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Finances publiques en temps de guerre, 1914-1918

 | 
Florence Descamps
, 
Laure Quennouëlle-Corre

La perte de contrôle des finances militaires. L’action des contrôleurs de l’administration de l’armée et des contrôleurs des dépenses engagées entre 1914 et 1918

Fabien Cardoni

Testo integrale

Introduction

  • 1  Voir Gaston Jèze, Le coût de la guerre pour la France. Les dépenses de guerre de la France, Paris, (...)

1Les raisons de l’explosion des dépenses militaires durant le conflit sont connues : le caractère industriel de la guerre, les prêts aux Alliés, le développement ou la création de services d’assistance sociale, la hausse des prix (matières premières, fret, armes…), le gaspillage, la spéculation des profiteurs de la guerre. Gaston Jèze, lui ajoute à cet inventaire les perturbations du contrôle des dépenses engagées, l’impossibilité de prévoir les dépenses et enfin la suppression ou l’affaiblissement du contrôle des dépenses1.

  • 2  L’étude Du contrôle des dépenses engagées au contrôle financier central. Évolutions d’une fonction(...)
  • 3  Il n’existe pas d’article sur le CAA dans François Cochet et Rémy Porte (dir.), Dictionnaire de la (...)
  • 4Le contrôle de l’administration de l’Armée (1882-1932) « Lettres d’un ancien. Janvier, février, ma (...)
  • 5  « Une institution séculaire : le contrôle dans les armées », numéro hors-série de la Revue histori (...)

2Bien que signalé, cet affaiblissement du contrôle en amont et en aval du processus dépensier est resté peu étudié2. Il faut constater que l’historiographie sur le Contrôle de l’administration de l’Armée (CAA) et le Contrôle des dépenses engagées (CDE) sur cette période est déficitaire. Le contrôle n’est guère traité en tant que tel dans les dictionnaires et encyclopédie sur la Grande Guerre3. Les publications le concernant sont le plus souvent des écrits corporatifs et commémoratifs4 qui ne laissent pas de place à la critique ou aux échecs. Un numéro spécial (pour le centenaire du corps) d’une revue scientifique présente des synthèses, sans s’attarder sur l’épisode 1914‑19185.

  • 6  Emmanuel Penicaut et Maud Brebel, Ministère de la Guerre. Direction du Contrôle. Sous-série GR 8NN (...)
  • 7  8NN 215 à 250.

3De leur côté, les archives sur le contrôle entre 1914 et 1918 ne sont pas pléthore. Au Service historique de la Défense (SHD), le fonds rapatrié de Moscou dans les années quatre-vingt-dix, avec son inventaire détaillé de 20126, vient compléter des archives de la direction du Contrôle qui demeurent lacunaires. Cet inventaire présente en outre une synthèse (p. 15-18) des activités (multiples) des contrôleurs durant le conflit. Les rapports des contrôleurs pour 1914-1918 sont conservés dans 35 cartons7. Les rapports des contrôleurs des dépenses engagées restent rares pour la même période – pour des raisons que nous allons expliquer. Nous en avons localisé, au SHD, un de 1919 sur le ministère de la Guerre entre 1914 et 1919, un sur l’Artillerie de 1916, un sur l’Intendance de 1916 et, au service des Archives économiques et financières (SAEF), un sur l’Armement de 1919. Au SAEF sont également conservés les rapports annuels des CDE sur la Marine entre 1914 et 1919. Enfin, la consultation des fonds privés de contrôleurs de l’administration de l’Armée est fructueuse.

4Qu’ont fait ceux qui étaient les premiers chargés de contenir les dépenses militaires ? Doit-on considérer comme inexistante ou dérisoire l’activité des contrôleurs pendant le conflit ? Un contrôle financier en temps de guerre est-il même envisageable ? Quel a été l’impact du financement de la Première Guerre mondiale sur le contrôle par les militaires des finances militaires ? Et, parallèlement, comment évoluent les relations entre le ministère des Finances et les ministères militaires durant 1914-1918 au sujet du contrôle des dépenses ? Afin d’y répondre, il convient tout d’abord de préciser rapidement les modalités du CAA et du CDE à la veille de la Première Guerre mondiale.

  • 8  En 1871, un arrêté présidentiel du 31 décembre 1871 avait déjà instauré un visa obligatoire de la (...)
  • 9  Le CDE de la Guerre en 1914 est, depuis 1908, le contrôleur général de l’Armée Mauclère, ex-direct (...)
  • 10  Les directeurs du Contrôle de l’administration de l’Armée sont des contrôleurs généraux de l’Armée (...)
  • 11  Voir Emmanuel Besson, Les contrôles des budgets en France et à l’étranger, étude historique et cri (...)
  • 12Le contrôle de l’administration de l’Armée, Paris, Impr. de E. Capiomont, (1904), 32 p. (BnF 8-LF2 (...)
  • 13  Rapport du directeur du Contrôle Mauclère au ministre de la Guerre du 23 octobre 1912 : Analyse au (...)

5Le CAA (de Terre) est créé en 1882 et le Contrôle à la Marine date de 1902. La direction du Contrôle a également en charge la préparation des lois de finances annuelles et joue le rôle d’intermédiaire entre le cabinet du ministre, l’état-major général, les services et directions de la Guerre et les commissions parlementaires. Depuis 18848, elle doit émettre un visa indispensable avant toute dépense : elle exerce à la fois un double contrôle de régularité et d’opportunité. Ainsi, la création à la Guerre, par la loi du 13 juillet 1911, du CDE n’est pas une réelle nouveauté et répond plus volontiers à une volonté du ministère des Finances de placer des contrôleurs extérieurs au ministère contrôlé pour rendre ce CDE plus efficace. Dans la pratique, comme la loi de 1911 ne spécifie pas la séparation du contrôle administratif et du contrôle financier, le contrôleur des dépenses engagées à la Guerre est, en titre9, le directeur du Contrôle10 et reste un militaire. Dans la procédure (ici schizophrénique) du double visa préalable, le contrôle de l’exécution budgétaire (l’opportunité d’engager) prime sur celui du CDE (l’autorisation d’engager en fonction de la disponibilité du crédit et de la régularité de la dépense). Cette union, à la Guerre, de la préparation du budget ministériel et du contrôle budgétaire reste rare dans l’Administration et suscite des critiques, notamment parlementaires, sur l’indépendance entre le contrôle d’opportunité et le contrôle de gestion-exécution11, mais aussi sur la décentralisation financière de l’administration de la Guerre, qui empêche, dans les faits, la correcte exécution du CDE. De plus, les contrôles ne seraient pas réellement inopinés et seraient trop longs, les frais et les traitements des contrôleurs trop élevés, les admissions sur titres dans le corps critiquables12. En outre, en amont, il n’y a pas assez de contrôleurs. En aval, l’impact des rapports des contrôleurs est difficilement mesurable. Effectif réduit, recrutement imparfait et efficacité douteuse des contrôles décentralisés sont en question depuis 1882 jusqu’en 1914. Plusieurs mesures de réforme du contrôle en 1906, 1912 et 1913 témoignent des difficultés à remplir une mission polyvalente et délicate13. En outre, la loi de 1911 sur le CDE entre en application en 1913. Le CDE à la Guerre est donc tout jeune en 1914. Malgré tout, le contrôle des dépenses à la Guerre figure parmi les plus structurés des contrôles ministériels.

6Nous verrons, dans un premier temps, que le CAA est profondément désorganisé et affaibli par l’entrée en guerre. Dans un deuxième temps, nous détaillerons trois missions des contrôleurs accomplies pendant une guerre : le contrôle en lien avec le Parlement, le contrôle des marchés de guerre et celui des achats à l’étranger. Dans un troisième temps, l’impossibilité d’un contrôle sérieux des dépenses engagées amène à considérer, plus largement, les échanges contemporains entre le ministère de la Guerre et celui des Finances, et à mesurer les changements que provoque la Première Guerre mondiale dans cette relation interministérielle particulière.

