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L’Invention de l’autobiographie d’Hésiode à saint Augustin

 | 
Marie-Françoise Baslez
, 
Philippe Hoffmann
, 
Laurent Pernot

Quatrième partie. Poètes, sophistes et philosophes

L’autobiographie à l’époque de la Seconde Sophistique

Quelques conclusions

P. Reardon

Texte intégral

  • 2 G. Misch, Geschichte der Autobiographie, vol. 1, Leipzig-Berlin, Teubner, 1907 ; consulter surtout (...)

1Nous nous sommes occupés le plus souvent, dans ce volume, de textes autobiographiques de formes diverses, mais dont l’origine se trouve généralement dans une réaction aux circonstances externes immédiates : la nécessité de se défendre (chez Démosthène), une aventure sociale ou culturelle (Platon, Lucien), un malheur personnel (Ovide) ; quelquefois le contenu autobiographique n’est que marginal. Or, l’autobiographie telle que nous la concevons sous sa forme la plus distinctement moderne consiste en l’analyse systématique de nos propres expériences, de nos sentiments, en somme de notre personnalité : analyse qui, elle, n’a pas besoin d’origines ou d’impulsions immédiates et externes, qui pour nous n’a pas besoin de se justifier. Pour l’autobiographie de ce genre, dans l’Antiquité, il faut attendre saint Augustin, « le premier homme moderne ». C’est l’avis courant. Je ne veux pas le contester ; j’observerai seulement, avec Georg Misch, que déjà dans l’Antiquité la voie fut ouverte pour toutes les tendances essentielles de l’autobiographie, et que les Confessions ne sont pas un commencement mais une réalisation2. Mais à ce stade, je voudrais me tourner vers la forme moderne de l’autobiographie, pour essayer de voir s’il y a quelque lien, quelque rapport, entre la littérature de l’Antiquité et l’acception moderne du terme « autobiographie ». Ce que j’aurai à dire ne sera pas tout à fait distant des propos de ceux qui m’ont précédé et qui ont parlé de textes autobiographiques dans un sens plus restreint ou plus précis ; dans ce cas, ce serait justifier le jugement de Misch.

2Dans cette acception moderne, l’autobiographie naît dans la personnalité individuelle. L’un des aspects de cette personnalité est le sentiment que l’auteur est unique ; l’on peut donc être fier de soi, et chercher l’approbation des autres. Mais l’envers de ce sentiment est la réalisation qu’on est seul dans la vie ; et ce sentiment-là est effrayant. Les mobiles qui poussent à l’autobiographie sont donc complexes : amour-propre, recherche d’une réputation auprès des autres, recherche de la compréhension et de la sympathie, désir ou besoin de justifier son comportement ; d’autre part, un sentiment d’isolement, et en conséquence le désir ou le besoin de se mettre en rapport avec autrui, le désir de communiquer. Et peut-être la simple curiosité, le désir de s’examiner. Ces mobiles varient avec le public visé : soi-même, ses pairs, la postérité.

  • 3 « It is not what happens to people that is significant, but what they think happens to them » : A. (...)

3Comment opère l’autobiographie ? Elle est le récit de ce qui arrive aux gens – ou, plus exactement, de ce qu’ils croient qu’il leur arrive3. Elle met le doigt sur les expériences critiques du sujet – il y a toujours des expériences critiques. Le procédé de base est celui de la narration. L’autobiographie amène le passé au présent par le moyen d’un schéma temporel, séquentiel, afin de situer l’auteur, qui est à la fois sujet et objet du récit, et qui ainsi à la fois raconte et participe à la recherche du temps perdu, à la ronde de la musique du Temps. Ce faisant, l’auteur s’identifie. Il identifie les crises de son existence, les déviations du cours de sa vie. Elles seront l’élément le plus intéressant de sa vie, du moins pour l’auteur, mais aussi le plus troublant ; en les identifiant, il les mesure, les limite, les contrôle, il les façonne ; en somme, il les crée à sa guise. De même, en établissant un contexte pour ses déviations, il les comprend ; c’est dire que l’auteur apprivoise ainsi ses crises existentielles.

