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Des forêts

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Frédéric Le Play

Chapitre IV. Description sommaire des travaux forestiers

§ 17. Transport des bois depuis la forêt jusqu’au lieu de consommation

Texte intégral

1Le transport du bois et des divers produits forestiers est sans contredit le travail le plus considérable qu’exige l’exploitation des forêts. Il emploie ordinairement beaucoup plus d’ouvriers que les autres subdivisions de l’industrie forestière ; il absorbe en outre la plus grande partie des animaux de bât ou de trait dont dispose la contrée environnante. La dépense faite pour ce service l’emporte presque toujours sur celle qu’exigent toutes les autres ; souvent, la valeur des produits forestiers rendus au lieu de consommation se compose presque exclusivement de frais de transport. De cet état de choses, il résulte que le mode de transport propre à chaque contrée forme l’un des traits les plus caractéristiques de la méthode forestière qui y est suivie ; parfois il détermine les conditions essentielles de la méthode ; toujours il exerce une grande influence sur la récolte et sur la disposition des coupes. C’est ainsi par exemple que les forêts qui emportent au loin leur produit par voie de flottage sur les rivières doivent nécessairement subordonner le genre de production au régime de ces cours d’eau. Celles qui ne disposent que de ruisseaux ayant un faible volume d’eau, où flottent seulement les bois d’un très petit volume, ne peuvent s’adonner à la production du bois de construction, et doivent s’appliquer principalement à la production du bois de feu ; on conçoit aussi que ce motif, venant se joindre à ceux qui conseillent la culture des essences feuillues en taillis, l’emporte sur toutes les considérations qui, dans un système hydrographique différent, eussent fait adopter comme base de la méthode forestière, les futaies d’arbres résineux. La voie de transport la plus économique et qui par cela même est imposée à l’ingénieur forestier, ne peut souvent servir chaque année que pendant une courte période. L’époque du transport détermine alors nécessairement celle de l’abattage nonobstant les convenances propres de la culture forestière. Enfin, la création préalable d’une voie de transport est parfois la condition première de l’établissement de la culture forestière : c’est ainsi que dans plusieurs districts métallurgiques de l’Europe, par exemple dans la Basse-Hongrie, d’importantes forêts vierges sont encore inexploitées à proximité de grandes usines qui n’attendent cependant qu’un nouvel approvisionnement de combustible pour accroître leurs travaux : le développement de la force productive de ces forêts reste entièrement subordonné à la création des voies de transport.

2Dans tout État d’une certaine étendue l’industrie des transports absorbe les plus grands efforts de la population : et comme les bois, et plus généralement les combustibles, forment de beaucoup la plus grande masse des matières que réclame la consommation usuelle, il est vrai de dire que le transport de bois et de houille est la besogne fondamentale de chaque nation, le trait le plus caractéristique de son activité. Le philosophe habitué à remonter des résultats à leurs causes premières ne s’étonnera donc pas de voir une cause si humble, si peu digne en apparence d’attirer l’attention d’un homme d’État, amener cependant des conséquences de premier ordre et déterminer, par exemple, le caractère distinctif de l’établissement militaire chez les principaux peuples de l’Europe. En Grande-Bretagne où les houilles transportées par voie de mer pour la consommation du royaume et des pays étrangers forment un poids plus considérable que celui de toutes les autres marchandises empruntant la même voie1, les seuls matelots occupés à ce transport sont plus nombreux que tous ceux qu’emploie le plus grand État maritime du continent : ils sont donc pour la marine militaire de ce royaume une cause de supériorité qui n’est balancée ailleurs par aucune autre.

3En Hongrie, en Illyrie, en Pologne, en Russie, les transports de bois constituent une industrie autrement importante et s’effectuent principalement, dans les admirables conditions qui sont indiquées plus loin, à l’aide de chevaux : la possession d’un cheval est pour chaque paysan la condition nécessaire du travail ; il n’est donc point étonnant que la cavalerie ait toujours joué un si grand rôle dans la force militaire fournie par ces régions. En France, on n’a rien fait encore pour développer le transport maritime du bois et des houilles ; la configuration physique du territoire exige d’ailleurs que, dans tout état de choses, la plus grande partie des transports soit exécutée dans l’intérieur du pays, soit par charrettage, soit surtout à l’aide des cours d’eau. Enfin les circonstances qui seront exposées ci-après exigent que ceux de ces transports qui se font par charrettage soient principalement opérés à l’aide de bœufs. On comprend donc aisément que le régime des transports n’ait jamais favorisé, en France, comme dans les contrées précédemment citées, la formation de marins et de cavaliers ; que l’intervention de ceux-ci dans l’établissement militaire ait toujours entraîné des efforts extraordinaires, ait toujours eu, si l’on peut s’exprimer ainsi, quelque chose d’artificiel ; qu’enfin depuis deux siècles l’infanterie ait toujours constitué la principale force des armées françaises.

41. Le poids des houilles et des autres marchandises expédiées des ports anglais ont été comme suit pour les deux années 1839 et 1843.

1839

1843

Houilles

8 650 000 ton.

9 313 000 ton.

Autres marchandises

6 650 000

5 762 000

15 300 000

15 075 000

5On emploie pour les produits forestiers toutes les voies et tous les moyens de transport qui servent pour les autres marchandises ; certains moyens plus économiques que les autres sont en outre exclusivement appliqués au transport des bois, et assurent aux contrées qui en sont pourvues une aptitude toute spéciale pour ce genre de production. Nous allons énumérer rapidement les divers moyens employés en nous attachant surtout à mettre en relief le degré d’importance qu’il faut attribuer à chacun d’eux dans l’économie des sociétés européennes.

