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La rupture ? La Grande Guerre, l’Europe et le XXe siècle

 | 
Pierre-Cyrille Hautcoeur
, 
Patrick Fridenson
, 
Florence Descamps
, 
et al.

Le social

La Grande Guerre et l’État social : note sur quelques temporalités historiques, 1880‑1945

Bruno Valat

Résumé

Cette « note sur quelques temporalités historiques » cherche à déterminer si la Première Guerre mondiale peut être considérée comme un tournant décisif dans la naissance de l’État social. Après quelques considérations méthodologiques, l’auteur s’efforce de montrer à partir d’exemples français et internationaux que si la Grande Guerre a incontestablement eu un impact en la matière, il est impossible de la considérer comme un point de départ. La période 1880-1914 peut, à cet égard, être considérée comme plus décisive, en amont du conflit, dans l’invention des techniques de protection de masse qui s’épanouiront au xxe siècle. En aval, la guerre a joué un rôle de catalyseur dans certains domaines, mais avec des effets très différents selon les pays. À cet égard, la crise de 1929 et la Seconde Guerre mondiale apparaissent comme des événements aussi importants, de sorte qu’il peut sembler vain d’isoler le premier conflit mondial dans une succession de crises qui s’étendent globalement de 1919 à 1950.

Texte intégral

  • 1  L’auteur remercie Florence Descamps, Patrick Fridenson, Pierre-Cyrille Hautcœur et Laure Quennouël (...)

1La question à l’origine de cette contribution portait sur les liens entre la Grande Guerre et l’État-providence1. Les quelques pages qui suivent n’ont d’autre ambition que de proposer une courte réflexion sur quelques chronologies parallèles, en aucun cas de proposer un bilan détaillé, qui nécessiterait des développements conséquents.

2Nous procéderons au préalable à une clarification terminologique, pour circonscrire notre objet d’étude et mieux le définir. Nous présenterons également quelques remarques d’ordre méthodologique, afin de justifier la démarche suivie.

  • 2  Richard F. Kuisel, Le capitalisme et l’État en France. Modernisation et dirigisme au xxe siècle, P (...)

3Dans sa plus vaste extension, l’État-providence, c’est au fond l’État interventionniste. Outre le fait que l’expression apparaît quelque peu indéterminée, son champ d’application est potentiellement si large qu’il ne pouvait être envisageable d’en faire le tour, même superficiellement, dans les pages qui suivent. Du reste, cette question a fait l’objet d’une très vaste littérature internationale depuis plusieurs décennies. Citons seulement, pour le cas français, l’ouvrage de Richard F. Kuisel, dont la première publication remonte à bientôt quarante ans2. Dans ces conditions, nous restreindrons notre objet d’étude au seul domaine social. Il est du reste commun de parler d’État-providence pour désigner l’intervention de l’État dans ce secteur. L’expression a cependant le tort d’être historiquement connotée de manière négative : ses origines renvoient en effet à la critique d’un État tout-puissant et « surplombant » la société, sorte de Léviathan démocratique attentant à l’ordre divin aussi bien qu’aux libertés individuelles. Ce terme n’a pas d’équivalent en dehors de la francophonie et ne correspond qu’imparfaitement à ses homologues anglais (Welfare State) et allemand (Sozialstaat). Dans ces conditions, plutôt que d’État-providence, nous parlerons d’« État social », pour plus de clarté mais aussi de neutralité axiologique.

  • 3  Voir François-Xavier Merrien, Raphaël Parchet et Antoine Kernen, L’État social. Une perspective in (...)

4L’État social c’est, pour l’essentiel, l’ensemble des dispositifs de protection sociale contre les risques (« sociaux ») que sont la maladie, la maternité, la vieillesse, l’invalidité et – suivant les configurations nationales – le chômage, ainsi que les prestations familiales lorsqu’elles existent, de même que les politiques qui vont avec, à condition qu’ils fassent l’objet d’une institutionnalisation par les pouvoirs publics3. Suivant les lieux et les époques, les modalités retenues pourront varier : protection universelle d’État, assurances sociales, assistance publique décentralisée… Ces différentes techniques ont coexisté dans tous les pays pendant la majeure partie du xxe siècle, sans qu’aucune ne l’emporte toujours et partout sur les autres ; mais toutes expriment, suivant des modalités différentes, la place croissante de l’État dans la protection des populations contre les risques dits « sociaux » au cours de ce siècle.

5La question sur laquelle nous ferons porter notre réflexion devient donc celle-ci : la Grande Guerre a-t-elle été une étape décisive de l’intervention de l’État dans le champ de la protection sociale ainsi définie, dans les principaux pays industrialisés et quel a été son impact dans ce domaine sur l’horizon du siècle ?

