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Le port de New York et le commerce extérieur américain

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Jean Heffer

Première partie. De la paix à la guerre

Chapitre 3. Les bienfaits de la guerre

Texte intégral

1Même chez les belligérants la guerre n’a pas que des effets destructeurs. Les variations de parts de marché étant un jeu à somme nulle, ce que perdent les uns est gagné par les autres. Cependant une pareille victoire ne présente guère d’intérêt si elle est obtenue dans une conjoncture de régression économique et de baisse de la production et des échanges. Si au contraire le climat général des affaires est à l’expansion, si les valeurs absolues des importations, des exportations et du tonnage des navires croissent, les gains peuvent constituer un nouveau palier pour l’avenir.

3.1 La conjoncture de guerre vue de New York

  • 1 Fred A. Shannon, The Tarmer’s Last Frontier ; Agriculture, 1860-1897, New York, Harper, Rinehart &  (...)

2Avant les élections présidentielles de novembre 1860, les commerçants new-yorkais avaient toutes raisons de se réjouir. Les nouvelles apportées d’Europe annonçaient de mauvaises récoltes de céréales en Angleterre au moment où l’Ouest engrangeait de superbes moissons. Cette région qui avait beaucoup souffert de la crise récente allait, croyait-on, acheter de grandes quantités de marchandises importées dont elle avait été sevrée trop longtemps. De plus, la récolte record de coton laissait prévoir que le Sud continuerait à s’approvisionner massivement chez les grossistes de Manhattan. Or l’élection de Lincoln bouleverse ces perspectives favorables1.

  • 2 Philip S. Foner, Business and. Slavery. de New York Merchants and the Irrepressible Conflict, chap (...)

3Pendant l’hiver, les menaces de sécession deviennent de plus en plus réelles, accompagnées du spectre de la répudiation des dettes que les Sudistes doivent aux négociants et aux banquiers new-yorkais. Pour écarter le danger de banqueroute, les institutions financières contractent les crédits. Il s’ensuit une stagnation générale des affaires ; les faillites se multiplient et au début de 1861 la prospérité n’est plus qu’un souvenir. Face à la crise, les milieux d’affaires new-yorkais cherchent des solutions de compromis avec le Sud esclavagiste pendant tout l’hiver, allant même parfois jusqu’à accepter l’idée d’une sécession pacifique2.

  • 3 Docunents of the Board of Councilmen of the City of. New york, vol. VIII, January 7, 1861, p. 20 ; (...)

4Donnant libre cours à ses ressentiments contre Albany, le maire démocrate de New York propose au conseil municipal une politique plus radicale. La dissolution de l’Union, inévitable à son avis, doit entraîner une nouvelle définition des relations entre la ville et l’Etat. La cité a bâti dans le passé sa prospérité sur des liaisons avec toutes les sections du pays ; son intérêt lui commande de ne rompre avec aucune d’elles. D’autre part, comme le processus de sécession est bien engagé, il faut aller jusqu’au bout, à savoir la séparation de la ville et de l’Etat. Sur les ruines d’une grande nation démocratique on construira la République indépendante de la ville de New York – une ville libre, comme il en existe en Europe, à Brême et à Hambourg – qui par sa politique douanière libérale sera un hâvre de salut pour les importateurs et les armateurs. Ce message du maire Fernando wood ne mérite guère d’être pris au sérieux, ne serait-ce que parce que l’immense majorité des New-Yorkais sont d’ardents nationalistes, comme les autres Nordistes. En outre, nombre d’hommes d’affaires ont des intérêts plus larges que ceux du seul commerce d’importation et trouvent avantage à commercer dans un vaste espace dépourvu de barrières douanières. Ils tiennent à conserver leurs relations avec l’arrière-pays de l’Ouest3.

  • 4 Philip S. Foner, op. cité, ch. 13 et 15 ; Kenneth M. Stampp, And the War Came. The North and the Se (...)

5Or au printemps 1861, il semble impossible de concilier la volonté d’appartenance à un même ensemble avec l’Ouest et l’établissement de relations commerciales sur la base du libre-échange avec le Sud sécessionniste. En effet, la Confédération esclavagiste impose, à compter du 1er mars 1861, des droits de douane sur les marchandises importées du Nord. L’adoption d’une politique protectionniste par le Congrès, le vote du tarif Morrill applicable à partir du 1er avril 1861 représentent une menace encore plus grave pour les intérêts new-yorkais dans l’immédiat. Les importations à destination de l’Ouest risquent de passer par La Nouvelle-Orléans où les sécessionnistes refusent de percevoir des droits pour le compte du gouvernement fédéral, alors qu’à New York les taxes devront être intégralement acquittées. Comme il n’y a aucune chance que Lincoln et la majorité républicaine reconnaissent la sécession du Sud et acceptent de reculer la frontière douanière – une frontière difficile à garder –, les positions conquises par les New-Yorkais risquent d’être perdues rapidement. Perdues même à jamais, car si le Sud indépendant réussit à établir des relations maritimes directes avec l’Europe industrielle, il est peu probable qu’il revienne un jour de son gré dans l’Union. Les New-Yorkais n’ont donc pas le choix ; il faut réduire la sécession par la force, si besoin est. Cette conviction, peu répandue dans les milieux d’affaires en novembre 1860, s’impose inéluctablement au printemps 1861 devant la précipitation des événements4.

6Les hostilités engagées, il apparaît rapidement que la guerre ne sera pas de courte durée et qu’il faut se préparer sérieusement à une longue lutte. L’année 1861 est la seule qui soit tragique pour la communauté commerciale. Dès la fin août toutefois, sous l’effet des dépenses militaires du gouvernement fédéral et des Etats, la situation économique s’améliore, d’autant plus que la persistance des exportations de céréales à destination de l’Europe dégage des surplus de la balance commerciale et des retours d’espèces métalliques. A partir de mai 1862 les faillites deviennent très rares. L’abondance des capitaux, la faiblesse des taux d’intérêt réels, l’inflation encouragent la reprise des affaires. Les années 1863 et 1864 sont considérées comme des périodes prospères, si on en croit le Shipping and Commencial List – un jugement qui mériterait d’être nuancé quand on sait que le salaire réel baisse de 25 % entre 1861 et 1864. Néanmoins les contemporains notent à New York un climat d’euphorie économique à partir de 1862. Dans sa correspondance avec le ministre le consul de France Gauldrée-Boilleau, arrivé en novembre 1863, témoigne de cette prospérité :

  • 5 SCL, 28 décembre 1861, 3 janvier 1863, 2 janvier 1864 ; AMRƐ, CC, NY, 26 novembre 1863, p. 340, 349 (...)

"New York, dont te commence devait, à ce que l’on prétendait, être en partie ruiné pan ta guerre civile, n’a Jamais déployé plus de richesses et d’activité que depuis un an. Les chemins de fer negorgent de fret, les quais sont encombrés de manchandises ; tes rues sont tellement pleines de voitunes et de piétons qu’à centaines heures ta circulation est rendue presque impossible ; un luxe inaccoutumé S’étale partout; te prix des anticles de fantaisie et de nécessité ne cesse de monter et ce sont les objets les plus chers qui trouvent te plus facitement des acheteurs" 5.

  • 6 Emerson David Fite, Social, and Industrial Conditions in the North during the Civil war, New York, (...)

7Les Sudistes avaient prédit qu’après la sécession l’herbe pousserait dans les rues de New York. Une prédiction finalement"aussi dépourvue de substance que l’étoffe dont sont faits les rêves"6.

3.2 La conquête de la première place aux exportations

8Les Sudistes étaient tellement persuadés que la prospérité du Nord et de New York reposait sur leur coton qu’ils ne pouvaient concevoir autre chose qu’un effondrement des échanges internationaux de leurs adversaires, une fois la sécession consommée. C’était compter sans les aléas climatiques et l’arrivée d’un nouveau venu – bienvenu de surcroît – qui commençait en ces heures tragiques sa grande carrière : le pétrole.

3.2.1 Les produits du Sud profond et des États-tampons

  • 7 CCSNY ; SCL.

9De 1862 au printemps 1865 le coton américain disparaît quasiment du commerce international. La flotte nordiste resserre progressivement son blocus des ports du Sud, interdisant tout flux important d’exportation. Dans le Nord, les confiscations et les saisies ne suffisent pas à reconstituer les stocks rapidement épuisés. A New York, les quelques milliers de tonnes exportées jouent un rôle marginal dans le trafic portuaire, quoique leur valeur soit relativement élevée du fait de l’envolée des cotations. La perte n’est pas considérable dans la mesure où le coton ne jouissait pas avant guerre d’une suprématie marquée sur les quais de l’Hudson et de l’East River. Plus importante est l’interruption des communications avec les Etats du Sud atlantique d’où venaient les produits résineux. Dès 1862 les stocks ne peuvent plus être reconstitués. D’exportateur New York doit se transformer en importateur de térébenthine, de colophane et de goudron qu’il fait venir de Scandinavie, de Russie et de France. Les prix élevés découragent la consommation, mais comme le pétrole se substitue au camphène pour l’éclairage et le naphte à l’essence de térébenthine pour la fabrication des vernis et des peintures, la pénurie est bien moins grave que pour le coton7.

  • 8 AMRƐ, CC, NO, 21 mars 1863, 6 août 1863, 1 2 octobre 1864 ; AMRE, CC, BA, 2 décembre 1862, 27 janvi (...)

