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Les tendances actuelles de l’histoire du Moyen Âge en France et en Allemagne

 | 
Otto Gerhard Oexle
, 
Jean-Claude Schmitt

Les tendances actuelles de l'histoire du Moyen Âge en Allemagne Sèvres 1997

Conclusions

Pierre Monnet

Texte intégral

  • 1 Les notes de ces pages sont volontairement nourries de nombreuses références bibliographiques à un (...)
  • 2 G. Noiriel, Sur la « crise » de l’histoire, Paris, 1996, p. 55-70.
  • 3 M. Borgolte, Sozialgeschichte des Mittelalters. Eine Forschmgsbilanz nach der Einheit, Munich, 199 (...)
  • 4 A. Esch, Zeitalter und Menschenalter. Der Historiker und die Erfahrung vergangener Gegenwart. (Ges (...)

1Il conviendrait peut-être de commencer une telle conclusion1 en rappelant l’esprit ou plutôt l’excuse d’un adage qui dit en allemand qu’un historien doit devenir vieux (sous entendu, pour être bon ou, mieux encore, toujours meilleur). C’est donc dire si l’auteur de ces lignes, point trop avancé dans ses recherches et son métier, est conscient de la difficulté de l’exercice qui consiste à synthétiser la pensée des autres et à vouloir tracer des perspectives, sans savoir de quoi demain sera fait. Car c’est bien un des paradoxes du métier d’historien que d’être face au lendemain dans la situation où étaient voici plusieurs siècles ses propres sujets d’enquête, source possible de toutes les téléologies, comme cela a été rappelé par Jean-Claude Schmitt au sujet de l’exposé d’Arnold Esch. A défaut de savoir, à moins de paris risqués, quelles seront les interrogations des historiens du siècle qui commence, occasion fut abondamment donnée pendant cette rencontre entre historiens français et allemands de connaître leurs questions actuelles, les débats respectivement menés de part et d’autre du Rhin en tenant compte des traditions propres2, de l’histoire récente de chaque pays et de l’actualité, commandée particulièrement en Allemagne par les suites d’une unification en cours, non seulement des hommes mais des histoires et des territoires. Comment ne pas voir par exemple dans les conséquences du tournant, de la Wende de 1989, une explication probable (mais non point exclusive ni obligée) de l’acuité du regard porté par de nombreux médiévistes allemands plus spécialement sur les rapports entre Etat et nation ou sur la nature des liens qui font tenir ensemble les groupes sociaux ? De ce point de vue, les réflexions personnelles et marquantes avancées dans des travaux récents par Michael Borgolte3 ou Arnold Esch4 ne laissent pas de doute sur l’importance, justement pour l’historien du passé médiéval et pas seulement pour le contemporanéiste, qu’ont pu revêtir, pour la méthode comme pour la perception de l’historien même, les bouleversements de l’histoire récente de la République Fédérale : le sentiment de vivre la « grande » histoire en direct, le surgissement de l’imprévisible..., autant de perceptions ressenties et travaillées en leur temps par les hommes du Xe, du XIIe ou du XIVe siècle.

  • 5 O.G. Oexle, « Das Mittelalter und die Moderne. Überlegungen zur Mittelalterforschung », dans I.-S. (...)
  • 6 M. Bloch, « Pour une histoire comparée des sociétés européennes », dans Histoire et historiens (te (...)
  • 7 « Il faut que les études historiques [...] s’attachent à l’établissement de leurs questionnaires, (...)
  • 8 U. Raulff, Ein Historiker im 20. Jahrhundert : Marc Bloch, Francfort, 1995. Voir le compte rendu d (...)

2Cette observation incite à continuer d’enfoncer quelques portes ouvertes. C’est-à-dire à insister d’abord sur le sens même de cette rencontre : une réflexion sur la science historique appliquée à des sujets du Moyen Age, dans un cadre européen et potentiellement comparatiste qui pose nécessairement des questions de terminologie et de questionnaire, ainsi que l’a rappelé fortement Otto Gerhard Oexle5 mentionnant la conférence prononcée par Marc Bloch en 1928 au Congrès d’Oslo sous le titre « Pour une histoire comparée des sociétés européennes »6. Comparer, afin de déceler les influences réciproques, de construire des questionnaires7 et de poursuivre l’ambition d’aboutir quelque jour à une langue scientifique commune à condition bien entendu qu’elle ne soit pas uniforme (et l’on peut faire confiance aux difficultés persistantes de traduction et de transmission des œuvres entre France et Allemagne pour nous garder d’un tel « danger »). Tel était le message de Marc Bloch, sur lequel la synthèse la plus récente et peut-être la plus stimulante est précisément parue en allemand en 19958, Marc Bloch qui avait certainement en tête, par formation et intérêt, l’historiographie française et allemande à laquelle il souhaitait d’atteindre cette langue scientifique commune qui fût à la fois collection de signes et ordre de classement permettant de rendre compatible et perméable.

  • 9 Sur les traditions de cette histoire institutionnelle-politique en Allemagne et donc les définitio (...)
  • 10 M. Bloch, « Pour une histoire comparée des sociétés européennes », op. cit., p. 123.
  • 11 A. Esch, « Mittelalterforschung aus der Sicht eines historischen Auslandsinstituts », dans M. Borg (...)
  • 12 Voir les réflexions méthodologiques comparables développées par l’auteur sur l’actualisation dans (...)

3De ce point de vue, le moment paraît particulièrement bien choisi car, en dépit des différences persistantes, ne voit-on pas de part et d’autre que les intentions et les points de vue ont eu récemment tendance à se croiser à la faveur d’une certaine « politisation » de l’histoire sociale côté français (le droit, la norme, l’Etat) et d’une certaine « socialisation » de l’histoire institutionnelle en Allemagne ? Bien entendu on trouvera toujours ici et là bien des historiens pour prétendre que la Frage nach der Gesellschaft à l’allemande n’est pas une histoire sociale à la française et que la problématique de l’Etat moderne à la française par exemple ne saurait faire office de Verfassungsgeschichte allemande9. Mais à l’invitation de Marc Bloch qui conviait à cesser de parler d’histoires et historiographies nationales à histoires et historiographies nationales10 et suivant les conseils d’Arnold Esch pressant de rompre avec un dialogue entre médiévistiques fondé sur le « eux et nous11 » occasion fut ici donnée de mesurer le chemin parcouru (tout en estimant la route restant à accomplir) et de sentir des proximités parfois insoupçonnées. Qui n’avait pas fréquenté dans les deux dernières décennies les colloques ou bibliothèques de la République Fédérale pouvait peut-être penser que les médiévistes allemands restaient pour partie encore enfermés dans la lecture institutionnelle d’une pluie de sources, chartes et diplômes édités selon la rigueur et l’exhaustivité volontiers prêtées avec justice aux écoles d’outre-Rhin. Mais voilà qu’il fut question de mythe, de mémoire, d’oralité, de rituel et voici que le Clovis de Grégoire de Tours, démonté (et démontré) par Johannes Fried, plaça au cœur de la réflexion le contexte de la mémorisation, l’intentionnalité des motifs et schémas narratifs12.

  • 13 Il a été maître d’œuvre avec O. Brunner et W. Conze de la grande entreprise des Geschichliche Grun (...)
  • 14 R. Koselleck, L’expérience de l’histoire, Paris, 1997.
  • 15 B. Lepetit dir., Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, 1995. Voir sa conc (...)
  • 16 « Expériences de l’histoire », « Formes de l’expérience », « Opération historique », autant de mét (...)

4Il semble bien, et ce n’est pas un maigre résultat, que cette ambition de la compatibilité des questions a en effet animé cette rencontre, lui donnant ainsi l’aspect d’un atelier pour faire « l’expérience de l’histoire » afin de reprendre là le titre de la traduction française récente d’articles de Reinhart Koselleck13 (ce dernier insistant justement sur la nécessité pour l’expérience historique de se traduire en concepts plongés forcément dans une grande historicité)14. Une expérience de l’histoire par conséquent (ou même un « présent de l’histoire » pour suivre la conclusion de Bernard Lepetit dans les Formes de l’expérience)15, mais une expérience16 enrichie par le regard de l’autre, c’est-à-dire un croisement des historiographies au terme duquel surgit plus que jamais une histoire-problèmes, laquelle fait mieux comprendre que le Moyen Age évolue en fait avec la pratique des historiens. Il fut beaucoup question de cette pratique dont le contenu et les possibilités se sont trouvé définis par une réflexion sur la matière (art de l’historien et sens de ses sources), par une interrogation sur les problèmes de son temps en rapport avec les problèmes des hommes du passé et par une analyse enfin de l’apport que constituent les recherches menées dans un pays voisin. S’il fallait en effet trouver le plus large dénominateur commun aux collègues français et allemands qui se sont parlé pendant deux jours à travers leurs expériences de l’histoire médiévale, peut-être pourrait-il être trouvé dans la conscience aiguë d’un travail indispensable, et inséparable du résultat historique, sur les modes (documentaires et intellectuels) d’accès au passé.

  • 17 O.G. Oexle, « Das entzweite Mittelalter », dans G. Althoff dir., Die Deutschen und ihr Mittelalter (...)
  • 18 Ibid., p. 362 : « Wissenschaftsgeschichtliche Analyse gehört deshalb zum Grundbestand historischer (...)
  • 19 O.G. Oexle, « Was deutsche Mediävisten an der französischen Mittelalterforschung interessieren mus (...)
  • 20 M. Borgolte dir., Mittelalterforschung nach der Wende, op. cit.
  • 21 M. Borgolte, « Anfänge deutscher Geschichte ? Die Mittelalterforschung der zweiten Nachkriegszeit  (...)
  • 22 Dans son exposé, Klaus Schreiner a bien reposé la question de l’existence sociale de la religion, (...)
  • 23 M. Borgolte, « Der miβlungene Aufbruch. Über Sozialgeschichte des Mittelalters in der Zeit der deu (...)
  • 24 M. Borgolte, « Das soziale Ganze als Thema deutscher Mittelalterforschung vor und nach der Wende » (...)

5Cette rencontre participe bien d’autre part, quoique sous une forme inédite, d’un retour ou d’une continuité des réflexions des historiens sur leur matière, intérêt en effet marqué par de nombreuses publications auxquelles ont participé côté allemand la plupart des intervenants. On peut ainsi mentionner les très récentes contributions de Otto Gerhard Oexle sur les interprétations modernes du Moyen Age créatrices d’une dualité interprétative tenace et même dangereuse si l’on songe aux usages du médiévalisme politique de la première moitié de ce siècle17, ou bien sur l’histoire comme science de la culture invitée à intégrer en elle les conditions historiques de son développement18 et à comprendre que la subjectivité n’est pas un obstacle à la connaissance historique mais sa condition même (condition elle-même historiquement déterminée)19, pour peu que l’on débusque « l’hôte silencieux », pour reprendre une formule employée par Dominique Iogna-Prat. On peut également penser aux deux ouvrages parus en 1995 et 1996 sous la direction et la plume de Michael Borgolte, le premier sous le titre Mittelalterforschung nach der Wende20 contenant, entre autres, l’article de Michael Borgolte lui-même méditant sur la tentation depuis 1989 pour certains historiens allemands des nouveaux Länder de l’Est (sous bénéfice d’inventaire toutefois comme le fit remarquer Jean-Claude Schmitt), devenus méfiants envers toutes les théories sans doute trop vite confondues avec les idéologies, de renouer avec l’objectivité positiviste du siècle dernier (comme si elle n’était pas une idéologie elle-même), ou bien de retrouver les origines « nationales » de l’histoire allemande21. Le même recueil contient les articles de Johannes Fried sur les liens spécifiques entre souvenir, oralité et tradition, mais aussi de Joachim Ehlers, Peter Moraw et Klaus Schreiner sur les spécificités du souvenir, des institutions et de la piété envisagés sous l’angle de la formation du lien social dans la société médiévale22, tant il est vrai que les hommes du Moyen Age ont très fortement pensé la nature des processus de socialisation ainsi que les fonctions des cadres institutionnels développés par le politique. Quant au second ouvrage rédigé par Michael Borgolte, paru sous le titre de Sozialgeschichte des Mittelalters. Eine Forschungsbilanz nach der Wende, la conclusion permet à son auteur d’avancer une série de sept propositions (en forme de bilan et de perspectives pour les études de demain) nées de la confrontation des problématiques développées en histoire sociale de part et d’autre du mur depuis la Seconde Guerre Mondiale (confrontation présentée comme une chance de prolongements)23. 1. Réconcilier à travers une anthropologie historique redéfinie saisie de l’individu et saisie du groupe social ; 2. Concilier histoire des grands et des anonymes (ou des riches et des pauvres) ; 3. Mieux articuler perceptions de l’évolution et perceptions des transformations des époques médiévales (en y intégrant les propres perceptions des hommes du Moyen Age pour le tout social et son changement)24 ; 4. Détacher la recherche justifiée d’une histoire totale de celle d’une réalité totale ; 5. Poursuivre l’analyse des influences sociales réciproques tout en élargissant le propos par une enquête comparative ; 6. Ne pas laisser le Moyen Age éloigné des débats sur la modernité ou la post-modernité ; 7. Reconnaître la part d’innovation et de défi posée autrefois par une historiographie fondamentalement différente.

