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Les élites nordiques de l'Europe occidentale (xiie-xve siècle)

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Tuomas M.S. Lehtonen
, 
Élisabeth Mornet

Conclusions

Jean-Marie Maillefer et Elisabeth Mornet

Texte intégral

1Nous voici au terme d’une rencontre quelque peu inaccoutumée à Paris, au cours de laquelle les échanges entre historiens médiévistes nordiques et français ont bénéficié de l’ombre tutélaire de sainte Geneviève, à l’endroit même où plusieurs grandes figures du Septentrion vinrent étudier dès le xiie siècle, et où, plus tard, le chancelier de Sainte-Geneviève conféra sans doute leurs grades aux écoliers nordiques de la faculté des arts. Nous avons vécu deux jours denses, dans une atmosphère stimulante où nous avons écouté des médiévistes nordiques et français, des chercheurs confirmés et des doctorants prometteurs, et entendu aussi bien des communications de synthèse sur l’état de la recherche que des études de cas plus précises. Savons-nous pour autant tout sur les élites nordiques et l’Europe occidentale au Moyen Âge ? Non, bien sûr, car le sujet est presque inépuisable, mais bien des idées reçues ont été révisées, beaucoup de mises au point ont été effectuées et de nouvelles pistes de réflexion ont même été suggérées. Pour nouer les fils des résultats auxquels nous sommes parvenus, il n’est pas inutile de reprendre les termes du sujet de notre colloque, ce qui permettra d’évoquer d’abord ce dont il n’a pas ou peu été question.

  • 1 Exemples d’emplois de cette notion : T. Jørgensen, G. Jaritz et K. Salonen, The long arm of papal (...)
  • 2 Il est intéressant de noter que, parfois, les pays plus méridionaux sont désignés sous le terme de (...)
  • 3 Par exemple How Nordic are the Nordic Medieval Laws, D. Tamm et H. Vogt éd., Copenhague, 2004.

2Le terme le plus aisé à cerner, en apparence, était celui de « nordiques » : ont été évoqués, sur le plan géographique, le Danemark, la Norvège, la Suède, la Finlande, les implantations vikings en Irlande et même incidemment les Pays baltes. C’est dire si les hommes du Nord ont occupé, durant les quelque quatre siècles qui constituaient le champ chronologique de la réflexion, un vaste espace, que l’on qualifie souvent de « périphérie »1, à l’intérieur de l’Europe occidentale plus qu’à ses marges. Car si l’éloignement géographique du « centre »2 n’est pas douteux, avec son cortège de pesanteurs affectant de nombreux domaines de la vie des sociétés, il reste à prouver que les pays du Nord gardèrent leurs distances à l’égard des systèmes à l’œuvre plus au Sud et des modèles qu’ils furent amenés à côtoyer et à adapter. Nombre d’observations effectuées par les participants, aussi bien que des études récentes3, inciteraient plutôt à penser le contraire et c’était bien un des enjeux du colloque : d’une part, de montrer quels furent les modes de fréquentation de l’espace européen occidental par les élites nordiques, c’est-à-dire d’examiner les formes et les enjeux des échanges et, d’autre part, de situer ces mêmes élites dans les modes de fonctionnement et de reproduction des groupes dominants européens.

  • 4 Par exemple : J. L. Byock, Medieval Iceland : Society, Sagas and Power, Berkeley-Los Angeles-Londr (...)
  • 5 Les ouvrages précédents en témoignent. On y ajoutera : J. V. Sigurdhsson, « The Icelandic aristocr (...)
  • 6 Le « petit peuple », par exemple, a fait l’objet d’un congrès récent, Le petit peuple dans l’Occid (...)

3Il y a eu cependant un grand absent des débats : l’Islande. On pourrait invoquer une éventuelle vacance historiographique la concernant aux derniers siècles du Moyen Âge. Certes, elle cesse d’exister en tant qu’entité politique indépendante en 1262-1264 et sa destinée suit dès lors celle de la Norvège ; ses plus beaux fleurons littéraires – sagas et autres chroniques –, qui étaient pour les siècles précédents des sources remarquables d’information exploitées avec ardeur depuis longtemps, se tarissent à partir du xive siècle. Mais l’argument n’est guère concluant : de nombreux chercheurs ont traité des derniers siècles du Moyen Âge islandais ou y ont consacré une part non négligeable de leurs ouvrages4. Ou bien considère-t-on qu’il n’y avait pas d’« élites » en Islande ? À l’évidence, si5. Sans doute les organisateurs n’ont-ils pas été assez persuasifs auprès des médiévistes islandais… L’évocation de la société islandaise, longtemps – et faussement – louée par certains pour avoir proposé un modèle égalitaire idéal, incite à revenir à présent sur le concept d’« élites ». Soulignons d’emblée combien ce terme polysémique, passablement galvaudé, voire déprécié, reste difficile à cerner. Il n’est d’ailleurs pas médiéval : les médiévaux usaient de nombreux termes, puissants (potentes), grands (magni, majores), seigneurs (domini), premiers (primi), meilleurs (meliores)…, qui doivent être tous soigneusement analysés. Ils exprimaient ainsi d’ores et déjà leur perception d’excellence et de prééminence de l’objet socialement préconstruit qu’est une élite. Les trois dernières décennies ont connu un essor considérable des études concernant les élites médiévales, à la faveur du développement de la prosopographie et de ses outils, qui en a permis l’analyse fine, et des nouvelles approches des rapports de pouvoir, nourries par la sociologie et l’anthropologie. Il est vrai qu’actuellement, on se tourne davantage vers d’autres groupes sociaux6, néanmoins les dominants ont encore de beaux jours devant eux, et il était de surcroît intéressant, voire urgent, pour les historiens français, peu familiers en général avec l’histoire des pays du nord de l’Europe, de tenter de faire le point sur les élites septentrionales.

