil par un discours où il justifie le bien fondé de l’amodiation, par opposition à la nocivité du partage ou de la vente qui spolierait la commune. Après quoi, il demande au conseil d’exprimer ses vœux69.

  • 70 F10 1577 et 1578. En Côte-d’Or, 113 communes ont amodié (Moniteur Universel, 28 août 1848, p. 2209) (...)
  • 71 A.D. Somme, Oa II Monchy-Lagache.

45Appui des notables et surtout pressions constantes des préfets font progresser l’amodiation des terres, l’affermage des droits de pêche, de chasse et l’instauration de taxes de pâturage. Préfets qui usent de la coercition, comme Bonnet dans l’Indre qui contraint à l’affermage les conseils municipaux, « composés de ceux-là même qui monopolisaient les avantages de la jouissance au préjudice de la communauté », sinon il leur supprime les subsides monétaires et interdit les impôts extraordinaires. D’autres préfets réussissent à convertir les vœux de partage en baux à ferme : en Haute-Alsace, en Limagne, en Côte-d’Or, Doubs et Haute-Saône70. Exemple représentatif des buts recherchés par le gouvernement, Monchy-Lagache (Somme) réclame le partage en 1839 ; le sous-préfet refuse, encourage à l’amodiation mais « la classe ouvrière s’est montrée antipathique » à cette solution, car en 1813, la commune a perdu 10 ha de prés loués. Finalement, les communaux sont amodiés par parcelles de 26 ares pour 20 F par an environ, baux souscrits par les salariés agricoles et les artisans qui s’associent parfois à deux pour prendre un lot71.

  • 72 Circulaire de 1836, F10 1578.

46La monarchie de Juillet voudrait aller plus loin et généraliser ces pratiques. Aussi, dès 1836, elle projette, « pour vaincre l’ignorance, l’esprit de routine et les intérêts privés nombreux et puissants », de donner à l’administration supérieure le droit d’intervenir « lorsqu’elle le juge utile et que le conseil municipal s’y serait refusé sans de justes motifs »72. Au cours des années 40, le gouvernement persévère, tente de faire accepter cette idée d’intervention alors que les communes viennent tout juste d’acquérir, par la loi de 1837, une liberté de gestion dont elles sont jalouses. Il a bien conscience de ces difficultés, dans un contexte de méfiance croissante envers le pouvoir central, engendrée par l’application du Code forestier. Le débat lancé par l’enquête de 1836 comporte deux faces : l’amodiation peut-elle être la solution exclusive ? et le gouvernement a-t-il le droit d’intervenir ? Il culmine en 1846-1851 et l’action se noue bien autour de ces deux points essentiels.

Le grand débat du milieu du siècle

  • 73 Enquête de 1836 : F10 1578. Sont conservés par les départements suivants : Drôme, Gard, Gironde pui (...)

47Le milieu du siècle est un moment privilégié, où chacun peut s’exprimer sur la question des communaux. Comme à la fin du xviiie siècle, l’historien trouve une mine documentaire. L’enquête lancée en 1836 demande aux conseils généraux leur opinion sur les suggestions pressantes du ministère : les communaux ne doivent pas être partagés, ni vendus, mais mis en culture, par l’amodiation que le gouvernement voudrait encourager par une loi. L’enquête est prolongée jusqu’en 1846 par un débat lors de la session de chaque conseil général. La réponse des notables est parfois uniquement de principe, mais souvent les conseils généraux et d’arrondissement écrivent de véritables mémoires, source très riche dont, malheureusement, la moitié a disparu. La commission créée en 1843 pour parfaire l’étude du projet de loi en faveur de l’amodiation a voulu s’appuyer sur une connaissance précise du sujet et a demandé l’élaboration d’une statistique chiffrée de la superficie, la nature et la valeur des terres : pour la première fois, on a une image réelle des communaux qui autorise une critique des discours récurrents sur leur utilité sociale et la nécessité de leur maintien pour la subsistance de la vache du pauvre73.

  • 74 De 1820 à janvier 1848, seulement 32 pétitions concernent les communaux non boisés, dont 25 de 1830 (...)
  • 75 Enquête de 1848 : C 943 à C 969. Qu. 27 : Quelle est la situation actuelle de l’agriculture ? Qu. 2 (...)
  • 76 Séries BB18 et BB30. Les archives judiciaires départementales sont difficiles à exploiter dans une (...)

48L’opinion des usagers s’exprime nettement moins qu’en 1790-94. Les pétitions sont consacrées à ce qui les préoccupe le plus : leurs bois et le Code forestier74. Mais l’enquête parlementaire sur le travail agricole et industriel de 1848, nous fournit beaucoup de renseignements, par les réponses aux trois dernières questions. Rédigée par le juge de paix dans le cadre cantonal, elle est proche de la masse rurale75. Malgré tout, il arrive que des cantons où les communaux ont suscité des émeutes n’en parlent pas, ce qui peut provenir soit de la composition de la commission d’enquête, soit du fait que la commune agitée n’est pas chef-lieu de canton. Les archives judiciaires qui décrivent ces troubles complètent ce tableau76.

49Présenter brièvement une synthèse de tous ces documents n’est pas chose facile pour le chercheur, car il est condamné à écarter tant de cas savoureux qui font tout l’intérêt du sujet en montrant que la question agricole est reléguée à l’arrière-plan par les véritables enjeux, sociaux et politiques. En 1848-51, l’action se noue autour des deux thèmes posés par le comte Duchâtel dans le projet de loi de février 1848 : amodiation et intervention de l’Etat. L’amodiation se heurte au partage qui garde beaucoup de défenseurs ; c’est tout l’enjeu de la terre et du combat de la propriété privée contre la propriété communale. L’intervention de l’État est combattue par l’idée de décentralisation qui gagne des voix et fait échouer le projet d’une loi nationale.

Enfin une connaissance précise des communaux

  • 77 Réserves générales sur les statistiques lu xive siècle. Cf. B. Cille, Les sources statistiques de l (...)

50La statistique de 1846 est d’une fiabilité moyenne77. Établie à partir des relevés cadastraux au moment où ceux-ci achèvent de couvrir toute la France, elle peut vraisemblablement être datée de 1836, âge moyen du cadastre, car il est peu probable que toutes les mutations aient été prises en compte. Mauvaise maîtrise des additions, oublis involontaires, erreurs délibérées par crainte du fisc ou de l’intervention de l’Etat : malgré toutes ces réserves, les résultats sont cohérents si on les compare aux statistiques ultérieures, et ils ont le mérite de donner la nature des terres et leur « valeur capitale », « déterminée d’après le revenu et le taux courant de l’intérêt des placements en biens fonds appréciée par les directeurs des contributions directes ». Il s’agit sans doute d’une donnée assez subjective mais intéressante. Cette statistique, résumée sur les cartes nos 18 et 19, lue à la lueur de l’enquête de 1836, montre à la fois la survivance des situations constatées au xviiie siècle et le résultat des transformations depuis le règne de Louis XV. Afin d’éviter un nouveau tour de France des régions, nous nous arrêterons seulement à quelques idées majeures qui se dégagent de ces cartes. Relevons d’abord le chiffre global qui marque l’importance de la question : les communaux couvrent 4718656 ha, soit 9 % du territoire.

Carte 18. Superficie et nature des biens communaux en 1846, d’après A.N.C 913

Carte 18. Superficie et nature des biens communaux en 1846, d’après A.N.C 913

Carte 19. Valeur estimée d’un hectare de terre communale en 1846

Carte 19. Valeur estimée d’un hectare de terre communale en 1846

Sources: A. N. 9133, statistique de 1846.

51Le premier enseignement de ces cartes est le contraste frappant dans la valeur marchande des terres, forte dans la France septentrionale, faible dans la France méridionale. Les prix donnés sont assez dérisoires. Cette faiblesse s’explique par le fait que les biens restants sont essentiellement de mauvaises terres à amender, mais on peut penser que les communes poussent à une sous-évaluation de façon à alléger leur contribution foncière. Aussi les terres sont-elles surtout classées comme vaines et vagues. Notons que, pour chaque département, la valeur estimée d’un hectare de terre communale labourable est sensiblement analogue à celle des terres appropriées (la valeur moyenne d’un ha de terre labourable est de 750 à 1200 F, ce qui correspond à la moyenne nationale, un ha de pré vaut de 1250 à 2 000 F). Aussi, la valeur globale indiquée sur la carte 19 reflète-t-elle étroitement la nature des terres.

  • 78 Napoléon Nicklès, « Mise en culture des communaux d’Erstein », Journal d’agriculture pratique, 1848 (...)

52Dans tout le bassin parisien (pris dans son sens géographique), la Normandie, le seuil du Poitou et dans une moindre mesure, le bassin aquitain à l’exception des Landes, les communaux, de faible étendue au xviiie siècle, ont encore diminué après les partages révolutionnaires et les ventes de 1813. Il n’en reste que des débris, souvent inférieurs à 1 % du territoire, dispersés dans 40 % des communes, et dont une part significative est mise en culture par location, ou par allotissements de jouissance. Partout, les pâturages communs sont très réduits : terres humides de bords de rivières, marais... A l’évidence, ces terres ne nourrissent pas un troupeau important et leur valeur potentielle élevée provient de la pression démographique et de la pression foncière, en une période où on cherche à agrandir le terroir cultivé. Les seules portions qui aient réellement une utilité sociale sont les allotissements de jouissance, toujours vivaces. Ils donnent satisfaction dans le nord-est. Erstein (Bas-Rhin) a divisé ses 310 ha en 950 lots de 30 ares environ, ce qui, en supprimant le pâturage communal engage à la stabulation, favorise une exploitation intensive et fixe une population nombreuse. Ici, le système ne semble pas critiqué, il est vrai que le nouveau régime forestier occulte tous les autres soucis. Par contre, les parts de marais du Nord essuient quelques reproches. Dans l’arrondissement de Lille où la naissance n’est pas une condition nécessaire à l’attribution, des ménages indigents, attirés par ces lopins, viennent s’installer et constituent un fardeau pour les finances municipales78.

53Contrastant avec cette forte valeur, les landes de Gascogne à assainir, les garrigues du Languedoc et de Provence sont cotées plus bas. Jamais mises en culture, elles sont pourtant convoitées. Les 3/4 des communes du Midi possèdent de grandes surfaces de bois et les habitants luttent contre l’administration forestière pour reconquérir leurs droits. Le revenu de ces bois est faible, comme celui des terres gastes et garrigues qui ne donnent que de maigres pâturages, mais suscitent une lutte sociale aiguë.