6Le transport à dos d’homme est fort employé dans la partie centrale de l’Europe et surtout en Allemagne, en France et en Italie pour les produits forestiers : c’est le procédé qu’y emploient, dans des provinces entières, toutes les populations ouvrières pour faire leur approvisionnement de combustible. Celles-ci consacrent à ce service pénible, qui généralement implique un déplorable emploi de la force humaine, les loisirs forcés que laissent les seuls travaux productifs offerts dans ces contrées par l’industrie agricole, minérale ou manufacturière. Il est regrettable d’avoir à constater que ce travail accablant retombe souvent sur les femmes et les jeunes filles, et en altérant leur santé exerce sur la constitution physique de la population une désastreuse influence. Un travail aussi mal approprié à l’aptitude de la race humaine crée dans de telles conditions une valeur à peine appréciable en argent, et ne peut être recherché que dans le manque absolu de toute autre occupation. Partout où l’industrie assure aux ouvriers un salaire régulier quelque modeste qu’il puisse être, ceux-ci trouvent toujours avantage à payer pour cet approvisionnement le travail des animaux. C’est ainsi qu’il est fort rare de voir pratiquer à dos d’homme des transports de combustible en Grande-Bretagne, dans les districts manufacturiers de la Silésie, de la Saxe, de la Westphalie, des Flandres, du Hainaut, de la Normandie, de l’Alsace, du Milanais, etc. Les populations du Nord de l’Europe et de la Sibérie, n’ont jamais à se plier à un travail aussi grossier : l’abondance des fourrages favorisant la multiplication des troupeaux domestiques, une organisation sociale préservant les populations ouvrières contre la misère et la privation si communes dans le Centre et l’Ouest de l’Europe, permettent toujours aux plus pauvres de faire exécuter par les animaux le transport des combustibles.

7Les transports de combustibles s’effectuent cependant quelquefois à dos d’homme dans des conditions industrielles, c’est-à-dire en assurant aux ouvriers chargés de ce travail un salaire équivalent à celui que donnerait toute autre occupation lucrative. Ce cas se présente ordinairement sur les pentes rapides des hautes montagnes où il serait trop dispendieux de créer des chemins praticables pour les animaux ; il s’applique presque toujours à des bois préalablement convertis en charbon sur le lieu même de l’abattage. De tels transports sont assez communs dans les Pyrénées, dans les Provinces basques, et les Asturies, dans l’Apennin, dans les Alpes de la Savoie, du Piémont, du Haut-Milanais, de l’État vénitien, du Salzburg, de la Suisse et du Tyrol ; les nombreuses forges de la vallée d’Aoste sont alimentées par des charbons amenés de cette manière au fond de la vallée par des ouvriers des deux sexes. Dans ce district qui peut être considéré comme le siège principal de ce genre de transports, un ouvrier adulte peut gagner 1F50 par journée de 10 heures de travail : 3 heures sont employées pour descendre rapidement, et avec une vitesse moyenne de 6 à 8 kilomètres à l’heure, des versants et des sortes d’escaliers dont la pente est ordinairement comprise entre 15 et 60° ; l’expérience a prouvé en effet que dans ces conditions l’homme tire le meilleur emploi de sa force, en réduisant, malgré la fatigue qu’entraîne une grande vitesse, le temps pendant lequel il doit porter la charge ; les mêmes ouvriers emploient ordinairement 7 heures pour charger et décharger le combustible et pour remonter au point de départ, avec une vitesse moyenne de 3 à 4 kilomètres par heure. Dans ces conditions, un homme transporte 30 kilogrammes à une distance moyenne de vingt kilomètres en un jour et le transport de 1 000 kilogrammes à un kilomètre entraîne une dépense de 2F50.

8Le traînage et le roulage exécutés par des hommes sont plus rares que le transport à dos. Dans plusieurs contrées pourvues de routes ou dont le sol ne présente que de faibles pentes, les populations ouvrières font leur approvisionnement de combustible au moyen de chariots et de brouettes. En outre dans les mêmes régions de la chaîne des Alpes où se transportent à dos d’homme des combustibles destinés aux usines métallurgiques, on emploie, lorsque la configuration du sol le permet, des traîneaux composés de deux longues semelles de bois glissant sur les sols et qui allègent la difficulté du travail. Les montagnes où ce véhicule est d’un emploi avantageux doivent présenter de grandes déclivités de 30 à 45°, exemptes de banquettes horizontales et surtout de contrepentes. L’homme placé en avant du traîneau chargé, agit à la fois en descendant avec une vitesse considérable et en neutralisant l’action de la gravité autant qu’il convient pour empêcher le traîneau de prendre un mouvement accéléré. Sur les montagnes éminemment propres à ce mode de transport et dans lesquelles se présentent ça et là de faibles pentes, où l’homme agissant sur un traîneau aurait à exercer un effort de traction, on emploie une sorte d’instrument mixte où la charge suivant la nature de la pente, porte alternativement et à la volonté de l’ouvrier, sur un traîneau ou sur deux petites roues situées à l’arrière. Cette complication toutefois n’est pas sans inconvénient puisque l’ouvrier doit porter en remontant tout le poids de l’instrument. Cette sorte de traînage opéré en partie par la gravité permet parfois dans les vallées très encaissées de la chaîne des Alpes de réduire les frais du transport de 1 000 kilogrammes à 1 kilomètre à 1F85.