4C’est faire l’analyse de soi-même ; raconter sa vie, c’est organiser son être. Organiser son être, c’est en faire un tout, faire de son passé une partie de son présent. L’acte de la narration, l’acte d’amener le passé au présent, véhicule une théorie qui permet au sujet de s’identifier avec son objet. L’autobiographie n’est pas une forme de littérature au temps passé, mais au temps passé-et-présent, et c’est là son aspect essentiel. Son but est de se comprendre dans le présent, de se faire comprendre et connaître dans le présent et pour l’avenir. Autrement dit, de se légitimer. On se légitime en donnant à ses déviations un contexte stable, en minimisant l’effet de ses déviations. Mais c’est qu’on crée non seulement ses propres crises, mais aussi leur contexte. Déjà cela importe la fiction dans l’autobiographie. L’autobiographie est ce que vous croyez qu’il vous est arrivé ; elle est aussi ce que vous voulez que les autres pensent de vous. L’autobiographe crée une histoire pour lui-même, un peu comme les services secrets sont censés créer une fausse identité pour un agent, une histoire, un bios : une « légende » (legend), pour employer le vocabulaire de John Le Carré. Comme cette légende, l’histoire de l’autobiographe doit avoir de la vraisemblance pour lui et doit satisfaire son public. Pour atteindre cette fin, il choisira les éléments de son récit ; la sélection est l’élément fictif minimal ; mais la fiction peut aller beaucoup plus loin. Je reviendrai sur la question.

5Pour que l’on puisse éprouver le besoin de s’examiner, de s’identifier, de se légitimer, il faut que l’idée de la personnalité existe. La personnalité elle-même existe manifestement depuis le début : Archiloque est la première personnalité de l’histoire occidentale. Mais l’idée abstraite de la personnalité ne fait son apparition que plus tard : à l’époque sophistique, peut-être, et avec Socrate ; mais même à cette période-là, elle ne domine pas. Tant que l’homme individuel est essentiellement et principalement un membre d’une communauté, d’un groupe, la personnalité individuelle ne domine pas. Son importance croît à mesure que le monde grandit. C’est ce que l’on constate à l’époque hellénistique, et de plus en plus sous l’Empire romain et à l’ère chrétienne. De plus en plus on s’intéresse à sa propre personnalité. Ce sont les religions personnelles, les philosophies personnelles qui prennent le dessus : le stoïcisme, l’épicurisme, le culte d’Isis, s’adressant à la condition de l’individu ; plus tard, le christianisme, le gnosticisme. Le processus est bien connu. Le rapport entre l’individu et son monde change ; il n’est plus commandé par une idéologie restrictive, qu’elle soit celle de la polis ou même celle de l’hellénisme ou de Rome. La société est de plus en plus ouverte, à grande échelle. Le développement des structures politiques amène l’expérience qui se trouve reflétée dans l’autobiographie ; il appelle, sinon l’autobiographie, du moins un esprit autobiographisant. Dans ces conditions, l’autobiographie naît et se développe. La même chose se produit à des périodes analogues : à la Renaissance, au Siècle des Lumières, à l’époque romantique. À notre époque anarchique du XXe siècle, nous avons connu le foisonnement de l’autobiographie, produite à tous les niveaux de la société, jusque dans les prisons. Nous avons connu aussi l’avènement de la théorie littéraire et esthétique autoréfléchissante ; le texte questionne, le lecteur répond : théorie, donc, pour le lecteur, à base autobiographique.

6Si le contenu autobiographique de la littérature est le reflet du contexte social, le contexte littéraire témoignera, lui aussi, de ce développement ; l’autobiographie ressemblera à certains éléments de la littérature contemporaine. On a parlé de l’activité autobiographique de plusieurs auteurs de la Seconde Sophistique, Dion, Aelius Aristide et d’autres, de leurs contemporains Marc Aurèle, Justin et d’autres ; à un deuxième stade de ce phénomène il y a Libanios, Julien. C’est dire que la vieille tradition de la rhétorique trouve de la place, d’une façon ou d’une autre, pour l’expression de la personnalité, bien que ses modalités ne fussent pas conçues, à l’origine, en vue d’une telle utilisation. Mais il s’agit là d’une vieille tradition, justement ; à l’époque de la Seconde Sophistique, les forces sociales dont j’ai parlé amènent une nouvelle perspective sur le monde, qui ne trouve pas son expression dans les formes de la rhétorique. Cette perspective est-elle reflétée plus directement dans d’autres genres ?

  • 4 Toutefois, au sujet de la nature de la biographie dans l’Antiquité, on se rappellera l’observation (...)