  • 25 O.G. Oexle dir., Stand und Perspektiven der Mittelalterforschung am Ende des 20. Jahrhunderts, Göt (...)
  • 26 A. Esch, « Mittelalterforschung heute aus der Sicht eines historischen Auslandsinstituts », M. Bor (...)
  • 27 Sur les mutations opérées dans nos visions du Moyen Age et sur l’accent récemment porté par la rec (...)
  • 28 J. Fried, Der Weg in die Geschichte. Die Ursprünge Deutschlands bis 1024, Francfort-Berlin, 1994 ( (...)
  • 29 Les deux exposés de Gerd Althoff et Gert Melville ont montré la virtuosité et la calculabilité var (...)
  • 30 G. Melville dir., Institutionen und Geschichte. Theoretische Aspekte und mittelalterliche Befunde,(...)
  • 31 G. Althoff, Verwandte, Freunde und Getreue : zum politischen Stellenwert der Gruppenbindungen im f (...)
  • 32 J. Ehlers dir., Ansätze und Diskontinuität deutscher Nationsbildung, Sigmaringen, 1989 (Nationes, (...)
  • 33 Récemment sur ce point : J. Ehlers, « Was sind und wie bilden sich die nationes im mittelalterlich (...)
  • 34 Il est l’auteur de Von offener Verfassung zu gestalteter Verdichtung, Berlin, 1985 (Propyläen Gesc (...)
  • 35 On peut ici penser au tout récent ouvrage de B. Schneidmüller et S. Weinfurter dir., Otto III. und (...)
  • 36 J. Ehlers, Die Entstehung des deutschen Reiches, Munich, 1994 (Enzyklopädie deutscher Geschichte, (...)
  • 37 W. Paravicini, Die ritterlich-höfische Kultur des Mittelalters, Munich, 1994 (Enzyklopädie deutsch (...)
  • 38 W. Paravicini dir., Zeremoniell und Raum, Sigmaringen, 1997 (Residenzenforschung, 6). Voir égaleme (...)
  • 39 O.G. Oexle et W. Paravicini dir., Nobilitas. Funktion und Repräsentation des Adels in Alteuropa, G (...)
  • 40 T. Zotz, « Die Formierung der Ministerialität », dans S. Weinfurter dir., Die Salier und das Reich (...)
  • 41 H. Keller, auteur de la synthèse consacrée à l’Empire du Moyen Age central dans la collection Prop (...)
  • 42 L. Kuchenbuch, « Ordnungsverhalten im grundherrlichen Schriftgut vom 9. zum 12. Jahrhundert », dan (...)
  • 43 Sa monumentale histoire de la religiosité au Moyen Age vient de paraître : A. Angenendt, Geschicht (...)
  • 44 Kl. Schreiner, « Laienfrömmigkeit – Frömmigkeit von Eliten oder Frömmigkeit des Volkes ? Zur sozia (...)
  • 45 Kl. Schreiner et G. Schwerhoff dir., Verletzte Ehre : Ehrkonflikte in Gesellschaften des Mittelalt (...)
  • 46 On peut d’ailleurs prendre toute la mesure de l’ampleur donnée par Arnold Angenendt à sa conceptio (...)
  • 47 Kl. Schreiner, « Verschriftlichung als Faktor monastischer Reform : Funktionen von Schriftlichkeit (...)
  • 48 A. Angenendt, « Gezählte Frömmigkeit », Frühmittelalterliche Studien, 29 (1995), p. 1-71.

6Parmi les autres productions récentes, il convient de ne pas oublier le recueil Stand und Perspektiven der Mittelalterforschung am Ende des 20. Jahrhunderts dirigé par Otto Gerhard Oexle et paru en 1996, dans lequel Arnold Esch et Johannes Fried25 ont fourni des contributions hautement méthodologiques, le premier sur le travail des sources (justement dans une approche comparatiste favorisée par son observatoire romain, perspective déjà abordée dans le précédent recueil dirigé par Michael Borgolte26) le second appelant à une « réunification de l’histoire » fondée sur la nécessité d’une nouvelle synthèse après les bouleversements de nos catégories et modèles d’interprétation27. C’est d’ailleurs le monumental ouvrage de ce dernier paru en 1994 sur les débuts de l’histoire allemande (jusqu’en 1024) qui provoqua une dispute scientifique dont les attendus constituent un excellent éclairage des positions actuellement défendues par différents courants de pensée et de recherche chez les médiévistes allemands28. Il est vrai que le choix revendiqué par Johannes Fried de débuter et d’achever son œuvre par la question Was heisst deutsch ? (« Que veut dire allemand ? ») et son choix d’y répondre par une vision du Zu-sich-selbst-Kommen (« Saisie de soi-même ») d’un peuple en devenir passant par un Gleichsein-Wollen, Nicht-Gleichsein-Können und Anderssein-Müssen (« Vouloir être pareil, ne pas pouvoir être pareil et devoir être un autre ») ne pouvaient laisser indifférent le collège de ses collègues. On se persuadera enfin aisément de la vitalité et des renouvellements de la médiévistique allemande auxquels cette rencontre de Sèvres fit écho, en citant encore, au risque de l’injustice pour d’autres auteurs et d’autres contributions, les productions récentes des participants à ce colloque, parfois véritables manifestes méthodologiques et thématiques. Ainsi, si l’histoire politique n’a pas perdu la place traditionnelle qui est la sienne dans l’historiographie allemande, la production des médiévistes, comme on l’a pu voir à la lecture des contributions du présent volume, aborde une histoire du politique qui fait toute sa place aux représentations, aux rituels29 (on pense ici aux ouvrages de Gert Melville30) aux règles et aux normes ainsi qu’aux cadres d’exercice des pouvoirs et de l’autorité (sans oublier les formes de communication chères à Gerd Althoff)31. C’est bien dans ce cadre que s’inscrivent les analyses de Joachim Ehlers qui, après avoir dirigé le recueil Ansätze und Diskontinuität deutscher Nationsbildung32 dans la collection Nationes consacrée à l’étude historique et philologique de la formation des nations d’Europe au Moyen Age33 (thématique également travaillée par Peter Moraw)34, a, tout comme Johannes Fried, apporté sa contribution synthétique aux réflexions toujours actuelles (et peut-être plus que jamais depuis l’unification des deux Allemagnes en 1989)35 portant sur la naissance de l’Empire médiéval36. On pense aussi, touchant le monde des palais et la noblesse plus généralement, à la synthèse de Werner Paravicini sur la Ritterlich-Höfische Kultur des Mittelalters parue en 199437 ou bien à sa direction du recueil Zeremoniell und Raum38 et à sa codirection de l’ouvrage collectif Nobilitas avec Otto Gerhard Oexle paru en 199739, autant d’études complémentaires consacrées à l’espace et aux modes de souveraineté des cours et aux fonctions de leurs personnels, thèmes abordés également par Thomas Zotz40. On achèvera ce tour d’horizon des productions récentes et surtout des problèmes nouveaux développés par les participants à cette rencontre en mentionnant encore les orientations prises d’un côté par les études sur l’oralité et l’écrit conduites par Hagen Keller et Ludolf Kuchenbuch. Tous deux ont porté l’accent sur les fonctions, usages et pratiques de l’écrit, le premier plus essentiellement dans une optique de souveraineté politique et territoriale41, le second plus tourné vers les question d’ordre et de norme42. D’un autre côté on soulignera les voies explorées en histoire religieuse par Arnold Angenendt et Klaus Schreiner qui, pour avoir parlé ici de liturgie, ont bien su la replacer dans le contexte de leurs propres recherches, le premier sur la religiosité43 et le second sur les formes de piété44 (riches de prolongements politiques, sociaux et symboliques)45, religiosité46 et piété conçues comme des clés de lecture globales de la société, de ses hiérarchies47 et de ses modes d’évolution48 au Moyen Age.

  • 49 Il suffit en effet de comparer avec les thèmes retenus en 1979 pour une rencontre tenue à Göttinge (...)
  • 50 Traduction un peu trop restrictive du titre du recueil d’études dirigé par W. Hartmann, Mittelalte (...)
  • 51 Peut-être appartient-il au rédacteur de toute conclusion de colloque de simplifier, d’émousser les (...)
  • 52 G. Duby, « Histoire sociale et idéologie des sociétés », dans J. Le Goff, P. Nora dir., Faire de l (...)

7Après avoir écouté et lu les exposés des participants allemands, présentés ici à travers leurs productions les plus récentes, il n’est pas faux de dire que c’est peut-être cette revendication commune d’une mémoire critique de la discipline, sensible dans nombre de leurs propos et de leurs œuvres, qui permet de marquer la cohérence des sept thèmes choisis assurément pour leur caractère novateur49 mais aussi heuristique et épistémologique : les manières de penser l’histoire du Moyen Age paraissent bien de plus en plus s’inscrire dans une approche critique d’un temps considéré comme étranger50. Car tous, ou peu s’en faut51, ont en commun la conscience riche de prolongements que l’histoire ne saurait plus seulement être regardée comme res gestae ou même Historia rerum gestarum (ce que d’ailleurs elle ne fut même pas pour Grégoire de Tours, comme on l’a vu avec Johannes Fried). Elle paraît de moins en moins situer son objectivité dans un objet, le fait passé dont on aurait évacué toute subjectivité, mais bien plutôt dans la conscience de la construction de l’objet historique, conscience nourrie de la constatation énoncée par Georges Duby dans Faire de l’Histoire en 1974 et rappelée par Otto Gerhard Oexle lors de la journée commémorative de Georges Duby célébrée en novembre 1997 au Musée de Cluny, constatation selon laquelle, « ce n’est pas en fonction de leur condition véritable, mais de l’image qu’ils s’en font et qui n’en livre jamais le reflet fidèle, que les hommes règlent leur conduite »52, et l’on pourrait ajouter à ce jugement, après avoir entendu les rapports présentés sur l’oral et l’écrit dans la société médiévale, « écrivent leur conduite », voire « réécrivent leur conduite » tant Michel Parisse, dans son commentaire, a attiré l’attention sur la complexité et l’importance des réécritures.

  • 53 Voir sur ce point : B. Schneidmüller, « Die mittelalterlichen Konstruktionen Europas. Konvergenz u (...)

8Il a en tout cas semblé que les échanges ont moins porté au cours de cette table ronde sur des rectifications ou collections de résultats (statistiques ou factuels) que sur les modalités de chacun de prendre en compte les raisons pour lesquelles tel thème a présenté pour l’historien du Moyen Age un intérêt et les raisons pour lesquelles sa réception, son « actualité », se sont manifestées ici et là selon des chronologies différentes (sans qu’il soit besoin de parler ici d’avance ou là de retard). Il en résulte, semble-t-il, que cette rencontre n’a pas voulu avant tout trouver une sorte de nouveau sens, même européen ou franco-allemand, à une histoire de l’Occident médiéval qui a bien entendu marqué l’Europe (même si force est de constater que curieusement c’est là où l’Europe au Moyen Age aurait pu le mieux s’appréhender elle-même que l’idée d’Europe fut la plus absente comme on le voit par exemple pour les Croisades ou même l’idée d’Empire)53 ; mais qu’elle a voulu signaler un progrès, en apparence très partagé de part et d’autre du Rhin, dans l’explication, dans la conceptualisation du non-événementiel : un progrès venu de la constatation selon laquelle l’histoire, à qui il ne revient plus en priorité de pourvoir la société en modèles globaux de sa genèse, ne peut plus se contenter d’être conceptualisante sans le savoir, et que c’est sans doute là la clé d’une compréhension qui recherche et d’une recherche qui comprend, pour reprendre les termes d’une dialectique weberienne sans doute plus utilisée et reçue en Allemagne qu’en France. Comment en effet saisir ce qui n’est plus et comment intégrer à nos interprétations la mesure, l’échelle hasardeuse de l’intransmis qui n’y peut mais ? Comment circuler dans les deux sens le long des axes épistémologiques qui ont été élaborés, du concret à l’abstrait, du contingent au transcendantal, du répétitif au diachronique, de l’oral à l’écrit... ?

  • 54 On pourrait ici multiplier les exemples, mais Werner Paravicini, réagissant aux propos de Colette (...)
  • 55 A. Esch, « Rom in der Renaissance. Seine Quellenlage als methodisches Problem », Historische Zeits (...)
  • 56 Elle-même créatrice d’une tradition déterminant la réception ultérieure et donc son interprétation (...)
  • 57 Une suggestive, quoique partiale, mise au point sur le « choc » des débats tournant, parmi les his (...)