9Les transports à dos d’animaux sont le premier degré de la civilisation : ils exigent déjà un sol débarrassé de ces obstacles naturels si communs sur des terrains non préparés, et que l’homme seul peut franchir. Sur l’ensemble du continent européen, l’industrie humaine en était encore à ce terme, au commencement du dernier siècle ; elle l’a généralement dépassé aujourd’hui : ce genre de transport n’est plus employé comme méthode usuellement dominante que dans quelques provinces de l’Espagne, de l’Italie, de la Grèce, et de la Turquie d’Europe. C’est en outre le seul moyen économique dont on puisse user dans les districts de haute montagne placées en dehors des grandes lignes de communication. Beaucoup de villes d’Espagne et du littoral de la Méditerranée reçoivent de cette manière leur approvisionnement de combustible ; il en est de même de la plupart des groupes d’usines métallurgiques des Pyrénées, des Provinces basques, de la Sierra de Gador, de la Savoie, du Piémont, de la Ligurie, du pays bergamasque, du pays brescian, etc. Les mulets sont beaucoup plus employés pour ce service que les ânes et les chevaux : ce sont eux ordinairement qui, pour une dépense donnée en frais d’entretien, donnent la plus grande somme de transports. Sur le revers septentrional de la Sierra Morena, à la limite commune de la Manche et de l’Andalousie, on transporte à dos d’âne tout le combustible nécessaire au traitement métallurgique des minerais de mercure provenant du célèbre gîte d’Almaden : un conducteur payé par jour 1F30 et conduisant quatre ânes dont la journée revient moyennement à 3F70 transporte en un jour, en trois voyages, 835 kilogrammes à une distance moyenne de 4 200 mètres. Le transport d’une tonne à un kilomètre revient donc à 1F43.

10Dans les hautes vallées du Piémont où de grandes masses de combustible se transportent à dos d’animaux aux forges du pays, un conducteur payé par jour 1F60, dirigeant quatre mulets dont la journée coûte en tout 8F, et qui portent chacun 135 kilogrammes, peut en 10 heures transporter, à la descente, cette charge à 18 kilomètres, y compris le retour à vide, sur des rampes de 10 à 25°. Dans ces conditions, le transport coûte par tonne de 1 000 kilogrammes et par kilomètre : 1F00.

11On peut dire que le charrettage exécuté par des animaux est le moyen fondamental de transport dans l’Europe centrale, particulièrement dans les plaines et les moyennes montagnes de l’Allemagne, de la Hongrie, de l’Illyrie, de l’Italie et de la France. Il faut remarquer toutefois que les produits forestiers peuvent rarement jouir du bienfait de ces excellentes routes carrossables qui sillonnent maintenant dans toutes les directions les provinces de France et d’Allemagne. Les coupes de bois d’après les considérations exposées au § 8, doivent être pratiquées sur des espaces très morcelés, fort nombreux et dont la position varie nécessairement chaque année ; d’un autre coté, dans l’état d’imperfection où sont les routes consacrées au service de cultures plus précieuses, on n’a pu encore établir que par exception des chaussées spécialement destinées au transport des produits forestiers. Les voies forestières sont donc ordinairement de simples chemins où les obstacles insurmontables ont seuls été aplanis : souvent dans les pays de plaines, elles sont transformées par les pluies en rigoles fangeuses où les roues enfoncent jusqu’au moyeu ; ailleurs et dans les pays de montagnes elles sont à peine tracées sur les rochers ou sur des pentes excédant 20 centimètres par mètre. Dans la plupart des cas on n’y peut faire circuler que des voitures mues par la force à la fois patiente et énergique des bœufs. En France où ces conditions se présentent presque partout, la grande masse des transports forestiers s’exécute par des chariots – à deux ou quatre roues attelés de deux bœufs. Sur ces mauvaises routes forestières, un conducteur transporte en un jour, y compris le retour à vide, sur un chariot attelé de deux bœufs, 2 000 kilogrammes à la distance moyenne de 12 kilomètres. Le prix de ce service étant moyennement 1F50 pour le conducteur et 4F pour les deux bœufs et le véhicule, le transport d’une tonne à un kilomètre revient moyennement à 0F23.

12Dans les conditions les plus favorables où le chariot peut recevoir une plus forte charge et où le même conducteur peut diriger deux chariots, le prix de ce transport peut rarement être réduit au-dessous de 0F15.

13Sur plusieurs routes forestières accessibles aux chevaux, ceux-ci peuvent parcourir dans la journée de travail, une distance plus grande que celle parcourue par les bœufs ; mais la charge, vu le moindre effort de traction développé par les chevaux, doit être réduite à peu près inversement à l’accroissement de la distance. Le travail accompli par les chevaux est donc le même que celui qui est effectué par les bœufs ; mais comme le prix du travail des chevaux excède ordinairement de 33 % le prix du travail des bœufs, ce dernier est ordinairement préféré, même pour les routes médiocres praticables aux deux sortes d’animaux.