6Poser la question des origines, et de la rupture éventuelle qu’a constitué la guerre, suppose de porter le regard sur les formes et politiques de protection sociale en amont. Trop souvent, les réflexions sur l’impact du conflit prennent celui-ci comme point de départ et, repérant la poursuite et/ou la transposition de dispositifs de guerre après la fin de celle-ci, en concluent qu’elle a constitué une rupture. En raisonnant ainsi, on prend le risque, d’une part, de négliger ce qui existait avant et, d’autre part, de minorer les difficultés rencontrées pour étendre la protection sociale après la fin du conflit. De fait, on observe des décalages chronologiques parfois grands entre l’événement présumé fondateur (la guerre) et sa traduction concrète en termes de législation et/ou d’institutions. Ceci nous amène à une seconde difficulté.

7La Grande Guerre a été un événement si considérable que son ombre portée s’étend au moins sur toute la première moitié du siècle, voire sur la totalité de celui-ci. Poser la question de sa responsabilité dans la naissance de l’État social, n’est-ce pas, d’ailleurs, supposer implicitement que nous pourrions vivre encore sur l’héritage du premier conflit mondial ? Cependant, comment distinguer ce qui relève vraiment du conflit et ce qui procède d’événements ultérieurs ? Il conviendrait ainsi d’identifier les effets qu’on pourrait qualifier de « directs » de la guerre : par convention, nous les limiterons à la décennie qui suit la fin du conflit, c’est-à-dire, pour simplifier, aux années 1920. Ensuite, les effets plus lointains, c’est-à-dire plus durables, mais aussi plus diffus et plus difficiles à évaluer. Au fur et à mesure que le temps passe, d’autres chocs, en particulier la Grande Dépression de 1929 et la Seconde Guerre mondiale, succèdent en effet au premier : il devient alors de plus en plus difficile de considérer les avancées de l’État social qui surviennent après ces dates comme des conséquences du premier conflit mondial. Il n’est pas toujours possible, en effet, de distinguer ce qui relève de l’un ou de l’autre des chocs en question ; ainsi, la loi française de 1932 sur les allocations familiales peut-elle être considérée à la fois comme une conséquence de la Première Guerre mondiale – redresser la démographie – et de la crise économique – venir en aide aux familles touchées par la Dépression. Sauf à considérer ces avancées comme la conséquence d’un seul grand drame, en plusieurs actes, qui s’étendrait de 1914 à 1945, comme cela est devenu usuel dans le champ de l’histoire politique… De la réponse donnée à ce problème dépend en partie le regard que l’on peut porter sur l’impact de la Grande Guerre…

  • 4   Karl Polanyi, La grande transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Pa (...)

8Ces précisions apportées, nous pouvons nous aventurer dans l’exploration de la question posée. Nous commencerons par évoquer les effets directs de la guerre, en nous limitant au cas de la France, pour plus de précision. Cela nous permettra de montrer que si l’impact du conflit est indéniable, il n’a pas permis la naissance d’un véritable État social, comme en témoigne l’opposition aux assurances sociales. Dans un deuxième temps, nous élargirons notre horizon spatial et temporel pour revenir brièvement sur la généalogie de l’État social en Europe (et aux États-Unis) et y repérer la place qu’y tient la période 1918-1929, celle que nous pouvons identifier sans risque comme marquée par l’ombre portée de la guerre. Pour terminer, nous rappellerons que le conflit survient dans une période marquée par plusieurs « grandes transformations » (pour reprendre l’expression de Karl Polanyi4), sans lesquelles la genèse séculaire de l’État social serait inintelligible, en nous demandant dans quelle mesure elle a pu également contribuer en retour à ces dernières, ce qui constitue une autre manière de revenir sur la question des origines.

L’ombre portée de la guerre sur la protection sociale, en France, pendant l’entre‑deux‑guerres

  • 5  Thierry Bonzon, « La Première Guerre mondiale et les politiques sociales en Europe (France, Anglet (...)
  • 6  Anne Rasmussen, « Protéger la société de la guerre : de l’assistance aux “droits sur la nation” », (...)

9La Première Guerre mondiale a rendu nécessaire une extension des dispositifs de protection de la population dans la plupart des pays belligérants. Il s’agit alors de faire face à l’urgence, avec des mesures conçues comme provisoires. Ainsi de nombreux gouvernements introduisent-ils pendant le conflit des allocations pour les femmes et les familles des mobilisés envoyés au front, ou des fonds de chômage pour faire face à la désorganisation du marché du travail5… L’activité législative reste grande après la fin des hostilités : pour prendre l’exemple de la France, elle s’exprime par de nombreux textes, qui s’étalent sur la décennie qui suit la fin du conflit. Dès 1919, ce sont ainsi la loi sur la journée de 8 heures et les conventions collectives, celle sur la reconnaissance des maladies professionnelles, ou bien encore celle sur la formation professionnelle… D’autres textes suivront. Au niveau local également, municipal en particulier, de nombreuses initiatives, expérimentées pendant la guerre, sont poursuivies, parfois étendues ou systématisées, sans qu’il soit possible de les énumérer ici6. Il faudrait tenir compte, enfin, des efforts réalisés en matière de santé publique, où la France souffrait d’un retard criant par rapport à ses voisins, même si l’effort reste insuffisant et mal coordonné (c’est le cas de la lutte contre la tuberculose).