54La statistique nous apprend aussi l’importance vitale du pâturage dans les bois communaux de l’Est et des zones montagneuses. En Alsace et Lorraine, et dans une moindre mesure en Bourgogne, 90 % des communes possèdent de vastes biens (190 à 290 ha en moyenne), en majeure partie boisés. Partages et ventes ont réduit les communaux non boisés, et ce qu’il en reste est en partie distribué en petites parts louées. Aussi la surface dévolue au pâturage est faible, ce qui explique que tous ces petits exploitants aient encore besoin de faire paître leurs bêtes en forêt. C’est le sujet de toutes leurs pétitions et la cause de leurs révoltes en 1848. Tout aussi vital est l’accès au bois dans les trois massifs montagneux. Ici, la superficie des communaux a été peu entamée : prés-bois du Jura, estives des Pyrénées et des Alpes de faible valeur marchande, tous constituent la clé de voûte du système pastoral. Et partout les bois fournissent le pâturage indispensable : dans le Jura où ils sont majoritaires, dans les Alpes et les Pyrénées où ils permettent d’assurer la soudure au printemps, avant de monter sur les estives.

55Enfin, la survivance des coutumes et des problèmes juridiques est frappante en Bretagne et dans le Massif Central où dominent les landes de faible valeur laissées en pâturage commun non réglementé. Dans le Massif Central, les communaux appartiennent pour 95 % aux habitants des sections, en indivision. La mise en valeur se heurte à deux obstacles, la pérennité de la volonté de jouissance par les seuls propriétaires et le principe de l’unité de la commune, ancré par la loi de 1837. Les habitants des sections ne sont pas encouragés à amodier ou vendre car la recette tomberait dans l’escarcelle de la commune, aussi réclament-ils le partage.

56En Bretagne, malgré les apparences, les immenses « communs » n’ont pas disparu, mais ils ne sont pas déclarés propriété communale. Depuis la loi du 28 août 1792, le coût élevé d’une action judiciaire pour déterminer si ces landes appartiennent à la commune ou bien indivisément aux habitants (et lesquels ?) a été dissuasif et a fossilisé la situation, alors que les habitants réclament le partage. Tant que le propriétaire n’est pas défini, aucune mise en valeur ne peut être entreprise. Il faudra attendre le vote de la loi de 1850 qui facilite ce règlement pour que les landes soient défrichées.

L’enjeu de la terre. De l’obstination des volontés de partage

  • 79 Citations des réponses des cantons de Morlaix. Finistère C 952, Châteauilun, Eure-et-Loir C 952, et (...)

57Cet enjeu est omniprésent dans les réponses à l’enquête de 1848. « La population se développe dans une proportion plus rapide que la surface des terres cultivées », ce qui entraîne le « haut prix des petites parcelles de terre » et « une hausse exagérée des fermages »79. Aussi parle-t-on beaucoup de mettre les communaux en culture, mais souvent, la commission ne se compromet pas sur les modalités. L’amodiation présentée par la monarchie de Juillet comme la panacée, a-t-elle conquis les esprits ? Les enquêtes révèlent, aux deux niveaux, notables départementaux et villageois, combien est tenace l’idée de partage.

Carte 20. Vœux des Conseils généraux, 1836-1848

Carte 20. Vœux des Conseils généraux, 1836-1848

Carte 21. Enquête de 1848 – Réponses des cantons aux questions 27.28 et 29

Carte 21. Enquête de 1848 – Réponses des cantons aux questions 27.28 et 29
  • 80 Ces chiffres sont ceux donnés au ministre de l’Intérieur en 1843, fondés sur les réponses de 1 836  (...)

58L’idée d’amodiation a incontestablement progressé, les exigences financières ont fait taire les craintes persistantes après 1813. Les vœux exprimés spontanément dans l’enquête de 1848 (37 cantons la demandent explicitement) sont plus significatifs que ceux exprimés à la demande du gouvernement. En effet, 46 conseils d’arrondissement, 11 conseils généraux et 3 préfets s’opposent au projet d’amodiation parce qu’elle serait prescrite d’office par l’autorité supérieure. Ils refusent plus la procédure (que l’amodiation elle-même80. Inversement, 85 conseils d’arrondissement, 45 conseils généraux et 31 préfets acceptent ce projet qui leur est représenté chaque année : conviction ou politesse ?

59Malgré le patient travail de persuasion, la monarchie de Juillet n’a pas éradiqué l’idée de partage, et même de partage en toute propriété. Lorsque le gouvernement plaide pour l’abrogation formelle de la loi de 1793, il ne recueille l’approbation que de 32 conseils généraux, 66 conseils d’arrondissement et 22 préfets. Qui plus est, 7 conseils généraux, 13 d’arrondissement et 6 préfets s’obstinent à réclamer le partage en toute propriété. Ces mêmes vœux se retrouvent en 1848 dans 32 arrondissements, exprimés explicitement par au moins un canton : le Béarn, le Massif Central et le Midi en sont les principaux foyers. Le désir de partage résiste donc bien aux interdits gouvernementaux, réitérés depuis prairial an IV.

  • 81 Bazas, Gironde, G 953 et Oloron, Basses-Pyrénées, C 962.
  • 82 Réponse du préfet du Haut-Rhin à l’enquête de 1836.

60Les deux enquêtes de 1836 et 1848 incitaient aux idées novatrices mais rien n’empêchait de formuler des vœux de maintien en l’état. Ceux-ci sont très rares. Pour les régions de montagne, c’est une évidence qui ne s’exprime pas et tout le discours est focalisé sur le régime forestier. Seuls 2 cantons du sud-ouest disent ouvertement leur refus de transformation81. Et pourtant, le conservatisme entêté des paysans est un leitmotiv de l’administration : « Il y a des préjugés populaires qu’il est sage de ne pas attaquer de front... Telle est, ce me semble, l’opinion des classes peu aisées de la population de ce pays, qui à tort sans doute, attachent un prix infini à l’usage du parcours et du pâturage », dixit le préfet du Haut-Rhin qui reconnaît dans le même texte le succès de l’amodiation82. Alors, pourquoi ces discours, repris par les historiens, donnent-ils toujours l’image de paysans cramponnés à leurs usages, quand les vœux privilégient le partage et l’amodiation ? Troubles et pétitions qui s’opposent au changement du mode de jouissance semblent étayer cette idée, mais leur analyse plus approfondie révèle des conflits sociaux et la préférence pour le partage. À partir de tous ces cas particuliers, une typologie des régions, établie d’après les vœux des habitants, souligne l’opposition entre les régions qui tiennent à maintenir la jouissance collective, celles qui expriment des vœux de partage mais ne changent rien, et celles où prévaut la volonté de mise en culture individuelle.

Les régions qui veulent conserver les pâturages communs

  • 83 M. Hau note qu’il s’agit toujours d’une croissance agricole de type extensif, mais le troupeau ovin (...)
  • 84 Il existe bien sûr une hiérarchie de fortune entre les habitants, mais on peut dire qu’ils sont tou (...)

61Ce sont celles dont l’économie repose sur l’activité pastorale : montagne alpine, pyrénéenne, jurassienne et ardennaise. Ici, tous vivent de l’élevage, et les communautés rurales réglementent strictement les usages. Cette activité pastorale, loin d’être archaïque, représente à ce moment la meilleure façon de s’adapter aux progrès agricoles et répondre aux demandes du marché : les Ardennes ont accru leur troupeau de mérinos, le Jura a développé des fruitières pour la fabrication des fromages83. Le Briançonnais est l’exemple extrême de ces régions où il n’est jamais question de remettre en cause la jouissance commune. L’agriculture très pauvre a fait des efforts d’adaptation à la fin du xviiie siècle, repris avec vigueur sous le Premier Empire : la meilleure part des revenus provient de l’embouche des bêtes achetées aux foires de printemps et revendues engraissées à l’automne, ainsi que des fromages confectionnés avec les bêtes gardées toute l’année. Tout le monde profite réellement des communaux, car les taxes de dépaissance rétablissent l’équité. Les rares non propriétaires et ceux qui ont moins de un arpent ont droit à la dépaissance gratuite d’une vache et trois brebis. Chaque part de deux arpents et demi donne droit à une vache supplémentaire. Tout animal envoyé en supplément est taxé, dix francs par vache, 0,50 par brebis84. Les pauvres peuvent souscrire des baux à cheptel pour entretenir une ou deux rosses en hiver ou pour élever quelques bêtes en été. Le maintien des communaux correspond donc à une utilisation rationnelle des pâturages, justifiée par un choix économique et par l’application de règles strictes par une communauté rurale restée très forte.

  • 85 J.-F. Soulet, Les Pyrénées au XIXe s., thèse, Toulouse, 1986. pp. 930-949 (éditée par Eché 1987).

62Mais une telle unanimité est rare. Dans les Pyrénées, Jean-François Soulet décrit des sociétés ébranlées par la remise en cause des biens collectifs, des droits d’usage dans les forêts, et de la transmission à un seul héritier. L’élite bourgeoise joint ses efforts à ceux de l’administration pour inciter à l’amodiation. Les usurpations, « générales », sont perpétrées par tous. Malgré toutes ces attaques, la plupart des communes de montagne tentent de garder leurs terres85.

Massif Central et le Béarn

  • 86 Cette analyse repose sur A. Corbin, Archaïsme et modernité en Limousin, 1845-1880, A. Rivière, 1975 (...)
  • 87 ConseiJ général des Basses-Pyrénées, 1836. F10 1578. Cf. P. Lamaison, « La diversité des modes de t (...)
  • 88 Fie VII, sous-préfet de Bayonne. 1834. C’est le seul endroit où l’ordonnance de 1819 contre les usu (...)
  • 89 Nombreux cas de vente dans les archives communales, A.D. Basses-Pyrénées, dossiers cotés IN, ex. IN (...)

63Ces deux régions expriment des vœux de partage mais la jouissance collective triomphe sur de vastes landes restées incultes, livrées sans règle à la jouissance commune. Les raisons de ce blocage trouvent leurs sources dans l’organisation sociale. Dans le Massif Central, tout dans les structures sociales et économiques concourt à laisser ces terres dans un état lamentable. Ici existe une très forte cohésion des communautés de hameau au sein desquelles les contrastes sociaux sont faibles. Or les biens appartiennent indivisément aux habitants de ces hameaux. La seule solution équitable à leurs yeux est un partage entre les propriétaires de la section. Devant le refus de l’administration, les communaux ne sont pas mis en culture. L’état de l’agriculture, pitoyable, n’y incite pas non plus : aucun progrès, absence d’innovation, manque de capitaux. Les communaux sont les plus vastes dans la montagne, là où la population est moins dense, insuffisante pour mettre en valeur toutes les terres. Ce problème « cristallise rarement les tensions », car il semble que les vœux de partage restent platoniques et que personne n’y ait vraiment intérêt, ni les gros qui envoient leurs bêtes, ni les petits qui ouvrent un champ dans un coin du communal86. En Béarn, il semble bien que rien n’ait changé depuis l’Ancien Régime. Les chefs d’oustau essaient de transmettre à l’aîné l’intégralité de l’héritage. Celui-ci comporte implicitement la jouissance des communaux qui apporte nourriture et engrais : « La multitude tient aux communaux comme à un noble héritage, comme à une tradition paternelle »87. Le préfet ici, ne sait comment agir car il se heurte à des usages qu’il ne comprend pas toujours : syndicats de vallée, « confusion entre la propriété communale et la propriété privée », « fausses indications données par le cadastre »88. Dans les deux enquêtes, les réponses qui réclament le partage révèlent une coalition des paysans pauvres et des notables départementaux, évolution intéressante qui prouve l’influence déclinante des propriétaires au sein du conseil général. Mais, localement ces héritiers sont puissants et bloquent toute transformation, préférant des ventes de portions pour répondre aux besoins financiers des communes89.