14Dans les hautes vallées du Piémont on emploie le charrettage en même temps que les autres modes de transport précédemment signalés. Cette réunion de modes différents dans la même localité donne lieu de constater l’énorme influence qu’exerce sur les conditions économiques du transport, la nature du véhicule employé. Ordinairement les combustibles préparés sur les sommets peu accessibles, sont apportés à dos d’homme à un premier dépôt établi sur quelque sentier praticable aux mulets ; ceux-ci les transportent à leur tour jusqu’à un second dépôt établi sur des routes médiocres établies au fond des vallées ; de ce dernier dépôt enfin, les combustibles sont directement transportés aux forges sur des chariots tirés par des mulets. Dans cette troisième période du transport un conducteur payé 1F60, mène 3 mulets attelés ordinairement à un chariot, quelquefois à deux ou trois, et payés chacun, y compris les frais relatifs au chariot, 2F40 par jour de travail. Ces trois mulets tirent ordinairement 1 800 kilogrammes, et les transportent en un jour, y compris le retour à vide, à 18 kilomètres : dans ces conditions le transport d’une tonne à 1 kilomètre coûte 0F27.

15Les chemins de fer dont la construction est si récente, servent encore beaucoup moins que la chaussée carrossable, au transport des produits forestiers. On peut cependant prévoir que le transport du bois et du charbon sera sur le continent européen, la principale clientèle des chemins de fer. Dès à présent, les tronçons de chemin de l’Allemagne du Nord, et surtout de la Bavière, de la Bohème, de la Moravie, de l’Autriche, de la Styrie et de l’Ilyrie transportent de grandes quantités de bois : ceux de ces combustibles qui servent au service des machines locomotrices sont toujours transportés, à des prix de revient compris entre 0F020 et 0F036. Les transports des bois pour le commerce se fait sur ces mêmes chemins à des prix habituellement compris entre 0F06 et 0F10.

16Les produits forestiers, et surtout les charbons, les écorces, les bois ouvrés, etc. sont fréquemment transportés en bateaux sur les rivières, les canaux et les lacs. Les bois bruts de construction et de chauffage sont ordinairement transportés sur les mêmes voies d’une manière plus économique ainsi qu’il sera indiqué plus loin : cependant le transport en bateau est employé avantageusement pour ce même bois dans un grand nombre de cas et surtout pour la remontée des rivières, pour les eaux sans courant sensible, pour de petites distances, lorsqu’il y a convenance à transporter le bois dans le meilleur état de conservation, etc. Les plus grands transports de ce genre que nous ayons observés ont lieu, sur les lacs de Suède (Wenem, Wettem, Malar), de Russie (Ladoga, Onega, Ilmen), de la Haute-Italie (lac Majeur, lac de Côme, etc.) ; sur plusieurs grandes rivières de France (Basse-Seine, Oise, Basse-Loire), d’Allemagne (Oder, Elbe), de Russie (Neva, Wolkov, Swir, Oka, Kama, Wolga) ; enfin sur plusieurs canaux aboutissant à la Haute-Seine ; sur ceux qui mettent Berlin en communication avec l’Oder ; sur ceux qui joignent les deux grands lacs de Suède entre eux et avec les ports de Göteborg et de Söderköping ; en Russie sur le canal de Schlusselbourg et sur les deux grands systèmes navigables qui joignent la Wolga avec les lacs Onega et Ladoga ; en Italie sur le canal compris entre Milan et le lac Majeur, etc.

17Sur ces différentes voies, les prix du transport en bateau sont ordinairement compris entre les limites suivantes.

Lacs

Lac de Côme (Milanais) charbon

0,050

Lac Wenem (Suède)

0,040

Lac Ladoga (Russie)

0,025

Rivières à la remonte

Seine

0,04

Oder et Elbe

0,02

Canaux

Plusieurs canaux du nord de la France

0,035

Canaux du nord de la Russie

0,012

Rivières à la descente

Basse-Seine

0,020

Wolga, Oka, Wolkov

0,009

18Les transports du charbon et du bois de chauffage se font sur une grande échelle sur voie maritime dans plusieurs contrées d’Europe, particulièrement sur le littoral de la Baltique pour l’approvisionnement de Stockholm ; sur plusieurs parties du littoral de la Manche, surtout près de l’embouchure de la Seine, sur la côte orientale de l’île de Corse ; entre les îles Baléares et plusieurs ports de Murcie et d’Andalousie. Mais le transport maritime le plus important a pour objet les bois de construction exploités dans les forêts de Norvège, de Suède, de Courlande, de la Pologne et de l’Allemagne du Nord, à proximité du golfe de Christiania et de la mer Baltique. Ces bois embarqués dans les ports de Holmestrand, Drammen, Christiania, Frederikshald, Göteborg, Stockholm, Gefle, Hernösand, Riga, Dantzig, Stettin, etc. sont expédiés dans presque tous les ports de la Manche, de l’Océan et de la Méditerranée occidentale. Les bois exploités dans le bassin du Don et du Dniepr, en divers points de la Turquie d’Europe, et particulièrement sur le littoral de l’Adriatique donnent lieu également sur la mer d’Azof, la mer Noire et la Méditerranée orientale à des transports assez considérables. Enfin le Nouveau Monde lui-même, prend déjà une part importante au commerce maritime de l’Europe : chaque année beaucoup de bois de construction sont amenés du Canada dans les ports de Grande-Bretagne. Tous les États commerçants de l’Europe reçoivent en outre une quantité considérable de bois d’ébénisterie et de teinture récoltés dans les riches forêts équatoriales situées sous les vents alizés de l’Atlantique, et du Grand Océan, dans les conditions signalées au § (le numéro manque, ndr). Les navires chargés seulement de bois ont peu de stabilité : les produits forestiers ne se prêtent donc pas aux transports maritimes aussi bien qu’aux transports sur les eaux tranquilles, aussi le prix du frêt sur les côtes de l’Europe malgré les conditions favorables liées à la longueur des espaces parcourus, reste-t-il ordinairement compris entre 0F030 et 0F045.