I. Un contrôle de l’administration de l’armée « démobilisé » par la guerre

  • 14  Ainsi, on ne retrouve pas le Contrôle dans Les armées dans la Grande Guerre, 105 vol.
  • 15Le contrôle de l’administration de l’Armée (1882-1932), op cit., p. 156.
  • 16Ibid., p. 157.

7Aucun texte, aucune réglementation ne prévoyait l’action du Contrôle durant un conflit. Le CAA se trouve ainsi « démobilisé » (sans emploi) avec l’entrée en guerre. Si les contrôleurs en mission à l’été 1914 surveillent la mobilisation en régions, ils n’ont jamais accès aux opérations financières du front14. Le général en chef refuse, durant les deux premières années du conflit, toute mission de contrôle sur le front occidental. Tout juste y eut-il un contrôleur affecté au corps expéditionnaire des Dardanelles. « À la fin de 1915, le commandement en chef, sous la pression du Parlement, accepta l’envoi de missions de contrôle sur le front français15. » Les rapports sont établis en deux expéditions, l’une étant adressée au commandant en chef, l’autre au ministre de la Guerre. « En fait, une seule mission fut constituée dans la zone des armées ; elle n’opéra guère utilement qu’en 1916 et 1917, en raison des fluctuations du front16. » Il en résulte qu’il n’y eut aucun contrôle (mis à part ceux des intendants militaires) sur les décisions financières des formations au front durant le conflit. Le CAA connaît, avec la guerre qui débute en 1914, son plus grand défi. L’insuffisance des moyens et des résultats, déjà déplorée avant-guerre, est désormais manifeste alors que la matière à contrôler devient colossale.

A. L’insuffisance des effectifs et les réorganisations du contrôle durant le conflit

  • 17  Rapport de Lebrun (à la Commission du Budget sans doute) du 30 décembre 1916, 7 p., SHD, 8NN 218, (...)
  • 18  Soit près de trois fois moins que le nombre d’inspecteurs des Finances, voir Fabien Cardoni, Natha (...)

8Depuis sa création, le sous-effectif du corps du CAA est permanent. Fin 1916, « le cadre actif comporte 16 contrôleurs généraux, 28 contrôleurs, 6 contrôleurs adjoints, dont un inspecteur des Colonies et un inspecteur des Finances. Le cadre de réserve ou de retraite comporte 6 contrôleurs généraux et 2 contrôleurs17 », soit au total 58 personnels18, pour 80 membres prévus en 1882.

  • 19  E. Penicaut, « Contrôler la Guerre ? Une histoire du contrôle de l’administration de l’Armée 1882- (...)
  • 20  Michel Dodinot, « Le contrôle des finances publiques et les formes comptables dans le budget de la (...)

9En 1914 et 1915, ce corps est dispersé dans les différentes missions régionales (31 juillet 1914), puis dans les directions des services du Matériel (31 août 1914), et enfin au sein des missions spéciales de contrôle dans les régions (20 septembre 1915)19. Submergés de travail car le champ du contrôle est gigantesque, le plus souvent mal secondés et peu écoutés des commandants de région, les contrôleurs voient leur action rester globalement peu efficace20.

  • 21  Selon les termes du « décret du 2 janvier 1916 – sur lequel la direction du Contrôle n’avait pas é (...)
  • 22  Lettre du ministre de la Guerre au président de la commission du budget du 10 mars 1917, SHD, 8NN  (...)
  • 23  Rapport 1914-1919, p. 261.

10En 1916 et 1917, est opérée, en deux temps, une recentralisation des effectifs du Contrôle. En janvier 191621, la spécialisation fonctionnelle est réinstaurée et les contrôleurs sont replacés dans les différentes directions de l’administration centrale de la Guerre et dans les sous-secrétariats d’État. Fin 1916, le rapporteur sur le budget de la Guerre auprès de la commission du budget, Albert Lebrun, exige impérieusement l’intensification du contrôle à la Guerre. Conscient des lacunes du contrôle, le ministre de la Guerre Gallieni prend la décision, le 1er février 1917, de rassembler tous les contrôleurs et de les organiser en 11 groupes de missions spécialisées, c’est-à-dire de reprendre le contrôle d’avant-guerre en l’étendant théoriquement à la zone des armées. Le ministre de la Guerre rappelle de surcroît quelques hauts fonctionnaires du cadre de réserve22. Cette réorganisation tient compte également des réorganisations administratives à la Guerre et de la création de nouveaux ministères militaires. Il s’agit en outre de « coordonner l’action des contrôleurs, de rassembler et d’exposer leurs conclusions d’ensemble, de suivre leurs propositions particulières et d’en saisir, au nom du ministre, les directions et services placés sous sa haute autorité23 ». Parallèlement aux activités du corps, certains contrôleurs sont amenés individuellement à exercer des missions plus ou moins atypiques.

B. L’extension du champ de compétences des contrôleurs

  • 24  E. Penicaut, inventaire cité, p. 17.
  • 25  Rapport 1914-1919, 515 p.

11Un contrôleur général préside et deux contrôleurs sont membres de la commission centrale des réquisitions militaires. En juin 1916, un service central des Réquisitions est créé et rattaché à la direction du Contrôle24. Il établit une véritable jurisprudence en la matière entre 1914 et 1919. Par ailleurs, en exécution de l’article 9 de la loi du 17 août 1915, un contrôleur général ou un contrôleur de 1re classe est appelé à présider chacun des six arrondissements d’inspection25.

  • 26  Rapport Lebrun.
  • 27  Parmi eux, le contrôleur général de l’Armée Mauclère, rappelé de sa retraite, est, pour toute la d (...)
  • 28  Rapport Lebrun. Le service de Renseignement aux familles, créé et dirigé par le contrôleur général (...)
  • 29Le contrôle de l’administration de l’Armée (1882-1932), op cit., p. 154.

12Fin 1916, la direction du Contrôle n’emploie que 7 contrôleurs26. Au sein de l’administration centrale de la Guerre, on trouve des contrôleurs à l’état-major de l’Armée, au secrétariat général, dans les directions générales des services du Ravitaillement et des Poudres27, dans les directions de l’Aéronautique, de la Cavalerie, du Génie, des Troupes coloniales, du Contentieux, au service de Renseignements aux familles28. Les contrôleurs sont en outre dispersés dans les sous-secrétariats d’État du service de Santé, du Ravitaillement et de l’Intendance, de l’Artillerie et des Munitions, de la Démobilisation, et dans d’autres ministères qui sont dotés de certaines des attributions incombant habituellement au département de la Guerre : au ministère du Commerce (pour le ravitaillement civil), puis au ministère du Ravitaillement (civil et militaire). Un autre encore est affecté aux Travaux publics29. Quelques contrôleurs sont détachés au sous-secrétariat d’État à la présidence du Conseil et au Commissariat général des effectifs coloniaux. Des contrôleurs sont en poste en Afrique du Nord. Un autre crée le service d’Alsace-Lorraine. Enfin, plusieurs rejoindront des cabinets ministériels.

13Afin de dresser un bilan complet et nuancé de l’action des contrôleurs, il importe de s’attarder, dans la deuxième partie, sur ceux placés auprès des commissions parlementaires, ceux qui vérifient des marchés de guerre et ceux qui contrôlent les achats de guerre à l’étranger.

