Version classiqueVersion mobile

Objets et symboles

 | 
Laurent Dhennequin
, 
Guillaume Gernez
, 
Jessica Giraud

IV. Culture et espace de l’idéel et du symbolique

Les sépultures du bassin de Mexico aux phases Zacatenco et Ticomán

Un éclairage pertinent de l’organisation de l’espace funéraire ?

Cybèle David

Résumé

For the Formative period in the Mexico Basin, burial data arise from burials excavated in different sites dating from Zacatenco and Ticomán phases (b.c. 700 – a.c. 100). Burials distribution leads us to wonder if we can restitute and understand the spatial burial organization in these societies. Even without consideration of ideology for burial practices or choices of investigated sites or part of them in the twentieth century, material data poses the problematic of the burials’ representativeness for studying the Preclassic burial spaces organization.

We intend to identify burial spaces as depositional places of deaths and cultural practices in relation with death: even though the studied burials allow us to delimit burial spaces, they may not be regarded as references standing for the whole burial spaces of these societies since the basin sites periphery or the rural zones remain badly known. Nevertheless taking the scale of the whole basin to study spatial burial organization allows to reduce mentioned distortions; spaces were multifunctional, burials were distributed in the daily spaces of people: houses, patios, politico-religious platforms. If the materiality of the burial spaces was omnipresent in cities or villages and in relation with ancient everyday life, death ideology should probably have been too.

Texte intégral

1Le thème choisi dans le cadre de la présente rencontre doctorale concerne nos travaux sur les pratiques funéraires dans le bassin de Mexico à la période appelée Formatif, aux phases Zacatenco et Ticomán de 700 av. J.-C. à 100 apr. J.-C. (fig. 1). La localisation des sépultures fouillées au cours du xxe siècle dans les sites du bassin de Mexico (fig. 2) pourrait en effet apporter un éclairage pertinent de l’espace funéraire des sociétés dites « formatives ».

Fig.1. Chronologie régionale

Bassin de Mexico

 

Parsons 1983

Niederberger 2000

Charlton & Nichols 1997

Sanders, et al. 1979

300dC

Classique

 

Miccaotli

Ealry claasic

Premier Intermédiaire phase V

200dC

100dC

Formatif Terminal

Late terminal formative / Tzacualli

Premier Intermédiaire phase IV

0

100aC

Ticomán

Early terminal formative / Patlachique

Premier Intermédiaire phase III

200aC

300aC

Formatif Récent

Late formative / Cuanalan

Premier Intermédiaire phase II

400aC

Zacatenco

500aC

600aC

Premier Intermédiaire phase I

700aC

Formatif Moyen

Tetelpan

Late middle Formative / Chiconautla

800aC

Manantial

Fig.2. Carte de répartition des sites et des sépultures des phases Zacatenco et Ticomán dans le bassin de Mexico

Fig.2. Carte de répartition des sites et des sépultures des phases Zacatenco et Ticomán dans le bassin de Mexico

D’après Sanders et al. 1979 et Niederberger 1987.

2Tout d’abord, il nous semble important de donner quelques précisions à propos de l’intitulé qui nous a été proposé pour cette rencontre. En effet, de quelle « culture matérielle » parlons-nous ? Pour identifier quel « espace culturel » ? La notion de « culture matérielle » est un concept utilisé en archéologie qui correspond à un assemblage des vestiges matériels supposés caractéristiques d’un ou plusieurs groupes à un moment donné. Si nous considérons ici les données archéologiques enregistrées, et en particulier les sépultures et leur contexte, comme notre « culture matérielle », il ne s’agit cependant pas de les assimiler à une « identité culturelle » définie ; nous les envisageons plutôt comme un ensemble de faits culturels plus ou moins partagés par les communautés du bassin de Mexico dont les identités dépassaient les réalités matérielles. En ce qui concerne « l’espace culturel », nous l’appréhendons comme une réalité spatiale hybride, à la fois matérielle et idéelle où ont lieu des interactions entre divers traits culturels, partagés par différentes communautés plus ou moins dépendantes les unes des autres et interagissantes. Ainsi, un espace est le plus souvent chargé de plusieurs identités interpénétrées selon des modalités changeantes. Nous ne prétendons donc pas ici, à partir des données archéologiques, identifier un espace culturel proprement dit, mais tenter de comprendre comment s’organisent les espaces funéraires à différentes échelles, de la sépulture, au site, jusqu’à l’ensemble du bassin de Mexico.