10En ce qui concerne la protection sociale stricto sensu, deux textes méritent d’être évoqués en particulier : d’abord pour l’ampleur des populations concernées et leur impact financier, mais aussi parce qu’à travers les modalités fort différentes de leur adoption, ils soulignent les limites posées à l’extension des dispositifs et au bilan de la guerre en la matière.

  • 7  François Ewald, L’État-providence, Paris, Grasset, 1986.

11Le premier de ces textes est la loi des pensions du 31 mars 1919. Dans ce texte d’une grande importance, tant symbolique que politique, est exprimée la « dette sacrée », contractée par la Nation envers les « poilus », telle que la formule le préambule de la loi : « La République, reconnaissante envers ceux qui ont assuré le salut de la patrie, proclame et détermine […] le droit à la réparation […] ». Cette loi prévoyait la prise en charge des frais médicaux et de rééducation des blessés et mutilés de guerre, mais également celle des orphelins de guerre et des veuves dans une certaine mesure. Par ce texte, complété par d’autres, comme la loi de 1924 sur le placement des mutilés de guerre, le législateur et la Nation reconnaissaient la guerre comme un risque social, de manière analogue à ce qui avait été fait pour les accidents du travail à la fin du xixe siècle7.

  • 8  Michel Dreyfus, Michèle Ruffat, Vincent Viet et Danièle Voldman (dir.), Se protéger, être protégé. (...)

12Par la population concernée, la loi de 1919 a un grand impact humain et financier : en 1930, l’État venait en aide à 800 000 mutilés, 600 000 veuves et 300 000 orphelins, soit plus de 1,5 million de personnes8. En 1939, les pensions de guerre, élargies et complétées, absorbaient, selon Jean-Charles Asselain, 16 % des recettes fiscales et 2 % du revenu national. Notons que des lois comparables ont été votées dans la plupart des pays belligérants européens.

  • 9  En 1925, selon Pierre Saly, les dépenses budgétaires au titre des ROP représentaient 0,3 % des dép (...)

13Ces dispositifs ont fait entrer la protection sociale dans une nouvelle dimension. En France, ni les lois d’assistance républicaine du tournant du xxe siècle, ni la loi de 1910 sur les retraites ouvrières et paysannes (ROP) n’avaient eu un poids aussi important9.

  • 10Ibid.

14Le deuxième de ces grands textes est la loi d’avril 1930 sur les assurances sociales. Celle-ci est également née de la guerre puisque l’initiative du texte remonte à 1919. Parmi ses justifications, on trouve la volonté de récompenser la classe ouvrière pour les sacrifices consentis, mais aussi celle de ne pas priver les Alsaciens-Lorrains du régime de sécurité sociale protecteur hérité du Reich allemand au moment de les réintégrer dans la mère patrie. Bien au contraire, il s’agit alors de doter la France dans son ensemble d’un régime qui soutienne la comparaison avec le régime alsacien. À l’origine du premier projet de loi, on trouve d’ailleurs deux hommes qui ont partie liée avec les territoires recouvrés : Alexandre Millerand, président du Conseil, y a été haut-commissaire de la République. Son ministre du Travail, Paul Jourdain, est député du Haut-Rhin. Peu importe qu’ils passent rapidement le flambeau à d’autres : le lien est établi, et d’ailleurs il est souligné explicitement par les intéressés… Cette loi aussi avait un grand impact potentiel : elle créait, pour la première fois en France, un régime d’assurance maladie obligatoire, financé de manière bipartite par les assurés et leurs employeurs, pour plusieurs millions de salariés, ouvriers et employés du secteur privé. Elle était complétée par une assurance invalidité, la prise en charge des frais de maternité pour les femmes enceintes et enfin une assurance retraite. Dans ce dernier secteur, l’innovation était moindre puisqu’une telle assurance existait déjà depuis 1910 (la loi des ROP évoquée plus haut) ; mais elle n’avait jamais fonctionné correctement, pour des raisons diverses, bien étudiées par Pierre Saly10 : la loi de 1930 reprenait le chantier avec pour ambition de servir à terme des pensions décentes à des millions d’anciens salariés âgés.

15La loi des pensions de 1919 et celle sur les assurances sociales de 1930 suffisent à elles deux à justifier l’idée d’une extension significative de la protection sociale consécutive de la Grande Guerre. Cependant, les modalités très différentes de leur adoption montrent aussi les limites de l’impact du conflit… En effet, alors qu’il n’avait fallu que quatre mois pour adopter la loi des pensions, il a fallu plus de dix ans pour adopter celle sur les assurances sociales…

16La loi des pensions a bénéficié de circonstances politiques exceptionnelles, marquées par la poursuite de l’« Union sacrée » au lendemain de la guerre. Quoi de plus consensuel, en effet, que la volonté de reconnaître le sacrifice consenti par les poilus ? La situation est très différente pour la loi de 1930 : pour réel qu’il soit, le lien entre la guerre et les assurances sociales est moins direct, moins consensuel ; il ne s’agit pas de réparer les souffrances engendrées par la guerre et la loi ne profite pas particulièrement aux anciens combattants.