  • 7 Signalons que vient de paraître un dossier consacré aux « Sociétés nordiques en politique, xiie-xv(...)
  • 8 En d’autres termes, cette définition se rapproche du concept de « classe dirigeante », cher à Gaet (...)

4Une définition souple de la notion avait été proposée – l’avant-propos l’a rappelé –, à savoir « les personnes les meilleures, les plus remarquables d’une communauté » (Le Petit Robert), mais dans le temps imparti de la rencontre, il était nécessaire de restreindre le champ de la réflexion : si ont été évoquées les élites définies par leurs compétences ou leurs talents – gens de savoir, élites marchandes et industrielles, tailleurs de pierre et autres artistes… –, les minorités agissant sur la scène politique7, c’est-à-dire celles qui, peu ou prou, directement ou indirectement, avaient accès à l’exercice du pouvoir, ont été au centre de la réflexion8.

  • 9 Voir une présentation synthétique des communautés paysannes nordiques dans Résistance, représentat (...)
  • 10 Exemples assez symptomatiques : quelques pages à peine évoquent les magistrats urbains danois dans (...)

5Néanmoins, dans ce cadre limité, n’ont pas été, ou peu, abordées les élites urbaines, voire les élites paysannes. On sait pourtant que la présence des bönder sur la scène politique fait débat. Quel était leur degré d’autonomie ? de participation aux débats politiques ? qui conduisit les révoltes paysannes : des chefs issus de la paysannerie ? ou bien la paysannerie fournissait-elle seulement une masse de manœuvre commode aux grands pour réaliser leurs ambitions ? Il est peut-être révélateur que cette question n’ait pas été évoquée, tant l’historiographie « classique » a eu une propension marquée à sur-représenter le rôle politique des bönder en Europe du Nord. Aujourd’hui, la tendance est à une vision plus nuancée9. Pour autant, les assises de l’émergence et les modalités d’action de l’élite, à savoir de ceux qui se hissaient à la tête des organes d’administration et de représentation des communautés paysannes, demanderaient à être mieux cernées, tout comme celles des aristocraties urbaines. Les gouvernements urbains, eux aussi quasi absents du champ de nos investigations, pâtissent en effet d’un certain vide historiographique10, provoqué à la fois par l’insuffisance des sources avant le xve siècle pour cerner véritablement le profil de leurs acteurs, par les orientations de la recherche en histoire urbaine, davantage préoccupée par les aspects de la vie matérielle et des structures économiques des villes et, apparemment, par un relatif effacement de leur rôle d’interlocuteurs sur la scène politique des royaumes nordiques, rôle qu’il conviendrait peut-être de reconsidérer.

  • 11 G. E. Aylmer, « Centre et périphérie : définition des élites de pouvoir », dans Les élites du pouv (...)
  • 12 Sur les membres des chapitres cathédraux occidentaux au service des pouvoirs, voir I canonici al s (...)

6Maints outils de réflexion et concepts heuristiques évoqués par plusieurs communiquants permettent une approche de plus en plus fine des élites. Adoptons ici, parmi les nombreux systèmes de hiérarchisation en usage, la proposition de Gerald E. Aylmer dans un des volumes consacrés aux origines de l’État moderne en Europe, Les élites du pouvoir et la construction de l’État en Europe11, à savoir que les élites politiques (laïques et religieuses) constituent une hiérarchie composée de trois strates pouvant se définir par leur plus ou moins grand éloignement par rapport à une autorité centrale : les élites locales, agissant au niveau de la gestion interne des affaires des communautés ; les élites intermédiaires, soit des élites régionales jouissant parfois d’une grande indépendance soit constituées des agents de l’autorité centrale en service au niveau local ; enfin, les élites centrales du pouvoir, à savoir le souverain et les aristocraties dirigeantes qui l’entourent. Les premières n’ont guère été évoquées. La strate intermédiaire l’a été davantage : par exemple, les lagmän de la province suédoise de Västergötland, qui semblent avoir disposé d’un pouvoir d’énonciation de la loi et d’une autonomie à l’égard de la loi royale plus longtemps qu’ailleurs ; les membres de la famille Fleming de Finlande, descendus à la deuxième génération d’un cran dans la hiérarchie aylmerienne, pour reprendre ensuite leur place dans le premier cercle, ce qui montre que les positions étaient bien loin d’être figées et que se maintenir dans l’élite mettait en jeu toute une combinaison de critères, allant des comportements successoraux à la faveur du souverain ; ou encore le chantre de Lund Benechinus Henrici, dignitaire du chapitre cathédral de l’église métropolitaine, exemple de chanoine qui fut un serviteur « expert » de l’archevêque : il illustre ici le rôle des chapitres cathédraux comme pôles de pouvoir régional et, s’il ne fut pas lui-même au service de l’État, il faut sans doute attribuer ce fait davantage aux vicissitudes politiques de son époque qu’à un dédain du chapitre à l’égard des offices publics. Il est bien connu que les chapitres nordiques furent une pépinière d’officiers dans les chancelleries et les administrations royales12. Mis à part ces exemples – encore que l’on puisse discuter à leur sujet du véritable degré d’éloignement du pouvoir central –, a donc été considéré en priorité le premier cercle de pouvoir, composé à la fois de laïcs et d’ecclésiastiques, mais numériquement très restreint.

  • 13 Par exemple, évaluer la domination de l’élite marchande allemande, évoquée à propos des villes sué (...)

7Ultime observation sur les silences de notre colloque : le capital économique comme source de pouvoir des élites a été certes évoqué par plusieurs participants, mais les dimensions proprement économiques des rapports de pouvoirs ont été explicitées seulement dans le vaste panorama qui a été donné du « corps de policie » norvégien. Quant aux aspects économiques des relations avec l’Occident et leur impact sur la formation d’élites particulières, ils n’ont donné lieu à aucun développement approfondi13. En cela, les intervenants, bien qu’ils soient convaincus de l’importance des fondements matériels de la domination politique, partagent le relatif désintérêt observé depuis quelques années dans les communautés historiennes à l’égard des approches socio-économiques du pouvoir au Moyen Âge.