II. Le contrôle du budget, des marchés de guerre et des achats à l’étranger

14La coopération avec les parlementaires, le contrôle des achats à venir et la vérification des marchés passés font partie des attributions classiques des contrôleurs. Leur étude pendant une guerre permet de présenter toutes les difficultés du métier en ces temps de dépenses sans compter.

A. Le CAA et le Parlement : une collaboration limitée

  • 30  Voir le rapport (nº 7259) sur les travaux de la commission de l’Armée pendant la guerre de 1914-19 (...)

15Les membres du CAA sont appelés à travailler avec les parlementaires. Si deux contrôleurs sont affectés, en 1916 du moins30, aux commissions permanentes de l’armée dans les deux Chambres, les lieux de collaboration « naturelle » entre le CAA et les parlementaires sont les commissions des finances du Sénat et du budget de la Chambre.

  • 31  Note sur les travaux de la sous-commission nommée en exécution de l’art. 13 de la loi du 15 juil. (...)
  • 32  Lettre du ministre de la Guerre au président de la commission du budget, 6 avril 1916, SHD, 1K 573 (...)
  • 33Journal officiel, 19 juillet 1916, séance à la Chambre du 18 juillet 1916, discussion de propositi (...)

16Avec les douzièmes provisoires approuvés par trimestre, les multiples crédits supplémentaires, le nombre réduit de chapitres budgétaires et le caractère secret des dépenses, le travail des commissions financières est singulièrement compliqué. Pour la sous-commission du budget de la Chambre des députés sur les dépenses de la défense nationale, l’impossibilité de connaître, durant le conflit, la consommation réelle des crédits et dans des délais raisonnables illustre les aléas du contrôle des dépenses militaires par les parlementaires31. De plus, le ministre de la Guerre ne souhaite pas que les membres du CAA aident cette sous-commission32. À l’été 1916, Aristide Briand, ministre des Affaires étrangères et président du Conseil, refuse ainsi une proposition parlementaire tendant à une sorte de saisine des contrôleurs par le Parlement pour des missions permanentes aux armées33. Les contrôleurs du CAA restent des techniciens du contrôle et travaillent en priorité pour l’exécutif. Le parcours du contrôleur Pierre Guinand l’illustre : collaborateur depuis septembre 1915 de Louis-Lucien Klotz, alors rapporteur du budget de la Guerre, Guinand est détaché auprès de la commission du budget et simultanément (pour 1918 et 1919) au cabinet de Klotz, ministre des Finances.

17Le corps du CAA collabore donc, dans certaines limites, avec les parlementaires budgétaires, et notamment sur les dossiers des marchés de guerre.

B. Les contrôleurs des marchés de guerre

  • 34  Rapport 1914-1919, p. 15-16.

18L’article 28 du décret du 18 novembre 1882 sur l’administration de l’Armée prévoit qu’à partir de l’ordre de mobilisation, toutes les dispositions de ce décret cessent d’être obligatoires pour les départements de la Guerre et de la Marine, c’est-à-dire que les procédures des marchés ne sont plus obligatoires. Le contrôle d’opportunité du CAA disparaît, notamment dans les régions en guerre. À partir de décembre 1914, la direction du Contrôle a le plus grand mal à reprendre le contrôle sur les marchés passés, notamment par l’intermédiaire des directeurs régionaux des services du Matériel. Aux réticences d’avant-guerre des services s’ajoute à présent l’habitude prise entre août et décembre 1914 de l’indépendance totale, dans le domaine des marchés de guerre notamment. La direction ne dispose que de 2 fonctionnaires du Contrôle et de 1 sous-chef de bureau au service des Marchés de guerre pour traiter, au cours de la seule année 1915, plus de 6 500 marchés. De surcroît, tous les marchés ne transitent pas par la direction du Contrôle. Entre janvier 1916 et février 1917, la décentralisation financière l’emporte officiellement : les directions régionales ont le droit de valider des marchés sans passer par la direction du Contrôle34.

  • 35  Rapport 1914-1919, p. 30.

19Les motifs de litiges sur les marchés passés et soumis sont innombrables : défaut de tenue de comptabilité, fautes comptables intentionnelles ou pas, surcoûts en tout genre, limitation et interdiction des intermédiaires difficiles à faire respecter, faible surveillance par les autorités des crédits et des compétences des fournisseurs, peu de contrôles des échantillons, dépôt de cautionnement impossible, longs délais d’examen de l’administration centrale, usage abusif des matières confiées par l’Administration, sous-traitances et importations de l’étranger illégales, etc. La seule rédaction des contrats des marchés révèle une multitude de problèmes : droits de timbre et d’enregistrement, insertion des clauses de pénalité pour retards des fournisseurs, acomptes à délivrer, conditions de réception des produits, droits de douane, cas de force majeure, gestion des malfaçons, responsabilité du transport, prise en compte des assurances, conditions de résiliation, droit de réquisition, réfaction, retards dans l’approbation, modalités de spécification de la fourniture, modes de paiement, etc.35. Les contrôleurs tentent en conséquence d’établir des modèles de rédaction de marchés pour le ravitaillement et l’intendance.

20Le principal défi pour le Contrôle est de vérifier la vérité des prix et le coût des produits commandés. Un autre défi est d’évaluer au plus juste les avances consenties par l’État pour achats de matières premières, salaires ou amortissements du matériel. Les contrôleurs s’intéressent en particulier au ravitaillement. Ils surveillent la composition des commissions des marchés pour éviter les conflits d’intérêts. Ils examinent les prix des achats « à caisse ouverte », la réalité des livraisons échelonnées, la comptabilité-matière et les pièces comptables, les conditions des réquisitions, les retards de paiements, etc.

21Au vu des nombreux décrets, circulaires, articles de loi de finances qui les réglementent au moins jusqu’en 1917, les abus perdurent. En réaction à ceux-ci et aussi à l’insuffisance des moyens de contrôle de l’Administration, des commissions des marchés de guerre sont créées au Sénat et à la Chambre des députés en décembre 1915. En 1916, 3 contrôleurs sont détachés dans chacune des 2 commissions. Ils poursuivent le travail de vérification à la demande des parlementaires.

  • 36  Rapport Lebrun.
  • 37  Une commission des contrats est créée en septembre 1915 au sein du sous-secrétariat d’État de l’Ar (...)
  • 38  Rapport d’ensemble sur les opérations poursuivies pendant l’année 1918 par les fonctionnaires du C (...)

22Enfin, 7 contrôleurs sont affectés au sous-secrétariat d’État à l’Artillerie et aux Munitions36. La création, au ministère de l’Armement et des Fabrications de guerre, d’une direction du Contrôle, de la Comptabilité générale et du Contentieux ouvre une nouvelle instance de contrôle des marchés (et des usines de guerre), en sus de la commission des contrats37. Les effectifs affectés demeurent cependant faibles (entre 5 et 10 contrôleurs généraux, en titre et adjoints, avec quelques rappelés en 1918). Le ministre leur demande des études en sus du contrôle des marchés. Les résultats du contrôle des marchés restent limités38. Le contrôle de ceux passés à l’étranger n’est guère plus facile.

C. Le contrôle des achats à l’étranger

  • 39Rapport 1914-1919, p. 104.

23Au préalable, il faut mentionner que, en accord avec la direction du Mouvement des fonds, la direction du Contrôle obtient dès août 1914 les moyens d’acheter à l’étranger et de payer en monnaies étrangères les fournitures aux armées. Les transferts de fonds sont effectués par diverses banques (Rothschild, Société générale, Crédit Lyonnais, J.P. Morgan de New York…) et mis à la disposition des consuls ou de certains commissionnaires39. Très vite, est apparue la nécessité de contrôler l’utilisation de cet argent, à Londres, à New York et à Paris.