7On dirait peut-être au premier abord que les voisins littéraires les plus proches de l’autobiographie sont la biographie et l’historiographie. L’autobiographie est bien entendu une forme de l’historiographie et de la biographie : histoire de soi-même, biographie de soi-même. La biographie, on le sait, est un genre essentiellement postclassique, et qui atteint son apogée aux ier et iIe siècles, en latin comme en grec, avec Plutarque et Suétone. On sait aussi qu’elle est un rejeton de l’historiographie, et que, tout comme une grande partie de I’historiographie hellénistique, elle a tendance à dramatiser ou à moraliser. L’autobiographie aussi présente facilement ses propos en termes de crises, de développements critiques, quelquefois aussi de réflexions moralisantes. Mais on aurait tort de pousser ces ressemblances trop loin, puisqu’elles sont en quelque sorte externes et mécaniques, nées d’une proximité trompeuse de forme et de sujet – et tout simplement de nom. En fait il y a des différences importantes. La biographie et l’historiographie sont contrôlées plus étroitement que l’autobiographie par les évènements et les situations externes et objectifs. Dans l’autobiographie, la perspective sur les évènements de la vie de l’auteur est viciée par le fait que c’est à lui que les évènements sont arrivés. Bien entendu, toute forme de biographie peut déformer son objet ; l’autobiographie ne peut guère l’éviter, puisque l’objet en est le sujet : un sujet peut-il être objectif ? L’auteur crée l’objet et le sujet ; il s’agit d’une fiction double et d’une fiction intéressée4.

  • 5 A. Boudard, Le Café des pauvres, Paris, La Table Ronde, 1983, p. 250.
  • 6 J. I. M. Stewart, A Memorial Service, Londres, Methuen Paperbacks, 1977, p. 182.

8Nous nous retrouvons ainsi devant l’élément de fiction dans I’autobiographie ; ce qui nous mène à un sujet qui n’a pas fait son apparition ici jusqu’à présent, et c’est un peu pour cela que j’en parle maintenant : le roman. À première vue, ce n’est pas un terrain très propice pour l’enquête présente : le roman n’est pas l’autobiographie. Mais, encore une fois, les apparences sont trompeuses. Derrière la forme, les deux genres se ressemblent. D’abord, le roman, comme l’autobiographie, est un récit, une narration : le récit d’une vie ou de plusieurs vies. Il organise l’expérience selon un schéma temporel et séquentiel, pour mettre en relief ce qui est important et en faire ressortir un drame ; il passe de crise en crise, les crises étant reliées entre elles par l’action, le muthos. Surtout, le roman, comme l’autobiographie, comporte de la fiction à des degrés divers, et de l’histoire personnelle à des degrés divers. Au minimum, le simple choix du sujet d’un roman dit déjà quelque chose sur l’auteur lui-même ; au maximum, la matière tout entière peut être prise dans sa vie. De même, I’autobiographie est de la création littéraire, ne serait-ce que dans le choix et la disposition des épisodes traités. Elle pose régulièrement de réels problèmes à l’auteur : « Je n’arrive plus très bien » – je cite Alphonse Boudard – « à ordonner, à maîtriser les choses, les évènements… J’ai des souvenirs indistincts qui s’enchevêtrent5 ». Et elle peut très bien aller jusqu’au mensonge approfondi. Il y a une variation infinie, et quelquefois on n’arrive guère à distinguer entre les genres. Quelles sont les proportions de fiction et d’histoire personnelle chez Proust, chez Anthony Powell ? « One makes up a good deal of one’s past » – on crée beaucoup de son passé – nous dit un autre romancier autobiographique anglais de nos jours6 ; M. Jouan nous a parlé du cas de Dion Chrysostome. Et lequel de ces éléments est le plus intéressant ? Logiquement il n’y a pas de limite entre les deux. Dans la pratique, bien entendu, nous tranchons.

  • 7 Julien, Lettre 89B Bidez-Cumont : παρὰ τοῖς ἔμπροσθεν. Pour la date d’Héliodore, voir C. S. Lightfo (...)