9Il n’est donc pas faux de dire qu’à l’issue de ces deux journées les termes d’un constat de discussion (à défaut peut-être de constat d’accord) ont été trouvés par les médiévistes sur la manière de faire leur métier (mais l’on sait bien que cette unanimité n’est pas un argument en soi car les positivistes aussi étaient unanimes), de concevoir la pluridisciplinarité ou l’interdisciplinarité, de sentir les séductions de l’histoire des mentalités, des représentations et des imaginaires, séductions volontiers corrigées par la revendication d’un enracinement dans l’étude des structures sociales. On peut y ajouter, c’est d’autant plus vrai après ces deux jours : l’ambition du comparatisme54. Un accord de poids règne aussi quant à la réflexion critique menée sur la source. Il ne s’agit plus en effet de dépouiller un document pour en retrouver par quelque alchimie sa vérité vraie au terme d’un déshabillage par les sciences dites commodément auxiliaires. Mais il s’agirait plutôt de considérer le document dans sa monumentalité (et il est difficile de ne pas penser ici aux exposés présentés par Werner Paravicini et Thomas Zotz sur les palais et les résidences), sa probabilité d’existence et de transmission variables selon l’objet même (Arnold Esch)55, ses usages et mémoires d’usage, ses intentionnalités (et nous souscrirons volontiers pour notre part aux remarques avancées par Johannes Fried sur le « sens » d’un acte qui porte bien son nom car il s’agit d’une opération complexe et non d’une donnée, d’une réélaboration par le souvenir investie d’une véritable « force manipulatrice »56) sa fonctionnalité d’où surgit la fictionnalité de la source : fonctionnalité et fictionnalité qui elles-mêmes dépendent des niveaux d’écriture, des échanges constants et de complexité parallèle, lesquels unissent oral et écrit, et des perméabilités initiales plus ou moins grandes de la mise par écrit d’un acte (ce qu’ont démontré avec force les mises au point de Hagen Keller et Ludolf Kuchenbuch). Bien peu remettent en cause aujourd’hui, après les progrès accomplis par la salutaire demande d’une compréhension de la compréhension57, le fait que le document a des utilisations et une mémoire d’usage qui en apprennent autant que le dit lui-même. Il a donc été beaucoup question, à juste titre, d’une articulation entre genèse des problèmes et des sources et validité des interprétations, aller-retour incessant entre Genesis et Geltung.

  • 58 En évoquant cette articulation entre résidentiel et cérémoniel, on peut se demander si l’intervent (...)
  • 59 Nous avons déjà mentionné que le premier chapitre de la partie consacrée à la liturgie dans son de (...)
  • 60 O.G. Oexle dir., Memoria als Kultur, Göttingen, 1995 et O.G. Oexle, D. Geuenich dir., Memoria in d (...)
  • 61 Bien parallèle comme l’a montré le commentaire de Monique Bourin : car il y a influence réciproque (...)
  • 62 Preuve peut-être que l’histoire est bien au fond une Kulturwissenschaft ouverte. O.G. Oexle, « Ges (...)
  • 63 Jacques Le Goff, dans sa conclusion du congrès que la Société des Historiens Médiévistes de l’Ense (...)

10On peut relever d’autres points communs aux réflexions présentées par nos collègues allemands. En premier lieu, on peut s’arrêter sur la dynamique des passages d’un thème à l’autre parmi les sept ateliers, dont la succession paraît commandée par un souci programmatique et une véritable logique épistémologique : du présent à la memoria par l’Erinnerungskultur, de la memoria à la liturgie, de la liturgie au politique – passage ménagé par le rituel, l’institutionnel et le souverain – pour aboutir à l’étude typologique des marqueurs spatiaux de la souveraineté et de l’autorité. Il convient donc de garder présent à l’esprit ce chemin qui va de la memoria au politique par le biais du rituel et de ses représentations. En second lieu justement, et ce point commun peut être partagé par l’historiographie française, on a pu constater un certain jeu sur la polysémie de la représentation au sens mental, réflexif et scénique du terme, particulièrement appliquée par Joachim Ehlers pour la souveraineté, mais bien entendu aussi par Thomas Zotz et Werner Paravicini pour inscrire en quelque sorte, par le lien réalisé entre résidentiel et cérémoniel58, une anthropologie du politique dans l’espace et soulever la question des importations et exportations de représentations et de modèles de cour (encore un champ largement ouvert au comparatisme...). Cette question des représentations a paru plus spécialement sous-tendue par celle de leur pouvoir de conviction et d’identification, c’est-à-dire d’efficacité : efficacité du mythe ou du rite qui engage et fait promettre comme l’a dit Gerd Althoff, mais aussi efficacité de l’institutionnel pour Gert Melville (de l’institutionnel dans le social, du symbolique comme production de sens), efficacité de la liturgie pour Arnold Angenendt59 et Wirkendes Prinzip ou principe agissant dans le cas de la cour pour Werner Paravicini (sans oublier l’imitatio regis dans le cas du palais ainsi que Thomas Zotz l’a développé). En troisième lieu, on peut être frappé par le souci affiché dans les contributions des intervenants allemands de développer en même temps plusieurs niveaux d’analyse, celui des imaginaires, des terminologies, des modèles et des contenus, et ce pour concevoir l’histoire elle-même comme partie intégrante d’une Erinnerungskultur engageant passé et présent. En quatrième lieu, il convient de souligner l’attention portée à la question du lien social, à sa formation, à son maintien et à sa rupture (question toujours centrale, avant comme après 1989, rappelait Michael Borgolte dans son introduction à Mittelalterforschung nach der Wende) : un lien au sens allemand de Bindung, qu’il faut prendre également au sens d’engagement et considérer comme un produit de stratégies et de constructions. C’est une interrogation que l’on retrouve à l’œuvre dans la problématique de la memoria comme phénomène social total (et Michel Lauwers a bien eu raison de parler de « moyen d’investigation du social » dans son commentaire sur la memoria conçue comme culture60 et comme reconstruction de la mémoire, tout en soulevant corollairement la question de l’adhésion), mais que l’on voit aussi à l’œuvre dans l’analyse des voies du salut étudiées par Klaus Schreiner, ou bien dans la formation d’une société politique à travers la cour. En cinquième lieu, un accord, semble-t-il, a paru se dégager à plusieurs reprises sur les apports de l’ethnologie (rites et oralité) et de l’anthropologie (parenté, don et mythes) pour mieux approcher les pratiques sociales et les représentations collectives ; mais aussi sur les apports de la sociologie de la communication tant pour les rites et les mythes, ou bien pour la liturgie avec Klaus Schreiner et Arnold Angenendt, que pour le politique de Gerd Althoff et Thomas Zotz et pour les échanges et la parallèle61 complexité entre oralité et scripturalité, ainsi que l’ont dégagé Hagen Keller et Ludolf Kuchenbuch. Ce dernier domaine, placé en rapport avec les usages de l’écrit et les mémoires qui s’y attachent, a mis en lumière combien la sémiologie, la communication et l’herméneutique (laquelle cherche justement des vérités de compréhension) s’alliaient pour dire que la compréhension est dans la réponse à une question, que la recherche de l’historien est inséparable de ces niveaux de compréhension et que le sens de ce que l’on recherche ne réside pas tant dans les objets étudiés que dans les niveaux d’approche de l’objet. D’autre part, et c’est encore un point commun sur lequel accrocher sans doute bien des dialogues futurs, il a paru dans tous les thèmes exposés qu’une grande attention était accordée à trouver la logique des points de contact entre les disciplines sur lesquelles l’histoire n’avait dernièrement cessé de s’ouvrir62, de sorte que si histoire totale il y a (et l’ambition n’en est pas morte, du moins dans ce que nous avons pu entendre), elle résiderait moins dans l’illusoire volonté de tout prendre et de tout englober (tout comme il paraît illusoire de justifier le progrès et l’utilité de l’histoire médiévale par une connaissance d’un plus grand nombre de faits encore), mais plutôt dans cette compréhension des logiques interdisciplinaires et des modèles d’interprétation, par quoi le médiéviste continuera à remplir une fonction sociale en affinant le sens de ce que l’historien du passé a à répondre, à dire face aux interrogations du monde actuel qui implicitement déterminent sa recherche. Qui ne voit pas en effet que la chute rapide de tout un bloc au cœur même de l’Europe (et les historiens allemands l’ont bien entendu plus que d’autres ressenti) a fait resurgir une part d’imprévisible, que le recul des croyances ou au contraire leur exacerbation met à nu les tensions entre groupes, que les failles sociales s’approfondissent dans une société plus riche, qu’il existe une crise des transmissions culturelles ? Il y a bien des raisons, que le médiéviste chercherait en vain dans le Moyen Age même, qui orientent de façon privilégiée son regard vers le lien social et la culture après 1945 (comme on s’interrogeait plus volontiers avant cette date sur le lien national ou le lien politique)63.

  • 64 Monique Bourin suggérait de mettre en relation techniques de l’écrit, techniques culturelles et hi (...)
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11Or justement, au moment de tracer bilan et perspectives, il semble que parallèlement à une histoire des faits sociaux, une histoire des faits culturels et de leurs modes et techniques d’appropriation (techniques sur lesquelles on a justement insisté)64, tout comme une histoire des phénomènes d’acculturation, se profile comme la figure de proue des récentes et nouvelles études médiévales (une promotion qui n’est pas anodine et a surtout permis de se débarrasser du schéma d’une culture des élites qui descendrait vers le bas et absorberait la culture dite populaire par opposition à une culture prétendue savante)65 : et si cet horizon provoque à ce point de nouvelles interrogations méthodologiques et épistémologiques, c’est sans doute parce que dans cette histoire d’une signification des significations, d’une compréhension des compréhensions (Gerd Althoff demandait de comprendre à travers l’étude des rites celui qui en comprenait la portée et l’obligation), notre culture d’historien est encore plus engagée. Mais, et c’est peut-être un chantier à élargir, il conviendrait de savoir encore plus précisément, sur la base de l’étude des constructions historiques de sens, ce que nos médiévistiques respectives entendent par culture et par pratique culturelle, voire par valeurs66. Claude Gauvard ne rappelait-elle pas avec pertinence combien l’étude des rites devait être reliée à l’idée d’affirmation et de régénération des valeurs, ainsi qu’à leurs élargissement et partage (ainsi de l’honneur...), puisque la société médiévale a justement su rendre ses valeurs transparentes ? D’autre part, on a vu que l’histoire du politique ou l’histoire du pouvoir et des pouvoirs, aujourd’hui à la croisée des chemins67, telle que Joachim Ehlers l’a présentée sous l’angle de la souveraineté, s’attache à la description de phénomènes tels qu’intégration, conflits, possibilités d’intervention et de communication du roi qui invitent à réviser l’image traditionnelle que l’on garde parfois en France d’une Frage nach dem Staat vite confondue avec la Verfassungsgeschichte. Or, comme cet auteur l’a assez rappelé, nous savons bien que ce sont moins les éléments de la conscience nationale ou étatique qui paraissent le plus changer que leur relais et leurs porteurs (Träger)68, ainsi que les bases et presque la circonférence du consensus soutenant la légitimité et permettant à un nombre croissant de croire aux mythes et aux rites, de plus en plus d’ailleurs en certains lieux précis et à des moments particuliers. Et c’est en ce sens que l’analyse de la liturgie n’est plus loin, un lien entre liturgie et politique qu’a très bien mis en valeur le commentaire d’Eric Palazzo69 repris par Gert Melville, étudiant pour sa part l’articulation entre instrumental et symbolique (jamais purs mais toujours mêlés) dans l’institutionnel70.

  • 71 On songe ici aux Fixpunkte évoqués par J. Ehlers « Tradition und Integration. Orte, Formen und Ver (...)
  • 72 Défini comme « Un Etat dont la base matérielle repose sur une fiscalité publique acceptée par la s (...)
  • 73 Ibid., p. 10-11.
  • 74 Qui a bien permis de cerner les grands corps de l’Etat et les grands services de cour comme l’a ra (...)
  • 75 Mais au rebours, Anita Guerreau a noté que la littérature courtoise, comme culture de la cour entr (...)
  • 76 D’autant plus complexe, pourrait-on dire, que le Moyen Age, pour reprendre les termes employés par (...)
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  • 78 D’autant qu’il a bien rappelé que l’ecclesia a en partie déterminé très tôt les rapports entre roi (...)

12On a bien vu comment ce champ politique était sorti renouvelé d’une reprise problématique de thèmes traditionnels comme les trajets et résidences du souverain, enrichis du croisement entre rites et institutions pour aboutir à une histoire du politique et donc de ses usages et de ses lieux d’expression et de représentation71. En ce sens, à relire la description que donnait il y a peu Jean-Philippe Genet du projet de la Genèse de l’Etat moderne72 : « Une histoire large (comparative dans le long terme), du politique (l’Etat) ancrée dans le social et l’économique (féodalisme), étroitement liée à l’étude des acteurs sociaux (prosopographie) et à l’histoire culturelle »73 (mais Jean-Marie Moeglin a toutefois relevé à juste titre que ce programme74 n’avait peut-être pas permis d’aller assez loin, du moins en France, sur la localisation de la prise de décision, sur la mise en scène de la cour et sur la cour tout simplement75) il ne semble pas que l’on soit très loin de ce que Peter Moraw, Gerd Althoff à sa manière, Gert Melville (on songe ici à ses remarques sur la quête de l’institutionnel comme production culturelle de sens par laquelle des normes sont concrétisées en concepts pratiques d’action), Thomas Zotz et Werner Paravicini ont dit du politique au sens large, d’autant que les autres séances ont à leur tour mis en valeur la liaison entre histoire politique et histoire des savoirs, en parvenant très bien à montrer que la notion de société politique au Moyen Age est d’autant plus complexe (et cela rappelle l’expression de société complexe employée par Anita Guerreau-Jalabert)76 qu’elle n’est pas alors, au Moyen Age, avant tout structurée politiquement77 (l’insistance de Joachim Ehlers sur le « rex in ecclesia » est de ce point de vue lumineuse)78.