3Le bassin de Mexico est occupé par des populations agraires depuis le Ve millénaire ; au IIe millénaire apparaissent des capitales régionales (Niederberger 2000), comme Tlapacoya ou Tlatilco, dans le cadre d’une économie agricole bien établie ; les populations, qui se hiérarchisent et se spécialisent, organisent des réseaux d’échanges interrégionaux surtout avec les sociétés dites « olmèques » de la côte du Golfe, la vallée d’Oaxaca et la côte Pacifique.

4Les phases Zacatenco et Ticomán appelées aussi Préclassique ou Formatif moyen et récent correspondent au développement proto-urbain de deux capitales régionales majeures : Cuicuilco (fig. 3), qui a un pouvoir politique d’intégration régional croissant pendant toute la période, et Teotihuacan à partir de la phase Ticomán (fig. 1). La période suivante, appelée Classique, voit l’essor de Teotihuacan, qui concentre une forte population et un pouvoir politique à capacité de coordination et d’organisation suprarégionale, dans le cadre de réseaux d’échanges à longue distance (Niederberger 1987).

Fig.3. Photographie de la structure circulaire de Cuicuilco

Fig.3. Photographie de la structure circulaire de Cuicuilco

Cliché : Schávelzon 1983.

Les sites fouillés

L’identification et la localisation des sites des phases Zacatenco et Ticomán

5Une vaste campagne de prospection a été menée dans les années 1960 à 1975 sous la direction de Sanders, Parsons et Santley (1979). 80 % du bassin ont été prospectés, et des cartes ont été élaborées pour chaque grande période d’occupation. Nous avons repris ces cartes en y apportant quelques modifications issues de travaux plus récents, tout en conservant la typologie proposée : du centre régional au hameau. Nous avons donc une idée générale assez bonne de la répartition des sites selon leur taille et leur fonction approximative aux périodes qui nous intéressent (fig. 2).

6Le bassin de Mexico se situe au centre du Mexique, au sud de l’Altiplano central. C’est un bassin endoréique élevé (2 200 m d’altitude) d’une extension de 9 600 km2, fortement marqué par les événements tectoniques et le contexte volcanique du Tertiaire et du Quaternaire. Il est fermé par de hautes sierras franchissables par des cols élevés souvent autour de 3 000 m à l’exception du nord où un relief plus irrégulier et plus bas est moins contraignant (fig. 2). À l’époque préhispanique, un système lacustre recouvrait une superficie de 700 km2 au centre du bassin, formé de cinq lacs connectés sporadiquement entre eux ; les eaux des sous-bassins de Xaltocan et Zumpango et de Chalco – Xochimilco, ne se déversaient dans le lac du sous-Bassin de Texcoco qu’exceptionnellement, ce dernier se trouvant à un niveau légèrement inférieur (Nierderberger 1987).

7Nous avons regroupé les sites en six zones, délimitées selon des critères de distance, d’accessibilité, de regroupement et de visibilité : Zumpango, la vallée de Teotihuacan, Texcoco sur la rive occidentale du lac central, Tacuba, sur la rive orientale, Xochimilco – Ixtapalapa au sud-ouest et Chalco au sud-est du lac méridional.