19Depuis quelques années on commence à appliquer la force des machines au transport des bois : c’est à la Norvège qu’est dû le premier exemple d’une innovation qui nous paraît appelée à donner en plusieurs contrées une grande impulsion au commerce des produits forestiers. À la hauteur du port norvégien de Frederikshald les forêts de Suède sont fort rapprochées de la côte, mais sont séparées de celle-ci par une haute chaîne de montagnes, limite naturelle des deux royaumes Scandinaves. En suivant les cours d’eau suédois, qui d’ailleurs dans ce district ne se prêtent pas tous au transport, les bois auraient à parcourir un espace dix fois plus grand que celui qui les sépare de Frederikshald, on a donc imaginé de les transporter directement à ce port en leur faisant franchir les montagnes. À cet effet, des roues hydrauliques mises en mouvement par les cours d’eau qui abondent sur le versant suédois font monter le bois par des plans inclinés jusqu’à la ligne de faîte : à partir de celle-ci les bois descendent ensuite au port d’abord par l’action de la gravité, puis sur les cours d’eau du versant norvégien. La méthode Scandinave est une nouvelle application du grand principe, véritable source de la puissance de l’humanité, qui consiste à faire exécuter par des agents naturels jusqu’alors sans emploi et sans valeur, un service qui ne pourrait être fait dans des conditions économiques, ni par l’homme lui-même, ni par les animaux qu’il tient en domesticité.

20Les divers moyens qu’on vient de signaler s’appliquent en toute contrée aux divers produits commerciaux comme aux produits forestiers ; ceux qui nous restent à décrire sont plus spécialement propres au transport de ces derniers.

21Le traîneau sur la neige est le moyen de transport par excellence de l’Europe septentrionale. Il s’applique à la vérité à tous les produits ; mais comme les forêts sont la principale forme de l’activité de cette région c’est surtout aux bois d’œuvre et aux combustibles que vient servir ce précieux moyen d’action.

22Les traités d’économie sociale n’ont point accordé jusqu’à ce jour une suffisante attention aux sources de richesse et de puissance que les États du Nord trouvent dans cette épaisse couche de neige qui pendant six mois persiste à la surface du sol. La rareté de la population, le faible développement de l’industrie, l’abondance de marécages et divers autres obstacles dérivant de la nature du climat, n’y comportent point en général la construction des chaussées : jusqu’à ce jour les dépenses considérables qu’entraîne leur établissement n’ont pu être faites que par les populations agglomérées et industrieuses de l’Europe méridionale et occidentale. Il s’en faut de beaucoup cependant que les peuples du Nord-Est restent dans l’état de gêne où étaient ceux du Sud-Ouest lorsqu’ils étaient privés de ces précieuses voies de communication : le traînage sur la neige leur offre une large compensation dès l’automne. En effet la rigueur du froid couvre les tourbières, les marécages, les lacs d’une couche de glace assez épaisse pour résister aux plus lourds fardeaux. Accumulée par l’action des vents dans les dépressions naturelles de la surface, la neige nivelle pour ainsi dire toutes les anfractuosités du sol ; durcie par le froid, elle offre bientôt aux traîneaux une surface aussi unie et aussi glissante que la glace même ; et dans ces conditions permet aux animaux de traîner des charges aussi aisément qu’ils pourraient le faire par voie de roulage sur les meilleures routes. Dès ce moment les pays du Nord n’ont à désirer ni ponts ni routes empierrées : la surface toute entière peut être parcourue dans toutes les directions, suivant la ligne droite joignant les points de départ et d’arrivée, c’est-à-dire avec un avantage dont ne jouiront jamais les pays auxquels le climat impose l’emploi des chaussées. Le prix moyen du traînage en Scandinavie, en Finlande et dans le Nord de la Russie est ordinairement compris entre 0F08 et 0F10 par tonne et par kilomètre.