La volonté de mise en culture individuelle

64Les régions gagnées par la volonté de mise en culture individuelle sont de deux sortes : plaines et plateaux où ne subsistent que de petits pâturages ; Midi, Bourgogne et plateau jurassien qui en ont encore de vastes étendues.

  • 90 Des 32 pétitions conservées aux A.N. pour la période 1830- janvier 1848. 10 concernent ces régions (...)
  • 91 BB30 364, rapport du procureur général de Poitiers, décembre 1849 (émeute à Mouzeuil, canton de Lhe (...)
  • 92 Exemple (daté de 1840) tiré de G. Galaeiura-Lenormand. Les biens communaux de l’arrondissement de P (...)

65Les régions où les communaux laissés au pâturage commun sont devenus minimes, presque des reliques, et par là ne servent qu’à un petit nombre de gens, sont paradoxalement les plus agitées90. Ainsi en Vendée, où jusqu’ici on n’a jamais parlé de ces terres, « la question des communaux est une de celles qui soulèvent le plus de haine et d’irritation dans ces contrées et il est à craindre que l’autorité judiciaire ne suffise pas pour la trancher »91 en 1849. Que signifient donc ces troubles ? Chaque fois est repris le discours traditionnel du communal-indispensable-à-la-vache-du-pauvre mis en place un demi-siècle plus tôt, or il n’a plus rien à voir avec la réalité. On s’aperçoit qu’il est conservé par les petits notables locaux comme paravent pour continuer à accaparer la jouissance ; il est conservé aussi par les pauvres pour en revendiquer le droit au bénéfice. Le conseil municipal d’Ermont (Seine-et-Oise) a loué un pâturage à cinq personnes dont deux conseillers. Une pétition de protestation est envoyée au préfet, et le maire adresse un courrier de justification. De la confrontation des deux textes, il ressort que la commune (580 hab.) n’a pour tout bétail que 44 vaches, dont 15 tout au plus profitent de cette pâture. Or, la pétition qui recueille une centaine de signatures prétend que « cette pâture constituait la seule ressource des malheureux pour nourrir leur unique vache qui les aidait à élever leur famille ». Poncif ? Seul argument recevable ? Les causes réelles de la protestation ne sont avouées qu’incidemment : la location s’est faite au profit des plus riches de la commune92.

  • 93 BB18 1218, 9471, août 1833. Autres exemples, BB18 1107/3145 ; 1108/3004 ; 1128/6001 ; 1159/418.

66Les émotions provoquées par la mise en ferme des communaux participent souvent d’un désir de partage. Le conseil municipal de Bréhémont (arrondissement de Chinon) a voté l’amodiation. Quand les arpenteurs viennent, ils sont entourés par les habitants, au premier rang desquels les femmes, qui s’agitent et crient leur indignation. Ils refusent l’amodiation car « ils veulent chacun leur part ». Ils s’en prennent au maire et les dragons doivent intervenir. Presque toujours transparaît une hostilité des habitants envers le conseil municipal, responsable d’une mauvaise décision, destinée à avantager ses membres93.

  • 94 Cité par F. Clauvaud. Les passions villageoises au xix e siècle. Les émotions rurales dans les pays (...)
  • 95 BB18 1440, 1851.

67Les voies de fait et menaces qui entravent la liberté des enchères en 1842 à Montfort peuvent être interprétées de la même façon. La « plaine de Montfort », de 60 ha doit être affermée en 26 lots. Le procès-verbal note les cris qui dominent le brouhaha de la séance d’adjudication : « Ne mettez pas d’enchères ! On n’a pas le droit de louer la terre ! », « A bas le conseil ! On ne louera pas ! », « C’est à nous la plaine ! »94. Se retrouvent ici l’hostilité au conseil où siègent les notables élus, et le sentiment d’être dépossédés. « C’est à nous » exprime la conviction que le communal est le bien de l’ensemble des habitants, surtout des pauvres, or cette adjudication le livrera à la jouissance de 26 personnes seulement. Ce « C’est à nous » peut aller jusqu’à exprimer la défense de l’identité communale. En 1846, l’arrivée des arpenteurs à Caurel (Côtes-du-Nord) déclenche des troubles car les habitants qui rêvent d’un partage entre eux sont alarmés par un bruit de « mise en vente à un étranger qui ruinerait l’industrie du pays »95.

  • 96 C’est ce que montre le mémoire de C. Calauiura-Lenormand, op. cit. A l’Isle-Adam, en 1836, trois pr (...)

68Tous ces exemples prouvent que les habitants sont très attachés aux terres communales, comme à leur bien dont ils ne veulent pas être dépossédés. Par contre, ils ne demandent pas mieux que d’en jouir séparément. Ceci s’exprime par les désirs de vente ou de partage dans l’ouest où domine l’individualisme. Dans le nord et surtout le nord-est, les communautés rurales sont restées assez vivantes et fortes pour imposer que les communaux non boisés, d’étendue modeste, soient loués à bas prix en petits lots. Dans toutes les régions, plus la quantité de communaux restants est faible, plus les conflits qui les entourent s’apparentent à des querelles de voisinage entre propriétaires96. Mais toujours abrités derrière le discours de la vache du pauvre, ils font grande impression.

Midi, Bourgogne et plateau jurassien

  • 97 BB 18 1461, 5296. Ajoutons qu’en plus les pauvres de Gonfaron semblent hostiles à l’Eglise (M. Agul (...)

69Ce sont des variantes de ces régions gagnées à l’individualisme et elles ne s’en distinguent que par la grande étendue des communaux dont environ la moitié est boisée. Les désirs de partage, conjugués à la hargne contre les Eaux et Forêts, ne requièrent qu’une étincelle pour s’exprimer violemment. Dans le Var, les antagonismes sociaux sont exacerbés. Ils ont fait échouer les tentatives de partage durant la Révolution. Les riches qui ont les troupeaux veulent garder le pâturage commun et ils en excluent les chèvres des pauvres. Très significative est l’émeute de Gonfaron en janvier 1848. Les habitants se soulèvent car le bruit courait que le projet de construction d’une église coûterait des sommes considérables et nécessiterait la vente des communaux. Quelle est la cause réelle de l’émeute : crainte de perdre les communaux ? Fureur contre un projet ruineux qui ne leur plaît pas, décidé par les notables seuls, qui veulent en faire reposer le financement sur tous, par une vente plutôt que par des centimes additionnels ? En 1848, les désirs de partage s’expriment clairement dans 12 cantons du Var sur 3297.

  • 98 Cf. Ph. Gonod, Transmission du patrimoine foncier dans le Val de Saône, XVIIIe-XIXe s., Thèse, Lyon (...)
  • 99 Ph. Vigier, La vie quotidienne en province et à Paris pendant les journées de 1848, Paris. Hachette (...)

70En Bourgogne, Bresse et sur les contreforts jurassiens, la situation est tout aussi tendue. Selon la répartition des fortunes au sein de la communauté, la question se résout différemment. A Feillens, au nord de Mâcon (Saône-et-Loire), triomphe la petite propriété (2 ha en moyenne) et tout habitant a au moins quelques ares. Chacun envoie ses vaches (de 1 à 4) dans le troupeau commun, sur les prairies du bord de la Saône (10 % du territoire). Aucune taxe n’est instaurée et le système se maintient à la satisfaction de tous98. A quelques kilomètres au nord d’ici, sur le Doubs près de son confluent avec la Saône, à Longepierre, une vingtaine de familles possèdent l’essentiel des terres. Les petits n’ont plus qu’à se louer chez eux comme journaliers. Le communal (16 % du territoire) ne sert qu’aux notables qui détiennent la mairie et ont édicté un règlement qui en exclut oies et moutons des pauvres. Vives tensions que le préfet réussit à désamorcer temporairement en poussant le conseil municipal à amodier. En février 1839, la location pour 9 ans, en petites parts, procure une aisance financière à la commune et la satisfaction des paysans. Mais les notables espèrent bien récupérer les communaux en 1848. Aussi, les élections municipales au suffrage universel, cristallisées autour de cet enjeu, donnent la victoire aux partisans du lotissement du communal, aux démocrates groupés autour de l’instituteur Pierre Vaux. L’âpreté de la lutte est telle que les notables obtiennent la révocation de Pierre Vaux en 1850, puis sa déportation en 185299.

  • 100 Lettre du maire de Mareuil-Caubert (arr. Abbeville), Somme, 1836, F10 1578.

71De tous ces exemples et de la typologie dégagée, il ressort que les vœux des habitants prennent moins en compte les réalités agricoles que sociales. L’enjeu est celui de la possession de la terre. Largement, malgré tous les interdits depuis 50 ans, les petits réclament le partage, mais les propriétaires relativement aisés qui, par le suffrage censitaire, siègent au conseil municipal, accaparent la jouissance et refusent de changer, « administration inerte qui ne s’écarte jamais des ornières de sa vieille routine, trop souvent guidée par l’égoïsme et l’intérêt personnel »100. Le gouvernement a bien compris que le conseil municipal est le point de résistance, et c’est pourquoi son objectif est de le contraindre. C’est l’enjeu essentiel du débat au sein du monde politique.

L’enjeu de pouvoir. De l’impossibilité de faire aboutir un projet de loi

  • 101 Moniteur Universel, 19 février 1848, p. 448. En 1847 ; les membres de la sous-commission des biens (...)

72Le 19 février 1848, le comte Duchâtel présente devant la Chambre des Députés le projet longuement préparé par la commission formée de membres du Conseil d’État101.

« Nous soumettons avec confiance à vos délibérations, une œuvre de prévoyance sociale, conçue dans des vues conformes aux règles d’une bonne administration, préparée avec une maturité nécessaire, et dont les classes laborieuses et pauvres sont particulièrement appelées à en recueillir le bienfait ».

  • 102 Quelques pétitions sont classées dans les dossiers C 913 et C 980, avec les projets de loi de 1848- (...)