1. La commission franco-anglaise d’achats à Londres

  • 40Ibid., p. 104-105.
  • 41Ibid., p. 106.

24Le 11 août 1914, « le Gouvernement confiait à M. le contrôleur général de Boysson, la direction d’une mission comprenant des représentants de tous les départements ministériels intéressés (Affaires étrangères, Guerre, Marine, Finances) et chargée, sous la haute direction de notre ambassadeur à Londres, « de s’entendre avec le gouvernement anglais au sujet des achats à effectuer à l’étranger par l’Angleterre, au titre et pour le compte du gouvernement français40 ». L’accord qui est établi pose le principe d’une commission franco-anglaise d’achats, jouant le rôle d’une sorte d’office de renseignements communs aux deux gouvernements sur tous les marchés pour éviter de se faire concurrence. Une circulaire ministérielle du 22 août 1914 centralise à la direction du Contrôle la gestion de cette coopération. Un inspecteur des Finances démissionnaire et mobilisé, René Thion de la Chaume, directeur adjoint à la Banque de l’Indochine, devient le représentant de la Guerre à cette commission41. La grande liberté de manœuvre et la gestion administrative de Thion de la Chaume entraînent une commission d’enquête du contrôleur Enselme en octobre-novembre 1914 sur les achats via le Royaume-Uni, puis un rapport du contrôleur Gaillard en 1915, à l’issue duquel sont créées des missions spéciales quasi-autonomes des services généraux qui restent sous tutelle théorique de Thion de la Chaume. À nouveau, en 1916, un contrôleur (Maréchal) vient à Londres pour vérifier les engagements de dépenses et critique certains achats, en réalité diligentés directement depuis l’administration centrale de la Guerre à Paris. Ensuite et jusqu’à la fin de la guerre, il n’y a plus de contrôleur à Londres.

2. La mission d’achats aux États-Unis

  • 42Ibid., p. 458-460.
  • 43  Voir Octave Homberg, Les coulisses de l’histoire : Souvenirs 1898-1928, Paris, Arthème Fayard, 193 (...)
  • 44  O. Homberg, Les coulisses de l’histoire…, op cit., p. 149 et 173.

25Un contrôleur de l’administration de l’Armée permanent est affecté aux missions d’achats de la Guerre aux États-Unis. Le contrôleur Johannet arrive à New York en octobre 1914. Il est à la fois contrôleur, ordonnateur et acheteur en direct, en lien avec la banque Morgan42. Il a le plus grand mal à contrôler les marchés passés. En effet, les chefs des missions d’achat agissent, dispersés, en totale indépendance les uns des autres, mais également sans consulter les consuls et attachés commerciaux diplomatiques, ni leurs homologues des pays alliés, ni l’agent commercial de la France, c’est-à-dire la banque Morgan, ni même l’agent financier du gouvernement français. Octave Homberg (parent et prédécesseur de Thion de la Chaume à la Banque de l’Indochine), banquier missionné aux États-Unis pour réformer les missions d’achats, propose et obtient en octobre 1915 la création d’un Agence financière française aux États-Unis, qu’il dirige jusqu’en juillet 1916 avant d’être remplacé par un inspecteur des Finances, Jean-Frédéric Bloch43. Homberg est en lien en 1915 avec Boysson, le directeur du Contrôle de la Guerre à Paris, et réclame une mission d’inspection des envoyés militaires44. En avril-mai 1916, une mission spéciale de contrôle des marchés américains est confiée au contrôleur général Audibert (futur chef du cabinet du ministre des Colonies en 1918 et 1919), qui déplore encore le manque de coordination avec les acheteurs alliés. Elle réforme la procédure en vigueur. En août 1916, est créée une direction des Missions aux États-Unis, confiée au colonel, puis général Vignal. Johannet y reste comme contrôleur et ordonnateur. En avril 1917 est créé le Haut-Commissariat de la République française aux États-Unis, devenu le Commissariat général aux affaires de guerre franco-américaines. Johannet en est le directeur des Services administratifs et du Contrôle. Le Haut-Commissariat est remplacé en mars 1919 par une direction générale des Services français aux Etats-Unis, où travaille Johannet jusqu’à fin décembre 1919, date de son retour en France.

3. Le service des Achats à Paris

  • 45  Instruction du 24 avril 1915, Rapport 1914-1919, p. 121.
  • 46  Rapport 1914-1919, p. 138.

26À Paris, la direction du Contrôle centralise donc les demandes d’achats à l’étranger. Le bureau, puis, en mars 1915, le service des Achats à l’étranger sont dirigés par le contrôleur Boulanger. Ces structures administratives ad hoc s’occupent de mandater des avances, de la justification et de la liquidation des paiements, de l’examen des marchés, des pénalités pour retard, des achats et cessions à l’étranger, etc. En avril 1915, 2 sous-chefs sont choisis parmi les inspecteurs des Finances mobilisés : Chauvy pour la section s’occupant des prévisions de dépenses et Rubat pour la section qui traite des justifications des achats45. Le service des Achats devient, le 17 avril 1917, après la création des nouveaux ministères par démembrement du ministère de la Guerre, le service interministériel des Dépenses à l’étranger (SIDE), toujours intégré à la direction du Contrôle. Début 1918, le SIDE change de nature car l’établissement des programmes d’achats (militaires et civils) à l’étranger est centralisé au sous-secrétariat d’État du Commerce (arrêté du 6 février 1918). Ce transfert ne laisse au SIDE que le service de Régulation des paiements pour la Guerre et l’Armement. À partir de ce moment, l’engagement des dépenses à l’étranger échappe à la direction du Contrôle. Néanmoins, l’instruction du 25 février 1918 lui confie la gestion du compte spécial des cessions de matériel à des gouvernements étrangers, ce qui occasionnera des différends avec le jeune sous-secrétariat de la Liquidation des stocks, qui se considère comme propriétaire de la plus grande partie du matériel cédé. Le SIDE gérera également des frais d’entretien de l’armée d’occupation en Allemagne46.

27Que ce soit à Londres, New York ou Paris, des contrôleurs se consacrent à l’examen des commandes à des fournisseurs étrangers. Pour cette mission, le CAA s’est vu adjoindre des inspecteurs ou ex-inspecteurs des Finances. Doit-on y voir une preuve d’incompétence ou une marque de méfiance de la part du ministère de la rue de Rivoli ? Ou bien est-ce le résultat d’une répartition des tâches bien comprise entre corps de contrôle ? Durant la Première Guerre mondiale, les ministères de la Guerre et des Finances sont-ils capables d’Union sacrée, d’Entente cordiale ou de guerre de tranchées budgétaires ?

III. Le contrôle des dépenses engagées au cœur des nouvelles relations entre les ministères de la Guerre et des Finances

  • 47  Sébastien Kott, Du contrôle des dépenses engagées…, op cit., p. 178.
  • 48  La création du CAA s’est inspirée de l’IGF et a été aidée par des inspecteurs des Finances. Voir N (...)

28Avant d’apprécier les enjeux du CDE dans les ministères militaires, il convient de rappeler qu’avant 1914, le ministère des Finances ne contrôle pas réellement les dépenses des dépensiers. En outre, la Guerre et la Marine sont les seuls ministères à ne pas accueillir avant-guerre des inspecteurs des Finances aux postes de contrôleurs des dépenses engagées47. Dans l’histoire à la fois ancienne et singulière48 des relations entre le CAA et l’Inspection générale des Finances, le conflit permet à 2 inspecteurs d’être, pour la première fois, chargés du CDE au sein du ministère de la Guerre.