9Si les deux genres se ressemblent, c’est pour une raison très simple : leurs origines se ressemblent. Pour en revenir à notre sujet précis : ce que j’ai déjà dit au sujet des origines psychologiques de l’autobiographie s’applique également au roman. Chacun des deux genres est le reflet de l’expérience spirituelle de l’homme individuel qui se trouve tout seul dans un monde agrandi depuis l’époque de la polis, ou même du petit monde grec. C’est la contrepartie de la tradition de la rhétorique, qui, elle, est née précisément dans la communauté close. Le roman, comme l’autobiographie, naît de l’isolement. Il est notoire qu’à l’époque moderne la fiction et l’autobiographie semblent se former et se développer aux mêmes périodes, plus ou moins en parallèle : la Renaissance, le Siècle des Lumières, la période romantique, le XXe siècle. Il faudrait peut-être tenir compte d’un certain décalage chronologique, mais en gros les genres se suivent. Ainsi, à l’époque de la Seconde Sophistique, il paraît ce que j’appellerai des velléités d’autobiographie : Dion, Aelius Aristide, Marc Aurèle, Lucien, Justin, les auteurs enfin dont on a déjà parlé ; et c’est à cette époque, au IIe siècle, que le roman semble connaître son plein épanouissement. L’autobiographie proprement dite ne paraît, il est vrai, qu’au IVe siècle, à une époque où le roman semble ne plus être pratiqué, si l’on en croit Julien (encore n’est-il pas impossible qu’Héliodore doive être daté du IVe siècle – je ne suis pas encore tout à fait convaincu du contraire)7. Mais le roman s’est alors mué en hagiographie ; et il véhicule des sentiments proches de ceux d’Augustin ou de Grégoire de Nazianze.

10Il paraît donc raisonnable de juxtaposer l’autobiographie et le roman dans ce contexte d’histoire sociale et littéraire. Je ne veux pas aller trop loin dans ce sens, parce que, bien entendu, ni l’autobiographie ni le roman, dans l’Antiquité, n’ont atteint un tel degré de complexité. On peut cependant penser qu’ils n’en étaient pas si loin que cela. Je terminerai en jetant un coup d’œil rapide sur quelques correspondances un peu plus précises.

11On trouve plusieurs modes de narration autobiographique dans le roman. D’abord, il y a le « je » fictif, le « je » du narrateur qui est censé raconter l’histoire. Il peut être extérieur à l’action, comme chez Longus, où l’auteur réel, Longus, se présente ouvertement dans la préface et nous dit à la première personne qu’il va raconter l’histoire qui suit, l’histoire de Daphnis et Chloé – qui, elle, est à la troisième personne ; l’auteur, le « je », disparaît. II y a aussi le « je » narratif : l’histoire est racontée par l’un des personnages dans l’action. C’est le cas du roman d’Achille Tatius, où Clitophon, le héros, est censé nous raconter ce qui est arrivé à tout le monde ; ce qui offre certains avantages de perspective à l’auteur, mais qui lui crée aussi des problèmes assez complexes de narration, puisque ce personnage ne peut pas être omniscient. Je parle de ces deux mécanismes parce que, de toute évidence, ils représentent un effort conscient, de la part de Longus et d’Achille Tatius, pour développer dans le roman une structure plus raffinée en employant les possibilités offertes par le mode autobiographique. Ce n’est pas de l’autobiographie, bien entendu ; ce n’est qu’un mécanisme littéraire ; on en a vu d’autres chez Lucien. Mais si l’auteur fait un pas de plus sur le même chemin et s’attribue à lui-même – au lui-même réel – le rôle du narrateur, nous arrivons tout de suite au roman vraiment autobiographique ; et la porte est tout de suite ouverte à ce genre proustien que je viens d’évoquer, avec toutes ses complexités, avec sa capacité d’explorer et d’exploiter le domaine du « je ». Et en l’occurrence, ce pas fut franchi dans l’Antiquité déjà : par Apulée, dans les Métamorphoses. Ou plutôt il fut apparemment franchi ou fut peut-être franchi ; car telle est l’ambiguïté de ce roman – raconté à la première personne déjà par son personnage principal Lucius – que l’on ne sait trop s’il faut vraiment prendre au sérieux l’expression fameuse Madaurensem admodum pauperem (11, 27), qui fait son apparition tout à fait à la fin d’un ouvrage assez long, et qui semble identifier ce Lucius avec Apulée lui-même. Mais – cas qui se présente plusieurs fois dans le roman antique – les choses s’arrêtèrent là.