73Duchâtel est emporté dans la tourmente, mais son projet subsiste et, dès l’été 1848, le débat renaît. Contrairement au scénario de la première révolution, les masses rurales n’exercent sur l’assemblée qu’une pression indirecte, en ce qui concerne ce sujet des communaux ; même lors des débats, elles écrivent peu102. Pourtant, la République démocratique et sociale a fait naître les espoirs de renouer avec la première République et de voter le partage. Les candidats à l’assemblée Constituante ont dû prendre ces vœux en considération dans leur campagne électorale. Latour de Saint-Ybars fonde sa campagne sur la question forestière en Ariège. Dans le Var, et dans une moindre mesure en Hérault, ce problème favorise sans doute la radicalisation des masses rurales en 1848 et leur ralliement à la République rouge. C’est ce qu’a compris le baron Haussmann, nommé préfet du Var.

  • 103 G. Haussmann, Mémoires, Harvard, Paris, 1890, pp. 312-314.

« Une très puissante raison ne contribua pas peu, chez les cultivateurs et même parmi les petits propriétaires, au succès de doctrines promettant une nouvelle attribution des biens et par conséquent, de la propriété foncière : ils réclamaient depuis longtemps le partage des biens communaux... Je n’hésitai donc pas à faire campagne pour ramener à des opinions politiques modérées les partisans du partage des communaux... Tous mes discours étaient des variations sur ce thème : « Vous vous plaignez avec raison de l’état improductif des biens communaux et pour y remédier, vous demandez à bon droit qu’ils deviennent des biens particuliers : mais alors pourquoi sympathisez-vous avec les socialistes qui veulent au contraire transformer les propriétés particulières en propriétés communes ? »103

  • 104 Voir les discours de Pierre Joigneaux (né en Côte-d’Or), Lettres d’un paysan aux cultivateurs. publ (...)
  • 105 Charles Renouvier, Manuel républicain de l’homme et du citoyen, publié sous les auspices du ministr (...)

74En dehors du Languedoc et de la Provence très agités par les communaux, il semble que l’enjeu soit essentiellement local, comme à Longepierre, et donc plus difficile à déceler. Les Montagnards ne s’intéressent réellement aux désirs des ruraux qu’à partir de 1849, encore leurs discours restent-ils vagues104. Attentifs surtout à l’usure et à l’oppression du capital, ils n’utilisent le thème des communaux que localement, là où les désirs de partage sont les plus vivaces, et ils préconisent alors « le morcellement des terres comme solution au problème agraire », idée de la République sociale du printemps 48 qui précisait : « les inconvénients de la division seraient levés par l’association des petits propriétaires »105

  • 106 Projet de décret, relatif à la mise en vigueur avec amendement de la loi du 10 juin 1793 sur les bi (...)
  • 107 Loi relative à l’application de l’impôt des mutations aux biens de main-morte. Duvergier. Collectio (...)
  • 108 C 980. 189.
  • 109 Rapport de Tendret. au nom du comité de l’administration départementale et communale, (représentant (...)

75Les espoirs de partage se concrétisent aussi à l’assemblée. Le 22 juin 1848, Guigue de Champvans, représentant modéré de l’Ain, propose de remettre en vigueur la loi du 10 juin 1793. Il reprend, dans un style adapté à l’époque, les thèmes de la première Révolution : souci d’équité sociale et de modernisation juridique. « Remettre par parcelles la terre entre les mains laborieuses de la famille est évidemment agir selon les desseins de Dieu ». Il attaque la nature même de la propriété communale, bien de mainmorte qui ressortit d’un « code vieilli, indigne d’un pays ayant atteint ce degré de civilisation »106. Sensibles à cet argument, les députés votent aisément le 20 février 1849, l’établissement d’une taxe annuelle sur les biens de mainmorte107. Puis un autre projet est soumis à la Législative à la fin 1849 par les députés montagnards de la Creuse, Fayolle, Guisard et Moreau. Plus habile et modéré, il rappelle moins la loi de 1793 puisqu’il propose le partage entre les chefs de famille et contre une redevance durant 20 ans108. Mais ni la Constituante ni la Législative ne veulent accéder aux désirs de partage qui les effraient. Elles s’arc-boutent sur les raisonnements juridiques mis au point depuis 1800 et qu’exposent Tendret à l’assemblée le 29 août 1848 et Cauchy en septembre 48109. Le partage spolie la commune et les générations futures.

  • 110 Tendret. Ibid.

« Les biens communaux appartiennent à la commune, être moral. Les lui enlever pour les donner à l’habitant, c’est spolier l’un pour enrichir l’autre, c’est violer le droit et la propriété, c’est sacrifier les générations à venir à la génération présente110

  • 111 Cauchy va plus loin dans sa crainte de voir la propriété conununale remise en question. car toute p (...)

76S’y ajoutent les préoccupations sociales. Paresse et pauvreté étant indissociables selon les notables, ils prévoient que les pauvres vendront rapidement et n’auront plus aucun subside111.

  • 112 Proposition de Huot, 27 juillet 1848. représentant républicain conservateur des Vosges. C 913. 108. (...)
  • 113 C. 943. Ribemont (Aisne) veut amodier par petits lots à la classe nécessiteuse, car « il s’agit moi (...)
  • 114 C 980. 188.

77Le comité de l’administration départementale et communale de la Constituante qui examine les projets de loi sur les communaux en juillet-août 1848, puis la commission constituée par la Législative écartent aussi bien les partages en pleine propriété que le partage de jouissance proposé par Huot112. La solution retenue est l’amodiation, car elle seule peut répondre, selon eux, aux préoccupations sociales et aux vœux exprimés dans l’enquête en juin 1848113. Au printemps 1848, ces idées de fraternité et de concorde sociale marquent le projet Tendret où les baux sont distribués sans enchères, « avec un fermage fixé bien inférieur au prix du produit réel » (art. 6) et, si le nombre des lots est inférieur à celui des chefs de famille, ce sont les moins aisés qui auront la préférence. Puis au fil des mois, les préoccupations sociales s’estompent. Dufournel, conservateur libéral propose, le 16 juillet 1849. d’amodier 1/5 des communaux ; « le bail ne peut être consenti qu’à un habitant du village qui a charge de famille, est sans rente »114. Enfin, le dernier projet en janvier 1851, réduit cette volonté sociale à une clause subsidiaire :

  • 115 B. IN. 8 Lf13 91. 1848. La commission de Frontignan (Hérault) pense aussi à concéder les communaux (...)

78« Le conseil municipal délibérera... 4) sur l’attribution qu’il paraîtrait convenable de faire au profit des pauvres sur le revenu des terrains ». Le souci des députés se déplace progressivement de l’aide aux pauvres par fraternité vers la stabilisation de ces pauvres en milieu rural afin de maintenir l’ordre social. Le conseil général de l’Allier approuve le projet « parce qu’il améliore le sort des habitants pauvres et les retient à la campagne par le travail qu’il leur procure »115

79Et finalement, loin de toute illusion, les députés aboutissent prosaïquement aux craintes devant toute loi qui toucherait les masses rurales.

  • 116 Intervention de Chaper. représentant conservateur de la Côte d Or, ancien préfet de Louis-Philippe. (...)
  • 117 Ibid.. Goulhot de Saint-Germain, conservateur monarchiste, sous-préfet de Romorantin sous Louis-Phi (...)

« Quand il n’y aura qu’une volonté controversable à opposer aux passions populaires. à ces habitudes de possession antique, immémoriale, bien certainement, il y aura des résistances, et ces résistances iront jusqu’à l’emploi des armes ; ce projet de loi est plein de menaces pour l’avenir »116
« N’oublions pas ce que souffrent en ce moment les campagnes... et c est précisément ce moment que nous choisirions pour jeter dans la population rurale des ferments d inquiétude, de trouble et de division... Il n est pas. soyez-en convaincus, d intérêt plus susceptible et plus ombrageux. Il n’y faut toucher qu’avec une extrême prudence et une grande humanité. »117

  • 118 Tel Cauchy qui veut donner autorité au Conseil d’État.
  • 119 Quelques-uns font des vœux pour qu’une loi favorisant la mise en culture intervienne rapidement, ta (...)
  • 120 Pour replacer ce débat dans le contexte général, voir S. Mannoni, Une et indivisible, Storia dell’a (...)

80Mais la raison fondamentale de l’échec de tout projet de loi réside dans la définition des pouvoirs locaux. Puisqu’il faut contraindre les conseils municipaux qui laissent les terres en friche par intérêt égoïste, qui en aura le pouvoir ? Pour la monarchie de Juillet, c’était l’administration supérieure qui devait être investie, tentation de diminuer les concessions décentralisatrices de la loi de 1837. Le rapport Tendret en août 1849 opte encore pour cette tutelle de l’administration, vision centralisatrice que soutiennent les préfets et les juristes118. Les conseils généraux dont on sollicite l’avis sur ces projets en 1848, 49 et 50, se cantonnent dans des réponses vagues, mais 5 d’entre eux préfèrent que ce soit le conseil général et non le préfet qui statue119. S’appuyant sur cette enquête, la commission de 1850-51, présidée par le conservateur Montigny, secondé par le légitimiste Vernhette, réduit le rôle du préfet au profit de celui du conseil général. Elle propose une décentralisation qui donnerait le pouvoir aux notables afin de compenser les risques du suffrage universel. Ce projet va dans le même sens que celui de la commission de l’administration communale120.

81Les libéraux veulent préserver les libertés municipales acquises. Ils craignent que cette forme de décentralisation ne profite aux notables, aussi s’opposent-ils à ce que les communes perdent la liberté de gestion de leurs communaux. L’orléaniste Sainte-Beuve s’élève aux grands principes :

  • 121 Moniteur Universel, 7 janvier 1851, p. 46. Le projet dont les trois premiers articles ont été votés (...)

« Il y a là, Messieurs, autre chose qu’un principe théorique, il y a là la force que donne à un homme l’habitude de traiter les affaires municipales ; cette habitude donne de la trempe à son caractère ; c’est en s’occupant des affaires municipales qu’il devient apte à discuter et à comprendre les affaires de son pays. C’est la véritable école des institutions libres ; c’est sur la liberté municipale que vous pourrez fonder, si vous y parvenez jamais, la liberté publique...
C’est la question même du gouvernement libre qui est en jeu. C’est la plus profonde des illusions, c’est la plus grande des erreurs que de croire que vous aurez jamais une représentation sérieuse, des institutions libres, si vous ne commencez pas par les asseoir sur cette indestructible base des libertés municipales »121

82Après cette intervention, décisive, le projet est renvoyé en commission et enterré.