A. L’impossible CDE à la Guerre

  • 49  Organisation et administration du contrôle et des missions. Travaux de la commission des contrôleu (...)
  • 50  Rapport des opérations du CDE de la Guerre pour l’année 1913, p. 8 et suiv., SHD, 1K 573/1.
  • 51Ibid., p. 27.

29Que ce soit avec la commission permanente et interministérielle des contrôleurs des dépenses engagées (1912)49 ou via le service du Contrôle des dépenses (1915), les Finances n’obtiennent pas la tutelle financière qu’ils escomptaient sur les ministères militaires. La volonté des Finances d’imposer partout un CDE efficient rencontre en effet à la Guerre plusieurs obstacles. En premier lieu, cette administration conserve son organisation financière décentralisée, ce qui gêne le CDE en cours d’exercice et empêche d’avoir une vue d’ensemble de l’état des dépenses50. Le CDE pour la Guerre précise ainsi, en conclusion de son rapport pour 1913, que « le visa des ordonnances de délégation ne peut rien ou presque rien donner, comme moyen de contrôle, dans une organisation aussi complexe que le ministère de la Guerre, où, obligatoirement, le plus grand nombre d’engagements de dépense a lieu sans l’intervention de l’administration centrale51 ».

30Ensuite, en temps de guerre, toute la procédure de CDE devient extrêmement difficile. L’exécution budgétaire ne se déroule pas selon les règles de la comptabilité publique. Le contrôleur des dépenses engagées perd toute action avec la suspension des déclarations préalables à l’engagement, décidée dès août 1914. La transmission des pièces comptables, par les intendants jusqu’aux généraux, ne s’effectue que partiellement et hors délais. De nombreuses avances aux fournisseurs sont consenties sans garanties et sans contrôle financier. La mise en concurrence n’est pas respectée. Les marchés sont passés hors de la procédure habituelle même lorsqu’il n’y a pas d’urgence et le plus souvent sans l’approbation de l’administration centrale. Les libellés des contrats demeurent imprécis, les prix discutables.

  • 52  Voir les rapports des CDE et des différents corps de contrôle sur l’exécution du budget du ministè (...)

31Le contrôleur des dépenses engagées du ministère de la Guerre ne produit qu’un seul rapport, en 1919, sur l’ensemble de la période de la guerre. À la Marine, le contrôleur des dépenses engagées poursuit son travail annuellement52, mais le rapport pour l’exercice 1915 date de juin 1917, celui pour 1916 d’avril 1919 et celui pour les exercices 1917 et 1918 de 1921. Dans les autres ministères militaires, les contrôleurs écrivent aussi des rapports annuels expliquant leur impuissance.

B. L’impuissance des contrôleurs des dépenses engagées dans les ministères militaires

  • 53  Une direction générale du Ravitaillement des armées et des places est créée au ministère de la Gue (...)
  • 54  Rapport 1914-1919, p. 363-364.

32L’arrêté interministériel du 4 avril 1916 règle les attributions des inspecteurs des Finances détachés comme adjoints au contrôleur des dépenses engagées de la Guerre, qui reste le directeur du Contrôle de la Guerre. Charles-Adolphe Moleux, ancien contrôleur des dépenses engagées au ministère des Affaires étrangères en 1911-1916, entre ainsi en fonction dès avril 1916. Il contrôle les services relevant de l’Intendance au sous-secrétariat d’État du Ravitaillement53 et de l’Intendance. Marie Léon-Dufour est le second inspecteur adjoint au contrôleur des dépenses engagées de la Guerre. Il est nommé, également en avril 1916, contrôleur des dépenses engagées du sous-secrétariat d’État de l’Artillerie et des Munitions (qui existe depuis mai 1915 et qui devient, en décembre 1916, ministère de l’Armement et des Fabrications de guerre). Il avait fait partie auparavant des 10 inspecteurs des Finances mobilisés en tant que chargés de mission à la direction du CAA et placés, entre novembre 1914 et août 1915, à la disposition du ministère de la Guerre pour le contrôle du ravitaillement54.

  • 55  Rapport 1914-1919, p. 204.

33Ces inspecteurs des Finances ont, avec le contrôleur des dépenses engagées du sous-secrétariat d’État à l’Aéronautique militaire (quand il existe, d’octobre 1915 à février 1916) et celui du service de Santé militaire, pour mission commune d’examiner les marchés de guerre de ces sous-secrétariats d’État. Néanmoins, leurs attributions sont d’emblée limitées : le droit de visa de ces contrôleurs des dépenses engagées « ne s’étendait ni aux marchés conclus à l’étranger, ni ceux comportant une avance pour outillage, ou comprenant une majoration de prix pour l’amortissement dit exceptionnel des installations et outillages spécialement créés, ni enfin à ceux dont certaines clauses étaient ambiguës55 », toujours du ressort de la direction du Contrôle de la Guerre.

Le CDE à l’Intendance

  • 56  Rapport de Ch.-A. Moleux au ministre des Finances, 30 juillet 1916, p. 15, SHD, 1K 573/1.
  • 57Ibid., p. 22.

34Le contrôleur des dépenses engagées ne peut vérifier ni les revues de liquidation des corps de troupe ni les marchés passés par ces derniers. Le suivi budgétaire est impossible, car les comptabilités sont différentes et dispersées, et parce qu’il n’y a que des délégations d’ordonnancement. Moleux propose notamment de créer dans les régions des représentants du contrôleur des dépenses engagées pour suivre l’emploi des crédits. L’inspecteur des Finances est lucide : « Il n’y a là rien qui ressemble au rôle de conseiller administratif, d’avertisseur technique et préalable des difficultés financières et administratives, placé auprès du ministre qu’ont voulu les textes relatifs à l’organisation du CDE56. » Et il n’a ni les attributions d’un véritable conseiller financier du ministre – chères aux inspecteurs des Finances – ni les moyens d’une argumentation chiffrée. Il conclut, dépité, que « l’adjoint au contrôleur des dépenses engagées pour les services du Ravitaillement et de l’Intendance est à peu près sans attributions véritables et sans moyens d’action57 ». En effet, il ne vise rien, n’avise personne, ne détient aucun pouvoir de coercition.

35Moleux explique, écœuré :

  • 58Ibid., p. 23-24.

« Mon collègue détaché au sous-secrétariat d’État de l’Artillerie [Léon-Dufour] a rencontré des difficultés analogues, il a demandé un congé pour raisons de santé. Au cours d’une des dernières semaines, j’ai trouvé le bureau qui m’était affecté occupé par un contrôleur général : sur diverses notes on avait écrit archives Moleux. […] Il me paraît impossible de continuer à remplir des fonctions qui ne correspondent à rien dans la réalité. […] Et je ne puis que demander la permission à Monsieur le ministre des Finances de soumettre très respectueusement à sa bienveillance la question de savoir s’il y a lieu d’en marquer le terme58. »

36Il ne s’arrêtera officiellement qu’en mai 1917 ; il deviendra chef du service de la Comptabilité du ministère des Affaires étrangères en 1918-1920.

Le CDE à l’Artillerie et aux Munitions

  • 59  Rapport de Léon-Dufour « concernant l’organisation du service du contrôle des dépenses engagées (s (...)

37Le rôle de Léon-Dufour à l’Artillerie et aux Munitions paraît tout aussi vain. Dans son rapport de 1916, il se plaint tout d’abord que « depuis 1910, les états de prévision ne servent ni à établir un prix de revient, ni à prévoir les dépenses, ni à justifier les demandes de fonds59 ». Il n’existe pas en 1916 de classement par catégories de matériels, mais un classement par établissements les fabriquant. Il n’est pas établi d’états trimestriels des douzièmes provisoires, mais seulement un état final sur un exercice annuel. Il n’y a pas de recherches de coût par matériel, pas de suivi budgétaire, il n’y a qu’une comptabilité a posteriori des factures… De surcroît, à l’Artillerie, il n’y a pas d’ordonnances uniques, pas de centralisation financière.

