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Mussolini socialiste : littérature et religion

Mussolini socialiste : littérature et religion

Texte 42

Qui l’a voulu !

Texte intégral

  • 1 Voir le texte 33, « Le pangermanisme théorique ».

Une fois l’Italie en guerre, en attendant que sa classe soit appelée au front, Mussolini mène le combat contre les Allemands dans les colonnes du Popolo d’Italia. Il y accuse régulièrement l’Allemagne d’être responsable du conflit comme dans cet article publié le 5 juillet 1915 où il fait référence aux théories pangermanistes qu’il avait déjà présentées et attaquées dans son essai de 1911 sur le Trentin1.

Qui l’a voulu !2

  • 2 D’après Il Popolo d’Italia, 5 juillet 1915, p. 1.

1[…censuré]. De toute manière, il me semble absolument opportun […censuré] de démontrer DOCUMENTS À L’APPUI que la conflagration européenne a été déclenchée par l’Allemagne, et que de la destruction de l’Allemagne militariste seulement peut naître l’espoir, pour l’Europe exsangue, d’une longue période de tranquillité. C’est un fait convenu, « pacifique », pour employer un mot qui a en ce moment une saveur quelque peu ironique, que l’Allemagne est la responsable directe et unique de cette guerre ; mais ce que les gens savent moins, c’est que l’Allemagne – pendant une quarantaine d’années – n’a fait que se préparer à la guerre d’agression et n’a eu – dans la politique menée par ses classes dominantes – qu’un seul but, qu’un seul objectif, qu’une seule visée : la guerre.

  • 3 Mussolini ne mentionne pas les théories pangermanistes d’Heinrich Von Treitscke (1834-1896), ni ce (...)

2Je laisse de côté – ici – le mouvement théorique pangermaniste, quoique son influence pour déterminer les directives de la politique étrangère germanique ait été tout simplement énorme. Songez que, pendant un demi-siècle, des centaines de milliers d’avocats, de médecins, de théologiens, de scientifiques, d’hommes d’État, de diplomates, de journalistes, tous disciples et zélateurs convaincus des doctrines de H. Chamberlain, Treitscke, von Bernhardi3 sont sorties des universités allemandes et vous comprendrez que le pangermanisme n’est pas resté confiné dans les livres ou dans les cénacles des intellectuels, mais qu’il est devenu UNE FOI religieuse professée par quasiment toute la population, socialistes compris.

3Mais je veux m’en tenir ici à des ACTES et des FAITS du Gouvernement germanique pour documenter ce que j’affirme : à savoir que pendant une quarantaine d’années, l’Allemagne a été une menace permanente pour la liberté et pour l’indépendance des peuples. Les victoires de 1870 grisèrent les Allemands. L’or français – injecté par milliards dans l’organisme de la jeune économie allemande – augmenta le potentiel industriel et commercial de l’Allemagne. Dans la période 1851-1871, on comptait 200 sociétés par actions pour un capital de deux mille quatre cents millions de marks et, seulement quatre ans plus tard, elles étaient 857 avec une valeur totale de trois milliards et trois cent millions. La guerre de 1870-71 fut considérée en Allemagne comme la première étape de la conquête du monde. Mais la France mutilée, la France privée de Metz que l’État-Major allemand qualifiait de "pistolet pointé sur la tempe de l’ennemi", la France était en train de se relever rapidement du grand coup qui l’avait abattue. Alors, l’Allemagne, en 1874, la menaça d’une nouvelle guerre sous prétexte que… les catholiques français soutenaient les catholiques allemands. Le Grand Chancelier Bismarck déclarait à l’ambassadeur français Gontaut-Biron qu’il était décidé à faire la guerre. Au mois de mars de la même année 1874 la rumeur se répandit que l’Allemagne comptait ANNEXER LA BELGIQUE et le nord de la France. Comme on peut le voir, le sacrifice de la Belgique était prémédité depuis longtemps !

  • 4 Ce mot (« cristianamente ») est absent dans la version de l’Opera Omnia.
  • 5 Avec le traité de Berlin du 13 juillet 1878, le Royaume-Uni et l’Autriche-Hongrie s’opposèrent au (...)