10Si le rôle d’intermédiaire de New York dans l’exportation du coton et des produits résineux s’effondre du fait de la disparition de l’offre, c’est le contraire qui se produit dans le cas du tabac. L’élément décisif, le blocus de La Nouvelle-Orléans, débute le 15 mai 1861 et dure jusqu’à la reprise de la ville par l’amiral Faragut le 25 avril 1862. Le Mississippi reste un cul-de-sac jusqu’à la chute de Vicksburg en juillet 1863 et, par la suite, les Confédérés font peser une menace constante sur cette voie. Ruinés, les négociants de La Nouvelle-Orléans sont incapables de rétablir les bases de leur ancienne prospérité. Aussi les boucauts de tabac du Kentucky doivent renoncer à descendre le Mississippi et chercher un débouché sur la côte atlantique. Baltimore dispose d’un marché anciennement établi mais ses voies d’accès vers l’Ouest sont exposées aux raids des soldats sudistes. Le Baltimore & Ohio Railroad est coupé lors de l’offensive de Lee dans le Maryland occidental en septembre 1862 ; en décembre, quarante kilomètres de voies sont arrachées. Baltimore est à nouveau isolé pendant l’été de 1863 quand les troupes confédérées entament la campagne qui les conduira au désastre de Gettysburg. Dans ces conditions, la seule route ferroviaire sûre reste celle de New York où abondent entrepôts, capitaux et lignes maritimes. C’est pourquoi les exportations de tabac par New York augmentent à la fois absolument et relativement, en dépit de mauvaises conditions climatiques et des destructions opérées par les armées rebelles. Elles passent de 11,8 % du total en 1859/60 à 71,3 % en 1861/2 ; à une légère baisse l’année suivante quand on écoule les stocks conservés à La Nouvelle-Orléans, succède une nouvelle progression qui porte la part à 83,5 % en 1864/5. Cette percée consacre le recul de Baltimore, handicapé de surcroît par la désorganisation de la production dans sa sphère d’influence du Maryland8.

11Héritage de la guerre, la suprématie de New York dans les exportations de tabac est-elle réversible ? A La Nouvelle-Orléans et à Baltimore on escompte bien reprendre le terrain perdu, mais pendant les hostilités des changements se sont produits. Ne pouvant plus faire venir une partie de ses approvisionnements en tabac manufacturé de Richmond, la région new-yorkaise se dote d’une importante industrie locale qui lui permet désormais de rester un grand marché. La concurrence entre industriels garantit aux vendeurs de feuilles un meilleur prix. Les Régies de France, d’Espagne et d’Italie prennent l’habitude d’acheter leurs boucauts à New York, de même que les fabricants brêmois et anglais. Or, comme le remarque le vice-consul de France à Baltimore :

  • 9 AMRƐ, CC, BA, 28 juillet 1870 ; AMRE, CC, NY, 17 juillet 1864, CCSNY, 1862/3, p. 135, 1866/7, p. 90

"Dès qu’un produit a trouvé sa voie. vers un grand centre financier en même. temps que commercial, comme N eu) york, il est presque impossible de changer route” 9.

3.2.2 "L’opportune et providentielle substitution"

  • 10 Samuel B. Ruggles, Report of the Commissioner appointed under the concurrent resolution of April 22 (...)

12La disparition du coton et des autres produits du Sud aurait pu s’avérer désastreuse pour la balance commerciale du Nord si le relais n’avait été pris "opportunément et providentiellement" 10 par les céréales et leurs dérivés d’origine animale.

  • 11 John Bennet Lawes et Joseph Henry Gilbert, "Home Produce, Imports, Consumption, and Price of Wheat (...)

13A un moment critique de leur histoire, la chance des Etats-Unis a été que le Royaume-Uni avait davantage besoin du blé du Nord que du coton du Sud, au point que certains y voient un des motifs de la non-intervention anglaise dans la guerre civile. Du côté de la demande en effet, l’Angleterre connaît à partir de 1860 une succession de mauvaises récoltes de blé. En 1860, donc plusieurs mois avant l’élection de Lincoln, les rendements anglais comptent parmi les plus faibles de la seconde moitié du XIXème siècle. Les Anglais qui consomment à cette époque environ 140 kilos de blé par tête et par an et qui doivent déjà importer en temps normal, se voient contraints d’augmenter leurs achats de près de moitié. Comme la récolte suivante – celle de 1861 – reste inférieure à la moyenne et que les superficies moissonnées reculent jusqu’en 1867, le courant d’importation est actif jusqu’au printemps 1863, date à laquelle sont reconstitués les stocks. La pénurie entraîne une hausse des prix. Entre mai 1860 et septembre 1862, les prix moyens dépassent 50 shillings par quarterimpérial, et même 60 shillings en décembre 1861 et janvier 1862, alors que deux ans plus tôt les cours atteignaient tout juste 44 shillings. Quand le Royaume-Uni a besoin d’importer de faibles quantités, il tire ses approvisionnements d’Europe : de la Baltique, de la Mer Noire et, pour la farine, de France. Cependant, dès que le déficit est considérable, ces contrées ne peuvent suffire. Il faut faire appel à l’Amérique du Nord qui joue le rôle de fournisseur résiduel, celui auquel on s’adresse en dernier ressort. De 1861 à 1863 le blé américain fournit la moitié des approvisionnements extérieurs britanniques alors en pleine expansion. Au contraire, dès que les récoltes anglaises s’améliorent à partir de 1863, les besoins de blé étranger diminuent sensiblement et les Etats-Unis reviennent progressivement à leur rôle marginal11.

GRAPHIQUE 5 5 (a) : EXPORTATIONS DE BLE ET DE FARINE DE NEW YORK (en millions de tonnes métriques) 5 (b) : PRIX REEL DU BLE A L’EXPORTATION (en dollars par tonne) 5(c) : PART DE NEW YORK DANS LES EXPORTATIONS DE BLE ET DE FARINE DES GRANDS PORTS DE L’ATLANTIQUE ET DU GOLFE (en %)

GRAPHIQUE 5 5 (a) : EXPORTATIONS DE BLE ET DE FARINE DE NEW YORK (en millions de tonnes métriques) 5 (b) : PRIX REEL DU BLE A L’EXPORTATION (en dollars par tonne) 5(c) : PART DE NEW YORK DANS LES EXPORTATIONS DE BLE ET DE FARINE DES GRANDS PORTS DE L’ATLANTIQUE ET DU GOLFE (en %)

GRAPHIQUE 6 6 (a) : EXPORTATIONS DE MAÏS DE NEW YORK (en milliers de tonnes) 6 (b) : PRIX REEL DU MAÏS (en dollars par tonne) 6 (c) : PART DE NEW YORK DANS LES EXPORTATIONS DE MAÏS DES GRANDS PORTS DE L’ATLANTIQUE ET DU GOLFE (en %)

GRAPHIQUE 6 6 (a) : EXPORTATIONS DE MAÏS DE NEW YORK (en milliers de tonnes) 6 (b) : PRIX REEL DU MAÏS (en dollars par tonne) 6 (c) : PART DE NEW YORK DANS LES EXPORTATIONS DE MAÏS DES GRANDS PORTS DE L’ATLANTIQUE ET DU GOLFE (en %)
  • 12 Tableau général du commence de la France.

14Chance supplémentaire, la demande britannique est épaulée par la pénurie française. En France en effet, la récolte de blé de 1861 est la plus mauvaise de la décennie et la suivante est tout juste moyenne. En 1861/2, le prix de l’hectolitre y augmente de plus d’un tiers par rapport au niveau atteint deux ans auparavant. Faible importateur sauf en période de crise alimentaire, la France où Napoléon III vient d’adopter une politique libérale, s’adresse d’abord à ses fournisseurs habituels de la Mer Noire et de la Baltique et fait appel aux Etats-Unis seulement quand il n’y a pas d’autre solution, comme c’est le cas au début de la guerre de Sécession . Au moment donc où le coton fait défaut à l’Amérique pour équilibrer ses échanges avec l’Europe, les aléas climatiques du Vieux-Monde jouent en sa faveur, surtout dans les années critiques 1861 et 186212.

  • 13 Paul W. Gates, op. cité, p. 223-225 ; Commissioner of Agriculture, Annual Report pour les années 18 (...)

15Du côté de l’offre, la chance des Etats-Unis est de bénéficier de conditions météorologiques idéales dans certaines parties de l’Ouest. Ils enregistrent en 1860 une récolte record. Comme le Sud se ferme, d’énormes surplus sont disponibles pour l’exportation. Les reports sont tels que l’année suivante, malgré une moisson moins brillante, l’Europe du Nord-ouest peut continuer à puiser dans les stocks américains. Il est vraisemblable que la nature se montre généreuse pour les céréaliculteurs des Etats-Unis pendant toutes les années de la guerre – au moins pour le blé. Non seulement l’Amérique dispose de surplus, elle offre de surcroît des prix à la production très attractifs. A Chicago, le prix du boisseau de blé de printemps N° 2 reste en moyenne en 1860/1 inférieur de 18 % au niveau atteint en 1859/60. Par rapport à l’indice général des prix de gros, le prix réel du blé baisse, sauf en 1863/4, la hausse des prix nominaux étant loin de suivre à partir de l’été 1862 le taux d’inflation. Il est vrai que cette réduction ne profite pas complètement aux consommateurs européens car les intermédiaires, négociants et transporteurs, entre Chicago et la côte atlantique, augmentent leurs tarifs13.

  • 14 P.W. Gates, op. cité, p. 148, 228, 229.

16Le blé n’est pas la seule céréale demandée par le Royaume-Unis. Les quantités de maïs connaissent une très forte croissance, surtout pendant les trois années fiscales 1861 à 1863, où l’Angleterre ne trouve pas chez ses fournisseurs habituels de Moldavie-Valachie, de Turquie et de Russie les suppléments qu’elle désire. L’expansion de la culture du maïs aux Etats-Unis permet de répondre à cette demande, sauf en 1863 où les rendements sont très inférieurs à la moyenne à la suite du gel exceptionnellement précoce qui frappe le Corn Belt à la fin du mois d’août. Toutefois, l’essentiel du maïs est exporté sous la forme de viande de porc et de boeuf14.

  • 15 Rudolf Alexander Clemen, The American Livestock and Meat Industry, New York, The Ronald Press C°, 1 (...)