  • 60Ibid., p. 13.

« En résumé, la réalité du CDE au ministère de la Guerre considéré comme service séparé de la direction du Contrôle, est loin de correspondre à son but théorique, sur bien des points. Il n’a pas beaucoup de liaison entre le visa préalable des engagements et la comptabilité ; les dépenses de personnel dont l’importance va croissant, ne sont pas faciles à surveiller ; le visa des ordonnances est inopérant ; enfin à cause de la conception même du budget toute l’exécution s’opère […] dans des compartiments bien différents de l’engagement. Cet état de choses ne provient d’ailleurs pas, dans son ensemble, des circonstances créées par l’état de guerre60. »

38Léon-Dufour sera chef du cabinet de Charles Sergent (inspecteur des Finances), sous-secrétaire d’État aux Finances, de novembre 1917 à la chute du ministère en janvier 1920.

Le CDE à l’Armement et aux Fabrications de guerre

  • 61  Rapport du CDE sur le budget du ministère de l’Armement et des Fabrications de guerre, 15 avril 19 (...)

39À la suite de Léon-Dufour, le poste de contrôleur des dépenses engagées au ministère de l’Armement et des Fabrications de guerre créé en décembre 1916 (et devenu, en novembre 1918, le ministère de la Reconstruction industrielle) est occupé par un contrôleur de l’administration de l’Armée. Comme à la Guerre, ce contrôleur des dépenses engagées ministériel est également le directeur du Contrôle, de la Comptabilité générale et du Contentieux du ministère. Mais, dans ce nouveau ministère comme précédemment au sous-secrétariat d’État de l’Artillerie et des Munitions, le contrôleur des dépenses engagées ne sert à rien sur le plan budgétaire. En avril 1917, il propose le retour aux règles antérieures au déclenchement de la guerre. Les services de l’Armement lui objectent que les commandes seraient retardées. Il n’obtient pas gain de cause. L’exercice 1917 du ministère n’étant clos que le 31 décembre 1918, le premier rapport du contrôleur des dépenses engagées de l’Armement et des Fabrications de guerre date d’avril 1919. En conclusion, il explique que, pour les années 1917 et 1918, « l’action du service de Contrôle au ministère de l’Armement, réduit à accepter sans élément de discussion possible les certifications des services, privé des garanties qui doivent entourer l’exercice des fonctions qui lui incombent de par les lois et règlements, s’est bornée à un simple enregistrement de chiffres fournis postérieurement à l’engagement proprement dit de la dépense61 ». Néanmoins, la dizaine de contrôleurs des dépenses engagées du ministère de l’Armement se réunit en commission toutes les semaines. Le contrôleur des dépenses engagées ministériel se vante, dans son rapport de 1919, d’avoir remis en vigueur les règles de passation des marchés et de rédaction des contrats, ainsi que d’avoir fait économiser plusieurs dizaines de millions de francs par la baisse des prix des objets commandés et par une diminution des estimations de l’amortissement.

  • 62  Le contrôle au front des parlementaires restera lui aussi très limité, voir Rémy Porte, La mobilis (...)

40À l’initiative de la Commission du Budget, une disposition est introduite dans la loi du 31 mars 1917, qui stipule que « les rapports des contrôleurs des dépenses engagées et du corps du Contrôle sur l’exécution du budget de chaque ministère spécifiés à l’article 151 de la loi du 13 juillet 1911 seront communiqués aux commissions des finances des deux Chambres ». Cette mesure tardive n’aide en rien l’action des contrôleurs des dépenses engagées dans les ministères militaires. Malgré leur désarroi, tous ces CDE sont conscients que, en temps de guerre, il est vain de s’acharner à vouloir faire respecter le non-dépassement des crédits ou la régularité des procédures. En outre, après l’armistice, il sera peu question d’enquêter sur ce qui s’est passé : à l’Armement, par exemple, on se préoccupe surtout de reconvertir les usines de guerre. Ainsi, le CDE, à la Guerre et dans ses dépendances ministérielles, a été un échec cinglant entre 1914 et 1918. Certes, l’état de guerre n’a pas aidé le CDE à s’effectuer dans de bonnes conditions. Cependant, la jeunesse du CDE à la Guerre, la grande décentralisation des dépensiers militaires, l’imprévision des dépenses d’armement ne sont pas des maux de guerre. En outre, même si le CDE et le CAA partagent la même préoccupation de maîtrise des crédits votés, le corps du Contrôle a toujours vu avec réticence les contrôleurs des dépenses engagées vouloir, avec ce qui se rapproche d’un contrôle d’opportunité, empiéter sur le contrôle de l’exécution budgétaire. Enfin, le commandement opérationnel, en interdisant l’accès aux armées en campagne, n’a rien fait pour faciliter le contrôle sur pièces et sur place62.

Conclusion

41Le bilan de l’activité des contrôleurs de l’administration de l’Armée entre 1914 et 1918 n’est pas nul. À l’actif, ils ont beaucoup travaillé et, parallèlement, le conflit leur ouvre de nouveaux domaines à contrôler et de nouveaux postes à occuper. Ainsi, à la différence de l’avant-guerre, quand les contrôleurs n’avaient guère d’occasions de sortir de leurs missions traditionnelles, ils sont, entre 1914 et 1918, employés à des tâches plus ou moins éloignées du contrôle militaire, preuve de leur polyvalence. Le champ de compétences comme les trajectoires professionnelles des contrôleurs en sortent diversifiés.

42Par ailleurs, le corps des contrôleurs est sans doute un des plus favorables à une meilleure gestion des deniers publics et constitue un allié subjectif des Finances au sein de la Guerre. De plus, à l’instar des inspecteurs des Finances, les attributions des contrôleurs en font des hauts fonctionnaires passerelles entre les ministères, par nature quelque peu extérieurs au milieu qu’ils contrôlent. Les contrôleurs militaires ne sont pas les ennemis des Finances, malgré les réflexes corporatistes et la défense des prés carrés.

43Au passif, l’entrée en guerre provoque plusieurs tâtonnements dans l’emploi des contrôleurs qui nuisent à leur efficacité. Dans les régions, quand ils y sont dispersés, ils ne sont pas écoutés par les services et ne peuvent que constater les irrégularités et gaspillages. Ils n’ont pas accès aux finances du front et doivent vérifier des dépenses sans comptes. En outre, bien que dévoués à leur tâche, les contrôleurs de l’administration de l’Armée, en sous-effectif, sont pris en étau entre, d’une part, l’énormité et la diversité des dépenses à engager dans la confusion et l’improvisation, et, d’autre part, les exigences du Parlement et du ministère des Finances. Les relations entre les administrations de la Guerre et des Finances durant la Première Guerre mondiale sont plus proches de la guerre de tranchées que de l’Union sacrée.

  • 63Fabien Cardoni, « The “science” of French public finances in World War I », Accounting History Rev (...)
  • 64  Rapport d’ensemble sur l’activité du corps du contrôle de l’administration de l’Armée du 3 septemb (...)
  • 65  En outre, en cas de mobilisation, les inspecteurs des Finances réservistes sont affectés, dans le (...)
  • 66  Florence Descamps, « Du contrôle de la dépense à la réforme du système financier. Les ambitions de (...)
  • 67  Lire par exemple « Le CDE devant le Parlement depuis 1917 », note du contrôleur Guinand, 1922, SHD (...)