4En 1875 – en avril – nouvelle menace de guerre. La Chambre française avait voté un projet de loi sur la réorganisation des cadres et des effectifs. L’ambassadeur allemand Radowitz y voyait une raison pour déclarer que « d’un point de vue politique, philosophique, chrétien4 il fallait que l’Allemagne attaque la France avant qu’elle ne reprenne des forces et ne noue des alliances ». La guerre paraissait inévitable. Il y eut une intervention, à des fins pacifistes, de la reine Victoria d’Angleterre qui fit savoir à Guillaume Ier – par l’entremise de l’ambassadeur Lord Russell – « qu’Elle ne tolérerait pas que la paix fût troublée ». Peu de temps après, les nuages se dissipèrent mais l’éternelle menace allemande obligea la France à faire un premier pas vers la Russie. Nous sommes en 1878. L’Allemagne réclame le contrôle européen sur le traité russo-turc de San Stefano5. Les Puissances se réunissent à Berlin et le Congrès se clôt sur le succès retentissant de la politique de Bismarck. La Russie se voyait dépouillée du prix de ses victoires, pendant que l’Autriche occupait la Bosnie-Herzégovine. Bismarck atteignait deux objectifs ; primo : il faisait oublier à l’Autriche la défaite de Sadowa ; secundo : il poussait l’Autriche vers les slaves balkaniques et vers Salonique.

5Dès lors et jusqu’à nos jours, l’Autriche-Hongrie n’a fait qu’agir en sous-main pour le compte de l’Allemagne dans la péninsule balkanique : le traité secret austro-allemand signé le 7 octobre 1879 nouait cette alliance qui tient encore aujourd’hui et qui a fait des deux Empires un bloc unique. Ambitions politiques et armements marchent de pair : en 1880, une loi militaire augmente de 27 mille hommes les effectifs annuels ordinaires. En 1886, Bismarck fait voter une nouvelle loi militaire. La même année, un lieutenant-colonel allemand et un major parlent de l’imminence d’une guerre franco-allemande et en démontrent l’absolue nécessité. Bismarck semble du même avis. Dans un discours du 11 janvier 1887, le Chancelier déclarait :

6« Le jour où nous rentrerons à Paris nous ferons en sorte de mettre la France, au moins pour trente ans, dans l’impossibilité de nous agresser ».

  • 6 En français et en italiques dans le texte. L’affaire d’espionnage – dite Schnæbelé du nom de son p (...)

7Commence alors une période de provocations allemandes inouïes, auxquelles la France PACIFIQUE et désireuse d’éviter la guerre, répond dignement et avec une modération excessive. Bismarck, qui s’était jeté sur l’affaire Schnæbelé pour provoquer le conflit, doit désarmer devant la retenue de la France QUI DÉGARNISSAIT LES FRONTIÈRES DE L’EST pour ne pas répondre à la provocation et éviter le piège6 teutonique.

8Avec l’avènement de Guillaume II, les desseins agressifs de l’Allemagne gagnent en audace. Le chancelier Caprivi qui a succédé à Bismarck – dépose le 24 juin 1890 un projet de loi militaire devant permettre aux armées allemandes de « franchir immédiatement les frontières ».

  • 7 La majuscule à « Alleanza » et les caractères italiques pour « difensiva » apparaissent dans la ve (...)
  • 8 En français et en italiques dans le texte.

9L’attitude de l’Allemagne, qui ne cachait plus ses visées hégémoniques sur l’Europe, pousse France et Russie à signer l’Alliance du 27 août 1891. L’Alliance était purement défensive7. Caprivi lui-même le déclarait en plein Reichstag, mais deux ans plus tard, il présentait un nouveau projet de loi qui augmentait les effectifs militaires de 60 000 hommes. Tandis qu’en France, le désir de revanche8 prenait un caractère de plus en plus platonique et littéraire, l’Allemagne s’armait aussi sur mer. La France conquérait des colonies en Afrique et en Asie, mais cela n’indisposait pas encore l’Allemagne qui préférait « laisser au coq français la peine de gratter le sable africain ».

10À la fin du siècle, l’idéologie pangermaniste progresse à nouveau. À Berlin sort un opuscule sensationnel, anonyme, intitulé : L’Empire allemand autour de 1950.