23Le traînage n’est pas le seul bienfait que la neige assure aux régions septentrionales : cette même couche de neige qui pendant l’hiver donne d’excellentes routes à tout le pays, transforme au premier printemps les moindres dépressions hydrographiques en rivières navigables. L’énorme masse d’eau qui résulte alors de la fonte des neiges, permet vers la fin d’avril, pendant une quinzaine de jours, d’expédier des flottes entières de bateaux dans des ravins et de petites rivières qui pendant le reste de la saison chaude conservent à peine un filet d’eau courante. Sous ces deux états successifs l’eau atmosphérique assure donc chaque année au Nord de l’Europe des communications où se trouvent réunies toutes les conditions de régularité et d’économie. La contrée qui jouit de ces avantages est précisément cette grande division naturelle, caractérisée par la prédominance du bouleau et des arbres résineux et que nous avons désignée précédemment sous le nom de région forestière septentrionale. Ici la nature fait tous les frais d’un établissement qui sous les climats plus doux absorbe les parties les plus (illisible) de l’épargne annuelle des populations : admirable compensation qui fait sortir tant de grandeur d’une cause si humble, tant de prospérité, d’une apparente rigueur. C’est sur ce régime de transport qu’est essentiellement fondée cette immense exportation de bois de construction qui prend chaque année dans le Nord de l’Europe un plus grand développement : c’est également la source du commerce de ces célèbres métaux de Suède et de Russie qui exigeant ordinairement pour leur production 20 à 30 (ill.) de bois, ne sont à vrai dire au point de vue économique qu’une concentration des produits des forêts. Les bois d’œuvre coupés pendant l’été sont amenés l’hiver suivant par traînage au ruisseau le plus voisin, puis à l’aide des cours d’eau, dirigés au printemps vers le port d’exportation. Les combustibles abattus pendant la même saison, séchés à l’air ou convertis en charbons sont généralement amenés par traînage aux usines et aux forges domestiques ; quelques centres importants d’industrie et de population reçoivent au printemps par les cours d’eau le surplus de leur approvisionnement. Enfin le même moyen de transport, c’est-à-dire l’emploi successif de traînage et des cours d’eau de printemps fournit également le moyen de transporter vers les ports d’exportation, les métaux fabriqués au milieu des forêts les plus centrales du continent européen. C’est ainsi par exemple que moyennant un prix de transport ordinairement compris entre 0F015 et 0F020 par tonne et par kilomètre, le fer et le cuivre de la Scandinavie et de la Sibérie parviennent à la Baltique, après avoir franchi depuis les mines jusqu’au port des distances de 600 et de 3 000 kilomètres. Un changement de climat qui priverait de leurs neiges les régions septentrionales mettrait fin immédiatement à toute cette activité.

24Dans les montagnes de la région méridionale, où le climat et le mouvement prononcé du terrain ne comportent point l’emploi régulier du traînage, les exploitants de fonte effectuent par un procédé extrêmement ingénieux cette portion du transport qui doit avoir lieu entre la coupe et le cours d’eau le plus voisin, et qui dans le Nord est toujours opérée au moyen du traînage. Dans ce procédé, on met précisément à profit la rapide déclivité du sol, c’est-à-dire la condition qui ferait obstacle à l’emploi de tout autre mode de transport. Comme principe de la traction, on y emploie l’action directe de la gravité c’est-à-dire le moteur le plus économique dont on puisse disposer à la surface du globe, et à cet effet on jette le bois sur des plans inclinés de forme et de disposition très diverses auxquels on donne le nom de glissoires. Parfois la surface du sol, sans aucune préparation peut remplir ce service ; plus ordinairement ce mode de transport exige un établissement plus ou moins dispendieux dont le but est de soustraire le bois aux obstacles naturels, tels que rochers, bois sur pied, surface horizontale, contrepentes, etc. qui s’opposeraient à l’action continue de la gravité depuis le point de départ jusqu’au lieu de destination. Les plus beaux exemples de glissoires que nous ayons eu occasion d’observer en Europe, se voient dans les Vosges, dans la Forêt Noire, les Alpes du Tyrol, de Salzbourg, de la Styrie, en Camiole, en Hongrie, et surtout dans la partie orientale de la Carinthie. Dans ces dernières régions, les glissoires se composent ordinairement de troncs d’arbres, disposés bout à bout dans le sens de leur longueur, et, formant au nombre de trois à cinq une sorte de rigole creuse dans laquelle les bois qu’il s’agit de transporter glissent spontanément pourvu que la pente moyenne soit supérieure à 12°. Cette rigole repose directement sur le sol quand la nature des lieux le permet : ailleurs pour ménager la pente, pour franchir la contrepente, le ravin et, en général, pour surmonter tous les obstacles de ce genre on l’établit dans une charpente dont la hauteur est souvent considérable, mais dont la construction est cependant économique pourvu que la forêt qu’il s’agit d’exploiter et le glissoire lui-même en se construisant de proche en proche en fournissent et en transportent tous les matériaux. Ceux-ci d’ailleurs ne sont absorbés que temporairement pour ce service : dès que tous les produits du canton que l’on exploite sont amenés à leur destination, on démolit le glissoire en commençant par la partie la plus élevée, et on en fait glisser successivement toutes les parties à l’extrémité inférieure du système.

25Lorsque la nature du terrain oblige à réduire la pente au-dessous de 12°, on peut encore établir un transport automoteur en écorçant soigneusement le bois du glissoire et en général en réduisant autant que possible le frottement. Une disposition à la fois simple et efficace consiste à verser de l’eau pendant une forte gelée sur le glissoire et à transformer en quelque sorte celui-ci en un glissoire de glace. Nous avons observé en Carinthie des glissoires de ce genre, où la pente, sur des longueurs considérables, était réduite à 6°. Lorsque des pentes trop fortes ou trop faibles, la disposition des lieux ou la raison d’économie dans les frais de premier établissement, ne permettent pas d’établir des glissoires automoteurs, on peut combiner ce mode avec la traction opérée par les hommes et les animaux.

26Lorsque le sol se prête à la construction économique des glissoires automoteurs ou lorsqu’un tel glissoire exigeant une construction dispendieuse peut servir au transport d’une très grande quantité de bois, les frais de transports deviennent moindres que pour toutes les méthodes précédemment signalées. En Carinthie par exemple, les frais descendent parfois, y compris la dépense de premier établissement, au-dessous de 0F010 par tonne et par kilomètre ; sur un glissoire automoteur ayant 4 kilomètres de longueur, tous les frais, y compris la reprise et le port du bois, ne dépassent pas ordinairement 0F025 par tonne et par kilomètre.