  • 14 Voir l’introduction « Sociétés nordiques en politique, xiie-xve siècles. État de la question »,(...)

8Que nous apprennent donc les communications ici réunies ? Tout d’abord que les orientations des historiographies nordiques ont été longtemps dépendantes de leur temps. Le problème a été soulevé précisément à propos de la Norvège et, pour les autres pays, cela a été évoqué lors des discussions. Aujourd’hui, les approches trop marquées idéologiquement semblent dépassées. En dernière analyse, elles reposaient sur l’idée d’un sous-développement originel du Nord par rapport à l’Occident. D’autre part, jusque très récemment, les historiens nordiques privilégiaient une approche « nationale », appuyée sur une étude prioritairement événementielle qui mettait en valeur un enracinement des groupes sociaux dans les héritages respectifs14.

  • 15 Rappelons que, à la différence du Danemark et de la Norvège, qui disposaient déjà d’un réseau de m (...)

9Au contraire, une chose apparaît sûre : les élites nordiques ont été synchrones avec le reste des élites occidentales dans leurs évolutions et orientations depuis le début de la période considérée. En témoignent l’émergence de l’idée de croisade et de ses manifestations, la diffusion de l’imitatio Christi qui fut prônée aussi bien par Bernard de Clairvaux que, plus tard, par Innocent III et Anders Sunesen, le célèbre archevêque théologien de Lund, qui étaient contemporains et probablement condisciples. On ne s’en étonnera pas, quand on connaît le rôle de « passeurs » internationaux des Cisterciens15, et le développement des études théologiques au xiie siècle dans les écoles parisiennes que les clercs nordiques fréquentèrent assidûment dès cette époque. Ajoutons à cela la participation des laïcs aussi bien que des clercs aux réseaux d’alliance qui tissaient une véritable toile d’araignée d’un bout à l’autre de l’Europe occidentale, diffusant dans les élites guerrières l’idéal de la guerre sainte et du miles Christi et, parmi les ecclésiastiques, les normes réformatrices de l’Église romaine.

  • 16 Sur le renouveau des modèles chevaleresques et courtois, cf. M. Sot, J.-P. Boudet et A. Guerreau-J (...)
  • 17 Jean Froissart a composé deux versions, en 1365 et 1380, de ce roman de plus de 30 000 vers.
  • 18 Cf. F. Autrand, Charles VI, Paris, 1986, p. 214 et suiv.

10Ce synchronisme s’observe tout au long de la période. Les lagmän en Suède, malgré quelques traits originaux qui tiennent en premier lieu à leur double fonction de « dire la loi » (et de la mettre par écrit) et de juger, sont en phase avec l’irrésistible ascension des juristes dans la seconde moitié du xiiie siècle et présentent des similitudes frappantes avec les fameux légistes des rois de France. Dans la Grande chronique rimée, la justification de la domination de l’aristocratie suédoise recherchée dans les modèles chevaleresques résonne comme un écho de celles mises en œuvre dans les royaumes plus méridionaux16, et de la prégnance générale de la littérature et des valeurs courtoises aux xive et xve siècles, à un moment où la noblesse tente de compenser la crise de son prestige guerrier : pensons par exemple au long roman arthurien en vers de Jean Froissart, Méliador17, aux fêtes de Saint-Denis en 1389, où le jeune roi Charles VI endossa le rôle du roi Arthur18, ou encore aux grandes cérémonies bourguignonnes ; Karl Knutsson en roi-chevalier ne renvoie-t-il pas en miroir les figures de nombreux princes occidentaux et leurs rêves de prouesse ? Un autre exemple doit retenir particulièrement l’attention, à savoir l’utilisation de l’idéal du rex justus : qu’avons-nous là, sinon les trois attributs du bon roi – pax, justicia, religio – qui caractérisaient Saint Louis ? Si l’on admet que la légende de saint Éric a été mise en place dès la fin du xiiie siècle, il y a là une concomitance assez remarquable. Pourquoi cette concordance ? On a fondamentalement affaire à des sociétés comparables (guerriers, clercs, paysans), en particulier dans leurs élites.

  • 19 La noblesse au Moyen Âge, xie-xve siècles, Ph. Contamine éd., Paris, 1976, p. 31-32.
  • 20 K. Prange, « Adelens omfang i middelalderen. Nogle overvejelser », dans Riget, Magten og Æren. Den (...)
  • 21 Les chapitres les plus importants de Scandinavie étaient ceux de Lund et de Roskilde : 30 chanoine (...)

11Ces élites du Nord, tout le monde s’accorde à penser qu’elles étaient numériquement très faibles. En Suède, la « classe politique » comprenait une centaine de membres et le cercle qui exerçait directement le pouvoir ne dépassait pas une trentaine d’individus ; en Norvège, l’aristocratie laïque était encore plus restreinte ; elle était bien loin d’atteindre les 1 à 2 % de la population totale que l’on attribue volontiers à la noblesse des royaumes de France et d’Angleterre19 et, de surcroît, elle était relativement pauvre. La noblesse danoise, dont il a été peu parlé, n’était guère plus étoffée : 230 familles environ d’après les souscripteurs à l’ordonnance de réformation de 153620. Même situation du côté des élites ecclésiastiques : le sommet de la hiérarchie séculière était constitué d’une demi-douzaine d’évêques tout au plus dans chaque royaume et rarissimes étaient les chapitres cathédraux qui atteignaient la trentaine de chanoines21.