11« Vers la moitié du xxe siècle – écrit le pangermaniste – deux groupes seront constitués en Europe Centrale. L’un, politique, que nous appellerons Confédération germanique, embrassera l’empire allemand, le Luxembourg, la Hollande, la Belgique, la Suisse allemande, l’Autriche-Hongrie…L’Allemagne aura alors 86 millions d’habitants et le territoire économique soumis à son action commerciale directe comptera 131 millions de consommateurs… Sans aucun doute, les Allemands ne seront pas les seuls à peupler le nouvel empire ; mais eux seuls gouverneront, eux seuls jouiront des droits politiques, eux seuls serviront dans l’armée et dans la marine, eux seuls pourront acheter des terrains. Ils auront alors, comme au Moyen-Âge, le sentiment d’être UN PEUPLE DE MAÎTRES Ils toléreront toutefois que les travaux inférieurs soient exécutés par les étrangers vivant sous la domination “germanique” ».

  • 9 Original : « esponeva » ; OO : « espone » (« il expose »).
  • 10 Original : « largamente » ; OO : « lungamente » (« longuement » ; « depuis longtemps »).

12L’opuscule en question est anonyme, mais il exposait9 des idées largement10 répandues et généralement admises. Le général Osterley, qui pendant la guerre actuelle a obtenu la croix de fer de première classe, a déclaré que « l’annexion de la Belgique et de la Hollande s’imposait pour maintenir le couteau sur la gorge de la perfide et vile Albion ».

13Dans un autre opuscule publié au début de notre siècle, la Ligue Pangermanique exposait le programme suivant :

14"Nous n’hésiterons pas à arracher à la France et à la Russie de longues bandes de territoire…"

15Et le Kaiser, que disait-il ?

16Le 1er mars, à l’inauguration du fort Haseler, contre la France, Guillaume II proclamait :

17« Je te baptise, fort Haseler. Tu seras appelé à protéger les conquêtes de l’Allemagne de ses ennemis de l’Ouest ».

18La France, qui voyait se rapprocher l’agression allemande toujours plus menaçante, conclut en 1904 un accord avec l’Angleterre sur les bases suivantes : la France reconnaissait l’occupation anglaise de l’Égypte, l’Angleterre s’engageait à ne pas entraver la pénétration française au Maroc.

  • 11 En français dans le texte.

19L’affaire11 du Maroc qui devait, semblait-il, anticiper de dix ans la conflagration mondiale, mérite qu’on la traite plus amplement. C’est une histoire qui appartient au passé, mais il n’est pas inutile de la rappeler.

20MUSSOLINI

Notes

1 Voir le texte 33, « Le pangermanisme théorique ».

2 D’après Il Popolo d’Italia, 5 juillet 1915, p. 1.

3 Mussolini ne mentionne pas les théories pangermanistes d’Heinrich Von Treitscke (1834-1896), ni celles du militaire prussien Friedrich von Bernhardi (1849-1930) dans son traité de 1911. En revanche, celles de Chamberlain y sont longuement exposées.

4 Ce mot (« cristianamente ») est absent dans la version de l’Opera Omnia.

5 Avec le traité de Berlin du 13 juillet 1878, le Royaume-Uni et l’Autriche-Hongrie s’opposèrent au traité de San Stefano (3 mars 1878) que la Russie avait imposé à l’Empire ottoman suite à ses victoires militaires, et qui concernait notamment le sort de la Bulgarie.

6 En français et en italiques dans le texte. L’affaire d’espionnage – dite Schnæbelé du nom de son protagoniste, un commissaire alsacien – provoqua un incident diplomatique important à la frontière franco-allemande en avril 1887 et faillit déboucher sur une guerre.

7 La majuscule à « Alleanza » et les caractères italiques pour « difensiva » apparaissent dans la version originale de l’article, mais pas dans l’Opera Omnia.

8 En français et en italiques dans le texte.

9 Original : « esponeva » ; OO : « espone » (« il expose »).

10 Original : « largamente » ; OO : « lungamente » (« longuement » ; « depuis longtemps »).

11 En français dans le texte.

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

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