17Surtout, les modalités prévues par les premiers projets heurtent profondément des groupes sociaux attachés au statu quo. Ils portent en effet la marque des objectifs jacobins et modernisateurs de la haute administration républicaine. Face à cette dernière, les adversaires de la loi se mobilisent : ce sont d’abord les médecins, qui redoutent de passer sous la coupe de l’État et bataillent pour obtenir la confirmation des principes de la médecine libérale par l’assurance maladie ; c’est ensuite le mouvement mutualiste, attaché à la prévoyance libre, et qui redoute lui aussi l’étatisation ; ce sont enfin les indépendants de tous bords, nombreux dans le pays, qui rejettent les charges que va faire peser la loi, l’imposition d’une nouvelle fiscalité, les tracasseries administratives, et enfin les injustices d’une protection sociale ne profitant qu’aux salariés. Parmi ces indépendants, figurent notamment les notables du monde rural et les petits employeurs. Ceux qui rêvent d’un retour à la normale après la parenthèse de la guerre sont en réalité nombreux… et sans doute majoritaires dans la société française des années 1920. Ils vont trouver des appuis à la Chambre des députés parmi les élus attachés à l’État libéral… Ceci explique la succession des projets, en 1921, puis en 1924… jusqu’à l’adoption d’une loi en 1928, aussitôt rapportée et modifiée pour entrer en vigueur finalement en 1930, au moment où la France s’apprête à entrer dans la crise économique… De fait, la loi de 1930 est très en retrait par rapport aux projets initiaux et elle ne donnera pas satisfaction sur certains points décisifs (faible remboursement des frais médicaux, pensions insuffisantes), au point que, très rapidement, sa réforme est à l’ordre du jour. Mais il faudra attendre le second conflit mondial et la création de la Sécurité sociale en 1945 pour que cela devienne possible.

18Au final, il est indéniable que la guerre a eu un impact important. Cependant, les difficultés rencontrées pour instaurer les assurances sociales soulignent les limites de son impact – au moins sur le plan politique – dans le cas de la France. Dès lors, il apparaît difficile de parler de révolution et la France ne peut se prévaloir d’un État social ni très développé, ni très efficace à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Cette impression est confirmée par l’examen de l’évolution dans les autres pays.

La Première Guerre mondiale dans une perspective élargie : rupture ou continuité ?

19Il s’agit ici d’envisager le premier conflit mondial dans une séquence géographique et historique plus vaste, qui s’étend, d’une part, vers l’« amont », dans les décennies qui ont précédé la guerre et, d’autre part, vers ce que nous appellerons maintenant le « long terme » et qui se termine en 1945, voire au-delà. Si l’on envisage les conséquences de la Première Guerre mondiale dans cette optique, nous sommes amenés à poser la question du conflit comme point de départ, comme rupture par rapport à l’ordre antérieur. Et d’autre part, de le faire entrer dans une séquence plus vaste qui se prolonge au-delà de la décennie qui suit la fin de la guerre et dont les autres étapes sont la Grande Dépression de 1929 et la Seconde Guerre mondiale. Dans cette dernière optique, la guerre ne serait, comme nous l’avons vu, que la première étape dans une succession de chocs qui s’étendent sur trois décennies.

20Sur le premier point, la guerre comme commencement, force est de constater que le premier conflit mondial n’a pas constitué un point de départ, une rupture absolue : il existait dès avant le conflit des dispositifs de protection sociale publics non négligeables dans nombre de pays. Certes, ils étaient pour l’essentiel jugés insuffisants par leurs auteurs eux-mêmes. Et on a vu, s’agissant de la loi des pensions de 1919, combien elle avait fait entrer la protection sociale par l’État dans une autre dimension. N’oublions pas, cependant, que la France a été l’un des pays les plus touchés matériellement et humainement par le conflit, et aussi l’un de ceux dans lesquels la protection sociale obligatoire était la moins développée…

21Si l’on considère les autres grandes nations, on constate que les moments clés se situent plutôt, en ce qui les concerne, soit en amont, soit en aval de la guerre.

22Pour l’Allemagne, c’est très net : dans son cas, les grandes dates se situent bien avant, au cours de la décennie 1880 (1883-1889), avec l’adoption, sous l’impulsion de Bismarck, de vastes lois d’assurance sociale qui ont doté le pays du dispositif de protection sociale le plus avancé de l’époque. Ce dispositif servira d’ailleurs de modèle à plusieurs autres pays (dont la France) avant et après le premier conflit mondial. Il n’existe pas, après la guerre, d’avancée comparable… ; la seule loi d’importance en la matière est celle instituant une assurance chômage en 1927. Même chose au Royaume-Uni, où les étapes importantes se situent plutôt à la veille de la première guerre, sous l’impulsion de David Lloyd George, ministre des Finances dans le gouvernement Lib-Lab d’Herbert Asquith (Old-Age Pensions Act de 1908, National Insurance Act – maladie et chômage – de 1911). Il faudra attendre les années 1945-1948 et la création du National Health Service (NHS) pour assister à des réformes d’ampleur comparable.