  • 22 Voir les tribulations du nonce et collecteur pontifical Pierre Gervais et de ses collaborateurs, p (...)
  • 23 Le sujet est au cœur de plusieurs études récentes. Voir, par exemple, S. Bagge, « The Structure of (...)

12Dans les contacts avec l’Europe, les élites laïques ont manifesté, comme toutes les autres, leur vocation militaire. Nous avons vu les guerriers nordiques essentiellement sous deux formes. D’une part, les guerriers-marchandspirates vikings analysés dans leurs œuvres irlandaises. Cette élite nordique installée en pays étranger joua un rôle « d’interface » entre les différentes sociétés occidentales. Cependant, bien que chefs et rois aient usé pour assurer leur pouvoir en Irlande des mêmes stratégies que leurs pairs – alliances matrimoniales, appui de l’Église, politique de compromis… –, une forte identité et une non-intégration persistante de l’élite se maintinrent dans les principautés qu’ils avaient fondées, plus fortement qu’ailleurs, semble-t-il. D’autre part, les croisés, qui prirent en quelque sorte le relais, qu’ils aient participé aux croisades « méridionales » ou à la croisade « orientale ». Il ne faut pas pour autant imaginer que la croisade ait canalisé toute l’agressivité et la violence des bellatores : dans la mer Baltique continuèrent à sévir des pirates de tous bords et il n’y a aucune raison de penser que les Scandinaves se tinrent vertueusement à l’écart22. Surtout, les luttes de faction, les guerres inter-nordiques et civiles, les révoltes, dans lesquelles les magnats et autres nobles des pays voisins ne laissèrent pas d’intervenir, n’ont pas été moindres qu’ailleurs : leur évocation ici ou là dans les communications suggère l’intérêt qu’il y aurait à poursuivre l’analyse des ressorts sociaux et des modalités d’action des conflits – notamment la force des réseaux de clientèle, la constitution des partis aristocratiques, parfois supra-nationaux, la fidélité ou l’amitié qui les structuraient, le rôle des ambitions personnelles et collectives…23 Mais l’élite nobiliaire était parfois moins belliqueuse dans les contacts internationaux. Elle fournissait une bonne partie du personnel des ambassades, où elle côtoyait de grands dignitaires ecclésiastiques et nous avons vu que le profil des ambassadeurs de la reine Marguerite et du roi Erik de Poméranie, au tout début du xve siècle, était celui de véritables experts de la diplomatie internationale et de la négociation, non seulement bons connaisseurs des usages des cours étrangères, mais aussi formés au droit et à l’éloquence, insérés dans des réseaux relationnels qui tous convergeaient vers le (la) souverain(e) de l’Union nordique.

  • 24 Liber Procuratorum Nationis Anglicanae (Alemaniae) in Universitate Parisiensi (Auctarium Chartular (...)
  • 25 J. Verger, Les gens de savoir en Europe à la fin du Moyen Âge, Paris, 1997, en particulier p. 217 (...)
  • 26 Voir, entre autres, M. T. Clanchy, From Memory to Written Record : England 1066-1307, Londres, 197 (...)

13Parmi les voyageurs « pacifiques », le premier rang était occupé sans conteste par les hommes d’Église, dont on sait qu’ils se déplaçaient beaucoup et souvent, à l’instar de Jakob Ulvsson, ordonné prêtre à la Curie romaine, futur archevêque d’Uppsala, figure exemplaire du haut clergé nordique dont les membres, pour des raisons multiples, n’ont cessé de sillonner les chemins de l’Occident : vers les cours européennes, vers le siège de la papauté, qu’il fût à Rome ou à Avignon, vers les conciles et, surtout, vers les universités. Clercs et étudiants se confondent bien souvent – quoique ceux qui poursuivirent une carrière purement laïque n’aient pas tous boudé les bancs académiques : pour prendre un seul exemple, magister Nils Jonsson (Rickebyätten), riksråd et lagman d’Östergötland en 1364, prit ses grades à la faculté des arts de Paris en 135724 –, car nous avons affaire ici aux élites du savoir, celles qui ressortissent à ce que d’aucuns appellent, à la suite de Montaigne, le « quatrième état »25. À coup sûr, la peregrinatio academica fut dès le xiie siècle dans le Nord un outil essentiel de l’entrée en literacy et de l’acquisition de ce fameux capital culturel, devenus indispensables dans le service des souverains et l’exercice du pouvoir politique26.

  • 27 Cf. J.-M. Maillefer, Chevaliers et princes allemands en Suède et en Finlande à l’époque des Folkun (...)

14Si les élites nordiques allaient vers l’Occident, les « hommes du continent » furent attirés aussi vers le Nord : prêtres et évêques aux premiers temps de la mise en place de la hiérarchie ecclésiastique ; moines, au premier rang desquels les Bénédictins et les Cisterciens, et il ne faut pas oublier ensuite l’arrivée rapide au xiiie siècle des Frères mendiants ; légats pontificaux dont nous savons désormais que Guillaume de Modène en a été le remarquable prototype – mais il y aurait à faire une prosopographie d’ensemble sur les serviteurs pontificaux, légats, nonces, collecteurs ou autres qui ont agi dans les royaumes nordiques depuis le xiie siècle ; laïcs enfin et surtout, dont il a été donné un exemple avec le puissant lagman de Finlande, Klaus Fleming, qui nous rappelle l’installation bien connue dans les royaumes nordiques non seulement des marchands allemands mais aussi de la chevalerie allemande27. Ajoutons, pour terminer ce panorama, un dernier groupe, celui des artistes et autres détenteurs d’un savoir technique : sculpteurs, architectes, peintres, experts dans le travail des métaux. On commence à mesurer leurs liens avec les élites de pouvoir, dont ils ont contribué à modeler les signes de reconnaissance du statut social.