  • 79 Philippe Buc à ce propos posa la question essentielle : est-ce parce qu’un signe fonctionne qu’il (...)
  • 80 Et cela alors que, de part et d’autre du Rhin, la fin du Moyen Age, a priori plus « nationale », e (...)
  • 81 Ce qui dit assez l’absurdité des Cassandre annonçant à l’humanité un retour du Moyen Age comme le (...)

13Au terme de ce relevé des points communs sur lesquels fonder des débats futurs entre historiens allemands et français, il se peut, pour commencer, que nos conclusions aient plus mis en exergue les terrains d’entente que de discorde. Il n’était pas dans notre volonté de céder au travers dénoncé en son temps par Marc Bloch qui assignait à l’histoire comparative de définir des différences justement difficilement réductibles à un seul et improbable modèle plutôt que de rechercher une artificielle unité. Notre souci n’était pas non plus, partant, de faire du « historiquement correct », de vouloir méconnaître les divergences ou les mésententes. Est-il sûr par exemple que nos définitions respectives des rituels et de l’institutionnel coïncident vraiment de part et d’autre et que l’on soit tombé d’accord sur l’ampleur du fonctionnement des rituels79 ? Peut-on garantir que médiévistes français et allemands sentent aux mêmes endroits les frontières entre souvenir, mémoire et memoria ? N’a-t-on pas constaté à plusieurs reprises que les uns parlaient de Kulturgeschichte quand les autres pensaient anthropologie historique, et les uns de méthodes quand les autres croyaient entendre problématiques ? On peut croire cependant que de telles différences existent au même degré au sein de chaque « école historique » propre, si tant est que l’on puisse en parler au singulier et sans autre forme de procès. Mais si parti a été pris de souligner les convergences, entre nombre de médiévistes allemands d’abord, mais surtout entre les intervenants et leurs commentateurs, c’est que ce qui unit a paru plus éclatant que ce qui sépare et que, dans bien des conclusions d’exposés, constatation fut faite que les études que chacun menait n’avaient résolument rien de spécifiquement national80 et que nous étions d’accord pour trouver les fondements historiques des diversités médiévales afin de montrer qu’un monde disparate comme le fut l’Occident des Ve-XVe siècles a trouvé sa cohérence81. Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne reste pas de silences à combler, de souhaits à exprimer, et à satisfaire.

  • 82 E. Schubert, Fürstliche Herrschaft und Territorium im späten Mittelalter, Munich, 1996 (Enzyklopäd (...)
  • 83 A. Gerlich, Geschichtliche Landeskunde des Mittelalters. Genese und Probleme, Darmstadt, 1986.
  • 84 On pense bien sûr aux Monumenta Germaniae Historica, aux Regesta Imperli, aux Deutsche Reichstagsa (...)
  • 85 Sur l’histoire récente de l’Eglise : M. Borgolte, Die mittelalterliche Geschichte, Munich, 1992.
  • 86 H. Boockmann, Die Stadt im späten Mittelalter, Munich, 1987. E. Ennen, Die europäische Stadt des M (...)
  • 87 W. Rösener, Einführung in die Agrargeschichte, Darmstadt, 1997 ; Die Bauern in der europäischen Ge (...)
  • 88 La Giustizia nell’alto medioevo, Spoleto, 1997. Avec contributions de H. Keller « Die Idee der Ger (...)
  • 89 J. Fried n’a-t-il pas parlé de normative Gegenwart ? P. Careni et G. Dilcher dir., Norm und Tradit (...)
  • 90 G. Dilcher dir., Gewohnheitsrecht und Rechtsgewohnheiten im Mittelalter, Berlin, 1992. Voir les pa (...)
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  • 93 H. Vollrath, « Rechtstexte in der oralen Rechtskultur des früheren Mittelalters », dans M. Borgolt (...)
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  • 95 J. Le Goff et J.-Cl. Schmitt, « L’histoire médiévale », Cahiers de civilisation médiévale, 1996, p (...)
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  • 97 Elle complétait sa question par celle des contacts et échanges entre parole individuelle et parole (...)
  • 98 Le palais est un emblème, une mémoire figurée.
  • 99 Parmi les dernières productions, particulièrement d’historiennes allemandes sur les femmes : E. En (...)
  • 100 F. Rexroth, Mediävistische Randgruppenforschung in Deutschland », dans M. Borgolte dir., Mittelalt (...)
  • 101 Colette Beaune a signalé qu’en France l’histoire politique s’orientait actuellement vers une histo (...)
  • 102 M. Borgolte, « Anfänge deutscher Geschichte ? Die Mittelalterforschung der zweiten Nachkriegszeit  (...)

14Il est ainsi des thèmes, certains attendus et d’autres moins, dont il fut peu ou seulement indirectement question. Il n’était certes pas question de mettre une nouvelle fois l’accent sur les points forts de l’historiographie allemande depuis longtemps reconnus à l’étranger : histoire régionale et territoriale-princière82, géographie historique83, édition des sources normatives84, histoire du peuplement ou histoire des conciles85, histoire urbaine86 (et particulièrement archéologie urbaine), histoire agraire (pour un temps éclipsée et en voie de reconstitution sur de nouvelles bases comme en France)87. Mais on en attendait peut-être plus sur le droit88 ou peut-être, devrait-on mieux dire, sur la norme89, et donc sur le non-respect des normes, l’application ou la non-application des lois (impossible sans les rites comme l’a rappelé Claude Gauvard), sur la contestation de l’ordre et de son organisation sur laquelle Philippe Buc a attiré si fortement l’attention. Autant de questions qui renvoient à la normalité et à la mentalité juridique en liaison avec les lieux, pratiques et usages des coutumes90, mais aussi en liaison avec les pratiques de consensus91, de conviction, de proclamation et de négociation92 en temps de faible droit écrit selon les termes des recherches de Hanna Vollrath par exemple93, ou bien en temps de fort droit écrit comme pendant la fin du Moyen Age selon Claude Gauvard94. On ne saurait oublier, touchant ce domaine, le nécessaire prolongement d’une histoire du juridique et de la norme par l’étude de la créativité du droit médiéval et des modifications introduites par son enseignement. Un autre thème qui demanderait un traitement plus approfondi est celui des images dont le statut sort tout autant transformé de nos révisions que les textes eux-mêmes puisqu’elles reflètent des relations signifiantes rétablies dans une série95, construisent dans l’espace, font apercevoir la fluidité des genres96 et apprennent, comme le font les textes mêmes, que tout le réel est dans l’image révélée par le regard qui cherche. Klaus Schreiner plaçait ainsi l’image, revêtue d’une fonction identitaire, au croisement du religieux et du social et Werner Paravicini par exemple soulignait la nécessité du recours à l’iconographie politique (mieux utilisée par exemple pour des périodes ultérieures) afin d’éclairer ce monde complet que constitue la cour. Comme Monique Bourin demandait ce que l’on savait de la parole d’autorité97, on pourrait également s’interroger sur ce que l’on sait de l’image d’autorité. Ce fut la question qu’aborda Joachim Ehlers dans son exposé et que Colette Beaune développa au sujet de l’image du roi. Pour sa part, et toujours sur ce point, Klaus Schreiner a bien marqué combien l’iconophobie était ressentie et interprétée, à mesure que s’approchait la fin du Moyen Age, comme une remise en cause des pouvoirs (Eglise, royauté, princes, villes...), tout comme Thomas Zotz a rappelé l’influence exercée par la construction ou, au rebours, la destruction d’un palais, d’un lieu de souveraineté, sur la théorie politique98. Toujours parmi les thèmes fort discrètement développés au cours de notre rencontre, on peut remarquer que dans l’histoire des hommes du Moyen Age présentée ici par des hommes, les femmes furent peu présentes, même si Werner Paravicini, après avoir exploré la domus du prince, a bien voulu ouvrir la porte de la Chambre des dames (au centre de laquelle plusieurs Clotilde, des maîtresses femmes, conversaient, comme l’a démontré Colette Beaune au sujet de l’image de la reine cette fois). Il ne s’agit bien entendu pas de démontrer que les femmes ont une histoire, mais de comprendre qu’homme et femme sont des produits de l’histoire (et pour partie des historiens et historiennes)99. On pourrait d’ailleurs en dire autant des pauvres et des marginaux100 un peu réduits au silence que les sources médiévales écrites, peu tendres avec eux, leur ont trop souvent réservé101. Après la norme, l’image, les femmes et les pauvres, on peut aussi se demander si l’espace n’aurait pas pu donner matière à des échanges plus approfondis, d’autant que les rapporteurs français ont plusieurs fois posé cette question à leurs collègues allemands : insertion du palais dans la trame des espaces environnants pour Annie Renoux, espace dans lequel se meuvent et s’accomplissent les rituels pour Claude Gauvard (théâtre rituel a également dit Philippe Buc), incorporation (également dans l’espace) de la société par l’institution ecclésiastique à la faveur d’un jeu sur la memoria pour Michel Lauwers... Fut-il enfin assez question de la coexistence entre chrétiens (dont on a beaucoup parlé) et non-chrétiens dans l’Occident médiéval (et l’on pense ici à l’évocation de l’autre et des identités plurielles par Michael Borgolte à la fin de son exposé sur la memoria)102 ?

  • 103 On sait par exemple que la Société féodale de Marc Bloch ne fut traduite en allemand qu’en 1982 : (...)
  • 104 A. Esch, Zeitalter und Menschenalter. Der Historiker und die Erfahrung vergangener Gegenwart, op. (...)
  • 105 J. Le Goff et J.-Cl. Schmitt, « L’histoire médiévale », op. cit., p. 12.

15Parmi les points de méthodologie et de pratique, on pourrait souhaiter qu’un paysage institutionnel (évoquant par exemple les « écoles » attachées à telle ou telle université, ainsi de Münster ou de Fribourg) soit peut-être à l’avenir mieux brossé par leurs collègues allemands à destination des Français, incluant par exemple la liste des Groupes de Recherche Spécifiques (Sonderforschungsbereiche) pour faire écho au vœu formulé au cours de la rencontre par Michel Parisse. Par ailleurs, le fait de traduire les résumés et les interventions des collègues allemands en français a montré que de nombreuses notions ne se laissaient pas transposer, ni dans l’esprit, ni dans le temps et qu’un nécessaire travail de communication reste encore à faire. On peut ajouter à cette remarque qu’un inventaire des traductions existantes ou souhaitables dans les deux langues devrait être dressé103. A-t-on assez abordé, de nouveau dira-t-on, les questions de terminologie propres à notre période associées aux mesures chronologiques (objet de réflexion d’Arnold Esch dans son ouvrage Zeitalter und Menschenalter)104 : pourquoi les Français ont longtemps parlé de Bas Moyen Age ou d’automne médiéval quand l’Allemand parle de Spätmittelalter ou bien de Ausgang, les Français de Moyen Age central voire classique quand les Allemands parlent plus volontiers de Hochmittelalter, d’apogée (lors même que notre haut Moyen Age est le précoce des Allemands) ? A-t-on également assez insisté sur les révolutions introduites par l’usage de l’ordinateur qui permet des recherches tout simplement impossibles auparavant et bouleversent nos lectures des sources105 ?

  • 106 O.G. Oexle, « Das Mittelalter und die Moderne. Überlegungen zur Mittelalterforschung », op. cit.
  • 107 O.G. Oexle, « Geschichte als Historische Kulturwissenschaft », op. cit., p. 32 : Disziplinierung u (...)