8Les sites des phases Zacatenco et Ticomán se situent globalement plutôt dans la moitié sud du bassin. Entre les deux phases, on observe une augmentation importante du nombre de sites sur la rive orientale du lac de Texcoco et dans la vallée de Teotihuacan, tandis qu’une légère baisse s’observe dans les zones de Zumpango et Tacuba. Le nombre de sites reste relativement stable dans les zones d’Ixtapalapa, Xochimilco et Chalco (fig. 4).

Fig.4. Évolution du nombre de sites entre les deux phases

 

Nombre de sites

 

 

Zacatenco

Ticomán

 

Zumpango

15

11

x 0,7 

Teotihuacan

25

53

x 2,1 

Texcoco (O)

32

53

x 1,7 

Tacuba

14

10

x 0,7

Ixtapalapa - Xochimilco

24

22

x 0,9

Chalco

59

65

x 1,1

TOTAL

169

214

x 1,3

Les sites fouillés : des choix et des contraintes

9Les coulées de lave des deux éruptions du volcan Xitle au début de notre ère ont recouvert une partie de la zone de Xochimilco, dont une fraction du site de Cuicuilco. Le « pedregal » qui s’est formé et qui recouvre les sites antérieurs au Classique rend les fouilles difficiles (fig. 2).

10L’urbanisation est la principale cause de destruction des sites, surtout dans le centre de Mexico et ses alentours (fig. 2) et plus récemment dans des zones bien plus vastes, avec la croissance rapide de l’aire urbaine vers l’est et le nord. Elle est aussi à l’origine de nombreuses fouilles de sauvetage comme à Buenaventura (Gamboa Cabezas 2000).

11Pour les fouilles, des choix ont été faits en fonction des objectifs, des connaissances et des besoins, ce qui a engendré une sélection liée à la taille, la polarisation, les fonctions et l’architecture. La majorité des sites étudiés ici ont été fouillés dans le but de préciser la séquence chronologique du bassin de Mexico : Ticomán à la fin des années 1920, ou Tlapacoya plus récemment (Vaillant 1931 ; Niederberger 1987). D’autres l’ont été parce qu’ils présentaient de l’architecture monumentale comme Cuicuilco (Heizer et Bennyhoff 1958, fig. 2). Peu de sites ont été fouillés dans une perspective de compréhension globale et de manière extensive à l’exception de Terremote-Tlaltenco (fig. 5) et Temamatla notamment (Serra Puche 1988, Serra Puche et al. 1990).

Fig.5. Reconstitution du site de Terremote-Tlaltenco

Fig.5. Reconstitution du site de Terremote-Tlaltenco

Serra Puche 1988 : 78.

12Finalement, l’intérêt longtemps porté à l’architecture et aux stratigraphies pour élaborer des séquences chronologiques est à l’origine de forts biais dans les choix des sites fouillés. Au total, 15 % des sites connus pour la période Zacatenco ont été l’objet d’au moins un projet de fouille et 9 % pour la période Ticomán. Si ces chiffres ne semblent pas insignifiants, il faut tenir compte du fait que ce ne sont parfois que quelques sondages qui ont été effectués (fig. 6-7).

Fig.6. Pourcentage des sites du bassin de Mexico fouillés par type à la phase Ticoman (moyenne : 9 %)

Fig.6. Pourcentage des sites du bassin de Mexico fouillés par type à la phase Ticoman (moyenne : 9 %)

Fig.7. Pourcentage des sites du bassin de Mexico fouillés par zone à la phase Zacatenco (moyenne : 15 %)

Fig.7. Pourcentage des sites du bassin de Mexico fouillés par zone à la phase Zacatenco (moyenne : 15 %)

13Globalement, plus les sites sont grands, plus la probabilité d’avoir fait l’objet d’une fouille est importante : les deux centres régionaux de l’époque Ticomán ont fait l’objet de campagnes de fouilles ; c’est aussi le cas de 42 % des centres locaux Ticomán et de 33 % pour la période Zacatenco ; à l’inverse, 5 % des hameaux Zacatenco et 1,5 % des hameaux Ticomán l’ont été.

