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Économie mondialisée et identités de genre

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Fenneke Reysoo

Globalité et localité

Globalité et localités : le cas de SA’A au Cameroun

Marie-Pierre Essimi Nguina

Texte intégral

1Le processus de la mondialisation des échanges économiques introduit bien des transformations dans les sociétés. Certaines d’entre elles passent presque inaperçues parce qu’elles sont très vite classées dans la normalité, au point de nous faire oublier qu’elles sont le résultat d’une construction sociale. Je pense particulièrement au sens donné à certains outils de travail ou encore à certaines cultures pratiquées en milieu rural. A SA’A, par exemple, il y a quelques années, le panier et la houe symbolisaient le travail de la femme, une pompe-pulvérisateur celui d’un homme. Il n’y a pas longtemps, cultiver la tomate ou le manioc était qualifié de féminin. Aujourd’hui, il en va autrement.

  • 1 VINCENT Jeanne-Françoise, Tradition et transition, Col. L’Homme d’Outre-Mer, éd. Berger-LEVRAULT, P (...)

2La société traditionnelle, qui faisait essentiellement des hommes des chasseurs et des pêcheurs, laissait aux femmes la responsabilité des plantations vivrières. Elles étaient les maîtresses des récoltes1 et les responsables de l’économie familiale. Cette réalité montre une dépendance économique des hommes vis-à-vis des femmes.

  • 2 WEBER J., Types de surproduit et formes d’accumulation. La province cacaoyère du centre-sud Camerou (...)

3La rencontre avec l’occupant occidental va introduire certaines modifications par l’adoption d’un autre système monétaire et surtout par l’introduction du cacao comme culture de rente. Ce qui précède nous ferait croire que les femmes en deviendront aussi des responsables en tant que spécialistes de l’agriculture. Au contraire, la culture de cacao alourdit l’activité des femmes pour qui le travail de récolte et de transport vient s’ajouter au travail vivrier2. Mais curieusement, le cacao introduit à SA’A vers les années 30 devient une culture masculine, transformant les chasseurs beti en paysans. Ils seront donc les bénéficiaires du changement économique apporté par cette culture de rente. Cette nouvelle construction de la société sera relativement maintenue à SA’A dans les années 60 à 70. En plus du travail familial et domestique, les femmes s’occupaient de l’entretien, de la production vivrière et aidaient à la récolte du cacao dont s’occupaient les hommes. La division du travail entre les sexes était bien précise.

4Comme culture pérenne, le cacao occupe l’espace et confère un droit de propriété. Elle apporte aussi un revenu monétaire. Très vite, les femmes vont dépendre économiquement des hommes. Il s’agit là d’un renversement de situation.

5Mais, depuis les années 80, notre culture de rente a perdu de sa valeur, en termes d’échange. De paysans planteurs de cacaoyers, les hommes vont devenir de plus en plus cultivateurs de produits vivriers. Les raisons de l’attraction de ce domaine jusqu’alors réservé aux femmes sont purement économiques. Les transformations sont ainsi remarquées jusque dans les représentations symboliques.

6Avant les années 80, un panier trouvé au bord du chemin ou à un carrefour était signe de proximité féminine, ou tout du moins l’indice qu’une femme l’avait déposé. De même la vue d’une pompe pulvérisateur ou d’une brouette indiquait la présence masculine. Aujourd’hui, et ceci depuis les deux dernières décennies, le signifié de ces différentes représentations du travail agricole est devenu un pari car elles ne servent plus de repère. En effet, depuis la crise économique déclarée au Cameroun en 1986, il est difficile d’affirmer que le panier, la houe et les autres outils symbolisent le travail féminin ou masculin. Il en est de même pour certaines cultures dites féminines ou masculines, telles que la tomate, le manioc et le plantain. On serait tenté de parler de brouillage d’identité ou d’indifférenciation.

7Cependant, une forme de stéréotype semble maintenue. Il y a lieu de reconnaître une houe utilisée par un homme. Elle a en général un manche plus épais ou plus long, et une lame plus large. Les paniers devenus de plus en plus volumineux servent à la commercialisation de la tomate. Leur volume rivalise avec celui du globe. Les plantations de tomates des hommes sont plus vastes. Les hommes disposent aussi de plus de temps pour s’occuper de leurs plantations de tomates, ils sont propriétaires de la terre. Un privilège dont ne jouissent pas encore les femmes à SA’A, bien que la loi camerounaise reconnaisse maintenant le droit d’héritage aux filles. Le poids de la culture et des coutumes est en effet plus considérable ; les femmes restent donc exclues de la propriété foncière.

8Cette petite analyse de la zone agricole de SA’A au Cameroun montre que la mondialisation des échanges économiques véhicule des transformations sociales. Toutes ces transformations déstabilisent les relations genre.

Notes

1 VINCENT Jeanne-Françoise, Tradition et transition, Col. L’Homme d’Outre-Mer, éd. Berger-LEVRAULT, Paris 1976, p. 10.

2 WEBER J., Types de surproduit et formes d’accumulation. La province cacaoyère du centre-sud Cameroun, in : Essais sur la reproduction de formations sociales dominées, O.R.S.T.O.M, Paris 1977, p. 73s. Cette étude montre aussi combien l’introduction de cette culture a favorisé la dépendance aux produits du marché et l’asservissement aux normes de ce dernier.

Auteur

Etudiante en diplôme d'études supérieures à l'IUED. Directrice d'école au Cameroun, théologienne.

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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