16Tout cela engage à n’en pas douter nos propres définitions et méthodes de médiévistes et celles venues d’ailleurs, de l’antique d’un côté et du moderne de l’autre, le Moderne ayant ficelé un Moyen Age en fonction des idées du temps, signe que l’histoire était alors fortement pensée106. Et cela invite sans doute à la comparaison (au comparatisme ensuite ?) conçue à un triple niveau, entre passé et présent d’abord, entre disciplines ensuite et entre historiographies et problématiques nationales enfin. Et peu importe que l’on continue ici à mettre l’accent sur la Frage nach dem Staat et là sur la Frage nach der Gesellschaft, car nous n’allons tout de même pas faire la même histoire entre chercheurs français et allemands. Le voudrait-on d’ailleurs qu’il faudrait gommer (par quelle opération mystérieuse ?) toute l’historicité née des cultures et sociétés respectives dans lesquelles chaque historien, n’en pouvant mais, a grandi et pensé. En revanche, c’est sans doute conjointement que l’on réussira à promouvoir une plus grande mémoire critique de la discipline historique, s’il est bien vrai que cette dernière est compréhension de la transformation des sociétés dans le temps et, partant, de leur relativité. Cela exigerait sans doute, ainsi que Otto Gerhard Oexle y a récemment invité, de dédisciplinariser la matière historique tout en la disciplinarisant davantage en intégrant en elle la réflexion sur son historicité et celle du sujet connaissant107. Il n’est pas présomptueux de dire que cette rencontre, complétée par celle de Göttingen en 1998, en constitue une solide contribution, dans un cadre européen et de ce fait bien approprié pour achever de confirmer que, si l’essor des sciences de la culture est historique au XXe siècle, il n’échappera pas aux nouveaux défis européens de notre temps.

Notes

1 Les notes de ces pages sont volontairement nourries de nombreuses références bibliographiques à un certain nombre de travaux récents marquants de la médiévistique allemande. Parti a en effet été pris d’accompagner l’esprit de cette rencontre en permettant au lecteur français de se familiariser au mieux avec une historiographie et une bibliographie étrangères. C’est à dessein en revanche que les rapporteurs français, et l’auteur de cette conclusion les prie de bien vouloir l’en excuser, ne sont pas mentionnés, à de rares exceptions près, avec leur bibliographie récente. Ils seront vengés dans le second volet de cette publication destinée cette fois, après la rencontre de Göttingen en novembre 1998, à mieux les faire connaître aux chercheurs et universitaires allemands.

2 G. Noiriel, Sur la « crise » de l’histoire, Paris, 1996, p. 55-70.

3 M. Borgolte, Sozialgeschichte des Mittelalters. Eine Forschmgsbilanz nach der Einheit, Munich, 1996, p. VII-IX.

4 A. Esch, Zeitalter und Menschenalter. Der Historiker und die Erfahrung vergangener Gegenwart. (Geschichte im Entstehen), Munich, 1994, p. 217-226.

5 O.G. Oexle, « Das Mittelalter und die Moderne. Überlegungen zur Mittelalterforschung », dans I.-S. Kowalczuk dir., Paradigmen deutscher Geschichtswissenschaft, Berlin, 1994, p. 32-63, ici p. 48-49. O.G. Oexle, « Was deutsche Mediävisten an der französischen Mittelalterforschung interessieren muss », dans M. Borgolte dir., Mittelalterforschung nach der Wende 1989, Munich, 1995, p. 89-127.

6 M. Bloch, « Pour une histoire comparée des sociétés européennes », dans Histoire et historiens (textes réunis par Etienne Bloch), Paris, 1995, p. 94-123. Contribution parue dans la Revue de synthèse historique, 46 (1928), p. 15-50.

7 « Il faut que les études historiques [...] s’attachent à l’établissement de leurs questionnaires, à la décomposition rationnelle de leurs expériences ». M. Bloch, Histoire et historiens..., op. cit., p. 43.

8 U. Raulff, Ein Historiker im 20. Jahrhundert : Marc Bloch, Francfort, 1995. Voir le compte rendu de O.G. Oexle, « Viel mehr als nur ein Klassiker : Marc Bloch », dans Rechtshistorisches Journal, 15 (1996), p. 79-95. On peut compléter cette lecture des Annales françaises par des regards allemands contemporains par le livre de Lutz Raphael, Die Erben von Bloch und Febvre. Annales-Geschichtschreibung und Nouvelle Histoire in Frankreich 1945-1980, Stuttgart, 1994. Est entièrement paru : P. Schöttler dir., Marc Bloch : Historiker und Widerstandskämpfer, Francfort, 1999.

9 Sur les traditions de cette histoire institutionnelle-politique en Allemagne et donc les définitions de ce champ qui dépendent de ces traditions : F. Graus, « Verfassungsgeschichte des Mittelalters », Historische Zeitschrift, 243 (1986), p. 549-589. Phrase de conclusion : Der Historiker muss sich dabei [Methoden und Begriffen] ständig kontrollieren, denn auch seine Ansichten, sein ganzes « Instrumentarium » sind weitgehend von zeitgenössischen Leitvorstellungen mitbestimmt, genauso wie das seiner Vorgänger und - mit grösster Wahrscheinlichkeit - auch das seiner Nachfolger.

10 M. Bloch, « Pour une histoire comparée des sociétés européennes », op. cit., p. 123.

11 A. Esch, « Mittelalterforschung aus der Sicht eines historischen Auslandsinstituts », dans M. Borgolte dir., Mittelalterforschung nach der Wende, op. cit.

12 Voir les réflexions méthodologiques comparables développées par l’auteur sur l’actualisation dans « Die Kunst der Aktualisierung in der oralen Gesellschaft », Geschichte in Wissenschaft und Unterricht, 44 (1993), p. 493-503 et « Die Königserhebung Heinrichs I. Erinnerung, Mündlichkeit und Traditionsbildung im 10. Jahrhundert », dans M. Borgolte dir., Mittelalterforschung nach der Wende, op. cit., p. 267-318.

13 Il a été maître d’œuvre avec O. Brunner et W. Conze de la grande entreprise des Geschichliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland, Stuttgart, 1972-1992, 7 vol. Il fut aussi l’éditeur et directeur de deux volumes de l’ensemble Theorie der Geschichte. Beiträge zur Historik : le premier intitulé Ojektivität und Parteilichkeit avec W.J. Mommsen et J. Rüsen, Munich, 1977 et le troisième intitulé Formen der Geschichtsschreibung avec H. Lutz et J. Rüsen, Munich, 1982.

14 R. Koselleck, L’expérience de l’histoire, Paris, 1997.

15 B. Lepetit dir., Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, 1995. Voir sa conclusion : « Le présent de l’histoire », p. 273-298 : « Nul point de vue extérieur ne peut être tenu par rapport au temps historique [...] Le passé, ainsi, est un présent en glissement », p. 295 et 296.

16 « Expériences de l’histoire », « Formes de l’expérience », « Opération historique », autant de métaphores empruntées aux sciences naturelles (dont l’essor au XIXe siècle a bouleversé à des échelles diverses la discipline historique), qui posent la question des critères de scientificité qui engagent le sujet connaissant, les productions, les pratiques et les usages de l’historien, bref tout ce qui définit sa culture face à une science de la culture... « L’historien procède aussi à un déplacement de l’articulation nature/culture » dit Michel de Certeau, « L’opération historique », dans J. Le Goff, P. Nora dir., Faire de l’histoire, 1. Nouveaux problèmes, Paris, 1974, p. 19.

17 O.G. Oexle, « Das entzweite Mittelalter », dans G. Althoff dir., Die Deutschen und ihr Mittelalter. Themen und Funktionen moderner Geschichtsbilder vom Mittelalter, Darmstadt, 1992, p. 7-28. O.G. Oexle, « Die Moderne und ihr Mittelalter. Eine folgenreiche Problem-geschichte », dans P. Segl dir., Mittelalter und Moderne. Entdeckung und Rekonstruktion der mittelalterlichen Welt, Sigmaringen, 1997, p. 307-363.

18 Ibid., p. 362 : « Wissenschaftsgeschichtliche Analyse gehört deshalb zum Grundbestand historischer Kulturwissenschaft ». O.G. Oexle, « Geschichte als Historische Kulturwissenschaft », dans W. Hardtwig et H.-U. Wehler dir., Kulturgeschichte heute, Sigmaringen, 1996, p. 14-40.

19 O.G. Oexle, « Was deutsche Mediävisten an der französischen Mittelalterforschung interessieren muss », op. cit., p. 127 : Daβ die Gegenwart durch die Kenntnis der Geschichte begreifbar wird, wissen die Historiker längst. Sie sollten dieses Wissen nur auch einmal auf sich selbst anwenden.

20 M. Borgolte dir., Mittelalterforschung nach der Wende, op. cit.

21 M. Borgolte, « Anfänge deutscher Geschichte ? Die Mittelalterforschung der zweiten Nachkriegszeit », Tel Aviver Jahrbuch für deutsche Geschichte, 25 (1996), p. 35-53. Ici particulièrement les pages 52-53.

22 Dans son exposé, Klaus Schreiner a bien reposé la question de l’existence sociale de la religion, tant à travers le culte des saints qu’à travers les fondations de messe (avec leur nécessaire inscription dans le cadre institutionnel et social que constitue la paroisse) ou les formes d’appropriation et d’émancipation que peut permettre par exemple la prière.

23 M. Borgolte, « Der miβlungene Aufbruch. Über Sozialgeschichte des Mittelalters in der Zeit der deutschen Teilung », Historische Zeitschrift, 260 (1995), p. 365-394, ici page 394.

24 M. Borgolte, « Das soziale Ganze als Thema deutscher Mittelalterforschung vor und nach der Wende », Francia, 22/1 (1995), p. 155-171.

25 O.G. Oexle dir., Stand und Perspektiven der Mittelalterforschung am Ende des 20. Jahrhunderts, Göttingen, 1996. A. Esch « Beobachtungen zu Stand und Tendenzen der Mediävistik aus der Perspektive eines Auslandsinstituts », p. 7-44 et J. Fried, « Vom Zerfall der Geschichte zur Wiedervereinigung. Der Wandel der Interpretationsmuster », p. 45-72. Pour Johannes Fried, le texte fait partie d’un contexte de compréhension et d’interprétation socialement déterminé (manière d’atteindre à une sociologie du savoir). Lire le texte relève ainsi moins du savoir que du comprendre, condition d’un élargissement formidable des perspectives de l’historien conscient qu’il est de faire lui-même partie de l’histoire qu’il écrit et de se réfléchir dans son acte, ses choix et ses questions.

26 A. Esch, « Mittelalterforschung heute aus der Sicht eines historischen Auslandsinstituts », M. Borgolte dir., Mittelalterforschung nach der Wende, op. cit., p. 75-88.

27 Sur les mutations opérées dans nos visions du Moyen Age et sur l’accent récemment porté par la recherche non sur les productions et 1’« efficacité » historique du Moyen Age (au bilan des pertes et profits...), mais sur la nature et les modalités des liens sociaux anciens, lire les pages d’introduction éclairantes écrites par Johannes Fried dans Die Formierung Europas 840-1046, Munich, 1991, rééd. 1993, p. 109-114. Cette synthèse peut être lue comme une véritable explication de ce que l’auteur entend par une nouvelle histoire totale unissant sources, construction et narration, bref le travail historique lui même...

28 J. Fried, Der Weg in die Geschichte. Die Ursprünge Deutschlands bis 1024, Francfort-Berlin, 1994 (Propylen Geschichte Deutschlands, 1). Gerd Althoff en fit une recension sévère dans la Historische Zeitschrift, 260 (1995), p. 107-117 sous le titre de « Von Akten zu Motiven », au prétexte que Johannes Fried aurait extrapolé des sources (apparemment sièges de la vérité pour Gerd Althoff) pour se livrer aux spéculations (règne de la forcément fausse subjectivité selon le même recenseur). Johannes Fried lui répliqua dans la même revue, p. 119-130 : « Über das Schreiben von Geschichtswerken und Rezensionen », en posant la véritable question à nos yeux, celle de l’écriture de l’histoire dont l’acte même ne peut séparer la source de son interprétation, de sa construction et narration par l’historien pour peu que ce dernier soit conscient des modèles d’interprétation qu’il suit. Pour le moins on ne saurait faire le reproche à Johannes Fried de ne pas s’interroger sur ses schémas de lecture des sources ! Cette dispute finit en tout cas par faire l’objet d’articles de presse (Süddeutsche Zeitung). Michael Borgolte, après Peter Moraw, en fait un compte rendu élogieux (un « témoignage-clé de la médiévistique allemande de la fin du XXe siècle », écrit-il) et scientifiquement convaincant dans Göttingische Gelehrte Anzeigen, 247 (1995), p. 88-102, sous le joli titre de « Eine Anthropologie der Anfänge Deutschlands ».

29 Les deux exposés de Gerd Althoff et Gert Melville ont montré la virtuosité et la calculabilité variable des rituels au Moyen Age.

30 G. Melville dir., Institutionen und Geschichte. Theoretische Aspekte und mittelalterliche Befunde, Cologne-Weimar-Vienne, 1992 ; G. Melville dir., De ordine vitae : zu Normenvorstellungen, Organisationsformen und Schriftgebrauch im mittelalterlichen Ordenswesen, Münster, 1996 ; H. Duchhardt et G. Melville dir., Im Spannungsfeld von Recht und Ritual, Cologne-Weimar-Vienne, 1997. Voir en particulier sa contribution « Rituelle Ostentation und pragmatische Inquisition. Zur Institutionalität des Ordens vom Goldenen Vlies », p. 215-270. Il est actuellement directeur du Sonderforschungsbereich 537 « Institutionalität und Geschichtlichkeit » de l’Université de Dresde.