14D’autre part, selon les zones, les différences sont importantes : aucun site (sur un total de 32) de la zone de Texcoco n’a été fouillé pour la période Zacatenco et 4 % pour la période Ticomán (2 sites sur 53), tandis que 24 % des sites de la zone d’Ixtapalapa – Xochimilco l’ont été, ce qui représente 9 sites sur 38 (fig. 6-7).

15Les zones qui ont été très peu, voire pas, fouillées sont la vallée d’Amecameca, le piémont oriental de Texcoco, la zone du pedregal, et la zone qui correspond au centre de Mexico dans la zone de Tacuba.

Les zones fouillées sur chaque site

16Enfin, les techniques de fouille et les secteurs choisis, à l’échelle du site, déterminent aussi les données archéologiques auxquelles nous avons accès. Beaucoup de sites fouillés ne l’ont en réalité été que très partiellement. Pour des questions de budget, de temps (sauvetage) ou d’objectif (séquence chronologique), la grande majorité des sites n’ont fait l’objet que de sondages ou de tranchées de quelques mètres carrés. Seuls quelques sites ont fait l’objet de fouilles plus extensives, permettant de mettre au jour des structures d’habitat ou civico-cérémonielles entières (Temamatla, Loma Torremote) (Serra Puche et al. 1990).

17De plus, la localisation des fouilles est, dans la grande majorité des cas, centrale et focalisée sur l’architecture : ce sont les plates-formes, les structures architecturales et les zones où se trouve la plus grande concentration de matériel de surface qui ont généralement été choisies, écartant les zones périphériques et l’habitat modeste associé.

L’espace funéraire

18Un enregistrement minutieux de toutes les sépultures fouillées dont il reste des traces écrites ou iconographiques dans des publications, des rapports de fouilles ou des archives a été effectué afin d’avoir une idée assez nette des connaissances dans le domaine funéraire.

19Au total, 625 individus ont pu être enregistrées, dont 175 pour la phase Zacatenco et 450 pour la phase Ticomán. Parmi eux, un grand nombre n’a été identifié que par des mentions très brèves dans certains documents : l’analyse à l’échelle de la sépulture, c’est-à-dire des pratiques funéraires, que nous ne détaillerons pas dans cet article, est dans de nombreux cas impossible. Nous pouvons cependant simplement préciser ici que la grande majorité des sépultures sont des inhumations primaires individuelles, parfois accompagnées de céramiques, de figurines, de mobilier lithique ou d’autres types d’objets (fig. 8).

Fig.8. Photographie de la sépulture 47 fouillée à Buenaventura en 2000

Fig.8. Photographie de la sépulture 47 fouillée à Buenaventura en 2000

Gamboa Cabezas 2000.

20Dans la grande majorité des sites, les sépultures ont été découvertes dans des fosses, parfois tronconiques, faisant souvent office de fosses funéraires après avoir eu une autre fonction (probablement de stockage). Ces fosses se trouvent dans et autour de l’habitat, dans la plupart des cas, creusées dans les plates-formes sur lesquelles étaient installées les structures d’habitat en matériau périssable ou dans les patios situés entre les différentes habitations (fig. 9). Dans les sites où il existe une architecture élaborée, avec des plates-formes plus importantes, avec des parements en pierres par exemple (comme à Buenaventura ou Tlapacoya), le schéma se répète (fig. 10). Des individus ont été déposés dans des fosses creusées dans la plate-forme. En général, ces structures « monumentales » sont interprétées comme des structures civico-cérémonielles, du fait de leur taille, de l’absence de traces d’activité domestique et de leur localisation au centre des sites.

Fig.9. Répartition des sépultures autour de structures d’habitat à Terremote-Tlaltenco

Fig.9. Répartition des sépultures autour de structures d’habitat à Terremote-Tlaltenco

Serra Puche 1988 : 106.