17Or, heureux événement pour les Etats-Unis, la guerre de Sécession coïncide avec la période où le Royaume-Uni qui bénéficiait jusqu’alors de l’autosuffisance en matière de viande, doit désormais s’approvisionner en partie à l’étranger, car la production nationale ne peut plus suivre la croissance démographique. L’événement est heureux parce que le seul pays qui maîtrise la production industrielle de la viande et dispose d’immenses ressources, ce sont les Etats-Unis où les conserveurs de Chicago, privés des débouchés du Sud mais appelés à nourrir les armées nordistes, rationalisent leurs techniques de fabrication. Avant guerre, la viande américaine était peu appréciée en Europe. On expédiait peu de boeuf salé qu’il aurait fallu empaqueter dans des tierçons de bois coûteux. Le porc, au contraire, frotté dans le sel à Chicago, était déposé directement dans la cale des navires entre des couches de sel ; on évitait ainsi tout frais d’emballage et le produit arrivait à Liverpool complètement salé et prêt à la consommation. Cette viande avait deux inconvénients : elle était à la fois trop salée et trop grasse pour le goût des Anglais et ne pouvait courtiser, à la faveur de son faible prix, que la clientèle des classes les plus pauvres et des Irlandais. Pour élargir leur marché, les conserveurs de Chicago n’hésitent pas, pendant les années de guerre, à innover et à trouver une présentation plus acceptable : le porc est placé dans du sel sec dans une caisse de bois légère et bon marché au lieu de baigner dans la saumure15.

18A partir de 1861, sur le marché britannique de la viande et des produits laitiers, les Etats-Unis font une percée remarquable, sauf dans le cas du boeuf salé où ils disposent déjà d’un monopole parmi les pays exportateurs. Les progrès se confirment en 1862 et en 1863, avant que les parts de marché reviennent en 1865 à leurs positions initiales, avec toutefois des niveaux absolus plus élevés qu’avant guerre. Cette pénétration des articles américains ne s’explique pas par le recul de l’offre des pays producteurs européens, car les Pays-Bas aussi augmentent leurs exportations de fromage à destination du Royaume-Uni et les Etats allemands celles de viande. Il s’agit donc bien d’une extension du marché britannique dont les Etats-Unis sont les principaux bénéficiaires.

GRAPHIQUE 7 7 (a) : EXPORTATIONS DE PRODUITS D’ORIGINE ANIMALE DE NEW YORK (en milliers de tonnes) 7 (b) : PRIX REEL A L’EXPORTATION DE DIVERS PRODUITS D’ORIGINE ANIMALE (en dollars par tonne)

GRAPHIQUE 7 7 (a) : EXPORTATIONS DE PRODUITS D’ORIGINE ANIMALE DE NEW YORK (en milliers de tonnes) 7 (b) : PRIX REEL A L’EXPORTATION DE DIVERS PRODUITS D’ORIGINE ANIMALE (en dollars par tonne)

8 (a) : PART DE NEW YORK DANS LES EXPORTATIONS AMERICAINES DE PRODUITS D’ORIGINE ANIMALE, DE VIANDE DE BOEUF, DE BACON ET DE JAMBONS (en %) 8 (b) : PART DE NEW YORK DANS LES EXPORTATIONS AMERICAINES DE SAINDOUX ET DE VIANDE DE PORC (en %)

8 (a) : PART DE NEW YORK DANS LES EXPORTATIONS AMERICAINES DE PRODUITS D’ORIGINE ANIMALE, DE VIANDE DE BOEUF, DE BACON ET DE JAMBONS (en %) 8 (b) : PART DE NEW YORK DANS LES EXPORTATIONS AMERICAINES DE SAINDOUX ET DE VIANDE DE PORC (en %)

19Pour expliquer ce succès, il faut d’abord tenir compte de la très forte baisse du prix réel des produits d’origine animale. Le prix nominal, du saindoux à l’exportation, par exemple, baisse de 25 % entre 1859/60 et 1861/2 ; par la suite, il augmente pour atteindre un record en 1864/5, mais comme dans le même temps l’indice général des prix de gros américains fait plus que doubler à cause de l’inflation monétaire, le prix réel du saindoux baisse de 36 % entre 1859/60 et 1863/4 (cf. graphique 7b, p. 66). La hausse brutale de 29 % en 1864/5 ne permet pas de rattrapper le niveau atteint en 1860/1. Comme il existe une relation inverse entre les quantités consommées et le prix réel, il n’est pas étonnant que cette baisse des prix considérable ait fortement encouragé la demande dans les îles britanniques où les prix à l’importation suivent les mêmes fluctuations. Inversement, on comprend que la hausse des prix en 1864/5 réduise les quantités expédiées à l’étranger, A de légères nuances près, ce schéma valable pour le saindoux s’applique aux autres produits, les prix réels atteignant leurs minima soit en 1862/3 (bacon et jambons, porc salé), soit l’année suivante (boeuf salé, suif, fromage). Seul le prix réel du beurre reste relativement stable.

  • 16 Annual Statement of the Trade of the United Kingdom, annuel ; Statistical Abstract for the United K (...)

20Face à ce mouvement des prix, la demande des classes populaires britanniques est d’autant plus forte que les gains salariaux restent stables entre 1860 et 1864 et que les conserveurs de Chicago tentent de s’adapter à ses goûts. Si les prix américains baissent, il faut en chercher la cause d’une part dans la réduction des coûts et dans les gains de productivité de l’industrie, de l’autre dans la diminution de la demande intérieure aux Etats-Unis : les marchés du Sud disparaissent, la baisse de 25 % du salaire réel américain ne peut pas compenser cette réduction du nombre des consommateurs, en dépit d’une baisse encore plus forte du prix réel. En outre, les bonnes récoltes de céréales au début de la guerre incitent les fermiers à offrir plus de viande et de produits laitiers. La mauvaise récolte de maïs de 1863 bouleverse complètement la situation. Dans un premier temps, les éleveurs abattent précocement leur cheptel. C’est pourquoi les prix sont encore bas en 1863/4, mais l’année suivante, la reconstitution des troupeaux, selon les schémas bien connus du cycle du porc et du théorème de la toile d’araignée, entraîne une augmentation des cours à la production et une chute de la demande étrangère. Reste un point qui n’est pas très clair : c’est de savoir pourquoi les Anglais augmentent simultanément leurs importations de viande et de maïs. La très forte baisse du prix réel du maïs entre 1859/60 et 1863/4 (cf. graphique 6b, p. 63) exerce certainement un puissant effet d’incitation ; elle permet de diminuer les coûts de l’alimentation du bétail et de résister à la concurrence américaine, mais il semble bien, d’après les jugements des contemporains, qu’il s’agisse de deux marchés différents, les marchandises anglaises étant considérées d’une qualité supérieure. D’autre part, les récoltes d’avoine dans le Royaume-Uni sont bonnes jusqu’en 1863 et sur les marchés anglais les prix de l’avoine, à la différence de ceux du blé, ne cessent de baisser jusqu’en 1865. Bonnes récoltes d’avoine, fortes importations de maïs, cela permet d’exlure l’hypothèse d’une réduction du cheptel anglais, donc d’une diminution de l’offre intérieure qui doit être compensée par un appel accru aux fournisseurs étrangers. Peut-être la récolte de fourrages pour laquelle on ne dispose pas de données est-elle à cette époque insuffisante, mais dans ce cas l’avoine qui en est un substitut devrait coûter plus cher – ce qui est contraire à ce qu’on observe dans les mercuriales. On peut donc proposer l’explication suivante : les produits d’origine animale importés des Etats-Unis dans le Royaume-Uni ne s’adressent, malgré un effort d’adaptation des conserveurs américains, qu’aux classes pauvres attirées par la baisse considérable du prix réel des marchandises d’outre-Atlantique ; pour garder leurs positions sur ce marché particulier ou pour y prendre pied, certains éleveurs anglais emploient les moyens de leurs concurrents du Corn Belt, c’est-à-dire le maïs bon marché. C’est la segmentation du marché britannique de la viande qui expliquerait les fluctuations si remarquables des exportations de maïs et de produits d’origine animale des Etats-Unis pendant la guerre de Sécession16.

21Cette augmentation de la demande profite surtout à New York. La Nouvelle-Orléans est totalement éliminée et le trafic qui empruntait avant guerre la voie du Mississippi doit se rabattre vers les ports du Nord-est. Ces derniers, il est vrai, dominaient déjà en 1860 le commerce d’exportation des céréales et des viandes ; les deux-tiers des grains et des farines expédiées à l’étranger passaient par Boston, New York, Philadelphie et Baltimoré. En 1861/2, la part des quatre grands ports du Nord-est grimpe au niveau record de 86 % et se stabilise à 80 % les deux années suivantes (cf. tableau 4). Mais dans ce groupe New York se taille la part du lion (cf. graphiques 9, p. 72). Ses rivaux croissent absolument, mais leurs parts de marché se réduisent. Seul Philadelphie qui bénéficie de la bonne organisation du Pennsy vania Railroad maintient à peu près ses positions. Baltimore est handicapé par la situation exposée du B & O ; sa part dans les expéditions de grains du Nord-est tombe de 14,7 % à 4 % entre 1859/60 et 1861/2. Boston, trop éloigné des régions productrices, régresse d’autant plus que son avant-pays se rétrécit pendant la guerre. New York tire profit de la pleine utilisation du canal Erié, principal mode de transport des grains. Les farines lui viennent par ses chemins de fer éloignés des champs d’opération militaires. C’est pourquoi le port jouit d’une suprématie écrasante, à un moment où la Californie joue encore un rôle mineur. Quand les exportations de grains des Etats-Unis régressent en 1864/5, la part de New York baisse elle aussi ; les autres ports du Nord-est en sont affectés, mais à un moindre degré. Néanmoins ni Baltimore, ni Philadelphie ne retrouvent les positions qu’ils occupaient avant le début des hostilités. New York sort donc de la guerre civile avec une assise encore plus solide, après avoir montré qu’il peut manutentionner sur ses quais des quantités de céréales comme on n’en avait encore jamais vu dans un port des Etats-Unis.