Conclusion

83Les blocages légués par la période révolutionnaire et le Premier Empire n’ont pas été levés. Ils ont d’abord engendré un temps de répit mais non d’oubli. Puis es patients efforts de la monarchie de Juillet, qui reprend les principes de Napoléon et tente de faire oublier les ventes de 1813, ne suffisent pas pour obtenir le vote d’une nouvelle loi sur les communaux. Le grand élan démocratique et social du printemps 1848 n’y parvient pas plus car les représentants du peuple, conscients de l’importance des enjeux, ont reculé craintivement devant le vote d’une loi de portée nationale. On peut en effet déceler des enjeux de pouvoir à trois niveaux.

84Tout d’abord au sein de la communauté rurale, les communaux sont disputés entre les pauvres et les propriétaires qui les accaparent, à la fois pour en tirer un bénéfice matériel et pour mieux asseoir leur domination. En maintenant la jouissance commune, ou en amodiant à leur profit, ils confortent leur oligarchie.

85Les communaux sont encore un enjeu dans la définition du pouvoir municipal. La possession de biens est un élément essentiel de l’identité d’une communauté, et il est remarquable que l’offensive des juristes contre la propriété communale, si forte en 1792-93, connaisse un reflux. De la définition du statut de ces biens découle la conception des libertés municipales, ainsi que l’a montré le débat entre Adolphe Thiers et Odilon Barrot. Or l’administration des communaux constitue le principal domaine de liberté de décision accordé aux conseils municipaux par la loi de 1837. C’est pourquoi toute loi qui y porterait atteinte serait très mal perçue.

86Enfin, les tentatives des représentants du peuple pour utiliser les communaux dans le but de contribuer à résoudre la crise économique peuvent encore les faire qualifier d’enjeu de pouvoir, car il s’agit d’écarter un risque révolutionnaire en stabilisant les pauvres à la campagne, en freinant l’exode rural et la concentration des masses populaires dangereuses pour le pouvoir conservateur. Les communaux peuvent y contribuer par la location de lopins de terre, ils servent aussi à financer les ateliers de charité dans les villages après l’été 1848, soit par les subsides financiers qu’ils procurent, soit par les travaux de drainage opérés pour les assainir. Notons que les enjeux économiques sont peu débattus, parce que la nécessité de la mise en culture est une évidence acceptée de tous, et que finalement, la haute administration a compris, grâce à sa statistique, que les surfaces cultivables ne sont pas considérables (des 4,7 millions d’hectares, il faut retrancher les forêts, 1,7 million d’ha, et les alpages).

87Conscients de tous ces enjeux, les représentants du peuple ont reculé devant le vote d’une loi de portée nationale. Leur intérêt modéré pour l’agriculture a été aisément balayé par leurs craintes devant l’agitation populaire. Ils ont conscience de la susceptibilité des communes attachées à leurs libertés récemment conquises et hérissées par les limites imposées par le Code forestier. Enfin, à côté de toutes les raisons juridiques avancées contre le partage, on ne peut nier que l’Assemblée constituante craigne de raviver les passions de 1792-93. Elle comprend donc que les enjeux vont encore au-delà de la question des pouvoirs.

88Durant la première moitié du xixe siècle, l’avidité de tous à l’égard des terres vacantes atteint son paroxysme. Moment de forte pression démographique dans les campagnes qui accroît la pression foncière. Le discours gouvernemental, discret sous la Restauration, très assuré sous la monarchie de Juillet, défend le maintien de la propriété communale, mais l’administration a beaucoup de mal à résister à la demande de terres. Par leurs efforts de persuasion, les préfets ont réussi à sauvegarder des communaux par l’amodiation, mais ils n’ont pu enrayer les usurpations qui les grignotent subrepticement et efficacement au moment où s’élabore le cadastre, et ils ont dû autoriser de nombreuses petites ventes et des partages contre redevances, masqués sous le terme de vente à l’amiable. Attaqués par tous, riches, pauvres et riverains, les communaux diminuent sans qu’on puisse le chiffrer puisque la première statistique n’intervient qu’en 1846. Loin d’être attachés au pâturage commun, les habitants, avides d’une parcelle, rêvent d’un partage entre eux. Bien souvent, ce sont les conseils municipaux qui maintiennent en l’état, malgré la réprobation des petits et de l’administration supérieure.

  • 122 Ch. IV, introduction.

89Le discours stéréotypé du communal-indispensable-à-la-vache-du-pauvre s’est imposé pleinement. Vers 1760, la monarchie a fait du communal l’apanage du pauvre, idée reprise par la gauche révolutionnaire. Nous avons vu comment s’était construit entre 1793 et 1800, cet axiome altruiste qui servait tous les intérêts122. Ce discours possède, selon l’utilisateur, des vertus lénifiantes ou revendicatives. Ainsi, la vache du pauvre est devenue le paravent derrière lequel s’abritent les propriétaires pour accaparer tranquillement la jouissance. Elle est aussi invoquée par les pauvres car elle justifie leur revendication à tirer équitablement profit des terres. Il n’y a guère que dans les régions où les pauvres en profitent réellement que ce discours est absent. Il révèle en fait le sentiment complexe des habitants à l’égard de la possession des communaux. Ils les revendiquent avec force et s’insurgent contre tout dessaisissement, soit de jouissance, soit de propriété, car ils sont leur apanage. Mais rien n’empêche d’en jouir individuellement. Il faut donc insister sur cette distinction qui apparaît clairement dans l’étude des troubles : l’attachement très profond au communal ne signifie nullement attachement à la jouissance collective. Et on retrouve au xixe siècle les mêmes revendications qu’en 1792, le désir de partage et l’opposition aux notables, seigneurs autrefois, riches aujourd’hui.

90Il est remarquable que le mouvement populaire soit très faible en 1848, comparativement à 1792. Il n’y a guère que le Midi (Languedoc et Provence) où les deux mouvements pourraient être comparés. Pourquoi ? Le problème forestier accapare manifestement l’intérêt des régions pourvues de communaux et c’est sur ce front qu’elles se battent en 1848. On peut aussi remarquer que l’expression a été continue sur ce sujet depuis 1830 et que la médiocre réceptivité de l’assemblée aux questions agricoles n’incite pas les paysans déçus, en particulier par l’impôt sur le sel, à écrire. Mais ce calme relatif ne signifie-t-il pas avant tout que la question n’a plus la même acuité, qu’elle a commencé à se résoudre par la nette diminution du domaine en jouissance commune ?

Notes

1 Chambre des Députés, 19 février 1848. Moniteur Universel, p. 448.

2 Nous renvoyons à notre article déjà cité (Études et Documents. CHEFF, 1995) sur la loi de 1813 où l’étude de la discussion de 1816 et du souvenir laissé par la loi est plus approfondie.

3 Proclamation du 26 avril 1814 que diffusent les préfets royalistes du nord-est de la France, touché par la loi. (F3 II Meurthe 1, et F3 II Doubs 1).

4 Discussion des articles 17 à 20 du titre IV, Arch. Parl., t. XV pp. 511-512. Cf. N. Dauphin, La Chambre des Députés et l’opinion publique, août 1815 – avril 1816, Doctorat de 3e cycle, Paris-X, Î975, 3 vol dactylogr., pp. 301-321. Dans les deux mois qui précèdent, brochures et mémoires sont distribués aux députés. Quatre mémoires en particulier portent sur le thème des communaux (A.N.C 2737, noe 20, 23, 24 et 26). Deux veulent maintenir les ventes, ils émanent d’un contribuable du Rhône et d’un « citoyen qui n’est ni rentier, ni propriétaire de biens nationaux, ni créancier de l’Etat et encore moins capitaliste ». Par contre, les deux autres émanent de députés ultras hostiles aux ventes : le baron de Jumilhac et Bourrienne.

5 Arch. Parl., t. XVI, p. 528, Baron Pasquier : « L’aliénation ne leur est pas aussi défavorable qu’on a voulu le faire croire. Il suffirait de leur donner une inscription égale au prix de vente ». Ibid, Ganilh, député du Cantal, p. 559, et M. Colomb, député des Hautes-Alpes, p. 614.

6 Ibid, Josse-Beauvoir, p. 632.

7 Ibid., Villèle, p. 620.

8 Ibid., Bonald, p. 639. Son intervention a eu un grand succès : imprimée à six exemplaires et « expédiée dans les départements car elle renferme les principes que les députés veulent répandre ». Discours violent qui ne s’embarrasse pas d’exactitude. Il parle de 75 opposants au Corps législatif lors du vote de mars 1813, alors qu’ils n’étaient en réalité que 26.

9 Ibid, p. 551.

10 Bulletin des lois n° 176, art. 1er. Chaque assemblée législative a réfléchi à la question, mais aucun projet n’avait abouti. Cf. Viney, « L’ordonnance forestière de Colbert et les législateurs de la Révolution française », Revue forestière française, 1969, pp. 606-610. P. Weyd, « Projet de code forestier de l’an IV », Revue des Eaux et Forêts, 1905, pp. 545-559 et « Projet de code forestier de l’an VII », Revue des Eaux et Forêts, 1912, pp. 71- 101 et 110-137. L’administration forestière a été réorganisée le 16 nivôse an IX, Cf. G. Buttoud, « L’administration forestière sous le Consulat et l’empire », Revue Forestière Française, 1981, 5, pp. 401-414.

11 Cf. M. Petitot-Mauries, « Forêt communale, droits d’usage et affouage en Châtillonnais », Études Rurales, oct. 1972, pp. 78-104. R. Laurent, L’agriculture en Côte-d’Or pendant la première moitié du 19e s., Dijon, 1931, pp. 60-66.

12 Déjà auparavant, les Eaux et Forêts limitaient la dépaissance en interdisant les quartiers déclarés en défens. ce qui donnait lieu à des procès. Cl. Table alphabétique... de tous les arrêts rapportés dans la partie criminelle du Bulletin de la cour de Cassation. 1798-1823, pp. 254-255 (délits dans les forêts communales)

13 Chiffres de la statistique agricole de 1852, donc au moment où le pâturage en forêt est déjà restreint. Exemple cité par M. Chevalier. La vie Humaine dans les Pyrénées ariégeoises. Paris, 1956, p. 353.

14 Bois suffisamment forts pour être à Cabri des ravages des bestiaux et où le pâturage est autorisé.

15 44 pétitions adressées à la Chambre des députés sur ce sujet de 1828 à 1848. conservées dans les dossiers C 2177 à 2753. Les registres d’enregistrement des pétitions sont cotés C*2411 à 2431. Délibérations des conseils généraux : C 913 (107-108) ; empiète de 1848 : C 943 à 969.