Fig.10. Localisation des sépultures dans la structure civico-cérémonielle de Tlapacoya

Fig.10. Localisation des sépultures dans la structure civico-cérémonielle de Tlapacoya

Barba de Piña Chan 1980.

21Dans la plupart des sites, seules quelques sépultures ont été découvertes malgré parfois des fouilles extensives comme à Terremote-Tlaltenco (Serra Puche 1988) ; d’autres sites ont permis de localiser un grand nombre d’entre elles, notamment à Ticomán, Zacatenco (Vaillant 1931), Buenaventura (Gamboa Cabezas 2000) ou Cuicuilco (Müller 1991).

22Il est important de noter que des restes osseux humains ont été assez fréquemment découverts dans les déblais ayant servi à la construction des plates-formes, notamment à Temamatla (Serra 1990). Il est probable que ces ossements correspondent à des sépultures de périodes antérieures perturbées lors des terrassements et aménagements de nouvelles structures architecturales.

23Un cas particulier est à mentionner : dans le site de Tetelpan, les restes de 16 individus ont été découverts dans une grande fosse ; une étude ostéologique précise a permis de mettre en évidence la présence de traces de découpe correspondant à des pratiques de décharnement (Pijoan et al. 1989).

24L’espace funéraire, considéré ici comme notre « espace culturel », peut être un espace spécifiquement réservé à la dimension immatérielle ou matérielle de la mort (le dépôt des défunts) ; mais ce peut être aussi un espace auquel sont conférées diverses attributions, activités ou fonctions tant matérielles qu’immatérielles, imbriquées les unes dans les autres. L’espace funéraire n’est ainsi pas singulier, mais pluriel : ce sont des espaces de la mort, parfois révélés par la présence des défunts qui en sont les principaux marqueurs, associés à d’autres types de fonctions ; certains de ces espaces n’ont qu’une dimension idéelle, difficilement identifiable en archéologie.

25L’analyse de l’espace funéraire nécessite une étude des sépultures à plusieurs échelles : régionale (localisation des sépultures dans le bassin de Mexico, que nous avons abordée auparavant), locale (répartition spatiale des sépultures dans un site) et celle de la sépulture (taphonomie) que nous n’aborderons pas ici.

26Dans le bassin de Mexico, aux phases Zacatenco et Ticomán, les sépultures se trouvent au cœur de l’habitat et de l’espace civico-cérémoniel des sites. Il n’y a donc pas d’espace spécifique de la mort, de territoire réservé aux dépôts funéraires, mais une imbrication des espaces domestiques, publics, cérémoniels et funéraires. La dimension funéraire est incluse dans l’espace quotidien, matériellement omniprésente. Il ne s’agit pas d’un espace, mais de multiples espaces dont les fonctions sont imbriquées, superposées sur un même territoire.

27Serra Puche (1982) écrit, à propos de Terremote-Tlaltenco : « fondamentalement, la sépulture est un élément dans le site, et dans le cas concret qui nous concerne, un village de pêcheurs du Formatif, une sépulture fait partie de ce que l’on appelle l’unité d’habitation » (fig. 5).

L’organisation de l’espace funéraire

28Pour diverses raisons, liées aux types de sources, aux découvertes et aux choix archéologiques, nous avons accès à des données partielles et biaisées de l’espace funéraire. D’une part, l’approche matérielle de l’espace funéraire, propre à l’archéologie, élimine son aspect idéel. D’autre part, la représentativité des sépultures dans les sites, les zones et le Bassin ne permet pas d’envisager de compréhension globale de l’organisation de l’espace funéraire. Au total, ce sont 625 individus qui ont été enregistrés, pour une période d’environ 600 ans, et ce, dans 15 % des sites connus dans le bassin de Mexico pour les phases Zacatenco et Ticomán ; très peu de hameaux ont été fouillés, et certaines zones n’ont pas fait l’objet de fouilles. De plus, ce sont presque toujours des sépultures fouillées dans le centre des sites, eux-mêmes souvent les plus grands que nous connaissons. Enfin, l’enregistrement des données ne permet souvent d’avoir une approche que très partielle de la dimension culturelle : le contexte, les pratiques, les relations des éléments entre eux, dans et entre les sépultures, ne sont souvent enregistrés que très partiellement.