44À l’issue de la Grande Guerre, les Finances et la Guerre sont également insatisfaits des méthodes du contrôle financier et budgétaire. Tout d’abord, à l’instar de la comptabilité publique en temps de guerre63, le contrôle des dépenses de l’Armée pendant un conflit doit être (re)pensé64 (instructions ministérielles de mai 1936)65. En outre, avant même la fin du conflit, le Parlement et les Finances préparent plusieurs réformes administratives et financières d’importance, notamment à la suite de la commission Selves de 1917-191866. Enfin, dès 1917, les discussions parlementaires s’engagent pour une réforme du CDE. Après l’instauration d’une direction du CDE autonome au sein des Finances en 1919, elles aboutissent avec le vote de la loi du 10 août 1922 (loi Marin) qui renforce le CDE67. Malgré la résistance parlementaire du ministre de la Guerre Maginot, le rejet de la réforme par l’état-major de l’Armée et les rapports cinglants des contrôleurs contre le projet de loi, les contrôleurs de l’administration de l’Armée perdent ainsi leur combat face aux Finances. Le premier civil contrôleur des dépenses engagées du ministère de la Guerre, l’inspecteur des Finances Jean-Marcel Drouineau, est nommé en 1922, incarnation du droit de regard des Finances sur les dépenses militaires. Ainsi, tant en raison des abus du temps de guerre que des failles des procédures d’avant-guerre, devenues intolérables après-guerre, l’offensive des Finances, grâce au soutien du législateur, opère une percée dans l’administration militaire. La Première Guerre mondiale apparaît donc comme un tournant dans le rapport de force entre la Guerre et les Finances.

Note

1  Voir Gaston Jèze, Le coût de la guerre pour la France. Les dépenses de guerre de la France, Paris, New-Haven (USA), PUF-Yale University Press, Publications de la Dotation Carnegie pour la paix internationale, 1926, p. 102 et suiv.

2  L’étude Du contrôle des dépenses engagées au contrôle financier central. Évolutions d’une fonction, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2004, 550 p. de Sébastien Kott (http://books.openedition.org/igpde/2477), que nous remercions ici pour sa relecture avisée, n’aborde guère le conflit de 1914-1918 ni les ministères militaires avant les années vingt.

3  Il n’existe pas d’article sur le CAA dans François Cochet et Rémy Porte (dir.), Dictionnaire de la Grande Guerre 1914-1918, Paris, R. Laffont, 2008, 1 120 p., ni dans Jean-Yves Le Naour (dir.), Dictionnaire de la Grande Guerre, Paris, Larousse, 2008, 476 p. (alors que la Trésorerie aux armées, le service de Santé ou encore l’aumônerie y sont traités), ni dans Stéphane Audoin-Rouzeau et Jean-Jacques Becker (dir.), Encyclopédie de la Grande Guerre 1914-1918 : histoire et culture, Paris, Bayard, 2004, 1 342 p.

4Le contrôle de l’administration de l’Armée (1882-1932) « Lettres d’un ancien. Janvier, février, mars 1932 », Paris, Limoges, Nancy, impr.-édit. Charles-Lavauzelle et Cie, 1933 (4 mai), 188 p. ; Jean Dofing, Raymond Bourgerie, Le Contrôle général des armées, Paris, CEDOCAR-Contrôle général des armées, 1974, 111 p. ; Contrôleurs généraux et contrôleurs de l’administration de l’Armée. 75e anniversaire du contrôle de l’Armée 1882-1957, 1958 (SHD, 8N 34/5). À signaler enfin une étude, non consultée, de P. Le Gall, Étude historique sur le corps du contrôle de l’administration de l’Armée, non éditée, 1978, n.p. [bibliothèque du SHD à Cherbourg, CH-4°0131].

5  « Une institution séculaire : le contrôle dans les armées », numéro hors-série de la Revue historique des armées, 1982.

6  Emmanuel Penicaut et Maud Brebel, Ministère de la Guerre. Direction du Contrôle. Sous-série GR 8NN. Répertoire numérique détaillé, Vincennes, Service historique de la Défense, 2012, 86 p.

7  8NN 215 à 250.

8  En 1871, un arrêté présidentiel du 31 décembre 1871 avait déjà instauré un visa obligatoire de la direction du Contrôle et de la Comptabilité demandé pour tout acte engageant des dépenses, mais il était resté lettre morte.

9  Le CDE de la Guerre en 1914 est, depuis 1908, le contrôleur général de l’Armée Mauclère, ex-directeur du Contrôle de la Guerre jusqu’en 1913.

10  Les directeurs du Contrôle de l’administration de l’Armée sont des contrôleurs généraux de l’Armée : pendant la Guerre, Boysson, 11 septembre 1913-2 janvier 1916 ; Alombert-Goget, 2 janvier 1916-14 juillet 1920.

11  Voir Emmanuel Besson, Les contrôles des budgets en France et à l’étranger, étude historique et critique sur le contrôle financier des principaux États depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, Paris, A. Chevalier-Marescq, 1889, 628 p., 2e éd. : 1901, 636 p. ; Rapport du directeur du Contrôle Mauclère au contrôleur général Jacobée, du 2 août 1912, SHD, 8NN 29 ; dossier 1, SHD, 8N 34 ; Rapport des opérations du CDE de la Guerre pour l’année 1913, (90 p. dactylo.), p. 29, SHD, 1K 573/1 (fonds privé Pierre Guinand).

12Le contrôle de l’administration de l’Armée, Paris, Impr. de E. Capiomont, (1904), 32 p. (BnF 8-LF213-261).

13  Rapport du directeur du Contrôle Mauclère au ministre de la Guerre du 23 octobre 1912 : Analyse au sujet de l’organisation des missions de contrôle, SHD, 8NN 29 ; Instruction du 13 février 1913 sur l’organisation et l’exécution des missions de contrôle, SHD, 8NN 29.

14  Ainsi, on ne retrouve pas le Contrôle dans Les armées dans la Grande Guerre, 105 vol.

15Le contrôle de l’administration de l’Armée (1882-1932), op cit., p. 156.

16Ibid., p. 157.

17  Rapport de Lebrun (à la Commission du Budget sans doute) du 30 décembre 1916, 7 p., SHD, 8NN 218, dossier Klotz [désormais Rapport Lebrun].

18  Soit près de trois fois moins que le nombre d’inspecteurs des Finances, voir Fabien Cardoni, Nathalie Carré de Malberg et Michel Margairaz (dir.), Dictionnaire historique des inspecteurs des Finances 1801-2009, Paris, IGPDE/Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2012, p. 1002, http://books.openedition.org/igpde/3568.

19  E. Penicaut, « Contrôler la Guerre ? Une histoire du contrôle de l’administration de l’Armée 1882-1940 », dans Emmanuel Penicaut et Maud Brebel, inventaire cité, p. 16.

20  Michel Dodinot, « Le contrôle des finances publiques et les formes comptables dans le budget de la Guerre », thèse pour le doctorat de droit, université de Paris, sous la direction de M.-C. Perreau, 1916, publiée chez Librairie Arthur Rousseau et Cie, Paris, 1916, 179 p.

21  Selon les termes du « décret du 2 janvier 1916 – sur lequel la direction du Contrôle n’avait pas été appelée à présenter ses observations ». Rapport d’ensemble exposant le résultat des opérations du corps du Contrôle de l’administration de l’Armée pendant la période de guerre, 1914-1919, p. 202, SHD, 1K 573/2 [désormais Rapport 1914-1919].

22  Lettre du ministre de la Guerre au président de la commission du budget du 10 mars 1917, SHD, 8NN 218, dossier Klotz.

23  Rapport 1914-1919, p. 261.

24  E. Penicaut, inventaire cité, p. 17.

25  Rapport 1914-1919, 515 p.

26  Rapport Lebrun.

27  Parmi eux, le contrôleur général de l’Armée Mauclère, rappelé de sa retraite, est, pour toute la durée de la Guerre, directeur général des Poudres et Explosifs.