27La méthode de flottage, la. dernière que nous ayons à signaler, est sans contredit le moyen de transport le plus économique qui se puisse imaginer. De tous les produits connus, le bois est le seul qui puisse y être soumis avec avantage ; en sorte qu’à toutes les qualités utiles précédemment signalées le bois joint la propriété de pouvoir être transporté à de grandes distances à de moindres frais que toutes les autres substances que recherche l’industrie humaine. C’est l’un des avantages qui balancent la supériorité dont jouissent à d’autres égards les combustibles minéraux. Le principe de ce mode de transport est fort simple : tous les bois d’Europe, même les plus denses, sont plus légers que l’eau lorsqu’ils ont été pendant quelque temps exposés à l’action de l’atmosphère, et ils restent tels alors même qu’on les tient longtemps immergés dans l’eau. Lors donc que l’on jette du bois sur un cours d’eau où la profondeur de la tranche (?) liquide est plus grande que l’épaisseur de la partie immergée du bois, celui-ci flotte à la surface et se trouve porté par le courant à la partie inférieure du système hydrographique dont le cours d’eau fait partie. Dans ce mode les frais de traction proprement dits sont nuls : la dépense qu’il entraîne se rapporte exclusivement à la mise à l’eau et à la reprise du bois ; on conçoit donc que les frais fixes répartis par tonne et par kilomètre se réduisent à très peu de chose lorsque la longueur de la ligne de flottage est fort considérable. Sur les moindres cours d’eau, on doit réduire en très petits fragments les bois à flotter et les jeter peu à peu pour ne point encombrer le lit du ruisseau. Dans ce mode qu’on appelle flottage à bûches perdues, il faut nécessairement établir dans la partie inférieure du système hydrographique, au point de destination du bois, un barrage transversal où se fait la reprise des fragments. Si comme il arrive souvent, plusieurs propriétaires de forêts expédient du bois par flottage sur un même système hydrographique, la reprise a lieu aux frais communs des diverses parties intéressées et le triage se fait immédiatement à l’aide de marques distinctives, apposées sur chaque fragment. Lorsque le transport se fait à l’aide de grands cours d’eau, il arrive souvent, surtout dans le Sud-Ouest de l’Europe, que ceux ci ont à servir d’autres intérêts que l’exploitation du bois : on ne peut alors barrer le cours d’eau. Les bois ne peuvent donc être expédiés qu’après avoir été réunis par trains qui montés par des hommes expérimentés dans ce genre de navigation, sont conduits par eux au lieu de destination. La construction de trains est une des industries les plus variées et les plus ingénieuses qui se puissent citer. On y résout toujours admirablement le problème de concilier l’économie de la construction, avec la flexibilité et la solidité dont le train doit être pourvu pour traverser les rapides, résister au frottement sur les bas fonds ou au choc contre les rochers, et en général pour se prêter à toutes les nécessités qui dérivent de l’imperfection du cours d’eau, ou de l’inégalité de son régime. Dans plusieurs localités on emploie simultanément les deux systèmes : les bois sont d’abord flottés à bûches perdues dans les petits ruisseaux qui prennent leur source dans les forêts et forment l’origine du système hydrographique, jusqu’aux points au-delà desquels les intérêts généraux du pays ne permettent pas l’établissement de barrages transversaux ; à partir de ce barrage ils sont réunis en trains et conduits sous cette nouvelle forme jusqu’à la partie inférieure du système hydrographique.

28Le flottage est une des industries fondamentales de l’Europe ; les trois quarts au moins des bois employés en dehors du rayon des forêts, aux constructions et au chauffage sont amenés par ce moyen au lieu de destination. Le flottage sera toujours l’auxiliaire le plus précieux de l’économie forestière, et par suite l’un des moyens les plus efficaces de travail, et de richesse dont l’humanité puisse disposer ; aussi la perfection des institutions qui se rapportent à cette industrie peut-elle à beaucoup d’égards donner la mesure du degré de civilisation auquel un peuple est parvenu. Dans les contrées classiques du flottage de bois, des communications simples et économiques (voies de charrettage et de traînage, glissoires, etc.) joignent les coupes de bois aux ruisseaux les plus voisins : de vastes réservoirs construits à l’origine de ces ruisseaux mettent en réserve les eaux pluviales, et fournissent au moment opportun, une série de flots, offrant le volume d’eau nécessaire au départ des bois ; des dépôts convenablement placés, permettent d’emmaganiser le bois dans la situation la plus commode pour la mise à l’eau ; le lit des ruisseaux est débarrassé des principaux obstacles naturels qui pourraient gêner le passage des bois ; à l’aide de chemins réservés sur la berge, les ouvriers préposés au flottage peuvent se transporter promptement sur tous les points où les fragments tendent accidentellement à s’accumuler ; dans les lieux où cesse le flottage à bûches perdues, des barrages et des canaux convenablement disposés, des machines hydrauliques, des grues et des leviers d’une construction ingénieuse économisent la main-d’œuvre qu’exigent la reprise et le cordage du bois ; sur les rivières plus considérables où se fait le flottage en trains, des barrages partiels, des écluses, des travaux d’art de toute sorte font disparaître ou atténuent les obstacles naturels qui s’opposent à ce genre de navigation ; dans les points où le courant devient trop faible ou même contraire au sens du mouvement, des chemins de halage permettent de faire remorquer par des animaux les trains qui ne se peuvent aider de la voile ou du halage opéré par l’équipage même du train, au moyen de points fixes pris successivement sur le fond même de la rivière, ou du lac. Dans ces mêmes contrées la population héritière de l’expérience acquise par une nombreuse suite de générations, pratique les manipulations et les méthodes de travail qui conviennent le mieux à chacune des branches de l’art du flottage. Enfin la législation générale du pays, ou des usages locaux ayant force de loi obligent les propriétaires riverains, sous réserve d’une indemnité convenable, à venir au besoin en aide aux flotteurs, à leur céder par exemple temporairement le terrain nécessaire au sauvetage des bois durs qu’un séjour plus prolongé dans l’eau ferait sombrer. Le bassin supérieur de la Seine, avec ses principaux affluents, la Marne, l’Aube et l’Yonne, est l’une des localités d’Europe les plus classiques par l’ensemble des institutions qui se rapportent au flottage des bois. On peut encore citer à ce jour comme siège d’une industrie considérable, les bassins de la Loire, de l’Adour et du Rhône ; dans la Haute-Italie, les rivières et les lacs affluents de la rive gauche du Pô ; en Allemagne, le Rhin, la Weser, l’Elbe, l’Oder, le Danube et presque toutes les rivières prenant leur source dans les Alpes, la Forêt Noire, le Thuringerwald, l’Erzgebirge ; en Bohème, la Moldave, l’Elbe et leurs affluents ; en Hongrie, la Waag, la Gran et plusieurs autres affluents du Danube ; en Pologne, la Vistule et ses affluents : enfin les lacs et toutes les rivières de Norvège, de Suède, de Finlande et de Russie.