31 G. Althoff, Verwandte, Freunde und Getreue : zum politischen Stellenwert der Gruppenbindungen im früheren Mittelalter, Darmstadt, 1992 ; « Compositio : Wiederherstellung verletzter Ehre im Rahmen gütlicher Konfliktbeendigung », dans Kl. Schreiner et G. Schwerhoff dir., Verletzte Ehre : Ehrkonflikte in Gesellschaften des Mittelalters und der frühen Neuzeit, Cologne-Weimar-Vienne, 1995, p. 63-76 et Spielregeln der Politik im Mittelalter. Kommunikation in Frieden und Fehde, Darmstadt, 1997. Tout dernièrement encore : « Otto III. und Heinrich II. in Konflikten », dans B. Schneidmüller et S. Weinfurter dir., Otto III. und Heinrich II. Eine Wende ?, Sigmaringen, 1997, p. 77-94. G. Althoff est par ailleurs auteur d’une biographie de Otton III : Otto III, Darmstadt, 1996. Voir le compte rendu critique de M. Borgolte, « Biographie ohne Subjekt, oder wie man durch quellenfixierte Arbeit Opfer des Zeitgeistes werden kann », Göttingische Gelehrte Anzeigen, 249 (1997), p. 128-141. Il a dirigé les deux recueils Formen und Funktionen öffentlicher Kommunikation im Früh-und Hochmittelalter, Constance, 1996 et Formen und Funktionen öffentlicher Kommunikation im Spätmittelalter, Constance, 1997. Nous avons également vu qu’il avait dirigé en 1992 l’entreprise Die Deutschen und ihr Mittelalter. Themen und Funktionen moderner Geschichtsbilder vom Mittelalter, op. cit.

32 J. Ehlers dir., Ansätze und Diskontinuität deutscher Nationsbildung, Sigmaringen, 1989 (Nationes, 8). Voir particulièrement son article « Die deutsche Nation des Mittelalters als Gegenstand der Forschung », p. 11-58. Plus récemment : « Sentiment impérial, monarchie et régions en Allemagne et en France pendant le Haut Moyen Age », dans R. Babel et J.M. Moeglin dir., Identité régionale et conscience nationale en France et en Allemagne du Moyen Age à l’époque moderne, Sigmaringen, 1997, p. 15-25. Sa connaissance de l’histoire de la France médiévale autorise de véritables réflexions comparatistes nourries de sa connaissance de l’historiographie actuelle : voir, entre autres, son rapport de la rencontre et du recueil L’histoire médiévale en France. Bilan et perspectives, Paris, 1991 dans Geschichte in Wissenschaft und Unterricht, 1990, p. 489-498. Voir aussi de J. Ehlers, « L’image de la monarchie française dans l’historiographie de l’Empire (Xe et ΧIe siècles) », dans J.-P. Genet, L’historiographie médiévale en Europe, Paris, 1991, p. 119-128.

33 Récemment sur ce point : J. Ehlers, « Was sind und wie bilden sich die nationes im mittelalterlichen Europa (10.-15. Jahrhundert) ? Begriff und allgemeine Konturen », dans A. Bues et R. Rexheuser dir., Mittelalterliche nationes – neuzeitliche Nationen. Probleme der Nationenbildung in Europa, Wiesbaden, 1995, p. 7-26 et Id., « Methodische Überlegungen zur Entstehung des deutschen Reiches im Mittelalter und zur nachwanderzeitlichen Nationenbildung », dans C. Brühl et B. Schneidmüller dir., Beiträge zur mittelalterlichen Reichs-und Nationenbildung in Deutschland und Frankreich, Munich, 1997, p. 1-13.

34 Il est l’auteur de Von offener Verfassung zu gestalteter Verdichtung, Berlin, 1985 (Propyläen Geschichte Deutschlands, 3). Ses articles majeurs ont été regroupés par R.C. Schwinges dir., Über König und Reich : Aufsätze zur deutschen Verfassunggeschichte des späten Mittelalters, Sigmaringen, 1995. On lira dans le recueil de J. Ehlers dir., Ansätze und Diskontinuität deutscher Nationsbildung, op. cit., sa contribution importante : « Bestehende, fehlende und heranwachsende Voraussetzungen des deutschen Nationalbewusstseins im späten Mittelalter », p. 99-120. Sur le même domaine, Peter Moraw a dirigé le recueil Regionale Identität und soziale Gruppen im deutschen Mittelalter, Berlin, 1992, s’intéressant plus particulièrement aux porteurs, relais et propagateurs de cette conscience et de cette identité politiques régionales. Sur ce dernier point de la culture et de la mentalité des Träger, voir la problématique développée dans « Stiftspfründen als Elemente des Bildungswesens im spätmittelalterlichen Reich », dans I. Crusius dir., Studien zum weltlichen Kollegiatstift in Deutschland, Göttingen, 1995, p. 270-297. Dans le recueil dirigé par M. Borgolte, Mittelalterforschung nach der Wende, op. cit., P. Moraw, dans sa contribution « Neuere Forschungen zur Reichsverfassung des späten Mittelalters », esquisse un bilan sous forme de douze propositions caractéristiques de l’Empire médiéval : son extension, son inégalité d’occupation et de poids politique, sa problématique cohérence, la christianité de ses institutions, le partage précoce des fonctions étatiques entre roi et princes, l’insertion forcée du roi par l’élection dans le jeu des querelles dynastiques, l’étroitesse de la base administrative de la royauté, la cour comme point de souveraineté en déplacement constant dans des villes de faible à moyenne importance, la formation modérée et tardive d’un personnel politique, la spécificité de la chronologie politique impériale (avec relative atonie de la croissance étatique entre 1360 et 1470), un dualisme fermé dans un Empire saturé de souverainetés territoriales et régionales, la persistance et la force des mouvements centrifuges dans cet Empire saturé.

35 On peut ici penser au tout récent ouvrage de B. Schneidmüller et S. Weinfurter dir., Otto III. und Heinrich II. Eine Wende ?, op. cit., dont le titre proclame clairement le chemin qui va d’une Wende à l’autre. B. Schneidmüller, dans son introduction, pose la question de la continuité et des tournants, au Moyen Age comme chez les historiens médiévistes d’aujourd’hui : « Otto III. – Heinrich II. Wende der Königsherrschaft oder Wende der Mediävistik ? », p. 9-46.

36 J. Ehlers, Die Entstehung des deutschen Reiches, Munich, 1994 (Enzyklopädie deutscher Geschichte, 31). Il y insiste sur la conscience nationale, la terminologie, les rapports entre Reich et nation, les groupes porteurs de l’Empire et de son identité. Il vient de faire paraître Heinrich der Löwe : europäisches Fürstentum im Hochmittelalter, Göttingen, 1997.

37 W. Paravicini, Die ritterlich-höfische Kultur des Mittelalters, Munich, 1994 (Enzyklopädie deutscher Geschichte, 32).

38 W. Paravicini dir., Zeremoniell und Raum, Sigmaringen, 1997 (Residenzenforschung, 6). Voir également sous sa direction Alltag bei Hofe, Sigmaringen, 1995 (Residenzenforschung, 5), particulièrement les pages introductives 9 à 30. Cette série de publications vient compléter H. Patze et W. Paravicini dir., Fürstliche Residenzen im spätmittelalterlichen Europa, Sigmaringen, 1991.

39 O.G. Oexle et W. Paravicini dir., Nobilitas. Funktion und Repräsentation des Adels in Alteuropa, Göttingen, 1997. Voir en particulier les pages 9 à 25 : « Interesse am Adel ».

40 T. Zotz, « Die Formierung der Ministerialität », dans S. Weinfurter dir., Die Salier und das Reich, 3. Gesellschaftlicher und ideengeschichtlicher Wandel im Reich der Salier, Sigmaringen, 1992, p. 3-50 ; « Adel in der Stadt des deutschen Spätmittelalters : Erscheinungsformen und Verhaltungswesen », Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 141 (1993), p. 22-50 ; « Zur Grundherrschaft des Königs im deutschen Reich vom 10. bis zum frühen 13. Jahrhundert », dans W. Rösener dir., Grundherrschaft und bäuerliche Gesellschaft im Hochmittelalter, Göttingen, 1995, p. 76-115 et « Die Goslarer Pfalz im Umfeld der königlichen Herrschaftssitze in Sachsen », dans L. Fenske dir., Deutsche Königspfalzen. Beiträge zu ihrer historischen und archäologischen Erforschung, 4. Pfalzen – Reichsgut – Königshöfe, Göttingen, 1996, p. 248-287. Poursuivant les mêmes pistes de recherche sur les pratiques de souveraineté, il vient de publier : « Die Gegenwart des Königs. Zur Herrschaftspraxis Ottos III. und Heinrich II. im Vergleich », dans B. Schneidmüller et S. Weinfurter dir., Otto III. und Heinrich II. Eine Wende ?, op. cit., p. 349-386.

41 H. Keller, auteur de la synthèse consacrée à l’Empire du Moyen Age central dans la collection Propyläen Geschichte Deutschlands sous le titre Zwischen regionaler Begrenzung und universalem Horizont : Deutschland und Imperium der Salier und Staufer 1024 bis 1250, Francfort-Berlin, 1990, a récemment publié deux études sur la figure impériale saisie à travers l’écrit : « Widukinds Bericht über die Aachener Wahl und Krönung Ottos I. », Frühmittelalterliche Studien, 29 (1995), p. 390-453 et « Das Bildnis Kaiser Heinrichs im Regensburger Evangeliar aus Montecassino », Frühmittelalterliche Studien, 30 (1996), p. 173-214.11 avait dirigé avec K. Grubmüller et N. Staubach dir., Pragmatische Schriftlichkeit im Mittelalter : Erscheinungsformen und Entwicklungsstufen, Munich, 1992 ainsi que le recueil Kommunales Schriftgut in Oberitalien : Formen, Funktionen, Überlieferung, Munich, 1995. Il vient de faire paraître sous sa direction également : H. Keller et F. Neiske dir., Vom Kloster zum Klosterverband : das Werkzeug der Schriftlichkeit, Munich, 1997. Il conduit, parmi d’autres, à l’Université de Munster le Sonderforschungsbereich 213 intitulé « Träger, Felder, Formen pragmatischer Schriftlichkeit im Mittelalter ».

42 L. Kuchenbuch, « Ordnungsverhalten im grundherrlichen Schriftgut vom 9. zum 12. Jahrhundert », dans J. Fried dir., Dialektik und Rhetorik im früheren und hohen Mittelalter : Rezeption, Überlieferung, und gesellschaftliche Wirkung antiker Gelehrsamkeit, vornehmlich im 9. und 12. Jahrhundert, Munich, 1997, p. 175-268 et « Die Achtung vor dem alten Buch und die Furcht vor dem neuen : Cesarius von Milendonk erstellt 1222 eine Abschrift des Prümer Urbars von 893 », Historische Anthropologie, 3 (1995), p. 175-202.

43 Sa monumentale histoire de la religiosité au Moyen Age vient de paraître : A. Angenendt, Geschichte der Religiosität im Mittelalter, Darmstadt, 1997. Son étude Heilige und Reliquien. Die Geschichte ihres Kultes vom früheren Chistentum bis zur Gegenwart, Munich, 1994 vient d’être rééditée, Munich, 1997, de même que Das Frühmittelalter : die abendländische Christenheit von 400 bis 900, Stuttgart, 1990 (Stuttgart, 1995).

44 Kl. Schreiner, « Laienfrömmigkeit – Frömmigkeit von Eliten oder Frömmigkeit des Volkes ? Zur sozialen Verfasstheit laikaler Frömmigkeitspraxis im späten Mittelalter », dans Kl. Schreiner dir., Laienfrömmigkeit im späten Mittelalter : Formen, Funktionen, politischsoziale Zusammenhänge, Munich, 1992, p. 1-78 ; Maria - Jungfrau, Mutter, Herrscherin, Munich-Vienne, 1994 et « Frömmigkeit in politisch-sozialen Wirkungszusammenhängen des Mittelalters. Theorie-und Sachprobleme, Tendenzen und Perspektiven der Forschung, dans M. Borgolte dir., Mittelalterforschung nach der Wende, op. cit., p. 177-226.

45 Kl. Schreiner et G. Schwerhoff dir., Verletzte Ehre : Ehrkonflikte in Gesellschaften des Mittelalters und der frühen Neuzeit, op. cit. Voir les pages introductives 1 à 28 : « Überlegungen zu einem Forschungskonzept ». Kl. Schreiner et U. Meier dir., Stadtregiment und Bürgerfreiheit : Handlungsspielräume in deutschen und italienischen Städten des späten Mittelalters und der frühen Neuzeit, Göttingen, 1994. Voir les pages introductives 13 à 34 : « Regimen civitatis : Zum Spannungsfeld von Freiheit und Ordnung in alteuropäischer Stadtgesellschaft ». Kl. Schreiner dir., Gepeinigt, begehrt, vergessen : Symbolik und Sozialbezug des Körpers im späten Mittelalter und in der frühen Neuzeit, Munich, 1992.