  • 28 Cf. dans une bibliographie abondante, E. Christiansen, The Northern Crusades. The Baltic and the C (...)

15Les modalités d’une participation active des élites nordiques sur la scène européenne et à ses grands enjeux ne pouvaient donner lieu à un examen exhaustif. L’idéal de croisade a fait l’objet d’une attention particulière. Il est vrai que le Nord a participé pleinement à la dilatation de la chrétienté : d’abord vers l’Orient méditerranéen, puis à partir de Valdemar Ier vers les zones orientales de la Baltique. Il faut sans doute accorder la paternité de cette nouvelle orientation aux Cisterciens danois, dont on doit par ailleurs souligner à nouveau le rôle dans la diffusion du modèle du miles Christi. Mais l’idéal de croisade, comme dans le reste de l’Occident d’ailleurs, ne s’épuise pas avec les déboires occidentaux du xiiie siècle en Terre sainte. Sous l’influence de l’émergence de l’Ordre teutonique et du succès des Hospitaliers, il est réactivé à la fin du xiiie et au xive siècle, sans doute avec une inflexion vers des visées plus proprement politiques ; mais les justifications restent toujours religieuses et s’insèrent dans les projets pontificaux28.

  • 29 Voir l’ouvrage, déjà ancien, de B. Losman, Norden och Reformkonsilierna, 1408-1449, Göteborg, 1970 (...)
  • 30 Il est d’ailleurs probable que le patriciat urbain ait nourri des ambitions assez similaires.

16D’autres exemples ont été évoqués durant la rencontre comme la réforme monastique, les relations avec la papauté, certains ont été laissés de côté comme l’attitude des pouvoirs nordiques, tant laïcs qu’ecclésiastiques, à l’égard du Grand Schisme d’Occident ou la participation du haut clergé aux conciles29. Mais tout cela conduit à coup sûr à une réévaluation du rôle de l’Église et des élites cléricales, et plus seulement dans leur relation au pouvoir royal, ce qui a été analysé depuis longtemps, mais dans la construction même du pouvoir social de l’aristocratie nobiliaire. Même si les enjeux ont beaucoup évolué, de l’entrée dans l’ordre cistercien en quête de l’imitatio Christi, à l’entrée dans les chapitres cathédraux qui favorisait (quand elle ne récompensait pas) le service du prince, en passant par les saints suffrages répandus sur le lignage tout entier par les prières des nonnes qui s’étaient vouées à l’ordre du Saint-Sauveur fondé par sainte Brigitte, l’Église a très largement participé à l’accroissement du capital de prestige du groupe nobiliaire tout entier et l’a pourvu de nombre d’attributs contribuant à l’affirmation de son identité30.

17Toutes les réflexions précédentes donnent déjà amplement matière pour estimer que les élites nordiques ont été intégrées au Moyen Âge dans des systèmes sociaux, politiques et culturels analogues sur bien des points à ceux développés dans les autres régions occidentales. Il était exclu que les systèmes de reproduction sociale – exprimés dans les usages anthroponymiques, les politiques matrimoniales, les règles de succession, la formation des réseaux d’alliance… – soient abordés en profondeur. Les formes symboliques et les rituels, comme l’adoption des codes héraldiques, les rituels princiers (couronnement, mariages, processions, enterrements) n’ont pas non plus eu tout à fait le succès attendu, bien que le rôle des aspects religieux et symboliques dans la construction de l’État norvégien ait été fortement souligné. Mais plusieurs aspects des modes de fonctionnement des élites et notamment les aspects culturels ont retenu notre attention.

  • 31 Concernant les orientations et les travaux sur la question de la médiévistique allemande et frança (...)

18Deux communications ont fait la part belle au « deuxième sexe » – sans compter les allusions à des figures féminines bien connues, comme sainte Brigitte et la reine Marguerite – et illustrent l’actif développement dans les pays nordiques des études sur la condition féminine et le genre. Elles montrent surtout que les femmes n’étaient pas totalement absentes de la scène sociale et politique investie par les élites septentrionales. Grâce aux filles et aux épouses de la famille Fleming, nous avons vu le système de succession bilatérale en usage en Suède et en Finlande : il attribuait aux femmes une part non négligeable du patrimoine familial et par elles, non sans quelque paradoxe, favorisait l’accès aux sources du pouvoir, biens et fonctions, et leur conservation dans le lignage. Ce système, il faut le souligner, n’était pas ignoré dans les pays méridionaux : lorsqu’il s’agissait de sauvegarder le nom et les armes familiales, la plupart des élites occidentales composaient avec le système agnatique qu’elles avaient elles-mêmes contribué à renforcer. L’exemple proposé ici confirme donc la prégnance des relations cognatiques dans les systèmes de parenté que les études actuelles tendent à revaloriser31. Quant aux donations pieuses de la dévote Lucia Olofsdotter, elles montrent que la législation en faveur de la libre disposition de la dot et du douaire, qui avait accru la « liberté des veuves », avait circulé jusque dans les régions les plus septentrionales de l’Occident !

19L’utilisation, dans la Grande chronique rimée suédoise, des topoï chevaleresques empruntés à la littérature courtoise, pour poser les normes d’une aristocratie se reconnaissant comme élite de pouvoir et imposant cette reconnaissance aux autres groupes sociaux, montre comment le transfert des modèles culturels était opéré dans l’ensemble des pays occidentaux. Le modèle chevaleresque et courtois a été adopté très rapidement, avec les traductions commandées par le roi Håkon IV de Norvège (1217-1263), et il a nourri amplement l’imaginaire social permettant de justifier la domination aristocratique et l’exercice du pouvoir. Il est à l’œuvre également dans les traditions hagiographiques nordiques définissant la sainteté des instaurateurs du nouvel ordre religieux illustrés par saint Éric et saint Henri : qu’elle soit royale ou épiscopale, la sainteté présente in fine quelques similitudes frappantes, issues de la figure du chevalier du Christ, et même sainte Brigitte, en dépit des nouvelles voies prises par l’accès aux autels aux deux derniers siècles du Moyen Âge, conserve encore bien des traits de la fougue chevaleresque mise au service de Dieu. Mais n’était-elle pas issue de cette haute aristocratie des magnats imprégnée des manières chevaleresques et courtoises ?