23Si l’on examine maintenant deux nations qui certes n’ont guère souffert directement de la guerre, mais qui ont joué un rôle important dans l’histoire de l’État social au xxe siècle, on constate que les dates clés se situent, en ce qui les concerne, en aval du conflit, ce qui interdit d’en faire des filles de la guerre sans autre examen.

  • 11  Daniel T. Rodgers, Atlantic Crossings: Social Politics in a Progressive Age, Cambridge (Mass.), Ha (...)
  • 12  F.-X. Merrien, R. Parchet et A. Kernen, L’État social…, op. cit., p. 94.

24Aux États-Unis, le Progressive Age a pris fin en 1919 avec l’élection du républicain Warren Harding à la présidence pour succéder à Wilson11 : l’Amérique entend alors retourner au libéralisme traditionnel et à l’isolationnisme. Sur le plan social, c’est la fin des ambitions réformatrices du début du siècle. Il faut attendre la crise économique, l’élection de Roosevelt et le New Deal pour retrouver une ambition progressiste, avec notamment le Social Security Act de 1935. Mais le contexte est alors très différent. Même chose dans le cas de la Suède : le pays avait adopté une loi créant des pensions de retraite en 1913 ; mais c’est là encore dans la foulée de la crise, qui entraîne l’arrivée au pouvoir du parti social-démocrate en 1932, qu’il décide de se lancer dans un programme ambitieux de construction d’une « maison du peuple » (Folkhem), foyer de l’État-providence à la suédoise qui allait devenir une source d’admiration internationale après la Seconde Guerre mondiale : alors que l’Allemagne consacrait plus de 11 % de son PIB aux dépenses sociales en 1933, la Suède n’y affectait encore, à cette date, que 3,5 %12. Dans ces deux cas (États-Unis et Suède), c’est donc plutôt la crise économique des années 1930 qui semble avoir joué un rôle décisif dans l’essor de l’État social.

25Un examen plus large des dates d’adoption des grandes lois de protection sociale dans les pays d’Europe (voir tableau 1) fait ainsi apparaître une grande diversité, dans une séquence allant globalement des années 1880 à 1946, sans que la période 1919-1930 puisse être considérée comme dominante.

Tableau 1. Principales lois de protection sociale (par secteur) dans les pays industrialisés

Pays

Accident du travail

Assurance maladie

Assurance vieillesse

Assurance chômage

Allemagne

1884

1883

1889

1927

Autriche

1887

1888

1927

1920

Belgique

1944

1924

1944

Danemark

1916

1963

1937

Finlande

1895

1963

1937

France

1898/1946

1930

1930

1959

Italie

1898

1928

1919

1919

Norvège

1894

1909

1936

1938

Pays-Bas

1901/1921

1913/1929

1913

1949

Suède

1901/1916

1913

Suisse

1911

1946

Royaume-Uni

1906/1946

1911/1946

1908/1925

1911

États-Unis

1935

1935

Source : Francois-Xavier Merrien, Raphaël Parchet et Antoine Kernen, L’État social. Une perspective internationale, Paris, Armand Colin, 2005, p. 85.

La guerre comme risque et l’extension de l’État social

  • 13  F. Ewald, L’État-providence, op. cit.

26Certes, il ne s’agit pas de nier l’importance de la guerre, mais plutôt de rappeler un point tout à fait fondamental et bien établi par l’historiographie, à savoir que la période 1880-1914, marquée par l’industrialisation et la démocratisation – difficiles et conflictuelles – des États européens, a sans doute été tout aussi déterminante, voire plus, dans l’émergence des dispositifs et de la philosophie modernes de la protection sociale – et donc l’émergence de l’État social. Ainsi, sur le plan des idées, c’est au cours de cette période qu’est née une nouvelle conception de la responsabilité, non plus individuelle mais collective (créant ainsi un nouveau droit social), exprimée notamment dans la fameuse loi française sur les accidents du travail de 1898, étudiée entre autre par François Ewald13. C’est également au cours de cette période qu’a été promu le principe de l’obligation, qui a permis de dépasser les limites de la prévoyance libre. Sur le plan des techniques, c’est encore pendant cette période que l’assurance a été consacrée comme procédé de gestion à grande échelle (mais certes pas exclusif) du risque social, préparant ainsi le triomphe ultérieur de la « société du risque ». Dans un dernier registre, c’est aussi à cette époque que se sont levés les nouveaux acteurs (fonctionnaires, experts, syndicats ouvriers…) qui joueront un rôle de premier plan par la suite, en lieu et place des anciens notables libéraux et cléricaux. Pour résumer, toutes les techniques et répertoires cognitifs ou d’action qui seront utilisés au cours du xxe siècle pour assurer la protection des populations contre les risques sociaux (assistance privée et publique, assurance sociale, protection publique d’État…) existaient déjà avant 1914. La guerre a certes contribué à en élargir la portée en étendant les populations couvertes et à en perfectionner l’application, mais elle n’a pas entraîné de nouveauté radicale et aussi bien la crise économique de 1929 que le second conflit mondial ont constitué de nouvelles étapes dans l’élargissement de dispositifs pour la plupart déjà existants…