46 On peut d’ailleurs prendre toute la mesure de l’ampleur donnée par Arnold Angenendt à sa conception de la liturgie, véritablement plongée dans l’analyse sociale, en considérant les structures et articulations que l’auteur lui consacre dans l’ouvrage précédemment évoqué Geschichte der Religiosität im Mittelalter, op. cit., p. 351-516 : son efficacité, ses cadres spatio-temporels, l’étude de la figure du « Liturge », les rites d’initiation, l’oralité et l’oraison, le sens de l’eucharistie médiévale...

47 Kl. Schreiner, « Verschriftlichung als Faktor monastischer Reform : Funktionen von Schriftlichkeit im Ordenswesen des hohen und späten Mittelalters », dans K. Grubmüller, H. Keller et N. Staubach dir., Pragmatische Schriftlichkeit im Mittelalter : Erscheinungsformen und Entwicklungsstufen, Munich, 1992 ainsi que le recueil Kommunales Schriftgut in Oberitalien : Formen, Funktionen, Überlieferung, op. cit., p. 37-75.

48 A. Angenendt, « Gezählte Frömmigkeit », Frühmittelalterliche Studien, 29 (1995), p. 1-71.

49 Il suffit en effet de comparer avec les thèmes retenus en 1979 pour une rencontre tenue à Göttingen et consacrée aux aspects de la recherche historique en France et en Allemagne : prosopographie, démographie historique, histoire institutionnelle et longue durée y tenaient alors la vedette. G.A. Ritter, R. Vierhaus dir., Aspekte der historischen Forschung in Frankreich und Deutschland, Göttingen, 1981.

50 Traduction un peu trop restrictive du titre du recueil d’études dirigé par W. Hartmann, Mittelalter. Annäherungen an eine fremde Zeit, Regensburg, 1993. « Fremde Zeit » peut en effet être pris au double sens de « temps étranger » et de « période étrange ».

51 Peut-être appartient-il au rédacteur de toute conclusion de colloque de simplifier, d’émousser les débats et de rendre l’unanimité entre historiens plus réelle et séduisante qu’elle n’est en vérité. On ne soutiendra certes pas que tous les collègues allemands invités à Paris partagent avec la même intensité la foi en la nécessaire conscience d’une reconstruction de leur objet et d’une théorisation et historisation de leurs modèles interprétatifs. Toutefois, même les moins chauds partisans d’un discours sur l’histoire inséparable de l’histoire même ont dû se déterminer par rapport à cette revendication et n’ont pu s’en démarquer que par une volontaire et productive provocation.

52 G. Duby, « Histoire sociale et idéologie des sociétés », dans J. Le Goff, P. Nora dir., Faire de l’histoire, 1. Nouveaux problèmes, op. cit., p. 148. Cela signifie bien qu’une histoire comparée peut comparer ces images et représentations disponibles au-delà des frontières et de la variété événementielle. Sur les limites et les succès d’une histoire comparée : H.-G. Haupt, « La lente émergence d’une histoire comparée », dans J. Boutier, D. Julia dir., Passés recomposés. Champs et chantiers de l’histoire, Paris, 1995, p. 196-207.

53 Voir sur ce point : B. Schneidmüller, « Die mittelalterlichen Konstruktionen Europas. Konvergenz und Differenzierung », dans H. Duchhardt et A. Kunz dir., Europäische Geschichte als historiographisches Problem, Mayence, 1997, p. 5-24.

54 On pourrait ici multiplier les exemples, mais Werner Paravicini, réagissant aux propos de Colette Beaune, et coutumier de recherches qui l’ont porté de la Bourgogne à la Prusse en passant par les Bas Pays, a suggéré une vaste comparaison entre France princière et Allemagne princière au Moyen Age, manière d’aborder différemment sans doute la question des ethnogénèses respectives...

55 A. Esch, « Rom in der Renaissance. Seine Quellenlage als methodisches Problem », Historische Zeitschrift, 261 (1995), p. 337-364. Le commentaire de l’exposé d’Arnold Esch par Jean-Claude Schmitt a bien mis en valeur le fait que la substance du document s’est imprégnée de tous les aléas de sa transmission, ce qui n’est pas sans mettre l’événement en perspective. Arnold Esch a également posé une question salutaire pour l’historien et ses méthodes : que ferions-nous aujourd’hui si nous devions trier dans les sources pour les historiens futurs ?

56 Elle-même créatrice d’une tradition déterminant la réception ultérieure et donc son interprétation : J. Fried, « Die Königserhebung Heinrichs I. Erinnerung, Mündlichkeit und Traditionsbildung im 10. Jahrhundert », dans M. Borgolte dir., Mittelalterforschung nach der Wende, op. cit., p. 267-318.

57 Une suggestive, quoique partiale, mise au point sur le « choc » des débats tournant, parmi les historiens allemands et pas seulement les médiévistes, autour de la compréhension comme culture et comme texte : U. Daniel, « Clio unter Kulturschock », Geschichte in Wissenschaft und Unterricht, 48 (1997), p. 195-218 et 259-278. L’auteur estime que la médiévistique a intégré avec plus de facilités (péché d’optimisme ?) les bouleversements méthodologiques récents. Mais il faudrait alors savoir pourquoi, si la thèse est vraie, les études médiévales auraient mieux accueilli les enseignements des Annales, de l’anthropologie historique, de l’Alltagsgeschichte, de la micro-histoire ou du « linguistic turn »...

58 En évoquant cette articulation entre résidentiel et cérémoniel, on peut se demander si l’intervention des facteurs de fixation spatiale ne peut pas constituer un élément de réponse à la question importante et essentielle posée par Claude Gauvard dans la discussion qui s’interrogeait sur la différence entre rituel et cérémoniel. Il est certain que ce lien entre résidentiel et cérémoniel place l’historien au cœur de l’efficacité politique mesurée par les degrés de proximité et d’éloignement ainsi créés (et n’a-t-on pas vu avec Gerd Althoff que se tenir éloigné d’une décision ou d’un acte politique, c’était désapprouver, voire provoquer, se désolidariser, donc introduire le désordre dans l’ordre ?). Ces degrés, traduits dans l’espace, déterminent à la fois la faveur hiérarchisée d’un côté, comme il fut dit, et de l’autre une intensité de fréquence et de fréquentation qui agissent sur le développement du palatium par exemple, observation qui permit à Annie Renoux d’employer la belle formule de « degré de palatialité ».

59 Nous avons déjà mentionné que le premier chapitre de la partie consacrée à la liturgie dans son dernier livre Geschichte der Religiosität im Mittelalter, op. cit., est intitulé « Art und Wirken ».

60 O.G. Oexle dir., Memoria als Kultur, Göttingen, 1995 et O.G. Oexle, D. Geuenich dir., Memoria in der Gesellschaft des Mittelalters, Göttingen, 1994.

61 Bien parallèle comme l’a montré le commentaire de Monique Bourin : car il y a influence réciproque mais aussi inertie réciproque.

62 Preuve peut-être que l’histoire est bien au fond une Kulturwissenschaft ouverte. O.G. Oexle, « Geschichte als Historische Kulturwissenschaft », op. cit.

63 Jacques Le Goff, dans sa conclusion du congrès que la Société des Historiens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur Public a consacré à Rome en 1996 aux élites urbaines au Moyen Age, rappelle que le choix opéré par les historiens de travailler actuellement sur l’élite et l’élitisme ne relève pas du seul hasard des sources et entretient des rapports complexes avec notre société présente. Les élites urbaines au Moyen Age (XXVIIe Congrès de la SHMES), Paris, 1997, p. 444.

64 Monique Bourin suggérait de mettre en relation techniques de l’écrit, techniques culturelles et histoire des autres techniques. On peut regretter d’ailleurs que cet aspect des techniques n’ait pas été présenté par les séances des collègues allemands. Voir ici : U. Lindgren dir., Europäische Technik im Mittelalter 800 bis 1400. Tradition und Innovation, Berlin, 1996. Avec contributions de G. Binding, M. Matheus, T. Szabó, Jochem Wolters. De Günther Binding : Baubetrieb im Mittelalter, Darmstadt, 1993 et rééd. 1997.

65 A ce propos, pour la France : J-P. Rioux et J.-F. Sirinelli dir., Histoire culturelle de la France, I. Le Moyen Age par M. Sot., J.-P. Boudet, A. Guerreau-Jalabert, Paris, 1997.

66 Dans la conclusion de la même rencontre sur les élites urbaines, Jacques Le Goff définissait les élites comme gens de valeur qui ont des valeurs (au sens culturel et économique du terme). Une enquête portant sur les valeurs (prenant en compte sa polysémie) enrichirait à n’en pas douter les analyses de la société médiévale. L’articulation des rapports sociaux semble bien se faire dans un système de valeurs précis.

67 Joachim Ehlers a en particulier repris le bilan des recherches en montrant que l’histoire de l’histoire politique de l’Empire médiéval s’est à la fois détachée d’un schéma de rassemblement des regna par le roi, mais aussi d’une problématique de la genèse par les duchés dits ethniques et s’est également éloignée de la description d’une évolution continue à partir d’un substrat franc qui, à la vérité, fut loin d’être homogène.

68 Träger qui soutiennent mais aussi qui concurrencent, comme l’a rappelé Joachim Ehlers.

69 En particulier par le truchement des échanges et des rites. Observation que compléta d’ailleurs Claude Gauvard en avançant que les institutions, l’Etat en particulier, avaient besoin de ces échanges et de ces rites comme autant d’aiguillons à son action et à sa mise en mouvement, le don étant pour l’Etat l’essence même de son action et donc une de ses raisons d’être.

70 Pour autant, il ne suffit pas de souligner le lien entre liturgie et politique pour avoir résolu la relation entre Ritus et Ritual, ni pour avoir séparé rituel et coutume comme le fit remarquer Claude Gauvard.

71 On songe ici aux Fixpunkte évoqués par J. Ehlers « Tradition und Integration. Orte, Formen und Vermittlung kollektiven Erinnerns im früheren Mittelalter », dans M. Borgolte dir., Mittelalterforschung nach der Wende, op. cit., p. 363-386, ici page 385.

72 Défini comme « Un Etat dont la base matérielle repose sur une fiscalité publique acceptée par la société politique (et ce dans une dimension territoriale supérieure à celle de la cité), et dont tous les sujets sont concernés », J.-P. Genet, « La genèse de l’Etat moderne », dans Liber, juin 1997, p. 3-18, ici p. 3.

73 Ibid., p. 10-11.

74 Qui a bien permis de cerner les grands corps de l’Etat et les grands services de cour comme l’a rappelé Colette Beaune.

75 Mais au rebours, Anita Guerreau a noté que la littérature courtoise, comme culture de la cour entre autres aspects, n’avait été que discrètement abordée tant dans les séances consacrées à l’oral et à l’écrit ou à la religion que dans celles portant sur les pouvoirs et les cours.

76 D’autant plus complexe, pourrait-on dire, que le Moyen Age, pour reprendre les termes employés par Gert Melville, a réuni de manière synchronique ce qui ne Tétait pas toujours. En ce sens, le commentaire avancé par Claude Gauvard à ce propos est lumineux, puisqu’elle voit bien les efforts et les difficultés de l’école allemande à saisir le diachronique à travers le rituel répétitif.

77 Peut-être cela explique-t-il que les recherches sur la royauté en Allemagne ne furent pas une histoire du pouvoir politique avant tout.

78 D’autant qu’il a bien rappelé que l’ecclesia a en partie déterminé très tôt les rapports entre roi et noblesse laïque d’une part et noblesse ecclésiastique de l’autre. Par ailleurs, on a vu avec Thomas Zotz la force et la longévité du lien entre palais royal et église épiscopale.

79 Philippe Buc à ce propos posa la question essentielle : est-ce parce qu’un signe fonctionne qu’il est fonctionnel ? Il y a aussi une histoire de l’échec des rituels, et de leur danger... Claude Gauvard a d’autre part bien senti que l’école historique française a sans doute plus travaillé le lien entre rituel et anthropologie quand l’école allemande tissait un lien plus fort entre rituel et sociologie.

80 Et cela alors que, de part et d’autre du Rhin, la fin du Moyen Age, a priori plus « nationale », est à l’honneur.

81 Ce qui dit assez l’absurdité des Cassandre annonçant à l’humanité un retour du Moyen Age comme le pire des futurs possibles.

82 E. Schubert, Fürstliche Herrschaft und Territorium im späten Mittelalter, Munich, 1996 (Enzyklopädie deutscher Geschichte, 35).