29Les frais de flottage pour des distances un peu considérables sont ordinairement compris entre 0F005 et 0F015 par tonne et par kilomètre ; ils descendent parfois beaucoup au-dessous de ce taux. Les bois provenant du bassin de l’Yonne et qui contribuent pour plus des quatre dixièmes à l’approvisionnement de Paris, se transportent successivement à bûches perdues et en trains à raison de 0F013 par tonne et par kilomètre.

30Dans le Nord et dans l’Est de l’Europe, les frais sont ordinairement moindres qu’en France : ainsi les bois de construction et les planches transportées en Hongrie du bassin supérieur de la Waag à Pesth sur le Danube ne coûtent que 0F006 par tonne et par kilomètre ; en Scandinavie, et en Russie on flotte souvent les bois au prix de 0F005 ; le transport des bois de feu flottés en trains de Kaï près des sources de la Kama aux grandes salines d’Ousvolié ne coûtent que 0F0012. C’est à notre connaissance le transport le plus économique qui ait lieu sur le continent européen.

31Pour rendre plus facile la comparaison à établir entre les frais de transport des bois et des autres marchandises, on a indiqué ci-dessous les frais relatifs aux poids réellement transportés c’est-à-dire à une tonne de bois simplement séché à l’air et tenant encore le quart de son poids en eau hygrométrique. Les frais relatifs à une tonne de ligneux doivent donc être augmentés d’un tiers ; en supposant en outre que les frais varient avec les conditions locales du transport de 10 % au-dessus ou au-dessous des nombres moyens que nous avons indiqués dans le cours de ce paragraphe, nous trouverons que les frais entraînés par le transport de 1 000 kilogrammes de ligneux à la distance d’un kilomètre, sont compris ordinairement entre les limites indiquées ci-après :

32Frais pour 1 000 kilogrammes de ligneux transportés à 1 kilomètre, par divers moyens, sur diverses voies

Transports opérés au moyen des hommes ou à dos d’animaux – minim./maxim.

Port à dos d’homme

Piémont

3F40

4F10

Traînage et roulage par des hommes

idem

2,50

3,05

Port à dos d’ânes

Espagne

1,93

2,35

Port à dos de mulets

Piémont

1,35

1,65

Charrettage opéré au moyen des animaux – minim./maxim.

Charrettage à mulets

Piémont

0,36

0,44

Charrettage à chevaux

France

0,30

0,45

Charrettage à bœufs

idem

0,22

0,34

Traînage sur la neige, au moyen de chevaux– minim./maxim.

Scandinavie et Russie

0,12

0,24

Transports sur chemins de fer, au moyen de la vapeur – minim./maxim.

États allemands

Frais de traction

0,030

0,060

Péage

0,060

0,090

= 0,090

= 0,150

Transport en bateau (courant de l’eau nul ou contraire au transport) – minim./maxim.

Sur les lacs

Milanais

0,067

0,082

Sur les lacs

Suède

0,054

0,066

Sur les lacs

Russie

0,033

0,040

Sur les rivières (à la remonte)

Seine

0,054

0,066

Sur les rivières (à la remonte)

Elbe et Oder

0,027

0,033

Sur les canaux

France

0,047

0,058

Sur les canaux

Russie

0,016

0,020

Navigation maritime

Côtes d’Europe

0,030

0,065

Transport sur des glissoires automoteurs de 3 kilomètres – minim./maxim.

Carinthie

0,035

0,040

Transport en bateau (courant favorable) – minim./maxim.

Sur les rivières (à la descente)

Seine

0,027

0,033

Sur les rivières (à la descente)

Russie

0,012

0,015

Flottage sur la rivière (à la descente sur une longueur de plus de 300 kilomètres) – minim./maxim.

Yonne et Seine

0,018

0,021

Waag et Danube (Hongrie)

0,008

0,010

Suède et Russie

0,007

0,008

Haute-Kama (Russie)

0,0018

0,0020

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