20C’est ainsi qu’un des mérites du colloque a été de montrer qu’au-delà des caractères spécifiques des royaumes nordiques, qu’on ne saurait évidemment nier, bien des aspects puisent au fonds culturel commun de l’Europe. Toutes les formes de piété évoquées le signalent à l’envi, tant les modèles monastiques véhiculés par les Cisterciens – qui d’ailleurs, comme cela a été bien souligné, en ouvrant leurs maisons aux laïcs, ont abandonné leur statut d’élite éminemment spirituelle pour s’insérer dans une élite sociale, et aussi politique, privilégiée –, que la piété des élites cléricales séculières – dont les testaments permettent de vérifier l’adéquation à l’universelle « mathématique du salut » et aux pratiques courantes assurant une bonne mort. Quant à la piété des laïcs, l’exemple de l’élaboration de la légende de saint Henri, bien que son culte soit demeuré essentiellement localisé à l’Uppland, en Suède, et à la Finlande, et surtout celui du culte de sainte Anne, promu à la fin du Moyen Âge en Finlande par les élites féminines, suggèrent que les croyances et les pratiques dévotionnelles étaient accordées à celles développées ailleurs en Europe. On remarquera enfin que, de l’idéal du miles Christi à la dévotion plus intérieure de la fin du Moyen Âge, les attitudes religieuses, qu’elles soient celles des clercs ou celles des laïcs, contribuent à renforcer l’image de soi du groupe nobiliaire.

  • 32 La version vernaculaire est fort intéressante sur un autre plan. Elle adapte le contenu de la lége (...)

21Le rôle de l’écrit a déjà été souligné. Il a été au centre des préoccupations de plusieurs communiquants, on ne s’en étonnera guère. Le pouvoir de l’écriture, qui a pourtant fait une entrée tardive dans le monde nordique, s’est appliqué par divers canaux, y compris celui de la liturgie, comme le démontre à l’évidence la tradition hagiographique de saint Henri ; il a été décisif, en permettant de justifier la domination de l’Église et son contrôle sur l’ordonnancement du monde auprès des populations nouvellement chrétiennes32. Parallèlement, un modèle scolastique s’est développé au xiiie siècle, sinon déjà au xiie siècle, à partir des écoles parisiennes où Anders Sunesen et d’autres ont pu s’imprégner des orientations de la théologie et les diffuser. Par la suite, ce modèle, propagé par les universités, que les étudiants nordiques ont assidûment fréquentées, et par le livre, malgré sa relative rareté, a largement contribué à donner aux élites cléricales un profil parfaitement conforme à celui de la « clergie » internationale.

22Finalement, qu’avons-nous ? Une culture écrite importée par les élites pour les élites, autorisant la même mobilisation idéologique que partout ailleurs, les mêmes développements dans les formes d’instauration et d’exercice du pouvoir, particulièrement active donc dans la sphère du politique : le renforcement de la loi, la professionnalisation du droit et l’émergence des juristes, le développement d’une élite de conseil, les inflexions idéologiques de la fonction royale.

23Ce colloque n’a pas répondu à toutes les questions, mais il contribue à défricher l’horizon, et en même temps laisse entrevoir un vaste champ d’investigations qui restent à mener, comme l’ont dit plusieurs participants. Plusieurs points sont néanmoins acquis.

24Dans les trois royaumes scandinaves, l’établissement d’un pouvoir central « fort » s’est effectué selon un schéma identique. Il apparaît comme une conséquence directe d’une longue période de guerres intestines (xiie-xiiie siècles) qui a favorisé partout : l’émergence, sur fond d’opposition grandissante entre guerriers et paysans, d’une nouvelle aristocratie militaire liée au pouvoir royal, qui permet d’extorquer à la paysannerie taxes et impôts ; l’influence décisive de l’Église dans les affaires politiques ; le développement de centres marchands dominés par des étrangers. Ces transformations ont permis la formation des élites laïques, ecclésiastiques et mercantiles qui virent leur condition confirmée par des privilèges royaux.

25Il faut souligner l’importance particulière pour les pays nordiques des interfaces avec l’étranger : dans l’aristocratie laïque, où entrèrent des étrangers au service des monarques ; dans l’élite ecclésiastique, au niveau du recrutement des clercs, de leur formation dans les universités étrangères et de leurs réseaux ; dans les élites marchandes et urbaines enfin, au sein desquelles Anglais (en Norvège), Allemands et réseau hanséatique (partout) exercèrent une pression importante.

26La diffusion concomitante des mêmes modèles socio-culturels d’un bout à l’autre de la chrétienté occidentale aboutit à remettre en cause le modèle Centre vs Périphérie : si, géographiquement, l’Europe du Nord est périphérique, elle ne l’est ni culturellement ni anthropologiquement aux xiiie-xve siècles. Il est donc urgent de développer des études comparées, seules capables d’évaluer les particularismes éventuels – c’est la question de « l’originalité » intrinsèque du Nord, laquelle ont longtemps tenu comme un dogme les historiens tant nordiques (l’héritage scandinave) que français (par méconnaissance et par exotisme). Il serait donc nécessaire de mener des recherches comparées entre l’Occident et le Nord, mais aussi entre les pays nordiques (et on regrette que ce colloque encore une fois ait fait, non troppo ma assai, la part belle aux tropismes nationaux).