22Il en va de même pour les exportations de produits d’origine animale (cf. graphiques 8, p. 67). New York élargit ses parts de 60 % à plus de 80 % et, à la différence de ce qui se passe pour les céréales, il ne perd rien la dernière année de guerre. Là où le port était fort, dans les exportations de fromage par exemple, il maintient son monopole en augmentant considérablement les quantités expédiées. Là où il était relativement plus faible, il gagne 20 à 30 points de pourcentage dans le cas du beurre, du boeuf salé, du suif, du bacon et même 40 % dans le cas du saindoux. La seule exception concerne le porc salé. Quant aux rivaux, Boston et Philadelphie améliorent leurs positions, mais c’est, comme New York, au détriment de Baltimore, de La Nouvelle-Orléans et de Portland.

Sources du tableau 4 et des graphiques 5 à 9 : C & N ; Thèse, p. 886. Signification des sigles : C=céréales ; US= Etats-Unis ; AT=ports de l’Atlantique (NY=New York ; BA=Baltimore ; PH=Philadelphie ; NN=Newport News et Norfolk) ; GU = ports du Golfe (La Nouvelle-Orléans, Galveston) ; AG=AT+GU. Exemples : ATUSC : part des exportations de céréales américaines effectuées à partir des ports de l’Atlantique (en %) ; NYAGC : part des exportations de céréales des ports de l’Atlantique et du Golfe effectuées par New York (en %), etc...

GRAPHIQUE 9 PARTS DE NEW YORK, BALTIMORE, BOSTON ET PHILADELPHIE DANS LES EXPORTATIONS DE CEREALES DES QUATRE GRANDS PORTS DU NORD-EST (en %)

GRAPHIQUE 9 PARTS DE NEW YORK, BALTIMORE, BOSTON ET PHILADELPHIE DANS LES EXPORTATIONS DE CEREALES DES QUATRE GRANDS PORTS DU NORD-EST (en %)

3.2.3 Les débuts de l’or noir

  • 17 Harold F. Williamson et Arnold R. Daum, The American Petroleurm Industry, 1859-1899. The Age of Ill (...)

23La bonne fortune du Nord veut que les débuts internationaux du pétrole coïncident avec la grande guerre civile. La découverte de Drake à Titusville à la fin août 1859 arrive à point. La production atteint un maximum en 1862, puis décline mais, comme les gaspillages sont nombreux dans les premiers temps, les quantités effectivement expédiées des puits ont tendance àcroître. Dès 1882, les exportations l’emportent sur la consommation intérieure. Les étrangers qui trouvent que le kérosène est la meilleure et la moins chère des sources d’éclairage, bénéficient de la dépréciation du dollar et de prix moins élevés, car le pétrole exporté échappe à la taxe de 10 cents, puis de 20 cents par gallon qui frappe l’article consommé aux Etats-Unis. Les fabricants de lampes américains savent aussi répondre rapidement à la demande des clients et certains consuls jouent un rôle dynamique dans la promotion du nouveau produit d’éclairage17.

  • 18 H.F. Williamson et A.R. Daum, op. cité, p. 108,190, 291 ; CCSNY, 1863/4, p. 35 ; SCL, 27 mars 1861  (...)

24Immédiatement New York prend une part active au commerce de l’or noir. Les premières cotations de pétrole raffiné y débutent en septembre 1860 ; peu après se développe un marché à terme – le premier du genre – qui permet aux acheteurs de limiter leurs pertes dans les transactions portant sur un article soumis aux caprices de la spéculation. En février 1865 s’ouvre la Bourse du pétrole. D’autre part, New York qui était déjà un centre de raffinage de l’huile de houille, accueille en 1864/5 le quart de la capacité de raffinage aux Etats-Unis, immédiatement après Pittsburgh et avant la région productrice elle-même. Aux dépôts de la compagnie ferroviaire de l’Erié à Jersey City ou dans les entrepôts des particuliers tels que les frères Schieffelin à Brooklyn, les acheteurs sont assurés de trouver les quantités dont ils ont besoin. New York possède la plupart des attributs d’un grand centre d’exportation du pétrole : main d’oeuvre abondante, industries locales de la chimie et de la tonnellerie, installations portuaires, organismes financiers et réseaux d’agences pour la distribution. Le seul handicap, c’est l’éloignement des lieux de production, avec tout ce que cela implique de pertes et de coûts de transport. Cependant le principal rival, Philadelphie, subit les mêmes inconvénients18.

  • 19 Williamson et Daum, op. cité, p. 170-178 et cartes des p. 171, 173, 174, 299 ; Roland Harper Maybee (...)

25Les exportations de brut et de kérosène dépendent des solutions apportées au problème des transports. Le pétrole extrait des comtés du Nord-ouest de la Pennsylvanie atteint la côte atlantique soit par la voie d’eau, soit par chemin de fer. Tant que le réseau ferroviaire n’est pas terminé, la route la plus commode emprunte la rivière Allegheny jusqu’à Pittsburgh où elle rejoint le Pennsylvania Rairoad ; elle favorise donc Philadelphie. Cependant New York n’est pas dépourvu de moyens. Outre la voie lacustre d’Erie à Buffalo prolongée par le canal Erié et l’Hudson, il dispose de bonnes liaisons ferroviaires. L’Atlantic. & Great Western relié à l’Erie Railroad pénètre au coeur du bassin pétrolifère. Le Pennsyvania contre-attaque, loue le P hiladelphia & Erie Rairoad et à l’automne 1864 ouvre à Philadelphie une nouvelle voie d’approvisionnement, A la fin de la guerre, l’or noir peut gagner la côte et les deux ports rivaux en empruntant de nombreuses routes. Les rentes de situation ont disparu ; tout avantage ne peut être que momentané. Aucune position n’étant assurée de la stabilité, des efforts incessants s’imposent pour se maintenir au premier rang. L’établissement d’un véritable réseau rend à chacun ses chances dans la compétition19.

26Aux exportations le pétrole figure alors au troisième rang par le tonnage à New York (environ 50 000 tonnes), avec près de 6$ de la valeur totale. En 1864/5 toutefois, la position du port se dégrade par rapport à l’année précédente ; New York ne fait guère plus de la moitié des expéditions de kérosène ; Boston aussi décline, tandis que Philadelphie s’affirme comme un concurrent de plus en plus redoutable. Néanmoins une bonne partie des exportations par la baie de Delaware se font pour le compte de New-Yorkais qui établissent dans la Ville des Quakers des succursales chargées d’acheter, d’inspecter la marchandise apportée de Pittsburgh, puis d’affrêter des navires et d’expédier le kérosène. En se rapprochant des gisements, ces courtiers espèrent réduire leurs frais de transport et augmenter leurs bénéfices. Même si l’or noir ne transite pas physiquement par les quais de New York, il est contrôlé par les capitaux new-yorkais.

27Le nouveau mode d’éclairage conquiert rapidement le monde entier. Il constitue une précieuse cargaison pour les voiliers qui le transportent en barils ou en caisses de deux bidons de 19 litres. L’Europe du Nord-ouest en est le principal client ; elle achète les deux-tiers des quantités exportées de New York en 1861, mais les trois années suivantes, elle en absorbe plus de 85 %, alors que le volume croît très fortement. La part du Royaume-Uni tend à régresser rapidement au profit de la France, de la Belgique et de la Hollande. Les autres régions connaissent une expansion plus faible, mais partout les quantités demandées augmentent : en Australie, dans les Caraïbes, en Méditerranée et en Amérique du Sud. Le monopole dont jouissent les producteurs américains leur ouvre le marché mondial.

3.3 Les effets de la politique protectionniste

28En même temps que les Etats-Unis voient s’ouvrir de larges débouchés pour leurs céréales, leurs viandes et leur pétrole, ils tendent à se fermer aux marchandises étrangères.

3.3.1 Une occasion rêvée pour les protectionnistes

  • 20 F.W. Taussig, The Tariff History of the United States, 8th ed., New York, Capricorn Books, 1964, p. (...)

29Avant même le début de la guerre de Sécession entre en application le nouveau tarif douanier protectionniste voté par les républicains à la faveur de l’absence des représentants du Sud. Peu apprécié des milieux d’affaires new-yorkais, le tarif Morrill risque de porter un coup désastreux au commerce extérieur du port. Et ce n’est qu’un début. En effet, pour financer l’effort de guerre, le gouvernement fédéral doit augmenter les droits de douane et les porter à des taux presque prohibitifs. Cette politique n’apparaît pas très cohérente dans la mesure où la prohibition s’oppose à l’optimum fiscal et à une saine gestion de la dette publique. En décourageant les importations, on évite les sorties d’or du pays, on réduit le déficit de la balance des paiements et la prime sur le métal précieux, mais comme les droits de douane doivent être acquittés en or, le Trésor en reçoit moins qu’il le pourrait, alors que les intérêts de la dette fédérale doivent être versés en espèces métalliques. Le but fiscal est apparent dans toute la législation douanière adoptée pendant la guerre. Cependant derrière ces nobles motifs patriotiques, les partisans d’un protectionnisme rigoureux en profitent pour faire prévaloir la défense des intérêts économiques qu’ils représentent20.