27Le premier conflit mondial vient ainsi s’inscrire dans une séquence beaucoup plus longue, qui commence dans les années 1880 et s’étend au moins jusqu’à 1945, voire la fin des années 1960. Cette séquence est marquée par un certain nombre de transformations profondes qui constituent le terreau sur lequel s’épanouit l’État social contemporain. Nous en retiendrons trois, particulièrement importantes. Si ces trois évolutions existaient déjà avant la guerre, à des stades divers suivant les États, le conflit leur donne néanmoins une impulsion nouvelle, plus ou moins vigoureuse.

28Il s’agit d’abord de la montée du rôle de l’État dans l’économie et les relations industrielles ; pour obtenir la victoire, les gouvernements ont dû s’arroger des pouvoirs nouveaux : mobilisation et contrôle des forces productives, des prix et des salaires ; rationnement ; restriction de certains droits (droit de grève, notamment). Ces points sont trop connus pour qu’il soit utile de s’y arrêter longuement. Le retour à la normale tant désiré à l’issue du conflit ne se réalisa pas, car l’héritage de la guerre, en matière financière et monétaire notamment, ne le permettait pas. Cette expérience d’économie administrée allait assurément faciliter l’intervention ultérieure des États dans le domaine social. Ce qui est vrai sur le plan national l’est aussi au niveau international : la protection des travailleurs, débattue depuis la fin du xixsiècle dans les forums de discussion européens, se trouve en effet consacrée sur un plan légal avec la création de l’Organisation internationale du travail (OIT) et du Bureau international du travail (BIT) en 1919, consécration rendue possible par la guerre. La « justice sociale » faisait ainsi son entrée dans le champ des normes internationales.

  • 14  Un numéro récent de la Revue d’histoire de la protection sociale (n° 9, 2016 ; voir notamment l’in (...)

29La guerre a aussi constitué un moment important de « nationalisation » des masses : dans nombre de pays plongés dans le conflit, la mobilisation des corps, mais aussi des consciences et de l’arrière par la propagande, ainsi que les violences et traumatismes subis à grande échelle, ont contribué à renforcer les identités nationales mais aussi conduit à l’instauration d’un face-à-face nouveau entre l’individu et l’État. Les années 1880-1914 avaient ébranlé l’anthropologie « libérale » jusque-là dominante dans les sociétés européennes. Les risques industriels et le risque microbien, identifiés par les travaux des pastoriens, remettaient profondément en cause le dogme de la liberté et de l’autonomie individuelle au profit d’une conscience nouvelle de l’appartenance collective et de la dépendance mutuelle – en témoigne le débat sur l’obligation, si prégnant avant la Première Guerre mondiale. Or, le conflit a accentué cette dynamique en consacrant un nouveau risque social, de grande ampleur : la guerre elle-même. Si l’État pouvait exiger des citoyens qu’ils défendent la patrie et donnent leur vie pour elle, ces derniers pouvaient en retour exiger qu’il les protège et qu’il répare les conséquences du conflit pour eux et leurs proches. Outre les anciens combattants, diverses catégories de la population européenne, parfois très éloignées du front, vont bénéficier de cette dynamique et se voir accorder des droits nouveaux dans la foulée du conflit, et qui lui survivront : veuves, enfants recueillis et assistés, mal-logés, tuberculeux… Tous ne sont pas des victimes directes du conflit, et tous ne bénéficieront pas de droits comparables (l’institutionnalisation de ces derniers s’étant accomplie suivant des modalités variées suivant les pays) ; mais tous bénéficient d’une dynamique favorable à l’extension des droits, facilitée par l’ébranlement moral et psychologique engendré par la guerre14. Celle-ci constitue donc une nouvelle étape dans la redéfinition du contrat social qui avait commencé dans les années 1880 et qui se poursuivra par la suite avec l’affirmation continue des droits-créances, en complément des droits civils et politiques.

  • 15  Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Paris, Fayard, (...)