  • 8 Cnémon : Hld. I, 9-2,12 (avec des interruptions) ; Hippothoos : Xén. Éph., 3, 2.

12Une autre ouverture vers l’autobiographie se trouve dans les récits autobiographiques intercalés dans la structure de tous les romans ; je citerai à titre d’exemple celui de Cnémon chez Héliodore, ou celui d’Hippothoos chez Xénophon d’Éphèse8. Le récit de Cnémon, en particulier, constitue une véritable nouvelle, un petit roman à lui seul, où Cnémon raconte sa propre histoire pathétique ; en l’occurrence elle sert d’exemplum des valeurs complexes que l’amour peut revêtir. Encore une fois, un simple mécanisme d’auteur ; mais qui suggère une perspective bien plus systématiquement explorée dans, disons, Manon Lescaut.

  • 9 Voir R. Merkelbach, Roman und Mysterium in der Antike, Berlin, Beck, 1962 ; cf. id., Die Hirten des (...)

13Finalement, je reviens à Apulée, non pas pour reparler des Métamorphoses, mais pour les juxtaposer avec le récit autobiographique d’Aelius Aristide, dans ses Discours Sacrés – récit qui, lui, est tout autre qu’ambigu, encore qu’il ne soit pas simple. Apulée donne à son expérience spirituelle (si elle est vraiment la sienne) la forme d’un roman autobiographique. Aristide donne à la sienne la structure de l’autobiographie, et c’est sans doute lui, comme on l’a déjà suggéré, qui s’approche le plus de l’autobiographie moderne ; mais Aristide et Asclépios réagissent l’un sur l’autre tout comme les personnages d’un roman particulièrement dramatique. Ces Discours forment une véritable arétalogie ; en cela ils ressemblent à certains des romans. Comme on sait, l’on a suggéré que I’arétalogie constitue l’origine et la base du roman antique ; personnellement, je ne le crois pas, mais je vois bien comment l’idée a pu naître9. Les Discours forment un récit romanesque, peut-être même romancé, en ce sens que l’auteur ne manque pas d’imagination, ne fût-ce que dans ses rêves. L’on dirait même un personnage en quête d’auteur, ou en quête d’un roman.

14Ce ne sont que des rapprochements. Mais ils suggèrent que l’on ferait bien d’ajouter, à la liste des ancêtres de l’autobiographie que l’on trouve dans l’Antiquité, le genre du roman.

Notes

2 G. Misch, Geschichte der Autobiographie, vol. 1, Leipzig-Berlin, Teubner, 1907 ; consulter surtout l’édition révisée et traduite en anglais, Cambridge (Mass.), 1951 ; p. 17 : « In reality the channel for all the essential tendencies of autobiography was cut in the ancient world, and Augustine’s work is not a beginning but a completion. »

3 « It is not what happens to people that is significant, but what they think happens to them » : A. Powell, Books Do Furnish a Room, Londres, Little Brown and Company, 1971 ; Fontana Paperbacks Edition, 1983, p. 157.

4 Toutefois, au sujet de la nature de la biographie dans l’Antiquité, on se rappellera l’observation d’A. Momigliano : « We shall not understand what biography was in the fourth century if we do not recognize that it came to occupy an ambiguous position between fact and imagination […] Biography was preceded or at least inspiringly accompanied by fiction. » In The Development of Greek Biography, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1971, p. 46-56.

5 A. Boudard, Le Café des pauvres, Paris, La Table Ronde, 1983, p. 250.

6 J. I. M. Stewart, A Memorial Service, Londres, Methuen Paperbacks, 1977, p. 182.

7 Julien, Lettre 89B Bidez-Cumont : παρὰ τοῖς ἔμπροσθεν. Pour la date d’Héliodore, voir C. S. Lightfoot, « Facts and fiction : The Third Siege of Nisibis (AD 350) », Historia, no 37, 1988, p. 105-125. La datation au IIIe siècle est probable, mais non certaine.

8 Cnémon : Hld. I, 9-2,12 (avec des interruptions) ; Hippothoos : Xén. Éph., 3, 2.

9 Voir R. Merkelbach, Roman und Mysterium in der Antike, Berlin, Beck, 1962 ; cf. id., Die Hirten des Dionysos, Stuttgart, Teubner, 1988 (pour le cas de Longus).

Auteur

University of California, Irvine.

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