83 A. Gerlich, Geschichtliche Landeskunde des Mittelalters. Genese und Probleme, Darmstadt, 1986.

84 On pense bien sûr aux Monumenta Germaniae Historica, aux Regesta Imperli, aux Deutsche Reichstagsakten, à la collection Freiherr vom Stein-Gedächtnisausgabe... Un aperçu des chantiers en cours et des éditions disponibles dans W. Dotzauer, Quellenkunde zur deutschen Geschichte im Spätmittelalter (1350-1500), Darmstadt, 1996. Pour ne citer que quelques entreprises récentes, P. Acht éd., Regesten Kaiser Ludwigs des Bayern (1314-1347), Cologne-Weimar-Vienne, 1991-1996, 3 vol. – H. Koller et P.-J. Heinig éd., Regesten Kaiser Friedrichs III (1440-1493), Cologne-Weimar-Vienne, 1982-1996, 10 vol. – H. Wiesflecker éd., Ausgewählte Regesten des Kaiserreiches unter Maximilian I. 1493-1519, Cologne-Weimar-Vienne, 1990-1997, 5 vol.

85 Sur l’histoire récente de l’Eglise : M. Borgolte, Die mittelalterliche Geschichte, Munich, 1992.

86 H. Boockmann, Die Stadt im späten Mittelalter, Munich, 1987. E. Ennen, Die europäische Stadt des Mittelalters, Göttingen, 1987. E. Engel, Die deutsche Stadt des Mittelalters, Munich, 1993. E. Isenmann, Die deutsche Stadt im Spätmittelalter, Stuttgart, 1988.

87 W. Rösener, Einführung in die Agrargeschichte, Darmstadt, 1997 ; Die Bauern in der europäischen Geschichte, Munich, 1993. Agrarwirtschaft, Agrarverfassung und ländliche Gesellschaft im Mittelalter, Munich, 1992 (Enzyklopädie deutscher Geschichte, 13).

88 La Giustizia nell’alto medioevo, Spoleto, 1997. Avec contributions de H. Keller « Die Idee der Gerechtigkeit und die Praxis königlicher Rechtswahrung im Reich der Ottonen », p. 91-129 ; de H. Vollrath, « Die deutschen königlichen Landfrieden und die Rechtssprechung», p. 591-621. II. Martin, Verbrechen und Strafe in der spätmittelalterlichen Chronistik Nürnbergs, Cologne-Weimar-Vienne, 1996. U. Andermann, « Das Recht im Bild. Vom Nutzen und Erkenntniswert einer historischen Quellengattung », dans A. Löther et al. dir., Mundus in Imagine. Bildersprache und Lebenswelten im Mittelalter. Festgabe für Klaus Schreiner, Munich, 1996, p. 421-451. G. Dilcher, Bürgerrecht und Stadtverfassung im europäischen Mittelalter, Cologne-Weimar-Vienne, 1996.

89 J. Fried n’a-t-il pas parlé de normative Gegenwart ? P. Careni et G. Dilcher dir., Norm und Tradition. Welche Geschichtlichkeit für die Rechtsgeschichte ?, Cologne-Weimar-Vienne, 1998. Michel Parisse a bien insisté pour sa part sur la fixation des normes par l’écrit et l’on devrait en effet relier le thème de la norme à celui de l’oral et de l’écrit.

90 G. Dilcher dir., Gewohnheitsrecht und Rechtsgewohnheiten im Mittelalter, Berlin, 1992. Voir les pages introductives de l’auteur : « Mittelalterliche Rechtsgewohnheit als methodisch-theoretisches Problem ».

91 G. Althoff a insisté dans sa contribution sur l’intention contenue dans le code, celle de s’entendre, mais sans que les acteurs du consensus possèdent toutefois toujours la pleine maîtrise de ce code. Du même auteur : Deutsche Rechtgeschichte. Land und Stadt. Bürger und bauer im alten Europa, Berlin, 1999.

92 Une notion capitale (qu’il convient aussi d’envisager dans le cadre d’une histoire diplomatique rénovée) ; voir sur ce point D. Berg, Deutschland und seine Nachbarn 1200-1500, Munich, 1997 (Enzyklopädie deutscher Geschichte, 40). On ne peut que renvoyer à ce qu’en dit J. Revel, « L’institution et le social », dans B. Lepetit dir., Les formes de l’expérience, op. cit., p. 63-84. Ici, page 84 : « Négociation : le mot est sans doute le moins attendu, mais il est déterminant pour notre propos. Il suggère, bien entendu, de renoncer à une vision qui voudrait que les institutions soient, en tant que telles, efficaces, mais autant à celle qui poserait qu’elles ne sont que les camouflages de pratiques inscrites dans les seuls rapports de forces. Les transactions qui se nouent autour des normes n’ont de sens que parce qu’elles ont une réalité propre, irréductiblement autonome, mais qui est inséparable de leur effectuation au sein des rapports sociaux ». Prolonger par l’article du même auteur « Histoire et sciences sociales : une confrontation instable », dans J. Boutier et D. Julia dir., Passés recomposés. Champs et chantiers de l’histoire, op. cit., p. 69-81.

93 H. Vollrath, « Rechtstexte in der oralen Rechtskultur des früheren Mittelalters », dans M. Borgolte dir., Mittelalterforschung nach der Wende, op. cit., p. 319-348. La négociation sert à faire reconnaître par chaque parti qu’il eut son droit et lui permet de s’en réjouir et de le proclamer. L’auteur insiste sur la difficulté du consensus en un temps de faible droit écrit qui correspond à un temps de faibles structures hiérarchiques. Le droit médiéval en aurait gardé selon elle l’aspect d’un droit de la conviction.

94 C. Gauvard, « De grace especial ». Crime, Etat et société en France à la fin du Moyen Age, Paris, 1991.

95 J. Le Goff et J.-Cl. Schmitt, « L’histoire médiévale », Cahiers de civilisation médiévale, 1996, p. 9-25, ici p. 11.

96 O.G. Oexle dir., Der Blick auf die Bilder. Kunstgeschichte und Geschichte im Gespräch, Göttingen, 1997. En particulier la contribution de J.-Cl. Schmitt : « L’historien et les images », p. 9-51. J.-Cl. Schmitt « Bilder als Erinnerung und Vorstellung : Die Erscheinungen der Toten im Mittelalter », Historische Anthropologie, 1 (1993), p. 347-358 (en allemand on dispose de la traduction Die Wiederkehr der Toten : Geistergeschichten im Mittelalter, Stuttgart, 1995). Voir également J. Wirth, L’image médiévale. Naissance et développement (Ve-Xe siècles), Paris, 1989 ; J.-Cl. Schmitt, « La culture de l’Imago », dans Annales HSS, 1996, p. 3-36 ; A. von Hulsen-Esch dir., Die Repräsentation der Gruppen Texte, Bilder, Objekte, Göttingen, 1998, p. 465-477 ; J. Baschet, « Les images : des objets pour l’historien ? », dans J. Le Goff et G. Lobrichon dir., Le Moyen Age aujourd’hui. Trois regards contemporains sur le Moyen Age : histoire, théologie, cinéma, Paris, 1998 p 101-136.

97 Elle complétait sa question par celle des contacts et échanges entre parole individuelle et parole institutionnelle. On pourrait en dire autant de l’image.

98 Le palais est un emblème, une mémoire figurée.

99 Parmi les dernières productions, particulièrement d’historiennes allemandes sur les femmes : E. Ennen, Frauen im Mittelalter, Munich, 1984. U.A.J. Becher et J. Rüsen dir., Weiblichkeit in geschichtlicher Perspektive, Francfort, 1988 et Frauen in Spätmittelalter und Frühmittelalter. Lebensbedingugen Lebensnormen – Lebensformen, Sigmaringen, 1990. C. Opitz, Evatöchter und Bräute Christi : weiblicher Lebenszusammenhang und Frauenkultur im Mittelalter, Weinheim, 1990. H.-W. Goetz, Weibliche Lebensgestaltung im frühen Mittelalter, Cologne-Weimar-Vienne, 1991. C. Opitz, Frauenalltag im Mittelalter. Biographien des 13. und 14. Jahrhunderts, Weinheim, 1991. H. Wunder dir., Stadt der Frauen : Studien und Quellen zur Geschichte der Baslerinnen im späten Mittelalter und zu Beginn der Neuzeit, Bâle, 1995. C. Opitz éd., C. Probst trad., Der Schatz der Stadt der Frauen : weibliche Lebensklugheit in der Welt des Spätmittelalters. Ein Quellentext, Christine de Pizan, Fribourg, 1996. H. Wunder et C. Vanja dir., Weiber, Menscher, Frauenzimmer : Frauen in der ländlichen Gesellschaft, 1500-1800, Göttingen, 1996.

100 F. Rexroth, Mediävistische Randgruppenforschung in Deutschland », dans M. Borgolte dir., Mittelalterforschung nach der Wende, op. cit., p. 427-451. P. Schuster, Das Frauenhaus. Städtische Bordelle in Deutschland (1350-1600), Paderborn-Munich-Vienne, 1992. V. Groebner, Ökonomie ohne Haus. Zum Wirtschaften armer Leute in Nürnberg am Ende des 15. Jahrhunderts, Göttingen, 1993.

101 Colette Beaune a signalé qu’en France l’histoire politique s’orientait actuellement vers une histoire des oubliés, un autre thème donc que l’historiographie allemande n’a peut-être pas encore abordé à sajuste mesure.

102 M. Borgolte, « Anfänge deutscher Geschichte ? Die Mittelalterforschung der zweiten Nachkriegszeit », op. cit.

103 On sait par exemple que la Société féodale de Marc Bloch ne fut traduite en allemand qu’en 1982 : Die Feudalgesellschaft, Berlin-Francfort, 1982. L’Apologie pour l’Histoire fut traduite pour sa part en 1974 : Apologie der Geschichte oder der Beruf des Historikers, Stuttgart, 1974 et Etrange défaite en 1992 : Die seltsame Niederlage, Francfort, 1992 (année de la traduction allemande des Ecrits sur l’histoire de Fernand Braudel : Schriften zur Geschichte, Stuttgart, 1992). Dans le sens inverse, et pour ne parler que des textes marquants des historiens allemands plus anciens, aucune œuvre de Percy Ernst Schramm n’est traduite en français et quid par exemple d’Otto Brunner, Otto Hintze, Arno Borst ou Gerd Tellenbach... La biographie de Frédéric II par Ernst Kantorowicz, œuvre très controversée et idéologique de 1927 (voir sur ce point O.G. Oexle, « Das Mittelalter als Waffe. Ernst H. Kantorowicz’ Kaiser Friedrich der Zweite in den politischen Kontroversen der Weimarer Republik », dans O.G. Oexle, Geschichtswissenschaft im Zeichen des Historismus, Göttingen, 1996, p. 163-215) ne fut traduite en français qu’en 1987, et ce, hors de toute mise au point contextuelle... Il va de soi que le commerce des traductions renvoie en fait à une histoire des réceptions respectives des historiographies les unes par les autres, histoire qui dépasse le strict cadre du commerce entre historiens. Si la très grande majorité des historiens allemands se sont pendant longtemps refusé à recevoir la part la plus novatrice de l’historiographie française produite par les Annales, cette dernière n’a pas reconnu à sa juste mesure la force d’innovation des noms précédemment évoqués (Otto Brunner, Otto Hintze, Arno Borst ou Gerd Tellenbach) en direction d’une histoire des idées, des symboles, des pratiques sociales... Or, il est bien entendu que les forces ou lacunes des traductions déterminent en partie nos schémas interprétatifs d’une période dont on prétend parfois construire le sens en réaction contre ce que l’on juge et pense d’une autre historiographie nationale. Sur ce point, voir O.G. Oexle, « Was deutsche Mediävisten an der französischen Mittelalterforschung interessieren muss », op. cit. Il serait aussi intéressant de savoir pendant combien de temps, au cours du XXe siècle, les historiens français ont accepté sans bénéfice d’inventaire et pour argent comptant le rejet de Max Weber comme historien par les historiens allemands de sa génération, le contraignant au qualificatif de sociologue. Les traductions de Max Weber en français sont d’ailleurs les traductions du « sociologue » Max Weber. Otto Gerhard Oexle parle, aux côtés de Marc Bloch et Otto Hintze, de Max Weber comme d’« un troisième médiéviste » : combien de médiévistes français se reconnaîtraient, aujourd’hui encore, dans cette désignation ? (citation dans « Das Mittelalter und die Moderne. Überlegungen zur Mittelalterforschung », op. cit., p. 50). Sur Max Weber, historien médiéviste des groupes sociaux : O.G. Oexle, « Les groupes sociaux du Moyen Age et les débuts de la sociologie contemporaine », Annales ESC, no 3 de mai-juin 1992, p. 751-765.

104 A. Esch, Zeitalter und Menschenalter. Der Historiker und die Erfahrung vergangener Gegenwart, op. cit.

105 J. Le Goff et J.-Cl. Schmitt, « L’histoire médiévale », op. cit., p. 12.

106 O.G. Oexle, « Das Mittelalter und die Moderne. Überlegungen zur Mittelalterforschung », op. cit.

107 O.G. Oexle, « Geschichte als Historische Kulturwissenschaft », op. cit., p. 32 : Disziplinierung und Entdisziplinierung sind also im Sinne einer polaren Spannung zu verstehen und entsprechend zu handhaben.

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