28  Rapport Lebrun. Le service de Renseignement aux familles, créé et dirigé par le contrôleur général Bossut, fonctionne jusqu’en fin 1915.

29Le contrôle de l’administration de l’Armée (1882-1932), op cit., p. 154.

30  Voir le rapport (nº 7259) sur les travaux de la commission de l’Armée pendant la guerre de 1914-1918 par M. Dalbiez (impr., 1919, 224 p., annexe au procès-verbal de la 2e séance du 19 octobre 1919), SHD, 1K 513/1 (fonds privé Paul Alombert-Goget).

31  Note sur les travaux de la sous-commission nommée en exécution de l’art. 13 de la loi du 15 juil. 1914 par M. Raiberti, député (s.d. – avril ? 1916 ou 1917 ? –), SHD, 1K 573/1.

32  Lettre du ministre de la Guerre au président de la commission du budget, 6 avril 1916, SHD, 1K 573/1.

33Journal officiel, 19 juillet 1916, séance à la Chambre du 18 juillet 1916, discussion de proposition de résolution concernant l’organisation du contrôle aux armées, SHD, 1K 573/1.

34  Rapport 1914-1919, p. 15-16.

35  Rapport 1914-1919, p. 30.

36  Rapport Lebrun.

37  Une commission des contrats est créée en septembre 1915 au sein du sous-secrétariat d’État de l’Artillerie et des Munitions (Alain Hennebicque, « Albert Thomas et le régime des usines de guerre 1915-1917 », dans Patrick Fridenson (dir.), 1914-1918. L’autre front, Cahiers du Mouvement social, nº 2, Paris, Éditions ouvrières, 1977, p. 123).

38  Rapport d’ensemble sur les opérations poursuivies pendant l’année 1918 par les fonctionnaires du Contrôle de l’administration de l’Armée en mission au ministère de l’Armement et des Fabrications de guerre, 19 mai 1919, 240 p., SAEF, B 33 331.

39Rapport 1914-1919, p. 104.

40Ibid., p. 104-105.

41Ibid., p. 106.

42Ibid., p. 458-460.

43  Voir Octave Homberg, Les coulisses de l’histoire : Souvenirs 1898-1928, Paris, Arthème Fayard, 1938, 287 p., et Yves-Henri Nouailhat, France et États-Unis : août 1914-avril 1917, Paris, Publications de la Sorbonne, 1979, p. 241-247.

44  O. Homberg, Les coulisses de l’histoire…, op cit., p. 149 et 173.

45  Instruction du 24 avril 1915, Rapport 1914-1919, p. 121.

46  Rapport 1914-1919, p. 138.

47  Sébastien Kott, Du contrôle des dépenses engagées…, op cit., p. 178.

48  La création du CAA s’est inspirée de l’IGF et a été aidée par des inspecteurs des Finances. Voir Naissance, organisation et attributions du corps de contrôle : notes, correspondance, projets de textes réglementaires, collection de textes imprimés relatifs aux instances de contrôle existant dans les ministères de la Marine et des Finances 1882-1891, dont une note de l’inspecteur des Finances Renaudin, s.d. [1882], SHD, 8NN 17. Voir aussi un dossier sur un projet de remplacement des contrôleurs par des inspecteurs des Finances, s.d. [1887-1900], SHD, 8NN 57.

49  Organisation et administration du contrôle et des missions. Travaux de la commission des contrôleurs généraux réunie en 1912, élaboration de l’instruction approuvée le 1er février 1913, correspondance avec les parlementaires : notes, rapports, correspondance, textes réglementaires (1912-1914). Archives du corps de contrôle : cadre de classement, inventaire (s.d., 1916), SHD, 8NN 29.

50  Rapport des opérations du CDE de la Guerre pour l’année 1913, p. 8 et suiv., SHD, 1K 573/1.

51Ibid., p. 27.

52  Voir les rapports des CDE et des différents corps de contrôle sur l’exécution du budget du ministère de la Marine 1911-1919, SAEF, B 33 344.

53  Une direction générale du Ravitaillement des armées et des places est créée au ministère de la Guerre par arrêté du 23 août 1914. Fin 1916, est créé un ministère spécial du Ravitaillement civil et militaire, rattaché au ministère des Travaux publics, des Transports et du Ravitaillement, puis, début 1917, au ministère de l’Agriculture et du Ravitaillement général. À noter qu’après la création du ministère (civil) du Ravitaillement général, l’inspecteur des Finances Urbain de La Croix y est affecté en 1917-1918 au titre du CDE.

54  Rapport 1914-1919, p. 363-364.

55  Rapport 1914-1919, p. 204.

56  Rapport de Ch.-A. Moleux au ministre des Finances, 30 juillet 1916, p. 15, SHD, 1K 573/1.

57Ibid., p. 22.

58Ibid., p. 23-24.

59  Rapport de Léon-Dufour « concernant l’organisation du service du contrôle des dépenses engagées (service de l’Artillerie et des Munitions) », 16 juin 1916, p. 6, SHD, 1K 573/1.

60Ibid., p. 13.

61  Rapport du CDE sur le budget du ministère de l’Armement et des Fabrications de guerre, 15 avril 1919, p. 6, SAEF, B 33 331.

62  Le contrôle au front des parlementaires restera lui aussi très limité, voir Rémy Porte, La mobilisation industrielle « premier front » de la Grande Guerre ?, Paris, Soteca & 14-18 Éditions, 2005, p. 106-110.

63Fabien Cardoni, « The “science” of French public finances in World War I », Accounting History Review, numéro spécial 2-3 : Accounting and the First World War, novembre 2014, p. 119-138.

64  Rapport d’ensemble sur l’activité du corps du contrôle de l’administration de l’Armée du 3 septembre 1939 au 30 septembre 1940, 14 octobre 1942, p. III, SHD, 8N 34/1.

65  En outre, en cas de mobilisation, les inspecteurs des Finances réservistes sont affectés, dans le cadre des assimilés spéciaux prévus par la loi du 8 janvier 1925, à des postes d’attachés du CAA aux côtés d’autres membres des « grands » corps (Conseil d’État et Cour des comptes).

66  Florence Descamps, « Du contrôle de la dépense à la réforme du système financier. Les ambitions de la commission Selves (1917-1918). Une commission matrice ? », dans Philippe Bezes, Florence Descamps, Sébastien Kott et Lucile Tallineau (dir.), Du contrôle de la dépense à la gestion des services publics (1914-1967), vol. II, Paris, IGPDE/Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2013, p. 27-64, http://books.openedition.org/igpde/2886.

67  Lire par exemple « Le CDE devant le Parlement depuis 1917 », note du contrôleur Guinand, 1922, SHD, 1K 573/4.

Autore

Fabien Cardoni est docteur en histoire et chargé d’études au bureau de la Recherche de l’Institut de la gestion publique et du développement économique (ministères économiques et financiers). Il est également chercheur rattaché au laboratoire Institutions et dynamiques historiques de l’économie et de la société (CNRS-Paris1 Panthéon Sorbonne). Il a récemment publié « The ‘scienceʼ of French public finances in World War I », Ac­counting History Review, numéro spécial 2-3 : Ac­counting and the First World War, nov. 2014, p. 119-138 ; avec Nathalie Carré de Malberg et Michel Margairaz, Dictionnaire historique des inspecteurs des Finances 1801-2009, Paris, IGPDE/Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2012, 1131 p., http://books.openedition.org/igpde/3568, et dirigé un numéro thématique des Études sociales : les pratiques sociales au prisme du budget, 2012/1, nº 155.

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