30Après le tarif Morrill, trois lois augmentent les droits d’une manière générale : celles du 5 août 1861, du 14 juillet 1862 et du 30 juin 1864. Pour les deux dernières, on invoque la nécessité de compenser la hausse des taxes sur les articles manufacturés aux Etats-Unis – taxes cumulatives qui grèvent les coûts de 8 à 20 %. Le café et le thé qui entraient en franchise sont désormais imposés. D’autre part, les tarifs qui dans la loi de 1857 étaient ad valorem et ne dépassaient jamais 24 % se compliquent avec l’introduction de droits spécifiques et de droits mixtes à la fois ad valorem et spécifiques. Les droits spécifiques ne sont pas nécessairement plus protectionnistes que les droits fondés sur la valeur de la marchandise, mais les partisans de la prohibition ont tendance à fixer des taux très élevés par unité physique . En outre, l’efficacité du tarif dépend du mouvement des prix. S’ils baissent, le poids du droit spécifique s’alourdit relativement quand on le traduit en valeur ; s’ils montent, on observe au contraire un allègement. Or au XIXème siècle, à long terme, les prix des articles manufacturés ont tendance à baisser. La préférence pour les droits spécifiques traduit donc une volonté protectionniste qui se pare souvent de la nécessité de lutter contre les fraudes et les fausses déclarations en douane . Pour toutes ces raisons, la moyenne des taux pour les produits frappés de droits qui s’élevait à 19,7 % pendant l’année fiscale 1860 atteint presque 36 % en 1862 et culmine à 47,6 % en 1865, un chiffre qu’on n’avait plus vu depuis la période ultra-protectionniste des années 1820. Comme les droits doivent être versés en or, un métal dont la prime ne cesse de croître jusqu’à l’automne 1864, les importations sont découragées. Si elle n’avait été qu’un expédient temporaire, cette politique douanière aurait représenté un moindre mal pour les fournisseurs des Etats-Unis mais les taux atteints en 1864 seront désormais considérés comme normaux et peu altérés, dans leur ensemble, jusqu’en 1913.

3.3.2 Les effets inégaux du protectionnisme

31Que les quantités importées diminuent à New York, cela n’a rien d’étonnant quand on ajoute aux tarifs la baisse de 25 % du salaire réel et la perte de la clientèle du Sud. Les importations baissent jusqu’en 1861/2 où elles atteignent leur niveau le plus bas, puis les stocks épuisés, il faut s’approvisionner à nouveau en marchandises étrangères que le pays ne peut produire en quantités suffisantes. D’où une remontée pendant les années fiscales 1863 et 1864, suivie d’une rechute la dernière année du conflit, à cause de l’augmentation des droits en 1864 et de la nécessité de liquider les stocks accumulés.

32Pendant la guerre, New York élargit ses parts de marché aux importations. Certes, les progrès sont moins considérables qu’aux exportations. Il n’y a là rien que de très normal puisqu’on partait d’un niveau beaucoup plus élevé. Pendant les trois premières années du conflit, New York importe plus de 70 % des marchandises entrées aux Etats-Unis et améliore ses positions vis-à-vis de ses rivaux du Nord-est (cf. p. 17). La baisse de 1864/5 qui se produit dans une période de régression des échanges internationaux du pays, est imputable surtout à la poursuite de relations actives avec le Canada dans le cadre du traité de réciprocité de 1854.

33Toutes les marchandises ne sont pas également frappées par la nouvelle politique douanière. Parmi celles qui profitent de la situation, on note le charbon de la Nouvelle-Ecosse qui entre en franchise et la laine brute qui sert de substitut au coton. Pour les tissus et les couvertures que commande l’armée nordiste les industriels ont besoin des laines grossières de La Plata et de l’Afrique du Sud, car le troupeau de moutons américain en plein essor les approvisionne principalement en matières premières fines. En 1862 et 1863, plus de 40 % de la laine consommée est d’origine étrangère. Aussi New York conquiert-il la première place devant Boston. Néanmoins, les importations d’articles textiles manufacturés baissent pendant la guerre, à l’exception de ceux qui sont en lin, en chanvre et en jute et qui remplacent le coton. Les lainages sont moins affectés que les cotonnades et les soieries handicapées soit par la pénurie de matière première, soit par des droits quasi prohibitifs sur des objets assimilés à un luxe inutile (cf. graphiques 10, p. 78). Quant aux parts de marché, New York maintient bien ses positions là où il jouissait déjà d’une suprématie incontestée (lainages et soieries) et progresse relativement pour toutes les autres catégories d’articles textiles (cf. graphiques 11, p. 79).

  • 21 C & N ; HS, t. 2, p. 888, série U 212 ; SA, 1878, p. 120.

34Le mouvement général n’est guère différent pour les produits sidérurgiques et métallurgiques (cf. graphiques 12, p. 80). L’effet de l’augmentation des droits est très sensible au début de la guerre où on passe brutalement d’un droit ad valorem de 24 % à un droit spécifique pour la fonte de 6 dollars par tonne équivalent à 42,5 % de la valeur du moment. Quand le prix baisse les années suivantes, le droit s’alourdit jusqu’à atteindre 60 %, après le nouveau tarif de 1864. A l’inverse, le prix des rails de fer augmentant, les producteurs américains bénéficient d’une protection accrue. Sur les quais de New York affluent les fontes écossaises et les rails anglais dont on a besoin pour entretenir le réseau soumis à rude épreuve . En 1863/4, 320 000 tonnes d’articles sidérurgiques et métallurgiques entrent à New York, soit sensiblement plus que les 250 000 d’avant guerre. Avec les trois-quarts des importations de cette branche, New York atteint un sommet qu’il ne retrouvera plus par la suite21.

35Enfin le commerce de réexportation voit les bases de sa survie ébranlées par le tarif du 5 août 1861. Auparavant les marchandises importées pouvaient être conservées en entrepôts pendant trois ans, sans payer de droits, dans l’attente de trouver un marché favorable . Cette législation incitait les maisons étrangères à expédier denrées et articles à New York qui devenait la plaque tournante des échanges sur le continent américain. Boston voyait cette concurrence d’un oeil jaloux, car dès que la situation économique s’améliorait, les entrepôts new-yorkais déversaient leurs stocks – ce qui freinait la hausse des prix et nuisait aux importateurs locaux. En réduisant à trois mois le délai de paiement des droits, le Congrès empêche désormais New York de devenir un grand marché international des matières premières capable de concurrencer Londres.

GRAPHIQUE 10 IMPORTATIONS A NEW YORK D’ARTICLES TEXTILES (en millions de dollars)

GRAPHIQUE 10 IMPORTATIONS A NEW YORK D’ARTICLES TEXTILES (en millions de dollars)

GRAPHIQUE 11 PARTS DE NEW YORK DANS LES IMPORTATIONS D’ARTICLES TEXTILES (en %)

GRAPHIQUE 11 PARTS DE NEW YORK DANS LES IMPORTATIONS D’ARTICLES TEXTILES (en %)

Source des graphiques 10, 11,12 : C & N

IMPORTATIONS DE PRODUITS SIDERURGIQUES ET METALLURGIQUES A NEW YORK : 12 (a) en millions de dollars 12 (b) : part de New York dans les importations américaines (en %)

IMPORTATIONS DE PRODUITS SIDERURGIQUES ET METALLURGIQUES A NEW YORK : 12 (a) en millions de dollars 12 (b) : part de New York dans les importations américaines (en %)

GRAPHIQUE 12

36Pour le commerce d’importation, la guerre de Sécession est bien une coupure majeure. La législation protectionniste adoptée à l’époque pour des motifs à la fois fiscaux et économiques restera la charte qui régira, en dépit de quelques retouches, les échanges américains jusqu’à la veille de la première guerre mondiale. Les importations en seront durablement freinées, car à l’abri de barrières élevées, les entrepreneurs pourront élaborer une stratégie de substitution des importations. Celle-ci ne se développera néanmoins que progressivement, les Etats-Unis ne disposant pas de tous les facteurs de production pour mettre en oeuvre immédiatement une telle politique. Pour New York, les hauts tarifs douaniers représentent un danger dans la mesure où les importations étaient le point fort du port. S’il est vrai que celles-ci attirent les exportations, c’est toute la suprématie de New York qui se trouve menacée à long terme. Menace d’autant plus sérieuse que l’armement américain décline irrémédiablement .

3.4 Le déclin de la marine marchande Américaine

  • 22 Une bonne mise au point sur l’abondante littérature dans Jeffrey J. Safford, The Decline of the Ame (...)

37La guerre de Sécession marque un point de rupture décisif dans le rôle de la marine marchande américaine . Jusqu’alors souveraine, capable de tenir tête aux Britanniques sur les mers lointaines, la flotte des Etats-Unis entre dans une phase de déclin rapide et irrémédiable. Un certain nombre de navires de commerce sont vendus au gouvernement fédéral pour servir de transport de troupes ou de ravitaillement. Vanderbilt en profite pour se débarrasser de ses steamers et préparer sa reconversion dans les chemins de fer. Les chantiers navals de New York redoublent d’activité pendant les hostilités, mais c’est pour fabriquer des navires de guerre qu’il sera difficile de transformer à des usages civils, une fois la paix revenue22.

3.4.1 Les causes du déclin

  • 23 Memorial of the Chamber of Commence of the State of N eu York to the Senate and the House of Repres (...)

38L’argument le plus souvent invoqué à l’époque pour expliquer le déclin est l’action néfaste des corsaires du Sud. Il a suffi en effet de 25 corsaires pour capturer 283 navires marchands du Nord jaugeant 132 000 tonneaux et représentant avec leur cargaison 25,5 millions de dollars. Les bateaux quittant New York ou s’y rendant paient un lourd tribut à l’Alabama, au Florida ou au Shenandoah. Le 17 décembre 1862, l’Ariel qui appartient à Vanderbilt est intercepté pendant son voyage aller vers Aspinwall ; l’ennemi se contente de détruire la cargaison et de recevoir une indemnité – au total 350 000 dollars ; la plupart des voiliers sont moins chanceux ; ils sont coulés. Pendant toute la guerre, on craint aussi une attaque des corsaires sur le port lui-même et on se plaint périodiquement de l’insuffisance des fortifications qui permettraient de repousser un raid. Si la menace ne s’est jamais matérialisée, elle a obligé le gouvernement à maintenir en permanence des troupes à New York dans l’attente d’une attaque hypothétique23.