16 Latour de Saint-Ybars, La question forestière dans l’Ariège, Toulouse, 1849. p. 14.

17 Procureur de la République à Montlouis, Pyrénées-Orientales, juillet 1848, BB18 1460-5248a.

18 Pétition de Thomas, bûcheron de la Nièvre, février 1850 (C 2297- 1461) et de G. Goldenberg, président de la société d’agriculture de Saverne (G 2261-6132). En effet, les pères fondateurs de l’école forestière de Nancy (Lorentz, Marcotte et Baudrillart) s’inspirent des rhénans Hartig et Cotta. Contestation de la nocivité des bovins : Ex. : Basses-Alpes, Saint-Paul, (questions 18 et 27) ; Hautes-Alpes, Briançon, (18 et 27) ; Ariège, Ax (4,14,18,27, 28, 29), Foix (18), La bastide (18) ; Aude : Axat (4,28) et Belcaire (14) ; Côte-d’Or, Crancey (28) ; Moselle, Bitche (28) ; Bas-Rhin, Saverne (18,28) et Bischwiller (27) (enquête de 1848, c 943 à 969). Tout en reconnaissant les dégâts commis par les chèvres, les habitants les défendent comme en témoigne la délibération du conseil municipal de Saint-Julien le Montagnier (Var), véritable hymne à la chèvre, cité par M. Agulhon, La république au village, Plon, 1970, p. 85.

19 Pyrénées-Orientales, arr. Céret, pétition de 1848, BB18 1460- 5248a. Ils se plaignent aussi du retard avec lequel l’administration accorde les coupes. Un bois de 5 ans devait servir à faire des cercles et la coupe était estimée à 2500 F. L’autorisation n’est accordée que 2 ans plus tard, le bois trop gros ne sert plus qu’au charbon, et la perte financière est pour la commune.

20 C’est un leitmotiv de l’enquête de 1848 : ex. Briançon (Hautes-Alpes), Ax, Saint-Girons, Foix (Ariège), Saint-Jean (Drôme), La Petite-Pierre (Bas-Rhin).

21 Pétition C 2261-6132.

22 C 944 : Latour de Saint-Ybars, op. cit., p. 19 ; et N. Vivier, Le Briançonnais rural, Paris, 1992, pp. 117-122.

23 Dix pétitions conservées pour 1828-31, dont 6 en 1828, provenant de la Manche, Charente-maritime... (C*2411). Toutes les pétitions ne sont pas conservées et il n’est pas fait mention des pétitions communiquées directement aux commissions de la chambre. Toutefois, on peut les espérer représentatives car leur répartition chronologique suit bien les mouvements de la politique forestière.

24 M. Agulhon, op. cit., p. 86. Cette célèbre et déroutante révolte forestière a suscité beaucoup de travaux. La thèse de F. Baby, La guerre des Demoiselles, 1829-1872, Montbel, Ariège, 1972. L’ouvrage de P. Sahlins, Forest rites. The War of the Demoiselles, Harvard University Press, 1994, cherche à expliquer cette guerre par la culture paysanne ariégeoise ; il montre comment les Demoiselles utilisent leurs traditions pour les adapter au monde moderne et se défendre contre les oppresseurs (donne la bibliographie).

25 En 1837-39, 15 pétitions venant surtout de Côte-d’Or, Haute-Marne et Var.

26 C 2223- 306, pétition des maires des communes usagères delà forêt de Haguenau (Bas-Rhin) ; C 2261-6132, présentée par G. Goldenberg, président de la société d’agriculture de Saverne, texte de 40 pages qui recueille 35742 signatures de « pères de famille » dans 332 communes ; C 2753-36, brochure de 67 p. signée de « plusieurs électeurs et propriétaires du département du Doubs ».

27 BB30 364. BB30 362, et BB18 1460. Voir S. Coquerelle, « L’armée et la répression dans les campagnes en 1848 », Bibliothèque de la Révolution de 1848, T. XVIII, pp. 121-159 ; Ph. Vigier, « Les troubles forestiers du premier xixe siècle français », Revue forestière, 1980, pp. 128-135 ; et notre mémoire de maîtrise, Nadine Plisson, Le problème des communaux en France, 1827-1877, Paris-X, 1971, pp. 64-90.

28 Bull, des lois, n° 521, p. 129.

29 Moniteur Universel, Baron Mounier, 19 mars 1835 et ministre de l’intérieur, 27 janvier 1836. Amendement du député de la Creuse, le 3 février 1837.

30 Arch. Parl., t. 83, pp. 409 et 465. Barthe, ministre de la Justice le soutient.

31 L. Aucoc, « Les controverses sur la décentralisation administrative, étude historique », Revue générale d’administration, 1895, p. 35.

32 O. Barrot, Chambre des députés, 8 mai 1833, Arch. Parl., p. 464.

33 Ex. C*2410, 3 pétitions sur ce thème. De 1825 à 1830, 530 suppressions de communes ont eu lieu, et 911 de 1830 à 1845 (selon L. Aucoc, Des sections de communes et des biens qui leur appartiennent, Paris, 1863, p. 69).

34 Bulletin des lois, 239, texte n° 5112.

35 De 1815 à 1830, 11 pétitions seulement sont adressées à la Chambre : 7 présentent un cas particulier pour s’insurger contre une vente ou une usurpation, 3 s’attardent sur les séquelles de la loi de 1793, réclamant en 1825 son rapport. Un seul envoi propose une réflexion généraile et conclut au partage (C*2406 à 2412).

36 Latruffe-Montmeylian, Des droits des communes sur les biens communaux, Paris, 1825-26,2 vol., 1.1, p. vij.

37 Merlin, Questions de droit, Bruxelles, 1829. t. 3. biens communaux.

38 Ceci touche au premier chef les propriétés boisées. Cf. A. Corvol, « L’affirmation de la propriété communale », in Révolution et Espaces forestiers, textes réunis par I). Woronoff, Paris. 1989. pp. 159-167. Delà même façon, dans les procès concernant les anciennes rentes seigneuriales abolies, les feudistes démontrent qu’il s’agit de rentes foncières et non féodales (communication de J.-J. Clère au colloque organisé par l Association d’Histoire des Sociétés Rurales, Auxerre, septembre 1995).

39 Sous l’Empire, avis du Conseil d’Etat et décret du 2 février 1809. Sur la période de la Restauration, ce sont des impressions qui ne pourraient être étayées que par un dépouillement exhaustif des archives judiciaires. On trouve des exemples de plaintes dans les dossiers de l’assemblée (en 1827, C*2407, en 1847, C 2223). Ces prétentions des anciens seigneurs déclenchent des troubles (BB181141,1187,1317), relevés par Christine Demenais, dans une maîtrise. Luttes paysannes et troubles agraires en France. 1815-1832, (s.d. A. Soboul, Sorbonne, 1977).

40 Ex. Proudhon, annoté par Curasson.

41 Le député Enout dépose le 11 août 1830 une proposition de loi (C 747, 122), puis le 14 décembre 1832, le comte Cornudet développe devant la Chambre des Pairs son projet de surveillance des communaux par les conseils municipaux. Une commission de 7 membres est constituée, mais n’aboutit pas car la question est étudiée pour la loi municipale et le comte meurt en 1834. (Arch. Pari., t. 78, p. 295). Les pétitions sont aussi présentées à la Chambre en 1830 (Moniteur Universel, 6 sept 1830, p. 1036 et 20 sept. 1830, p. 1130).

42 F10 1578. Le dossier comporte les circulaires officielles et les réponses de la moitié des départements (Drôme, Gard, Gironde puis par ordre alphabétique de Loire-inf. à la fin), les autres ayant disparu.

43 Le comte Duchâtel est ministre du commerce et de l’agriculture d’avril 1834 à février 1836, et H. Passy celui du gouvernement Thiers, février à août 1836. Puis Duchâtel est ministre de l’Intérieur à partir de 1840. Il a institué en septembre 1835 une commission de réflexion pour préparer le code rural qui aboutit à la consultation des conseils généraux de 1836 signée par Passy. Le comte Duchâtel étudie l’économie politique et connaît bien les économistes libéraux dont il diffuse les idées dans Le Globe. Il publie en 1836, Delà charité dans ses rapports avec l’état moral et le bien-être des classes inférieures de la société. (Cf. le mémoire de maîtrise de Catherine Folcher, Le comte Tanneguy Duchâtel, 1803-1867, Université de Paris XIII, 1995). H. Passy publie en 1845, Des systèmes de culture et de leur influence sur l’économie sociale, mémoire de l’Académie des Sciences morales et politiques de 1843.

44 Circulaire du 6 août 1836, F10 1578. Sur la philosophie sociale des économistes libéraux, voir F. Dernier, « La politique sociale de la France au XIXe s. », Historiens-Géographes, n° 338, décembre 1992, pp. 105-120.

45 La série F3 II comporte aussi de nombreux exemples de ventes éparses (Côtes-du-Nord, Orne). Claude Langlois décrit cette fièvre de construction et son coût financier dans Le diocèse de Vannes, 1800-1830, Paris, 1974, p. 361. De même Michel Lagrée dans celui de Rennes, Mentalités religion et histoire en Haute-Bretagne au 19e s., Paris, 1977, p. 277 ; et Philippe Boutry dans l’Ain, Prêtres et paroisses au pays du curé d’Ars, Paris, 1986. Alain Corbin décrit l’investissement dans de nouvelles cloches au prix de la vente de communaux : Les cloches de la terre, Paris, 1994, passim et p. 80.

46 F3 II Ille-et-Vilaine 13, Le Theil, 1834, vente de 5 ha, aux enchères par lots. Les dossiers généraux de la série F3 II ne contiennent guère de documents au-delà de 1820, par contre les dossiers de chaque commune couvrent les années 1800-1840 et comportent de nombreuses ventes. Des pétitions réclament la possibilité de vendre (C 2133, 828 et 1202 ; C 2138, 422 ; C 2177, 216 ; C 2191, 372).

47 Ex. Flc VII Somme 1.

48 Ex. dans la série F3 II : Nord 12 et 33, Ille-et-Vilaine, Landes où le préfet préconise les ventes en 1832, Seine-inférieure 2, etc. Les études régionales soulignent leur importance : Gachon, Les Limagnes du sud, Tours, 1939, p. 336 ; Estève, Mentalités et comportement politique dans le Cantal, 1852-1914, Thèse, Paris-X, 1995, pp. 187-190 ; Ph. Vigier, Essai sur la répartition de la propriété foncière dans la région alpine, Paris, 1963, pp. 207-208.

49 Citations successives : F3 II Manche 1, 1818 ; F3 II Hérault 1, projet de Latude, 1822 ; F3 II Corse 1, Instruction du ministre, 30 juillet 1818 et circulaires du préfet du 15 juin et 3 septembre 1818. 29 demandes sont examinées dès 1819. En 1826, 37 autres dossiers sont prêts. Mais certains préfets hésitent toujours à transmettre les demandes, ex. celui de Haute-Loire qui attend 1827, F3 II Haute-Loire 1.