27Autant que les sources le permettent, il faudrait enfin, comme le recommande Olle Ferm, multiplier les études de cas qui dégagent les mécanismes fins de la reproduction des élites : sur leur recrutement, leur capital social et leurs réseaux nationaux et internationaux, les règles et les stratégies matrimoniales et successorales, le rôle des femmes dans la transmission des richesses et de l’héritage symbolique (noms, armoiries, honneurs), la part du service dans l’ascension sociale, la constitution et les revenus de la noblesse, les liens entre les différentes élites (laïques et ecclésiastiques/laïques et urbaines/intervention des nobles dans les activités marchandes, industrielles ou minières), enfin, sur les échelons inférieurs de l’élite politique.

28L’utilité d’un colloque se mesure non seulement aux réponses qu’il apporte mais aussi et surtout aux pistes qu’il ouvre. En ce sens, on peut dire que ce colloque franco-nordique fut particulièrement réussi, car il a fait sentir le besoin de poursuivre la fructueuse collaboration et les échanges qui se sont établis pendant les deux journées de cette rencontre.

Notes

1 Exemples d’emplois de cette notion : T. Jørgensen, G. Jaritz et K. Salonen, The long arm of papal authority : late medieval Christian peripheries and their communication with the Holy See, Centre for Medieval Studies (CMS), University of Bergen, 2004. Ou encore B. Poulsen, « Royaumes à la périphérie de l’Europe : la Scandinavie médiévale et moderne », dans Systèmes économiques et finances publiques, R. Bonney dir., Paris, 1996 (Les origines de l’État moderne en Europe), p. 87-109.

2 Il est intéressant de noter que, parfois, les pays plus méridionaux sont désignés sous le terme de « continent ».

3 Par exemple How Nordic are the Nordic Medieval Laws, D. Tamm et H. Vogt éd., Copenhague, 2004.

4 Par exemple : J. L. Byock, Medieval Iceland : Society, Sagas and Power, Berkeley-Los Angeles-Londres, 1988 ; J. V. Sigurdsson, Chieftains and Power in the Icelandic Commonwealth, Odense, 1999 ; O. Vésteinsson, The christianization of Iceland. Priests, Power, and Social Change 1000-1300, Oxford, 2000.

5 Les ouvrages précédents en témoignent. On y ajoutera : J. V. Sigurdhsson, « The Icelandic aristocracy after the Fall of the Free State », Scandinavian Journal of History, 20 (1995), p. 153-166.

6 Le « petit peuple », par exemple, a fait l’objet d’un congrès récent, Le petit peuple dans l’Occident médiéval. Terminologies, perceptions, réalités, P. Boglioni, R. Delort et C. Gauvard éd., Paris, 2002.

7 Signalons que vient de paraître un dossier consacré aux « Sociétés nordiques en politique, xiie-xve siècle », dans la revue Médiévales, 50 (2006), avec des articles de Stéphane Coviaux, Jenny Jochens, Einar Már Jónsson, Florent Lenègre, Corinne Péneau et Raphaëlle Schott.

8 En d’autres termes, cette définition se rapproche du concept de « classe dirigeante », cher à Gaetano Mosca. Cf. G. Mosca, Elementi di scienza politica, Turin, 1923, 2e édition.

9 Voir une présentation synthétique des communautés paysannes nordiques dans Résistance, représentation et communauté, P. Blickle dir., Paris, 1998 (Les origines de l’État moderne en Europe) ; et, entre autres, Til Kamp for Friheden. Sociale oprør I nordisk middelalder, A. Bøgh, J. Würtz Sørensen et L. Tvede-Jensen réd., Aalborg, 1988 ; S. Imsen, Norsk bondekommunalisme fra Magnus Lagböte til Kristian Kvart, 1. Middelalderen, Trondheim, 1990 ; P. Reinholdsson, Uppror eller resningar ? Samhällsorganisation och konflikt i senmedeltidens Sverige, Uppsala, 1998 (Acta Universatis Upsaliensis. Studia historica upsaliensia, 189) ; D. Harrison, Uppror och Allianser. Politiskt våld i 1400-talets svenska bondesamhälle, Lund, 2004.

10 Exemples assez symptomatiques : quelques pages à peine évoquent les magistrats urbains danois dans la partie consacrée aux villes et au commerce dans Danmark i Senmiddelalderen, P. Ingesman et J. V. Jensen éd., Århus, 1994 ; les villes nordiques médiévales n’ont suscité aucun développement particulier dans Résistance, représentation et communauté, op. cit. (n. 9).

11 G. E. Aylmer, « Centre et périphérie : définition des élites de pouvoir », dans Les élites du pouvoir et la construction de l’État en Europe, W. Reinhard dir., Paris, 1996, p. 77-102.

12 Sur les membres des chapitres cathédraux occidentaux au service des pouvoirs, voir I canonici al servizio dello stato in Europa, secoli xiii-xvi, H. Millet éd. avec la collaboration d’É. Mornet, Ferrare, 1992.

13 Par exemple, évaluer la domination de l’élite marchande allemande, évoquée à propos des villes suédoises, dans les réseaux urbains. On en revient aux difficultés de trouver une documentation suffisante.

14 Voir l’introduction « Sociétés nordiques en politique, xiie-xve siècles. État de la question », Médiévales, op. cit. (n. 6), p. 7-23, ici, p. 9-13.

15 Rappelons que, à la différence du Danemark et de la Norvège, qui disposaient déjà d’un réseau de monastères bénédictins, les Cisterciens furent en quelques sorte les fondateurs du monachisme suédois.

16 Sur le renouveau des modèles chevaleresques et courtois, cf. M. Sot, J.-P. Boudet et A. Guerreau-Jalabert, Histoire culturelle de la France, 1. Le Moyen Âge, Paris, 1997, p. 265-271.