  • 24 Accoants and Papers, 1866, vol. LXIX, p. 479 ; AMRƐ, CC. Ny, 20 janvier 1866.

39Si les corsaires ont porté un coup fatal à la marine américaine, c’est plutôt d’une manière indirecte. Les armateurs sont désavantagés face à leurs concurrents européens par des primes d’assurance maritime qui enchérissent considérablement leurs coûts de fonctionnement. Pour Liverpool par exemple, les taux en 1860 variaient de 3/4 % à 1,5 % selon l’état du navire ; en 1862, de 0,75 % à 2,5 % ; à ces tarifs normaux s’ajoutent pour les seuls bateaux battant pavillon américain des risques de guerre qui se montent à 0,5 % jusqu’au premier semestre 1862, puis à 1 % et finalement à 3 % en 1863. Leur prime varie donc du triple au quadruple de celle que doivent acquitter les navires de nationalité européenne. Pour Shanghai, la situation est identique : aux tarifs normaux de 3 à 4 % s’ajoutent des risques qui atteignent 7,5 % en 1863. Cette année-là, les compagnies d’assurance maritime exigent donc une prime de 3,5 % pour un navire étranger et de 11 % pour un bateau américain. Dans ces conditions, la marine américaine qui assurait le transport du fret sur toutes les mers du globe perd sa clientèle. Les armateurs vendent leurs navires – au total, 800 000 tonneaux. Nombre de ventes, il est vrai, sont fictives et bien des bateaux qui se prétendent britanniques sont en fait contrôlés par des capitaux américains24.

  • 25 Thèse, note 71, p. 1059 ; AMRE, CC, NY, 26 décembre 1 863, 11 juin 1864, 21 juin 1864.

40En réalité, l’activité des corsaires sudistes n’est pas la véritable cause du déclin. Si tel avait été le cas, la marine marchande américaine aurait rapidement reconquis son rang après la fin des hostilités. Or on n’observe aucune amélioration notable. En 1866 et en 1867 le pourcentage des importations et des exportations de New York transportées dans des cales américaines est inférieur à ce qu’il était au premier semestre de 1863. La révolution technique qu’on pressentait dans la construction navale à la fin des années 1850 prend rapidement son essor au début de la nouvelle décennie qui coïncide avec la guerre civile. Le fer remplace le bois, l’hélice triomphe de la roue à aubes. Or les constructeurs américains, et particulièrement ceux de New York, ne sont pas au rendez-vous de cette double percée technique. A cause des tarifs protectionnistes le fer coûte trop cher aux Etats-Unis pour que les navires construits avec ce matériau soient susceptibles de concurrencer les produits de la Mersey ou de la Clyde. Pour lancer des compagnies de navigation à vapeur la Chambre de commerce de l’Etat de New York pense qu’il est nécessaire d’obtenir des subventions du gouvernement fédéral, à l’instar de ce qui se passe en Angleterre et en France, mais les adversaires de cette politique ont beau jeu de montrer que les compagnies allemandes et la ligne Inman n’en ont jamais eu besoin. Le seul projet qui sera retenu pendant la guerre sera l’ouverture d’une ligne entre New York et Rio de Janeiro car il n’existe aucune liaison par vapeur sur cet axe important et on espère récupérer ainsi une partie du trafic abandonné aux Anglais la décennie précédente25.

3.4.2 Le triomphe des pavillons étrangers

  • 26 CCSNY ; Thèse, p. 906.’

41Il suffit de comparer la répartition du nombre de navires par pavillon en 1860 et en 1865 pour saisir l’étendue du désastre. Alors qu’à New York le nombre total des arrivées ne varie guère, la part de la marine américaine chute de 66,3 % en 1860 à 34,7 % en 1863 et à 33,1 % en 1865. Et encore, ces pourcentages sont-ils très supérieurs à ceux de la valeur des marchandises transportées car les navires américains n’obtiennent que le fret de moindre prix, les marchandises pondéreuses ou en vrac sur lesquelles les bénéfices sont plus faibles. Le pavillon américain recule pour tous les types de navires ; seuls les trois-mâts restent une spécialité des Etats-Unis. La grande bénéficiaire de ce déclin est la flotte britannique ; c’est elle qui désormais domine le trafic du port de New York où plus d’un navire sur deux en 1865 arbore l’Union Jack, au lieu d’un sur quatre avant guerre. Les autres nationalités augmentent leur part mais les gains des pavillons allemand, Scandinave, italien et français sont surtout sensibles au moment des fortes exportations de céréales en 1862 et 1863, après quoi la suprématie britannique s’affirme définitivement26.

  • 27 National Archives, Foreign Clearances, vol. 24, 1862/3.

42Cette supériorité s’affiche aussi bien dans le secteur des voiliers que dans celui des navires à vapeur . Ceux-ci progressent plus rapidement, quoiqu’ils restent encore très minoritaires. Une nouvelle ligne, la National. line., accroît encore la concurrence sur le trajet New York-Liverpool ; une autre ligne régulière est établie avec Londres. Le retrait de toutes les compagnies américaines du Havre laisse le champ libre à la Compagnie Générale Transatlantique récemment créée, mais il faut attendre le mois de juin 1864 pour que le Washington, steamer d’un type ancien à roues à aubes, inaugure la ligne française. A cette date, les navires américains à vapeur ne desservent plus que le Golfe du Mexique27.

  • 28 Memorial (cf. note 23) ; Thèse, p. 1060.

43Au total, la dernière année du conflit à New York, le pavillon américain représente seulement 30 % du tonnage. Il obtient des parts voisines de cette moyenne dans les relations avec la Méditerranée, l’Asie, l’Amérique du Nord, la côte pacifique du continent sud-américain . Ses zones de faiblesse accentuée se situent dans les liaisons avec l’Europe du Nord-ouest et la côte atlantique de l’Amérique du Sud. Il n’y a que les Caraïbes où il s’assure plus de la moitié du total. On assiste à un repli sur les régions les plus proches, tandis que les relations océaniques lointaines sont abandonnées aux flottes marchandes étrangères. En raccourcissant leur horizon géographique, les armateurs new-yorkais abdiquent leur rôle mondial. Le destin du port dépend désormais des stratégies des grandes compagnies européennes28.

3.5 Une occasion manquée : l’élargissement des canaux

  • 29 Hant’s Menchants’ Magazine, September 1865 ; Proceedings (cf. note 15) ; State of New York N° 110, (...)

44Si du côté de l’avant-pays les armateurs new-yorkais sont destinés à jouer un rôle de plus en plus mineur, les milieux du commerce international peuvent espérer maintenir leur contrôle sur l’arrière-pays. La situation leur est apparemment favorable. Tous les modes de transport bénéficient alors d’une grande prospérité. Les chemins de fer annoncent de beaux profits, le trafic est largement suffisant pour employer à plein leurs capacités. Le canal Erié bat tous ses records précédents. En conséquence, l’antagonisme entre la voie ferrée et la voie d’eau s’estompe. Cependant comme les tarifs nominaux des transports montent, négociants et fermiers de l’Ouest se plaignent de l’insuffisance des moyens d’écouler leurs produits agricoles. En 1882, la Législature de l’Etat de New York a décidé que le programme d’élargissement des canaux entrepris un quart de siècle auparavant était achevé. En fait, il n’en était rien, mais cela permettait d’éviter tout engagement de dépenses de construction ultérieur. C’est alors que surgit, en concurrence avec un nouveau plan d’élargissement des canaux, le projet de canal maritime du Niagara29.

3.5.1 Le projet de canal maritime du Niagara

45Selon leurs auteurs, ces projets devraient répondre à une triple nécessité : militaire, économique et politique.

  • 30 State of New York, N° 110 (cf. note 29), p. 39-45.

46Militaire, d’abord, parce qu’il est plus facile d’obtenir des crédits quand la sécurité du pays est en jeu. Deux événements sont à l’origine de cette action. Le premier est le risque d’une intervention britannique et française dans la guerre civile apres l’affaire du Trent (novembre 1861). Le second est la révolution dans les techniques de guerre maritime apportée par l’affrontement des cuirassés Vinginia et Monitor (9 mars 1862) . Un conflit sur la frontière canadienne et dans les eaux des Grands Lacs n’est pas exclue. Les Anglais ont élargi les canaux canadiens pour faire passer des cuirassés qui n’auront aucun mal à détruire la flotille américaine des Lacs et les villes commerçantes, si les Nordistes ne peuvent leur opposer des navires de même type stationnés dans l’Atlantique. Le canal Erié et le canal d’Oswego ont la profondeur suffisante (2 mètres), mais leurs écluses manquent de longueur et de largeur. La mise au gabarit requis reviendrait à 3,5 millions de dollars. Beaucoup plus coûteux seraient les travaux pour relier le lac Michigan au Mississippi. Un total fort onéreux : 17 millions de dollars. Aussi les opposants font-ils valoir que cela coûterait moins cher de construire des chantiers navals directement sur les Grands Lacs et d’effectuer en temps de guerre des raids sur les canaux canadiens30.