50 Cf. Wœlflé, Mémoire sur les biens communaux du département du Bas-Rhin, 1862.

51 Rapport de Rouland devant la chambre des députés, Moniteur Universel, 28 mars 1847, p. 633-34 et rapport de Daru devant la chambre des Pairs, 1er avril 1847. La carte 17 présente un recensement incomplet car certaines pétitions ne sont pas enregistrées dans le répertoire, mais confiées directement à des commissions de la Chambre et ne se retrouvent pas dans les dossiers de préparation des lois. D’autre part, seuls les principaux thèmes ont été retenus ici, ils concernent essentiellement les années 1830-1848, Les adresses ayant pour thème la fiscalité ou la loi de 1793 (8 pétitions de 1820 à 1826) ne sont pas représentées. A l’instigation d’un avocat, Amiot, des pétitions ont été signées dans 66 communes de Côte-d’Or, Saône-et-Loire et Jura. Elles ne sont représentées ici que par trois signes.

52 Avis du 26 avril 1844. Ceux du 21 février 1838,16 mars 1838 allaient dans le même sens. L. Aucoc, op. cit., pp. 450-455.

53 F3 II Côte-d’Or 41, lettre du préfet, sept. 1838 ; F3 II Yonne 1. Troubles en Isère BB18 1414, 6941, août 1843 et BB18 1428, 9706, janvier 1845. Exemples de troubles en 1848 : BB30 359, cour d’Amiens, Plouvion, Aisne, avril 1848 ; BB30 362, cour de Montpellier, La Salvetat, Hérault, avril 1848.

54 G. Désert, Une société rurale au 19es., les paysans du Calvados, 1815-1895, Lille, 1975, p. 546. Voir aussi l’exemple d’Ecrameville où les habitants ont lutté entre eux durant 50,ans. En 1837, le partage par feu est exécuté. Gabolde, « Un procès sur le droit de partage dans le marais d’Ecrameville », Revue historique de droit français et étranger, 1961, pp. 642-643.

55 F3 II Côte-d’Or 41 et C 2177,353 ; C 2185,89 ; BB18 1410,6179, Échenon, canton de Saint-Jean-de-Losne, 1843.

56 Textes : rapport au ministre de l’Intérieur, janvier 1818, F3 I 3. Prescription trentenaire : Code civil, articles 2227 et 2262. Ordonnance du 23 juin 1819 : Bulletin des lois, n" 290, 6842, art. 1.

57 Citations : Doubs, préfet de Villiers du Terrage, février 1819, F3 I 3. Loubressac : lettre du préfet, octobre 1817, F3 I 3. F3 II Cantal 1. Le préfet Locard passant ensuite dans le Cher où les usurpations étaient nombreuses, devenu circonspect, ne semble pas avoir lancé de grande offensive. F3 II Ariège 1, même remarque dans F3 II Haut-Rhin 1, bilan de 1821. Exemple de coût de reconnaissance des terrains : le conseil général de l’Aisne vote déjà le 18 octobre 1821 une somme de 3000 F à cet effet (F3 II Aisne 1).

58 F3 I 3, Rapport au ministre de janvier 1818. Selon le préfet des Hautes-Pyrénées, dans son département, « le nombre des usurpateurs égale les deux tiers des propriétaires », août 1816.

59 Parfois, il ne souhaite pas bouger, ex. Aiguesvives, F6 II Aude 2. Lorsque les habitants refusent de restituer, le préfet n’a aucun moyen (Saint Hilaire-la-Pallud, août 1822, F3 II Deux-Sèvres 1).

60 Malgré les consignes de rapidité, l’action a été lente. Dans les années 1823-25, des préfets demandent de proroger la loi (F3 II Marne 1, mars 1823 ; F3 II Côte-d’Or 2, Labergement-le-Duc 1828 ; F3 II Côtes-du-Nord, les soumissions s’étalent de 1818 à 1834).

61 Il est impossible de mener une étude plus approfondie de ces documents épars. Chaque soumission est entérinée par une ordonnance royale, mais il n’en existe que des exemples dans les dossiers des A.N. et le conseil d’Etat ne possède pas la collection. La fourchette des prix de vente est très large, selon la valeur des terrains. En Loire-Inférieure, ils oscillent de 54 F/ha à Blain, à 630 F à La Chapelle-sur-Erdre.

62 Exemples extraits de l’enquête de 1836, F10 1578 : Pyrénées-orientales, Pas-de-Calais, Béthune. Autres exemples de fauteurs influents : conseils généraux du Cher et du Gard, pétition de Gremonville (Seine-inf.) dans le Moniteur Universel, 6 sept. 1830, p. 1036. Exemple de riverains usurpateurs : Sarthe, Saint-Calais ; Basses-Pyrénées, conseil général.

63 Le conseil général de Seine-Inférieure en 1823 « observe en dernier lieu qu’un des motifs d’opposition pourrait s’appuyer sur des souvenirs récents et amers, sur la vente ordonnée en 1813 des terrains clos dont le prix fut absorbé par un gouvernement obéré et dévorant, sans que les communes aient été suffisamment dédommagées », F3 II Seine-Inférieure 1.

64 F3 II Haut-Rhin 1, bilan dressé en janvier 1821, 233 ha affermés. F3 II Vosges 1 : en 1819 sont adjugés les baux de 435 lots (36 ha, soit 8 ares en moyenne).

65 « Cette mesure met un terme à des inconvénients d’une nature assez grave. Les habitants d’une commune ne vont plus se lever en masse pour aller ensemencer les terres préparées par ceux d’une autre commune, chasser leurs bestiaux et commettre d’autres dégâts punissables, sur les personnes mêmes ». Lettre du préfet, 1825, F3 II Corse 1 et F6 II Corse 2, budgets détaillés de 1823 à 1836.

66 Elle est associée à une volonté de connaissances précises. Dans ce but sont créés le 24 janvier 1841, les inspecteurs généraux de l’agriculture, « afin de connaître la situation économique par des voix que ne viendra déformer aucune considération politique ». Quatre rapports ont été publiés, Haute-Garonne, Tarn, Aude et Hautes-Pyrénées où « les communaux retardent le progrès » (A. N. AD XIXc 86).

67 Fla 40.

68 Ex. Grellet-Dumazeau, op. cit., et V. Deschamps, Du partage des communaux, Besançon, 1834. Le Journal d’agriculture pratique aborde 4 fois le sujet de 1846 à 48. L. Grandvaux, « De l’emploi des communaux » Journal d’agriculture pratique, déc. 1846, pp. 102-112.

69 F10 1577, rapports des préfets aux conseils généraux., Ceux-ci, élus au suffrage censitaire élargi qui prend en compte la patente, comptent maintenant plus de fabricants, commerçants, peu avertis d’agriculture. Ils suivent donc plus aisément l’avis du préfet sur ce sujet. Ces votes se trouvent réunis dans C 913.

70 F10 1577 et 1578. En Côte-d’Or, 113 communes ont amodié (Moniteur Universel, 28 août 1848, p. 2209). E Cauchy, De la propriété communale et de la mise en culture des communaux, sept. 1848, cite des résultats obtenus (p. 130) : affermage de 3738 ha en Côte-d’Or, 7200 ha dans le Doubs et 2437 ha en Haute-Saône.

71 A.D. Somme, Oa II Monchy-Lagache.

72 Circulaire de 1836, F10 1578.

73 Enquête de 1836 : F10 1578. Sont conservés par les départements suivants : Drôme, Gard, Gironde puis pap ordre alphabétique de Loire-inf. à la fin. La commission créée en 1843, est composée de membres du Conseil d’Etat. Parmi ceux qui mettent la dernière main an projet en 1847, seul Cliassefoup-Laubat est aussi député (F3 I 3). La statistique figure dans le dossier C 913.

74 De 1820 à janvier 1848, seulement 32 pétitions concernent les communaux non boisés, dont 25 de 1830 à 1848 (C* 2407 à 2428). De mars 1848 à 1850, on ne trouve que 5 pétitions contre le code forestier et 4 pour demander le partage (1 classée dans les pétitions C 2256, et trois dans les dossiers de projets de loi C 913 et C 980). La carte 17, qui les recense, y ajoute les troubles.

75 Enquête de 1848 : C 943 à C 969. Qu. 27 : Quelle est la situation actuelle de l’agriculture ? Qu. 28 : Quels travaux pourrait-on entreprendre dans le canton à l’avantage de l’agriculture ? Qu. 29 : Quels seraient les moyens d’arrêter l’émigration vers les villes des travailleurs des campagnes, et d’appliipier aux travaux des champs les bras inoccupés de l’industrie ? Sur les 71 départements conservés au moins partiellement, 45 ont parlé des communaux. Cf. J. Charon-Bordas, Ouvriers et paysans au milieu du 19e s., l’enquête de 1818 sur le travail, Paris, 1994, qui présente, outre des extraits, la critique de cette source et la liste des cantons dont les réponses sont conservées.

76 Séries BB18 et BB30. Les archives judiciaires départementales sont difficiles à exploiter dans une étude ayant pour cadre la France entière, le dépouillement serait considérable pour une moisson insignifiante.

77 Réserves générales sur les statistiques lu xive siècle. Cf. B. Cille, Les sources statistiques de l’histoire de France. des enquêtes du xviie siècle à 1870. Genève-Paris, 1964.

78 Napoléon Nicklès, « Mise en culture des communaux d’Erstein », Journal d’agriculture pratique, 1848, t. V, pp. 517-518. Et F10 1578. Le conseil d’arrondissement se plaint que de petits paysans endettés vendent à vil prix leur droit de jouissance.

79 Citations des réponses des cantons de Morlaix. Finistère C 952, Châteauilun, Eure-et-Loir C 952, et Senlis, Oise, C 961.

80 Ces chiffres sont ceux donnés au ministre de l’Intérieur en 1843, fondés sur les réponses de 1 836 (F3 1 3). La carte ne pouvait pas être élaborée à partir de ces réponses dont il manque la moitié. Elle utilise les vieux des conseils généraux exprimés de 1836 à 1846. Les résultats départementaux sont plus complets car certains sont exprimés tardivement.

81 Bazas, Gironde, G 953 et Oloron, Basses-Pyrénées, C 962.

82 Réponse du préfet du Haut-Rhin à l’enquête de 1836.

83 M. Hau note qu’il s’agit toujours d’une croissance agricole de type extensif, mais le troupeau ovin s’est accru de 96 % de 1802 à 1852, et il est composé de mérinos pour 76 % (La croissance économique de la Champagne, 1810-1869, op. cit., p. 25). J.-L. Mayaud, Les secondes républiques du Doubs, Paris, 1986.

84 Il existe bien sûr une hiérarchie de fortune entre les habitants, mais on peut dire qu’ils sont tous pauvres et aucun ne s’enrichit par l’agriculture. Le suffrage censitaire ne donnait droit de vote qu’à 2 électeurs sous la Restauration (le pharmacien de Briançon et le maître de poste de Largentière) puis 48 sous monarchie de Juillet. (N. Vivier, Le Briançonnais rural, op. cit., passim).