29Cependant, les données que nous avons pu réunir nous permettent, dans une certaine mesure, d’appréhender l’organisation de l’espace funéraire. Nous avons pu identifier des espaces funéraires avec des traits communs et des spécificités à différentes échelles : le dépôt des défunts se faisait dans et autour de l’habitat lui-même ou dans l’architecture monumentale des villages et des centres locaux ou régionaux. Si nous ne pouvons élargir notre synthèse à tous les types de sites, à toutes les zones du bassin ou à l’intégralité des sites fouillés, nous pouvons tout de même affirmer que l’espace funéraire avait sa place dans les centres des sites et dans les espaces de la vie quotidienne, ce qui n’exclut pas qu’il l’avait aussi dans d’autres contextes, encore peu étudiés. On peut même parler d’une imbrication des espaces culturels : les lieux étaient réellement multifonctionnels et il n’y a pas de territoires strictement funéraires identifiables.

30Ainsi, s’il n’est pas envisageable de connaître les espaces funéraires dans toutes leurs dimensions, les sépultures découvertes nous permettent malgré tout d’entrevoir certains aspects de l’organisation de ceux-ci : nous avons affaire à un espace à dimensions plurielles, imbriqué dans les espaces quotidiens des populations. Le fait que la dimension matérielle de l’espace funéraire soit omniprésente dans les villages nous laisse penser que la dimension idéelle devait l’être aussi : les défunts, la dimension matérielle de la mort n’est pas reléguée à des espaces spécifiques, mais au contraire au plus proche des vivants. Ces observations sont valables pour tous les sites des phases Zacatenco et Ticomán connus, ce qui ne nous surprend guère ; en effet, les études de la céramique ou de l’architecture ont permis de mettre en évidence des liens culturels entre les populations du bassin de Mexico, même si certains sites présentent des spécificités liées à leurs activités de subsistance ou aux échanges avec des régions plus éloignées (Serra Puche 1988 ; Niederberger 2000). L’élargissement des connaissances de l’organisation de l’espace funéraire pourrait être envisagé si des fouilles étaient effectuées dans des zones, des types ou des secteurs de sites encore peu connus, ce qui permettrait ainsi de réduire les biais des données actuelles.

Bibliographie

Barba de Piña Chan B. (1980), Tlapacoya, los principios de la teocracia en la Cuenca de Mexico, Biblioteca Enciclopédica del Estado de Mexico, Mexico.

Charlton T. H. et Nichols D. L. (1997), « Diachronic studies of city-states: permutations on a theme. Central Mexico from 1700B.C. to A.D. 1600 », in Nichols D. L. et Charlton T. H. (dir.), The Archaeology of City States Cross-cultural Approaches, Smithsonian Serie in Archaeological Inquiry, Washington D.C., p. 169-207.

Gamboa Cabezas L. M. (2000), Informe técnico final de la temporada de campo 2000, Proyecto de Salvamento y rescate arqueológico Buenaventura 2000, Municipio de Ixtapaluca, Estado de Mexico, Archivos de Monumentos Prehispánicos del INAH, Mexico.

Heizer, R. et Bennyhoff J. (1958), « Archaeological Investigations at Cuicuilco, Valley of Mexico 1957 », Science, 127 (3292), Washington, p. 232-233.

Müller F. (1991), La cerámica de Cuicuilco B. Un rescate arqueológico, Colección Científica, INAH, Mexico.