47La nécessité économique semblait moins précaire, mais il était difficile d’en faire une cause nationale dans un pays où la politique des grande travaux publics sur budget fédéral est mal vue. Néanmoins l’Ouest réclame des transports bon marché et rapides. Les canaux new-yorkais, dit-on, sont proches de la saturation ; on se plaint de fréquents embouteillages aux écluses. La durée du trajet de Buffalo à Troy qui ne dépassait pas 9 à 10 jours en 1860 atteint en 1861-1863 jusqu’à 14, et même parfois 20 jours. En conséquence, les tarifs des bateliers augmentent, le maïs ne peut plus être exporté. Le goulot d’étranglement se situe au niveau des écluses : une écluse simple travaillant au maximum de sa capacité ne peut pas faire passer plus de 3,2 millions de tonnes de péniches de 200 tonnes par an. Le remède ne se trouve donc pas dans l’augmentation du nombre des péniches. Il faut soit accroître le gabarit des canaux, soit construire un canal maritime qui contourne les chutes du Niagara et laisse aux expéditeurs le choix entre la route du Saint-Laurent par Montréal ou celle du canal d’Oswego, prolongé par le canal Erié de Syracuse à l’Hudson. Dès le début, le projet de canal maritime prend une tonalité anti-new-yorkaise. Le 14 février 1863, la Législature de l’Illinois vote une résolution sur "les moyens d’éviter les péages et les frais élevés qui enrichissent tant actuellement l’Etat de New York aux dépens des fermiers de l’Ouest". Les milieux new-yorkais, eux, sont divisés. Ce sont surtout les négociants de Buffalo qui y voient une menace pour leurs intérêts car le terminus de la navigation sur les Lacs se déplacerait de leur cité à Oswego sur le lac Ontario. Ils préfèrent qu’on allonge les écluses du canal Erié. Ils jugent dénués de fondement les arguments concernant la prétendue cherté des péages : la tendance à long terme est nettement orientée à la baisse et pendant la guerre le prix a diminué.

48Quant à la nécessité politique, il est peu probable qu’elle aurait incité, seule, à entreprendre de grands travaux publics. Certes, on peut voir dans les voies d’eau un ciment de l’unité nationale. Il serait bon de relier le Nord-est et l’Ouest par une voie navigable comme l’étaient l’Ouest et le Sud par le réseau fluvial du Mississippi. L’argument ne manque pas de force au moment où le pays est menacé par la sécession, mais il risque de perdre de sa vigueur dès que la réunion sera opérée, d’autant plus que les chemins de fer sont presque en mesure d’offrir une alternative plausible.

3.5.2 L’absence de décision

49Pendant la guerre, il y a un large consensus sur la nécessité d’avoir des voies navigables capables d’accueillir un trafic accru. Reste à résoudre deux problèmes. Le premier : quelle solution choisir ? l’élargissement des écluses du canal Erié ou le creusement d’un canal maritime contournant les chutes du Niagara pour permettre le passage à des navires de grand tirant d’eau ? Le second, et le plus épineux : qui paierait ?

  • 31 Ibid., p. 100.

50Le 22 avril 1862, la Législature de New York vote une résolution favorable à l’élargissement des canaux de l’Etat pour des raisons nationales mais refuse de débourser un dollar à cet effet. Pour être effectués rapidement, les travaux devraient être pris en charge par le gouvernement fédéral, soit qu’il paie en argent liquide, soit qu’il émette des obligations à 6$ amortissables en 20 ans. En contrepartie, il bénéficierait du passage gratuit pour ses navires de guerre se rendant de l’Atlantique aux Grands Lacs. Aucune générosité chez les New-Yorkais qui s’abritent derrière leur Constitution : l’amender prendrait trop de temps. Le gouverneur Morgan envoie à Washington Samuel B. Ruggles jouer le rôle d’un groupe de pression pour faire accepter le plan par le Congrès. Comme il faut bâtir une coalition, force est d’appâter les représentants de l’Ouest avec un projet similaire, mais coûteux. Néanmoins Lincoln réserve un bon accueil au mémoire que lui présente Ruggles, le 9 juin 1862. Cela ne suffit pas pour enlever la décision à la Chambre des représentants qui ajourne sa décision jusqu’à la prochaine session. Le 28 novembre, Ruggles écrit à Morgan que Lincoln a changé de disposition ; sensible aux plaintes de l’Ouest, le Président fait remarquer que les bateliers ont profité des destructions opérées par les troupes sudistes sur les voies du B & O pour augmenter leur tarif. Ce à quoi Ruggles répond que l’Etat de New York n’est pas en cause, que les péages, eux, n’ont pas varié et que les mariniers qui peuvent être citoyens de n’importe quel Etat, de l’Union sont libres de fixer leur prix. Apparemment, Lincoln se laisse convaincre puisqu’il propose dans son message de décembre 1862 l’élargissement des grands canaux de New York et de l’Illinois. Malgré cet appui, la Chambre des représentants repousse le projet en février 1863 par 72 voix contre 60. La coupure est géographique. La Pennsylvanie, le New Jersey, le Maryland, le Kentucky, le Tennessee, le sud de l’Indiana et de l’Ohio expriment leur hostilité par l’intermédiaire de leurs députés conduits par Thaddeus Stevens et Vallandigham. Le projet, selon eux, représente une menace pour la vallée de l’Ohio et avantage exclusivement un seul Etat et une seule ville, New York, "tous deux. déjà bouffis de prospérité". D’autre part le coût leur paraît exorbitant pour un pays plongé en pleine guerre civile. A l’inverse, la Nouvelle-Angleterre et le reste du Nord-ouest votent la proposition. En fait, l’échec est dû à la défection de six représentants de New York qui suivent F.A. Conkling31.

51Après ce premier insuccès au Congrès, 80 représentants et 18 sénateurs convoquent à Chicago les 2 et 3 juin 1863 une convention chargée d’étudier la question du "canal maritime national". Assemblée de partisans où sont bien représentés l’Illinois, New York et l’Iowa, alors que la Pennsylvanie et le Maryland n’y figurent guère. Rien n’en sort de concret, car aucun accord ne se dégage sur la voie à choisir. L’antagonisme entre les défenseurs de l’élargissement des canaux et ceux du canal du Niagara est tel que la motion finale se contente de demander au Congrès d’adopter les moyens les plus efficaces pour ouvrir un canal maritime du Mississippi au lac Michigan et des Grands Lacs à l’Atlantique. A la fin de 1863, l’argument militaire a beaucoup perdu de sa force. Seule reste la nécessité économique, mais les données sont alors changées et la tonalité anti-new-yorkaise devient plus accusée, comme on le constate dans la résolution de la convention de Detroit de juillet 1865 :

  • 32 Hunt’s Merchants’ Magazine, August 1865, p. 90.

"L’Etat de New York, situé sur la principale artese commerciale entre la grande chaîne des lacs et le rivage océanique et abritant dans ses frontières la métropole du pays, est tenu, ne serait-ce que par intérêt et en bonne politique ainsi que par un respect élémentaire envers les Etats frères, d’améliorer et d’élargir la voie de communication par eau la plus courte entre les lacs et la côte: s’il ne le faisait pas, il ne devrait pas se plaindre de ce qu’une partie du commerce iniérieur soit dirigée dans d’autres directions meilleur marché" 32.

52L’occasion d’élargir les canaux a été manquée et cela définitivement. Dans le bilan des effets de la guerre de Sécession sur le port de New York, il convient de distinguer le court et le long terme. A court terme, les aspects positifs dominent. New York a augmenté ses parts de marché ; il possède désormais la suprématie aussi bien aux exportations qu’aux importations. Un accroissement énorme du trafic en volume a pu être assuré sans trop de difficultés ; on ne peut mettre en doute la capacité physique du port pour évacuer un important trafic. Pour l’industrie locale aussi, la guerre présente des effets bénéfiques. A plus long terme, les aspects positifs sont équilibrés par des conséquences négatives. Positives sont les positions acquises qu’il sera difficile aux rivaux de reprendre, alors que New York bénéficie d’énormes avantages avec ses nombreuses lignes à vapeur régulières et son marché de capitaux capable de financer le commerce international. Trois points noirs laissent cependant envisager un avenir plus difficile. D’abord, l’instauration d’un protectionnisme rigoureux qui décourage les importations, alors que New York a fondé sa suprématie dans le passé sur les entrées de marchandises étrangères. Ensuite, le déclin irrémédiable de la marine américaine et des armateurs locaux abandonne le destin du port aux mains des compagnies européennes dont les intérêts ne coïncident pas nécessairement avec ceux de la Ville-Empire. Enfin, alors que les canaux ont encore une chance face aux chemins de fer, à condition de s’adapter aux nouvelles modalités du commerce, New York, par politique à courte vue et par ladrerie, laisse échapper une occasion unique de moderniser son réseau de voies navigables interne. Au seuil du dernier tiers du XIXème siècle, il est peu probable que les ports rivaux acceptent de bon gré la situation humiliante qui est la leur à la fin de la guerre de Sécession. Ils vont d’abord chercher à récupérer leurs anciennes parts de marché, puis tenter, si possible, de les améliorer. New York a atteint un sommet un peu artificiel. Désormais il ne peut être que sur la défensive pour défendre son acquis.

Notes

1 Fred A. Shannon, The Tarmer’s Last Frontier ; Agriculture, 1860-1897, New York, Harper, Rinehart & Winston, 1945, p. 127 ; Paul W. Gates, Agriculture and the Civil War, New York, Knopf, 1965, ch. 7 et 9 ; Hunt’s Merchants" Magazine, September 1860 ; October 1860, p. 403-413 ; November 1860, p. 618 ; December 1860, p. 713 ; January 1861, p. 76.

2 Philip S. Foner, Business and. Slavery. de New York Merchants and the Irrepressible Conflict, chapel Hill, University of North Carolina Press, 1941, ch. 8 à 16 ; Hunt’ s Merchant’s Magazine, January 1861, p. 76 ; SCL, 28 décembre 1861 ; AMRE, CC, NY, 20 novembre 1860, p. 485 ; 6 décembre 1860, p. 493-502 ; 31 janvier 1861, p. 17 ; 4 février 1861, p. 22 ; 30 avril 1861, p. 120.

3 Docunents of the Board of Councilmen of the City of. New york, vol. VIII, January 7, 1861, p. 20 ; Philip S. Foner, op. cité, p. 285-296 ; David M. Ellis, James A. Frost, Harold C. Syrett, Harry J. Carman, A History of New York State, Ithaca et New York, Cornell University Press, 1967, p. 242 ; De Alva Stanwood Alexander, A Political History of the State of New york, vol. II, Port Washington, Ira J. Friedman, 1969, p. 348 ; AMRE, CC, NY, 17 décembre 1860, p. 510, 513 ; 15 janvier 1861, p. 10 ; 26 mars 1861, p. 77 ; 9 avril 1861, p. 83 ; 20 juillet 1861, p. 229 ; AMRE, CC, PH, 2 avril 1 861 .