30La guerre a également contribué au développement d’une société salariale, portée par l’industrialisation. Or, cette nouvelle société présente un lien intime avec l’essor de l’État social, car la plupart des dispositifs de protection sociale « modernes » ont été conçus pour des salariés (ouvriers) avant d’être étendus à d’autres catégories… La classe ouvrière du xixe siècle se singularisait par deux particularités majeures, précarité et subordination : précarité quand le salaire, seule source de revenus, venait à manquer, en période de chômage ou d’accident ; subordination vis-à-vis de l’employeur, tout-puissant sur le lieu de travail. Dès lors, tout l’effort du mouvement ouvrier et des réformateurs sociaux avait visé à desserrer ces deux contraintes, en limitant la toute-­puissance patronale, d’une part (droit syndical, droit de grève, limitation de la journée de travail…), et en sécurisant le revenu, d’autre part (protection contre les licenciements abusifs, recherche d’un salaire de remplacement en cas de chômage ou de vieillesse, notamment). Ces efforts ont commencé à porter leurs premiers fruits avant la Première Guerre mondiale et la classe ouvrière qui émerge au début du xxe siècle est fort différente de celle de 1850… Tandis que la deuxième industrialisation multiplie le nombre des ouvriers et que l’exode rural les coupe de leurs racines campagnardes, le droit protecteur qui se dessine contribue à sécuriser et pérenniser leur condition. Le salariat qui émerge peu à peu correspond à un statut durable et qui peut être, dans une certaine mesure, émancipateur15. Or, la guerre a accentué cette dynamique en accroissant les effectifs de salariés, d’une part, et en dotant ces derniers de nouveaux droits, d’autre part.

31La situation est bien différente au même moment pour les catégories non salariées (entrepreneurs, propriétaires et rentiers, boutiquiers, artisans, professions libérales…). Tous ces groupes sortent fragilisés du conflit sur le plan économique : le blocage des loyers et des baux agricoles et surtout la montée de l’inflation vont paupériser les « classes moyennes » dans nombre de pays européens, les précipitant à leur tour dans la précarité.

32Le rôle de l’inflation est à cet égard particulièrement important. Cette dernière constitue peut-être la seule nouveauté vraiment complète amenée par la Première Guerre mondiale : si la monnaie avait, certes, perdu de sa valeur entre 1850 et 1914, c’était sans commune mesure avec ce qui devait advenir après le conflit. L’érosion monétaire, qui se transforme en véritable effondrement en Allemagne en 1923, oblige alors nombre d’États, dont la France, à dévaluer dans la décennie qui suit le conflit. Passé un bref intermède dans la première moitié des années 1930, cette inflation reprend (avec son cortège de dévaluations) et ne cessera vraiment que dans la seconde moitié des années 1980, voire les années 1990 suivant les pays…

33Les conséquences de l’inflation sur l’État social sont considérables. Elle constitue la raison pour laquelle à l’issue de la guerre, la majorité des pays touchés par le conflit ont fait de l’élargissement des effectifs couverts par les lois de retraite un objectif majeur. S’il convenait encore, avant 1914, de procurer des pensions à certaines catégories sociales « défavorisées », l’objectif sera désormais, de plus en plus, de procurer un revenu de remplacement à tous en vue de pallier l’effondrement de la rente… De manière significative, la CGT qui, en France, s’était prononcée majoritairement contre les retraites ouvrières avant 1914, en devient un fervent défenseur après le conflit… Mais les conséquences de l’inflation ne s’arrêtent pas là : celle-ci dévalorise en effet les dispositifs existants et pousse à améliorer ceux-ci. Avant 1914, tous les systèmes de pension européens basés sur les cotisations des futurs retraités fonctionnaient (au moins en théorie) en capitalisation. Ce choix était en harmonie avec l’esprit de la retraite, considérée comme le fruit d’un mécanisme « bourgeois » d’épargne, étendu à la classe ouvrière par des règles plus ou moins contraignantes. Cette philosophie s’accordait fort bien avec la stabilité monétaire, qui rendait inutile tout dispositif protecteur des avoirs capitalisés. L’inflation d’après-guerre a ébranlé fortement ces principes. En quelques années, dans les pays touchés, la valeur réelle des avoirs capitalisés s’effondre, compromettant les pensions des futurs retraités. Cet effondrement va rendre nécessaire le passage progressif à la répartition : certes, le législateur français, très conservateur en la matière, reste fidèle en 1930 au principe de la capitalisation dans la loi instaurant les assurances sociales, mais l’assurance retraite prévue par le Social Security Act américain de 1935 repose pour sa part sur le principe de la répartition. Et la France sera contrainte de s’y convertir à son tour en 1941, avant de confirmer ce choix en 1945, lors de la création de la Sécurité sociale. Lorsque les auteurs du programme du Conseil national de la Résistance (CNR) réclament en mars 1944 une retraite permettant « de finir dignement ses jours », ils songent en effet à l’inflation avant tout… Dans d’autres pays, la conversion sera plus tardive, puisqu’elle n’intervient qu’après la Seconde Guerre mondiale, comme en Allemagne, qui l’adopte en 1957 en même temps qu’un mécanisme d’indexation des pensions sur les prix. Mais partout, le rôle de l’inflation s’avère déterminant dans l’abandon de la capitalisation et elle est fille de la Grande Guerre.

Conclusion

  • 16  L’assurance sociale est ainsi devenue le répertoire dominant en France, au détriment d’une assista (...)
  • 17  M. Dreyfus, M. Ruffat, V. Viet et D. Voldman (dir.), Se protéger, être protégé…, op. cit. ; Christ (...)