Niederberger C. (1987), Paléopaysages et archéologie pré-urbaine du bassin de Mexico, Collection Études Mésoaméricaines, I-11, CEMCA, Mexico.

Niederberger C. (2000), « Ranked Societies, Iconography Complexity, and Economic Wealth in the Basin of Mexico toward 1200 B.C. », in Clark J. E. et Pye M. E. (dir.), Olmec Art and Archaeology in Mesoamerica, Studies in the History Art, National Gallery of Art, Washington D.C., p. 169-191.

Parsons J. R. et al. (1983), Archaeological settlement pattern data from the Chalco, Xochimilco, Ixtapalapa, Texcoco and Zumpango regions. Technical Reports, Museum of Anthropology, 14, University of Michigan, Ann Arbor.

Pijoan M. C. et Pastrana A. (1989), « Evidencias de actividades rituales en restos óseos humanos en Tlatelcomila en el Preclásico o Formativo, D.F. », in Carmona M., El Preclásico o Formativo, Avances y Perspectivas. Seminario de Arqueología “Dr. Piña Chan”, INAH/Museo Nacional de Antropología, Mexico, p. 287-306.

Sanders W. T., Parsons J. R. et Santley R. S. (1979), The Basin of Mexico. Ecological processes in the evolution of a civilization, Studies in Archaeology, Academic Press, New York.

Schavelzon D. (1983), La pirámide de Cuicuilco (albúm fotográfico 1922-1980), FCE, Mexico.

Serra Puche M. C. (1988), Los Recursos Lacustres de la Cuenca de México Durante el Formativo, Coordinación General de Estudios de Posgrado IIA/UNAM.

Serra Puche M. C. et al. (1982), « Entierros en un sitio formativo del sur de la Cuenca de Mexico : Terremote-Tlatenco, D.F. », Anales de Antropología, 19 (1), p. 55-92.

Serra Puche M. C. et al. (1990), Informe final. Proyecto Temamatla. Un centro del Formativo medio en el sur de la Cuenca de México, Archivos de Monumentos Prehispánicos del INAH, Mexico.

Vaillant G. C. (1931), Excavations at Ticomán & Excavations at Zacatenco, Anthropological Papers of the American Museum of Natural History, 32, New York.

Table des illustrations

Titre Fig.2. Carte de répartition des sites et des sépultures des phases Zacatenco et Ticomán dans le bassin de Mexico
Crédits D’après Sanders et al. 1979 et Niederberger 1987.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/6106/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 2,1M
Titre Fig.3. Photographie de la structure circulaire de Cuicuilco
Crédits Cliché : Schávelzon 1983.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/6106/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 344k
Titre Fig.5. Reconstitution du site de Terremote-Tlaltenco
Crédits Serra Puche 1988 : 78.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/6106/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 612k
Titre Fig.6. Pourcentage des sites du bassin de Mexico fouillés par type à la phase Ticoman (moyenne : 9 %)
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/6106/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 176k
Titre Fig.7. Pourcentage des sites du bassin de Mexico fouillés par zone à la phase Zacatenco (moyenne : 15 %)
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/6106/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 176k
Titre Fig.8. Photographie de la sépulture 47 fouillée à Buenaventura en 2000
Crédits Gamboa Cabezas 2000.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/6106/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 324k
Titre Fig.9. Répartition des sépultures autour de structures d’habitat à Terremote-Tlaltenco
Crédits Serra Puche 1988 : 106.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/6106/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 164k
Titre Fig.10. Localisation des sépultures dans la structure civico-cérémonielle de Tlapacoya
Crédits Barba de Piña Chan 1980.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/6106/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 339k

Auteur

Doctorante, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne – UMR 8096 : Archéologie des Amériques. Sujet : Étude des pratiques funéraires au Formatif récent et Terminal dans le bassin de Mexico, sous la direction de Dominique Michelet.
Soutenance prévue en 2009.

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search