85 J.-F. Soulet, Les Pyrénées au XIXe s., thèse, Toulouse, 1986. pp. 930-949 (éditée par Eché 1987).

86 Cette analyse repose sur A. Corbin, Archaïsme et modernité en Limousin, 1845-1880, A. Rivière, 1975, ch. IV, pp. 240-295. Les descriptions de ces terres sont invariantes. « Nos communaux ne consistent pas seulement en bruyères. Ils présentent des pâturages précieux, et c’est là que se manifestent de la manière la plus déplorable, les abus du régime communal. Des ruisseaux ravinent le sol. Des sources ne produisent plus que de dangereux bourbiers. Un pillage, presque continuel, dépouille ces malheureux terrains de leur gazon et de leurs engrais naturels. La communauté entière vient y prendre sa terre à bâtir et y pratique des excavations qui ne se comblent jamais. Les surfaces demeurées praticables aux voitures sont sillonnées de chemins dans tous les sens, avec tout le dédain, on pourrait dire toute la haine qu’inspirerait un sol ennemi. Enfin, si malgré ces causes, le communal donne quelque chétive production, elle est livrée au pâturage, de manière à le détruire plutôt qu’à en profiter. Le gros bétail, les bêtes à laine, les chèvres, les porcs et les oies y sont jetés pêle-mêle, les uns ravageant et infectant ce qui aurait pu être pâturé par les autres. » Grellet-Dumazeau, Du partage des communaux en Creuse. Aubusson, 1831, p. 3.

87 ConseiJ général des Basses-Pyrénées, 1836. F10 1578. Cf. P. Lamaison, « La diversité des modes de transmission », Etudes Rurales, avril 1988. pp. 119-175.

88 Fie VII, sous-préfet de Bayonne. 1834. C’est le seul endroit où l’ordonnance de 1819 contre les usurpations est accueillie par des protestations.

89 Nombreux cas de vente dans les archives communales, A.D. Basses-Pyrénées, dossiers cotés IN, ex. INI Accous, Salies de Béarn, INI à 7. La variété des réponses de l’enquête de 1848 est instructive et reflète le pouvoir des chefs d’oustau au sein de la commission. Elles vont du silence, au vœu prudent de mise en culture et de partage. Seul Monein (Oloron) défend le maintien. C 962.

90 Des 32 pétitions conservées aux A.N. pour la période 1830- janvier 1848. 10 concernent ces régions aux communaux reliques. 3 réclament le partage, 4 la vente. I s‘y oppose et 2 s insurgent contre la location qui ne profite qu’aux conseillers municipaux.

91 BB30 364, rapport du procureur général de Poitiers, décembre 1849 (émeute à Mouzeuil, canton de Lhermenault).

92 Exemple (daté de 1840) tiré de G. Galaeiura-Lenormand. Les biens communaux de l’arrondissement de Pontoise de la Révolution à la fin du xixe siècle. maîtrise, Paris-XIII 1995, p. 178.

93 BB18 1218, 9471, août 1833. Autres exemples, BB18 1107/3145 ; 1108/3004 ; 1128/6001 ; 1159/418.

94 Cité par F. Clauvaud. Les passions villageoises au xix e siècle. Les émotions rurales dans les pays de Reauce. du Hurepoix et du Mantois. Publisud, 1995, p. 224.

95 BB18 1440, 1851.

96 C’est ce que montre le mémoire de C. Calauiura-Lenormand, op. cit. A l’Isle-Adam, en 1836, trois propriétaires s’opposent à une vente. L’étude du cadastre montre que ces hommes, riverains du communal, ont intérêt au partage (p. 166).

97 BB 18 1461, 5296. Ajoutons qu’en plus les pauvres de Gonfaron semblent hostiles à l’Eglise (M. Agulhon, La République au village, op. cit., pp. 92 et 327). Désir de partage exprimé aussi par les pétitions, G 913, 107, 9 et 10.

98 Cf. Ph. Gonod, Transmission du patrimoine foncier dans le Val de Saône, XVIIIe-XIXe s., Thèse, Lyon II, 1993.

99 Ph. Vigier, La vie quotidienne en province et à Paris pendant les journées de 1848, Paris. Hachette, 1982, pp. 218-227.

100 Lettre du maire de Mareuil-Caubert (arr. Abbeville), Somme, 1836, F10 1578.

101 Moniteur Universel, 19 février 1848, p. 448. En 1847 ; les membres de la sous-commission des biens communaux (créée en 1843) sont : le vicomte de Chasseloup-Laubat (1805-1873, le futur ministre de la marine), président, Boulatignier, Dumartroy, Salmon et de Bernon (F3 I 3).

102 Quelques pétitions sont classées dans les dossiers C 913 et C 980, avec les projets de loi de 1848-1850. Il est fort probable qu’elles n’ont pas toutes été conservées.

103 G. Haussmann, Mémoires, Harvard, Paris, 1890, pp. 312-314.

104 Voir les discours de Pierre Joigneaux (né en Côte-d’Or), Lettres d’un paysan aux cultivateurs. publiées par La Réforme, rééd. 1849 par le Bureau de la propagande démocratique (B.N. 8 1.1,55 347) et « A mes frères des campagnes ». toast porté au banquet du Mans. 22 avril 1849, reproduit dans E. Sue. Le Républicain des campagnes. Propagande démocratique et sociale, nouvelle édition, 1849. pp. 71-78.

105 Charles Renouvier, Manuel républicain de l’homme et du citoyen, publié sous les auspices du ministre provisoire de l’instruction publique, Paris. 1848. p. 22. L.A. Loubere, « The emergenee of t the Extreme-Left in Lower Languedoc, 1848-1851 », American Historical Revieu, avril 1968. pp. 1019-1051. Voir aussi, P. MePhee, The Politics of rural life. Political Mobilization in French Countryside, 1846-1852, Oxford. 1992, p. 125-130 ; R. Huard, Le mouvement républicain en Bas-Languedoc, 1848-1881, Presses de la ENSP. 1982, pp. 35-36.

106 Projet de décret, relatif à la mise en vigueur avec amendement de la loi du 10 juin 1793 sur les biens communaux, présenté par M. Guigne de Champvans. envoyé au comité d’administration communale et départementale. 1848. pp. 8 à 12.

107 Loi relative à l’application de l’impôt des mutations aux biens de main-morte. Duvergier. Collection des lois. 1849. pp. 29-30.

108 C 980. 189.

109 Rapport de Tendret. au nom du comité de l’administration départementale et communale, (représentant de l’Ain, vote à droite). Moniteur Universel, p. 2207. E. Cauchy, De la propriété communale et de la mise en culture des communaux à l’occasion du projet de décret présenté à l’Assemblée nationale par son comité de l’administration départementale et communale, Paris, septembre 1848.

110 Tendret. Ibid.

111 Cauchy va plus loin dans sa crainte de voir la propriété conununale remise en question. car toute propriété est intangible : « Il y a dans l’ordre social des lois préexistantes posées par Dieu même et auxquelles on ne pourrait toucher sans tomber dans le chaos. C’est ainsi que la propriété et la famille... se retrouveront toujours debout et inébranlables au milieu même des ruines qu on aura faites au autour d’elles pour essayer de les atteindre » op. rit., p. 8.

112 Proposition de Huot, 27 juillet 1848. représentant républicain conservateur des Vosges. C 913. 108. La commission de la Législative est constituée en octobre 1849. de 9 conservateurs dont 3 légitimistes, de 4 bonapartistes et 2 gam be modérée. Parmi eux, 8 sont des conservateurs libéraux. Voir Denis Boullier. Les questions agricoles à l’Assemblée législative de la Seconde République (niai 1819-décembre 1851). doctorat de 3e cycle. Paris-X. 1988. 2 vol. (t. 1. p. 231 et t. 2. p. 75).

113 C. 943. Ribemont (Aisne) veut amodier par petits lots à la classe nécessiteuse, car « il s’agit moins de grossir les revenus communaux que d’offrir des secours déguisés » et Maximieux (Ain) conclut « en un mot. améliorer la condition des prolétaires par tous les moyens dont peut disposer le gouvernement ».

114 C 980. 188.

115 B. IN. 8 Lf13 91. 1848. La commission de Frontignan (Hérault) pense aussi à concéder les communaux aux ouvriers car « ils seraient très contents d’être propriétaires et ce serait un motif de les rattacher au bon ordre » (C 954).

116 Intervention de Chaper. représentant conservateur de la Côte d Or, ancien préfet de Louis-Philippe. Moniteur Universel, 5 janvier 1851, p. 31.

117 Ibid.. Goulhot de Saint-Germain, conservateur monarchiste, sous-préfet de Romorantin sous Louis-Philippe.

118 Tel Cauchy qui veut donner autorité au Conseil d’État.

119 Quelques-uns font des vœux pour qu’une loi favorisant la mise en culture intervienne rapidement, tandis que d’autres craignent une loi nationale, comme en 1792. Cinq départements proposent autre chose que l’amodiation, une douzaine se contentent d’une approbation vague, enveloppée dans une phrase en faveur des nécessiteux. Il est remarquable qu’un seul département (Gard) défende les conseils municipaux, attaqués aussi bien par les habitants que par les notables.

120 Pour replacer ce débat dans le contexte général, voir S. Mannoni, Une et indivisible, Storia dell’accentramento, op. cit., t. 2, pp. 250-274. Voir aussi le Compte rendu des séances de l’Assemblée Législative, 20 juillet 1851, t. 15, p. 15.

121 Moniteur Universel, 7 janvier 1851, p. 46. Le projet dont les trois premiers articles ont été votés, est renvoyé en commission par le rejet du quatrième portant sur le pouvoir donné au conseil général.

122 Ch. IV, introduction.

Table des illustrations

Titre Carte 15. Origine des pétitions concernant les communaux boisés, 1827-1848
Crédits Sources : AN C 2114 à 2753.
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Titre Carte 16. Troubles forestiers en 1848
Crédits Sources : A.N. séries BB 18, BB 30 et C (pétitions).
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Titre Carte 17. Pétitions et troubles concernant les communaux non boisés, 1820-1850
Crédits Sources : A.N. C* 2407 à 343 J et C 2080 à 2260.
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Titre Carte 18. Superficie et nature des biens communaux en 1846, d’après A.N.C 913
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Titre Carte 19. Valeur estimée d’un hectare de terre communale en 1846
Crédits Sources: A. N. 9133, statistique de 1846.
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Titre Carte 20. Vœux des Conseils généraux, 1836-1848
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Titre Carte 21. Enquête de 1848 – Réponses des cantons aux questions 27.28 et 29
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