4 Philip S. Foner, op. cité, ch. 13 et 15 ; Kenneth M. Stampp, And the War Came. The North and the Secession Crisis, 1860-61, Chicago, University of Chicago Press, 1950, p. 233-235 ; AMRE, CC, NO, 29 avril 1861.

5 SCL, 28 décembre 1861, 3 janvier 1863, 2 janvier 1864 ; AMRƐ, CC, NY, 26 novembre 1863, p. 340, 349 ; 16 janvier 1864, p. 17 ; 21 mars 1864, p. 118 ; Glenn Porter, ed., Encyclopedia of American Econonic History. Studies of the P rincipal Movements and Ideas, tome 1, p. 244 ; HS, tome 2, p. 667, série P 17 ; SA, 1902, p. 561.

6 Emerson David Fite, Social, and Industrial Conditions in the North during the Civil war, New York, Macmillan, 1910, p. 151-152.

7 CCSNY ; SCL.

8 AMRƐ, CC, NO, 21 mars 1863, 6 août 1863, 1 2 octobre 1864 ; AMRE, CC, BA, 2 décembre 1862, 27 janvier 1863, 22 juin 1863, 30 octobre 1863, 14 décembre 1864.

9 AMRƐ, CC, BA, 28 juillet 1870 ; AMRE, CC, NY, 17 juillet 1864, CCSNY, 1862/3, p. 135, 1866/7, p. 90.

10 Samuel B. Ruggles, Report of the Commissioner appointed under the concurrent resolution of April 22,1862, relative to enlarging the canals of this State for national purposes, Albany, 1863, p. 81 ; voir aussi p. 47, 50.

11 John Bennet Lawes et Joseph Henry Gilbert, "Home Produce, Imports, Consumption, and Price of Wheat over forty Harvest-years, 1852-53 to 1891 -92", the journal of the Royal Agricultural Society of England, 1893, p. 132 ; Susan Fairlie, "The Corn Laws and British Wheat Production, 1829-76", Economic Histony Review, Sec. Ser. , XXII ,1, Apri 1 1969, p. 105-08.

12 Tableau général du commence de la France.

13 Paul W. Gates, op. cité, p. 223-225 ; Commissioner of Agriculture, Annual Report pour les années 1862, 1863 et 1864 ; Annual Statement of the Trade and Commence of Chicago for the year ending December 31... reported to the Chicago Board of Trade, annuel.

14 P.W. Gates, op. cité, p. 148, 228, 229.

15 Rudolf Alexander Clemen, The American Livestock and Meat Industry, New York, The Ronald Press C°, 1 923, p. 85 ; Richard Perren, The Meat Trade in Britain, 1840-1914, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1978 , p. 3, 71-74 ; Proceedings, of the National Ship-Canal Convention held at the City of Chicago, June 2 and 3, 1863, Chicago Tribune Company’s Book and Job Printing Office, 1863, p. 50.

16 Annual Statement of the Trade of the United Kingdom, annuel ; Statistical Abstract for the United Kingdom in each of the last fifteen years from 1858 to 1872, N° 20, Londres, 1873, p. 96 ; C.H. Feinstein, National Income, Ɛxpenditure, and Output of the United Kingdom, 1855 – 1965, Cambridge, Cambridge University Press, 1972, T 140, tableau 65.

17 Harold F. Williamson et Arnold R. Daum, The American Petroleurm Industry, 1859-1899. The Age of Illumination, Evanston, Northwestern University Press, 1959, p. 324, 737.

18 H.F. Williamson et A.R. Daum, op. cité, p. 108,190, 291 ; CCSNY, 1863/4, p. 35 ; SCL, 27 mars 1861 ; AMRE, CC, Ny, 11 février 1865.

19 Williamson et Daum, op. cité, p. 170-178 et cartes des p. 171, 173, 174, 299 ; Roland Harper Maybee, Railroad Competition and the Oil Trade, 1855-1873, Mount Pleasant, 1940 ; les statistiques annuelles détaillées du commerce du pétrole se trouvent à la fois dans SCL et dans CCSNy.

20 F.W. Taussig, The Tariff History of the United States, 8th ed., New York, Capricorn Books, 1964, p. 155-170 ; SCL, 30 janvier 1861, 9 février 1861, 16 février 1861, 3 avril 1861 ; AMRƐ, CC, NY, 7 avril 1863.

21 C & N ; HS, t. 2, p. 888, série U 212 ; SA, 1878, p. 120.

22 Une bonne mise au point sur l’abondante littérature dans Jeffrey J. Safford, The Decline of the American Merchant Marine, 1850-1914 : An Historical Appraisal, p. 53-85 dans Lewis R. Fisbher et Gerald E. Panting, ed., Change and. Adaptation in Maritime History : the North Atlantic Fleets in the N ineteenth Century, Maritime History Group, Memorial University of Neufoundland, 1985 ; J.J. Safford, The United States Merchant Marine in Foneign Trade, 1800-1939, p. 91-122 dans Tsunehiko Yui et Keiichiro Nakagawa, ed., Business History of Shipping Strategy · and Structure, University of Tokyo Press, 1985.

23 Memorial of the Chamber of Commence of the State of N eu York to the Senate and the House of Representatives of the United States, 1864 ; CCSNY, 1863/4,p. 52 ; House of Representatives, 37th C., 2nd S., Ex. Doc. N° 92, Military and National Defences.

24 Accoants and Papers, 1866, vol. LXIX, p. 479 ; AMRƐ, CC. Ny, 20 janvier 1866.

25 Thèse, note 71, p. 1059 ; AMRE, CC, NY, 26 décembre 1 863, 11 juin 1864, 21 juin 1864.

26 CCSNY ; Thèse, p. 906.’

27 National Archives, Foreign Clearances, vol. 24, 1862/3.

28 Memorial (cf. note 23) ; Thèse, p. 1060.

29 Hant’s Menchants’ Magazine, September 1865 ; Proceedings (cf. note 15) ; State of New York N° 110, In Senate, Report of the Commissioner appointed under the concurrent resolution of April 22, 1862, relative to enlanging the canals of this State for national purposes, Samuel B. Ruggles albany1863 ; William Pierson Judson, History of the Various Projects, Reports, Discussions and Estimates for Reaching the Great Lakes from Tide-water, 1768-1901 , Oswego, Oswego Historical Society Publications, N° 2, 1901 ; CSL, 11 mars 1865.

30 State of New York, N° 110 (cf. note 29), p. 39-45.

31 Ibid., p. 100.

32 Hunt’s Merchants’ Magazine, August 1865, p. 90.

Table des illustrations

Titre GRAPHIQUE 5 5 (a) : EXPORTATIONS DE BLE ET DE FARINE DE NEW YORK (en millions de tonnes métriques) 5 (b) : PRIX REEL DU BLE A L’EXPORTATION (en dollars par tonne) 5(c) : PART DE NEW YORK DANS LES EXPORTATIONS DE BLE ET DE FARINE DES GRANDS PORTS DE L’ATLANTIQUE ET DU GOLFE (en %)
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Titre GRAPHIQUE 6 6 (a) : EXPORTATIONS DE MAÏS DE NEW YORK (en milliers de tonnes) 6 (b) : PRIX REEL DU MAÏS (en dollars par tonne) 6 (c) : PART DE NEW YORK DANS LES EXPORTATIONS DE MAÏS DES GRANDS PORTS DE L’ATLANTIQUE ET DU GOLFE (en %)
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Titre GRAPHIQUE 7 7 (a) : EXPORTATIONS DE PRODUITS D’ORIGINE ANIMALE DE NEW YORK (en milliers de tonnes) 7 (b) : PRIX REEL A L’EXPORTATION DE DIVERS PRODUITS D’ORIGINE ANIMALE (en dollars par tonne)
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Titre 8 (a) : PART DE NEW YORK DANS LES EXPORTATIONS AMERICAINES DE PRODUITS D’ORIGINE ANIMALE, DE VIANDE DE BOEUF, DE BACON ET DE JAMBONS (en %) 8 (b) : PART DE NEW YORK DANS LES EXPORTATIONS AMERICAINES DE SAINDOUX ET DE VIANDE DE PORC (en %)
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Légende GRAPHIQUE 8
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Crédits Sources du tableau 4 et des graphiques 5 à 9 : C & N ; Thèse, p. 886. Signification des sigles : C=céréales ; US= Etats-Unis ; AT=ports de l’Atlantique (NY=New York ; BA=Baltimore ; PH=Philadelphie ; NN=Newport News et Norfolk) ; GU = ports du Golfe (La Nouvelle-Orléans, Galveston) ; AG=AT+GU. Exemples : ATUSC : part des exportations de céréales américaines effectuées à partir des ports de l’Atlantique (en %) ; NYAGC : part des exportations de céréales des ports de l’Atlantique et du Golfe effectuées par New York (en %), etc...
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Titre GRAPHIQUE 9 PARTS DE NEW YORK, BALTIMORE, BOSTON ET PHILADELPHIE DANS LES EXPORTATIONS DE CEREALES DES QUATRE GRANDS PORTS DU NORD-EST (en %)
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Titre GRAPHIQUE 10 IMPORTATIONS A NEW YORK D’ARTICLES TEXTILES (en millions de dollars)
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Titre GRAPHIQUE 11 PARTS DE NEW YORK DANS LES IMPORTATIONS D’ARTICLES TEXTILES (en %)
Crédits Source des graphiques 10, 11,12 : C & N
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Titre IMPORTATIONS DE PRODUITS SIDERURGIQUES ET METALLURGIQUES A NEW YORK : 12 (a) en millions de dollars 12 (b) : part de New York dans les importations américaines (en %)
Légende GRAPHIQUE 12
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