34Si la Première Guerre mondiale a effectivement constitué une étape importante dans le processus d’affirmation de l’État social, il paraît cependant difficile de la considérer comme une rupture complète. Sur la plupart des points que nous avons examinés, elle semble au contraire venir renforcer des évolutions déjà engagées depuis la fin du xixe siècle. Sans verser dans les querelles sémantiques, il nous semble ainsi plus juste et exact de la considérer comme un accélérateur, plus ou moins puissant selon les secteurs envisagés. Comme nous avons essayé de le montrer avec l’exemple de l’inflation, la guerre a également infléchi la marche antérieure de l’État social, en précipitant la ruine de certaines conceptions et façons de faire, et en promouvant certaines autres (de manières différentes selon les pays)16. Il s’agit là, toutefois, d’une autre histoire. Naturellement, ce jugement global doit être affiné et nuancé suivant les pays – sans rien enlever, croyons-nous, à sa validité globale. On pourrait en dire autant, de ce point de vue, de la Seconde Guerre mondiale, que l’historiographie de l’État social, en accord avec les acteurs du moment, a eu longtemps tendance à présenter, en particulier en France, comme un (re)commencement absolu, mais qui a été depuis deux décennies largement réévaluée17.

Notes

1  L’auteur remercie Florence Descamps, Patrick Fridenson, Pierre-Cyrille Hautcœur et Laure Quennouëlle-Corre pour leur invitation.

2  Richard F. Kuisel, Le capitalisme et l’État en France. Modernisation et dirigisme au xxe siècle, Paris, Gallimard, 1984 (1re éd. 1981).

3  Voir François-Xavier Merrien, Raphaël Parchet et Antoine Kernen, L’État social. Une perspective internationale, Paris, Armand Colin, 2005.

4   Karl Polanyi, La grande transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard, 1983 (1re éd. 1944).

5  Thierry Bonzon, « La Première Guerre mondiale et les politiques sociales en Europe (France, Angleterre, Allemagne) », Histoire & Sociétés, n° 8, octobre 2003, p. 21‑34.

6  Anne Rasmussen, « Protéger la société de la guerre : de l’assistance aux “droits sur la nation” », Revue d’histoire de la protection sociale, n° 9, 2016.

7  François Ewald, L’État-providence, Paris, Grasset, 1986.

8  Michel Dreyfus, Michèle Ruffat, Vincent Viet et Danièle Voldman (dir.), Se protéger, être protégé. Une histoire des assurances sociales en France, Rennes, PUR, 2006, p. 51.

9  En 1925, selon Pierre Saly, les dépenses budgétaires au titre des ROP représentaient 0,3 % des dépenses de l’État. Voir Pierre Saly, « Les flux financiers induits par les retraites ouvrières et paysannes (1910-1930) », dans André Gueslin et Pierre Guillaume (dir.), De la charité médiévale à la Sécurité sociale. Économie de la protection sociale du Moyen Âge à l’époque contemporaine, Paris, Éd. Ouvrières, 1992, p. 279‑287.

10Ibid.

11  Daniel T. Rodgers, Atlantic Crossings: Social Politics in a Progressive Age, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1998.

12  F.-X. Merrien, R. Parchet et A. Kernen, L’État social…, op. cit., p. 94.

13  F. Ewald, L’État-providence, op. cit.

14  Un numéro récent de la Revue d’histoire de la protection sociale (n° 9, 2016 ; voir notamment l’introduction d’Anne Rasmussen, « Protéger la société de la guerre : de l’assistance aux “droits sur la nation” », p. 9‑24) insiste sur ces aspects et évoque quelques-unes de ces catégories.

15  Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Paris, Fayard, 1995.

16  L’assurance sociale est ainsi devenue le répertoire dominant en France, au détriment d’une assistance républicaine réservée aux pauvres qui avait la faveur des élites républicaines avant le conflit. Dans d’autres États, la guerre a plutôt favorisé l’essor d’une protection universelle d’État.

17  M. Dreyfus, M. Ruffat, V. Viet et D. Voldman (dir.), Se protéger, être protégé…, op. cit. ; Christophe Capuano, Vichy et la Famille. Réalités et faux-semblants d’une politique publique, Rennes, PUR, 2009 ; Philippe-Jean Hesse et Jean-Pierre Le Crom (dir.), La protection sociale sous le régime de Vichy, Rennes, PUR, 2015.

Auteur

Agrégé d’histoire, Bruno Valat est maître de conférences d’histoire contemporaine à l’Institut national universitaire Champollion (Université fédérale de Toulouse). Spécialiste de l’histoire des politiques et des institutions sociales, il a notamment publié Histoire de la Sécurité sociale (1945-1967). L’État, l’institution et la Santé, Paris, Économica, 2001 ; Se protéger, Être protégé. Une histoire des Assurances sociales en France (en collaboration), Rennes, PUR, 2006 et Les Marchés de la Santé en France et en Europe au xxe siècle, (dir.), Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2021. Il est membre du comité d’histoire de la Sécurité sociale et secrétaire de rédaction de la Revue d’Histoire de la Protection sociale.

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