17 Jean Froissart a composé deux versions, en 1365 et 1380, de ce roman de plus de 30 000 vers.

18 Cf. F. Autrand, Charles VI, Paris, 1986, p. 214 et suiv.

19 La noblesse au Moyen Âge, xie-xve siècles, Ph. Contamine éd., Paris, 1976, p. 31-32.

20 K. Prange, « Adelens omfang i middelalderen. Nogle overvejelser », dans Riget, Magten og Æren. Den danske Adel 1350-1660, P. Ingesman et J. V. Jensen dir., Århus, 2001, p. 26-43.

21 Les chapitres les plus importants de Scandinavie étaient ceux de Lund et de Roskilde : 30 chanoines ou un peu plus à la fin du xve siècle. Celui de Bergen, par exemple, comprenait 12 membres à la même époque. Cf. S. Bagge et A. E. Tryti, « Canons in the service of the State. Norway » et É. Mornet, « Les chanoines de Roskilde au service des pouvoirs du début du xive siècle au milieu du xvie siècle », dans I canonici al servizio dello stato in Europa, op. cit. (n. 12), respectivement p. 177-184 et p. 185-205.

22 Voir les tribulations du nonce et collecteur pontifical Pierre Gervais et de ses collaborateurs, plusieurs fois détroussés, lors de la mission accomplie dans le Nord entre 1330 et 1334, É. Mornet, « Per nives de nocte : un nonce pontifical dans les royaumes nordiques au xive siècle », dans Milieux naturels, espaces sociaux. Études offertes à Robert Delort, Ead. et F. Morenzoni éd., Paris, 1997, p. 591-604. Bien d’autres exemples pourraient être évoqués.

23 Le sujet est au cœur de plusieurs études récentes. Voir, par exemple, S. Bagge, « The Structure of the Political Factions in the Internal Struggles of the Scandinavian Countries During the High Middle Ages », Scandinavian Journal of History, 24 (1999), p. 299-320 ; L. Hermanson, Släkt, vänner och makt. En studie av elitens politiska kultur i 1100-talets Danmark, Göteborg, 2000 (résumé en allemand) ; O. Ferm, Bengt Jönsson (Oxenstierna) och hans värld, Stockholm, 2004 (Runica et Mediævalia. Scripta minora, 10) ; D. Harrison, Uppror och Allianser, op. cit. (n. 9).

24 Liber Procuratorum Nationis Anglicanae (Alemaniae) in Universitate Parisiensi (Auctarium Chartularii Universitatis Parisiensis), I, H. Denifle et É. Châtelain éd., Paris, 1887, col. 207 et suiv.

25 J. Verger, Les gens de savoir en Europe à la fin du Moyen Âge, Paris, 1997, en particulier p. 217 et suiv. Nous saisissons ici l’occasion de remercier Jacques Verger d’avoir amicalement présidé une session du colloque.

26 Voir, entre autres, M. T. Clanchy, From Memory to Written Record : England 1066-1307, Londres, 1979 (nouv. éd. augmentée, 1992), qui a posé parfaitement les enjeux de la culture écrite dans les systèmes de communication et de gouvernement médiévaux ; cf. aussi J.-P. Genet, La genèse de l’État moderne. Culture et société politique en Angleterre, Paris, 2003 ; et, pour le Nord, A. Nedkvitne, « Literacy. A Precondition for Europeanisation of the Scandinavian countries » et O. Ferm, « Universitet och högskolor », dans Norden og Europa i middelalderen, P. Ingesman et T. Lindkvist éd., Århus, 2001 (Skrifter udgivet af Jysk Selskab for Historie, 47), respectivement p. 65-92 et 93-129 ; S. Bagge, « On the Far Edge of Dry Land : Scandinavian and European Culture in the Middle Ages », dans Scandinavia and Europe 800-1350. Contact, Conflict, and Coexistence, J. Adams et K. Holman éd., Turnhout, 2004 (Medieval Texts and Culture of Northern Europe, 4), p. 355-369.

27 Cf. J.-M. Maillefer, Chevaliers et princes allemands en Suède et en Finlande à l’époque des Folkungar (1250-1363). Le premier établissement d’une noblesse allemande sur la rive septentrionale de la Baltique, Francfort-sur-le-Main, 1999 (Kieler Werkstücke Reihe, 10. Beiträge zur Europaïschen Geschichte des späten Mittelalters, 10).

28 Cf. dans une bibliographie abondante, E. Christiansen, The Northern Crusades. The Baltic and the Catholic Frontier 1100-1525, Minneapolis, 1980, rééd., Londres, 1997, trad. française : Les croisades nordiques, Paris, 1996 ; J.-M. Maillefer, « La croisade du roi de Suède Magnus Eriksson contre Novgorod (1348-1351) », dans L’expansion occidentale ( xie-xve siècles). Formes et conséquences, Paris, 2003, p. 87-96.

29 Voir l’ouvrage, déjà ancien, de B. Losman, Norden och Reformkonsilierna, 1408-1449, Göteborg, 1970 (résumé en allemand).

30 Il est d’ailleurs probable que le patriciat urbain ait nourri des ambitions assez similaires.

31 Concernant les orientations et les travaux sur la question de la médiévistique allemande et française au cours des trois dernières décennies, voir la stimulante synthèse due à A. Guerreau-Jalabert, R. Le Jan et J. Morsel d’une part et B. Jussen d’autre part dans Les tendances actuelles de l’histoire du Moyen Âge en France et en Allemagne, J.-C. Schmitt et O. G. Oexle dir., Paris, 2002, « Familles et parentés », p. 433-460.

32 La version vernaculaire est fort intéressante sur un autre plan. Elle adapte le contenu de la légende latine afin de contrer une action, l’assassinat de l’évêque, qui ressortit moins à un paganisme encore virulent qu’à une contestation anticléricale, finalement bien banale et persistante dans l’ensemble des pays européens.

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